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[40K/WHB][VO] Hammer and Bolter


Messages recommandés

Bonjour à tous, bonne année et bienvenue dans cette nouvelle chronique de feu le webzine de la Black Library, Hammer & Bolter. Au programme de cet onzième opus, de l'homme bête mythique, du Night Lord sadique, du Counter frénétique (pléonasme), du McNeil anecdotique (incroyable, le bonhomme aime Stephen King et David Gemmell ! Les bras m'en tombent), et pour commencer, un dernier carré méphitico-sonique dans les ténèbres du lointain futur. Pas clair ? Lisez donc la suite...


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The Carrion Anthem - Annandale:

The Carrion Anthem aurait pu être une nouvelle de bonne – ou tout du moins, correcte – facture, n'eut été la fâcheuse tendance de son auteur, David Annandale, à balancer des idées (lesquelles sont souvent intéressantes, il faut le reconnaître) sans se donner la peine de les étayer suffisamment, de sorte de permettre au lecteur lambda de comprendre la logique de son raisonnement et d'apprécier l'inventivité de sa démarche. Pour donner un exemple qui sera sans doute familier aux habitués de cette section, si Mr Annandale avait écrit Prospero Burns, il aurait sans doute omis de préciser ce qu'il entendait par le sibyllin aphorisme popularisé par Dan Abnett : « il n'y a pas de loups sur Fenris ». Voilà une phrase, qui, sortie de son contexte, ne peut qu'interpeller le fluffiste averti, et c'est bien tout l'art d'Abnett d'arriver à justifier son propos hérétique au fil des lignes. Ce talent n'est malheureusement pas aussi répandu qu'on le souhaiterait parmi les plumes de la BL, et son absence manifeste transparaît tristement dans cette première contribution de David Annandale, à qui je souhaite néanmoins une longue et prolixe carrière littéraire au sein de la sombre librairie1.

Tout avait pourtant bien commencé, Annandale situant son propos sur Ligeta, ou la Carrhaix du Segmentum Pacificus (comprendre qu'il s'y passe tellement peu de chose que c'est pour ses événements culturels que la planète est – un peu – connue). Ressassant ses rêves inassouvis de gloire sanguinolente, le général Corvus Parthamen, notre héros, est sur le point d'assister à la première de la nouvelle création de son génial jumeau, compositeur de son état. Problème, Corvus souffre d'amusie, ce qui le rend incapable d'apprécier à sa juste valeur le travail de son frère. Vous avouerez que ce n'est pas tous les jours que l'on évoque cette condition particulière, et il convient de saluer cet effort d'originalité de la part de David Annandale. Malheureusement, il faut un peu plus qu'une entame prometteuse pour donner lieu à une nouvelle mémorable, et passée cette ouverture singulière, le propos à vite fait de verser dans une intrigue et des péripéties d'une banalité assommante.

À cette conformité décevante (manifestation chaotique en règle, débouchant fatalement sur un affrontement entre les derniers défenseurs de Ligeta, menés par Corvus Parthamen, et les assaillants inféodés aux Dieux Noirs) s'ajoute donc la maladresse avec laquelle David Annandale développe, ou plutôt ne développe pas assez, certaines de ses idées, pour un résultat assez contre-intuitif pour le lecteur. Exemple le plus flagrant : l'inclusion de Typhus et de ses Marines de la Peste en tant qu'antagonistes contraste fortement avec la façon dont se déclare et se propage l'infection chaotique, ici un virus psychique contenu dans la mélodie de la nouvelle composition du frère du général Parthamen. Sans doute ne suis-je pas le seul à penser, peut-être naïvement, que ce vecteur d'infection se rapproche davantage des méthodes des Noise Marines que celles des disciples de Nurgle? De même, le recours au personnage de Typhus, figure bien connue du panthéon de Warhammer 40,000 ne m'a pas semblé tomber sous le sens, l'amiral du Terminus Est ayant pu tout aussi bien être remplacé par un de ses lieutenants sans que la portée et le sens de la nouvelle s'en trouvent bouleversés. En effet, aucun des « attributs » de Typhus n'est mis à profit dans le récit, qu'il s'agisse du Terminus Est (relégué à un simple rôle de transport), de la ruche du destructeur ou des zombies de la peste2, ce qui rapproche sa participation à The Carrion Anthem d'une vile opération de cachetonnage, indigne du statut d'un tel personnage.

Pour finir, passons rapidement sur les quelques incohérences et maladresses émaillant la nouvelle (comme par exemple le fait qu'une forteresse abritant cinq mille soldats ne compte pas un seul canon laser ni lance-missiles dans son arsenal) pour évoquer le dernier point clivant de The Carrion Anthem, sa conclusion. David Annandale achève ainsi son propos par un laïus confus sur le caractère oppressif de l'Imperium, dont les principes autoritaires en font un instrument de choix pour les Dieux du Chaos. On retrouve ici l'idée bien connue (sous-tendant, entre autres textes, la saga Soul Drinkers de Ben Counter) de la perversion des fins par les moyens, déployée sans grande conviction ni adresse par un Annandale manifestement pressé de mettre un point final à sa nouvelle. En conclusion, à vouloir trop lutter contre le Chaos, on fait le jeu de ce dernier, donc soyez coulants avec vos hérétiques les gars. C'est Eisenhorn qui doit être content.

1 : Carrière confinant jusqu'ici au matraquage publicitaire bête et méchant, le sieur Annandale débitant les e-books consacrés aux exploits des Space Marines (loyalistes comme chaotiques) à un rythme soutenu. Le Chains Of Golgotha (ainsi que la nouvellinette rattachée, Evil Eye), retraçant la villégiature agitée de ce vieux ronchon de Yarrick sur le Space Hulk du bon Gazgkull (la croisière s'amuse à tabasser de l'impérial) me semble infiniment plus attrayant que le reste de sa bibliographie.

2 : À moins qu'il ne faille voir dans la participation de Typhus dans la corruption du « monde de la chanson » un clin d'oeil de David Annandale au patronyme du premier capitaine de la Death Guard, autrefois connu sous le nom de Typhon Calas.


The Gods Demand - J. Reynolds:

Le retour de Josh Reynolds dans les pages de Hammer & Bolter, cinq mois après son honnête The First Duty s'effectue en terrain connu, mais à une échelle supérieure. Le temps des patrouilles dans la banlieue du Talabecland, à traquer des enfants du Chaos de niveau 2,7 en compagnie d'une poignée de rednecks (les fans du chevalier Hector Goetz, héros de The First Duty, peuvent toutefois retrouver leur idole dans le long format Knight Of The Blazing Sun) est en effet révolu : place à de l'épique avec un grand E, en l'occurrence, le récit des dernières heures du siège de Hergig par les hordes du Seigneur des Bêtes Gorthor. Les protagonistes demeurent donc inchangés par rapport à la première publication de l'autre Reynolds (ne pas oublier Anthony, spécialiste Bretonnie et World Eaters de la BL1), Hommes-Bêtes et Impériaux se mettant joyeusement sur le coin du museau pour la possession des ruines fumantes de la capitale provinciale du Hochland.

J'ai déjà eu l'occasion de dire ici mon intérêt pour les nouvelles développant et donnant corps au fluff officiel (dans le cas de Hammer & Bolter, on pensera à Charandis et Feast Of Horrors), et je ne pouvais donc considérer The Gods Demands qu'avec un a priori favorable (doublement favorable même, mon passif de joueur de l'Empire et des Hommes-Bêtes concourant en outre à fausser mon jugement d'habitude si impartial -humour-). J'attendais beaucoup de cette histoire, et dois reconnaître que je n'ai pas été déçu par cette dernière, Josh Reynolds étant parvenu à insuffler dans son propos la dimension héroïque nécessaire à tout récit estampillé Time Of Legends. Ce succès repose en grande partie sur les mise en scène et description soignées des deux figures centrales de la nouvelle, Gorthor et Mikael. Le premier exsude une aura de grandeur funeste tout à fait appropriée, contrastant vivement avec le pragmatisme borné et animal de ses sous-fifres, dépeints par Reynolds comme une arme à double tranchant dont le Seigneur des Bêtes doit se servir avec précaution. En effet, le statut d'Elu des Dieux de Gorthor apparaît comme une source plutôt limitée de légitimité sur les chefs de sa horde, à moins de décapiter les plus remuants parmi ces derniers à une fréquence soutenue. Et quand les chamanes se mettent à leur tour à ruer dans les brancards, la situation devient incroyablement délicate pour le Seigneur des Bêtes, dont le génie stratégique doit céder devant les pulsions névrotiques de ses suivants (greuh, on fonce).

Sa Némésis est, quant à elle, décrite comme un leader à la résolution fanatique, refusant obstinément de reculer face à l'envahisseur bestial. On retrouve donc le Mikael cruel et impitoyable sommairement dépeint dans les Livres d'Armée de l'Empire, proche à bien des égards de la folie affligeant Marius Leitdorf. Reynolds va même jusqu'à suggérer à mots couverts que cette impétuosité sanguinaire pourrait être causée par les enchantements imprégnant les crocs runiques, hypothèse séduisante qui ne demande qu'à être développée plus avant dans le futur.

Logiquement conclu par l'affrontement final entre les deux généraux au moment où le siège est rompu par l'intervention des chevaliers du Soleil, The Gods Demand satisfera autant le fluffiste à la recherche d'informations sur l'organisation d'une horde d'Hommes-Bêtes et/ou la cour du Hochland que le lecteur en quête d'une nouvelle nerveuse et maîtrisée. Les clins d’œil adressés par Josh Reynolds à ses modèles littéraires (en particulier les références à l’œuvre de Lovecraft) et aux joueurs de Warhammer (pumbagors en furie, long fusil presque efficace) achèvent de faire de cette deuxième contribution à Hammer & Bolter une réussite indéniable, et le point d'orgue de ce onzième numéro.

1 : Josh, quant à lui, semble avoir repris le fauteuil autrefois occupé par Steven Savile, c'est à dire celui de Mr Vampire. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un œil sur ses dernières productions, consacrées en grande partie aux diverses lignées de suceurs de sang hantant le Vieux Monde (Neferata, Master of Mourkain, Master Of Death, Ghoul King I et II). Ajoutez à ceci quelques piges pour les inusables Gotrek & Felix (Berthold's Beard, Blood Sport, Charnel Congress), une pincée d'épopées de Space Marines (le lot de tous les prospects de la BL, m'est avis), et même une petite aventure au côté de Zavant Konniger (The Riddle Of Scorpions), et vous obtenez le profil d'un futur cadre de la maison, si tout se passe bien.

Phalanx (ch. 12) - Counter:

La fin approche sur le Phalanx, les Soul Drinkers survivants se rapprochant insensiblement de l'inévitable évasion du vaisseau forteresse des Imperial Fists. Cet antépénultième chapitre du roman feuilleton de Hammer & Bolter se concentre sur deux théâtres d'opérations distincts, chacun porteurs d'enjeux spécifiques. Au niveau micro, Sarpedon n'en finit plus de tuer le Chapelain doublement renégat Iktinos, qui, comme dans toutes les bonnes séries B d'action, n'était en fait pas si mort que ça à la fin du dernier chapitre. Ajoutant l'infamie au déshonneur, Sarpy inflige à son ancien conseiller, pas encore tout à fait remis de sa récente grillade au prométhéum, une petite séance de trouillothérapie débridée, transformant Iktinos en légume (mais attention, en légume poêlé) qui, avec un peu de chance, passera à table au prochain épisode1. La confrontation entre le maître de chapitre mutant et le dreadnought essayiste se précise, le bon Reinez devant, sauf erreur de ma part, venir compliquer un peu plus des retrouvailles qui s'annoncent d'ores et déjà comme animées.

Au niveau macro, les Imperial Fists et tous leurs copains marounes tentent tant bien que mal de contenir le projet X initié par Abraxes et ses minions. Vladimir donne de sa personne pour refouler un Buveur de Sang déjà fortement éméché, le soiffard se faisant proprement perforer par une escouade de Devastators qui traînait dans le coin. De l'autre côté du champ de bataille, Luko et ses hommes prennent à revers un contingent de démons de Nurgle mené par un Grand Immonde hilare et véloce, puisqu'il parvient à battre à la course un Space Marine (honteux). L'Archiviste Tyrendian a alors la riche idée de se faire passer pour un Twix afin de sauver l'inqualifiable Luko de l'estomac du Démon Majeur (il l'aurait bien mérité, notez). Twix parfum grenade, l'altruiste psyker se mettant en surcharge juste avant de faire connaissance avec la colonie de Nurglings squattant la panse du Grand Immonde. Résultat, un papier peint à refaire sur un rayon de deux cent mètres, un nouveau nom biffé parmi les personnages centraux des Soul Drinkers et un assaut démoniaque repoussé... pour le moment.

Profitant de l'accalmie, la ligue des gentlemen extraordinaires improvise un conseil de guerre remarquablement serein (personne ne suggérant de tuer les Soul Drinkers sur le champ – où est Reinez quand on a besoin de lui ? -), au cours duquel il est convenu que les condamnés à mort emprunteront un passage dérobé2 pour aller refermer la porte Warp d'Abraxes et Cie, ou mourront glorieusement dans la tentative. Le Prince Démon ayant eu l'amabilité de faire son entrée dans le Phalanx juste au niveau des docks du vaisseau, il me paraît tout à fait plausible que les Soul Drinkers, une fois leur mission suicide accomplie, se fassent la malle en Thunderhawk, avec l'approbation tacite des loyalistes. Tout sera alors bien qui finira bien. Confirmation de ce scénario au prochain épisode, avec les deux derniers chapitres de Phalanx.

1 : Et voilà une métaphore rondement filée.

 

2 : Il est révélateur du laisser aller manifeste régnant chez les fils de Dorn que l'idée ait été soumise par un Soul Drinkers et non par un Imperial Fists, lesquels ne semblaient même pas au courant de l'existence du passage en question.

Shadow Knight - Dembski-Bowden:

Étrange nouvelle que ce Shadow Knight, commis par un Aaron Dembski-Bowden visiblement peu convaincu par son propos. Pour être honnête, ce texte semble être la réponse du berger à la bergère, cette dernière répondant au nom de Sarah Cawkwell et s'étant à de multiples reprises illustrée par la platitude navrante de ses écrits. Reprenant dans les grandes lignes le schéma narratif de Cause And Effect (à savoir, une sous-péripétie impliquant Gileas Ur'Ten, Space Marine du chapitre des Silver Skulls et héros récurrent de Miss Cawkwell – intérêt : nul - ), ADB livre ainsi un compte-rendu peu inspiré d'un épisode mineur de la vie de Talos, principal protagoniste de la (sinon) très bonne série des Night Lords.

À la recherche de matériel récupérable dans un Space Hulk, Talos et la première griffe de la dixième compagnie (Cyrion, Uzas, Xarl) tombent nez à nez avec une petite force de Blood Angels, bien décidés à reprendre l'épée que Talos a dérobée à un de leurs champions (cette obsession des Blood Angels pour Aurum – le nom de l'épée en question – constitue l'un des running gags de la saga, chaque tentative se soldant par un échec coûteux en vies d'Anges de la mort). Après avoir rapidement expédiés les pauvres scouts en combinaisons spatiales qui constituent la première vague des loyalistes, les quatre affreux se réunissent pour décider de la marche à suivre... et Talos est frappé par une vision, ce qui réduit drastiquement ses capacités de leader, et force ses acolytes à se débrouiller tous seuls. La narration restant malgré tout braquée sur le chef de la griffe, en dépit de son état comateux, la suite de l'accrochage entre Night Lords et Blood Angels est couverte en quelques lignes lapidaires, par le biais du compte rendu fait par Uzas et Xarl à Cyrion après les faits. Pareillement, la mini bataille spatiale entre les vaisseaux respectifs des deux forces est résumée en un paragraphe, ce qui est un peu court jeune homme. La plume de Dembski-Bowden a beau rendre l'ensemble très digeste, voire plaisant lorsque les Night Lords palabrent de la suite à donner aux opérations après que Talos ait succombé à sa crise de narcolepsie hallucinogène, il n'en demeure pas moins que Shadow Knight constitue à mes yeux la production la plus faible d'ADB à ce jour.

Il va sans dire que la connaissance des personnages principaux de la série Night Lords ainsi que des événements relatés dans cette dernière constitue un prérequis appréciable (mais pas obligatoire) à la lecture de Shadow Knight, dont l'action se déroule peu avant l'attaque de la treizième croisade noire sur le système de Crythe, et constitue de fait une sorte d'avant-propos à la trilogie d'Aaron Dembski-Bowden. Au final, je pense que cette nouvelle aurait davantage eu sa place en introduction du (futur) omnibus Night Lords qu'en conclusion de ce onzième numéro de Hammer & Bolter, même si la lecture de ces quelques pages n'a absolument pas relevé du chemin de croix littéraire, le « pire » d'ADB surpassant allègrement le « meilleur » d'autres auteurs de la BL.

Cette onzième publication de Hammer & Bolter ne contient donc aucun texte sortant de l'ordinaire, en bien comme en mal. S'il convient de reconnaître dans le Gods Demand de Josh Reynolds une nouvelle bien maîtrisée et positionnant son auteur aux premiers rangs des « hot new talents » vantés par la Black Library, le reste du numéro tend plutôt vers le passable, les talents de conteurs de Dembski-Bowden compensant les approximations narratives d'Arrandale. Counter, quant à lui, continue à manifester dans son Phalanx la terne mais robuste efficacité stylistique lui ayant permis de devenir une figure respectée au sein de la maison d'édition de Nottingham. La suite au prochain épisode, comme le veut la formule consacrée et, d'ici là, bonnes lectures !

Schattra, patience et longueur de temps valent mieux que deux tu l'auras

Modifié par Schattra
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Et bien voilà, nous y sommes enfin. Un peu moins de trois années auront été nécessaires au bouclage de la revue critique des douze premiers numéros de Hammer & Bolter, travail de longue haleine plusieurs fois mis en suspens, et que je suis soulagé de terminer une bonne fois pour toutes. Même si le successeur d'Inferno! a rejoint son illustre aîné dans la tombe après à peine plus de deux ans d'existence (pour rappel, Inferno! a été publié de 1997 à 2004), son impact sur la Black Library a été significatif, notamment parce qu'il a permis à une nouvelle génération d'auteurs de faire ses premières armes à une échelle moins intimidante (mais pas moins exigeante) que le pavé de 300 pages qui demeure encore aujourd'hui le produit phare de la maison. Et même si les quelques 34 nouvelles (sans compter les extraits de romans, et le feuilleton du Phalanx) se sont révélées être de qualité inégale, le rapport qualité prix du webzine, les quelques pépites disséminées dans ce dernier, et le plaisir sadique éprouvé lors de la chronique des plus beaux ratages littéraires des plumes de la BL, me font regretter la disparition précoce de Hammer & Bolter. Les grands bouleversements promis dans un futur proche au sein de l'organisation de GW mèneront peut-être à sa résurrection, ou à sa réincarnation sous une nouvelle forme, mais d'ici là, il me reste encore 14 numéros à passer à la moulinette, ce qui, au vu de mon train de tortue sénatrice et cumularde, devrait me tenir occupé au moins jusqu'en 2017. Il y a de la marge.


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Venons en donc à l'objet de cette ultime critique de l'an 1, le douzième numéro de Hammer & Bolter. En haut à droite de l'Archiviste Salamanders en train de danser la Macarena1, trois noms se détachent sur la couverture. Et quels noms : Sarah Cawkwell, Ben Counter et Gavin Thorpe, aussi connus sous les noms de Mme Laborieuse, Mr Bourrin et Mr Too Much. Un casting trois étoiles donc, ce qui, divisé par le nombre de sections du numéro (c'est à dire six), nous donne une bonne idée de la qualité globale de ce dernier : pas folichonne, à première vue tout du moins. Chacun des trois auteurs cités plus haut ayant contribué à Hammer & Bolter au cours de l'année écoulée, j'avais déjà une petite idée de ce que j'allais trouver dans les pages du webzine, et je dois reconnaître que l'idée de lire une nouvelle de Gavin Thorpe traitant du destin d'Aenarion (attendez, je la refais pour vous mettre dans l'ambiance, « traitant du destin d'Aenarion »), une interview et la conclusion (étalée sur deux chapitres) du Phalanx de Ben Counter et quoique ce soit de Sarah Cawkwell ne m'inspirait pas plus que ça. Que voulez-vous, le lot d'un chroniqueur n'est pas toujours enviable. Tout le monde ayant le droit à une deuxième/quatrième/treizième chance, il n'était toutefois pas question de se laisser décourager par le caractère fastidieux et ingrat de la tâche à venir. Comme on le verra plus tard, on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise.

1 : Vous ne me ferez pas croire qu'il s'agit d'une posture martiale digne du guerrier ultime de la galaxie. Je ne vois pas contre quel type d'ennemi le type de garde « bras croisés, pistolet relevé » pourrait se révéler efficace. Même les sbires des films de Michael Bay sont plus crédibles, c'est dire.

Bitter End - Cawkwell:

Sarah Cawkwell nous revient avec une histoire qui, pour une fois, fait l'impasse sur ses chers Silver Skulls, ce qui, en soi, est déjà une bonne nouvelle (de l'habitude naît l'ennui). Ayant été chargée par ses éditeurs d'écrire un roman (The Gildar Rift, dont le premier chapitre figure également au sommaire de ce numéro) mettant aux prises les ennuyeux condisciples du bon capitaine Gileas Ur'Ten avec les Red Corsairs de Huron Sombrecoeur, Cawkwell a semble-t-il poussé le zèle jusqu'à rédiger une nouvelle centrée sur le fameux tyran de Badab, afin de pouvoir s'approprier au mieux la personnalité du bonhomme. Le lecteur est donc invité à marcher dans les traces de l'ancien maître de chapitre des Astral Claws lors d'un de ses raids sur l'Imperium, ce qui s'avère être plus plaisant que d'accompagner Ur'Ten dans ses pérégrinations galactiques : le simple fait de suivre une figure bien connue du fluff au lieu d'un capitaine Space Marines lambda aiguise l'attention du lecteur, qui peut enfin se raccrocher à un élément familier au lieu de patauger intégralement dans l'imaginaire tortueux de Sarah Cawkwell. Première satisfaction.

Notre propos débute sur un agrimonde en déréliction (faut dire qu'après un Exterminatus, même le maïs Monsanto a du mal à pousser), sur lequel, comme tous bons méchants de série B, Huron et son « partenaire » , un dénommé Dengesha, meneur d'une cabale de sorciers ayant fait scission de la légion des Word Bearers, se retrouvent pour parler affaire. Le Huron de Cawkwell est en effet décrit comme une sorte de parrain mafieux en armure énergétique, tout prêt à conclure des deals léonins avec quiconque est assez fou pour penser qu'il tiendra sa parole (ce qu'il semble faire rarement). On est assez loin du personnage décrit par Chris Pramas dans la nouvelle Into The Maelstrom (collectée dans le recueil du même nom), sociopathe certes rusé mais visiblement peu intéressé par la négociation, mais pourquoi pas. Huron a besoin des services de Degensha et de ses potes pour une raison très terre à terre : plus il s'éloigne du Maelstrom, plus la protection accordée par son Hamadrya décroît. Il souhaiterait donc raccorder une batterie psychique (une âme quoi) à son petit animal de compagnie afin de pouvoir aller piller hors de sa zone de confort en toute sécurité. Sors couvert, t'as bien raison mon p'tit Huron. Les psykers du tyran n'étant apparemment pas capables de réaliser l'opération tous seuls (qui pourtant me semble être le B-A BA du sorcier du Chaos), ce dernier vient demander l'aide de Degensha1, qui en retour de ses services recevra le contrôle du monde sur lequel Huron a localisé l'âme qui servira de Duracell à son crapaud de compagnie. Tope là mon gaillard, cochon qui s'en dédit.

La deuxième partie de la nouvelle décrit l'attaque des Red Corsairs sur le monde en question, afin de mettre la main sur une certaine sœur Brigitta de l'ordre de la Rose de Fer, parangon de justice et de bonté, mais leader militaire épouvantable. Après avoir laissé toutes les Forces de Défense Planétaire à proximité se faire laminer sans lever le petit doigt (envoyer ses forces au compte-goutte contre des Space Marines du Chaos, c'est vrai que c'est une stratégie tout à fait viable), notre pauvre Chanoinesse décide en effet de faire un dernier carré au cœur du temple de l'ordre, soi-disant pour préserver ce dernier de la profanation des forces du Chaos. D'instinct, j'aurais plutôt tendance à penser qu'un échange nourri de bolts à l'intérieur d'un lieu saint a plus de chances de dévaster l'endroit qu'autre chose, mais peut-être qu'au 41ème millénaire, ça ne fait que rajouter du cachet à la décoration intérieure. Enfin, Brigitta ne semble pas penser un seul instant qu'elle et ses sœurs ont la moindre chance de prévaloir face à leurs assaillants, ce qui témoigne d'une foi en l'Empereur assez vacillante, bien loin du fanatisme que l'on attend de la part de l'Adepta Sororitas. Je ne sais pas pour vous, mais si mon supérieur passait son temps à répéter : « Ah les gars, qu'est-ce qu'on va prendre cher, mais essayons de mourir dignement », j'aurais peut-être tendance à déprimer. On est loin de la Soeur Aescarion de Counter, qui s'enquille des Space Marines comme qui rigole. De là à qualifier la Rose de Fer d'ordre mineur, voire minable, il n'y a qu'un pas que je serais bien tenter de franchir. Toujours est-il que Huron s'empare sans trop de difficulté de son trophée, et l'usage qu'il en fera en surprendra plus d'un2.

Malgré les quelques ratages listés plus haut (et soyez sûrs que j'en ai laissé quelques uns de côté pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur), Bitter End s'impose facilement comme la meilleure production de Sarah Cawkwell à date, ce qui n'est pas grand chose, tenons-nous le pour dit, mais qui prouve amplement que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. On ne peut qu'apprécier cette lente montée en puissance de Miss Cawkwell, qui doit maintenant consolider ce nouveau niveau d'écriture et s'efforcer de ne pas retomber dans ses travers passés. You go girl, you go.

1 : Degensha qui ne semble pas être non plus le plus dégourdi des pratiquants des arts occultes : après cinq mille ans d'études du Chaos, n'être pas foutu de déterminer l'origine d'un bouclier psychique, ce n'est pas franchement brillant. Je suppose qu'il a du retaper quatre mille neuf cent quatre-vingt dix-huit fois sa deuxième année de BTS sorcellerie.

 

2 : Et oui, vous ne rêvez pas, Sarah Cawkwell nous a bel et bien concocté un twist final. Grossier certes, mais étant donné le passif de la demoiselle, il s'agit d'une agréable surprise (un peu comme si le collier de nouilles confectionné par votre cher bambin pour votre fête présentait des couleurs assorties : du progrès dans la médiocrité).

Aenarion - Thorpe:

Les penchants pour le grandiose du sieur Thorpe en matière de littérature sont aujourd'hui bien connus. Si cette capacité à auréoler de grandeur la moindre action d'un personnage est appréciable lorsque ce dernier est effectivement un être d'exception, elle peut cependant vite prêter à rire dès lors qu'elle n'est plus équilibrée par une salutaire sobriété à un moment ou à un autre. Lorsque le héros de l'histoire s'appelle Aenarion, premier Roi-Phénix et probablement le mortel le plus puissant à avoir jamais foulé le monde de Warhammer, que les side kicks répondent aux noms d'Idraugnir, Caledor ou Eoloran (roi des Anars, elfe liiiiiiiiiibre), et que Gavin Thorpe est aux commandes, on est en droit à s'attendre à un résultat tenant plus de la chanson de geste médiévale que de la nouvelle d'heroic fantasy. Chose promise, chose due : prépare-toi lecteur à une édifiante leçon de vie, qui élèvera ton âme misérable à un niveau insoupçonné.

Tout commence par quelques paragraphes qui n'auraient pas dépareillés dans la section background du dernier Livre d'Armée Hauts-Elfes, Thorpe retraçant rapidement de sa prose emphatique l'origine de la guerre entre les démons et les Zoneilles. Cette introduction se termine sur un avertissement sans frais : ce qui suit n'est rien moins que le moment le plus important de cette guerre, et donc de l'histoire de Warhammer, et donc de l'histoire de Games Workshop, et donc de l'histoire de l'Angleterre, et donc de l'histoire du monde. Il n'est pas trop tard pour faire demi-tour, lecteur impudent.


Nous voilà donc à la gorge de Caethrin, pas loin de la forge de Vaul. Une armée elfique est réunie pour faire ce qu'elle fait depuis une bonne centaine d'années : poutrer du démon. Particularité de l'ost d'Ulthuan, il ne semble n'être composé que de nobles et de princes, chacun stuffé comme un Sud Coréen sur World of Warcraft. La horde démoniaque compense par un écrasant avantage numérique, qui, on s'en doute, ne va pas peser lourd face à l'awesomeness généralisée de ses adversaires. Et en effet, la bataille qui s'ensuit tient plus du massacre de bébés phoques sur la banquise arctique que de l'affrontement équilibré. Caledor invoque des Soleils Violets apocalyptiques sur 2+ relançables, Eoloran brandit une version upgradée de la Bannière du Dragon Monde (tous les démons dans un rayon de 50 pas se prennent 15D6 touches de force 19), Idraugnir carbonise des centaines d'adversaires à chaque attaque de souffle, la moindre flèche elfique se révèle être une grenade vortex et tout le monde a le coup fatal héroïque. Et Aenarion, me demandez-vous ? Et bien, mes amis, Aenarion se fait chier, car il ne trouve pas le plus petit démon majeur à se mettre sous la dent.

D'ailleurs, cette absence lui semble assez suspecte, et il en fait part à ses conseillers lors du traditionnel pot d'après bataille (laquelle se termine sur le score sans appel de 865.942 à 0 pour les locaux1). Caledor en profite pour remettre sur le tapis une discussion qui traîne depuis un petit siècle, la création d'un vortex qui permettrait de se débarrasser une fois pour toutes des démons. Ce à quoi Aenarion répond que, minute papillon, t'es pas un peu fada de vouloir bannir la magie d'Ulthuan, étant donné que sans ça, on se serait fait exploser dans les grandes largeurs depuis belle lurette ? Et Caledor de contrer en disant que c'est le seul moyen de régler le problème définitivement, puisque les démons respawnent avec une régularité de mob dans une zone de didacticiel. Non franchement, sauf ton respect mon roi, tu me donnes le feu vert et je te concocte un enchantement aux petits oignons en deux temps, trois mouvements2. Ces agréables mondanités sont brutalement interrompues par l'arrivée d'un messager, qui vient confirmer le pressentiment d'Aenarion : l'armée écrasée par les Elfes dans la journée n'était qu'une diversion, le véritable objectif des démons était Averlorn, qui a été ravagé par les rejetons du Warp. Plus grave, toute la smala du Roi Phénix est supposée avoir péri dans la catastrophe, ce qui plonge l'auguste souverain dans le désespoir et le lecteur dans l'incompréhension.

De deux choses l'une : puisqu'Ulthuan est saturée de magie et que les démons sont libres de se matérialiser où bon leur semble (et sous-entendu que les Elfes soient au courant de ce point de détail, ce qui devrait être le cas étant donné que Caledor n'est rien de moins que le plus grand mage Elfe de tous les temps), soit Aenarion a commis une erreur stratégique impardonnable en prenant toute son armée avec lui et en laissant le reste du territoire à la merci des démons (auquel cas, bien fait pour sa tronche), soit il existait jusqu'à récemment une règle de fair play implicite entre les belligérants, stipulant qu'on avait pas le droit de s'en prendre aux villes non défendues (ce qui serait chevaleresque de la part des démons). Quoi qu'il en soit, Aenarion pète une durite, fracasse son trône, déchire sa bannière3, se met une coquille d’œuf de dragon sur la tête et s'en va en hurlant que vraiment, c'est trop injuuuuuste et puisque c'est comme ça, il va aller chercher l'Epée de Khaine sur l'Île Blafarde et devenir Smaug (« I will become Death »). Ses conseillers tentent de lui faire comprendre que c'est peut-être pas la meilleure idée qu'il ait eu, Caledor se fendant même d'un petit poème prophétique en vers de huit pieds pour l'occasion. Las, Aenarion enfourche Idraugnir et part pour le Nord, à la rencontre de son funeste destin !

C'est à partir de ce moment que la nouvelle bascule dans une autre dimension, Thorpe reprenant les codes de l'épopée mythique pour terminer son récit. Exemple gratuit : pendant son voyage, Aenarion est abordé à quatre reprises par des démons lui conseillant de faire demi-tour (c'est sûr que quand les responsables de la mort de toute ta famille viennent te voir pour te supplier de ne pas faire quelque chose, tu te dépêches de leur obéir), ce qui donne lieu au même dialogue répété et légèrement adapté quatre fois de suite. Après avoir essuyé une tempête, frôlé la noyade et rembarré le fantôme de sa femme, Aenarion atteint enfin son objectif et extrait la Faiseuse de Veuves de sa gangue de pierre. Et Gav Thorpe d'achever son œuvre par le genre de petite phrase satisfaite dont il a souvent l'usage : « Le sort des Elfes venait d'être scellé. » Fin.

Bref, une overdose de grandiloquence qui ne réconciliera certainement pas les Elfes avec ceux qui les trouvaient déjà pompeux et vains, et risque au contraire de faire sensiblement progresser la proportion des elfophobes parmi les lecteurs de la BL. À réserver à un public averti, ou avide de voir jusqu'à quel niveau Mr Thorpe peut élever son emphase. Ceux-là ne seront certes pas déçus.

1 : Oui, vous avez bien lu, les démons n'ont tué aucun Elfe. Qui a dit que leur Livre d'Armée était fumé ?

 

2 : Je vulgarise le propos, le dialogue original étant autrement plus chiadé que ma misérable prose. N'est pas Gav Thorpe qui veut.

 

3 : Oui, celle qui dissout les démons à cinq cent mètres à la ronde. Heureusement qu'Aenarion n'était qu'un sale gosse incapable de gérer la contrariété, sinon Warhammer aurait été encore plus déséquilibré qu'il ne l'est aujourd'hui.

The Gildar Rift - Cawkwell:

Après lecture du chapitre présenté en exclusivité dans Hammer & Bolter, le premier roman de Sarah Cawkwell, The Gildar Rift (ou La Faille de Gildar en version française) semble construit sur un équilibre fragile, non rompu à l'issue des quelques pages mises à disposition du lecteur, mais qui pourrait voler en éclat en un battement de cils. Pour clarifier mon propos, le bouquin a (d'après ce que j'ai pu en lire) une grande force et une grande faiblesse, toutes deux laissées au stade de potentialité à la fin de ce fameux chapitre, et dont la répartition finale décidera de la qualité globale du livre.

Pour commencer par ce qui fâche, le principal risque que court The Gildar Rift est que son auteur ne se révèle égale à elle-même. Dans le cas qui nous intéresse, l'auteur en question s'appelle Sarah Cawkwell, et ce nom n'est pour le moment pas gage d'une littérature très relevée, même en se basant sur les standards de la BL. Sur les quatre nouvelles soumises par la demoiselle à Hammer & Bolter jusqu'ici, trois se sont révélées être d'une banalité sans nom, d'un style quelconque et d'un intérêt proche du néant. Si Bitter End relève quelque peu le tableau, la moyenne de l'ensemble tourne tout de même autour de l'à peine passable, ce qui ne donne pas vraiment confiance au moment de sortir la carte bleue. Tout aussi préoccupant, la participation des Silver Skulls au récit fait craindre que ce dernier ne ressemble aux trois nouvelles insipides consacrées par Miss Cawkwell au Chapitre du désormais tristement célèbre Gilteas Ur'Ten (petite consolation, il semble à première vue que le bonhomme n'apparaît pas dans le bouquin, le rôle du leader Space Marines revenant à un certain Arrun, qui pourrait avoir une personnalité un peu plus savoureuse que celle de son comparse). Si cela devait être le cas, je ne pense pas que quiconque ait envie de se pencher plus avant sur la faille de Gildar, à moins d'y être contraint. En face des vertueux défenseurs de l'Imperium, on trouve les affreux Red Corsairs, menés par Huron en personne, et même si les personnages présentés jusqu'ici n'inspirent pas franchement l'enthousiasme (Taemar, qui semble tout droit sorti du moule générique des Space Marines du Chaos, sans aucun autre signe distinctif que son patronyme, et Garreon le Maître des Corps, ersatz d'Urien Rakarth en armure énergétique), c'est tout de même en eux que repose la meilleure chance de Cawkwell de rendre une copie convenable, la demoiselle ayant prouvé par le biais de Bitter End qu'elle était capable d'animer les sbires du maître du Maelstrom avec un certain succès.

Passons maintenant à l'opportunité la plus prometteuse de ce début de roman, dont la réalisation pourrait accoucher d'une œuvre sans pareille mesure avec le reste de la production littéraire de Sarah Cawkwell. Pour en venir directement au fait, je pense que si elle parvient à équilibrer son propos entre les forces en présence, qui ont toutes deux déjà été présentées comme les protagonistes de précédentes nouvelles (Primary Instinct, Action And Consequence, Cause And Effect pour les loyalistes et Bitter End pour les renégats), sans prendre parti pour un des camps, le résultat ne pourra être qu'intéressant, quand bien même le style et l'intrigue resteraient en deçà de ce que fait la concurrence. Ce canevas bipartite est certes difficile à mettre en place, et nécessite en particulier des personnages auquel le lecteur peut s'identifier chez les « gentils » comme chez les « méchants » (quand bien même une telle distinction ne tient plus si l'auteur fait bien son boulot), mais il présente l'intérêt de créer une tension narrative permanente, comme l'ont démontré Les Cavaliers de la Mort de Dan Abnett et Déluge d'Acier de Graham McNeill.

Au final, si ces quelques pages n'ont pas éveillé en moi le besoin pressant de connaître la suite du roman, je suis bien incapable de me prononcer sur la qualité de ce dernier. Et même si les probabilités penchent fortement en faveur d'un résultat médiocre (la côte, à date, reste de 1 nouvelle potable pour 3 mauvaises), je suis tout prêt à laisser à Miss Cawkwell une nouvelle chance de les faire mentir. On n'est plus à ça près.

Phalanx (ch. 13 & 14) - Counter:

Et nous y voilà enfin. Après onze numéros et douze chapitres à suivre les tribulations des Soul Drinkers et de leurs geoliers à l'intérieur de Phalanx, voici que se profile à l'horizon la conclusion du dernier roman de la série de Ben Counter. Qu'on aime ou pas cette dernière, ce n'est pas sans un petit pincement au cœur qu'on la laissera derrière soi, une fois la dernière page lue. Mais trêve de pleurnicheries précoces, il reste encore deux chapitres à disséquer.

À propos de chapitre, celui des Soul Drinkers a fondu comme neige au soleil au cours des pages, si bien que des 70 évadés des geôles du Phalanx ne restent plus que Sarpedon, Pallas, Graevus et Luko. S'il est entendu que le premier a personnellement trucidé la vingtaine de Marines qui formaient la garde personnelle d'Iktinos, Counter ne donne aucune explication quant à la disparition de la petite cinquantaine de Soul Drinkers encore loyaux à leur commandant. Mettons-la sur le compte des démons d'Abraxes et tenons-nous en là, mais tout de même mon petit Ben, tu aurais pu tenir tes comptes un peu plus sérieusement.


Si je n'ai pas compté le Chapelain renégat parmi les Soul Drinkers survivants, c'est parce que le pauvre Iktinos tombait désormais sous la coupe de la loi Leonetti : brûlé au douzième degré et psychiquement lobotomisé par les bons soins de Sarpedon, le bras droit de Daenyathos n'était plus qu'une coquille vide et fumante de Space Marines, que son adversaire éjecte du Phalanx par un sas de décompression. Ainsi disparaît Iktinos, fils d'on ne sait pas trop qui.

Un peu plus loin, le reste du chapitre, accompagné par une escouade d'Imperial Fists, l'Archiviste Varnica et cette bonne vieille Aescarion s'engage avec prudence sur le Chemin des Égarés, sorte de boyau dérobé au sol jonché de vieux appareils de torture (ça doit être l'équivalent des mouchoirs que l'on retrouve sous le matelas des ados pour ces grands malades de Fists). L'endroit ayant un passé assez chargé en matière de sévices en tous genres, l'arrivée d'Abraxes et de ses larbins a provoqué l'apparition de spectres pas très jouasses, en particulier un certain « Vizir » serpentin, qui ne trouve rien de plus marrant que de posséder le premier Marine qui lui tombe sous la griffe, jusqu'à Varnica ne le boute hors de son nouvel hôte (opa Gandalf style). Cette péripétie mineure ne ralentit pas notre fine équipe, qui avance laborieusement dans les entrailles du Phalanx comme Rogal Dorn lui-même put le faire dix mille ans plus tôt à bord du Vengeful Spirit à la fin du siège de Terra ! Cette analogie ne réussit cependant pas des masses aux Imperial Fists, qui, en tant que PNN (personnages non nommés) sont les premiers à se faire boulotter par les créatures farceuses qui peuplent l'endroit. Le point d'orgue de cette odyssée en sous-sol est atteint lorsque tout ce petit monde atteint le Panpsychicon, l'équivalent futuriste et hautement perfectionné de la méthode Ludovico d'Orange Mécanique, conçu pour faire se mettre à table les psykers récalcitrants. Lorsque la machine se met en marche et commence à brainwasher le capitaine Luko, Counter peut se livrer à un exercice dans lequel il excelle, mais auquel il ne s'adonne malheureusement que trop rarement : le délire onirico-apocalyptique. Ceux qui ont eu l'occasion de lire le dernier volet de la trilogie Grey Knights, Hammer of Daemons, peuvent témoigner de la maestria avec laquelle Ben est capable de dépeindre les visions enfiévrées induites par le Warp, et regretteront avec moi la parcimonie avec laquelle il use de ce talent remarquable.

Toujours est-il qu'après avoir rebooté la machine infernale à coups de hache énergétique, la poignée de survivants finit par arriver devant son objectif final : le portail par lequel les démons ont débarqué sur le Phalanx. Pas de bol, Abraxes en personne les attend pour une partie de ping pong, au cours de laquelle il fend en deux le pauvre Apothicaire Pallas d'un revers slicé mal ajusté. Ainsi disparaît Pallas, fils de on ne sait pas trop qui. La mêlée confuse qui s'engage donne l'occasion à Reinez de refaire son apparition, juste au bon moment car Varnica réalise – un peu tard – qu'il ne pourra pas fermer le portail sans utiliser du sang de Rogal Dorn, ou à défaut, celui d'un de ses descendants. L'escouade d'Imperial Fists accompagnant l'expédition ayant depuis longtemps rejointe la droite de l'Empereur, c'est Reinez qui donne de sa personne pour tarir le flux démoniaque, s'offrant du même coup une sortie de scène digne du héros altruiste qu'il n'a jamais été dans les bouquins1. À la suite de péripéties martiales rigolotes dont je vous passe le détail, Abraxes finit coupé en deux par son propre portail, ce qui permet à Vladimir, Lysander et au reste des Space Marines du Phalanx de concasser l'ost démoniaque sans trop de problèmes. Au moment des retrouvailles, Luko et Graevus préfèrent s'exiler dans le Warp plutôt que de regagner les cellules du Phalanx, et passent donc le portail clopin-clopant sous le regard bienveillant de Lysander2. Ainsi disparaissent Luko et Graevus, fils d'on ne sait pas trop qui.

Et Sarpedon dans tout ça, me demanderez-vous ? Et bien notre Spiderman en armure énergétique reparaît peu de temps après, considérablement amoché par le combat qu'il a livré à Daenyathos, mais victorieux et traînant derrière lui le corps atrophié de son ennemi (qui semble pouvoir survivre hors de son caisson sans trop de problèmes). Comme lui non plus n'a pas franchement envie de retourner en tôle, il ré-ouvre le portail d'Abraxes3 par la seule force de son esprit et le franchit en criant quelque chose comme « Hasta la vista baby », au nez et à la barbe de Vladimir et de ses larbins. Ainsi disparaissent Sarpedon et Daenyathos, fils d'on ne sait pas trop qui, et avec eux le chapitre des Soul Drinkers. Émotion.

Voilà donc qui conclut le roman Phalanx ainsi que la saga Soul Drinkers. En dépit de toutes les piques que j'ai pu décocher à Ben Counter au cours des chroniques précédentes, je dois avouer que le gaillard a su s'y prendre pour dérouler son histoire, et que cette dernière était d'assez bonne facture (en particulier le dernier chapitre, à forte tendance lacrymale, si tant est qu'on ait suivi l'épopée de Sarpedon et de ses potes depuis le début), malgré les nombreuses incohérences ou bizarreries égayant ses pages. L'avenir dira si le duo Abnett-Vincent réussira à livrer un feuilleton d'un niveau au moins égal à celui proposé par Counter au cours de la première année de Hammer & Bolter. Rendez-vous au prochain numéro pour avoir des nouvelles de ce vieux Gilead.

1 : Je vous entends vous demander si Varnica n'aurait pas pu fermer le portail avec une petite quantité de sang et laisser Reinez en vie pour l'aider à poutrer Abraxes. La réponse est non : quand un Astartes donne son sang, c'est forcément au minimum trente litres.

 

2 : Pour des Space Marines se déclarant fidèles à l'Empereur, c'est quand même vachement culotté d'aller prendre sa retraite sur un monde démon. Enfin, ce que j'en dit...

 

3 : Nécessité faisant loi, Counter déclare par la bouche de son héros que le sang de Rogal Dorn coule dans les veines de ceux qui se battent pour les mêmes causes que lui, ce qui lui permet d'ouvrir le portail d'Abraxes sans problème. Moui. Philosophiquement, c'est défendable, scientifiquement, c'est abominable, mais c'était ça ou dépasser le maximum de pages imparti par la BL, alors...

Au final, ce douzième numéro de Hammer & Bolter est certainement le plus dispensable du lot. La prose de Sarah Cawkwell a beau montrer des signes d'amélioration, ses deux soumissions demeurent largement en dessous de ce qui ce fait de mieux au sein de la Black Library, et ne devraient donc intéresser que les fans de la demoiselle (s'il y en a) et/ou les aficionados des Red Corsairs (je reste fermement convaincu que la seule personne passionnée par le background des Silver Skulls à l'échelle de l'univers est Sarah Cawkwell). La nouvelle de Gav Thorpe n'est guère plus attrayante, même si le fluffiste de l'extrême pourra y grappiller quelques détails sur Aenarion et ses suivants. Quant à la conclusion du Phalanx, elle ne fera sens que pour les lecteurs ayant suivi le roman depuis le début. En clair, si vous voulez tester Hammer & Bolter, optez plutôt pour un autre numéro, celui-ci ayant toutes les chances de vous décevoir.

Schattra, la passe de douze

Modifié par Schattra
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Merci pour ce retour, FreDrich_00. L'année 2 se profile à l'horizon, avec un numéro 13 d'un volume assez conséquent, jugez plutôt: 4 nouvelles, un extrait du roman de Gavin Thorpe Deliverance Lost, le premier chapitre du feuilleton Abnett-Vincent et un aperçu de l'audio book de Graham McNeill, The Outcast Dead. Une excellente affaire à vue de nez.

Schattra, à pied d'œuvre

Modifié par Schattra
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Cool moi qui avait acheté sur un coup de tête la compilation physique de cette deuxième année je vais enfin savoir si j'ai bien fait de sauter toutes les nouvelles estampillée "SM-Bill-Approved" :



Sinon oui je confirme que pour ce que j'en ai lu le numéro 13 est un assez bon cru :

- Reparation est vraiment sympa pour du SM-like
- Dead Calm est excellent, d'ailleurs toutes les nouvelles de Josh reynolds sur Marienburg qui suivrons sont de petits bijoux de fluff a mes yeux
- Lesser Evil est très efficace dans son genre, au final classique en mode Bad Company mais relativement maitrisé par l'auteur
- [s]Hunted[/s] Hunted 2 (pour le différencier de de celui de John French) est le seul qui soit à mon avis un peu en dessous, surtout comparé aux autres


Mais je laisse à Schattra le soin de faire sa critique, c'est son boulot et il y prend surement plus de plaisir que moi (en plus de bien mieux le faire évidement) Modifié par JutRed
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Salut JutRed, et merci pour le petit aperçu du numéro 13. J'ai également l'impression que la Black Library a voulu démarrer la deuxième année de Hammer & Bolter sur des bases similaires à celles de la première (le numéro 1 était quand même assez costaud). Si tu en as le temps et l'envie, tu peux tout à fait chroniquer des nouvelles de l'an 2 sur ce thread, qui n'est en rien personnel. À vrai dire, ça ne pourrait qu'aider l'avancement du projet, étant donné mon rythme de travail.

Avant de clore définitivement l'année 1 de Hammer & Bolter, je voulais revenir sur le scandaleusement nommé Best Of Hammer & Bolter: Volume One, qui n'est rien d'autre que la compilation de toutes les nouvelles publiées dans les douze premiers numéros, et ne mérite donc pas l'appellation de Best Of1. Je vous ai donc concocté, lecteurs chéris, mon propre Best Of, qui vaut certes ce qu'il vaut, mais qui a au moins le mérite d'essayer de séparer le bon grain de l'ivraie. Sur les 36 nouvelles en lice, voici ma sélection personnelle de 12 lauréats (6 de Fantasy et 6 de 40K, parce que je suis quelqu'un d'équilibré).

1 : Un best of qui contient quatre nouvelles de Sarah Cawkwell a de quoi dégoûter le néophyte, qui se demanderait avec raison dans quel abysse stygien se situe le niveau moyen des auteurs de la BL, si Miss Cawkwell est considérée comme l'une de ses meilleures plumes.

The Strange Demise of Titus Endor [40K] – Dan Abnett:
Parce qu'Abnett n'a plus besoin de prouver qu'il est le meilleur élément de la Black Library, que sa nouvelle n'est pas mal fichue du tout (même si ce n'est pas la meilleure qu'il ait écrite) et qu'elle intéressera tous les fans de ses travaux inquisitoriaux (Eisenhorn et Ravenor).

A Place of Quiet Assembly [Fantasy] – John Brunner:
Parce que voir John Brunner s'attaquer au tandem sacré de la BL et le faire partir dans une direction très différente de tous les autres auteurs s'étant frotté à cet exercice est hautement délectable. Rafraichissant.

The Long Games at Carcharias [40K] – Rob Sanders:
Parce que les Space Marines sont des buses comme les autres, parfois. Et un super-héros ne peut faire que des super-conneries, c'est bien connu.

The Barbed Wire Cat [Fantasy] – Robert Earl:
Parce qu'il fallait bien que quelqu'un finisse par rendre aux Skavens la dimension terrifiante qu'ils n'auraient jamais du perdre. Des millions de mutants sadiques infestant les souterrains du Vieux Monde, vous trouvez ça drôle? Robert Earl non plus, et il fait très bien passer son message: priez pour qu'ils ne vous prennent pas vivants!

The Iron Within [40K] – Rob Sanders:
Parce que Rob Sanders est un auteur suffisamment doué pour rendre passionnant la trame usée jusqu'à la corde du dernier carré héroïque. Et, encore plus impressionnant, il réussit le tour de force de n'utiliser (presque) que des Space Marines pour ce faire. Ce petit gars est doué.

Grail Knight [Fantasy] – Anthony Reynolds:
Parce qu'on est jamais à l'abri d'une bonne surprise. Une nouvelle épique au sens premier du terme, avec un héros enfin digne de ce nom pour mener les débats. Anthony Reynolds prouve qu'il peut bien faire, quand il le veut.

Flesh [40K] – Chris Wraight:
Parce qu'on ne parle pas assez des Iron Hands, ce qui est fort dommage tant les fils Ferrus Manus ont un fort potentiel romanesque. Pensez donc: des Space Marines loyaux, mais totalement abjects (encore plus que les Dark Angels, c'est dire le niveau). À bas les Schtroumpfs vertueux, les nobles Loulous, les charitables Salamanders et autres vampires compatissants: le 41ème millénaire aura les surhommes qu'il mérite, c'est à dire des machines à tuer dans tous les sens du terme. 0101101011101010 (rire machiavélique codé en binaire).

Marshlight [Fantasy] – C. L. Werner:
Parce qu'il y a des Fimirs dans cette nouvelle. DES FIMIRS!!! Nuff said.

Sir Dagobert’s Last Battle [Fantasy] – Jonathan Green:
Parce que quand on ne l'attend plus surgit l'illumination. Jonathan Green est, lui aussi, capable d'écrire des nouvelles divertissantes (au premier degré s'entend), et même d'y glisser quelques savoureuses notions de fluff. La morale de cette histoire semble être que les Bretonniens sont capables de transcender n'importe quel auteur1 (voir le cas Anthony Reynolds), et c'est tant mieux.

1 : Sauf Gavin Thorpe. Croyez moi sur parole, vous ne voulez pas lire Tybalt's Quest pour le réaliser.

Survivor [40K] – Steve Parker:
Parce que s'il n'en devait en rester qu'une, ce serait celle là. Dan Abnett pourrait bien avoir trouvé son égal en terme de description hyper réaliste de la guerre urbaine. Ajoutez à cela une construction millimétrée, des personnages attachants et un soupçon de fluff pour relever le tout, et vous obtenez un chef d'œuvre.

We Are One [40K] – John French:
Parce qu'il y a des hommages qui valent l'original, parfois. L'original étant ici le corpus de Dan Abnett (Eisenhorn, Ravenor, Legion), vous devriez avoir une petite idée du niveau de l'hommage. Wow, just wow Mister French.

The Gods Demand [Fantasy] – Josh Reynolds:
Parce j'ai trop répété que j'aimais quand la BL approfondissait les détails du fluff officiel pour ne pas faire figurer une nouvelle de ce type dans mon top personnel. La meilleure, évidemment.

Voilà, vous avez maintenant toutes les infos nécessaires pour discuter de la première année de Hammer & Bolter au cours de vos dîners en ville. Et ce sans avoir jamais ouvert le moindre numéro du webzine (peut-être): vous êtes vraiment très forts.

Schattra, ci-gît l'année 1

Modifié par Schattra
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  • 4 mois après...
[quote name='Schattra' timestamp='1391176389' post='2508716']
À vrai dire, ça ne pourrait qu'aider l'avancement du projet, étant donné mon rythme de travail.[/quote]

Tu sais, ton plus grand succès n'aura pas été de chroniquer les 13 volumes de cette première année, mais bel et bien de le faire, inlassablement, sur une période si longue. A travers le feu d'une myriade d'autres activités je suppose, sans perdre de vue ce désir de mener à terme ce projet. C'est ce que je salue, car j'aurais vraiment trouvé dommage que tu nous prive de tes critiques !

Si la revue du numéro 12 de [i]Hammer and Bolter[/i] m'a semblé quelque peu... Négligée ? Part rapport aux autres (plus rapide, un peu moins piquante), tu as su nous réservé un final assez spectaculaire et hilarant, et je t'en remercie.

Si je devais citer une raison qui me pousserait à venir sur le warfo alors que j'ai quitté le hobby, ce serait bien tes chroniques.

Dans tous les cas, je te souhaite bien du plaisir pour la suite, et j'espère sincèrement pouvoir lire d'autres de ces déchaînements de sagacité, de profondeur et de moquerie.
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  • 4 mois après...

Bonjour à tous et bienvenue dans un nouvel épisode consacré au passage en revue de Hammer & Bolter, année 2 ! Qui dit nouvelle année dit nouveaux auteurs, nouveaux personnages, nouveaux extraits exclusifs (bon, ça en était à l’époque) et nouveau roman-feuilleton. Nous voilà donc partis pour un nouveau cycle de commentaires composés vindicatifs et sans concessions : attachez vos ceintures, ça va méchamment chroniquer.


hammer-and-bolter-013.jpg


Gilead’s Curse (ch. 1) - Abnett & Vincent:

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je pense qu’il serait utile de toucher deux mots du contexte du nouveau fil rouge de H&B, dont l’écriture a été confiée à une paire bien connue des fidèles de la Black Library : Dan Abnett et Nik Vincent. Commençons par préciser que nos deux co-auteurs sont en couple (et pour ceux qui se posent la question, Nik est un prénom à la fois masculin – exemple: Nik Kershaw1 - et féminin dans la langue anglaise : c’est un peu l’équivalent du Claude ou du Camille français), et que, dans leur jeune temps, ils ont déjà écrit plusieurs romans à quatre mains (voire 6, comme l’incunable Hammers Of Ulric, auquel a aussi collaboré James Walllis, l’auteur de la série Marks of Chaos) pour le compte de la BL.

L’un de ces travaux de jeunesse fut justement consacré au personnage de Gilead, haut elfe vadrouilleur et plus ou moins maudit, traînant sa carcasse longiligne, sa bad ass attitude et son side kick décrépit (Fithvael de son prénom) aux quatre coins du Vieux Monde à la recherche de son espèce en déclin. Tout cela respirait donc la joie de vivre et l’optimisme (même la figurine Forge World du personnage semble être sous Valium, c’est dire), et a connu un petit succès à la fin des années 90, mais n’a pas fait le poids face au succès du Commissaire Gaunt auprès des lecteurs (comprendre que le personnage n’a eu le droit qu’à un livre, Gilead’s Blood, avant de passer à la trappe). Cela faisait donc un petit paquet d’années que l’on n’avait plus reçu de nouvelles de la part de Gilead lorsque H&B a décidé de remettre le Buster Keaton de Tor Anrok sur le devant de la scène. Bewarrrrrre, bewarrrrrrrre.

N’ayant pas lu le premier ouvrage consacré à notre fringant héros, j’ai abordé cette séquelle avec un respect et un enthousiasme non dissimulés, certain que le résultat serait certainement supérieur à l’honnête mais pas transcendant Phalanx de l’année 1 de H&B. On parle de Mr Dan Abnett tout de même, les enfants. Quant à sa dulcinée, je partais du principe qu’elle s’alignerait sur le style de son compagnon, et que ce dernier s’arrangerait dans le pire des cas que le résultat soit d’un niveau convenable : après tout, Hammers Of Ulric était plutôt sympathique, malgré son intrigue un brin foutraque. Après avoir terminé ce premier chapitre, je ne pus que reconnaître que mes attentes devaient sans doute être revues à la baisse, et que ce nouveau roman feuilleton risquait fort de se retrouver cloué au pilori avec la même fréquence que son prédécesseur. Feth alors.

Pourquoi ce constat amer ? Eh bien, pour commencer, parce que (pour ce premier chapitre au moins), il y a manifestement tromperie sur le produit. Quand on m’annonce un roman co-écrit par Dan Abnett, je m’attends en effet à ce que Dan Abnett participe effectivement à l’écriture dudit roman. Ce qui n’a pas été le cas ici, ou alors de façon tellement marginale qu’elle est virtuellement indétectable. Pour avoir lu à date une quinzaine des bouquins d’Abnett, la majorité d’entre eux en anglais, je pense en toute bonne foi être capable de reconnaître son style d’écriture, et peux donc avancer sans grande crainte de me tromper que sa participation à ce premier chapitre a du se borner à relire (en diagonale) le manuscrit de Nik Vincent, à lui taper dans le dos en lui disant que c’était très bien et qu’il n’aurait pas fait mieux (menteur, menteur, MENTEUR !!!!) et à partager le chèque de la BL.

Si je suis tellement déçu par le manque d’implication d’Abnett sur ce premier chapitre, c’est parce que je n’ai absolument pas été convaincu par le travail de sa chère et tendre. Qu’on me qualifie de Fan boy de base, mais je ne suis pas convaincu que la Black Library soit la maison d’édition rêvée pour l’auteur cherchant à utiliser tous les mots savants de son vocabulaire, comme je ne suis pas convaincu que le l’amateur moyen de la Black Library soit particulièrement sensible à ce effort d’érudition. En ma qualité de lecteur non-anglophone de naissance, j’ai pu cependant enrichir mon champ lexical d’une tripotée de nouveaux mots (poultice, tremulous, palfrey, strata, bleat, wobble, corm, culvert…), ce qui est toujours bon à prendre mais n’est pas vraiment ce que j’attends de ce genre de littérature (il y a Lovecraft –entre autres - pour ça).

Le rythme de narration m’a également semblé détonner très fortement du canon de la BL, s’attardant sur la description d’actions mineures et de détails marginaux avec un souci quasi scientifique. Pour donner un exemple, au début du chapitre, Gilead arrive à un carrefour et manque de se faire voir par un couple de paysans impériaux (Gilead est un sociopathe qui n’aime pas les gens et fuit donc la compagnie, à plus forte raison celle des humains). La femme, Brigida de son petit nom, voit cependant l’ombre de l’elfe se projeter sur la route et prend peur parce que, je cite, « l’ombre est trop longue, c’est un mauvais présage2 ». Les péquenots finissent cependant par reprendre leur chemin (de toute façon, on voit mal ce qu’ils auraient pu faire d’autre).

Les pages suivantes sont consacrées aux ruminations de Gilead, qui était pourtant certain d’avoir fait bien attention, et finit par déduire que ce n’est pas son ombre que Brigida a vu (puisqu’en vertu de la position du soleil au moment de la rencontre, son ombre donnait dans la forêt et par sur la route – ne rigolez pas, Vincent l’écrit noir sur blanc -), et décide en conséquence qu’il doit enquêter sur cette sinistre histoire. Ok les gars, on arrête tout, je pense que j’ai compris pourquoi Gilead tire en permanence une tronche de six pieds de long : sa malédiction le force à vérifier toutes les rumeurs répandues par les gens qu’il croise, même (surtout) si elles sont complètement dénués de fondement et d’un ridicule patenté3. Pour le coup, il se trouve que les craintes de Brigida avaient quelques fondements, Gilead finissant le chapitre à maraver la goule d’un (probable) Dragon de Sang. N’empêche que tout ça est bien laborieux ma petite Nik.

Enfin, et même si Nik Vincent a écrit plusieurs romans de genre, la plupart pour la BL, elle ne m’a pas semblé maîtriser à fond son sujet, tant sur le plan des connaissances de l’univers de Warhammer (pourquoi un vampire ferait-il du feu pour se réchauffer ou dormirait-il sous des couvertures ? un vampire peut-il avoir le souffle coupé ?) que sur celui de la cohérence générale de ses écrits. Gilead est ainsi décrit comme étant capable de se soustraire aux regards des curieux sans même avoir besoin de se cacher, ce qui est admirable et assez logique avec la race et le background du personnage. Par contre, Vincent n’explique pas comment Gilead peut maintenir ce subterfuge en voyageant à cheval : à moins que sa monture jouisse du même niveau de discrétion que son propriétaire, il est fort probable qu’une jument sellée et bridée attire l’attention des badauds, surtout si son cavalier est invisible.

Un autre exemple : Gilead se rend dans un village humain pour commencer son enquête, et se fait donc gauler par la populace en furie en raison du point exposé ci-dessus. Une bagarre éclate (qui dure plusieurs minutes, tout comme le duel de la fin du chapitre dure plus d’une heure : on est loin du fight time théorisé par Viktor Hark – et donc par Dan Abnett - ), et après avoir fait tourner en bourrique tous les péons qui voulaient lui bourrer le mou en évitant gracieusement leurs horions maladroits, Gilead décide que ça suffit et s’en va. Comme ça. Tranquillement. Explication sous-entendue par Vincent : la bagarre est devenue tellement générale (une battle royal comme dans les albums d’Astérix en quelque sorte) que plus personne ne fait attention à l’elfe, qui peut donc partir sans se faire remarquer (avec son cheval, évidemment). C’est vrai que ça passe tellement inaperçu, un elfe à cheval dans un village humain.

Bref, ce premier chapitre fut une franche déception pour moi. J’espère vivement que Dan y mettra un peu plus du sien par la suite, le reste de l’année risquant d’être bien long dans le cas contraire.

1 : Si tu as eu besoin de te reporter à cet astérisque, ami lecteur, j’espère que c’est parce que tu raffoles des commentaires drolatiques qui sont souvent leur raison d’être (auquel cas je te remercie), et non pas parce que, trop jeune pour savoir qui est Nik Kershaw, tu t’es dit que tu trouverais la réponse ici (auquel cas je te félicite pour ton esprit logique – la réponse ici – et je ne te remercie pas car tu me fais soudainement sentir très vieux).

2 : La réaction du mari.

3 : Ce qui explique pourquoi il préfère rester tout seul (et pourquoi il ne retournera plus jamais à Orléans).


Reparation - Smillie:

Après avoir tâté de l’Ogre dans sa première nouvelle publiée par H&B, Andy Smillie nous revient avec une histoire se déroulant dans un futur aussi lointain que violent. La science-fiction gothique siérait-elle mieux à cet auteur que l’heroic-fantasy musclée ? À peine, et c’est malheureux.

La première critique que j’adresserai à cette deuxième publication est qu’elle se situe dans la droite ligne de Mountain Eater sur le plan des transitions narratives brutales, ce qui est toujours aussi désagréable pour le lecteur, en ce que ça l’oblige à revenir fréquemment sur ses pas pour identifier formellement les changements de scènes. Plusieurs fois au cours du récit, on a ainsi l’impression qu’un personnage se matérialise soudainement aux côtés du narrateur, avant de réaliser que cette apparition impromptue s’explique par l’absence de connecteurs logiques entre une scène A (un seul personnage) et une scène B (deux personnages). Résultat : une lecture hachée et pénible, qui ne donne pas vraiment envie de passer l’éponge sur les autres défauts d’écriture de Mr Smillie1.

Le deuxième défaut de Reparation est inhérent à l’intrigue développée par Andy Smillie. Le personnage principal de la nouvelle est un certain Thorolf, Space Wolf fait prisonnier par les Eldars Noirs et contraint de se battre dans les arènes de Damorragh contre ses petits camarades de cellule (toute ressemblance avec Hammer Of Demons, le troisième opus de la série Grey Knights de Ben Counter, est évidemment fortuite). Thorolf fait la connaissance d’Ecanus, un Dark Angel ayant lui aussi oublié de croquer sa capsule de cyanure au moment opportun, et notre paire de surhommes va évidemment faire fi de la défiance millénaire entre lions et loups pour poutrer du mutant, du xenos et de l’hérétique dans la joie et la bonne humeur.

Arrivé au dernier quart de la nouvelle, coup de théâtre : Thorolf se révèle être Ramiel, Chapelain-Investigateur Dark Angel de son état ; et fait la peau à Ecanus, qui n’était lui qu’un sale Déchu perfide. Ce twist final, tout à fait acceptable en soi, est cependant si mal préparé par Smillie que, loin de sauver les meubles, il contribue au contraire à décrédibiliser davantage la nouvelle, qui se termine, comme la majorité de son casting, en eau de boudin.

Cette conclusion laisse en effet trop de questions sans réponses pour satisfaire le lecteur. On ne comprend ainsi pas pourquoi Ramiel choisit de se faire passer pour un Space Wolf auprès d’Ecanus, mensonge qui ne lui rapporte absolument rien (surtout compte tenu de la rivalité entre les fils de Russ et ceux d’El’jonson) et qu’il a toutes les peines du monde à faire avaler à son comparse2. Un millier de chapitres Space Marines, et il choisit le moins adapté à son dessein (enfin, presque : il aurait aussi pu dire qu’il faisait partie des Iron Hands et raconter qu’il s’était fait greffer une main organique à l’insu de son plein gré par un apprenti Tortionnaire qui voulait réviser avant les partiels) ! Mais après tout, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

On ne sait pas non plus comment Thorolf/Ramiel réussit à percer à jour Ecanus, ni pourquoi il choisit de se retourner contre un allié aussi balaise de manière « gratuite » (comprendre qu’il bute Ecanus à la fin du tournoi, alors que les deux auraient pu coopérer pour monter une évasion, et Ramiel attendre d’être tiré d’affaire pour régler ses comptes avec le renégat). Pour la beauté du geste dirons-nous.

Enfin, Reparation est desservi par l’utilisation peu finaude que fait Smillie du fluff de 40K, recraché de manière scolaire et bancale plutôt qu’incorporé de manière fluide au récit. L’auteur a potassé ses fiches d’organes SM, et il tient à nous le faire savoir ! Du cœur auxiliaire à l’hématopigment, de l’oreille de Lyman à la membrane cataleptique, sans oublier bien sûr les incontournables glandes de Betcher (qui seront mises à profit pour un special move ostensiblement piqué à Aaron Dembski-Bowden), Smillie met à profit ses connaissances en matière de physiologie marsouine sans saveur ni génie. Ajoutez à cela quelques faux raccords (qui apparaissent comme mineurs en comparaison des enchaînements sauvages et autres liaisons tronçonnées soulignées plus haut), comme la succube qui prend des douches de sang sans en recevoir une goutte, et vous obtiendrez une bien piètre nouvelle, et un début de réputation à la Sarah Cawkwell pour Andy Smillie. Aïe.

1 : On dirait que Smillie a essayé de découper son histoire comme un monteur de cinéma, en se concentrant sur les passages les plus importants de l’intrigue et en évacuant toutes les scènes de transition n’apportant rien à cette dernière. Si cette technique est viable pour un film (car le spectateur reçoit suffisamment d’informations pour pouvoir immédiatement comprendre de quoi il en retourne), elle est en revanche très difficile à transposer pour une production écrite, où le lecteur a besoin d’être guidé en permanence.

2 : « Eh dis-donc, ils ne sont pas censés avoir des canines surdimensionnées les loulous ? »
« Euh si, mais les Eldars Noirs me les ont limées pour me faire chier. »
« Ah. »

Ou encore

« Tu ne te bats pas du tout comme un Space Wolf en fait. »
« Haha, oui en fait c’est pour surprendre les Eldars Noirs. Ils s’attendent à ce que je sois féroce et impulsif, alors je préfère être calme et posé. »
« Seems legit. »


Deliverance Lost - Thorpe:

Quel meilleur moyen de donner envie aux lecteurs de H&B de claquer 15 euros dans un bouquin que de leur donner en pâture un chapitre exclusif anti-climatique au possible ? Il y a du génie chez les commerciaux de la BL, tout de même.

L’extrait de Deliverance Lost proposé dans ce numéro n’a en effet rien du page-turner abnett-ien (Prospero Burns, Salvation’s Reach) ou dembski-bowden-esque (Aurelian). Il réussit même « l’exploit » de faire moins bien que les offrandes de Kyme (The Fall of Damnos) et de Cawkwell (The Gildar Rift), ne provoquant chez le lecteur qu’un ennui et une frustration croissants au fur et à mesure que les non-évènements s’enchaînent. Le Corax dépeint par Thorpe tient en effet plus de Rain Man (il guide son vaisseau furtif en calculant de tête les solutions de tir de l’armada hérétique) que de Superman, et apparaît davantage comme un rôdeur masochiste (« je vais empêcher mon corps de guérir de ses blessures pour bien montrer que j’ai la haine, tiens ») et associal (« je vous laisse vous démerder les ptits gars, j’ai besoin de passer les 10 prochaines heures tout seul dans le noir ») que comme un sur-surhomme charismatique et omnipotent.

Certes, le contexte est difficile pour le roi corbeau, dont la légion s’est faite sévèrement plumer par ses sœurs renégates sur Istvaan, forçant la poignée de survivants du massacre à retourner vers Terra la queue entre les jambes. Isolés derrière les lignes ennemies, Corax et ses derniers soldats approchent doucement mais sûrement de leur point de transfert Warp, en dépit des bordées balancées à l’aveugle par la flotte ennemie1. Ayant mis jusqu’à son iPhone 7 (et oui, c’est le futur coco) en veille pour tromper les systèmes de détection adverses, Corax guide l’Avenger (le nom de sa coquille de noix) jusqu’au point d’extraction, entraînant dans son sillage une frégate Word Bearers malchanceuse2. On sent bien que Gavin s’est fait plaisir à écrire cette traque, et qu’il a pour ce faire mis à profit ses connaissances de co-rédacteur de Battlefleet Gothic pour immerger ses lecteurs dans le quotidien d’un croiseur de guerre impérial. L’absence de véritable confrontation entre loyalistes et hérétiques ne rend toutefois pas ce passage très palpitant. N’empêche : Thorpe y démontre sa capacité à relater de manière prenante un (quasi) affrontement spatial.

En parallèle à cet arc narratif « macro », on apprend également qu’un légionnaire de l’Alpha Legion ayant usurpé l’identité d’un Raven Guard tombé au champ d’honneur (notamment par le biais d’une greffe de visage express…) est présent dans la soute de l’Avenger, prêt à saboter les efforts de Corax pour rebâtir sa légion exsangue. Cette intrigue annexe n’étant que brièvement évoquée au cours du chapitre, nous n’en saurons pas plus pour le moment. Pour ma part, les futures tribulations d’Alpharius Jr en pays corbeau étant le seul élément m’ayant donné la vague envie de continuer la lecture de Deliverance Lost, je suis resté sur ma faim. Bref, une mise en bouche assez mal foutue et pas vraiment appétissante pour ce nouveau volet de l’Hérésie d’Horus, critiqué en détail ici.

1 : « AAX – 849 »
« Dans l’eau. »
« AAX – 850 »
« Dans l’eau. »
« Je déteste ce job. »

2 : Par pure malveillance semble-t-il, Corax utilisant son syndrome d’Asperger génie mathématique pour attirer le vaisseau ennemi dans le Warp sans trop l’abimer (et condamne donc l’équipage de ce dernier à accueillir un projet X démoniaque), alors qu’il aurait été beaucoup plus facile de « simplement » le détruire. Le gentil de l’histoire est donc un type prêt à sacrifier ce qu’il reste de sa légion pour assurer la mort la plus horrible qu’il soit à une poignée de goons. Tu sens le gars bien dans son armure énergétique.


Dead Calm - Reynolds:

Après Marshlight de C.L. Werner, retour à Marienburg pour une nouvelle rythmée et plaisante du deuxième Reynolds de la BL (Josh). Dead Calm (à ne pas confondre avec Dead Clam, la terrifiante histoire d’une palourde mort-vivante) met en scène le retour du Capitaine1, flibustier vampire au service d’une maison noble de la cité-état, venu chercher son dû après quelques siècles de piraterie. Son employeur actuel, le prince Hermann Eyll, qui souhaite cependant mettre fin au contrat le liant au mercenaire pourrissant, loue les services d’un nécromancien pour assujettir totalement le vampire à sa volonté. Oui, les ressorts de l’intrigue ne sont pas des plus limpides, et c’est le principal reproche que je ferai à Reynolds, qui n’explique jamais de manière satisfaisante pourquoi Eyll tient tant à « renégocier » les termes du contrat, alors qu’il est tout à fait prêt à payer le prix demandé par le Capitaine en échange de ses services.

Le reste de la nouvelle est toutefois un pur bonheur, mêlant action frénétique (dans la veine de ce qu’a réussi à faire Nathan Long dans sa saga Black Hearts), petites touches de fluff (description de l’unterdock et de la milice des égouts de Marienburg, détails donnés sur le culte et les rituels de Manann, petit passage sur le sifflet de Kadon2), ambiance à la croisée de Dread Fleet et de Pirates des Caraïbes3, et personnages attachants. Le héros de l’histoire, un templier de Manann bourru et grande gueule répondant au nom d’Erkhart Dubnitz, est particulièrement savoureux, tout comme sa veule nemesis, le nécromancien Franco Fiducci. La survie des deux compères à la fin de la nouvelle laisse espérer le début d’une série de courts formats dédiés aux aventures de Dubnitz, sur le modèle de la saga Silver Skulls déroulée par Sarah Cawkwell durant la première saison de H&B. Au vu de la qualité de l’épisode-pilote, on ne va pas se plaindre.

1 : Qui s’appelle juste le Capitaine, pour bien montrer que c’est plus capitaine de tous les capitaines. Bien entendu, il parle de lui à la troisième personne. J’aime ce type.

2 : Dans la grande tradition des artefacts invocateurs de monstruosités diverses et variées (Ravenor Rogue, Blood Of The Dragon, meute dorée de Gehenna…), Kadon aurait donc façonné quelques goodies en plus de ses fameux parchemins d’asservissement. Le sifflet dont il est question dans Dead Calm attire tous les krakens, léviathans, requins, serpents de mer, murlocks, cabillauds et flétans à des lieus (haha) à la ronde. Contre-indiqué pour les maîtres-nageurs sauveteurs.

3 : Et dans la continuité de The Gods Demand, un nouveau clin d’œil appuyé à Lovecraft : l’apparition soudaine des enfants de Strommfels (sorte d’hommes-bêtes visqueux et squameux) fait fortement penser au Cauchemar d’Innsmouth. J’applaudis des deux nageoires.


Lesser Evils - Foster:

Vous vous souvenez de The Rat Catcher’s Tail (H&B #2) ? C’était l’équivalent d’un épisode de Dora l’Exploratrice appliqué au monde de Warhammer : une découverte fade et hyper-prévisible du background skaven. Réjouissez-vous bonnes gens ! Grâce à Lesser Evils et au bon Tom Foster, 40K a maintenant son équivalent en terme de nouvelle « didactique ». Rassurez-vous : le résultat est tout aussi convenu et décevant que précédemment.

Le pitch est, comme de juste, d’une simplicité élégante : une équipe de soldats des forces spéciales prend d’assaut un couvent de Sœurs de Bataille pour récupérer une novice identifiée comme psyker latent. Evidemment, la sororité ne l’entend pas de cette oreille et l’extraction tourne rapidement au pugilat. N’ayant pas pensé à recharger son compteur de points de foi après la dernière soirée bingo, l’équipe locale se fait décimer dans les grandes longueurs, et les visiteurs repartent avec le gros lot.

Cette première partie, plutôt orientée action donc, n’est pas franchement mauvaise, Foster ayant convenablement intégré les codes de narration la BL. La valeur ajoutée apportée par l’auteur est en revanche pratiquement nulle, les personnages qu’il met en scène restant tous sans exception soit des stéréotypes sans saveur (l’homme de main tourmenté par sa conscience, la chanoinesse fanatique au dernier degré, l’inquisiteur totalement dépourvu de scrupules…), soit de simples ébauches d’individualités (nom + caractéristique différenciante : vieux/femme/ganger).

La deuxième partie de la nouvelle, qui voit le chef de l’équipe d’intervention faire son rapport à l’inquisiteur qu’il sert, tombe elle complètement à plat. Foster, comme Ford avant lui, nous vend une idée aussi vieille que l’Empereur ( l’Inquisition sacrifiera volontiers des innocents pour arriver à ses fins) comme twist final, ce qui, évidemment, consternera l’immense majorité des lecteurs, qui s’attendait sans doute à un final un peu plus audacieux. Ce n’est pas comme si les séries Eisenhorn, Ravenor (et maintenant Bequin) n’avaient pas déjà exploré en détail – et de manière bien plus intéressante – les méthodes les moins honorables de l’Inquisition.

Décevant sur le fond et insipide sur la forme, Lesser Evils est donc une nouvelle tout à fait dispensable, qui ne risque d’intéresser que les inconditionnels de la page herbier de Taran (spiker, vous avez dit spiker ?).

Hunters - Campbell:

Vous vous souvenez de Commander Shadow (H&B #8) ? Pour être honnête, moi non plus. Et pourtant, il faut faire le lien entre cette nouvelle et Hunters afin de tirer le maximum de ce texte. Merci donc à la BL de n’avoir pas jugé bon de faire un petit mémo à l’attention des lecteurs têtes en l’air, les prévenant que Hunters était, non pas la suite (ce serait trop simple), mais le prélude de Commander Shadow. Ça fait toujours plaisir.

Retour donc sur la planète Cytheria, quelques semaines après l’invasion des Tau. La défense acharnée de la garnison Catachan ne semble pas être en mesure d’empêcher le Bien Suprême de rafler un nouveau monde, la supériorité technologique des « Bleus » réduisant à néant les courageuses actions d’arrière-garde des impériaux. Il faut dire que les Catachans de Campbell ressemblent plus à Cameron Mitchell dans Ultime Combat (surtout le passage où le héros jette son fusil à terre, encaisse sans ciller la demi-douzaine de balles qu’un sbire lui tire à bout portant, tranche le bras de ce dernier d’un coup de machette puis le tabasse à mort avec son propre membre1) qu’à Schwarzie dans Predator. Leur comportement comme leur stratégie est ainsi dicté par leurs énormes cojones plutôt que par de quelconques considérations tactiques ; et quand bien même les trois derniers commandants humains (on présume que les autres gradés sont glorieusement tombés au combat en essayant de détruire un cadre de Riptides au lance-pierre) réussissent à monter une opération un brin sensée - infiltrer le QG ennemi pour dégommer l’Ethéré de faction - , ils décident de se charger seuls de l’exécution de cette mission suicide, afin d’être sûrs de ne laisser aucun officier supérieur pour coordonner la résistance au cas où les membres de la fine équipe se feraient tous tuer ou capturer par l’ennemi.

Mais ce n’est pas grave, car les Catachans sont des headless snakes, dixit ce vieil Ezrah Mihalik (la malheureuse némésis du Commandeur Shadow dans la nouvelle éponyme : je ne spoile donc pas grand-chose en vous révélant qu’il finit Hunters en – presque – bonne santé) : même si on leur coupe la tête, ils peuvent continuer à se battre. C’est drôle, cette métaphore m’évoque plus le lombric que le cobra, mais on va dire qu’elle fait référence à un serpent natif de Catachan plutôt qu’à nos bêtes reptiles terrestres, qui eux ne font pas trop les malins une fois décapités. Ou peut-être est-ce un hommage discret de Campbell à la fameuse formule du grand Steven Savile2. Au vu du nombre de conneries dites ou faites par nos super soldats d’élite3, je pense qu’on pourrait plutôt parler de brainless snakes, mais je vous laisse seuls juges.

En dehors de cette mission d’infiltration, sorte de rapport de bataille Commandos scénarisé dont les meilleurs passages donnent à voir ce à quoi ressemble l’occupation Tau d’une ville humaine (et laissez-moi vous dire que ça évoque plus Paris pendant la seconde guerre mondiale que Woodstock pendant le Summer of Love), et les pires révèlent quel était le vrai objectif de nos trois chasseurs, Campbell fait naviguer le lecteur entre flashbacks récents (la mise sur pied de l’opération) et anciens (l’initiation de Mihalik sur Catachan, merveilleuse planète où les pré-adolescents servent d’appâts lors des campagnes de dédiabolisation – même principe que la dératisation, mais avec des diables de Catachan - ). Le hic, comme pour Reparation, est qu’il oublie de signaler de façon claire où commencent et finissent chacun de ces passages, ce qui amène à des quiproquos grotesques. La première partie de la nouvelle relate ainsi la prudente et pénible traversée d’une plaine herbeuse par nos héros, qui mettent plusieurs heures à couvrir les quelques mètres qui les séparent de leur objectif… puis semblent soudainement se matérialiser dans la tente de Mihalik, en plein milieu du camp de base des Catachans.

Le fait que ces changements de temporalités ne soient même pas signalés par un saut de ligne m’incite à penser que la faute repose sur le maquettiste de H&B plutôt que sur l’auteur de la nouvelle, car je ne pense pas que ce dernier aurait pu en son âme et conscience opter délibérément pour une mise en page aussi confuse. Toujours est-il que le lecteur en est quitte pour quelques rétropédalages perplexes, afin de reconstituer le puzzle narratif mis en place par Braden Campbell. Au final, Hunters est une nouvelle à l’image de ses héros : pleine de bonne volonté mais risible (et même attachante) d’inefficacité. Ce n’est pas une conclusion de la trempe de Grail Knight ou de Survivor, mais ça laisse le lecteur de meilleure humeur qu’à la fin de The Rat Catcher’s Tail (kill me…) ou de Mountain Eater (kill me with fire…).

1 : Je parle du bras tranché du sbire hein, petits fripons. On n’est pas dans Clodo et les Vicieuses.

2 : « He had lived with the notion that an army was like a snake, sever it head and another would grow to take its place. » Il fallait y penser.

3 : « On ne peut rien faire contre les Taus, ils sont capables de tirer des missiles sans avoir de ligne de vue sur leur cible ! Ce n’est pas naturel ! (sic) »
« Un peu comme un barrage d’artillerie quoi. C’est vrai que c’est une technologie tellement avancée que ça fait des millénaires qu’on l’utilise.»


Voilà qui conclut cette revue du numéro treize de Hammer & Bolter. Et il n’y a même pas eu de skavens dedans (tristesse). Je dois bien reconnaître que le début de cette nouvelle année est bien moins intéressant que ce qui avait été proposé douze mois auparavant, même Abnett (à supposer qu’il se soit impliqué dans l’écriture du premier chapitre de Gilead’s Curse, ce qui reste à démontrer) se révélant en deçà de son niveau habituel. Foster fait de très discrets débuts, Smillie confirme ses lacunes, Reynolds son potentiel, Campbell passe de potable à passable et Thorpe torpille pour passer le temps. Rien de bien folichon donc, mais ne perdons pas espoir : le meilleur reste à venir !

Schattra, tout n’est qu’un éternel recommencement.

Modifié par Schattra
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  • 4 semaines après...
  • 1 mois après...

Bonjour à tous et bienvenue dans la critique du 14ème numéro de Hammer & Bolter! Au menu de cette chronique de fin d’année, trois nouvelles peu folichonnes et le deuxième chapitre de Gilead’s Curse, objet littéraire non identifié et pour le moment assez décevant. Ah, ça vend du rêve, je sais.

@ FreDrich_00: Merci de ton soutien camarade! smile.gif


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Gilead’s Curse (ch. 2) - Abnett & Vincent:

Nous avions laissé Gilead en plein combat avec un « mystérieux » chevalier à la fin du chapitre 1. Le deuxième épisode du roman-feuilleton commence donc logiquement par la conclusion de cet affrontement épique (quelques heures de baston non stop, tout de même) entre l’elfe dépressif et sa némésis vampirique, dont les performances se trouvent réduites par l’arrivée du jour nouveau. Le duel est toutefois interrompu par l’arrivée inopinée d’une foule de paysans en colère, bien décidés à cueillir des champignons se débarrasser du suceur du sang squattant la forêt municipale depuis quelques mois.

Bien évidemment, Vincent n’explique pas comment ces bouseux ont réussi à trouver leur proie (que Gilead a mis deux jours entiers à débusquer), ni pourquoi ils ne se sont décidés à agir que maintenant : ce serait beaucoup trop convenu et rationnel. Toujours est-il que, d’un commun accord, nos deux bretteurs décident de mettre le match en pause et de filer à l’albionnaise avant l’arrivée des hooligans. Oui oui, Gilead laisse tranquillement partir le vampire qu’il avait juré de neutraliser, confiant dans le fait que ce dernier soit trop mal en point pour poursuivre ses déprédations, même s’il reconnaît néanmoins qu’aucun humain normalement constitué n’est capable de lui tenir tête. J’aurais plutôt tendance à penser que les nombreuses blessures subies par le disciple d’Abhorash ne l’incitent au contraire à picoler quelques litres de rouge dans la ville la plus proche afin de se refaire une santé, mais passons.

Après quelques jours passés à récupérer de ce premier rendez-vous galant, pendant lequel il a gagné quelques bleus et bosses, notre héros reprend sa quête, et finit par déboucher dans un village qui semble abandonné. Flairant le mauvais coup, il poursuit son enquête jusque dans les souterrains du bourg, où il tombe très logiquement sur l’inévitable colonie skavens locale, ainsi que sur les survivants hagards de la malheureuse expédition de dératisation montée par les citoyens du cru. Ayant réussi son jet de compassion (5+ sur 1D6), Gilead se met donc en travers du chemin de la horde scrofuleuse et la taille en rondelles, gagnant par la même occasion un side kick humain maniant la bêche avec un talent inné. Et le vampire dans tout ça, me demanderez-vous ? Et bien le vampire apparaît derrière les skavens au moment où Gilou décide de passer en mode shadow-fast (une sorte de bullet time elfique pendant lequel notre héros se transforme en Flash Gordon), et les deux compères ont tôt fait de mettre les hommes rats en déroute. Ce premier ennemi vaincu, Gilead décide-t-il de poursuivre sur sa lancée et d’en finir avec le chevalier mort-vivant pendant qu’il est encore en forme super saiyan ? Non, bien sûr (je suppose qu’il a raté son test de stupidité) : il lui fait coucou avec son épée et les deux se séparent bons amis. Fin du chapitre.

Vous l’aurez compris, je n’ai que très moyennement goûté ce deuxième épisode, qui n’a fait que confirmer mes craintes quant à la qualité de ce roman feuilleton, à tel point qu’il me semble préférable de faire abstraction de la (non) présence de Dan Abnett au casting de ce dernier, et de juger les travaux de sa chère et tendre indépendamment de ses propres écrits. Dans cette optique, peut-être que le style, très distinct de celui que l’on retrouve habituellement dans les productions estampillés Black Library1, sera plus appréciable pour le lecteur déboussolé que je suis. Comme dit dans la critique du numéro précédent, Vincent lorgne du côté des nouvelles fantastiques de la première moitié du XXème siècle (beaucoup de descriptions pour retransmettre au mieux l’ambiance au lecteur, champ lexical très riche, peu de dialogues, rythme lent, scènes violentes assez rares), ce qui, en soit, n’a rien de condamnable. Je ne sais pas si je pourrais un jour lire des phrases telles que « What had happened to the food chain ? », « Gilead separated another rat from its life force » ou « He counted the torches and worked out how long they might burn for and at what temperatures. » dans une nouvelle BL sans avoir envie de jeter mon ordinateur par la fenêtre, mais je ferai de mon mieux.

Plus grave en revanche sont les nombreuses incongruités qui parsèment le récit, et peuvent être séparées en deux catégories. D’un côté, on retrouve les incohérences d’ordre pratique (par exemple, Gilead arrive à poignarder le chevalier vampire en plein cœur, ce qui fait tomber ce dernier à la renverse : au lieu de capitaliser sur cet avantage chèrement acquis et achever son adversaire mal en point, l’elfe préfère ramasser un morceau d’étoffe pour essuyer sa lame, laissant à son ennemi le temps de se ressaisir2) qui empêchent le lecteur de s’immerger totalement dans l’histoire. De l’autre, on a l’impression que Vincent n’a pas pris le temps de s’imprégner du background de Warhammer, ce qui lui fait commettre des bourdes impardonnables. Les skavens deviennent ainsi sous sa plume des adversaires pathétiques, aux attaques aussi faibles et désordonnées que celles d’un enfant de 5 ans. Pire, ses hommes rats sont tout bonnement incapables de se relever tous seuls quand ils tombent par terre, tant ils semblent manquer de coordination. Pour une race dont l’une des factions principales est constituée d’implacables assassins adeptes des arts martiaux, c’est tout bonnement risible.

En conclusion, un deuxième chapitre guère différent du premier, tant sur le fond que sur la forme. Si la seconde est plus déroutante par sa différence avec le style BL que véritablement mauvaise, le premier est en revanche d’un niveau trop faible pour satisfaire le lecteur, quel que soit niveau d’attachement ou de compassion pour la prose de Ms Vincent et le personnage de Gilead. Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ?

1: Exemple notable : la rareté des dialogues dans la narration, caractéristique particulièrement présente dans ce deuxième chapitre, où seulement 25 mots seront prononcés par les personnages en 18 pages.

2 : Autre exemple marrant, Gilead est décrit comme étant incapable de frapper un adversaire ne lui faisant pas face (honneur elfique oblige), et doit donc se démener pour se placer dans l’arc de vision des skavens qu’il attaque, à plus forte raison car ces derniers font tout leur possible pour fuir ses coups.


The Burning - Kyme:

Après Nik, Nick. Il s’agit cette fois de Mr Kyme, auteur de The Fall of Damnos, roman dont un chapitre avait eu le privilège de figurer au sommaire du quatrième numéro de Hammer & Bolter. Foin d’Ultramarrants, Nick nous revient cette année avec une nouvelle consacrée à son chapitre de prédilection1, les Good Guys Greg d’un lointain futur ravagé par la guerre, l’Armée du Salut du 41ème millénaire, les géants verts du Segmentum Ultima, je veux bien sûr parler des Salamanders.

En guise d’introduction, l’auteur nous prévient d’emblée que le texte en question relate des évènements ayant pris place entre Salamander et Firedrake, les deux premiers tomes de la série consacrée par Kyme aux fiers guerriers de Nocturne. Traduction : « si tu n’as pas lu ces deux bouquins, tu risques de ne rien comprendre à ce qui va suivre2 ». Même pas peur Nick, même pas peur : j’ai survécu à Curse of the Necrarch et Forged Into Battle ; c’est pas une petite nouvelle de rien du tout qui va me faire peur. Bring it on boy.

De quoi est-il donc question dans cet interlude ? Eh bien, de ce que j’en ai compris, The Burning projette le lecteur dans l’inconscient de Da’kir, alors que ce dernier revit les derniers moments de Jeanne d’Arc/Jean Hus/une allumette au cours du concours de combustion spontanée, faisant office chez les Salamanders de test de potentiel psychique. Dans son délire, Da’kir revit/imagine (ce n’est pas très clair) la résistance de son village contre une expédition d’Eldars Noirs en maraude sur Nocturne. Ramené à son statut de simple humain pour l’occasion, ce qui le perturbe fortement (Putain, où est mon armure ? Qui est l’andouille qui m’a chouré mon deuxième cœur ? Et pourquoi est-ce que j’ai la voix de Christophe Willem ?), Da’kir termine sa vision par un affrontement symbolique contre Kadai, feu (haha) le capitaine de la 3ème Compagnie des Salamanders, carbonisé par un tir de fuseur lors d’une campagne contre le Chaos. La nouvelle s’achève par un débriefing entre les deux Archivistes en charge de la supervision de l’épreuve, qui, comme de juste 1) n’ont jamais vu auparavant une recrue potentielle d’un tel niveau 2) se demandent s’il ne vaudrait pas mieux coller un bolt dans la tête, pour éviter les problèmes 3) décident finalement de laisser à Da’kir, qui grésille dans son coin, le bénéfice du doute, car le Tome de Feu contient une vague prophétie de deux lignes qui pourrait désigner ce dernier contre le sauveur du chapitre dans les années à venir.

Si je ne dispose pas du bagage nécessaire pour m’avancer sur la qualité de l’intrigue développée par Kyme dans cette nouvelle, la lecture de cette dernière m’a laissé plutôt froid (un comble). Passe encore le fait que le style de l’auteur soit aseptisé au plus haut point, et que ce dernier n’ait pas fait de grands efforts pour s’assurer que les lecteurs n’ayant aucune connaissance de ses ouvrages consacrés aux descendants de Vulkan puissent comprendre de quoi il en retournait (à la différence des nouvelles écrites par Abnett dans le cadre de ses séries Eisenhorn et Ravenor3) : à mes yeux, les principaux défauts de The Burning sont de deux ordres.

Le premier est son caractère, peut-être pas réel, mais en tout cas ressenti en ce qui me concerne, tout à fait dispensable dans l’arc narratif. C’est triste à dire, mais le récit de l’épreuve de Da’kir m’a immédiatement fait penser aux dispensables aventures de Gileas Ur’Ten, capitaine Silver Skulls favori de Sarah Cawkwell, productions littéraires tenant plus du développement du fluff de l’armée de l’auteur que de nouvelles SF à proprement parler4. On en sait certes un peu plus sur le passé du personnage de Da’kir à la fin de The Burning, mais je doute que ces éléments supplémentaires ne se révèlent particulièrement importants ou même intéressants pour la suite de l’histoire. En tant que lecteur et client, j’en attends plus.

Le deuxième reproche que je ferai à The Burning est le manque d’attention porté par Kyme à la cohérence de son propos. Le diable se cache peut-être dans les détails, mais quand je lis qu’une bande de guerriers humains armés d’arcs et d’arquebuses arrive à faire exploser un Raider et à massacrer son équipage de Cabalites en trente secondes, j’attends que l’auteur m’explique comment les indigènes s’y sont pris pour avoir le dessus sur un adversaire intrinsèquement et technologiquement bien supérieur. Même sans rentrer dans un niveau de détail démentiel, quelques lignes justificatives auraient été les bienvenues, en ce qu’elles auraient prouvé que Kyme était bien conscient du problème causé par ce résultat contre-intuitif. Au lieu de ça, on a plutôt l’impression d’assister à l’adaptation de la bataille d’Endor avec les Nocturniens dans le rôle des Ewoks et les Eldars Noirs dans celui des Storm Troopers.

Au final, The Burning n’est pas la nouvelle qui me réconciliera avec l’œuvre de Nick Kyme, même si son cycle Salamanders me semble de bien meilleure facture que The Fall of Damnos. Oui, le contraire eut été étonnant (et désolant), mais on se console comme on peut.

1 : On ne peut qu’admirer la productivité de Nick Kyme, dont la série compte déjà quatre romans (Salamander, Firedrake, Nocturne et Rebirth) et une dizaine de nouvelles.

2 : Blague à part, je ne peux qu’encourager ce genre de pratiques de la part des éditeurs de Hammer & Bolter, qui permettrait aux lecteurs de ne pas devoir attendre la moitié de la nouvelle avant de réaliser que cette dernière est connectée à une autre histoire précédemment publiée dans le webzine.

3 : Thorn Wishes Talon, Backcloth For A Crown Additional, et mon préféré, Playing Patience.

4 : Pour reprendre la définition donnée par Marc Gascoigne, éditeur chef de la Black Library de 1997 à 2008, dans son introduction du recueil Let The Galaxy Burn, les nouvelles BL doivent se concentrer sur la résolution d’un problème (quelqu’un sait-il comment on éteint un monolithe nécron ?) ou explorer des situations de type « et si… », non couvertes dans le reste du background (et si l’Empereur était en fait un corgi ?).


In the Shadow of the Emperor - Dows:

La première publication de Chris Dows dans Hammer & Bolter est assez déconcertante, en ce qu’elle semble s’inscrire dans un cycle narratif, qui, sauf erreur de ma part, n’a pas encore été publié par la Black Library. Plus habitué à évoluer dans l’univers de Star Trek que celui de Warhammer 40.000, Dows livre une nouvelle à l’intrigue et au déroulé assez opaques, et dont le propos peut être résumé comme suit.

Surpris par la matérialisation soudaine hors du Warp de deux Space Hulks infestés d’Orks, le capitaine Barrabas (aucun rapport explicite avec le lauréat du titre de Mister Jérusalem 33 – Jésus finissant, comme chacun sait, premier dauphin) emmène les rescapés du croiseur impérial Merciless Fist (dont il était le capitaine) sur la surface d’une planète voisine. Poursuivis par des peaux vertes désireux d’aller jusqu’au bout de leur démarche d’extermination, notre petit groupe de survivants tente tant bien que mal de distancer ses assaillants, survivre à la faune locale et empêcher le Commissaire Abdiel de vider son pistolet bolter sur le pauvre Barrabas, pour lequel il voue une haine aussi profonde que succinctement expliquée par l’auteur. Apparemment, le grand-père de Barrabas, sous les ordres duquel Abdiel servait, s’est débrouillé pour détruire son cuirassé Emperor au cours d’un affrontement, ce qui a précipité la disgrâce du Commissaire, accusé par sa hiérarchie d’avoir failli à son rôle en n’exécutant pas le faquin avant qu’il commette l’irréparable. Ayant survécu à l’explosion du vaisseau, Abdiel s’est depuis arrangé pour suivre les descendants de papi Barrabas (eux aussi commandants de vaisseau, comme c’est pratique1) comme leur ombre, prêt à se venger des errements de ce dernier sur sa progéniture.

Ces rapports compliqués – Abdiel passant l’essentiel de son temps à menacer Barrabas d’une exécution sommaire, sans qu’on sache trop pourquoi il se ravise à chaque fois - entre les deux personnages principaux de la nouvelle s’appuient donc sur une histoire commune sommairement brossée par Dows, qui oublie se faisant que le lecteur lambda n’a qu’une notion limitée de la rivalité existant entre ces deux personnages. Pour tirer un parallèle avec un autre duo de la BL aux relations ambigües, c’est un peu comme si on nous demandait de comprendre pourquoi le major Rawne décide de ne pas tuer Gaunt sur son lit d’hôpital à la fin de Necropolis, sans avoir rien lu de la série des Gaunt’s Ghosts auparavant.

Les autres personnages qui gravitent autour du duo central sont traités de la même façon, Dows laissant entrevoir au cours de son récit des bribes d’épisodes antérieurs pouvant justifier les comportements, autrement inexpliqués, de chacun. Par exemple, il n’est jamais clairement expliqué pourquoi l’un des survivants (Barat) prend systématiquement le parti d’Abdiel, alors que le reste du groupe est plutôt enclin à suivre Barrabas. Cet attachement est d’ailleurs mutuel, le Commissaire faisant demi-tour sous le feu de l’ennemi pour chercher un Barat blessé par un tir de mortier. Cette absence d’informations, assez frustrante, se retrouve tout au long du récit, obligeant le lecteur à meubler lui-même les vides laissés par l’auteur, ce qui, à la longue, est assez fatigant.

À ce premier manquement, que j’ai trouvé très rédhibitoire, vient se greffer une narration des plus heurtées, dans laquelle les séquences s’enchaînent sans véritables transitions, ce qui m’a plus d’une fois amené à revenir en arrière afin de m’assurer que je n’avais pas raté un élément essentiel à la compréhension du passage présent. La rareté des connecteurs logiques dans le récit est en grande partie responsable de cette pagaille, et le temps semble parfois s’accélérer ou au contraire ralentir au gré de la fantaisie de Dows. Ce dernier fait ainsi surgir des antagonistes avec la brusquerie de diables en boîtes, qu’ils s’agissent de « banshees », sortes de ptérodactyles à ailes laser (comprendre : capables de fracturer la pierre) chassant en meute2, ou de bandes d’Orks vraiment très furtives (à moins que ce soient les éclaireurs humains qui soient particulièrement nuls, ce qui est très possible).

Enfin, à l’instar des textes précédents de ce numéro (et de manière encore plus accentuée), on a vraiment l’impression que In The Shadow of the Emperor a été écrit au fil de l’eau, sans se soucier que les idées couchées par le papier fonctionnent à peu près correctement, ou même ne soient simplement vraisemblables. Dans la première catégorie, on retrouve par exemple un lieu à la topographie très particulière, invoqué par Dows afin de mettre en scène un dernier carré héroïque entre les hordes peaux vertes et la poignée de survivants impériaux. Imaginez une espèce de promontoire rocheux à la surface plane, uniquement relié à la falaise qui lui fait face par un pont naturel dont le milieu est plus fin que les deux extrémités (Khazad-dum like en quelque sorte). Vous y êtes ? Maintenant, imaginez que ce pont soit constitué de sables mouvants, et vous aurez une assez bonne représentation du décor dans lequel se joue la dernière scène de la nouvelle.

Dans la seconde catégorie, outre l’acharnement et les talents de pisteurs peu communs des Orks de Dows, dont une demie Waaaaaagh semble être aux trousses de la quarantaine de survivants de la bataille navale introductive, et arrive à retrouver la trace de ces derniers à travers marécages impénétrables et souterrains effondrés, on ne peut que soupirer devant la désinvolture de Barrabas, qui ne consent à allumer la balise de localisation bricolée par ses hommes qu’au moment où les Orks arrivent en vue du lieu où les impériaux sont retranchés, soit trois bonnes heures après la découverte du fameux promontoire, formant selon ses propres mots une piste d’atterrissage idéale pour un vaisseau de secours. Vaisseau de secours qui arrive évidemment juste après que les Orks aient été repoussés manu militari, soit quelques minutes seulement après l'allumage de la balise. Il n'est donc pas absurde de penser que Barrabas et ses copains auraient pu s'échapper en douce de la planète si seulement ce dernier avait pensé à allumer son cerveau. Evidemment, le dénouement aurait perdu en héroïsme ce qu’il aurait gagné en vraisemblance, mais à tout prendre, j’aurais préféré que la rationalité l’emporte (pour une fois…) sur l’instinct de bourrinisme bas du front qui pousse certains auteurs de la BL à inclure des scènes de baston dès qu’ils le peuvent dans leurs écrits. Certes, il paraît que dans les ténèbres d’un lointain futur, il n’y a que la guerre, mais tout de même.

Bref, ce ne fut pas le grand coup de foudre avec la prose de Dows, dont l’unique autre contribution aux univers franchisés de Games Workshop a été (pour le moment) une deuxième nouvelle, publiée dans le numéro 22 de Hammer & Bolter. Rendez-vous dans quelques mois pour voir si le bonhomme a progressé.

1 : Ils auraient choisi de devenir fleuristes, il aurait eu l’air fin.

2 : Autre idée brillante s’il en est. N’y avait-il personne au sein de la Black Library pour suggérer à Dows de choisir un autre nom pour ses bestioles indigènes ? Ce n’est pas comme si le terme « Banshee » n’était pas légèrement connoté dans l’univers de Warhammer 40.000…


The Tilean’s Talisman - Guymer:

On termine avec un petit cameo de deux figures bien connues de tous les fidèles de la Black Library, j’ai nommé les iconiques Gotrek et Felix. Mine de rien, cela faisait plus d’un an (et le A Place of Quiet Assembly de John Brunner) que les compères n’avaient pas été mis à l’honneur dans une nouvelle de Hammer & Bolter, et il est donc revenu au petit nouveau David Guymer de corriger cet état de fait en soumettant un texte de son cru. Même si ce dernier ne m’a pas entièrement convaincu, et reste sensiblement en deçà des productions de King et Long, je pense néanmoins que Guymer a un potentiel certain en tant que contributeur à la BL, et suis tout prêt à lui donner une seconde chance si l’occasion présente.

Commençons par les points positifs. En premier lieu, la décision de l’auteur de choisir pour personnage principal Siskritt, obscur skaven de son état et dernier propriétaire du fameux médaillon donnant son titre à l’histoire, est intéressante, en ce qu’elle contraste agréablement avec l’approche classique adoptée par la plupart de ses prédécesseurs, à savoir utiliser Felix comme narrateur. Ce souci d’originalité est de plus renforcé par la construction du récit, qui se divise en deux parties distinctes. Dans la première, Siskritt essaie désespérément de sortir en un seul morceau de l’auberge dans laquelle il a fait l’acquisition du médaillon tiléen, rutilante babiole donnant à son propriétaire l’équivalent d’une sauvegarde invulnérable à 4+, ce qui est toujours appréciable (mais pas toujours suffisant, comme nous allons le voir tout de suite). Malheureusement pour notre ami poilu, un Gotrek très en verve se tient entre lui et la sortie, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences fâcheuses et définitives pour le pauvre raton, en dépit de la protection accordée par son collier fashion. Dans la deuxième partie, on suit l’infiltration du même Siskritt dans la même auberge, à la recherche du médaillon, juste avant que le reste de l’armée skaven ne passe à l’attaque de Sartosa, théâtre de la nouvelle de Guymer. C’est donc une sorte de Pulp Fiction warhammer-esque que nous offre ce dernier, parti pris audacieux et assez réussi je dois dire.

Autre point fort de Guymer, sa capacité à faire ressortir le mélange d’ambition démesurée et de couardise pathologique qui se trouve au cœur de la psyché skaven. Siskritt passe ainsi la moitié de la nouvelle à s’imaginer siégeant au Conseil des Treize, et l’autre à se cacher sous les meubles au moindre bruit suspect. Le passage où il soutire à son ancien propriétaire le talisman à la pointe de l’épée, tout en étant au moins aussi terrifié que sa victime qu’elle l’est par lui, est ainsi particulièrement bien rendu.

D’un autre côté, on peut regretter que l’auteur n’ait pas pris le temps de donner quelques informations supplémentaires au sujet de la quête de Siskritt, dont on ne saura jamais comment il a appris l’existence et la localisation précise du médaillon. Le récit compte également quelques longueurs, particulièrement dans sa deuxième partie, durant laquelle Guymer décrit avec force détails les atermoiements de son héros à chaque fois qu’il doit passer près d’un humain sans se faire repérer, ou ouvrir une porte sans savoir ce qui l’attend derrière. Même si ces descriptions poussées des hésitations continuelles de Siskritt, mégalomane aussi sadique que poltron, aident à comprendre le personnage, elles ralentissent également l’action à tel point que l’on peut à juste titre considérer qu’il ne se passe pas grand-chose dans The Tilean’s Talisman, les péripéties pouvant se résumer ainsi : Siskritt monte à l’étage, prend le talisman, descend et se fait tuer par Gotrek. Sachant que cette nouvelle est vendue trois euros sur le site de la BL, j’ai du mal à considérer que l’acheteur en aurait pour son argent à ce tarif-là.

En définitive, je pense que David Guymer a l’étoffe pour devenir un auteur (skaven) qui compte au sein de l’écurie de la Black Library. La manière dont ce petit gars a su s’approprier l’exercice de style somme toute peu évident que constitue la narration d’une aventure de Gotrek et Felix augure du meilleur pour la suite. À ce titre, il n’est guère surprenant que le premier roman de notre homme, Headtaker, ait été sélectionné dans la shortlist du David Gemmell Morningstar Award 20141.

1 : Le Morningstar Award récompense le meilleur premier roman de fantasy, et si le trophée 2014 a finalement échappé à Guymer, on peut noter que l’édition 2011 a été remportée par Darius Hinks avec Warrior Priest (comme quoi, on peut écrire de mauvaises nouvelles et signer de bons bouquins). En 2010, ce bon vieux Graham McNeill s’était déjà adjugé la récompense suprême (le Legend Award) pour Empire, et était venu chercher sa hache-trophée en kilt et smoking.

Au final, pas grand-chose à se mettre sous la dent dans ce numéro. Nik et Nick se révèlent égaux à eux-mêmes, et il n’y a pas de quoi de rire (sauf de « What had happened to the food chain ? », là c’est permis). On ne se relèvera pas la nuit pour reprendre une dose de Dows, c’est sûr et certain. Il n’y a que Guymer qui vienne jeter une lueur incertaine sur ce morne tableau, et encore. Encore un numéro comme ça et je vais commencer à regretter Phalanx les gars, alors mettez-y un peu du vôtre !

Schattra, "et le numéro 15 en 2015"

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  • 5 semaines après...

Bonjour à tous, et bienvenue dans la critique du quinzième numéro de Hammer & Bolter! Fans de Warhammer Battle, j’ai le pénible devoir de vous annoncer que la livraison de décembre 2011 a la triste particularité de ne contenir aucune nouvelle se déroulant dans le Vieux Monde (ou où que ce soit sur la planète med-fan de Games Workshop), si l’on fait bien sûr abstraction du troisième chapitre du Gilead’s Curse du duo Vincent/Abnett. Et, croyez-moi sur parole, il faut faire abstraction de ce… truc, dont le compte rendu de lecture détaillé peut cependant être consulté plus bas.

Autre caractéristique notable, et cette fois-ci plus positive, ce numéro introduit un nouveau concept éditorial, repris et développé dans les publications suivantes, à savoir la nouvelle en deux parties. Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, nous avons donc affaire à la première moitié d’un texte consacré par Andy Smillie à ses bien-aimés Flesh Tearers, Beneath The Flesh. Enfin, et pour terminer sur le sujet des trouvailles absconses des éditeurs de Hammer & Bolter, vous aurez également le privilège et l’avantage de découvrir un deuxième chapitre exclusif du Deliverance Lost de ce vieux Gav Thorpe, deux mois après avoir pu lire un premier extrait des mésaventures de Coco le Super Corbeau (Hammer & Bolter # 13). Anthony Reynolds et Sarah Cawkwell nous reviennent quant à eux avec des récits de leurs chapitres Space Marines de prédilection : Word Bearers pour le premier (why not?) et Silver Skulls pour la seconde (why?). Bouclez vos ceintures énergétiques les amis, nous voilà partis pour un trip galactique au pays de Papy. Here we go.


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Beneath the Flesh (part I) - Smillie:

Parmi les écrivains de la Black Library collaborant à l’enrichissement de l’univers de Warhammer 40.000, il est une tradition bien établie, celle de l’appropriation d’un chapitre/légion Space Marines (loyaliste ou renégat). Les noms les plus illustres (ou « big boys chapters », pour reprendre l’expression de Sarah Cawkwell) ayant été trustés depuis longtemps par les grands anciens de la BL que sont McNeill (Ultramarines/Iron Warriors), Thorpe (Dark Angels), Counter (Grey Knights), Kyme (Salamanders) ou encore King (Space Wolves), les petits nouveaux ont été contraints de se rabattre sur des confréries de seconde zone, à l’image des anciens1 mais assez peu connus Silver Skulls popularisés par Miss Cawkwell, ou, dans le cas qui nous intéresse, les tout aussi vénérables2 Flesh Tearers de l’ami Andy Smillie.

Chapitre issu de l’éclatement de la légion des Blood Angels après la fin de l’Hérésie d’Horus, les Flesh Tearers sont un peu les Stryges de la grande famille vampirique engendrée par Sanguinius3, c’est-à-dire de grosses brutasses que la vue de la plus petite goutte de sang fait entrer dans un état de rage meurtrière, alors que les Blood Angels, eux, arrivent à canaliser leurs pulsions en faisant de la danse classique ou de la poterie. Considérés avec suspicion par leurs frères d’armes en raison de leurs nombreuses exactions envers les populations civiles au cours des siècles écoulés, les Flesh Tearers mènent une lutte permanente contre les tares de leur patrimoine génétique, bataille qu’ils sont en train de perdre et qui pourrait mener à la disparition prochaine du chapitre. Voilà pour la mise en contexte.

Relatant la mission d’une escouade de Flesh Tearers envoyée récupérer des données sensibles dans une base avancée du chapitre sur la planète d’Aere, et ce alors que la garnison stationnée sur place ne répond plus et que les forces du Chaos menacent de fondre sur l’avant-poste à tout moment (avec un rapport de force de un pour à peu près mille dix-neuf en faveur des cultistes – ne riez pas, c’est écrit noir sur blanc dans la nouvelle – ), Beneath The Flesh n’impressionne pas par son originalité, mais contient tout de même suffisamment d’éléments intéressants distrayants pour que sa lecture ne constitue pas la purge qu’elle aurait pu être. Car c’est une qualité que l’on doit reconnaître aux travaux de Smillie : pour perfectibles qu’ils soient, leur imprévisibilité et/ou incongruité les rend assez fendards à parcourir. Du Counter 2.0 en quelque sorte.

Commençons par distribuer le seul et unique bon point de la nouvelle, qui tient mieux la route que les deux précédentes publications du bon Andy dans Hammer & Bolter. L’auteur arrive à rendre assez bien l’état de tension permanente qui est le lot des Flesh Tearers quand ils sont en opération, leur penchant pathologique pour le prélèvement d’organes à mains nues et sans anesthésie devant être strictement contrôlé sous peine de céder définitivement à la Rage Noire. Et à ce petit jeu-là, les vétérans (comme le sergent Barbelo de l’escouade du personnage principal – Maion –) partent avec un gros désavantage, la tare génétique de Sanguinius les travaillant depuis plus longtemps que les Marines fraîchement intégrés. Le brave Barbelo fait donc (peut-être à dessein) bondir le compteur de conneries dès qu’il ouvre la bouche, mais j’anticipe sur la suite.

Car Beneath The Flesh, c’est d’abord un festival de passages what the fuck-esques, qui continue avec une constance admirable d’un bout à l’autre de cette première partie. Ça commence très fort avec une arrivée sur site de l’escouade de Maion dans un Stormraven qui vient sciemment s’écraser à proximité de la base4 pour des raisons qui continuent à m’échapper à l’heure actuelle, Smillie ne prenant pas la peine d’expliquer pourquoi ses Flesh Tearers ont préféré prendre le risque de tous périr dans l’accident et de bousiller leur seul moyen de quitter la zone avant l’arrivée de l’ennemi, alors qu’un simple atterrissage conventionnel aurait parfaitement fait l’affaire. Pour ma part, je le soupçonne de ne pas bien faire la différence entre un Stormraven et un Drop Pod, mais passons.

Passons également sur les fourreaux d’épée-tronçonneuse, l’identification d’un modèle de magasin d’autocanon (ainsi que sa capacité) à l’oreille, ou encore – et à regret cette fois-ci – sur le kill le plus saugrenu de l’histoire de la BL5 , pour nous concentrer sur le cas du sergent Barbelo. Comme dit plus haut, le loustic s’est spécialisé dans la stupidité crasse une fois sorti du Noviciat, ce qui lui a fort logiquement permis d’accéder à des fonctions de commandement. Refusant catégoriquement au Prêtre Sanguinien qui accompagne l’escouade de s’enquérir des glandes progénoïdes des Flesh Tearers qui étaient stationnés dans la base, sous prétexte que ce n’est pas l’objectif principal de la mission (c’est pas comme si le chapitre était en train de s’éteindre, hein), ne s’émouvant pas le moins du monde de l’absence de cadavres dans un bâtiment maculé de sang et d’organes (« c’est pas l’objectif principal de la mission ! » bis), coupant volontairement sa radio au moment où l’inévitable embuscade est lancée contre ses hommes (qui aurait besoin de coordonner son escouade dans une situation pareille, après tout ?), et adepte convaincu de la scission en groupes de un, Barbelo est une vraie tête de lard comme on n'en croise plus guère au fil des pages de la BL.

Dans un autre registre, force est de constater qu’Andy Smillie a encore du chemin à faire pour amener ses rebondissements de manière un tant soit peu crédible. Ayant – à mon grand soulagement – laissé tomber l’approche du « zapping narratif »6 pour un rythme un peu plus compréhensible, il pêche cette fois par naïveté, les indices égrenés au long de son récit (car un bon twist est un twist dont le lecteur se dit qu’il aurait dû se rendre compte s’il avait fait plus attention à certains détails) ayant la subtilité d’un Nob en méga-armure défoncé aux champignons. Dans le cas qui nous intéresse, il est parfaitement évident que les ennemis des Flesh Tearers sont des gardes impériaux tout ce qu’il y a de plus loyaux, et non pas des traîtres à la solde du Chaos, mais Smillie se fait un devoir de garder cette fausse surprise en réserve pour la suite de la nouvelle avec un imperturbable aplomb. Nous verrons bien comment il décide de révéler le pot aux roses (passablement défraichies) à ses lecteurs dans la deuxième partie de la nouvelle, mais je doute que ça soit très élégant.

Pour terminer, je n’ai pu m’empêcher de noter que Smillie s’est visiblement inspiré des travaux SM – en tout bien tout honneur – de ses petits camarades de jeu pour son Beneath the Flesh. Le lecteur averti pourra ainsi trouver des parallèles et emprunts évidents aux séries Ultramarines (McNeill), Soul Drinkers (Counter), Space Wolves (King) et surtout Night Lords (Dembski-Bowden) dans les aventures de Maion et de ses comparses Flesh Tearers. Cette reprise des formules gagnantes d’autres auteurs de la Black Library aide Smillie à construire un récit un peu plus consistant que ses précédents travaux, ce qui est évidemment appréciable, même si l’originalité de l’ensemble pâtit évidemment de ce choix. En même temps, c’est une histoire de Marounes, alors…

1 : Présents dans le livre Rogue Trader de 1987 tout de même.

2 : Même chose que ci-dessus.

3 : Qui était véritablement maudit puisque ses descendants ont eu le douteux privilège d’être immortalisés par James Swallow dans la tristement célèbre quadrilogie Deus Encarmine – Deus Sanguinius – Red Fury – Black Tide, avant que Smillie (Mountain Eater et Reparation, tout de même) ne vienne s’approprier le plus célèbre des chapitres successeurs des archanges aux blanches canines.

4 : Le Techmarine de la fine équipe coupe les moteurs et les rallume juste avant l’impact, ce qui ne sert strictement à rien au final puisque le fier vaisseau termine sa course dans le même état qu’une compression de César. Cette scène mémorable a été fidèlement adaptée dans Madagascar 2.

5 : Etape 1 : Arracher le crâne du cadavre de votre dernière victime en date.
Etape 2 : Balancer le dit crâne sur le torse d’un nouvel adversaire.
Etape 3 : L’impact écrase quelques côtes : le cœur s’arrête de battre. Fatality

6 : cf la critique de Mountain Eater


Gilead’s Curse (ch. 3) - Vincent:

Petit avertissement sans frais : ce troisième chapitre de Gilead’s Curse remporte haut la main le prix du texte le plus étrange jamais publié par la Black Library, toutes époques confondues et très loin devant les contributions (souvent assez barrées) de Barrington J. Bayley, Brian Craig ou John Brunner. On ressort hébété, confus et vaguement nauséeux de cette immersion dans la prose subliminale de Vincent, à tel point que je me suis sérieusement demandé comment les éditeurs de la BL avaient pu laisser passer cette curiosité (pour reprendre le titre d’un nouvelle d’Abnett), qui aurait plus sa place dans un numéro de Weird Tales de 1937 que dans un de Hammer & Bolter de 2011.

Permettez-moi de commencer cette critique par une mise au point d’importance : contrairement à ce que laisserait entendre le titre du roman-feuilleton, Gilead n’apparaît que très marginalement dans cet épisode, la vedette revenant au « Roi des Rats » (Rat King), personnage skaven se rapprochant plus de la némésis de Casse-Noisettes que d’un véritable suivant du Rat Cornu. Le Roi des Rats possède une amulette magique dont la première utilité est d’agir comme un catalyseur d’énergie, aspirant la vitalité des êtres proches de son porteur pour la communiquer à ce dernier. Les skavens ne vivant pas vieux, notre corpulent anti-héros décide de mettre la patte sur Gilead, qui, en sa qualité d’elfe, lui permettrait d’atteindre l’immortalité en une seule opération, ce qui lui permettrait de faire davantage de trucs intéressants, comme répéter en boucle1 la même phrase au fond de sa tanière, mutiler gratuitement ses lieutenants ou encore enfouir sa merveilleuse amulette entre deux bourrelets pour le plaisir de sentir cette dernière le bruler au troisième degré.

Comme ça avait déjà été le cas dans l’épisode précédent, les skavens de Vincent détonnent fortement de la représentation qui en est faite par le background officiel, à tel point que je soupçonne l’auteur de n’avoir qu’en tout et pour tout jeté un œil à l’illustration de couverture du dernier livre d’armée de cette noble race en guise de recherche documentaire. Outre le fait que ce fameux Roi des Rats constitue une anomalie de taille dans la hiérarchie skaven (Vincent ne fait aucune référence au Conseil des Treize, aux quatre clans majeurs, ni même au Rat Cornu), Vincent dote ses ratons de caractéristiques et de traits de caractères inédits, pour un résultat des plus surprenants.

Par exemple, lorsque le Roi des Rats réunit ses suivants pour leur ordonner de lui rapporter Gilead (parce qu’il veut Gilead hein, pas n’importe quel elfe), les vibrations émises par son arrivée dans la salle conduisent les plus jeunes skavens à une folie meurtrière et à un massacre collectif de centaines d’individus. Un peu plus loin, Vincent décrit la manière dont les skavens s’organisent pour trouver Gilead (tenez-vous bien, c’est pas piqué des vers) : chacun cherche un emplacement dans l’empire souterrain et colle son oreille à la paroi du tunnel dans l’espoir d’entendre les vibrations produites par le passage de l’Elfe s’il venait jamais à passer dans le coin2. Pendant ce temps, le Rat King attend dans son antre (que Vincent, apparemment fière de sa trouvaille, présente comme la seule salle de l’empire skaven ne disposant que d’une seule entrée – et donc, une seule sortie – , ce qui colle tout à fait avec la paranoïa congénitale des hommes rats) en soliloquant sur l’étendue de sa richesse… évidemment mesurée en or et en gemmes, et non pas en malepierre (terme qui n’apparaît d’ailleurs pas une seule fois du chapitre). Bref, on peut remercier Nick Vincent de faire vivre le concept du multivers, central dans la conception originelle du fluff de Warhammer, en situant son propos dans un Vieux Monde alternatif. C’est ça, ou Mme Abnett s’est contentée de s’asseoir sur plus de trente ans de fluff pour écrire son récit. Choose your side.

Au-delà de ces profondes divergences au niveau de l’historique, la lecture de ce troisième chapitre est rendue assez laborieuse par le style d’une Vincent en roue libre, multipliant les descriptions baroques (« sucking the refracted pinpoint luminescences from the drops of saliva that coated their tongues » moui…), répétant en boucle les mêmes lignes de dialogue, partant dans des digressions à l’intérêt douteux, ou au contraire, éludant des éléments pouvant aider à la compréhension. L’impression générale n’est certainement pas celle d’un écrivain professionnel maîtrisant son sujet et déroulant un récit au synopsis bien structuré, mais plutôt celle d’une mystique couchant sur le papier ses visions apocalyptiques avant de les oublier3. À l’instar du Roi des Rats, Nik Vincent ne semble pas bien savoir ce qu’elle fait, et laisse le lecteur se dépatouiller avec sa prose hallucinée. Je n’ose imaginer la surprise du fanboy anglais de douze ans tombant par hasard sur Gilead’s Curse et s’imaginant que le contenu serait similaire aux travaux elfiques de Thorpe, McNeill et King. C’est peut-être pour cela que les éditeurs de Hammer & Bolter ont prudemment décidé de placer le roman-feuilleton après la première partie de Beneath the Flesh (alors qu’il figurait en première place auparavant), afin de ne pas laisser croire au lecteur lambda que la BL pouvait proposer des nouvelles aussi extrêmes (ce qu’elle ne fait plus depuis bien longtemps).

Bref, Gilead’s Curse atteint un nouveau seuil d’étrangeté au cours de ce troisième chapitre, et impose définitivement Nik Vincent comme l’électron libre de la BL. On s’aperçoit également que liberté et qualité ont beau se terminer de la même façon, ils ne sont malheureusement pas synonymes. Du coup, j’ai vraiment hâte de lire la suite!

1 : ‘He will come, so he will. He will come. When he comes, for come he will, I’ll live forever. I won’t live for now, not just for now. I’ll live forever.’ * 10 (avec quelques variantes).

2 : Véridique. Et c’est cette race de débiles mentaux qui est censée avoir instrumenté la chute de Nagash, presque conquis la Lustrie et annihilé l’empire des Nains ? On doit pas parler des mêmes.

3 : Exemple parlant, Vincent décrit un duel entre deux skavens de la manière suivante : « He took the bloodiest wound low in his gut or perhaps high up in his thigh. The resulting spurt of blood probably emanated from the femoral or iliac artery.” Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle laisse planer un doute sur l’endroit de la blessure et sur l’origine du saignement. En tant que narratrice omnisciente, elle devrait être en mesure de trancher cette question, qui n’a d’ailleurs qu’un intérêt très limité dans l’histoire. Au lieu de quoi, on a l’impression qu’elle commente un match de boxe depuis le dernier rang des tribunes.


Torment - A. Reynolds:

Anthony Reynolds nous revient avec une nouvelle qui sert d’épilogue à la trilogie (Dark Apostle, Dark Disciple, Dark Creed) consacrée par le bonhomme aux Word Bearers, et plus précisément au personnage de Marduk, Premier Acolyte du 34ème Ost de la Légion de Lorgar. Pour n’avoir lu aucun de ces romans, et aborder les publications de Reynolds avec une méfiance non dissimulée, je dois avouer que le résultat est plutôt réussi, dans la veine du Grail Knight publié dans le Hammer & Bolter n°6.

La nouvelle retrace la fuite éperdue de Burias-Drak’shal dans les entrailles de la Basilique du Tourment, édifice cyclopéen servant de forteresse et de lieu de culte à la XVIIème Légion. On comprend rapidement que Bubu était un adversaire malheureux de Marduk, condamné par ce dernier au confinement dans un sarcophage de Dreadnought en punition de sa traîtrise. Réussissant à faire ressurgir Drak’shal (le démon avec qui il partage son corps) avant son entrée en boîte, Burias parvient à se libérer et à fausser compagnie à ses geôliers, mais pourra-t-il échapper longtemps à ses innombrables poursuivants?

On retrouve dans Torment les deux points forts de Reynolds, dont la présence et la combinaison lui permettent (quand il est inspiré) de signer des textes assez intéressants : une bonne maîtrise du fluff (à la fois dans ses références au background officiel et dans les ajouts qu’il fait à ce dernier) et un souffle épico-onirique lui permettant de ne jamais faire retomber la pression – et l’intérêt du lecteur avec elle – jusqu’à la conclusion de son récit. En basant sa nouvelle dans un lieu aussi chargé d’histoire et symbolique que la Basilique des Tourments, Reynolds joue sur du velours, et s’offre une ultime virée dans le sacro-saint des Word Bearers, profitant au passage pour faire intervenir quelques personnages que j’ai deviné être importants dans sa trilogie (Burias-Drak’shal et Marduk, mais également Eshmun, Kol Badar, et même cet asocial de Lorgar, le temps d’un petit caméo); tout en faisant faire au lecteur le tour du propriétaire de la « capitale » des Porteurs du Mot, endroit folklorique s’il en est. Petit bonus, mais appréciable néanmoins, la mini-révélation finale1, si elle peut être percée à jour assez tôt dans le récit par une lecture attentive du texte, porte tout de même et confère au dénouement de Torment une dimension mélancolique justement dosée.

1 : Très inspirée du final de Brazil, ou plus récemment, de celui de Sucker Punch.

The Pact - Cawkwell:

5ème publication pour Sarah Cawkwell dans Hammer & Bolter, The Pact voit le retour des Silver Skulls, à la fois sur le devant de la scène, mais également sur leur monde originel, Lyria, abandonné au cours du 32ème millénaire suite à une invasion démoniaque en bonne et due forme. Le personnage principal de la nouvelle n’est autre que le Prognosticator Bhehan, qui avait déjà fait preuve de son talent à jeter des runes toutes les cinq minutes au cours de la première soumission de Miss Cawkwell, Primary Instinct. Cette fois débarrassé de l’insipide Gileas Ur’ten (capitaine de la huitième compagnie aux dernières nouvelles), Bhehan est escorté par l’escouade de Space Marines d’action des Silver Skulls, j’ai nommé le Talriktug1, mené par nul autre que le premier capitaine Kerelan. Pourquoi revenir sur un monde ayant subi un demi Exterminatus huit mille ans plus tôt, vous entend-je me demander ? Eh bien, pour la raison classique de la vision prophétique venant plus ou moins corroborer un passage sibyllin du livre sacré du Chapitre (The Orthodoxy of Varsavia), ce qui convainc Lord Argentius de dépêcher quelques hommes sur place afin de… on ne sait pas trop quoi en fait2.

Une fois arrivé à la surface de Lyria, Bhehan et ses nouveaux copains se retrouvent bien entendu plongés dans une sale histoire impliquant de sombres visions du passé, une cohorte d’Eldars non violents, des démons de Nurgle en patafix et une bannière (joie). Le déroulé précis de la nouvelle n’ayant aucune sorte d’intérêt (comme toujours lorsque Cawkwell pilote ses Silver Skulls chéris), je vous fait grâce des pénibles péripéties subies par les SS avant la fin de leur mission.

À ses habituelles lacunes en matière de narration et de cohérence (illustrées de manière flagrante par l’envoi de la crème de la crème du Chapitre sur une mission de douzième ordre au but des plus nébuleux – mais n’ayez crainte, il y en a une tripotée d’autres dans The Pact3 – ), Cawkwell ajoute une grosse entorse au fluff et une expérimentation très peu concluante, pour un résultat assez indigeste, dans la droite ligne de ses trois premières nouvelles Silver Skulls.

S’agissant de l’atteinte au background, Sarah a donc la riche idée de faire intervenir des Eldars dans son récit, en jouant sur l’entente tacite et temporaire qui peut parfois être conclue entre zoneilles et zumains dans certaines situations désespérées. Pourquoi pas. Seulement, Cawkwell se retrouve confrontée à un problème de taille : comment arriver à faire coopérer une escouade de vétérans couturés, fanatiques et intolérants au plus haut degré avec une bande de Xenos, même bien intentionnés ? Réponse de l’intéressée : les Eldars ont tellement besoin de l’aide des Space Marines qu’ils acceptent sans broncher de se faire péter la tronche d’un bout à l’autre de la nouvelle pour bien leur faire comprendre qu’ils ne représentent pas une menace. Et c’est là que le bas en moelle spectrale blesse : il est absolument aberrant qu’une race prête à condamner des planètes entières à la destruction pour éviter les bouchons sur la route des vacances (cf Armageddon) consente à sacrifier une quinzaine de guerriers aspects ainsi qu’une grande prophétesse simplement pour gagner la confiance de mon-keigh. C’est pourtant ce qui se passe dans The Pact, la psyker eldar passant une bonne partie de la nouvelle à supplier Bhehan de venir lui filer un coup de main, puis laisse ce dernier lui coller un bolt dans le crâne avec sa bénédiction après qu’ils aient réussi à bannir l’infestation démoniaque à l’œuvre. Autant pour la coopération inter-espèces.

Quant à l’expérimentation tentée par Cawkwell, elle porte sur le sujet, très délicat, de l’humour au 41ème millénaire. Et si on peut à la rigueur envisager que certains Space Marines puissent faire preuve d’un flegme pince sans rire ou d’une ironie macabre, je ne pense vraiment pas que transformer l’un d’entre eux en sociétaire des Grosses Têtes était un choix pertinent. Le vénérable premier capitaine Kerelan se révèle pourtant être un joyeux boute en train, très peu avare en blagounettes plus ou moins drôles, ce qui est assez surprenant et plutôt contre-intuitif.

Au final, The Pact confirme que la Cawkwell de l’année 2 de Hammer & Bolter a un niveau sensiblement égal à celui de la Cawkwell de l’année 1, c’est-à-dire tristement faible.

1 : Ca claque moins que Mournival ou Atramentar, mais on ne peut pas reprocher à Cawkwell de chercher à s’inspirer des bonnes idées de ses petits camarades de jeu.

2 : Le briefing de mission a dû être marrant :
« - Bon les petits gars, Bhehan a eu une vision dans laquelle il a vu trois castors hémiplégiques, un magasin Ikéa en flammes, Rogal Dorn en bas résilles et peut-être aussi deux bannières. Comme la sainte Orthodoxie de Varsavia contient les mots « deux » et « bannières », j’ai décidé de vous envoyer sur notre ancien monde forteresse pour enquêter. »
« - Euh, d’accord Lord Argentius, mais enquêter sur quoi ? »
« - Bah, sur la vision de Bhehan, banane ! Allez sur place, et voyez si vous trouvez quelque chose comme une bannière du chapitre. Voire deux. »
« - Mais Lord Argentius, de une, cela fait huit mille ans que Lyria a été abandonnée, après s’être pris un bombardement orbital en règle : partant, je doute que l’on retrouve une bannière intacte après tout ce temps. Et de deux, même si on arrive à en trouver une (ou deux, puisque ça a l’air de vous tenir à cœur), Lyria était notre monde d’origine, donc ça n’aurait vraiment rien d’étonnant et je ne vois pas pourquoi il faudrait y voir un signe du destin. »
« - M’en fous, allez-y quand même. Je peux tout à fait me permettre d’envoyer la meilleure escouade du Chapitre et le premier capitaine accompagner un bleu bite qui a eu un rêve humide à la surface d’un monde mort pour vérifier un truc qui n’a aucun sens. Parce que je suis Lord Argentius et que je fais ce que je veux, na. »
« … »

3 : Le débriefing de la mission a dû être marrant aussi :
« - Lord Argentius, nous avons bien trouvé une bannière du Chapitre dans les niveaux inférieurs de la forteresse monastère. »
« - Génial ! Il n’y en avait pas une deuxième dans le coin ? »
« - Non. En fait la deuxième bannière était métaphorique : nous avons dû nous allier avec des Eldars un peu cons pour vaincre les démons qui squattaient les ruines. Deux races = deux bannières. »
« - Putain, je ne comprendrai jamais rien aux prophéties. Bon, et alors, tout est prêt pour que nous puissions sur notre planète d’origine ? »
« - Oui oui, c’est bon. L’endroit a été purifié. Bon, il y a des cadavres d’Eldars dans tous les coins et l’endroit est saturé d’énergie chaotique qui rend les démons impossibles à bannir, mais sinon c’est nickel. »
« - Ok, et la bannière que vous avez récupéré, elle est clean au moins ? »
« - Un peu mon neveu. Elle a passé huit millénaires dans une forteresse hantée, et a été utilisée par un Grand Immonde (en fait, c’était peut-être un gros Nurgling d’après la prophétesse Eldar, mais vu qu’il nous a fallu deux psykers et cinq terminators pour en venir à bout, on va dire que c’était un démon majeur) pour ancrer sa présence dans l’univers réel. Plus clean que ça, tu meurs. »
« … »


Deliverance Lost - Thorpe:

Pour finir ce numéro, retour à l’époque de l’Hérésie d’Horus pour un deuxième chapitre de Deliverance Lost. Ne me demandez pas pourquoi les éditeurs de Hammer & Bolter ont décidé de réaliser une nouvelle preview du bouquin de Thorpe deux mois après la première, je n’en ai aucune idée. Il y a des informations qu’il vaut mieux laisser secrètes.

Ce court chapitre relate la convocation d’Alpharius à bord du Vengeful Spirit par le Maître de Guerre, qui somme son petit frère de justifier les actions de sa légion sur Istvaan V. Ce coquin d’Alphie a en effet empêché les World Eaters d’exterminer les survivants de la Raven Guard, afin de pouvoir placer quelques espions parmi les fils de Corax, comme cela avait déjà été expliqué au cours de l'extrait présenté dans le numéro 13 de Hammer & Bolter. Bref, il n’y a pas grand-chose à tirer de ce passage en conseil de discipline du Primarque de l’Alpha Légion, sinon qu’Erebus est une petite langue de pute dont le recadrage par un Alpharius légitimement excédé de se faire morigéner par un simple Légionnaire est le très bienvenu. Pas étonnant qu’il se soit fait refaire le portrait par Horus après la bataille de Signus Prime. Bien fait.

En conclusion, ce numéro m’a semblé présenter certains symptômes pouvant expliquer l’arrêt brutal de la publication de Hammer & Bolter en Novembre 2012 : un roman feuilleton qui part en sucette, des hot new talents de bas niveau et des choix éditoriaux pouvant passer pour du foutage de gueule pur et simple aux yeux de certains lecteurs, dont je fais partie. Heureusement que la contribution de Reynolds se révèle être assez bonne, sans quoi c’était le zéro pointé.

Schattra, de mal en pis

Modifié par Schattra
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Entre Schattra et Vae Victis, je n'arrive pas à me décider : lequel dort le moins ! Les dernières chroniques sont toujours aussi drôle et c'est un régal de passer ici !
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  • 2 mois après...

Bonjour tout le monde, et bienvenue dans cette revue du 16ème numéro de Hammer & Bolter ! Comme son prédécesseur immédiat, cette parution ne propose que des nouvelles issues d’un lointain futur apocalyptique et bas du front, le traditionnel chapitre de Gilead’s Curse mis à part. Au programme, un petit florilège des différents types de courts-formats usités par les auteurs de la Black Library : Andy Smillie met un point final à son dyptique consacré aux Flesh Tearers, James Swallow propose une nouvelle « passerelle » entre ses deux sagas consacrées aux Blood Angels (Deus Encarmine/Sanguinius et Red Fury/Black Tide), Dan Abnett soumet un court extrait du roman Know No Fear et Steve Lyons livre un one shot agréablement dépaysant. Y en aura pour tous les goûts.

 

@ Skadi: Merci de ton commentaire camarade! J'avoue m'être "endormi" ces dernières semaines...

 

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Beneath the Flesh (part II) – Smillie:

 

Souvenez-vous, nous avions quitté Maion et ses comparses Flesh Tearers à l’aube d’une révélation titanesque. La première partie de Beneath the Flesh se terminait en effet sur un cliffhanger des familles, avec la découverte par Harahel (la brutasse en chef de l’escouade, maniant son eviscérateur le petit doigt en l’air) d’une scène tellement terrible qu’elle lui avait arraché un « Emperor, save us » lourd de sens. Mis à part la poignée de soldats humains présentés comme renégats par Smillie, mais finalement tout à fait loyaux au Trône de Terra, et dûment massacrés par les Flesh Tearers pendant leur « investigation » de la base avancée, cette première moitié de récit avait été assez calme, l’auteur se concentrant davantage sur la construction d’une atmosphère oppressante (bof) et la mise en relief de la tare génétique des descendants de Sanguinius (pas mal) que sur l’action pure. Et s’il aurait été intéressant, ou en tout cas original, de poursuivre sur cette voie de relative non-violence jusqu’au bout1, il ne fallait pas compter sur Andy pour se détourner de la voie royale de l’auteur BL qui se respecte, à savoir une franche explication de texte entre protagonistes et antagonistes.

 

Au contraire, ayant rongé son frein pendant 25 pages, Smillie embarque ses lecteurs dans un carnage digne des heures les plus sombres de l’Hérésie d’Horus, bien aidé il faut le reconnaître par le pedigree des forces en présence. Car aux (ig)nobles Flesh Tearers de l’escouade Barbelo est opposée une cohorte de World Eaters écumants, opposition ne pouvant déboucher sur autre chose qu’un tsunami d’hémoglobine.

 

Heureusement pour nos héros, les Khorneux leur faisant face ne brillent ni par leur sens tactique (soit), ni par leurs capacités martiales (heu…), permettant aux six Flesh Tearers de massacrer leurs adversaires avec une désinvolture scandaleuse. Berzerkers, Raptors, Dreadnought et Aspirant Champion : tous finiront réduits en tapenade par la vertueuse furie et les pièges à cons des loyalistes, qui, au prix de quelques péripéties très confuses, arriveront à se regrouper et à tirer leur révérence au nez et à la barbe des séides d’Angron2.

 

La conclusion de Beneath the Flesh est, quant à elle, une compilation de révélations éventées depuis belle lurette et de zones d’ombres laissées sans explications. Comme prévu, Smillie confirme donc (enfin) que les malheureux Gardes Impériaux dépecés à l’apéritif par l’escouade Barbelo étaient de fidèles sujets de l’Empereur. Quel dommage que personne n’ait eu la riche idée de se servir de sa radio pour dissiper ce malentendu avant que la demi-douzaine de Space Marines en rut faisant figures de héros ne leur tombe sur leur râble ! À quoi tient la vie d’un bidasse (et la crédibilité d’un récit) parfois…

 

Du côté des mystères non résolus, Andy Smillie se garde bien de révéler pourquoi la garnison originelle de la base avancée s’est retournée contre ses alliés (même si le classique « c’est diablerie, monseigneur » est balancé en loucedé par un Capitaine SM qui passait dans le coin), ni qui était le gus qui a mis en scène les corps des huit Flesh Tearers dans la chapelle (la raison du « Empereur, save us » d’ouverture). Je suis sûr que l’on pourrait multiplier les exemples à l’envi en creusant un peu, tant l’intrigue développée par Smillie est friable, mais à quoi bon tirer sur l’ambulance ? Toujours est-il que c’est Gabriel Seth himself (le Maître de Chapitre des Flesh Tearers, pour ceux qui ne suivent pas) qui clôt les débats, en ordonnant l’Exterminatus d’Arare, là non plus sans grande justification de la part de l’auteur. Mais qu’importe : c’est kwioul.

 

Au final, Beneath the Flesh n’est rien de plus qu’une nouvelle classique de Space Marines, dont seule la longueur justifiait qu’elle soit séparée en deux parties. Les possibilités narratives offertes par ce format n’ont malheureusement pas été exploitées par Andy Smillie, dont cette troisième contribution à Hammer & Bolter reste du même acabit que les précédentes, c’est-à-dire très dispensable.

 

: Je pense qu’une grande partie du désamour que j’éprouve à l’heure actuelle pour les histoires de Space Marines vient du fait que ces derniers sont toujours mis en scène dans des récits guerriers. À croire que leur vie se résume à foutre sur la tronche des ennemis de l’Empereur H24. Il doit pourtant y avoir des temps morts dans leurs vies trépidantes de surhommes, faute de quoi la longévité moyenne ne dépasserait pas les trois mois. Je trouve dommage que ces zones d’ombres de la vie des meilleurs de Pépé n’aient pas été plus explorées par les auteurs de la BL (bon, Counter a bien essayé de mettre en scène un tribunal militaire dans Phalanx, avec les résultats que l’on sait, mais je suis sûr qu’un ADB ou un French seraient capables de traiter le sujet de manière intéressante).

 

2 : Leur Stormraven ayant été détruit dans la bagarre (il était de toute façon incertain que l’esprit de la machine ait suffisamment récupéré de l’immonde atterrissage voulu par ses passagers pour décoller), nos héros s’échappent en fusée. Si si. Le plus drôle est que la séquence, telle que narrée par Smillie, ressemble à s’y méprendre à la fin du générique d’Il Etait Une Fois l’Homme.

 

Gilead’s Curse (ch. 4) – Vincent:

 

Après le grand n’importe quoi que constituait le chapitre 3 de Gilead’s Curse, Nik Vincent offre un léger break à ses lecteurs en recentrant l’intrigue sur l’Asur déprimé, maintenant accompagné du jeune garçon qu’il a sauvé des skavens deux numéros plus tôt. Le semblant de vraisemblance promis par une introduction presque1 normale, notre duo de choc faisant plus ample connaissance autour du feu de camp de l’elfe, ce dernier régalant son hôte de tubercules et de thé servi dans un dé à coudre (rigolez pas, ça commence vraiment comme ça), se retrouve cependant rapidement battu en brèche par l’inhumaine capacité de Vincent à a) consacrer des pages entières à des péripéties absolument sans intérêt, et b) piétiner le fluff établi avec une constance admirable.

 

La première partie du chapitre est ainsi consacrée à la narration de la drôle de guerre que Gilead et son sidekick mènent à leurs ennemis velus. Les skavens de Nik Vincent étant, comme on en a pu faire la douloureuse découverte au cours des deux précédents épisodes, des gros rats totalement stupides, il n’est donc pas surprenant qu’on trouve leurs terriers un peu partout dans la nature. Dératiseurs experts, nos deux compères passent donc leurs journées à localiser les entrées des tunnels, permettant ainsi à Gilead de les contempler pendant des heures, dans l’attente qu’un raton pointe le bout de ses moustaches. Car non, Gilead ne s’aventure pas sous terre à la recherche de ses proies et oui, il n’a que ça à foutre (et oui, il semble avoir totalement oublié le chevalier vampire du début du roman). Passionnant.

 

Cette saine occupation est toutefois interrompue par la maladresse du garçon (Quirin de son petit nom, utilisé en tout et pour tout deux fois pendant le chapitre), qui éventre par inadvertance une galerie et se retrouve confronté à trois skavens assez en colère. S’en suivent quelques pages d’un pénible mais épique combat dont l’apex, un grandiose concours de tirage de manche de houe, provoquera quelques rires nerveux chez les lecteurs les plus sensibles. Puis, comme le manche de la fameuse houe a été brisé au cours de cet affrontement titanesque, Gilead a la bonté d’en confectionner un nouveau pour son compagnon, et Nik Vincent a la bonne idée de relater cet atelier bricolage avec une minutie insensée, s’attardant sur le nombre de jeunes arbres abattus par Gilead, les raisons l’ayant poussé à rejeter certains troncs, la finition du manche et le temps qu’il aurait fallu à un simple mortel pour réaliser un tel haut fait. Fallait oser tout de même2.

 

La deuxième partie de l’épisode suit la progression de nos deux héros dans l’empire souterrain jusqu’à la salle où les attendent le Roi Skaven ainsi que la totalité de ses sujets. Oui, tous les skavens ont fui devant la terrible menace représentée par un bretteur elfe et un paysan humain. Je pense que c’est la présence de (bette)Rave Maraz, la terrible houe magique façonnée par Gilead, qui a conduit à un tel exode (oui, c’est du sarcasme). Mais alors que tout se présentait plutôt bien pour nos deux lascars, dont la progression n’était ralentie que par les quelques mobs de bas niveau laissés en arrière-garde par le maître du donjon, catastrophe ! Double catastrophe même.

 

Premièrement, le sidekick de Gilead se fait soudainement enlever par Kiprosquish et Gebreselasnitch, deux skaven champions de course de fond, qui l’emmènent dans la salle où sont rassemblés tous leurs copains. Malgré toute sa bonne volonté, ses capacités physiques surnaturelles et sa rapide réaction à la disparition de son compagnon, notre héros ne parvient pas à rattraper les ravisseurs avant qu’ils ne parviennent à bon port, ce qui scelle le sort de Quirin, qui meurt sur sa houe3 après avoir tenté sarcler le Roi des Rats, en vain.

 

Deuxièmement, Vincent passe en mode hardcore, et part dans un délire narratif comparable à celui dispensé dans les chapitres précédents. On retrouve ainsi tous les éléments constitutifs de son style si particulier, des phrases magiques, des phrases alambiquées, des péripéties hyper réalistes, des descriptions confuses (coucou le Roi des Rats qui se téléporte à l’envi à l’autre bout de la salle dès que Gilead s’approche un peu trop), des contradictions flagrantes avec des éléments détaillés précédemment (notre héros a visiblement appris à attaquer des adversaires ne lui faisant pas face), et un rejet épidermique du background établi. Cerise sur le gâteau, Nik pousse l’exercice jusqu’à gratifier le lecteur d’un passage absolument dantesque, qui voit Gilead égarer sa dague dans le corps d’un skaven, et décider en conséquence de rengainer son épée (arme magique et relique héritée de son frère jumeau, Galeth des rois) pour, je vous le donne en mille, utiliser la houe de son séide. Parce qu’il est évident qu’un outil agricole fabriqué par des humains est en tout point supérieur à une lame elfique enchantée. Evident. Bref.

 

Le chapitre se termine par un pogo géant initié par le Rat King, qui piège ainsi Gilead sous quelques quintaux de fourrure puante, calmant aussi sec les ardeurs et la shadowfasttitude de ce dernier. Saucissonné comme un sumo en bas résilles, isolé au cœur du bastion ennemi et à la merci de sa (nouvelle) nemesis, notre héros finit l’épisode en très mauvaise posture. Il serait peut-être temps de refaire intervenir le vampire Nik. Enfin, je dis ça, je dis rien…

 

1 : « Msieur, je peux venir avec vous ? »

« Non. Danger. Famille ? »

« Nan, y sont tous morts. Allez msieur, dis oui steuplait ! »

« Triste. Village ? »

« Nan, y sont tous morts aussi. M’laissez pas msieur. »

« Et si t’arrêtais deux secondes de te foutre de ma gueule, petit con ? J’ai sauvé une vingtaine d’humains dans les souterrains de la ville il n’y a même pas deux chapitres, et je suppose qu’ils avaient laissé les femmes, les enfants, les infirmes et les vieillards en sécurité avant de s’aventurer sous terre. Donc, non, tu n’es pas tout seul et tu vas retourner de ce pas dans la ville que je viens de quitter il y a dix minutes. Non mais. »

« K. »

 

2 : Rien que pour le lol, j’aimerais bien voir ce que donnerait un roman de l’Hérésie d’Horus écrit par Nik Vincent. Je la sens tout à fait capable de soliloquer pendant un chapitre entier sur la couleur et les motifs de la moquette du Vengeful Spirit pendant que Pépé et Horus se foutent sur la gueule dans la salle d’à côté.

 

3 : Saluons le talent de Nik Vincent, qui réussit à faire mourir un de ses personnages principaux au cours d’un duel sans que l’on comprenne comment. Par contre, il est clairement fait mention de la manière dont le positionnement de la houe au moment de son trépas permet au cadavre de rester d’aplomb, mi-debout mi-agenouillé, pendant de longues secondes. C’est évidemment le plus important.

 

The Shadow in the Glass - Lyons:

 

Un an après avoir fait ses débuts dans Hammer & Bolter (Waiting Death, H&B #4), Steve Lyons revient avec une nouvelle des plus intéressantes. The Shadow in the Glass (on admirera au passage l’élégante touche lovecraftienne du titre) détonne en effet fortement des autres productions estampillées 40K de la Black Library, grâce à une approche résolument novatrice de son sujet. En effet, foin de batailles apocalyptiques, de Space Marines héroïques, de cités-ruches cauchemardesques ou d’invasions démoniaques dans cette deuxième soumission, qui relate la vie d’Yriel Malechan, insignifiante lavandière d’un monde de troisième zone, et dont la vie bascule suite à l’acquisition d’un miroir pour le moins particulier.

 

Le réflexe classique de tout lecteur BL un tant soit peu aguerri serait, à ce stade du récit, de suspecter une classique histoire de corruption chaotique, débouchant possiblement sur une possession en bonne et due forme. J’avoue sans honte que cela a été ma réaction immédiate après la lecture de la première page de The Shadow in the Glass, au cours de laquelle le miroir en question est présenté comme reflétant des images trop parfaites pour être vraies1, ce qui semblait paver la voie à une intrigue des plus convenues. C’était toutefois sans compter sur la fantaisie, le talent et l’audace de Lyons, dont la copie finale se révèle donc être bien plus intéressante que ce à quoi on aurait pu s’attendre de prime abord. Bravo Steve.

 

Comment s’y est-il pris ? Premièrement, en mettant en sourdine le côté « gothique flamboyant » de Warhammer 40.000, pour se concentrer sur la vie d’un petit village de pêcheurs (Icthis) que l’on dirait tout droit sorti de notre XIXème siècle. N’eut été pour les références faites au culte de l’Empereur et les interventions ponctuelles des troupes inquisitoriales, on aurait ainsi pu transposer sans mal Ichtis dans un roman de Dickens ou une nouvelle de Maupassant. Rares sont les auteurs de la BL à s’être ainsi détachés du point de vue quasi-omniscient qui constitue la norme à la fois dans les Codex et dans les ouvrages de pur background pour s’intéresser à la vie quotidienne d’un monde féodal/civilisé (seul autre exemple à ma connaissance : Angels de Robert Earl). Vue la prédilection de la Black Library pour les spires bucoliques des mondes ruches2, on ne peut qu’apprécier de partir à la découverte d’un théâtre relativement nouveau, et qui pourtant est loin d’être rare dans le million de mondes qui forme l’Imperium. C’est donc une facette méconnue de ce dernier que Lyons choisit d’explorer, et rien que pour ça, The Shadow in the Glass mérite le détour.

 

Deuxièmement, en respectant les codes et la construction d’une nouvelle fantastique, et en mettant donc l’accent sur l’instillation de l’atmosphère particulière qui constitue la marque fabrique de ce genre3, plutôt que sur les passages d’action pure et dure caractéristiques de la BL. Ainsi, si on comprend rapidement que le miroir dont hérite l’héroïne de The Shadow in the Glass est bien le réceptacle d’une présence démoniaque, cette dernière ne cherchera pas, comme beaucoup des résidents de l’Immaterium, à s’incarner dans le monde réel afin d’y apposer sa patte griffue. Visiblement content de sa situation d’éminence grise perverse, l’habitant du miroir traversera la nouvelle sans chercher à interférer directement sur la destinée des mortels. Le lecteur est ainsi convié à assister à la lente descente aux enfers d’Yriel à travers une série de brefs tableaux relatant les « évènements » les plus importants de sa vie entre le moment où la malheureuse entre en possession du miroir et celui où elle arrive à se défaire de son influence néfaste. Rencontre et déception amoureuse, épidémie et quarantaine, humiliation et vengeance : aucun des évènements relatés dans The Shadow in the Glass ne changera la face de l’Imperium, mais chacun ajoute une touche au tableau que constitue la nouvelle dans son ensemble. Il est rare de tomber sur des textes développés de manière aussi rigoureuse (dans le bon sens du terme) dans les recueils de la BL, et c’est évidemment une raisons supplémentaire de lire (et de relire) cette seconde offrande de Steve Lyons.

 

Troisièmement, en insufflant à sa nouvelle une dimension tragique d’autant plus marquante (à mes yeux) qu’elle concerne un personnage absolument insignifiant, surtout à l’échelle de Warhammer 40K où le surhumain Space Marine est si souvent mis en scène, et dont l’éventuel sacrifice n’est finalement qu’une résultante de son conditionnement intensif et de son sens du devoir chevillé au corps. Bref, voir une escouade d’Imperial Fist tenir sa position devant une légion nécron au grand complet (But Dust in the Wind), un Archiviste outrepasser sciemment ses limites pour venir à bout d’un adversaire particulièrement coriace (Runes, Phalanx) ou un Capitaine gravement blessé préférer emporter avec lui le QG ennemi dans la tombe plutôt que de battre en retraite (Action and Consequence) me laisse absolument froid. Yriel, d’un autre côté, a autant de raisons de se débarrasser de son miroir après avoir constaté son caractère surnaturel que de le garder, ce qu’elle choisit finalement de faire.

 

À la fois consciente (et terrifiée) de la nature maléfique de l’artefact et désireuse d’utiliser le pouvoir de ce dernier pour améliorer un tant soit peu sa vie misérable et, surtout, briser la solitude qui est son lot, notre héroïne apparaît davantage comme une pitoyable paria en quête de reconnaissance que comme une sociopathe se délectant du malheur des autres. Spectatrice de sa propre vie, Yriel n’a ni les capacités ni le tempérament nécessaires pour chercher à échapper aux conséquences de ses actions, et accepte donc son sort avec une sorte de noblesse démentant sa condition misérable. En parvenant à faire ressentir au lecteur de l’empathie pour son personnage en l’espace de quelques pages, Lyons réussit un tour de force dont peu de ses collègues de la BL se sont montrés capables. Une raison de plus de suivre avec attention la suite de son parcours.

 

En conclusion, The Shadow in the Glass est la vraie bonne surprise de ce 16ème numéro, et l’une des nouvelles remarquables de la seconde année de Hammer & Bolter. C’est dit.

 

1 : Peut-être qu’au 41ème millénaire, on est capable d’installer Photoshop directement sur les miroirs ?

 

2 : Le plus célèbre d’entre eux, Necromunda, a même eu le droit à ses propres anthologies de nouvelles.

 

3 : Le thème de l’objet maléfique damnant son possesseur est un grand classique de la littérature fantastique, et il n’est pas besoin de chercher bien loin pour trouver dans The Shadow in the Glass des similitudes avec certains classiques, tels que A Picture of Dorian Grey, La Peau de Chagrin ou encore Le Veston Ensorcelé.

 

Redeemed - Swallow:

 

Le nom de James Swallow n’est pas tenu en particulière haute estime par les chroniqueurs BL du Warfo. N’ayant lu ni les romans consacrés par notre homme aux Blood Angels, ni ceux dédiés aux Sœurs de Bataille, je n’étais jusque-là pas en mesure d’ajouter ma pierre au cairn funéraire de Swallow. C’est maintenant chose faite, la découverte de son Redeemed, nouvelle mettant en scène la figure familière de Rafen (héros de la saga Blood Angels de James Swallow), m’ayant permis de prendre la mesure de cet auteur.

 

Redeemed prend place à la suite de Deus Sanguinius, et suit le difficile retour de Rafen sur Baal, et plus particulièrement son voyage jusqu’au Regio (l’armurerie du Chapitre), où il doit déposer la Lance de Telesto. Malgré le rôle qu’il a joué dans l’écrasement du schisme d’Arkio, le wannabee Sanguinius manipulé par les Word Bearers, notre héros est en effet regardé avec suspicion par bon nombre de ses collègues de bureau, premièrement parce que le vilain Arkio n’était autre que son frère1, et deuxièmement parce que sa capacité à utiliser la Lance de Telesto, relique ayant été maniée par le Primarque Ailé en personne, est plutôt mal vue par les instances dirigeantes du Chapitre, peu emballées par l’émergence potentielle d’un second héritier de Sanguinius après le souk causé par celui d’avant.

 

Bref, c’est sous bonne escorte que Rafen accomplit le trajet jusqu’au Regio, où, après avoir accompli sa mission et remis son précieux chargement au Maître de la Lame, il fait la rencontre d’Astorath, qui passait justement dans le coin. C’est tout du moins ce que le Rédempteur des Egarés essaie de faire avaler à son interlocuteur, qui, pas plus bouché que le lecteur moyen de la BL (c’est le héros, après tout), devine bien vite que l’emo en chef a fait le déplacement pour tester sa résolution plutôt que pour faire réparer son jetpack, comme il l’annonce pourtant lors de leur entrevue. S’en suivent quelques péripéties que j’ai trouvées assez insipides, au cours desquelles Rafen parvient (comme de juste) à convaincre le Haut Chapelain des Blood Angels de son impeccable self-control, parvenant au final à garder la tête sur les épaules au sens propre comme au figuré.

 

Sans être franchement mauvaise, Redeemed est une nouvelle à l’intérêt assez discutable, autant pour les lecteurs non familiers avec le cycle de Swallow (que ce passage mineur et mou du genou de l’épopée de Rafen risque d’ennuyer plus qu’autre chose) que pour ceux ayant lu ce dernier (qui attendaient sans doute un peu mieux du retour aux affaires du héros Blood Angel attitré de la BL). Au final, il n’y aura que les fans les plus convaincus de frère Rafen et les fluffistes BA hardcore qui apprécieront Redeemed à sa juste valeur, quand d’autres auteurs de la Black Library sont parvenus à embarquer l’ensemble de leurs lecteurs dans les courts formats venant compléter et enrichir leurs romans. Pour le reste, James Swallow m’a semblé être assez proche dans le style et le niveau d’un Gavin Thorpe ou d’un Nick Kyme, c’est-à-dire capable de produire des textes variant du légèrement médiocre au plutôt pas mal, sans jamais sans tutoyer ni les abysses ni les cimes de l’heroic fantasy. Mais ce n’est que mon avis.

         

1 : Et « bon sang ne saurait mentir » est un proverbe très populaire chez les Blood Angels.

 

Know No Fear - Abnett:

 

Un extrait du roman consacré par Abnett à l’empoignade entre Ultraschtroumpfs et Porteurs de Moe sur Calth pendant l’Hérésie d’Horus. Le bouquin en question étant sorti en Février 2012, le suspense qui l’entourait à l’époque s’est largement dissipé, et l’ouvrage a fait l’objet d’une critique participative détaillée ici.

 

Pour faire simple, le passage se divise en deux parties. Dans la première, Erebus et quelques amis font des châteaux de sable sur le Plateau Satrique, et se préparent à rentrer dans le Guinness Book des Records dans la catégorie « plus grand nombre de glandes progénoïdes de Space Marines morts au combat offertes au Chaos ». Abnett fait du Abnett en balançant des noms que le lecteur lambda doit googler pour comprendre ce dont il en retourne (The Octed ? Gal Vorbak ? Tzenvar Kaul?).

 

Dans la deuxième partie (qui est l’extrait gratuit proposé sur le site de la BL sur la page Know No Fear), deux vieux potes, Sorot Tchure des Word Bearers et Honorius Luciel des Ultramarines, sont réunis avec leurs hommes pour un banquet de l’amitié. Tchure, qui est un méchant avec des principes, essaie désespérément de faire comprendre à cet abruti de Luciel que quelque chose de très vilain est sur le point de se passer. Devant la stupidité crasse de son interlocuteur, pas foutu de saisir la forêt de perches qu’il lui tend1, Tchure n’a d’autre choix que de perforer son hôte à coup de plasma, ce qui mène au massacre en règle de tous les Ultras en maraude autour du buffet par les WB. Abnett fait du Abnett en faisant de gros clins d’œil à certains passages à venir de l’Hérésie (comme cela avait déjà été le cas dans Horus Rising).

 

En conclusion, Abnett fait du Abnett et donne plutôt envie de lire la suite de son bouquin. Comme d’habitude dirons-nous. 

 

: « Tiens c’est bizarre, tu as changé la couleur de ton armure. »

« Oui, c’est pour refléter le fait que notre Légion est sur le point de connaître un nouveau départ. Ordre de Lorgar, qui est un gros con. »

« Meeeeuuuuh non. Lorgar est gentil. Il cherche juste sa place, c’est tout. »

« C’est drôle que tu le défendes. »

« Ah bon ? Pourquoi ? »

« ... »

« … »

« En tout cas, on m’a demandé de faire mes preuves. »

« Cool. »

« Je dois faire certaines choses. »

« Tip top. »

« Pour prouver à mes chefs que je suis prêt à participer au grand changement qui va se produire très prochainement. »

« You go girl. »

 « ... »

« … »

« Il y a un truc que j’ai appris sur Isstvan, et que j’aimerais partager avec toi. »

« Sûr ! »

« L’Imperium a rencontré un ennemi qui a fait usage de trahison pour parvenir à ses fins. »

« Et alors ? »

« Et alors, l’Imperium ne s’y attendait pas du tout, et ça s’est très mal passé pour lui. »

« J’imagine. Mais à la fin, on a gagné, pas vrai ? »

« Grmbl… Oui on a gagné. Mais imagine un peu, si mes Word Bearers se retournaient contre tes Ultramarines, maintenant, sans prévenir ? »

« Impensable. On est potes. »

 « Et toi, t’es vraiment trop con. »

‘FZZZZZZZZZZZZZZAP’

 

Au final, les numéros de Hammer & Bolter se suivent et se ressemblent fortement. La pépite de Lyons se retrouve enrobée des platitudes des blood brothers de la BL, Smillie et Swallow, et de la mignardise d’Abnett (toujours appréciable ceci dit). Heureusement que l’on peut compter sur Vincent pour se surpasser (ou se soupasser, c’est selon) à chaque numéro, et faire de chaque parution un évènement très attendu, pour des raisons inavouables il est vrai. Allez, next.

 

Schattra, c'est pas facile tous les jours

Modifié par Schattra
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  • 2 semaines après...

Je me demande vraiment pourquoi une paysanne d'un trou paumé de l'Imperium a le même nom qu'un Prince pirate eldar célébrissime.

Mystères de 40k.

 

Cette histoire de skavens me fait fortement penser que l'auteur a simplement compris "hommes rats" au 1er degré, et en a donc fait... ben... des rats... à peu près bipèdes.

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  • 3 semaines après...
  • 5 mois après...
  • 2 semaines après...

Salut,

 

Juste un petit message pour dire que je découvre ce post aujourd'hui et j'adore ! Je viens de lire les 3 pages (j'avoue ne pas avoir été très productif au travail du coup...) et c'est un plaisir à lire !!

 

Vivement la suite !

 

Un nouveau Fan

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  • 2 semaines après...

Schattra, pourfendeur officiel de journées de travail, plaie de la la societe civile, responsable de la chute de PIB de la France.

Vivement la suite!

Oui c'est exactement cela !!! La journée que j'ai passé à lire les review de Schattra, on ne peut pas vraiment dire que j'ai participé au PIB du pays !!! Et que dire du fait que j'ai pris plus de plaisir à lire la prose de Schattra que d'une (grande ?) partie de la bibliothéque du Hobby... Enfin, c'était un bon moment.

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  • 3 semaines après...
  • 3 mois après...

Bonjour à tous. Avant toute chose, je tiens à remercier très sincèrement toutes les personnes qui sont venues sur ce thread, tant les visiteurs que les posteurs, malgré son hibernation de près d'une année depuis la dernière critique. Bien que je n'aie jamais considéré abandonner le projet avant d'avoir bouclé la chronique de l'ultime numéro du désormais défunt webzine de la Black Library, malgré un manque de temps chronique et une motivation fluctuante au cours des derniers mois, je ne m'attendais pas du tout à ce que le sujet continue à "vivre" de manière autonome dans l'intervalle, et je peux avouer que cette réalisation a eu un impact très favorable sur mon retour aux affaires. J'espère que les prochaines revues vous plairont autant que les anciennes ont semblé le faire, et vous remercie encore une fois pour votre soutien persistant depuis maintenant 5 (!) ans.
 
Je profite également de cette introduction pour signaler que les parties "fluff" des chroniques des premières nouvelles H&B ont été mises à jour dans chacun des trois sujets centraux ouverts ailleurs dans la section (Fantasy/40K/Hérésie d'Horus).
 
Enfin, je ne peux que confirmer l'information remontée par Lami3 au sujet de la non-disponibilité permanente des publications H&B sur le site de la Black Library. J'ai vraiment du mal à y voir autre chose qu'une tentative de faire payer aux lecteurs le prix fort pour l'acquisition de chaque nouvelle à l'unité (j'ai fait le calcul pour le numéro 17, et une compilation incomplète du contenu proposé il y a quelques années revient à présent à 10€ au lieu de 4€...) ainsi que la volonté de faire disparaitre des tablettes une expérience avortée afin de ne pas écorner l'image de marque de Games Workshop, et croyez bien que je regrette profondément cette décision. Sur ce, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture!
 

hammer-bolter-017.jpg

 
Bonjour et bienvenue dans la chronique du numéro 17 de Hammer & Bolter! Au menu aujourd'hui, un hors d’œuvre de Counter, une entrée de McNeill, un plat de résistance signé Josh Reynolds, et une petite Thorperie en guise de dessert (c'est fin, c'est très fin, ça se mange sans fin). Les plus observateurs parmi vous auront noté que le tandem infernal Vincent/Abnett n'a pas contribué à cette publication (tout le monde a le droit à ses vacances après tout), ce qui, très honnêtement, ne me semble pas augurer du pire pour la qualité générale de l'ouvrage. Mais je m'avance...
 
Vermilion – Counter :
 
Toujours engagé dans sa période (Imperial) Fists & Fils, Ben Counter livre avec Vermilion un petit stand alone assez surprenant. Si le style du créateur des immortels (mais néanmoins disparus) Soul Drinkers imprègne sans hésitation possible les 15 pages de ce récit, l’objectif poursuivi par l’auteur dans cette courte nouvelle ne saute pas aux yeux, ce qui étonne de la part d’un contributeur (habituellement) aussi « carré » que Counter1.  
 
Notre histoire débute dans les ruines fumantes d’une station de recherche de l’Ordo Xenos, quelque part dans le Nord Est galactique. Prévenu d’une attaque du complexe scientifique par l’Inquisitrice Carmillas, l’Archiviste Deiphobus débarque avec quelques copains pour apprendre les bonnes manières aux xenos responsables de ces troubles du voisinage. Manque de bol, comme les carabiniers d’Offenbach, les jaunards arrivent trop tard pour interrompre la baston, et ne peuvent que constater l’extermination de tous les occupants de la station (Carmillas comprise). Seul survivant de cette empoignade, un unique xenos est ramené sur le vaisseau des Imperial Fists pour y subir des interrogatoires psychiques de la part de Deiphobus.
 
La suite de la nouvelle est principalement consacrée à l’exploration de la psyché du prisonnier des Fists par un Deiphobus assez imaginatif dans ses méthodes. Chaque « plongée » dans l’esprit de l’homme-pruneau (car c’en était un) donne ainsi l’occasion à notre héros de prendre une forme différente, afin de percer les défenses mentales du xenos. Barge de bataille, scout Space Marine ou missionnaire impérial, Barba-phobus ne rechigne pas à donner dans le transformisme lors de ses séances de trekking à l’intérieur du cerveau de son captif. Chaque expédition lui révèle de nouvelles pièces du puzzle, jusqu’à ce que la lumière se fasse sur les causes de l’attaque de la station.
 
Ayant obtenu le fin mot de l’histoire, Deiphobus fait son rapport au Seigneur Inquisiteur Vortz, lui laisse le xenos pour qu’il puisse faire mumuse avec, et s’en va en jouant de l’harmonica dans le soleil couchant, juché sur les épaules du fidèle sergent Ctesiphon. La nouvelle se termine par une signature de bail psychique entre Deiphy et Carmillas, la première (ou ce qu’il en reste, tout du moins) acceptant de mettre un peu d’ordre dans les souvenirs de l’Imperial Fist2. Le lecteur est laissé seul juge de la manière d’interpréter cette bien étrange conclusion, que l’on peut mettre au crédit soit d’un soudain penchant de Counter pour la métaphore larmoyante, soit de la volonté du même Counter de présenter à son lectorat un pouvoir psychique jusque-là inconnu des psykers impériaux. You choose.
 
Au final, Vermilion se révèle être assez différent du reste de la bibliographie SM-esque (essaimesque ?) de Ben Counter, cette nouvelle manquant à mes yeux de l’axe directeur fort présent dans tous les autres travaux de l’auteur. Le huis clos entre Deiphobus, son prisonnier et le fantôme de Carmillas, qui occupe la majeure partie du récit, ne semble ainsi avoir d’autre fonction narrative que de permettre à Counter de décrire avec l’imagination qu’on lui connaît les tribulations mentales d’un psyker en terrain hostile. Le fait que le psyker en question soit un Space Marine mène le lecteur à penser que ces séances d’interrogatoire déboucheront forcément sur un final musclé, au cours duquel Deiphobus et ses sous-fifres casseront du xenos afin de venger le trépas de l’Inquisitrice, développement archétypique de l’histoire de marounes de la BL (genre dont Counter est l’un des fers de lance). La direction différente que Ben choisit d’emprunter en conclusion de son récit constitue donc une surprise, qui, si elle ne peut pas être qualifiée de mauvaise (une nouvelle de SM qui se termine sans effusion de sang ? J’achète !), n’est pas superlative non plus, le final manquant de maîtrise comme d’intérêt.
 
Vermilion, étude littéraire plutôt que nouvelle totalement finie ? Et pourquoi pas ? Ce ne serait pas la première fois (ni la dernière, je gage) qu’un texte assez peu travaillé a été publié dans Hammer & Bolter.
 
1 : Nik Vincent et Dan Abnett ayant fait un break dans l’écriture de leur feuilleton halluciné, et la nature ayant, comme chacun sait, horreur du vide, je me plais à penser que les errements rougeâtres de Counter ont été causés par l’impérieuse nécessité de proposer au lecteur de Hammer & Bolter sa dose de prose cryptique mensuelle.
 
2 : Ce faisant, l’Inqusitrice devient l’archiviste d’un Archiviste. Mind blown.
 
The Iron Without – McNeill :
 
Auteur Iron Warriors par excellence, Graham McNeill donne avec The Iron Without un nouveau chapitre à la tentaculaire saga du Warsmith Honsou, Nemesis autoproclamée de l’autre personnage majeur du Grahamivers, j’ai nommé le Capitaine Uriel Ventris des Ultramarines. Les meilleures choses finissant toutefois par lasser, la présente nouvelle ne met au premier plan ni le diabolique sang de bourbe rouille de la IVème Légion (bien que ce dernier y apparaisse néanmoins, accompagné de sa clique de side-freaks), ni le vertueux Schtroumpf Paladin (cette vieille baderne psychorigide de Learchus viendra tout de même faire le coup de feu en fin de récit), mais le brave Soltarn Vull Bronn, alias The Stonewrougth, Mozart de la géologie militaire et prodige de la conduite de siège en environnement pierreux. Pour des raisons de simplicité, nous l’appellerons désormais Yves (pour Yves Rocher1).
 
The Iron Without commence bien mal pour Yves, enseveli qu’il est sous quelques tonnes de gravats. Passablement amoché par toute cette caillasse, et bien incapable de bouger, notre malheureux héros a tout le temps de se demander ce qu’il a fait pour mériter un si triste destin, lui le légionnaire modèle, la coqueluche de Perturabo ! Et à la réflexion, Yves finit par mettre le doigt (façon de parler, il ne lui en reste plus guère) sur le nœud du problème : cette enflure de Honsou, dont les directives semblent n’avoir pas pris en considération la survie de l’armée que ce dernier a amené sur Calth (après l’avoir gagnée chez la Mamie Loto du Maelström, j’ai nommé ce vieux Huron Blackheart2).
 
La suite, et le gros, de la nouvelle, est l’occasion pour McNeill de dérouler un petit flashback des familles, destiné à mettre en lumière les évènements ayant mené Yves au triste état qui est le sien. Arrivé sur Calth dans les bagages de Honsou, notre héros s’est vu confier par son boss l’insigne honneur de commander l’armée Iron Warriors à la victoire contre ces planqués d’Ultramarines, pendant que le Warsmith et sa garde mystérieuse partaient looter en lousdé quelque artefact mystique loin du front (ne m’en demandez pas davantage à ce sujet, je n’ai pas lu Invasion of Ultramar, qui relate en détail les péripéties non couvertes dans The Iron Without). Malgré sa science de la fortification, les hordes de mercenaires assoiffés de sang qu’il a à sa solde et les innombrables machines sur lesquelles il peut compter, Yves et ses grouillots finissent éclatés dans les grandes largeurs, victimes de la supériorité stratégique de l’alliance Ultramarines – Raven Guard leur étant opposé. Seule consolation pour notre malchanceux protagoniste, il croit apercevoir l’increvable Honsou s’éclipser dans le chaos de la bataille juste avant que Learchus ne vienne transformer le Stonewrought en Splashedbrain. Vae Victis !
 
Même s’il est préférable de lire cette nouvelle à la suite du roman Invasion of Ultramar, auquel elle donne un nouvel éclairage que je devine être intéressant, McNeill mène sa plume avec suffisamment de brio pour permettre à tous ses lecteurs de retirer quelque chose de The Iron Without. Les non-initiés à l’épopée Honsou-enne y trouveront une histoire de Space Marines contenant assez d’éléments fluffiques et d’action musclée pour satisfaire leurs coupables penchants, les autres pourront y retrouver quelques têtes connues, et bénéficier d’une vision plus macroscopique de l’anéantissement de l’armée chaotique sur Calth. Tout bénef’.
 
The Iron Without s’avère donc être une contribution solide, à la fois à la bibliographie de McNeill, mais également à la littérature 40K-esque en général. Pour ma part, la seule ombre au tableau serait les nébuleuses explications avancées par McNeill pour justifier la montée en première ligne de Honsou, tout prêt à mener une charge suicide en compagnie d’esclaves terrassiers pour prouver à ses hommes qu’il possède bien les douilles3 en acier trempé faisant de lui un digne (beau) fils de Perturabo4. À quand le sans-faute, Graham ?
 
1 : C’était ça ou Roch Voisine, je vous ai évité le pire.
 
2 : Pour plus d’information sur ce passage mémorable de la geste de Honsou, se reporter à la nouvelle Skull Harvest.
 
: Oui, les douilles. C’est un Iron Warrior après tout.
 
4 : « Bon, je vais aller m’exposer inutilement en première ligne afin de montrer aux gars que j’en ai dans le falzar, et que c’est moi le boss. Ceci dit, je sais pertinemment que rien de ce que ne pourrais faire ou dire ne pourra jamais les convaincre que je suis autre chose qu’un parvenu. Il est donc nécessaire que j’aille montrer ma lune à l’artillerie des Ultramarrants, même si cela ne servira absolument à rien. »
« C’est brillant maître. »
« N’est-ce pas ? »
« Je parlais de votre jeu de douilles, pas de cette idée complétement débile. »
« … »
 
Stromfel’s Teeth – J. Reynolds :
 
Deuxième volet de la série de nouvelles consacrée à Erkhart Dubnitz, et à travers lui au très humble et très violent Ordre de Manann, Stromfel’s Teeth permet à Josh Reynolds de poursuivre sa visite guidée de la plus célèbre, la plus riche, la plus corrompue et la plus humide cité-Etat du Vieux Monde. Et au petit jeu du « et si Marienburg m’était contée », force est de constater que Herr Reynolds fait tranquillement la course en tête, sa plume donnant vie aux quartiers et aux habitants du cru avec une aisance et une justesse fluffique dignes d’être notées (et appréciées).
 
Marienburg, l’après-midi de la veille de Mitterfruhl (l’équinoxe du printemps du monde de Warhammer). Alors que les citadins vaquent tranquillement à leurs occupations, deux évènements sont sur le point de pourrir le groove de l’empereur. Le premier est l’arrivée d’une tempête assez costaude depuis la Mer des Griffes (ce qui n’est jamais une bonne nouvelle quand on a du linge étendu à sécher dehors). Soit. Le deuxième est l’arrivée de Street Sharks assez affamés dans la place, qui se solde immédiatement par une panique monstre et des morts en pagaille. Pas glop.
 
Sommés d’agir par les autorités compétentes, Dubnitz et ses condisciples, menés par l’inénarrable Dietrich Ogg (Grand Maître manchot, brutal et obséquieux – car non ces trois termes ne sont pas antinomiques – de l’Ordre de Manann), se lancent à la poursuite des quatre fils du docteur Bolton1, avec des résultats concluants malgré quelques pertes du côté des templiers. Dépêché en renfort de la garnison du temple de Manann, assiégé par une foule aussi bienveillante et ouverte d’esprit qu’un bataillon de partisans de Donald Trump défoncés à la bière en goguette dans un Chipotle, Dubnitz croise la route d’une ancienne connaissance (Esme Goodweather, prêtresse de l’Ordre de l’Albatros, déjà croisée dans Dead Calm), dont les tours de passe-passe et l’intuition salutaire2 permettront à l’enquête menée par notre jovial héros d’être bouclée rapidement et (presque) proprement. On ne change pas une équipe qui gagne.
 
Stromfel’s Teeth est la confirmation des débuts prometteurs du moins australien des Reynolds de la Black Library dans le sous genre, assez délicat à manier (demandez à Sarah Cawkwell), de la nouvelle sérialisée. Dans la droite ligne de ce que C. L. Werner avait réussi à faire avec son personnage de Brunner, Josh parvient à faire vivre à ses personnages récurrents des aventures rythmées, prenantes et bien construites, en n’oubliant ni de faire évoluer ces derniers d’un opus à l’autre (on apprend ainsi en cours de récit que Dubnitz et Goodweather ont eu une liaison qui s’est mal terminée entre Dead Calm  et Stomfel’s Teeth), ni d’incorporer de nombreuses informations fluffiques plus ou moins importantes mais toujours à propos et en cohérence avec le background canonique. Le petit plus de Reynolds par rapport à son illustre aîné est qu’il parvient même à franchement tirer sur la veine humoristique, la truculence de son héros débouchant sur quelques dialogues particulièrement savoureux (1/2). Ca aura pris plus d’un an, mais les « Hot New Talents » promis en ouverture du premier numéro de Hammer & Bolter ont enfin trouvé leur chef de file.
 
: Le plus drôle étant que le personnage se révélant le plus efficace dans la traque des hommes requins est un look-alike du Dr Paradigm.
 
2 : Détective en chef de Marienburg : « Hmmm, une affaire compliquée c’est certain. Nous n’avons pas la moindre piste pour remonter à l’origine de cette soudaine épidémie squalide. »
Dubnitz : « J’aurais dit carcharodienne. »
Détective en chef de Marienburg : « Les deux sont tolérés, mais venons-en au fait. – inspecte le cadavre de Ripster – L’individu ne portait rien d’autre qu’un pantalon rapiécé et une sorte d’amulette taillée dans une dent de requin et portant le symbole de Stromfels autour du cou. Fascinant… »
Dubnitz : « Quoi donc ? »
Détective en chef de Marienburg : « Je viens de réaliser à l’instant que la somme des chiffres composant les nombres divisibles par neuf est elle-même divisible par neuf. C’est extraordinaire… mais malheureusement sans la moindre utilité pour le cas qui nous intéresse. Je crains fort qu’il ne nous faille classer ce dossier. »
Dubnitz : « C’est regrettable mais puisque l’enquête se retrouve dans un cul de sac… Ca nous laissera plus de temps pour essayer de la mettre la main sur cet individu louche qui a été vu en train de distribuer des colifichets tout à fait similaires à celui que le suspect avait sur lui au moment où il s’est transformé en requin. Deux affaires tout à fait distinctes, bien sûr. « 
Goodweather : « Vous allez rire, mais j’ai peut-être une idée… »
 
Knight of the Blazing Sun – J. Reynolds :
 
On ne se lasse pas des bonnes choses. C’est ce qu’ont dû se dire les éditeurs de Hammer & Bolter en choisissant de faire suivre une nouvelle de Josh Reynolds… par un extrait de Knight of the Blazing Sun, roman signé par le même gaillard.
 
Là encore, nous nous retrouvons en terrain connu, puisque le personnage de la première partie du chapitre livré en pâture aux insatiables lecteurs de la BL n’est autre qu’Hector Goetz, déjà mis en avant dans The First Duty (Hammer & Bolter #6). Et si l’autre héros templier de Josh n’a pas la faconde ni l’expérience de sa contrepartie Manannite1, Herr Goetz ne manque certes pas de ressources, à commencer par un talent certain au maniement des armes, qui lui permet de se farcir un Chef de Guerre Orque Noir en (quasi) solo, quand Erkhart Dubnitz est bien en peine de gourmander un pauvre petit homme requin de rien du tout sans manquer de se faire arracher la tête. Ajoutez à cela un pedigree certes mystérieux mais apparemment de haute volée (selon les dires de son propre Hochmeister, Goetz serait l’héritier de la province perdue du Solland/Suddenland), et pour finir une volée de flèches décochée par des gobelins revanchards, et vous obtiendrez un portrait assez fidèle du protagoniste de Knight of the Blazing Sun, personnage pas vraiment mémorable mais pas désagréable non plus, ce qui constitue un point de départ honorable pour un roman de la BL.
 
Plus intéressant est le parti pris choisi par Reynolds de relater une bataille mettant aux prises l’armée de Wolfram Hertwig, comte électeur de l’Ostermark, à une Waaagh ! quelconque mais très remontée, depuis le point de vue d’un escadron de chevaliers impériaux2. Qu’il s’agisse de décrire l’attente tendue en réserve du gros des forces impériales, la transmission – loin d’être évidente – des ordres du commandement à cet escadron excentré de la ligne de bataille, l’impact d’une charge de cavalerie (en insistant bien sur le fait que, comme sur la table, ce sont les chevaux qui font le gros du boulot), ou encore la situation précaire d’une unité de cavalerie d’élite de cinquante hommes encerclée de toutes part par de l’infanterie, même basique, une fois l’élan de sa charge dissipé, Josh Reynolds réussit à donner à son récit une patine de crédibilité, sans oublier de donner à ses lecteurs quelques scènes de combat distrayantes à défaut d’être mémorables.
 
La deuxième partie du chapitre, qui débute après que Goetz ait été initié aux joies de l’acupuncture gobeline par les archers de compagnie du Big Boss qu’il venait juste d’étendre, transporte le lecteur sur les rivages de la Mer des Griffes, où un n-ième Hochmeister de l’Ordre recueille une prophétie à part égale funeste et difficile à interpréter de la bouche de l’oracle de Myrmida du cru. Nul doute que cette conclusion sibylline fait parfaitement sens un peu plus tard dans le roman, et le procédé du « tu comprendras plus tard » utilisé par Reynolds n’est pas vraiment rédhibitoire au plaisir de lecture, pour peu qu’il soit étayé par une mise en contexte postérieure suffisamment bien faite pour ne pas laisser le lecteur sur sa faim. Abnett fait ça très bien (voir l’extrait de Prospero Burns de Hammer & Bolter #1), et il n’y a aucune raison de penser que Josh Reynolds ne soit pas capable d’en faire de même. Ce teaser de Knight of the Blazing Sun remplit donc sa fonction, et ne manquera pas je gage de faire gagner quelques nouveaux fidèles à Reynolds. De ce que l’ai pu lire du bonhomme jusqu’ici, c’est tout à fait mérité.
 
1 : Ca fait mieux que Manannaine, non ?
 
2 : Le fluffiste impérial ne manquera pas de noter l’ironie que constitue l’inclusion d’une force de chevaliers dans l’armée d’Hertwig, dont le principal fait d’arme consistait (avant la Fin des Temps) à avoir mené son ost au massacre du fait de son inexpérience et de sa farouche volonté de ne pas laisser le commandement des forces impériales au Grand Maître Kessler.
 
The Lion (part I) – Thorpe :
 
À la suite de la première (et peu concluante) tentative des éditeurs de Hammer & Bolter d’aborder le format de la longue nouvelle (une cinquantaine de pages au lieu de la vingtaine constituant le mètre étalon de la maison) via la soumission par Andy Smillie de son assez quelconque Beneath the Flesh (Hammer & Bolter #15/16), c’est au tour du Gav de se frotter à la novella, cet entre-deux indéfinissable entre la nouvelle et le roman. Et avant même de débuter la lecture de ce The Lion, force était de constater que Thorpe abordait l’obstacle dans des conditions bien plus favorables que son prédécesseur, tant au niveau de l’expérience (plus de 20 ans de maison) que du sujet (Lion El’Jonson, sa vie, son œuvre) et de l’univers (l’Hérésie d’Horus). Cela étant dit, la tendance de Gavin à se contenter du strict minimum en matière de storytelling incitait également à la circonspection, et c’est ainsi que j’abordais cette première partie sans a priori d’aucune sorte.
 
Prenant la suite de l’affrontement entre les deux self-made Primarques sur Tsagualsa (épisode narré dans le Savage Weapons d’ADB), dans le cadre de l’affrontement larvé entre Dark Angels et Night Lords, Thorpe centre logiquement son propos sur la Première Légion et sur Lion El’Jonson, tout à la fois frustré par l’impossibilité de mettre un terme à la croisade de Thramas et de se porter au secours de Terra, et travaillé par la déclaration du Night Haunter à propos de la loyauté vacillante des Dark Angels restés sur Caliban.
 
La réception d’une demande d’assistance émise par la garnison d’un complexe isolé de l’Adeptus Mechanicum (eh oui, encore un !) localisé dans le système de Perditus vient tirer le Lion de la bouderie contemplative dans laquelle il s’était plongé depuis la tentative de strangulation dont il avait fait les frais de la part de ce coquin de Kurze. Ni une ni deux, Jonson décide de se rendre sur place à la tête d’un contingent d’une taille plus que respectable (30.000 légionnaires tout de même), afin de s’assurer que le secret détenu sur Perditus ne tombe pas entre de mauvaises mains, Iron Warriors, Iron Hands et Death Guard ayant été repérés en train de rôder dans les environs.
 
Le gros de la première partie de The Lion décrit donc le voyage de l’Invincible Reason et de son escorte vers le système de Perditus, odyssée pimentée par la prise en filature du vaisseau amiral des Dark Angels par un mystérieux poursuivant, phénomène normalement impossible du fait de la nature particulière du Warp. Soucieux de préserver la confidentialité de son arrivée, Lionel parvient à attirer son poisson pilote dans l’univers réel pour une petite explication de texte, qui se solde au final par l’invasion de l’Invincible Reason par une flopée de démons pas vraiment concernés par les désirs d’intimité des DA. Too bad. Le rideau retombe au moment où Jonsy (à ne pas confondre avec Jónsi, bien que les deux partagent la même coquetterie à l’œil droit) s’apprête à aller coller quelques baffes aux séides des Dieux Sombres afin de leur apprendre à respecter la propriété d’autrui. Non mais.
 
Malgré quelques longueurs dans son déroulement, The Lion s’est révélée être une lecture assez agréable, même si Gav ne parvient pas à rendre une copie du même niveau que Dembski Bowden, dont les nouvelles Savage Weapons et Prince of Crows restent à mes yeux les deux must read pour tous les amateurs de l’Horésie d’Hérus (j’invertis des lettres si je veux) intéressés par la guéguerre entre paloufs et rogues. On peut d’ailleurs tout à fait considérer que la soumission de Thorpe comme un side event de la croisade de Thramas, El’Jonson prenant un break bien mérité après trois années de cache-cache avec les Night Lords pour accomplir une quête annexe, sans que la VIIIème Légion n’intervienne de manière significative dans l’intrigue.
 
En choisissant de faire d’un Primarque le personnage principal de son propos (même si le Sénéchal Corswain tente également d’exister aux côtés de son père génétique), Gawin prenait le risque de ne pas rendre justice à cette figure surhumaine, trop souvent décrite comme un simple super Space Marine dans les œuvres romancées de la Black Library. Je dois reconnaître qu’il s’en est plutôt bien tiré, en grande partie grâce à la description en clair-obscur qu’il fait de son héros, dont les motivations comme l’allégeance finissent par apparaître bien plus floues que ce que son image de loyaliste radical laissait à penser. Méfiant jusqu’à la paranoïa, faisant preuve d’un goût prononcé pour l’isolation (certains diront pour la bouderie), ne supportant pas la contestation de la part de ses subalternes (au point de décapiter à main nue un Chapelain ayant refusé de révoquer l’édit de Nikea), et éprouvant un indéniable, même si coupable, plaisir à imposer son point de vue par la force, le Lion de Thorpe n’est pas le parfait chevalier décrit par la propagande impériale, ce qui rajoute une profondeur intéressante à un personnage autrement ennuyeux de surpuissance. En complément, et comme souvent dans les publications relatives à l’Hérésie d’Horus, les détails de fluff (d’un intérêt plus ou moins grand) abondent, ce qui justifie amplement la lecture de cette nouvelle par tous les fans des Dark Angels.
 
Si l’utilisation de Lion El’Jonson comme protagoniste est donc assez réussie, les autres personnages de Thorpe, à commencer par Corswain, aka le Loken de la Première Légion (il en faut bien un), se révèlent malheureusement bien fades, tout comme la plupart des péripéties mises en scène au cours de cette première partie. Jamais avare en matière d’affrontement entre vaisseaux spatiaux, le Gav sert une nouvelle fois la soupe en consacrant une part non négligeable de sa nouvelle à la description de la « poursuite » entre l’Invincible Reason et son admirateur secret, à la fois dans, hors et entre (je me comprends) le Warp. Comme le bonhomme maîtrise son sujet, la pilule passe sans douleur, mais sans plaisir non plus. En fin de course, les points positifs l’emportent tout de même sur les points négatifs, et c’est avec une bienveillante neutralité que j’aborderai la deuxième partie de The Lion dans le prochain numéro de Hammer & Bolter.
 
Au final, ce 17ème numéro de Hammer & Bolter constitue l’une des livraisons les plus consistantes de cette deuxième année, en grande partie grâce au doublé de Josh Reynolds, honorablement complété par les nouvelles des grands anciens McNeill et Thorpe, un ton en dessous mais toujours dans la tranche haute du lisible et du divertissant. Counter ferme la marche avec son Vermilion, plus incongru que réellement indigeste, pour un solde largement positif. C’est suffisamment rare pour être souligné ! 
 
Schattra, "le même, un an plus tard"

Modifié par Schattra
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Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 18ème numéro de Hammer & Bolter ! Une fois n’est pas coutume, l’illustration de la couverture se trouve être tout à fait en rapport avec le contenu de cette publication (jusqu’à présent, la tendance était plutôt à la pertinence rétroactive, quand pertinence il y avait), puisque les deux buddies les plus célèbres de la Black Library, j’ai nommé Gelix et Fotrek, tiennent la vedette dans pas moins de deux nouvelles de ce numéro. En complément, Thorpe poursuit son long format consacré aux pérégrinations du Lion dans le système de Perditus, et Abnett & Vincent font un retour remarqué avec un nouveau chapitre de leur roman feuilleton psychédélique. En selle.

 

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The Oberwald Ripper – Goulding :

 

Première, et pour autant que je sache seule, incursion de Laurie Goulding (qui occupait aux dernières nouvelles le poste d’éditeur au sein de la Black Library) dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle, The Oberwald Ripper voit notre newbie se frotter au duo tragi-comique le plus célèbre de la franchise, alors que ce dernier cherche à se faire oublier pendant quelque temps (sans que l’on sache trop pourquoi d’ailleurs). Troisième nouvelle de Hammer & Bolter mettant en scène Gotrek et Felix1, ce court format était l’occasion de juger le travail de Mr (car oui, c’est un Mr) Goulding sur ce que l’on peut considérer comme l’exercice de style par excellence pour un auteur Battle (tout comme l’histoire de marounes constitue le bizutage des rookies de 40K).

 

Logiquement centré sur la charmante, même si passablement terrifiée, ville d’Oberwald, bien connue pour son domaine de ski de fond et son joueur vedette de Blood Bowl (Griff Oberwald), notre propos débute dans une taverne, en compagnie de la moitié blonde et geignarde du célèbre tandem. Et si Oberwald est terrifiée, comme Felix l’apprend rapidement, c’est à cause des ravages commis par un mystérieux tueur, surnommé l’Eventreur d’Oberwald à cause de son mode d’opération privilégié. Hantant la ville depuis plusieurs semaines et frappant sans prévenir, l’Eventreur est devenu la hantise des Oberwalders, dont les efforts pour se débarrasser de ce nuisible n’ont pas été couronnés d’un franc succès jusqu’ici. Comble de malheur, la réputation sulfureuse de la bourgade a commencé à filtrer dans le reste de la province, avec un impact désastreux (mais logique) sur les activités commerciales de la ville. Malgré l’ambiance assez lourde régnant dans la taverne, Felix réussit malgré tout à finir la soirée en bonne compagnie, l’entreprenante fille d’un marchand de passage l’ayant subrepticement matché sur Tinder alors que son père tentait tant bien que mal d’éviter le lynchage après une remarque malheureuse sur les compétences de la milice locale.

 

Malheureusement pour nos tourtereaux, la nuit ne se terminera pas aussi bien que prévu, Mademoiselle se faisant prestement étriper dans une ruelle sombre, sans que Monsieur, passable éméché et à mi-chemin du coma éthylique, n’ait eu l’occasion de concrétiser ou de s’interposer. Pour ne rien arranger, la fameuse milice d’Oberwald dont l’efficacité avait été remise en question quelques pages plus tôt trouve en Felix un coupable idéal pour le meurtre sauvage de sa dulcinée (il faut dire qu’il a été trouvé en train de barboter entre la rate et l’intestin grêle de la belle), et pour tous ceux d’avant tant qu’à faire. Notre bellâtre est donc envoyé en prison malgré ses vigoureuses dénégations, avec pour seul horizon une pendaison expéditive d’ici à la fin de la journée, et pour seule compagnie un clodo sociopathe, dont on comprend assez vite (en même temps, la nouvelle ne fait que 23 pages, c’est pas lourd pour mener une enquête digne de ce nom) qu’il s’agit du véritable Eventreur, dont le comportement bizarre aux abords de la scène du crime lui a également attiré les faveurs des forces de l’ordre.

 

Et Gotrek, me direz-vous ? Eh bien Gotrek avait choisi d’abandonner son binôme pour la soirée afin de s’initier aux subtilités du contre-sirop Stirlandais dans un cercle de jeu local, avant de décider de refaire le portrait de ses petits camarades à coup de tabouret dans les gencives, après qu’il les eut surpris à tricher. Témoin de l’arrestation de Felix, il opte (pour une fois) pour la méthode douce et se lance dans une (très courte) investigation afin de faire blanchir son commémorateur. Armé de son fidèle tabouret et de son proverbial sens de la négociation, il parvient lui aussi à identifier le véritable coupable en moins d’une demi-heure, ce en dit vraiment long sur le niveau de la PJ locale, mais je m'égare.

 

Pendant ce temps, Felix doit subir la logorrhée assez confuse de l’Éventreur, qui comme tout bon méchant de série B, ne peut résister à la tentation de révéler ses motivations aux héros au cours d'un monologue à l'issue généralement funeste.  Nous avons ici droit à un mélange détonnant d'analyses rousseauistes (l’homme est bon dans l’état de nature, c’est la société qui le corrompt), de critique de la division du travail (du chasseur cueilleur polyvalent à la prostituée spécialisée, il n’y a qu’un pas) et de plaidoyer communiste. Malheureusement pour lui, celui qui se rêvait en Night Haunter impérial finira empalé sur son propre couteau après un combat assez quelconque (pour une fois que c’est Felix qui se tape le « boss de fin »…). La nouvelle s’achève sur la fuite hors d’Oberwald de nos compères, vers de nouvelles, et on l’espère plus excitantes, aventures.

 

Sans être mauvaise, la performance de Goulding pêche selon moi par un parti pris scénaristique hasardeux, à savoir écrire une aventure de Gotrek et Felix en ne reprenant qu’une partie des codes de ce type de littérature, en particulier la présence (et dans ce cas précis, l’absence) d’une Nemesis suffisamment costaude pour permettre au Tueur nain de se mettre en valeur dans un combat final digne de ce nom. Cela avait déjà été le cas dans la soumission de Guymer, dans laquelle le rouquin psychopathe n’avait eu qu’une poignée de skavens pas vraiment dégourdis à se mettre sous la hache. Ceci dit, le choix de l’auteur de raconter l’histoire depuis le point de vue d’un raton lui avait permis d’éviter l’écueil dans lequel Goulding s’est malheureusement échoué. (John) Brunner avait lui choisi de respecter le cahier des charges dans son A Place of Quiet Assembly, narré par un personnage tiers, mais conclu par une baston entre Gotrek et une coterie d’adorateurs de Tzeentch de bas niveau. Rien de tout ça dans The Oberwald Ripper, qui se révèle être une sorte de thriller bâclé (faute de place pour instiller l’atmosphère adéquate) utilisant notre duo fétiche à contre-emploi. Quitte à caster des têtes connues de la Black Library, Goulding aurait sans doute gagné à aller voir ailleurs, d’autres personnages (Zavant Konniger en tête2) répondant à mon sens bien mieux à son approche « non-violente » (ou plus exactement, pas assez violente) que Gotrek et son sidekick.

 

Ce problème de fond évacué, on peut toutefois apprécier l’aisance avec laquelle l’auteur met en scène ses protagonistes, dans la continuité du style défini par King et Long dans les tomes précédents de la saga. Le flirt assez largement couvert entre Herr Jaeger et l’ultime victime de l’Éventreur constitue d’ailleurs une preuve indiscutable de la connaissance de Goulding de l’esprit Gotrek et Felix, seule série (pour autant que je le sache) de la Black Library où la vie amoureuse (et même sexuelle de temps à autre) des personnages est un tant soit peu couverte. En revanche, j’aurais apprécié une meilleure mise en contexte de cette aventure, que j’ai deviné prendre lieu peu de temps après une rencontre riche en évènements avec Ulrika, sans que Goulding ne donne plus de précisions sur les raisons ayant poussé le duo à faire profil bas. Même si cela ne nuit pas à la compréhension de la nouvelle, je considère cet effort de « raccrochage de wagons » comme une marque de politesse de l’auteur envers son lectorat, et n’ai pu donc que déplorer son absence. Enfin, on ne m’enlèvera pas de l’esprit que Long reste bien meilleur en matière de « logistique narrative » (ça fait beaucoup d’expressions à guillemets, je vous l’accorde) que son padawan, dont la tendance à passer rapidement sur, ou à carrément éluder, les péripéties pouvant potentiellement ralentir l’intrigue dénote selon moi d’une certaine paresse intellectuelle3.

 

Au final, The Oberwald Ripper est un épisode assez anecdotique de la fresque des Gotrek et Felix, et n’intéressera que les fans les plus hardcore de cette dernière (et encore). Si vous êtes à la recherche d’une introduction digne de ce nom à cette franchise fondatrice de l’univers de Warhammer Fantasy Battle, je ne saurais trop vous recommander de vous tourner vers l’autre nouvelle siglée G&F de ce numéro de Hammer & Bolter (Slayer of the Storm God), dont la lecture s’avère bien plus intéressante.

 

1 : Auparavant il y eut A Place of Quiet Assembly de John Brunner – H&B #1 – et The Tilean Talisman de David Guymer –  H&B #14.

 

2 : Josh Reynolds organisera d’ailleurs un cross over assez sympathique entre ces deux franchises dans The Problem of Three-Toll Bridge (H&B #25), dans lequel Zavant disculpe un jeune Felix Jaeger de sa responsabilité dans la mort d’un autre étudiant au cours d’un duel.

 

3 : Exemple représentatif : une fois l’Eventreur refroidi, Felix est toujours menotté, enfermé dans une cellule, et devra normalement répondre de son acte devant la milice d’Oberwald, qui vient d’être alertée par les cris de feu l’Eventreur que Jaeger est un homme recherché dans tout l’Empire. Mettre en scène une évasion crédible à partir de ce postulat aurait nécessité au moins quelques pages de développement, au lieu de quoi Goulding matérialise Gotrek devant la porte du cachot et lui fait cracher un laconique « Let’s get out of here. » avant d’enchaîner sur la conclusion de la nouvelle, bien loin de la cité. Un peu trop facile à mon goût.

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The Lion (part II) – Thorpe :

 

Retour sur le pont de l’Invincible Reason, victime d’une tentative de squat (aucun rapport avec les nains-génieurs bouffés par les ‘nides dans le fluff) en bonne et due forme par une cohorte démoniaque, suite à un bitch move effectué par des Night Lords ne supportant visiblement pas de perdre à cache cache. Réalisant que ses sous-fifres sont incapables d’expulser les indésirables sans un petit coup de main de sa part, Lionel part s’équiper dans ses quartiers pendant que son fidèle Corswain réorganise la riposte des Anges (dit comme ça, on dirait un teaser pour une émission de la TNT). Malgré l’urgence de la situation, le Primarque réfléchit longuement aux options s’offrant à lui1 en matière de stuff (le bougre a une pièce entière remplie d’armes de corps à corps), et finit par opter pour une paire d’épées bâtardes, choix certes kikoolol dans l’absolu mais assez dévastateur dans la pratique, comme on le verra plus tard.

 

À la tête de ses légionnaires, Lionel s’enfonce donc dans les entrailles de son vaisseau en direction du réacteur Warp, qu’il sait être la cible principale des vils résidents de l’Immaterium ! Les premiers mobs ayant le malheur de spawner sur son chemin sont rapidement réduits à l’état de protoplasme, pour un gain d’expérience assez minime pour notre héros, tant la différence de niveau est criante. Bien décidé à rattraper son retard sur Sanguinius et Fulgrim, qui eux ont passé le niveau 105, le Lion enclenche la vitesse supérieure et initie un raid de la base adverse… en solo. Dommage pour les PNJ qui constituaient son « escorte », et doivent maintenant se débrouiller tout seuls contre des ennemis dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence une heure plus tôt. Big brother is not watching you any longer, suckers.

 

De leur côté, Corswain et sa garde rapprochée finissent par pénétrer dans la salle du réacteur, où les attend un Duc du Changement bicéphale (qui n’est pas Kairos, sauf erreur de ma part) qui insiste lourdement pour avoir une discussion avec le shift manager. Son sénéchal ayant perdu une guerre mentale contre Super Poulet et se trouvant par conséquent sous la domination de ce dernier, Lionel n’a d’autre choix que de la jouer fine et échange donc quelques banalités avec sa Nemesis avant de profiter de la nuque roide de ce dernier pour lui tomber sur le râble gésier et lui faire avaler son bâton. L’Angry Bird Alpha ayant été mis hors d’état de nuire, les autres démons sont rapidement bannis par l’équipage de l’Invincible Reason, qui peut alors reprendre sa route vers le système de Perditus et rallie bon port sans plus d’incidents.

 

La deuxième partie de cette deuxième partie met sur le devant de la scène les forces en présence à la surface de la planète, en particulier les Iron Hands du capitain Lasko Midoa et la Death Guard de ce bon vieux Calas Typhon. L’arrivée en orbite de la flotte des Dark Angels venant mettre fin au statu quo atteint par les belligérants depuis plusieurs jours, les poings nickelés saisissent l’occasion se présentant à eux pour attaquer les positions des prouteux. On ne peut plus suspicieux, le Lion décide toutefois d’envoyer un ultimatum indiscriminé par le biais de ses Archivistes2 aux factions présentes sur Perditus, que l’on peut résumer en cinq mots : « Cassez-vous de ma planète ». Et si les Iron Hands trouvent plus prudents d’obtempérer, Typhon ne l’entend pas de cette oreille et profite du désarroi de ses adversaires pour monter une contre-attaque. L’épisode se termine avec un Lionel passablement énervé de voir son autorité bafouée par ses neveux, et tout près d’envoyer quelques mégatonnes de glaçons sur la station de recherche afin que tout le monde puisse en mettre dans son slip. Zut à la fin.

 

Chapitre de transition entre deux arcs narratifs distincts, ce deuxième volet de The Lion ne diffère pas vraiment du premier d’un point de vue qualitatif, même si les nombreux passages d’action laissent logiquement moins de place à Thorpe pour continuer sa description du Primarque (ce que je trouvais être l’aspect le plus intéressant de cette nouvelle), bien qu’il réussisse tout de même à compléter le tableau, décidément ambigu, du caractère de Lion El’Jonson en mettant à profit les quelques passages plus posés de l'épisode.

 

À titre personnel, j’ai trouvé la baston de l’Invincible Reason assez dommageable du point de vue du character development mis en place par Gav depuis le début de la nouvelle, Jonson apparaissant certes à cette occasion comme un guerrier insurpassable (et suffisant), mais également (et surtout) comme un stratège très limité et un meneur d’hommes abominable. De la part du frère ennemi de Leman Russ, je m’attendais à une approche moins rentre dedans de la chose militaire, même s’il est somme toute assez logique qu’un Primarque aussi renfermé et méfiant que Lionel choisisse d’agir comme la one man army qu’il est en définitive, sans prendre le temps de coordonner ses actions avec ses alliés.

 

La partie consacrée à l’affrontement entre Iron Hands et Death Guard est quant à elle tout à fait lisible, même si, détails fluff mis à part, il n’a pas grand-chose à tirer de cette n-ième empoignade SM. L’inclusion de Typhon au casting de The Lion est toutefois une vraie bonne nouvelle, l’iconique premier capitaine DG promettant d’être, en l’absence d’un Primarque renégat, une Nemesis convenable à Lionel lors du dernier volet de ce triptyque hérétique.

 

1 : On me signale dans l’oreillette que cet épisode de la geste d’El’Jonson est entré dans la postérité au point de se retrouver dans une comptine bien connue des bambins de l’Imperium quelques dix mille ans plus tard :

Promenons-nous dans le vaisseau

Pendant que le Lion s’fait beau

Si le Lion y était

Il nous défoncerait

Mais comme il n’y est pas

Il nous butera pas

Lion y es-tu ? Que fais-tu ? M’entends-tu ?

Lionel : Je mets mon armure d’artificier

(au refrain)

Lionel : Je ceins ma pelisse en peau de panthère de Caliban

(au refrain)

Lionel : Ah merde, j’ai oublié de mettre mes chaussettes, du coup il faut que j’enl-

(au refrain)

Lionel : C’est bon, je suis prêt ! Maintenant, il faut que je choisisse une arme.

(au refrain)

Lionel : Hmmm…

(au refrain)

Lionel : J’hésite.

(au refrain)

Lionel : …

(87 refrains plus tard)

Lionel : Ok pour la paire d’épées longues. ME VOILAAAAAAA !!!

 

2 : On notera au passage que Lionel n’a pas suspendu l’Edit de Nikea de manière temporaire, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un fiston loyaliste. Il aurait été logique que le commandement de Pépé redevienne loi une fois l’Invincible Reason débarassé de ses parasites démoniaques, l’utilité de psykers de bataille une fois cette crise surmontée n’étant plus que marginale. Reste que le Primarque de la première Légion avait visiblement un autre avis sur la question.

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Gilead’s Curse (ch. 5) – Abnett & Vincent :

 

Après un court hiatus, voici donc que nous revient le roman feuilleton de cette deuxième année, le très aptement nommé Gilead’s Curse. Pour rappel, le chapitre 4 s’était terminé par un poggo géant dont notre héros était l’épicentre, technique de combat contre laquelle il s’était trouvé totalement dépourvu malgré toute sa badasserie et sa shadowfasttitude. Isolé, ligoté et désarmé au plus profond d’un antre skaven, c’est peu dire qu’affirmer que Gilead ne commence pas ce chapitre 5 (dont Vincent nous prévient d’emblée qu’il changera la vie de ses lecteurs) dans les meilleures conditions. Cette situation ne semble toutefois pas le gêner outre mesure, la première décision prise par l’elfe flegmatique à son réveil étant de… piquer un roupillon, et cela alors même que le roi des rats lui susurre sa litanie au creux de l’oreille. Dans le genre cause toujours, tu m’intéresses, on doit reconnaître que Gilead se pose là, même si cette poussé de jemenfoutisme aigu aurait pu très mal se finir pour notre héros.

 

Émergeant frais et dispos de sa petite sieste, et découvrant que son geôlier lui a faussé compagnie, Gilead décide fort logiquement de trouver un moyen de se libérer d’inspecter les appartements privés du roi des rats tout en faisant quelques exercices de musculation afin d’éviter les courbatures. Car, oui, pourquoi saisir l’opportunité de fausser compagnie à un tyran dont l’intention est de siphonner votre immortalité quand on a l’occasion d’estimer la valeur de sa collection de bibelots ? C’est dans ces moments que l’on se dit que la psyché elfique (ou celle de Nik Vincent, j’hésite encore) est radicalement différente de la nôtre. Persuadé d’être Emmanuel Layan dans Un Trésor dans votre Maison, Gilead va donc passer plusieurs heures à expertiser le contenu des six niches creusées dans le mur de l’antre de son tortionnaire. Résultat des courses : un scarabée de Khemri dans un bocal, la mèche de cheveux d’une finaliste de Toddlers & Tiaras, une bouture d’un arbre magique, un miroir, rien1, et une représentation du yin et du yang en caillou.

 

Cet examen (qui occupe tout de même 7 pages sur les 18 que compte le chapitre), extrêmement poussé et entrecoupé d’hallucinations mettant en scène chaque relique au moment de sa capture par les skavens, prend fin au retour du roi des rats, qui a la surprise de découvrir que son précieux prisonnier s’est (finalement) libéré de ses liens et l’attend de pied ferme2. Enfin, quand je parle de surprise… Ce qui aurait été une réaction normale de la part d’un personnage skaven (race pas franchement réputée pour sa bravoure) dans n’importe quelle nouvelle de la Black Library ne pouvait évidemment pas être repris par une Nik Vincent n’en étant plus à un highkick dans les dents du fluff canon près. Le nabab raton arrive donc posément dans ses quartiers et constate, tout aussi posément, que le saucisson elfique préparé par ses séides quelques heures/jours/semaines (entre Gilead qui peut passer des heures à se préparer à regarder le contenu d’une niche et Ratatouille qui devait reprendre en main l’organigramme de toute la race skaven suite au massacre provoqué par Super Valium et Captain Bêche au chapitre précédent, on est plus à trois minutes près) est sorti de sa camisole de force3, sans se dépareiller ni de son calme olympien, ni de son sempiternel gimmick (rien que pour ça, il mérite de se faire buter). Gilead, de son côté, bien qu’ayant récupéré ses armes et disposant d’une palanquée de raisons pour faire la peau à son vis-à-vis (à commencer par le fait qu’il est personnellement responsable de la mort de ton sidekick, espèce de jambon !), ne semble pas non plus animé d’intentions très belliqueuses envers ce dernier, et se contente de contempler son ennemi mortel d’un regard que l’on devine être torve. Le suspense est à son comble…

 

Décidément, les chapitres de Gilead’s Curse se suivent et se ressemblent, et le bilan que je fais de ce cinquième épisode n’est pas différent de celui que j’avais fait pour les quatre précédents : style très/trop différent de celui des autres contributeurs de la BL, tournures tarabiscotées, phrases à ne surtout pas sortir de leur contexte, descriptions fastidieuses mais souvent peu claires, connexions logiques lacunaires ou mal introduites, et surtout, absence d’un schéma narratif apparent (mais où est-ce que Vincent veut aller avec ce salmigondis halluciné ?), font de la lecture des aventures de Gilead une expérience très particulière. Je crois que l’on peut définitivement considérer que Nik Vincent n’est pas (ou plus) faite pour écrire pour des franchises med-fan, et prier pour que Dan Abnett vienne un jour se pencher sur le berceau de ce roman feuilleton autre avant qu’il ne soit trop tard. L’espoir fait vivre…  

 

1 : Je trouve cette absence caractéristique du style déroutant de Nik Vincent. Quitte à reprendre les codes des contes de fées en consacrant des pages entières à décrire des objets que l’on devine être magiques et amenés à jouer un rôle important dans la suite de l’histoire (ce qui ne sera pas le cas pour la majorité d’entre eux soit dit au passage), autant définir tout de suite le nombre exact d’artefacts et ne pas décider en cours de route qu’il n’y en a que cinq au lieu des six anticipés.

 

2 : J’aurais été à la place de Gilead, j’aurais commencé par me libérer avant d’aller inspecter la penderie du mec qui veut me buter. Ça lui aurait de plus permis de mieux voir les objets du roi des rats, au lieu de devoir rouler de droite à gauche pour se mettre en face de chaque niche. M’enfin, ce n’est que mon avis de non-Elfe…

 

3 : Vincent, jamais la dernière quand il s’agit d’entrer dans le détail de choses dont le lecteur n’a absolument rien à faire, dépeint un Gilead utilisant son shadowfast pour provoquer l’usure des cordes qui l’entravent, en contractant ses muscles de manière très rapide. Appelons ça la méthode Sport Elec.

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Slayer of the Storm God – Long :

 

Après l’élève, place au maître. Difficile de trouver accroche plus approprié à la critique de ce Slayer of the Storm God signé de la main de Nathan Long, auteur en charge de la destinée de l’increvable duo depuis la passation initiée par William King en 2003. Initialement sorti sous la forme d’un audio book, cette nouvelle se déroule juste après les évènements relatés dans Elfslayer, et débute avec le retour de nos héros au domicile du pirate Hans Euler, afin de récupérer la lettre que ce dernier menaçait d’utiliser afin de faire chanter le père de Felix. Laissant à son comparse le soin de mettre en sécurité le précieux document, Gotrek décide pour sa part de joindre l’utile à l’agréable en faisant main basse sur le reste du contenu du coffre du contrebandier. Cette rapine innocente (car comme notre Nain le dit lui-même, ce n’est pas un crime de voler un voleur) est l’élément déclencheur d’une aventure aussi rapidement expédiée (il ne s’agissait pas de rater le bateau pour Altdorf le lendemain matin) que riche en rebondissements, au cours de laquelle les deux compères se retrouveront – bien involontairement – opposés à des sectateurs de Stromfels ni vraiment commodes, ni vraiment humains.    

 

Dans la droite ligne du sans-faute réalisé sur le Red Snow de 2010, Long confirme avec ce nouvel épisode de l’interminable saga de Gotrek Gurnisson qu’il est toujours ce qui se fait de mieux à la Black Library en matière de hack’n’slash divertissant. A contrario des contributeurs de Hammer & Bolter s’étant précédemment frottés à la légende orange, Long respecte scrupuleusement le cahier des charges du genre (qu’il a contribué à établir, il est vrai) et donne au nabot patibulaire un adversaire digne de ce nom, en la personne d’un avatar de Stromfels aussi squaliforme que tentaculaire (le dieu des tempêtes est du genre fromage et dessert dans ses attentions). Cette confrontation finale sur les docks de Marienburg conclut une série de péripéties au cours desquelles nos héros visiteront un hôtel particulier, deux tavernes et les marais de l’estuaire du Reik, et affronteront une armée de SSS (sbires squameux de Stromfels), le tout en moins de 30 pages.

 

Concise, précise et jamais avare en matière de détails fluff, l’écriture de Nathan Long rend totalement justice au légendaire binôme de la BL, sans jamais donner dans la facilité ni dans la répétition (ce qui, au vu du schéma narratif monolithique caractérisant les aventures du meilleur/pire Tueur du monde de Warhammer, relève de la gageure). Bref, Slayer of the Storm God est sans conteste la meilleure nouvelle de Gotrek et Felix publiée dans Hammer & Bolter, loin devant la concurrence.

 

Après un 17ème numéro superlatif, cette 18ème publication sonne comme un retour à l’ordinaire pour le webzine de la Black Library. La masterclass donnée par Nathan Long se trouve en effet un peu seule dans la catégorie des contenus excitants (remarquez, un esprit taquin pourrait très bien y faire également figurer le 5ème chapitre de Gilead’s Curse, mais pas pour les mêmes raisons), le 2ème volet de The Lion du Gav et les débuts de Laurie Goulding dans Hammer & Bolter n’évoluant clairement pas dans la même catégorie. Ceci dit, on peut saluer l’effort de la BL d’avoir édité un véritable numéro thématique, et regretter que ce genre d’initiatives n’ait pas été pris plus souvent. À la prochaine !

 

Schattra, "à ce rythme..."

Modifié par Schattra
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@ FreDrich_00: Et voilà la petite sœur, camarade. La motivation, il faut s'en servir quand elle est là!

 

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 19ème numéro de Hammer & Bolter ! Je vous avoue que la lecture de la couverture de cet opus m’a fait présager, non pas du pire, mais du moyen, perspective guère emballante au moment de s’atteler à la rédaction d’une chronique. En cause, la présence au casting du besogneux brelan de la BL, j’ai nommé Mrs Counter, Thorpe et Kyme (en plus de la récurrente Vincent et du perpétuel Abnett). Auteurs bien établis au sein de la noble maison d’édition de Games Workshop, nos trois gaillards partagent en effet une tendance pour la prose SF/med-fan sans saveur, même si la soumission de textes intéressants n’est pas au-dessus d’eux (pas sûr pour Kyme, il faudrait que je cherche dans mes notes de lecture). Les voir truster la table des matières d’un numéro de Hammer & Bolter n’augurait donc pas du meilleur pour ce dernier, même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Et effectivement…

 

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Irixa – Counter :

 

Tel Joséphine Baker, Ben Counter a deux amours : la tête de veau sauce gribiche et écrire sur les Imperial Fists (ou leurs chapitres descendants). Bon, j’avoue que je ne suis pas tout à fait sûr de ma première proposition (je lui poserai la question la prochaine fois que je le croise), mais aucun doute n’est permis quant à la seconde, et cette nouvelle soumission à Hammer & Bolter en apporte la preuve éclatante. Irixa ne traite en effet pas d’une lotion anti démangeaison miraculeuse, d’un complément alimentaire à base de jinseng, de curcumin et de pot de yaourt ou d’une offre de placement à taux garanti de 87% (autant de suppositions pourtant valides, vu le nom de la nouvelle), mais bien de l’héroïque Premier Capitaine des Fists, l’imprésentable Darnath Lysander. Catapulté à la peu enviable position de maître de conférences pour une poignée de novices du Chapitre, sans doute suite à un défi perdu contre le roué Vladimir Pugh, Lysa prend le parti d’instruire ses charges en prenant comme exemple trois engagements de l’histoire des Fists ayant mis le commandant de ces derniers devant un choix cornélien.

 

Le premier exemple vit le capitaine Siculus résister à la tentation d’aller chasser un Acanthaspis petax1 fait Emperor’s Children pour la simple et bonne raison qu’il avait une colonne de réfugiés à escorter au spatioport le plus proche. Le second mit l’impétueux Hamander face à ses responsabilités lorsqu’il choisit d’aller récupérer avec quelques copains l’étendard de sa 7ème Compagnie2, abattu en même temps que le Thunderhawk le transportant lors d’une retraite stratégique. Malgré le fait que la plupart de ses collègues lui fissent part en termes non incertains de la stupidité d’aller risquer la vie de Space Marines pour chopper un bout de tissu, Hamander préféra la gloâre à la raison et s’en alla chercher l’étole… pour au final se prendre une tôle, les Eldars ayant envoyé rien de moins qu’un Avatar de Khaine pour les représenter au jeu du béret.

 

Utilisant ces deux anecdotes pour faire réfléchir ses pupilles aux responsabilités d’un Space Marine, Lysander conclut son cours magistral par un dernier récit, beaucoup moins connu que les précédents. Extrayant une douille de bolt de son tote bag Camaloon (car oui, on peut ne jamais quitter son armure terminator et néanmoins être un hipster hyper pointu3), il se lance dans la narration de l’expédition du Chapelain Belisar sur le monde hostile (il pleut des galets tout de même) de Xanatar, à la recherche des wanabees renégat du chapitre des Venom Thorns, dont les velléités de débuter leur Ultramar personnel à partir de cette planète pas vraiment sympathique mais néanmoins propriété de l’Empereur, passèrent moyennement bien auprès des autorités compétentes. Ayant filé rencart au Capitaine Tek’Shal (un ancien pote rencontré à la faveur d’un Festival des Lames) près d’un tas de cailloux particulièrement pittoresque, Belisar tenta de raisonner son buddy à coups d’arguments bien sentis, puis, constatant le peu de succès de sa méthode, dégaina sa pétoire et mit en joue l’apprenti Guilliman. Tirera, tirera pas ? Tout comme Siculus et Hamander, Belisar s’est retrouvé devant un choix sans solution évidente : descendre de sang-froid un frère de sang qui ne lui avait personnellement rien fait ou laisser partir un Space Marine félon ? Laissant les bleu jaune-bites méditer sur ce qu’ils auraient fait à la place de leur (pas si) illustre (que ça) prédécesseur, Darnie remballe son grigri gravé de l’acronyme IRIXA (Imperator Rex In Xanatar Aeternam), sonne la fin de la classe et part s’isoler dans son petit coin privé du Phalanx, qui se trouve être une salle accueillant une statue en pied de Belisar. La nouvelle se termine avec la révélation de comment le face à face entre ce dernier et le tourne-casaque s’est réellement conclu4, épisode ayant apparemment profondément marqué le jeune Lysander pendant son propre noviciat, et dont il tire une partie de sa légendaire fortitude. The end.

 

Avec Irixa, Counter corrige de fort belle manière le presque faux pas qu’avait été le Vermillion soumis quelques mois plus tôt dans Hammer & Bolter #17. Bénéficiant d’une structure narrative bien mieux définie, alternant plaisamment et assez cinématographiquement les passages de questions-réponses entre Lysander et ses élèves et le récit des trois épisodes servant de base à la leçon de ce dernier (ce qui permet à Counter de mettre en scène quelques scènes d’action plutôt honnêtes), abordant de manière intéressante la relation pas forcément évidente entre le sens du devoir et la fierté martiale d’un Space Marine, et se terminant par une conclusion en bonne et due forme agrémentée d’une mini révélation pas vraiment capitale mais néanmoins sympathique, Irixa est un travail sérieux auquel on ne peut pas reprocher grand-chose. Construit sur le même modèle qu’un autre succès indéniable de Counter (Sacrifice – Victories of the Space Marines), Irixa est à mon avis l’un des meilleurs courts formats de ce pilier de la BL.

 

1 : Aussi connu sous le nom d’assassin bug, l’acanthaspis petax est une punaise de Malaisie utilisant le corps de ses proies comme armure. Pareillement, le Capitaine Cohpran Vaa’eigoloth s’est façonné un bouclier avec les parties les plus nobles d’un malheureux Archonte Eldar. Le plus drôle est que le zoneille est encore vivant, et peut donc faire office d’enceinte Bose de secours si le Guide Eternel souhaite organiser une petite soirée à l’improviste.

 

2 : Avec un matricule pareil, il n’aurait guère été étonnant que les héroïques sauveteurs se révèlent être des bras cassés de première, ce qui n’a évidemment pas manqué (merci Ben de respecter les classiques de la cinémathèque française). Ma scène préférée reste le moment où l’un des deux Thunderhawks ayant rebroussé chemin pour porter secours à l’arrière garde des Fists se crashe tout seul dans un bâtiment en feu, condamnant de fait ses occupants à faire le chemin du retour à pied. Le théâtre des opérations étant une ville en ruines grouillant de Dragons de Feu se croyant au Burning Man et de Banshees fans de Captain Beefheart, cette randonnée pédestre ne pouvait pas bien se terminer.

 

3 : D’ailleurs, Lysander a la coupe de cheveux et la barbe d’un mec qui écoute des bootlegs de Pigeon Haggard (le demi-frère alcoolique et bipolaire de Merle) au 41ème millénaire.

 

: Pour faire simple, disons que ça c’est fini par un "Take that Tek’shal".

 

The Lion (part III) – Thorpe :

 

Grand final du plus long format jamais publié dans un numéro de Hammer & Bolter (romans feuilletons mis à part), le troisième acte de The Lion débute par la proclamation d’un fragile cessez le feu entre les belligérants de Perditus, la mauvaise volonté manifeste exprimée par Typhon ne faisant au final pas le poids face aux méthodes de négociations musclées d’El’Jonson1. Ce dernier arrive (finalement) à la surface de la planète aussi sapé qu’un maquereau de GTA, et pénètre dans la station de l’Adeptus Mechanicus, où l’attend Tuchulcha, boule à facette géante et accessoirement intelligence artificielle ayant asservi le système de Perditus jusqu’à ce qu’il soit libéré par l’effort combiné des Dark Angels et de la Death Guard. Epargné après sa défaite à fins d’études par le Mechanicum, Tu-pues-le-chat est le prix tant convoité par Typhon et Midoa, chaque camp cherchant à priver l’autre de la possession d’une machine au potentiel aussi extraordinaire que son humeur est taquine (du genre à envoyer des vaisseaux dans le Warp sans prévenir – ce qui n’est pas sympa – ni enclencher leurs champs de Geller – ce qui n’est franchement pas sympa –).

 

Au début pas franchement emballé par le tour qu’ont pris les expérimentations des prêtres rouges depuis son départ de Perditus, puis carrément effrayé par la puissance de HAL 30.000, Lionel décide de finir ce qu’il avait commencé il y avait des années et de détruire Tuchulcha… en apparence. Il annonce donc aux capitaines des autres Légions que la station de recherche de Perditus va être oblitérée afin que nul ne puisse être tenté d’utiliser le Tuch’ à des fins malavisées. Peu satisfait par cette décision, Typhon profite de la clémence du Lion à son égard pour se téléporter au cœur du complexe du Mechanicum2 afin de convaincre Tuchulcha de repartir avec lui sur le Terminus Est. Confiant dans sa survie (d’ailleurs il n’était même pas sûr qu’un Exterminatus soit capable de venir à bout de cet engin démoniaque – sans doute conçu par Nokia à la base –), ce dernier renvoie gentiment les Death Guards à leurs chères études et sur leur vaisseau, juste au moment où un Lionel vraiment furax de constater qu’absolument tout le monde le prend pour un con(combre) arrive à son tour dans la station et commence à botter des derches de Prouteux (résultat des courses : une paire de pompes en croco de Caliban3 bousillée).

 

La nouvelle se termine avec un Lion El’Jonson ruminant de bien sombres pensées, seul dans sa salle du trône (NDR : non, il n’est pas aux chiottes). Ayant au final récupéré Tuchulcha, qu’il compte utiliser pour mettre fin à la Croisade de Thramas une bonne fois pour toutes, il médite sur les derniers développements de la rébellion d’Horus et sur le comportement plus que suspect de Roboute Guilliman (qu’il ne semble d’ailleurs pas vraiment porter dans son cœur4) avec un de ses Jawas de compagnie (qui lui confirme ce que Cruze lui avait susurré à l’oreille sur Tsagualsa : les Dark Angels restés sur Caliban sont sur le point de faire sécession). Il en profite également pour exposer ce qui sera son grand dessein pendant l’Hérésie : s’assurer qu’aucune Légion, loyale ou non, ne sorte du conflit assez puissante pour pouvoir menacer le règne de Pépé. Une ligne de conduite plus que borderline, en cohérence avec les agendas secrets développés par la plupart des Primarques au cours du conflit (j’écris la plupart car je ne pense pas qu’Angron goûte aux plaisirs de la realpolitik), dont l’exposition permet de conclure The Lion de fort belle manière.

 

Bénéficiant grandement des révélations fluffiques amenées dans les dernières pages du récit, ce troisième volet n’est pas moins exempt de défauts, dont le premier est à mes yeux le traitement subi par Typhon sous la plume de Thorpe. Dépeint comme un demeuré fini en matière stratégique (toutes ses décisions intelligentes lui sont en fait soufflées par un sous-fifre) et comme une grande gueule prompt à insulter un Primarque, tout en sachant pertinemment que cela risque de se retourner contre lui et ses hommes5 (il doit faire des Périscopes, c’est pas possible autrement), le premier Capitaine de la Death Guard ne sort pas grandi cette nouvelle. À l’inverse, Lionel regagne en profondeur ce qu’il avait perdu pendant le 2ème épisode, son positionnement toujours plus ambigu par rapport aux forces en présence de l’Hérésie s’inscrivant fort bien dans le background, historiquement et canoniquement trouble, des Dark Angels en ces heures décisives. En auteur vétéran, Thorpe prend de plus bien soin de donner aux fanboys ce qu’ils veulent, c’est-à-dire des révélations fluffiques ayant une véritable portée sur le développement de l’Herésie d’Horus. Même si on n’est pas au niveau du twist final de Legion, c’est toujours sympa de voir des personnages importants se « griser » au fil des pages, et force est de reconnaître que Gav a fait honorablement le job de ce point de vue-là.

 

Autre source d’insatisfaction, les quelques failles de cohérence relevées en cours de route, la plupart découlant directement d’une utilisation trop bornée des pouvoirs de téléportation dont bénéficient les protagonistes de l’histoire, et qui auraient dû selon toute logique empêcher l’apparition du statu quo mis en scène par Thorpe sur Perditus (seul moyen pour que Lionel puisse arriver sur place à temps pour régler la situation). Entre Typhon qui se souvient soudainement qu’il n’a pas besoin de jouer au tower defense avec les Iron Hands pour accéder à Tuchulcha, et ce dernier qui attend obligeamment sur sa planète minable que Lionel vienne le chercher alors qu’il a certainement les moyens de précipiter leur entrevue, la crédibilité SF du récit est largement battue en brèche, ce qui est toujours dommage dans un nouvelle de 40K.

 

Ceci dit, le bilan est au final assez positif pour The Lion, qui se révèle être un long format digne d’intérêt et à la lecture divertissante. À l’inévitable question : « n’y avait-il pas moyen de faire la même chose en trente pages ? » j’apporterai une réponse négative, la longueur du récit permettant à Thorpe de peindre son sujet par petites touches, un parti pris s’avérant au final plus judicieux qu’un descriptif ramassé sur quelques lignes ou pages. Cet espace supplémentaire permet de plus à l’auteur de débuter quelques intrigues secondaires (Lionel qui doute de la loyauté du capitaine de l’Invincible Reason, Typhon qui voulait récupérer Tuchulcha pour le compte d’un mystérieux commanditaire, la probable présence d’agents du Dark Mechanicus parmi les gardiens de Tuchulcha) ne demandant qu’à être explorées dans d’autres récits. Pas mal Gavin, pas mal du tout.

 

1 : Lionel: Bon je te préviens coco, si tu ne fais pas exactement ce que je t’ai dit de faire, ça va très mal se passer pour toi. Je compte jusqu’à trois.

Typhon: Whatever, bitch.

Lionel: Un.

Typhon: Parle à ma fau-

- BOOOOOOOOOM -

Typhon: Oh, c’était quoi ça? Tu avais dit que tu comptais jusqu’à trois !

Lionel: Oui, et je balance une torpille cyclonique pour marquer le décompte. Deu-

Typhon: Okokokok, tu l’as ton armistice espèce de grand malade.

Lionel: Tu vois quand tu veux. On se retrouve en bas, bises.

 

2 : On se demande pourquoi la Death Guard n’a pas commencé par ça au lieu d’assiéger la station de manière conventionnelle.

 

: Ce jeu de mots vous a été gracieusement offert par Privateer Press.

 

: Il le considère au mieux comme un imbécile heureux et au pire comme un ignoble traître, le projet du grand Schtroumpf de commencer un Imperium 2.0 ne plaisant pas du tout à un Lionel se voyant en parangon de loyauté à son Pôpa. C’est assez savoureux de la part d’un Primarque qui a révoqué l’Edit de Nikea sans états d’âme et a décapité à mains nues un de ses Chapelains qui lui rappelait que ce faisant, il défiait ouvertement la volonté de l’Empereur.

 

5 : Extrait de la nouvelle fable du Lion et du Rat. « … Et Typhon lui tint à peu près ce langage: “Wesh bolos, les DG sont dans la place, prêts à te ravager la face ». Et Lionel répondit : « J’ai entendu ». Et Typhon ne dit plus rien car il s’était fait dessus… ».

 

Gilead’s Curse (ch. 6) – Abnett & Vincent :

 

Retour à la geste de Gilead le môôôdit, qui commence cette fois par un petit poème faisant rimer moon avec doom (rime touchant le RSA) et death avec faith (rime indigente)1. Ce huitain très imparfait sert d’introduction au retour d’un personnage délaissé par les auteurs depuis quelques chapitres, j’ai nommé le vampire Dragon Rouge lâchement attaqué par Gilead en pleine séance de pilates au début du roman. Et, tout comme son altesse murinissime Raton DLXXXVIII, notre ami hématophile est visiblement affligé d’un TOC de langage assez handicapant dans la vie de tous les jours, puisqu’il passe son temps à répéter son interminable haïku, encore, encore et encore. Lui a cependant l’excuse que ce mantra lui permet de rester à peu près sain d’esprit, en le rapprochant de l’idéal du chevalier bretonnien qu’il a été avant de se faire rouler une pelle par Edward Cullen, il a de cela plus d’un millénaire. D’ailleurs, son quotidien est tout entier consacré au respect d’une routine « humaine » (entretenir son matériel, affuter son épée, dresser le camp pour la nuit…), quand bien même notre vampire n’a en réalité aucun besoin de cela pour poursuivre son existence éternelle.

 

Totalement déprimé après des éons à traîner ses solerets d’un bout à l’autre du Vieux Monde, le Comte Vampire (puisque c’est ainsi qu’il est appelé pendant la première moitié du chapitre2) n’aspire a rien d’autre qu’à goûter au repos éternel, mais son amour-propre l’empêche d’aller s’enfermer dans la cabine à UV la plus proche ou de s’empaler sur son propre cure-dent. Tel le Tueur Nain qu’il n’est définitivement pas, notre CV cherche à être vaincu en combat singulier par un adversaire digne de ce nom, ce qu’il pensait avoir trouvé en la personne de Gilou le mangeur de tofu. Ceci dit, cela ne l’a pas empêché de laisser filer le bretteur elfe à deux reprises en autant de chapitres, alors que ce dernier ne demandait pas mieux que d’accorder une place au soleil à sa Nemesis… Pourquoi faire logique et simple quand on peut faire abscons et tordu ? Cette fois-ci tout à fait résolu à finir la reprise de manière définitive, le Comte Vampire repart donc dans les souterrains skavens, définitivement très facile à trouver, à la recherche de l’insurpassable Gilead.

 

En parallèle, deux mystérieux compagnons (très grands, très minces, les traits dissimulés par une capuche, passant inaperçus auprès des humains, je vous le donne en mille ce sont les Casseurs Flowteurs3) sont également sur les traces de notre héros, et après avoir longuement réfléchi à la question, finissent par conclure que le guerrier elfique supra-balèze bougeant à une vitesse supersonique ayant récemment décimé la population skaven des environs à lui tout seul est, selon toute probabilité, Gilead. Pas plus bête que le premier vampire venu, nos deux lascars optent également pour une petite virée dans le sous-monde, et tombent fatalement nez à nez avec le Comte au bout de quelques pages (c’est pas comme si le réseau des tunnels skavens était aussi tentaculaire que labyrinthique, hein). Gros moment de malaise entre les trois poursuivant du maillot jaune, qui après un bref combat4, décident de faire cause commune afin de retrouver leur connaissance mutuelle. Arriveront-ils à temps pour assister au combat apocalyptique entre l’Elfe qui pelait des patates plus vite que son ombre et le beau-frère attardé de Maître Splinter ? Le suspense reste entier.

 

Croyez-le si vous le voulez, mais j’ai trouvé ce chapitre plutôt pas mal par rapport aux précédents. Certes, il y a encore largement matière à redire ou à commenter dans cette vingtaine de pages5, mais on est loin des délires à la limite du mystique qui étaient la norme jusqu’à récemment. En centrant leur narration sur d’autres personnages, les auteurs ont offert à leur lectorat une pause salutaire dans l’éprouvante narration des baroques aventures de Gilead. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela fait du bien de lire un dialogue à peu près sensé entre des personnages l’étant également après plusieurs épisodes très possiblement rédigés sous l’influence de substances illicites. De même, le simple fait que Vincent et Abnett justifient certains comportements précédemment perçus comme irrationnels (pourquoi un vampire allumerait-il un feu alors qu’il ne sent pas le froid et voit parfaitement de nuit ? – voir ch. 1 –) incite à une certaine clémence au moment de juger de la qualité de l’épisode. Ce n’est pas du Cavaliers de la Mort, très loin de là même, mais on s’en approche, un pas à la fois.

 

1 : Je ne vous ai pas dit mais chaque chapitre débute systématiquement par quelques lignes racontées depuis le point de vue de la barde narrant l’histoire de Gilead à un public que je me plais à imaginer passablement blasé, si elle leur balance à la tête la même prose que Vincent et Abnett. Elle n’aurait pas été à l’agonie, je pense qu’un de ses spectateurs l’aurait étranglée avec les cordes de sa lyre avant la fin du chapitre 3.

 

2 : Puis simplement le Comte pendant la seconde mi-temps. Le Comte quoi. Celui-ci est plus littéraire que matheux, mais difficile de ne pas voir dans cette appellation un clin d’œil appuyé à Sesame Street de la part d’auteurs de langue anglaise.

 

3 : Blague à part, on apprend à la fin du chapitre qu’il s’agit de Fithvael (ancien sidekick de Gilead) et de son éromène disciple Laban, lointain cousin de notre héros.

 

4 : Combat qui donne d’ailleurs à voir la gent elfique telle qu’elle est vraiment, c’est-à-dire fourbe (ils se mettent à deux contre le vampire après avoir réalisé qu’il était beaucoup trop balaise pour un combat à la loyale), rageuse (le jeune elfe continue à attaquer son adversaire après que ce dernier ait rompu l’affrontement à la demande du troisième larron), et malpolie. Heureusement que le Comte a, lui, des manières d’homme du monde, sans quoi la rencontre aurait pu très mal finir pour Siegfried & Roy.

 

5 : Le vampire qui préfère (littéralement) sucer des vaches plutôt que des humains, on en parle ?  Bon ok, mais le fait qu’il ait un faible pour les jeunes filles menant une vie saine (pas de drogue surtout !) et ne buvant que de l’eau, malgré le fait que ce soit « ben difficile à trouver de nos jours », on en parle quand même ? Non ? Et lorsqu’il utilise ses yeux comme lampe-torche pour éclairer son chemin dans les souterrains des hommes rats (les vampires ont des yeux rouges qui brillent dans le noir, c’est bien connu), on va en parler tout de même ? Surtout qu’il se fait griller par ses stalkers elfiques à cause de ça. Non, vraiment? Ok. Allez, une petite tournure made in Vincent pour terminer, parce que je sais que vous aimez ça.

 

Thunder from Fenris – Kyme :

 

Ce qu’il y a de bien avec les audiobooks de la Black Library c'est qu’une bonne partie d’entre eux finissent par être publiés en format ebook quelques mois après leur première sortie, et ce pour un prix bien plus attractif qu’à l’origine. Hammer & Bolter a également contribué à ce genre de recyclage en son temps, en incluant des nouvelles précédemment disponibles uniquement en mode audio. Thunder from Fenris appartient à cette catégorie de fictions multicanal, et avait été à l’origine publiée en accompagnement de la sortie du Codex Space Wolves en 2009, avant de trouver le chemin du 19ème numéro de Hammer & Bolter.

 

Envoyée combattre aux côtés de la Garde Impériale sur le monde gelé de Skorbad, une escouade de cavaliers tonnerre voit l’un de ses membres succomber à la malédiction du Wulfen et s’enfuir dans les étendues sauvages de la planète après avoir trucidé son loup de compagnie ainsi qu’un de ses camarades et sa monture. Bien embêtés par ce coup du sort, les trois autres fils de Russ mettent ces pertes sur le dos de l’ennemi local (des zombies de la Peste) afin de sauver les apparences devant leurs alliés, mais décident tout de même de mettre la main sur le fratricide avant de quitter Skorbad, l’épidémie étant en passe d’être contenue au moment où commence notre histoire.

 

S’en suit le récit de la traque du Wulfen en liberté par les grands méchants loups, séquence riche en péripéties et en scènes de baston assez insipides, et conclue par un retournement de situation pas vraiment original. On notera tout de même que la nouvelle se termine sans que l’intrigue n’ait évolué d’un iota, la dernière ligne du texte décrivant l’ultime survivant de l’escouade (voilà une campagne qui a du faire pleurer plus d’un RH du Croc : 90% de pertes parmi la crème de la crème du chapitre) s’élançant dans la toundra hache de givre au clair à la poursuite de son infatigable comparse poilu, comme il l’avait déjà fait 28 pages plus tôt. It’s groundhog Wulfen day folks.

 

Thunder from Fenris nous propose de, ou plutôt nous force à, renouer avec Nick Kyme sous son incarnation la moins avenante, celle de l’auteur publicitaire qui ne fait même pas semblant de s’intéresser à son sujet et se contente de cocher toutes les cases de son cahier des charges sans chercher à livrer un résultat intéressant, ni même cohérent. Cela avait déjà transpiré dans l’extrait de The Fall of Damnos (Hammer & Bolter #4), narration très peu inspirée du potentiel martial des Nécrons mettant en scène la moitié des entrées de l’ancien Codex ; cela dégouline carrément dans cette nouvelle soumission, qui se révèle être une ode bancale et risible à la puissance des cavaliers tonnerre, nouveauté du Codex SW de 2009 qu’il fallait bien faire acheter en masse par les fanboys pour rembourser les moules.

 

Bancale tout d’abord car Kyme ne s’embête pas à justifier ni à dissimuler les multiples incongruités de son scénario. Le simple fait qu’une escouade de cavaliers tonnerre opère en solo (ce qui semble être ici le cas, nos héros ne communiquant avec personne tout au long de la nouvelle, pas même avec l’équipage du vaisseau sans lequel ils auraient eu bien du mal à rejoindre Skorbad) constitue déjà une double hérésie, non seulement d’un point de vue stratégique, mais également au niveau du fluff, qui dépeint clairement les chevaucheurs de loulous géants comme l’un des secrets les mieux gardés du Chapitre, ce qui ne plaide pas pour un déploiement sur une opération de soutien à la Garde Impériale. La nouvelle n’a même pas commencé qu’elle prend déjà l’eau de toute part ! Kyme réussit donc à prendre un pire départ que Green dans son Salvation, que je considérais jusqu’à présent comme le nadir de la littérature 40K en matière de respect du background, ce qui mérite d’être souligné.

 

La suite est (mal)heureusement1 du même tonneau, le souci de Kyme de peindre ses héros sous le meilleur jour possible prenant le pas sur tout le reste, y compris et surtout la cohérence de son récit. Le Wulfen doit étriper un de ses camarades de classe pour lancer l’intrigue ? Ça tombe bien, les trois autres membres de l’escouade étaient à des kilomètres de leurs comparses au moment des faits et ne pouvaient donc pas intervenir. Un loup tonnerre, ça court à quelle vitesse ? Bah, ça dépend des pages, mais ça n’est en tout cas pas foutu de rattraper un Wulfen, tenez-le vous pour dit. Les Space Wolves sont de nobles guerriers faisant toujours ce qui leur semble juste, même si cela doit les mettre en porte à faux avec les factions les plus cyniques de l’Imperium ? Ceux de Kyme exécutent de sang-froid une poignée de Gardes Impériaux ayant eu le malheur de combattre des zombies de la Peste au corps à corps2. Un Space Marine en armure énergétique qui tombe dans de l’eau profonde ne coule pas comme une pierre du fait de son poids considérable (alors qu’un loup tonnerre, moins caparaçonné que son cavalier, si). Les zombies de Kyme découvrent soudainement comment utiliser des fusils lasers et des autocanons (avec assez de précision pour descendre un loup tonnerre pendant sa charge) lors du final de la nouvelle… Autant de « détails » pouvant, et encore, passer inaperçus dans un audiobook, le rythme de la narration ne permettant généralement pas à l’auditeur de se livrer à un contrôle de cohérence en bonne et due forme, mais qui ressortent comme un bouton d’acné sur le front d’un Blood Angels une fois couchés sur le papier.

 

Risible ensuite, car les adversaires choisis par Kyme à ses vikings du futur ne paient vraiment pas de mine. Une galaxie hostile remplie de joyeusetés pouvant gober un Space Marine comme qui rigole, souvent sans même avoir besoin de l’éplucher auparavant, et nos Gardes Loups d’élite se retrouvent à tataner de vulgaires zombies de la Peste ? Et pourquoi pas des Grots hémiplégiques pendant que tu y es, Nick ? Résultat des courses, nos héros font bien évidemment exploser le bodycount de la nouvelle à grands renforts de scènes d’action tout droit sorties d’une repompée philipino-turco-italienne des aventures de Connard le Barbant, mais à vaincre sans péril… Quitte à donner dans le panégyrique, autant donner aux protagonistes un ennemi à leur taille, ce qui ne donnera que plus de valeur à leurs exploits : César avait bien pigé la ficelle dans sa Guerre des Gaules, mais Kyme n’a visiblement pas eu le même déclic au moment d’écrire Thunder from Fenris, ce qui est assez malheureux étant donné le but premier de l’opus.

 

En conclusion de cette chronique, vous l’aurez compris assez désabusée de ma part, je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre une réflexion que je me suis faite au moment des recherches préliminaires à la rédaction de ce billet (car oui, je fais des recherches, même – surtout d’ailleurs – pour des œuvres aussi terribles que ce Thunder from Fenris). La nouvelle ayant une entrée sur le Lexicanum, j’ai eu la surprise de découvrir à la lecture de l'article que Kyme avait calqué ses personnages sur le trio de Space Wolves représenté sur l’illustration de couverture de l’avant-dernier Codex. Le héros (ou en tout cas, le dernier survivant de l’escouade) est ainsi un guerrier blond avec une cicatrice au-dessus de l’œil gauche, une cape en peau de loup, un collier de crocs et maniant une hache de givre. Il est secondé par un adepte du bolter noir de poil et d’humeur, et par un joyeux berserk aux cheveux bruns armé d’une paire de griffes énergétiques. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé (ou dans notre cas, ayant été représenté ailleurs) est bien entendue totalement fortuite… Même si un tel « plagiat » n’a rien de répréhensible en tant que tel, je trouve que cela en dit long sur la motivation qui devait être celle de Kyme au moment de pondre Thunder from Fenris, le bougre ayant simplement recyclé un artwork (très réussi il faut bien le reconnaître) au lieu de partir sur une création originale. La vie d’un auteur de la BL peut-être ingrate.

 

1 : À ce stade, j’avais déjà basculé en mode sarcastique, et prenait les nouvelles bourdes de Kyme avec un détachement total et un plaisir mauvais.

 

2 : On rappellera tout de même que Logan Grimnar s’est mis l’Inquisition à dos en critiquant ouvertement les mesures préventives prises par cette dernière envers la population d’Armageddon après qu’Angron et ses potes soient venus faire un bowling sur la planète en 444M41.

 

Au final, ce 19ème numéro a clairement surpassé les attentes, certes peu élevées, que j’avais placées en lui à la lecture de son lineup. You can’t judge a book by looking at the cover, comme dit le poète, et à raison. Avec un chapitre de Gilead’s Curse plutôt meilleur qu’à l’accoutumée, un final de The Lion assez convaincant et un Irixa tapant dans le haut du panier de Counter, les ¾ de ce numéro ont surperformé, ce qui est toujours agréable. Reste le Thunder from Fenris de Kyme, qui s’est révélé contenir assez d’éléments what-the-fuck-esques pour l’opus dans son ensemble : regrettable, certes, mais pas vraiment surprenant. À la prochaine !

 

Schattra, "...j'aurais tout bouclé..."

Modifié par Schattra
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  • 2 semaines après...

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du 20ème numéro de Hammer & Bolter ! Derrière la couverture illustrée par la photo de classe d’Angron (il venait de rentrer en grande section de maternelle à l’époque), 4 nouvelles dont une mignardise (6 pages à peine) de Sandy Mitchell, encadré sur la feuille de match par un trio de rookies (Clapham, Cavallo et Josh Reynolds), en plus du désormais habituel chapitre des aventures de Gilead. Après un 19ème numéro confié à des valeurs sûres établies de la Black Library, cette nouvelle parution fait donc le pari de la jeunesse, et l’on aurait bien tort de s’en plaindre. Il faut bien renouveler le stock de temps à autre.

 

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In Hrondir’s Tomb – Clapham :

 

Mark Clapham (ce qui peut se traduire par gifle-jambon, un patronyme intéressant s’il en est) signe ses débuts dans Hammer & Bolter avec cette nouvelle de loulous mâtinée d’Inquisition, un casting prometteur au vu des difficiles relations entretenues par ces deux factions dans le background de 40K. S’il ne récidivera pas avant l’arrêt de la publication du webzine, il a en revanche participé à quelques recueils de nouvelles mettant en scène le futur cauchemardesque imaginé par GW1, et a signé un roman, Iron Guard, évidemment centré sur la fameuse Garde de Fer de Mordian.

 

L’intrigue de In Hrondir’s Tomb (un bon point à l’élève Clapham pour ce choix de titre tout à fait lovecraftien dans l’esprit) se situe sur la planète de Beltrasse, enclave impériale convoitée par les Taus mais défendue avec acharnement par la Garde Impériale et au moins une escouade de Chasseurs Gris Space Wolves, menée par le très pragmatique (comme nous le verrons plus tard) Anvindr Godrichsson. La nouvelle s’ouvre en même temps que la cage thoracique du commandeur ennemi, proprement empalé par l’épée tronçonneuse d’Anvindr en dépit de la protection apportée par son exo-armure dernier cri (l’histoire ne dit pas si le malheureux gradé a eu le temps d’envoyer un mail au SAV de l’entreprise chargée de la production du modèle pour se plaindre des évidents défauts de qualité mis en relief par l’estocade du Space Wolf avant d'aller rejoindre le Bien Suprême). Pas vraiment beaux joueurs sur le coup, les Xenos décident de punir ce manque de savoir-vivre criant en railgun­-ant la cité où se déroulent les combats. L’un des membres de l’escouade SW ayant sans doute acheté un exemplaire de The Taros Campaign et mémorisé les stats de l’armement d’un Tiger Shark, nos héros décident rapidement de changer d’air, et parviennent à gagner l’abri de catacombes locales avant d’être réduits en rillettes.

 

Malheureusement pour les fils de Russ, la voie d’accès qu’ils ont empruntée pour accéder aux souterrains de Beltrasse se retrouve condamnée par quelques gigatonnes de gravats, les empêchant de revenir à la surface une fois le caca nerveux des rhinotmetosiens2 terminé. Comble de déveine, l’un d’entre eux s’est de plus débrouillé pour finir à moitié enseveli sous la caillasse, situation plus cocasse qu’autre chose pour les fiers Space Wolves, qui laissent donc leur malchanceux compagnon se gangréner en toute quiétude pour suivre le Garde Impérial venu s’enquérir de la source de tout ce raffut. Ils font alors la connaissance de l’Inquisiteur Montiyf et de l’Interrogateur Pranix (le gaulois), mandatés par l’Ordo Malleus pour étudier le tombeau de Hrondir, Space Marine du chapitre Exorcists ayant mené son dernier combat contre le démon qui menaçait d’asservir Beltrasse trois siècles plus tôt. Le hasard faisant bien les choses, nos loulous ont évidemment débarqué droit dans le mausolée de Hron’, et se retrouvent aux premières loges quand les civils ayant cherché refuge dans les catacombes commencent à tomber sous les coups d’un mystérieux tueur au micro-ondes (comprendre que les cadavres qu’il laisse derrière lui sont aussi brûlants qu’éparpillés). Assez indifférent au sort de bêtes humains incapables de voir dans le noir ni de flairer un paquet de cheetos à 300 mètres (autant de choses qu’un SW est capable de faire instinctivement), Anvindr se trouve forcé à agir quand son pote l’homme Jenga (Liufr de son petit nom) subit à son tour les assauts du kébabier dément. Se pourrait-il qu’une présence maléfique hante toujours la tombe de Hrondir ?

 

Copie moyenne pour Clapham, dont la démoniaque (mais non, c’est pas du spoil) nouvelle pâtit de personnages pas vraiment attrayants, d’une intrigue cousue de fil blanc et d’une mise en scène d’une platitude absolue.

 

Côté casting, le brave Anvindr se contente d’être un Space Wolf lambda, c’est-à-dire un SM plus impétueux, grognon et velu que la moyenne, sans d’autre caractéristique mémorable que sa capacité à parvenir à des conclusions (plus ou moins3) logiques un peu plus rapidement que le reste de sa meute. Ce n’est pas pour rien s’il a été élevé au rang de Capitaine (Obvious). De l’autre côté du ring, l’Inquisiteur Montiyf s’emploie fortement à jouer à l’éminence grise, mais son affligeant manque d’autorité (c’est le premier Inquisiteur que je croise au cours de mes lectures qui doit préciser son nom deux fois de suite à son interlocuteur, à croire que ce dernier ne l’écoutait pas la première fois4) et la totale désinvolture dont il fait preuve lorsqu’il se trouve confronté aux premières victimes de Gordon Ramsay5 le rabaissent au rang de sous-sous-sous Eisenhorn. Quant au démon qui fait office de boss de fin, il ne lui manquait que la parole pour voler la vedette aux Laurel et Hardy du 41ème millénaire, mais son mutisme permanent le relègue au simple rang de punching ball à tentacules.

 

Côté scénario, on ne saisit pas bien si Mark Clapham a tenté de nous faire le coup de maison (ou dans le cas présent, du caisson) hantée au premier ou au second degré. Les deux choix auraient pu marcher avec un peu plus de conviction de la part de l’auteur, au lieu de quoi son approche mi-figue mi-raisin laisse le lecteur sur sa faim (un comble). Il flotte sur In Hrondir’s Tomb une sorte de faux suspense sur l’identité du tueur, entretenu, sciemment ou non, par un Clapham qui ne se donne jamais les moyens de réussir sa sortie, ce qui est particulièrement embêtant quand on écrit des nouvelles.

 

Côté péripéties enfin, c’est service minimum à tous les étages. Les scènes d’action se révèlent d’une conformité ennuyeuse, les relations entre personnages superficielles et assez caricaturales6, et l’investigation laissée à sa portion congrue. L’affrontement final entre le familier de Hrondir et les impériaux est particulièrement caractéristique du traitement indigent de Clapham de son sujet, le grand méchant démon se faisant renvoyer dans le Warp comme un vulgaire mob, c’est-à-dire sans qu’aucune stratégie particulière ne soit en mise en place par les héros pour venir à bout de leur adversaire (il suffisait juste de lui taper dessus fort et longtemps), mise à part une rapide séance d’exorcisme torchée en deux trois mouvements en prologue à la baston. Blasant.

 

Au final, In Hrondir’s Tomb ne constitue pas une lecture des plus intéressantes pour l’habitué de la BL, qui a sans doute lu et relu le même type d’histoire une bonne dizaine de fois auparavant. On notera toutefois que Clapham a au moins le mérite de maîtriser un tant soit peu son sujet d’un point de vue fluff (il rappelle ainsi que le nom fenrisien des Space Wolves est Vlka Fenryka, détail que je ne pense pas être connu par la moitié des auteurs de la BL ayant trempé de loin ou de près dans l’univers de 40K), point fort qui gagnerait à être exploité par le newbie dans ses futurs travaux. Pour le reste, eh bien, il faudra bosser.

 

1 : L’un de ses textes, The Known Unknown, a le douteux privilège d’être accompagné par l’artwork le plus hideux jamais contemplé par votre serviteur, malgré plusieurs années à stalker le site de la BL. Si vous voulez vous venger de votre petit neveu de 5 ans qui a malencontreusement écartelé votre Mars Alpha Pattern Warlord Titan après l’avoir confondu avec Optimus Prime, voici un bon moyen de lui induire de beaux cauchemars made in 40K.

 

2 : C’est la beauté de la rédaction de chroniques littéraires pour des nouvelles se passant dans les univers de Games Workshop. Une minute vous êtes en train de chercher une expression originale pour désigner les Taus afin d’éviter les redites, la suivante vous découvrez qu’un empereur byzantin (Justinien II) a eu le nez tranché par ses rivaux politiques (toute forme de mutilation faciale étant apparemment disqualifiante pour le job)… et se l’est fait remplacer par une prothèse en or massif une fois rétabli sur le trône. C’est beau tout de même.

 

3 : Le héros de Clapham nous gratifie ainsi d’un magnifique syllogisme lors de « l’enquête » qui occupe le centre de la nouvelle. Le tueur est certainement un psyker, beaucoup d’Inquisiteurs sont des psykers, le tueur est donc l’Inquisiteur. Le chat de Socrate aurait adoré.

 

4 : Autre exemple lorsque nos héros finissent par établir que le démon banni par Hrondir 300 ans plus tôt est responsable des récents meurtres (bravo les gars !).

Anvindr : « … et j’en déduis donc que notre coupable est un démon. »

Montiyf : « Vous êtes sûr que ce n’est pas le Révérend Olive dans la véranda avec la clé à molette ? »

Anvindr : « Fous-toi de ma gueule, tiens. »

Montiyf : « … »

Anvindr : « D’ailleurs quand j’y pense, c’est vraiment étrange qu’un Inquisiteur de l’Ordo Malleus venu spécialement pour étudier la tombe d’un Space Marine du chapitre des Exorcists ne soit pas parvenu à cette conclusion plus tôt… »

Montiyf : « … »

Anvindr : « Oh, me dis pas que tu le savais depuis le début ! »

Montiyf : « Bien sûr que si, andouille. »

Anvindr : « Je devrais te graver le nom du camarade qui s’est fait braiser comme une banane plantain sur le bide avec mon épée tronçonneuse pour t’apprendre, mais j’imagine que ce serait mal perçu par l’Inquisition. »

Montiyf : « Certes. D’autant plus que mon autorité est absolue et que je n’ai pas à me justifier devant quiconque, excepté l’Empereur. C’est écrit sur ma fiche de poste. »

Anvindr : « Cause toujours Monty. En attendant, je vais tirer cette affaire au clair en ouvrant le tombeau de Hrondir pour voir si le démon s’y trouve. À moins que tu ne sois pas d’accord, bien sûr. »

Montiyf : « Je ne suis pas d’ac- »

Anvindr : « Rien à foutre. »

Montiyf : « Bon, ok. Mais ne dîtes pas que je ne vous aurais pas prévenu. »

 

5 : « Inquisiteur, il ne reste plus que de la pulpe des cinq personnes qui occupaient cette pièce ! Le meurtrier a agi tellement rapidement qu’aucun n’a eu le temps de crier… et il les a carrément carbonisés ! Que devons-nous faire ? »

« Bof, restez vigilants. Bye. »

 

6 : L’Inquisiteur sous-entendant lourdement aux loulous que ces derniers sont suspects à cause de la malédiction du Wulfen, à la suite de quoi Anvindr dégaine son magnifique sophisme sur les psykers. Hercule et Poirot sont à deux doigts de se foutre sur la gueule sur la seule base de leurs improbables déductions mutuelles lorsque la réapparition de Liufr (sous sa forme de papillote de bar) met fin à la confrontation.

 

Gilead’s Curse (ch. 7) – Vincent & Abnett :

 

Après 6 chapitres de Gilead’s Curse, je pensais, sans doute un peu naïvement, avoir pris la mesure du style d’écriture si particulier du duo (si tant est que l’on peut parler de collaboration) Vincent et Abnett. Mes espoirs de lire un roman feuilleton du calibre des précédentes soumissions Fantasy de Dan Abnett, seul (Les Cavaliers de la Mort, Fell Cargo) ou accompagné (Hammers of Ulric, Malus Darkblade) ayant été douchés dès les trois premières pages du premier chapitre de Gilead’s Curse, j’ai depuis oscillé entre consternation incrédule, fatalisme dépité et (mais ce fut plus rare) fugace espérance, dès lors que le niveau semblait décoller du moindre micron de l’abîme d’étrangeté pataude et punitive dans lequel cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifiable) se complait la plupart du temps. Las, c’était oublier la loi de gravité universelle de cette bonne vieille pomme de Newton, dont l’influence, c’était couru d’avance, ne pouvait pas ne pas se faire sentir. À la relative accalmie des chapitres 5 et 6 devait donc succéder une nouvelle débauche de grand n’importe quoi, d’autant plus douloureuse et démotivante que je pensais vraiment (à tort) avoir aperçu le bout du tunnel au numéro précédent. Ma foi dans l’humanité finira par me tuer un de ces jours, tenez-le vous pour dit.

 

Pour rappel, le chapitre 6 s’était terminé par un double cliffhanger annonçant le dénouement prochain des deux axes narratifs majeurs de l’histoire, à savoir la confrontation finale entre Gilead et le Roi des Rats (d’une part) et entre Gilead et le Comte Vampire (d’autre part)1. Chose promise, chose due, notre épisode s’ouvre donc par le face à face tant attendu entre l’enfant chéri de Tor Anroc et le mâle alpha de la race skaven… et c’est à ce moment précis que tout commence à partir en sucette. Car si on pouvait encore mettre l’apathie manifeste dont nos deux personnages firent preuve l’un envers l’autre à la fin du chapitre précédent (bien qu’ils aient une liste de raisons longue comme la tronche de Gilou lors d’un bivouac sans rutabaga de se foutre sur le coin du museau) sur le compte d’une volonté de Vincent de renforcer la tension avant le règlement de comptes final, voir cet étrange statu quo se prolonger lors du chapitre 7 est par contre tout bonnement incompréhensible. Incompréhensible est d’ailleurs le qualificatif le plus approprié pour décrire le dialogue entre nos deux adeptes de la non-violence, dont le degré d’absurdité ferait passer La Cantatrice Chauve pour un drame bourgeois. En parallèle de cet échange de haut vol, Stuart Little prend littéralement un gros coup de vieux, son pelage passant soudainement au blanc (fatigue nerveuse sans doute), ce qui 1) permet au mot follicule de faire son apparition dans le champ lexical de la Black Library2, et 2) attise l’antipathie que notre Elfe éprouve pour lui à un niveau insoupçonné. Pourquoi ? On ne le saura jamais, mais Vincent se montre catégorique sur ce point.

 

Quelques étages plus bas, le trio des poursuivants se prépare à faire son entrée dans la grande salle du royaume skaven, où, une fois encore la race entière3 s’est réunie pour assister à un discours de son suprême leader. Malgré les atermoiements de Laban (le jeune elfe), qui rechigne à foncer dans le tas et à se tailler un chemin jusqu’à son grand cousin à la pointe de l’épée sans autre forme de préparation (option choisie par ses deux bourrins de compagnons), les membres fondateurs de l’Association des Amis de Gilead (AAG) optent malgré tout pour cette approche tout en subtilité et commencent à progresser vers le monticule servant de podium au Roi des Rats pour ses intervention publiques, laissant derrière eux les cadavres mutilés d’innombrables ratons. De son côté, notre héros choisit finalement de laisser la vie sauve à son ennemi, sans savoir pourquoi d’ailleurs, et pousse même l’urbanité jusqu'à défendre ce dernier des assauts de ses lieutenants. Sorti complètement exténué, tant sur le plan physique que mental, de ses cinq minutes d’entrevue avec son prisonnier, le fier despote murin des chapitres précédents n’est en effet plus qu’une loque impotente, tout juste bonne à marmonner des questions incongrues dans ses moustaches, faiblesse excitant logiquement la convoitise de ses nervis.

 

Long story short, les quatre protagonistes finissent par effectuer leur jonction, après avoir massacré les ¾ des skavens du Vieux Monde en quelques minutes, bien aidés il faut le dire par la gigantesque battle royal ayant éclaté après l’abdication de fait du Roi des Rats. Le tumulte engendré par cette mêlée dantesque ayant fragilisé cette partie de l’empire souterrain, Gilead entraîne ses nouveaux compagnons vers la surface, non sans avoir (enfin !) réglé son compte à sa Nemesis poilue, décapitée au ralenti par une Nik Vincent qui profite de l’occasion pour ajouter « derme » au lexique de la BL. Un de moins !

 

Si j’ai commencé cette revue en signalant d’emblée que ce 7ème chapitre constituait un nouveau jalon dans l’imbitabilité poisseuse qui caractéristique Gilead’s Curse, c’est parce qu’aux critiques déjà formulées au cours des précédentes chroniques vient s’ajouter une tare inédite. Passe encore que le style des Vabnett  soit ampoulé à l’extrême, que les personnages agissent de manière ou stupide ou incompréhensible, que le background de Warhammer ait été totalement vidé de sa substance ou encore que le récit soit déroulé d’une manière profondément ennuyeuse : ces défauts sont connus de longue de date et sont le lot des pauvres fous ayant choisis de persévérer dans leur lecture de cette œuvre profane. En revanche, il m’a été particulièrement pénible de constater que le binôme avait choisi d’innover dans l’innommable, en rebootant purement et simplement la personnalité d’un des personnages principaux (le Roi des Rats) en cours d’histoire. C’est bien simple, notre loustic perd subitement tout intérêt dans la quête d’immortalité qui constituait jusqu’ici son leitmotiv, se met à considérer Gilead comme son psychiatre et n’en finit plus de s’émerveiller sur son manque de connaissance sur les choses de la vie (sa dernière pensée – au moment où l’épée de Gilead lui tranche le col – sera d’ailleurs de noter que son sang est impur, même s’il ignore pourquoi). C’est un peu comme si Vincent avait oublié tout le character development précédemment mis en place et était reparti de zéro sur ce personnage. Avec le recul, on finit par en rire (on rit du roman dans son entièreté d’ailleurs), mais sur le coup, j’avoue avoir ressenti une véritable bouffée de colère devant cette nouvelle preuve de mépris adressée aux lecteurs de Gilead’s Curse. La lecture se serait faite sur une copie papier que cette dernière serait très certainement passée par la fenêtre ou aurait atterri dans la poubelle sans autre forme de procès. Heureusement que les ordinateurs et les tablettes sont moins facilement remplaçables.

 

Seule consolation à tirer de ce chapitre, la mort de super raton, qui ne viendra normalement plus polluer le récit de ses interventions délétères. On peut également espérer que le Comte rencontrera prochainement son destin sous la lame de Gilead, comme il le souhaite. Bien que doté d’un potentiel de nuisance moindre que l’autre antagoniste principal du roman, sa disparition permettrait de repartir sur des bases totalement nouvelles, qui ne pourront pas être pires que celles ayant soutenu cette première partie. En tout cas, je l’espère fortement.

 

1 : On notera à cette occasion que l’intrigue de Gilead’s Curse repose (jusqu’ici) entièrement sur un concours malheureux de circonstances. Si cette cruche de Brida ne s’était pas montée la tête sur la longueur de l’ombre du premier quidam venu dans le premier chapitre, Gilead n’aurait jamais fait la rencontre du Comte, ni ne se serait aventuré dans les tunnels des skavens. On peut légitimement parler d’un effet (tête de nœud) papillon.

 

2 : Je ne pense pas prendre un grand risque en affirmant que ce terme n’avait été jusqu’ici jamais utilisé par aucun auteur de cette noble maison d’édition.

 

3 : Ça doit être assez pénible pour les membres des clans Eshin et Pestilens de se taper l’aller-retour entre Nippon/la Lustrie et Skarogne tous les deux jours pour entendre grand-papi répéter sa litanie de longévité. D’un autre côté, ce n’est pas comme si ces clans existaient pour Nik Vincent. Problem (partly) solved.

 

The Talon of Khorne – Cavallo :

 

Deuxième auteur à faire ses grands débuts dans ce numéro de Hammer & Bolter, Frank Cavallo n’a semble-t-il pas fait de vieux os au sein de la Black Library, sa seule autre contribution recensée étant une pige pour la franchise Gotrek & Felix, Into the Valley of Death. En même temps, se spécialiser dans Fantasy en 2012 n’était sans doute pas le choix le plus heureux avec le recul.

 

Notre récit s’ouvre par un petit matin frisquet d’automne dans le village de pêcheurs de Volfskul, quelque part sur le littoral de Norsca. Les habitants du lieu commencent à peine leur journée qu’ils se trouvent interrompus par l’arrivée d’une bande de maraudeurs, menée par le Seigneur du Chaos Vhorgath, fléau du Nord (ce qui en ferait de fait plutôt un allié des nations civilisées du Sud) et son second Ruaddon. Notre duo de choc est en effet à la recherche de guerriers dignes de ce nom pour renforcer leur petite armée, et leur Guide du Pillard – Norsca indique clairement que Volfskul est la communauté principale de la farouche tribu Peau de Fer, réputée pour sa férocité et les innombrables exactions qu’elle a commises lors de ses raids sur les terres des nations civilisées.

 

Manque de chance pour nos deux chasseurs de têtes, ils se rendent rapidement compte que le village est vide de tout homme capable manier les armes, comme le confirment rapidement les habitants du cru, guère impressionnés par l’arrivée d’une trentaine de maraudeurs surarmés et animés d’intentions pas vraiment charitables à leur porte (façon de parler, les maîtres d’œuvre locaux n’utilisant que des galets et du guano pour leurs constructions). Ce constat amer est confirmé par la version des Volfskullers, qui apprennent à nos wannabes Archaon que le lancement de la saison du pillage a été très retardé par une épidémie de varicelle, finalement enrayée par un sacrifice massif à ce coquin de Nurgle à la toute fin de l’été. Enfin libres de partir en mer après cette péripétie mineure, les derniers guerriers Peau de Fer ne sont pas encore revenus de leur transat Jacques Vabre au moment de l’arrivée du jury de la Nouvelle Star dans leur patelin. Légitimement déçus par la fin de non-recevoir leur ayant été adressée, Vhorgath et Ruaddon se passent les nerfs en mettant le village à sac, l’ombrageux Seigneur du Chaos n’ayant pas apprécié de se faire violemment clasher par la poissonnière pour sa peine.

 

Alors qu’ils s’apprêtent à repartir des ruines fumantes de Volfskul, les séides de Vhorgath tombent nez à nez avec l’ultime survivante de la tribu, qui s’avère être la fille du skald local. D’abord enclins à passer Assurancetourista au fil de l'épée comme le reste de ses petits copains, les maraudeurs décident finalement de la laisser en vie après qu’elle leur ait proposé de les mener jusqu’à la retraite du légendaire Scyla Anfingrimm, aussi connu sous le nom de Griffe de Khorne, illustre guerrier Peau de Fer s’il en est. Flairant l’opportunité de sauver les meubles en draftant au moins un nouveau suivant digne de ce nom, Vhorgath accepte le deal et ordonne à sa captive de le mener jusqu’au repaire de Scyla. Ce dernier s’étant établi à une journée de marche de ses concitoyens, la prisonnière en profite pour leur conter un épisode marquant de la saga d’Anfingrimm, à savoir la traque de Paul le Poulpe dans la baie des Lames1, malgré l’incrédulité hostile de Ruaddon face à l’awesomeness manifeste de Scyla. Arrivée à bon port, notre petite bande de super vilains paiera le prix fort pour son inculture2, laissant l’ultime survivante des Peaux de Fer libre d’aller exercer ses talents bardiques ailleurs.

 

The Talon of Khorne est une petite nouvelle comme je les aime, mettant en lumière un aspect du background canon superficiellement couvert par les Livres d’Armée pour le plus grand plaisir du fanboy de base. Figure chaotique bien connue, Scyla Anfingrimm est un des personnages nommés les plus intéressants de sa faction, sa déchéance finale étant symptomatique de la dangerosité intrinsèque des faveurs des Dieux du Chaos, pour qui la préservation physique et mentale des champions qu’ils récompensent n’est qu’un point de détail. Toutefois, ce n’est pas tant dans le récit de l’affrontement entre Scyla et le kraken de la Baie des Lames que se situe la principale plus-value du texte de Cavallo, mais bien dans sa description de la réalité « sociale » des Norscans. Sempiternellement envisagés sous le seul angle de la bande de maraudeurs ravageant les terres des nations civilisées dans le background, on en oublierait presque que derrière chaque Viking altéré de sang se cache une communauté de non-combattants, faisant de son mieux pour interagir de la manière la plus apaisée possible avec les bandes armées, créatures mutantes et manifestations démoniaques endémiques au Nord du monde.

 

En ce sens, la première partie de la nouvelle, où l’auteur décrit de manière assez crédible la genèse d’une armée chaotique (dont les guerriers ne se reproduisent pas par mitose, n’en déplaise aux plumes de la BL invoquant des centaines de milliers de combattants à chaque incursion dans les terres du Sud), est à mes yeux le meilleur passage de The Talon of Khorne, en ce qu’il dépeint de manière crédible les difficultés rencontrées par chaque chef de guerre au moment de mettre sur pied sa propre horde. De même, le stoïcisme hostile et effronté avec lequel les habitants de Volfskul accueillent l’arrivée d’un Seigneur du Chaos ne m’a pas semblé le moins du monde hors de propos, bien que l’on puisse être à première vue un peu surpris de voir un individu aussi dangereux et ombrageux qu’un Élu des Dieux Sombres se faire vertement rembarrer par la première matrone venue3 (avec des conséquences assez fâcheuses pour nos grandes gueules ceci dit). Cela colle en effet parfaitement avec l’image d’Épinal du fier nordique, exprimant le fond de sa pensée sans aucun détour même lorsqu’il aurait été plus intelligent de ménager la susceptibilité de son interlocuteur. Toujours dans la même veine, la conclusion de la nouvelle, qui voit le terrifiant Scyla se comporter en animal de compagnie protecteur envers la prisonnière de Vhorgath juste avant de réduire ce dernier et son escorte à l’état de protoplasme, est également intéressante, en ce qu’elle « humanise » légèrement l’Enfant du Chaos, qui malgré sa transformation et son exil, reste capable d’éprouver de la loyauté envers les membres de sa tribu (ce qui était d’ailleurs sous-entendu dans la partie background – La Bête de Firjgard – du Livre d’Armée Hordes du Chaos). Bref, merci à Mr Cavallo d’avoir normalisé un tant soit peu les habitants du Nord du Vieux Monde, qui ne diffèrent pas foncièrement de leurs congénères méridionaux dans la vie de tous les jours (on aurait tendance à l’oublier).

 

Seul léger bémol à signaler, le simili twist final venant conclure la nouvelle (Vhorgath et Ruaddon n’étant pas au courant de la déchéance de Scyla avant d’arriver dans son antre), dont on ne sait pas trop s’il était destiné au lecteur (probablement mieux informé que nos héros incultes sur la destinée d’Anfingrimm) ou bien ne concernait que les personnages de l’histoire. Vu le sans-faute réalisé par Cavallo par ailleurs, je pencherais davantage pour la seconde option, qui aurait alors gagné à être mieux mise en contexte afin de ne laisser aucun doute sur les intentions de l’auteur. Mais je pinaille.

 

1 : Vous ne vous êtes jamais comment un aquarium allemand avait récupéré un octopode marqué par Tzeentch en 2008 ? Maintenant vous savez.

 

2 : Scyla étant, comme chacun sait, un Enfant du Chaos à l’humeur mutine, et par là même assez insensible à la proposition d’embauche faite par un Vhorgath qui aurait mieux fait d’acheter le Livre d’Armée Guerriers du Chaos pour savoir à quoi s’en tenir plutôt que de claquer tout son fric dans un cimeterre enchanté. Morale de l’histoire : le savoir c’est le pouvoir.

 

3 : J’imagine que même Archaon a dû en passer par là au début de son parcours.

Archaon (niveau 5) : Ahem. Bonjour mes amis! Je m’appelle Archaon et je suis à la recherche de courageux guerriers pour intégrer ma garde personnelle, les Epées du Cha-

La grosse Hilda (PNJ) : Archaon, tête de fion !

Archaon (niveau 5) : O-ok. Je repasserai plus tard.

...Plus tard...

Archaon (niveau 88) : Nordiques ! Je suis de retour avec la bénédiction des Dieux du Chaos. Mon armée se prépare à noyer le monde dans le sang et le feu. Rejoignez-moi ou périss-

L’énorme Hilda (PNJ) : Ça fait longtemps que tu nous délaisseuh, vas-y Archie montre nous tes f-

Archaon (niveau 88) : Oh putain, c’est pas vrai.

 

Lords of the Marsh – Reynolds :

 

Avec cette troisième nouvelle consacrée au templier Erkhart Dubnitz du Très Saint et Très Brutal Ordre de Manann en huit mois, Josh Reynolds s’impose indubitablement comme le Sarah Cawkwell de l’année 2 en terme de présence dans les pages de Hammer & Bolter, son jovial héros prenant (avantageusement, si vous demandez mon avis) la place du translucide Gileas Ur’Ten des Silver Skulls. Ça ne compense pas les exactions commises par Vincent et Abnett avec leur Gilead, mais ça équilibre au moins la situation. Je ne pense que le lectorat du webzine aurait survécu très longtemps à l’alliance des deux Gil’…

 

Une fois n’est pas coutume, Reynolds fait quitter à Dubnitz les bucoliques canaux de Marienburg et choisit de situer l’action de sa nouvelle dans les marais de l’estuaire du Reik. Envoyé par le Grand Maître Ogg en Averland afin de sécuriser un approvisionnement de destriers pour le compte de l’Ordre de Manann, notre héros est sur le chemin du retour en compagnie de deux représentants de la famille Sark, lignée de marchands ayant fait fortune dans l’élevage de chevaux. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Erkhart ne s’était pas, avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, compromis quelques jours auparavant avec la moitié la plus gironde des plénipotentiaires Sark, au grand outrage de l’autre émissaire Averlander (frère de la précédente), très décidé à faire goûter à ce fripon de Dubnitz l’acier de sa rapière à titre de dédommagement. L’incident trouvant rapidement une conclusion (presque) non-violente par le biais d’un amical coup de boule assené par le templier au marchand, l’agitation retombe peu à peu sur le pont de la barge transportant tout ce beau monde vers sa destination… en même temps qu’un brouillard à couper au braquemart, dont on devine rapidement qu’il n’a rien de naturel. Et en effet, c’est le moment que choisit une bande de pirates menée par le tristement célèbre Quintus Fulmeyer, aussi connu sous le nom de Chien des Marais, pour aborder le bateau et, après un bref mais sanglant combat se terminant par la victoire des assaillants et la chute de Dubnitz dans le Reik, faire main basse sur sa cargaison.

 

Un templier de Manann ne pouvant pas décemment finir sa carrière noyé, le coriace Dubnitz réussit malgré tout à rejoindre la terre (plus ou moins) ferme, et se lance à la poursuite de Fulmeyer et de ses captifs, guidé par un pirate pas vraiment enchanté de se retrouver au cœur des étendues sauvages du Pays Perdu en pleine nuit, et à la merci des mystérieux « Seigneurs des Marais » auxquels les prisonniers doivent être sacrifiés avant la venue du jour. Intrigué par le salmigondis de son compagnon, Dubnitz essaie de lui tirer les vers du nez au sujet des protecteurs de Fulmeyer, mais ne parvient à rien de très concluant avant que le flibustier ne fasse une Charles VIII (comprendre qu’il décède brusquement de s’être cogné très fort la tête) sur une des pierres levées qui parsèment cette partie des marais. Soupçonnant l’intervention d’une tierce partie dans cette mort pas vraiment naturelle, notre héros n’a pas le temps de pousser très loin son investigation, son errance dans les marécages l’ayant conduit tout droit sur le chemin du reste des pirates. Déterminé à vendre chèrement sa vie contre ces immondes fripouilles, Dubnitz n’a pas le temps de se lancer à l’assaut des adorateurs de Stromfels que Fulmeyer dégaine un cor un peu spécial, dont la sonnerie a pour effet immédiat de faire tomber une brume des plus épaisses, d’où émergent finalement ceux que le lecteur un tant soit peu informé attendait depuis le début de la nouvelle, j’ai nommé les Fimirs1.

 

Profitant de l’attitude pour le moins attentiste des fameux Seigneurs des Marais, apparemment très à cheval sur le fait que leurs prisonniers soient dépourvus de toute volonté belliqueuse, et qui voient donc d’un mauvais œil (haha) la mauvaise volonté manifeste dont fait preuve Dubnitz à l’idée d’être faceplanté de force contre une des pierres de sacrifice Fimir2, le templier passe à l’action et engage Fulmeyer au corps à corps pendant que les Sark et les marins survivants font de même avec les pirates. Après une brève échauffourée au cours de laquelle notre héros réussit à confisquer l’instrument de son adversaire et à congédier les mécènes de ce dernier en sonnant la fin de la récré (comme on l’a vu plus haut, les Fimirs sont procéduriers à l'extrême, et n’eurent donc pas d’autre choix que de repartir dans la brume même si cela ne les arrangeait pas vraiment), les rescapés du camp des gentils repartent clopin-clopant vers Marienburg, non sans avoir laissé Fulmeyer et ses nervis derrière eux en guise de compensation. Tout le monde est content (ou presque).

 

Josh Reynolds a beau être mon auteur préféré parmi la jeune génération de la BL, et Erkhart Dubnitz être un des personnages les plus agréables à suivre parmi la ménagerie de protagonistes de Warhammer Fantasy développée au fil des ans, j’ai trouvé son Lords of the Marsh franchement en deçà de ses précédentes contributions. Sans être indigente, sa nouvelle pâtit surtout des nombreuses zones d’ombres entourant les Fimirs, dont les motivations et la nature de l’arrangement qu’ils ont conclu avec Fulmeyer restent trop nébuleuses pour permettre au lecteur d’apprécier à sa juste valeur l’inclusion de mythiques démons des marais de GW à l’intrigue. On ne comprend ainsi pas pourquoi les bad Alfs refusent absolument de toucher à Dubnitz tant que ce dernier fait mine de se rebeller contre son sort, alors qu’ils n’ont eu aucun scrupule à fracasser le crâne de son guide quelques minutes plus tôt (lequel ne devait pas être non plus franchement emballé par l’idée de repeindre le menhir le plus proche avec son liquide céphalo-rachidien), ni de faire subir le même sort à Fulmeyer et au restant de sa bande de bras cassés après qu’ils aient été sommairement bannis par le chevalier de l’OM (Ordre de Manann, pour ceux qui ne suivraient pas). De même, l’intérêt pour nos batraciens photophobiques de recourir aux services d’hommes de main pour leur livrer leurs victimes à domicile (c’est du Deliveroo customisé) est loin d’être évident, puisque ces derniers disposent déjà de toutes les compétences nécessaires pour aborder les navires passant à proximité de leurs antres, et n’ont pas particulièrement besoin de mercenaires pour leur faciliter le boulot.

 

Au niveau de la forme, j’ai également pu noter quelques marques de relâchement de la part d’un auteur jusqu’à présent irréprochable de ce côté-là. Mots manquants dans certains passages (à moins que Reynolds n’ait utilisé des tournures anglaises dont je n’ai pas réussi à percer le sens, ce qui est à la portée de notre homme), personnages secondaires moins bien développés que précédemment, et construction du récit moins dynamique et fluide, furent autant de petites scories venant dégrader le plaisir de lecture, comme si Reynolds n’avait pas eu l’envie ou le loisir de livrer un texte aussi peaufiné qu’à son habitude. On se consolera toutefois en notant que la partie fluff est elle restée égale à elle-même, c’est-à-dire conséquente et pertinente, ce qui constitue une source de satisfaction certaine. On ne peut qu’espérer que ce (léger) coup de moins bien sera rapidement corrigé par un Josh Reynolds dont on peut légitimement attendre beaucoup, beaucoup mieux.

 

1 : On notera au passage qu’il s’agit de la deuxième nouvelle publiée dans Hammer & Bolter à intégrer ces sympathiques cyclopes à son casting (la première étant Marshlight de C.L. Werner – Hammer & Bolter #8). Pas mal pour une race délaissée par Games Workshop depuis la fin des années 80 !

 

2 : La méthode d’exécution employée par les Fimirs n’est en effet pas piquée des vers. Le prisonnier est hissé en haut de la pierre où une corde lui est passée autour du cou, puis est précipité en contrebas. La corde étant plus courte que la hauteur de la chute, le malheureux s’écrase tête la première à la surface du rocher, avec des conséquences généralement fatales. Les Fimirs de Reynolds ont l’air d’être passés maîtres dans cette technique, mais le mode opératoire me paraît toute de même très compliqué, pour une efficacité loin d’être garantie (ça doit tout de même faire très mal, je le reconnais). Josh Reynolds étant un des auteurs les plus calés en matière de fluff, je pensais qu’il avait tiré ce particularisme d’un ancien texte de background, mais n’ai rien trouvé à ce sujet.

 

A Mug of Recaff – Mitchell :

 

On termine ce numéro avec un petit digestif littéraire judicieusement nommé, commis par un Sandy Mitchell plus que jamais attaché à son personnage fétiche de Ciaphas Cain Ferik Jurgen. Ayant juste terminé la purge d’une maison de passe en compagnie de son bien-aimé supérieur, notre odoriférant héros se met en quête de la cuisine afin de procurer au Héros de l’Imperium une tasse de recaff bien méritée. Manque de pot pour Jurgen, la pièce est déjà occupée par un cultiste survivant, ayant quelques aptitudes en matière d’invocation de démon1.Manque de pot pour l’hérétique et son familier, Jurgen est un Paria, et n’a donc aucun mal à calmer les ardeurs homicidaires de Ringo et Sheila d’une rafale bien placée de son fidèle fusil laser. Bon, où est la cafetière maintenant ?

 

Le principal intérêt de A Mug of Recaff est de donner à Jurgen sa minute de gloire en le mettant aux commandes de sa propre nouvelle. Comme toujours avec Mitchell, le ton est assez léger et contraste fortement avec la sacro-sainte atmosphère gothique qui imprègne la majorité des écrits 40K. Le quatrième mur n’a jamais été plus fin que lorsque Sandy tient la plume…

 

1 : Sheyla de son petit nom. Véridique.

 

Au final, un numéro assez moyen mes pauvres amis. Le léger coup de moins bien (passager, espérons-le) de Reynolds permet à Cavallo de s’imposer comme le meilleur contributeur de cette fournée, même si sa nouvelle tape plus dans l’encourageant que dans l’enthousiasmant. Les débuts de Clapham s’avèrent quant à eux assez peu spectaculaires, mais laissons au bonhomme le bénéfice du doute. La soumission de Mitchell, pour sympathique qu’elle soit, tient plus du caméo qu’autre chose. Reste l’habituel chapitre de Gilead’s Curse, qui démontre avec force que le duo Vincent et Abnett est plus que jamais en roue libre et évoque plus une séance d’écriture automatique inspirée par une mauvaise série med-fan qu’un travail de professionnels. See you soon !

 

Schattra, "...d'ici l'automne"

Modifié par Schattra
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