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Warhammer Forum

[40K][VO] The Last Chancers


Schattra

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Bonjour à tous ! Aujourd’hui, je vous propose de faire un tour aux quasi-origines de la Black Library, à l’époque où tout restait à faire, où les auteurs avaient encore loisir de développer des idées un tantinet originales1, et où un Gavin Thorpe encore glabre faisait ses grands débuts dans le monde impitoyable de la fantasy. Bienvenue lecteur dans la chronique d’un mythe fondateur du background de Warhammer 40.000 : la trilogie Last Chancers.

1 : « Et si vous nous écriviez une petite histoire de Space Marines ? »
« Tu veux parler de ces surhommes génétiquement modifiés, incapables de ressentir la peur, endoctrinés jusqu’au trognon et rigoureusement imperméables à l’humour ? »
« C’est ça. »
« Écoute, je vais être tout à fait franc avec toi : je préfèrerais écrire la biographie de Peggy la Cochonne en dix volumes et la traduire en farsi plutôt que de me lancer dans cette purge. Sérieusement les mecs, vos Space machins sont des stéréotypes de héros d’action à peu près aussi savoureux qu’un bol de gravier arrosé au Roundup. À la rigueur, si vous me permettiez d’écrire un pastiche un peu grinçant soulignant le côté ridiculement trotrodark de votre univers… Qu’est-ce que vous diriez d’un chapitre dont l’emblème serait un balai chiotte géant ? »
« Ça ne va pas être possible Mr Bayley. »
« Dommage. Je continue à bosser sur le synopsis de Eye of Terror alors. »
« S’il vous plaît. »


Couverture de l'omnibus

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Couvertures alternatives

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Le contexte:

1999. En cette fin de millénaire, la Black Library s’apprête à fêter ses deux ans d’existence. Créée à l’origine pour assurer la publication de nouvelles, via le mensuel Inferno!, la maison d’édition de Games Workshop s’est mise progressivement à proposer des romans dépeignant les aventures de personnages emblématiques des deux univers de l’enseigne. Après avoir mis sur le marché les premiers tomes de sagas aujourd’hui mythiques (Gotrek & Felix, Gaunt’s Ghosts, Ragnar), la Black Library décide de donner sa chance à un collaborateur régulier de la maison mère, le fringant Gavin Thorpe.

Le projet de notre homme est assez original, puisqu’il se propose de relater les pérégrinations d’une bande de légionnaires pénaux, chargés d’accomplir le sale boulot de l’Imperium afin de se racheter aux yeux de l’Empereur et de leur impitoyable officier, le colonel Schaeffer. Une sorte de négatif des gentillets Fantômes d’Abnett, directement calqués sur le modèle des 12 Salopards (film de Robert Aldrich sorti en 1967), et dont la sortie est annoncée par la publication de la nouvelle Deliverance dans le White Dwarf de Décembre 1999 (traduite en français dans le WD d’Octobre 2002).

La jeunesse de la Black Library, le climat d’enthousiasme entourant la société à l’époque (lancement prochain du jeu Seigneur des Anneaux, acquisition de Sabre Tooth Games, début du passage au tout plastique…), et la notoriété de l’auteur parmi les membres de la communauté, expliquent sans doute pourquoi Thorpe a été autorisé à explorer cet aspect, somme toute assez marginal, de l’univers de Warhammer 40.000. À l’heure où les lignes éditoriales (SM, SM pendant l’hérésie, aventures-d-un-personnage-nommé, SM, le-dernier-tome-d-une-série-bien-établie, SM…) de la BL semblent gravées dans l’adamantium, le degré de liberté caractéristique de cet âge révolu ne manque pas d’attractivité pour le lecteur prêt à sortir des sentiers battus.

On ne peut que spéculer sur les ambitions nourries par les pontes de la Black Library au sujet de cette série, dont la postérité n’est pas aussi grande que certains des travaux publiés sur la même période. Le fait que la saga Last Chancers se décline en trois volets, format star de la maison, laisse penser que cette dernière a néanmoins su trouver son public, même s’il est aujourd’hui évident qu’Abnett et ses Tanith ont gagné la bataille de la popularité face aux bad boys de Thorpe dans la catégorie Garde Impériale1, si bataille il y eut jamais. Le premier des deux larrons étant en effet un auteur professionnel, alors que le second travaillait à l’époque comme concepteur de jeux pour Games Workshop, il était peut-être prévu dès le début de clore les débats après le troisième tome (laissant ainsi à Gavin l’opportunité de travailler sur la trilogie Slaves To Darkness, publiée entre 2002 et 2004). Pour ma part, j’interprète le hiatus de deux ans et demi entre la sortie de Kill Team(Octobre 2001) et celle de Annihilation Squad(Mars 2004) comme le signe d’un flop relatif, même si d’autres explications peuvent également être avancées.

Quoiqu’il en soit, les Last Chancers de Thorpe ont néanmoins réussi à laisser leur marque dans le background de 40K, comme tout vétéran du hobby vous le confirmera. En plus des romans, Schaeffer, Kage et les autres ont en effet eu l’honneur de bénéficier d’une entrée dans le Codex Garde Impériale de 2005 (et possiblement dans les précédents, que je ne possède pas2), ainsi que de leurs propres figurines, dont la sortie s’est accompagnée d’un complément de règles permettant d’aligner douze Last Chancers contre une armée entière (on reconnaît bien la patte de Jervis « pour la beauté du geste » Johnson derrière cette initiative, qui a sans doute permis à certaines des parties les plus déséquilibrées de l’histoire du jeu d'avoir lieu). Il est cependant à noter que les figurines en question ne représentent qu’une partie des personnages développés par Thorpe dans sa série, un certain nombre d’éminents Last Chancers s’étant faits refouler au casting, à commencer par l’iconique Lieutenant Kage (un comble, puisqu’il s’agit du narrateur des romans).

1 : Ne comptez pas sur moi pour passer à Astra Militarum. Le Garde Impérial meurt mais ne se rend pas.

2 : Gavin précise que Schaeffer et ses Last Chancers ont été créés par Ian Pickstock et lui-même, et que leur première apparition remonte au Codex V2 de la Garde Impériale. Plus tard, Rick Priestley himself apportera sa patte au travail de ses deux collègues (mais dans quelles proportions, mystère).


L'intrigue:

Pas de grandes surprises à ce niveau-là, puisque le lecteur a exactement droit à ce qu’il attendait, c’est-à-dire au récit des aventures de Kage et de ses collègues légionnaires pénaux, chargés par Schaeffer des missions les plus dangereuses du secteur. Les Last Chancers ont en effet beau être un ramassis de criminels aux casiers judiciaires plus épais qu’un sarcophage de Dreadnought Ironclad (ou pas, voir la section Personnages), ils sont avant tout des super soldats, experts en leur domaine, et qu’il serait donc dommage d’assigner à des tâches aussi ingrates que le déminage de spore mines à coups de bâton, la montée en première ligne contre un bastion tenu par une grande compagnie d’Iron Warriors, ou encore l’identification des victimes d’une épidémie de Pourriture de Nurgle, activités couramment proposées aux légionnaires pénaux classiques.

Les trois romans de la série donnent ainsi à Kage et à ses potes l’occasion de participer à des projets aussi grandioses et létaux que l’assassinat d’un Commandeur Tau séditieux (sur le propre monde de ce dernier), le « sauvetage » d’Herman von Strab, gouverneur planétaire émérite et complétement barge d’Armageddon, ou encore la mise en surchauffe des réacteurs à plasma d’une cité fortifiée rebelle. Inutile de préciser que le taux de survie parmi nos héros n’est donc pas terrible, Schaeffer et Kage étant souvent les seuls à émerger en un seul morceau de ces charmantes promenades de santé.

Outre cette trame classique, qui sera répétée avec quelques variations tout au long de la saga, Thorpe choisit d’initier le lecteur au tortueux cheminement intellectuel et philosophique de Kage, qui, de candidat avoué à la désertion au début de la série, se mue petit à petit en victime et complice consentante de son terrible supérieur. Cette soif de rédemption mâtinée d’un zeste de syndrome de Stockholm est de plus corsée par la folie croissante de Kage, qui de sale type lambda à l’ouverture de 13th Legion (on apprend qu’il a atterri chez les Last Chancers pour avoir poignardé un supérieur indélicat lui ayant piqué une de ses conquêtes féminines) se change petit à petit en psychopathe sadique de haut vol. Rajoutez à ce charmant tableau des migraines post-traumatiques régulières et un potentiel psychique latent, et vous aurez une bonne idée de la personnalité du Lieutenant Kage.

La situation se gâte toutefois fortement dès que l’on se penche sur les péripéties, dont l’examen révèle de nombreuses incongruités et autres zones d’ombre, que l’auteur ne se donne pas souvent la peine d’expliciter. Par exemple, Schaeffer emmène ses hommes sur le monde jungle de False Hope, soi-disant pour y enquêter sur la présence de Lictors, capables d’attirer sur place la flotte ruche Dagon (wink wink). Outre le fait qu’on leur souhaite bien de la chance pour mettre la main sur des prédateurs aussi furtifs, cachés quelque part sur une planète totalement recouverte par la forêt primaire, j’ai du mal à comprendre ce que Schaeffer espère accomplir par là, même en cas de réussite. Si, par miracle, lui et ses hommes arrivent à faire la peau à tous les Lictors présents sur False Hope, il n’a en effet aucune garantie que les messages envoyés par ces derniers à la flotte ruche n’aient pas déjà atteints cette dernière, qui viendra donc tondre à ras ce monde hostile de toute façon.

Autre exemple, la facilité avec laquelle l’inquisiteur Oriel (le supérieur direct de Schaeffer), réussit à piquer, puis à utiliser, les stocks de bombes virales de la cité fortifiée et hyper sécurisée de Coritanorum, au nez et à la barbe des quelques 700.000 soldats qui la défendent. Je précise que le bon inquisiteur opère en solo derrière les lignes ennemies, et semble bien sûr toujours savoir où intervenir pour faciliter la progression des Last Chancers (sinon c’est pas drôle). Malgré tous ses talents d’infiltrateur, Oriel est toutefois incapable de coincer le Genestealer qu’il a malencontreusement libéré dans Coritanorum, et s’est empressé de fonder un culte qui a saisi le pouvoir en deux temps trois mouvements, provoquant la rébellion de la cité. Bon, d’accord, ça a plutôt pris quelques mois, voire quelques années, mais comme Oriel a un égo surdimensionné, il a préféré tenter de régler ce petit problème tout seul (sans grands succès malheureusement), plutôt que de passer un coup de fil à la hot line de la Deathwatch. Au final, notre bras cassé d’inquisiteur préfèrera envoyer ses séides faire exploser Coritanorum (et ses trois millions d’habitants) afin de s’assurer que les informations top secrètes conservées dans les banques de données de la cité ne tombent pas dans les griffes des tyrannides… que je ne savais personnellement pas capable d’assimiler des connaissances stockées sur disques durs par voraces interposés. On notera au passage que cet acte désespéré n’empêchera absolument pas la flotte ruche de venir se garer en orbite autour de la planète de feu Coritanorum, et donc de potentiellement accéder aux données qu’Oriel voulait à tout prix garder secrètes, sous réserve qu’une autre cité majeure tombe aux mains ( ?) des nides (hypothèse fort probable).

 

 

 

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Ces deux exemples viennent prouver que si Gavin Thorpe est tout à fait capable d’écrire des synopsis solides, détaillés et assez alléchants (je suggère fortement à tous les anglophiles de faire un tour sur le blog du bonhomme, Mechanical Hamster, où sont postés les synopsis de 13th Legion et de Annihilation Squad), il pêche en revanche au moment de la mise en pratique de ses idées, qu’il couche sur le papier sans s’assurer de leur cohérence par rapport à l’histoire (un travers dans lequel ne verse pas Abnett, et qui explique en partie pourquoi ce dernier est aujourd’hui justement considéré comme la meilleure plume de la BL). Le diable se cache dans les détails…

On pourra me répondre que la responsabilité est partagée entre l’auteur et son éditeur, dont c’est le rôle de relever les passages peu clairs d’un manuscrit afin que le premier les retravaille, et on aura parfaitement raison. Cela dit, je doute fortement que les standards de la BL en la matière soit particulièrement exigeants, opinion blasée se basant sur la lecture d’ouvrages truffés de scories narratives (comme celui-ci ou celui-là), et à côté desquels l’œuvre de jeunesse de Thorpe apparaît comme exempte de tout soupçon.

Une dernière remarque, cette fois centrée sur le premier tome de la série, 13th Legion. À la différence de ses deux successeurs, cet ouvrage ressemble plus à une collection de nouvelles mettant en scène les Last Chancers qu’à un roman en bonne et due forme. Thorpe enchaîne en effet les péripéties (trek sur un monde jungle hostile, crash sur une planète prison colonisés par des termites géantes agressives, défense face à une attaque de pirates Eldars Noirs, participation éclair à une campagne contre des Orks sur un monde de glace…) avec une brutalité laissant planer le doute sur la présence éventuelle d’un véritable fil conducteur. Le dernier tiers du roman permet à l’auteur de justifier son approche pour (essayer de) faire croire au lecteur que ce rythme narratif elliptique jusqu’à la nausée était en fait un parti pris littéraire. D’un point de vue personnel, je n’ai pas vraiment été convaincu par les explications de Gav (qui m’a d’ailleurs confié qu’il s’agissait du point qu’il aimerait le plus modifier s’il en avait la chance), mais comme il s’agissait de son premier roman, je ne lui en ai pas tenu particulièrement rigueur. Il est à souligner que le deuxième tome de la série, Kill Team, pâtit lui aussi de la maîtrise approximative de Thorpe en matière de conduite de double intrigue, quoique de moindre manière. C’est en forgeant…

Le style:

La première caractéristique notable de la série Last Chancers est l’usage d’une narration à la première personne, un choix pas si répandu parmi les auteurs de la Black Library. Le lecteur fait plus qu’adopter le point de vue du Lieutenant Kage, il vit l’histoire par ses yeux, et bénéficie en outre des incessantes réflexions que le héros de Thorpe formule à propos de sa situation, de ses compagnons d’infortune, du fonctionnement de l’Imperium, des Xenos qu’il croise de temps à autres, ou encore de la composition de son dernier déjeuner. Kage étant un penseur prolixe, il est conseillé au lecteur de se préparer à composer avec ses récurrentes digressions, qui constituent une partie importante des romans. Ceci étant dit, Thorpe réussit à rendre ces passages assez distrayants, en grande partie grâce au caractère subversif et direct de son personnage, qui, s’il n’est pas vraiment causant, n’en pense pas moins.

J’ai déjà pu évoquer dans d’autres chroniques l’existence du fameux (ou pas, à vous de me dire) « BL style », familier à tous les lecteurs vétérans de cette maison d’édition. Gavin Thorpe étant à mes yeux l’un des créateurs de cette école, du fait de son influence sur le jeu et le background général (il a été un temps « Maître du Savoir » de Games Workshop), des livres d’armée et codex auxquels il a contribué, et évidemment par le biais de ses romans, il est somme toute normal que la série Last Chancers ne surprenne ni en bien ni en mal à ce niveau. Descriptions, dialogues, scènes d’action : tous les éléments constitutifs de ces romans cadrent rigoureusement avec le cahier des charges de la BL, et donnent un ensemble honnête et relativement plaisant à lire, à défaut d’être follement original.

Cela étant dit, certains passages se sont avérés être assez jouissifs à parcourir, Gav lâchant la bride de sa plume (ceci est une figure de style non homologuée) et gratifiant son public de petites perles de noirceur, souvent à base de violence totalement gratuite et immorale, tranchant fortement avec les conventions de la BL en la matière (les méchants commettent des actes immoraux1 parce qu’ils sont méchants, les gentils peuvent éventuellement en faire de même lorsqu’ils n’ont absolument pas le choix, qu’ils savent ou pensent qu’il s’agit de l’option la moins pire, ou parce qu’il s’agit d’un aspect de leur culture).

Dans la plupart des cas, il s’agira d’un pétage de plombs en bonne et due forme de la part de Kage, qui massacrera par exemple à mains nues un de ses codétenus, qu’il soupçonnait (à tort) d’avoir comploté avec les Eldars Noirs ayant attaqué le vaisseau des Last Chancers dans 13th Legion. Le pauvre type en question, auparavant tabassé tous les quatre matins par un Kage l’ayant pris en grippe pour des raisons assez nébuleuses, se fera ainsi réduire en pulpe par ses petits camarades dans une scène rappelant fortement la mort de Simon dans Sa Majesté Des Mouches. D’autres passages de cet acabit, permettent à Thorpe de prouver la folie sous-jacente de son héros, qui sans ça aurait pu n’être qu’un bad-boy-asocial-mais-pas-foncièrement-mauvais de plus (à l’image d’un Mathias Thulmann, d’un Brunner ou d’une Angelika Fleischer). La première moitié de Kill Team est particulièrement riche à cet égard, Kage y étant dépeint comme l’authentique salopard empêtré dans une relation amour-haine avec Schaeffer qu’il aurait gagné à être de manière continue.

Premiers grands formats de Thorpe, 13th Legion et Kill Team (Annihilation Squad ayant été publié après la sortie de la trilogie Slaves To Darkness) présentent quelques lacunes absentes des travaux suivants de l’auteur. En plus des transitions brutales de 13th Legion, Thorpe articule assez mal le système de double intrigue qu’il cherche à mettre en place dans ces deux tomes, amenant le lecteur à ne pas accorder l’attention qu’ils méritent aux petits passages intercalés entre chaque chapitre, alors même qu’ils contiennent des éléments dont l’auteur se servira pour justifier les retournements de situation se produisant dans la dernière partie de l’histoire. À dire vrai, je pense même qu’il aurait très bien pu se contenter d’un seul fil narratif (celui de Kage et Cie) pour ces deux romans, la valeur ajoutée du deuxième angle d’attaque étant somme toute très faible. Ce sera d’ailleurs son parti pris dans le troisième volume de la série, Annihilation Squad, dont la qualité globale2 est nettement supérieure à celle de ses préquelles. Kill Team souffre également d’une perte de rythme assez prononcée au milieu du récit, Thorpe relatant le voyage des légionnaires pénaux jusqu’à la planète de leur cible (le Commandeur Brightsword) sur une petite centaine de pages, durant lesquelles il ne se passe pas grand-chose. Les amateurs de fluff les plus extrêmes enrichiront certes leurs connaissances de la société Tau3, mais le reste des lecteurs trouvera sans doute le temps long, surtout après le rythme enlevé du tome précédent.

Thorpe éprouve également quelques difficultés à manager correctement son équipe de risque-tout, dont les effectifs sont bien sûr amenés à décroître régulièrement au fil des pages et de la mort des personnages. Ce manque de maîtrise se ressent particulièrement dans le final de 13th Legion, au cours duquel Gavin enchaîne les trépas avec un enthousiasme un peu forcé, recourant même à plusieurs reprises à une discrète liquidation « hors cadre » d’un side kick4. Kage aura alors cette phrase, que je trouve assez représentative des derniers chapitres du roman : « I feel a touch of sadness that he died alone and unnoticed ». La désinvolture avec laquelle Thorpe dézingue ses personnages est toutefois assez plaisante, en ce qu’elle reflète fidèlement l’atmosphère de risque permanent qui entoure les Last Chancers, dont le destin est une mort brutale dans l’exercice de leurs fonctions.

De manière générale, et si on écarte les quelques remarques précédentes, la série des Last Chancers se laisse lire sans problème, le dernier volet se démarquant comme le meilleur du lot au niveau du style.

1 : Et encore, dans la limite du raisonnable. Il ne s’agirait tout de même pas de perdre des lecteurs dans la tranche d’âge de 10-15 ans pour cause d’écrits malséants. On évitera donc toute allusion sexuelle, sauf les plus édulcorées, et on prendra bien garde de ne faire trucider et torturer que des personnages adultes, de sexe masculin si possible.

2 : Il est cependant à noter que ce dernier volet souffre du syndrome de la "conclusion accélérée", défaut partagé par de nombreuses publications de la Black Library. Quand je lui ai posé la question, Gavin m’a assuré qu’il s’agissait d’une décision personnelle (l’autre hypothèse étant un nombre de pages à ne pas dépasser), visant à retraduire l’urgence de la situation à laquelle les héros doivent faire face. Vu comme ça… Dernière remarque sur le sujet : le synopsis prévoyait une conclusion assez différente de celle qui figure dans le livre, qui achève la série par un magistral cliffhanger inversé (je me comprends).

3 : Végétarien nocturne à tendance frugivore, le Tau de Thorpe construit des escaliers sans rampe car, se déplaçant toujours à l’allure d’une tortue cacochyme, il n’a pour ainsi dire aucun risque de chuter en grimpant les marches. Véridique.

4 : « Le groupe fit une pause et Kage bailla profondément. Quand il rouvrit les yeux, il constata que son vieux pote Johnny la Durite avait été coupé en deux par un tir de canon laser. Bob avait été dispersé sur 30 mètres par l’explosion d’une mine antipersonnelle. Steven venait de se faire avaler par un boa constrictor et Joe avait été écorché, tanné et transformé en canapé pur cuir par un gang d’Eldars Noirs en maraude. »



Les personnages:

Comme on peut s’y attendre de la part d’une série dont les héros sont des condamnés à mort en sursis auxquels sont assignées les missions les plus dangereuses qui soient, la saga Last Chancers connaît un turn over assez important d’un tome à l’autre, seuls quelques personnages parvenant à survivre assez longtemps pour figurer dans plusieurs romans.

Kage: Nicolas de son petit nom (nan je déconne), anti-héros de la série, et narrateur des aventures des Last Chancers, qu’il incarne tellement bien que Schaeffer le surnommera Last Chance durant une bonne partie de Kill Team1. Kage est un survivant né doublé d’un sale type, traits de personnalité qui l’ont conduit à intégrer la 13ème Légion Pénale (deux fois de suite !), et à devenir l’âme damnée de Schaeffer. Capable de crises de violence et de sadisme (franchement revigorantes pour le lecteur, beaucoup moins pour ses petits camarades de jeu), il est cependant loin d’être une simple brute décérébrée (même s’il est de son propre aveu quasiment analphabète). Après avoir obtenu son pardon à la fin du premier tome, il dérape suffisamment sérieusement quelques mois plus tard pour être à nouveau affecté aux Last Chancers, sans espoir de sortie cette fois-ci. Cette absence d’échappatoire le poussera cependant à rechercher une rédemption hypothétique en accomplissant son devoir au service de l’Empereur, seul capable de racheter les innombrables crimes qu’il a commis au cours de sa misérable existence.
Son évolution au cours des deux premiers tomes de la série (le troisième voyant Thorpe justifier les aspects les plus extrêmes de la personnalité de son héros de manière exogène, ce qui à mon sens lui fait perdre un peu d’intérêt), la complexité de son caractère et ses relations ambigües avec Schaeffer font de Kage une des raisons principales justifiant la lecture des romans Last Chancers. Dernière précision, si vous aimez le personnage de Marv dans Sin City, il y a de fortes chances que le Lieutenant Kage vous soit sympathique, tant Gav semble avoir calqué son personnage que celui de Frank Miller.

1 : D’après une idée de Kage, qui avait lui-même précédemment affublé chacun de ses petits camarades d’un surnom reflétant ses capacités (Sharpshooter, Demolition Man, Flyboy…) ou sa mentalité (Hero) afin de détruire leur personnalité ou quelque chose comme ça (qu’est-ce qu’on s’amuse). On notera au passage que Hero et Demolition Man sont les seuls Last Chancers ayant eu une figurine officielle (en plus de Schaeffer).


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Schaeffer: Chef emblématique et redouté de la 13ème Légion Pénale, le Colonel Schaeffer est un fanatique du plus bel acabit, dont la mission est de sauver l’âme des malheureux qui lui tombent entre les mains, en leur offrant la chance et l’insigne honneur de mourir au combat contre les ennemis de l’Imperium. Absolument dénué de tout scrupule, Schaeffer fait toujours primer la réalisation des missions qui lui sont confiées sur le bien-être et la survie de ses hommes, ce qui lui réussit assez bien puisqu’à date, il n’a jamais connu l’échec. S’il ne voit pas d’inconvénients à abandonner des soldats blessés dans un avant-poste déserté au milieu d’un monde hostile, à dépressuriser un sas rempli de légionnaires pénaux pour empêcher une poignée de pirates Eldars d’accéder à la salle des machines, ou encore à réduire en poussière une ville de trois millions d’habitants pour être sûr d’annihiler un culte Genestealer, il est en revanche prêt à mettre sa vie en péril pour assurer le salut de l’âme de ses ouailles. Prêt à toutes les bassesses pour « recruter » des profils qu’il juge prometteur (« au fait, ta peine de cinq ans de prison pour vol avec violence a été commuée en perpétuité incompressible ! Merci qui ? »), il se montre toutefois fidèle à sa parole en toutes circonstances, et accordera bien son pardon à quelques de Last Chancers vraiment chanceux (c’est le cas de le dire) au cours de la série, la plupart du temps à titre posthume il faut bien le dire.

Autre trait de personnalité empêchant Schaeffer d’être absolument antipathique au lecteur, son inflexible courage, le bonhomme ne délégant à aucun autre le soin de mener la 13ème Légion Pénale au combat. Si personne ne sera surpris d’apprendre que le bougre est également un soldat d’exception, capable de transformer un Carnodon adulte en carpaccio en un battement de cils, il est intéressant de noter qu’il semble disposer d’une bonne étoile de la taille d’une supernova, ce qui lui permet de sortir indemne des mêlées les plus féroces (un avantage certain dans sa profession). S'il lui arrive de prendre une balle perdue de temps à autre, il peut cependant compter sur ses relations privilégiées avec l’Inquisition pour être remis à neuf dans les plus brefs délais, et, contrairement à la mode répandue des augmétiques qui sévit en cette fin de quarantième millénaire, toujours de manière 100% organique. On lui fait ainsi « repousser » un bras à la fin de 13th Legion, et on apprend dans Annihilation Squad que sa colonne vertébrale a été pareillement reconstruite (après un pari débile1), tandis qu’il doit son fameux regard bleu azur à la « généreuse » donation d’un prêtre de mars renégat. Avec ses 300 ans bien tassés (Gavin laisse volontairement le lecteur dans l’ombre à propos du passé de son personnage, dont on ne peut qu’essayer de deviner pourquoi il a été affecté à ce poste ingrat et dangereux, alors qu’il semble avoir toutes les qualités requises pour grimper les échelons au sein de la Garde Impériale2), le Colonel Schaeffer tient plus du PNJ increvable d’un FPS futuriste que de l’être humain normalement constitué, et c’est son opposition, ainsi que sa paradoxale complémentarité, avec Kage (avec qui il forme un joli couple sadomasochiste) qui lui permettent d’exister en tant que protagoniste.

1 : « Chiche que tu n’es pas capable de servir de rampe de skate à un Land Raider ! » « Avec ou sans escouade Terminator en soute ? » « Euh… sans. » « Pas de problème, je marche. »

2 : J’ai avancé l’hypothèse que Schaeffer cherchait à expier un pêché particulièrement grave en accomplissant le sale boulot de l’Impérium et en permettant à des criminels de la pire espèce de sauver leur âme, et Gavin m’a laissé entendre que je n’étais pas si éloigné de la vérité, qu’il dévoilera peut-être un jour.


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Oriel: Inquisiteur de l’Ordo Xenos de son état, Oriel est présenté comme le supérieur officieux de Schaeffer, auquel il confie les principales missions relatées dans le premier et le deuxième tome de la série (pour le troisième, il se contente de « recommander » les états de service impeccables du Colonel à un collègue, qui débauche donc les Last Chancers et les envoie sur Armageddon récupérer Herman von Strab). Le fait qu’il œuvre pour la très Sainte Inquisition permet à Oriel de savoir à peu près tout sur tout, de manier des gadgets rigolos et hors de prix, et de se lancer dans des projets grandioses sans avoir besoin de se justifier, ce qui est plutôt pratique étant donné la capacité de notre ami à se rater dans les grandes largeurs. Le Genestealer malencontreusement relâché sur Coritanorum, c’est lui. La lobotomie sauvage de Kage, soi-disant pour purger son cerveau des « humeurs malignes » qu’il contenait, c’est encore lui. Le quasi intouchable infiltré au sein des Last Chancers pour contenir le potentiel psychique latent de ce même Kage (avec des résultats très concluants…), c’est toujours lui. Il aime également agir selon des plans aussi secrets que retors, et que personne ne remet en question quand il se décide à les expliquer uniquement parce qu’il serait capable d’ordonner un Exterminatus sur la planète d’origine de ses contradicteurs. Cependant, tel le Zlatan du 41ème millénaire, il possède le talent rare d’être toujours au bon endroit au bon moment (particulièrement dans 13th Legion), ce qui lui permet de débloquer des situations apparemment impossibles1 en un claquement de doigts. La classe.

1 : Bon, alors comment vais-je bien pouvoir faire rentrer mon escouade de Légionnaires Pénaux dans une forteresse hyper sécurisée (pensez à Minas Tirith, mais capable de résister à un bombardement orbital), sur laquelle la toute-puissante Garde Impériale se casse les dents depuis plusieurs années ? Bof, on va dire que quand les Last Chancers arrivent aux portes des murs extérieurs, un « mystérieux allié » aura libéré un gaz mortel dans les conduits d’aération de la casemate de garde, ouvert les portes et disparu dans la nature. D’une élégante simplicité.


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Lorii & Loron: sont dans un bateau une tranchée. Loron tombe à l’eau se prend un tir de laser dans la jambe. Qui reste-t-il ? Réponse : Lorii et Loron, la première ramenant le second à bon port au péril de sa vie et au mépris des ordres reçus, ce qui conduit nos deux inséparables (frère et sœur dans le civil) à se retrouver mutés parmi les Last Chancers pour insubordination. Maintenant, un petit test de vos connaissances de fluffiste : si je vous dis que Lorii et Loron sont de redoutables soldats albinos et les derniers survivants de leur unité, qui s’est faite décimer malgré la très haute qualité intrinsèque de ses membres, vous me répondez du tac au tac qu’il s’agit selon toute évidence…
 

Révélation

d’Afriels, c’est-à-dire des résultats mitigés d’une expérience eugéniste classique, à savoir utiliser les gènes des plus grands héros de l’Imperium (ici, rien de moins que Macharius himself, dont on aurait prélevé la semence à son insu1) pour créer des super soldats. Pour des raisons mystérieuses, il s’est toutefois avéré que ces derniers, pour très doués qu’ils se révèlent être, souffraient d’une malchance terrible, ce qui a mené à la rapide disparition de tous les cobayes après quelques succès prometteurs. Plus d’infos dans le WD#131.


Vous aviez trouvé? Bravo, vous êtes un vrai spécialiste dans un domaine rigoureusement inutile, et vous irez loin dans la vie sous réserve que cette dernière soit en pente. Si non, tant pis, vous n’êtes qu’un être humain presque normal (car un être normal ne serait pas en train de lire ces lignes, soyons honnêtes), mais je vous aime bien quand même.

Pour en revenir à nos deux moutons noirs blancs noirs, s’ils n’occupent pas un rôle de tout premier plan dans la série, ils font toutefois partie des Last Chancers les plus iconiques, et pas uniquement à cause du prénom particulier de la demoiselle. On notera au passage qu’ils sont, de son propre aveu, les personnages préférés de l’auteur, ce qui n’a pas empêché Gav de les faire mourir de la manière la plus cavalière/douloureuse qui soit. Qui aime bien…

1 : « Mais, qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? Et pourquoi vous avez les mains sur mon -»
«Ah, pardon, je croyais que c’était la télécommande de la climatisation. Héhé. »


Les Last Chancers de 13th Legion: Ramassis de fripouilles et de canailles de la plus belle espèce, les premiers Last Chancers sont les sujets non consentants d’une expérience sociologique menée par Schaeffer et Oriel, et qui peut être résumée de la façon suivante : prenez 4000 criminels endurcis, et balancez les sur les missions les plus pourries que vous puissiez imaginer, jusqu’à ce que ne reste qu’une poignée de survivants complètement barges. Confiez ensuite à ce reliquat psychotique et instable la tâche d’infiltrer une cité rebelle afin d’en surcharger les réacteurs à plasma. Occupez les trois années nécessaires à ce processus d’affinage à courir après le Genestealer que vous avez malencontreusement libéré à l’intérieur de ladite cité, et dont la rébellion est donc entièrement de votre faute. Tout simplement brillant! Wait…

Même si la plupart des camarades de Kage sont davantage esquissés que réellement dépeints en profondeur, je reconnais volontiers que Thorpe a bien réussi à individualiser ses personnages, dont la mort ne laisse donc pas aussi indifférent que ce qu’on pourrait penser de prime abord. Entre Franx, l’ancien paysan incapable de construire une phrase grammaticalement correcte, Kronin, l’aliéné ne s’exprimant plus que par des citations tirées du crédo impérial, Linskrug, le noble esclavagiste rêvant de prendre sa revanche sur ses anciens rivaux (Jorah Mormont, anyone ?), Rollis, la petite frappe que tout le monde déteste et prend plaisir à dérouiller, ou encore Striden, liaison terrain des artilleurs de la flotte impériale ayant rejoint les Last Chancers au début de leur mission finale parce qu’il n’avait littéralement rien d’autre à faire, c’est une ménagerie haute en couleurs que nous propose Gavin. Seul survivant (ou presque) de ce premier casting, Kage se considérera par la suite comme le dépositaire de la mémoire de ses camarades défunts, conviction qui le fera osciller entre mélancolie suicidaire et fureur de vivre animale au cours des deux autres tomes de la série.

Les Last Chancers de Kill Team: Alors que leurs défunts prédécesseurs avaient subi un écrémage en règle avant que ne se dessine l’ossature de l’escouade chargée de l’infiltration de Coritanorum, les Last Chancers du deuxième tome de la saga ont l’insigne privilège d’être sélectionnés directement par Kage parmi les pensionnaires du réservoir de talents de Schaeffer (une prison de haute sécurité où le colonel envoie les malheureux dont il pense pouvoir avoir besoin un jour, sans que la gravité de ce qui leur est reproché ne soit réellement prise en compte1), puis impitoyablement entraîné par ce dernier avant de partir en mission. Ce processus de recrutement, très différent de celui à l’œuvre dans 13th Legion, est de l’aveu de Gavin Thorpe, un clin d’œil appuyé aux 12 Salopards, modèle dont l’auteur avait cherché à se démarquer dans le premier opus.

Conséquence logique de ce draft introductif, les Last Chancers de Kill Team excellent tous dans un domaine précis, alors que les précédents n’étaient ni plus ni moins que les ultimes survivants du processus de décantation sadique de Schaeffer. On retrouve donc une tireuse d’élite ayant prêté le serment d’Hippocrate (elle refuse de se servir de ses armes pendant la plus grande partie du roman), un ex-commissaire au profil de gendre idéal, un ingénieur que l’on aurait pu considérer comme une copie conforme du Humpty Dumpty de Living Hell #2 (comprendre qu’il ne peut s’empêcher de démonter et « d’améliorer » les machines qui lui tombent sous la main), n’eut été le fait que Kill Team a été publié avant le comics de DC ; un expert en démolition, un scout, un pilote et un médecin. La construction du roman, leur relation de soldats à gradé vis-à-vis de Kage (qui ne noue pas des liens aussi forts avec ses « recrues » qu’avec ses anciens frères d’armes), la longue partie consacrée à la description de la société Tau, et la présence d’Oriel durant toute la durée de la mission sont autant de facteurs résultant en la mise au second plan de cette seconde fournée de Last Chancers, qui s’avère être globalement moins marquante que la précédente. On notera tout de même qu’il s’agit de la « promotion » ayant obtenu le meilleur ratio de survie de ses membres de la série (deux pardons accordés pre-mortem).

1 : En clair, t’as pas intérêt à quitter la cantine sans débarrasser ton plateau quand Schaeffer est dans les parages, surtout si tu es un expert reconnu dans ce que tu fais. C’est un coup à se retrouver muté dans la 13ème Légion Pénale en moins de deux.

Les Last Chancers de Annihilation Squad: Pour cet ultime volet, Thorpe retourne à ses premières amours et choisit de faire passer à ses Last Chancers un casting similaire à celui utilisé dans 13th Legion, mais à une échelle moindre : au lieu de commencer avec un régiment complet de 4.000 hommes, Schaeffer doit en effet composer avec une trentaine de légionnaires, nombre qui sera rapidement divisé par trois afin d’obtenir un groupe de la taille requise. Outre un Kage passablement blasé, et dont l’ascendant sur ses petits camarades semble plus tenir à son statut de vétéran qu’à un rang quelconque, on retrouve un prodige du lance-roquette incontinent (Brownie Dunmore), un ancien para d’élite un peu snob (Festal Kin-Drugg), un Navigateur tout à fait snob (Kelth)1, un Intouchable mais pas tout à fait en fait (Gideonwink winkOahebs), un scribe ne parlant presque que par questions (Erasmus Spooge, premier et unique Last Chancer imposé à Schaeffer, qui ne l’aurait certainement pas intégré dans sa fine équipe sinon), un chasseur d’Orks des jungles d’Armageddon agoraphobe « recruté » en cours de route (Golder Fenn), et un mystérieux revenant d’un épisode précédent, dont l’identité peut être établie d’un simple regard sur la couverture du bouquin.

En plus des profils classiques de Last Chancers (Brownie, Kin-Drugg, Fenn, Kage), Thorpe a donc également inclus des personnages dont il avait besoin pour conclure son cycle de manière cohérente (Oahebs et Kelth, respectivement contrôleur et révélateur des capacités psychiques de Kage), ainsi qu’un type relativement normal (Spooge) afin de tirer sur la veine du buddy movie. Le résultat est assez plaisant, chacun remplissant son rôle de manière convenable au fil des différents tableaux se succédant au fil des chapitres.

1 : Que Schaeffer s’obstine à conserver dans le groupe durant tout le roman, pour la bonne et simple raison qu’on ne sait jamais, ça peut servir.

Herman von Strab: Même s’il n’apparaît qu’à la fin de Annihilation Squad, l’ancien gouverneur planétaire d’Armageddon s’avère néanmoins être un personnage crucial de la série, tant par son influence sur l’intrigue du dernier roman que par sa personnalité baroque et perverse, magnifiquement retranscrite par Thorpe. Apparaissant tantôt comme un despote sanguinaire et abruti par une ascendance fortement consanguine, tantôt comme l’otage impuissant et repentant des envahisseurs Orks d’Armageddon, et tantôt comme un fin stratège parfaitement conscient de son importance au niveau symbolique pour les deux camps et tout prêt à négocier son allégeance, von Strab est sans doute le personnage secondaire le plus réussi de la série.

Dignitaires Tau: Pas grand-chose à dire sur le sujet, mis à part que l’amiral créé par Gav porte le nom kikoolol d’El’Savon. Si si.

Le fluff:

Si le premier tome n’est guère riche en informations intéressantes pour le fluffiste acharné, mis à part quelques éléments épars (extraits du Credo Impérial cités par Kronin, durée moyenne de service d’un régiment de la Garde Impériale, processus d’élection d’un Warmaster), les deux suivants en sont en revanche bourrées. Kill Team permet ainsi à Thorpe de brosser un portrait détaillé de la société Tau et de passer en revue de multiples aspects de cette dernière : technologie, philosophie, politique, régime alimentaire, architecture, cohabitation avec d’autres espèces… Il y en a vraiment pour tous les goûts. Dommage que le rythme de l’action s’en trouve considérablement ralenti.

Annihilation Squad est quant à lui consacré à la situation d’Armageddon au cours de la Troisième Guerre, avec un focus sur les fameux chasseurs d’Orks opérant dans les jungles de la planète et la complexe organisation sociale à l’œuvre dans la cité-ruche d’Acheron, prise par les Orks et gouvernée par leur allié/otage Herman von Strab. N’espérez pas y trouver des révélations fracassantes sur le futur de ce conflit, que GW se gardera bien de faire se terminer avant longtemps (à moins que les ventes de 40K baissent à tel point qu’il faille recourir à une astuce du type End Times pour les relancer), mais si ce théâtre d’opérations vous intéresse, il y a de très fortes chances pour que vous trouviez de quoi vous mettre sous la dent à la lecture du troisième tome de la série.

Mon avis (que je partage):

La première série de Gavin Thorpe pour la Black Library est un objet littéraire intéressant à plus d’un titre. D’abord parce que s’y trouvent des passages que l’on ne trouve pas, et ne trouvera sans doute jamais, dans le reste des publications de la BL : Kage est un véritable ovni parmi les héros de romans GW, et même s’il a tendance à se « normaliser » dans le dernier tome, il réserve au lecteur quelques plaisantes surprises.


Ensuite, car il permet d’évaluer le reste de la bibliographie de Gav avec des yeux neufs. Sans pouvoir être qualifié de mètre étalon de la production de Thorpe, cet omnibus est suffisamment représentatif de la prose de notre homme pour que l’on puisse bien se rendre compte des progrès qu’il a faits depuis le début de sa carrière d’auteur professionnel. Certes, il reste encore des points à corriger (ce qui est le cas pour tous les auteurs de la BL, même ceux du peloton de tête), mais je ne crois pas me tromper en affirmant que ses derniers romans ont été globalement mieux accueillis que ses premiers, et que cette évolution favorable est en grande partie due à la montée en puissance de Thorpe en tant qu’écrivain. Cette évolution est d’ailleurs perceptible même au niveau de ce premier cycle, Annihilation Squad étant dans l’ensemble un meilleur ouvrage que 13th Legion (dénouement trop rapide mis à part).
Enfin parce que, tout compte fait, et en dépit des critiques formulées tout au long de cette chronique, la saga Last Chancers répond plutôt bien au cahier des charges de la Black Library, à savoir proposer aux lecteurs d'honnêtes romans de gare se déroulant dans les univers de Games Workshop. Au prix dérisoire où l’on peut trouver ces bouquins sur le marché de l’occasion, leur acquéreur fera quoiqu’il arrive une bonne affaire.

Au final, même si je ne recommanderais pas cette série au lecteur occasionnel de la Black Library, tant il est vrai qu’il existe une ribambelle de publications de meilleure qualité dans lesquelles claquer son argent durement gagné, je pense sincèrement que le fanboy initié et curieux pourrait bien trouver un plaisir coupable à la lecture de cet omnibus. Tu vois, le monde se divise en deux catégories…

Schattra, Give Gav A Chance...

 

Modifié par Schattra
Remise en forme
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Excellent, comme d'hab. Merci pour la chronique ;)/>

[quote]et dont la sortie est annoncée par la publication de la nouvelle Deliverance dans le White Dwarf de Décembre 1999 (traduite en français dans le WD d’Octobre 2002).[/quote]
Le lecteur curieux et attentif remarquera que Deliverance est aussi le titre du récit que l'auteur a ajouté à l'Hérésie d'Horus.
Et que l'un comme l'autre, on n'y trouve aucune scène de duel de banjo. Et ça, c'est bien dommage! Modifié par Le-Captain
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Plongée nostalgique à la lecture de ton article dans les temps ancien où avec le pouvoir d'achat d'un gamin de 11-12 ans et une LV1 Allemand je dévorais les trop rares traductions des romans BL de mon WD mensuel... et des temps plus récents où je me suis acheté l'Omnibus [i]Gothic War[/i] avec mon premier salaire !
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Salut tout le monde, et merci pour ces retours positifs!

[quote]Le lecteur curieux et attentif remarquera que Deliverance est aussi le titre du récit que l'auteur a ajouté à l'Hérésie d'Horus.
Et que l'un comme l'autre, on n'y trouve aucune scène de duel de banjo. Et ça, c'est bien dommage![/quote]

Je me suis fait le même réflexion. Je n'ai pas lu [i]Deliverance Lost[/i], donc je n'ai pas voulu m'avancer sur le lien entre ces deux théâtres d'opération, mais la Deliverance de [i]Last Chancers[/i] ressemblait plus à un monde tribal (avec des guerriers papous chassant le hormagaunt à coups de sagaie) qu'à la base de la Raven Guard.

[quote]Une belle analyse du roman. Tu parles a de mutiple reprise de ta rencontre avec Gavin. A quelle occasion a t'elle eu lieu?[/quote]

Je ne l'ai pas rencontré [i]in the flesh[/i] en fait, j'ai simplement posé mes questions sur son blog, et il a eu la gentillesse de me répondre.

[quote]Plongée nostalgique à la lecture de ton article dans les temps ancien où avec le pouvoir d'achat d'un gamin de 11-12 ans et une LV1 Allemand je dévorais les trop rares traductions des romans BL de mon WD mensuel... et des temps plus récents où je me suis acheté l'Omnibus [i]Gothic War[/i] avec mon premier salaire ![/quote]

Mon parcours à peu près (même si j'ai commencé en 4ème)! À l'époque, je claquais tout mon argent de poche dans des blisters de Pistoliers et des boîtes d'Epéistes/Hallebardiers, les romans ne sont venus que plus tard, avec l'augmentation du pouvoir d'achat. Je me souviens encore d'une nouvelle de Dan Abnett dans un White Dwarf, qui m'avait marquée car pour la première fois, un Space Marine y fuyait l'ennemi. Impensable aujourd'hui bien sûr (et c'est dommage).

Schattra, good old days
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  • 5 mois après...

Ah, la verve de Schattra m'avait manqué, ça fait du bien de se prendre sa dose de temps à autres! :)

 

Je me permets de réagir sur ceci:

 

Une dernière remarque, cette fois centrée sur le premier tome de la série, 13th Legion. À la différence de ses deux successeurs, cet ouvrage ressemble plus à une collection de nouvelles mettant en scène les Last Chancers qu’à un roman en bonne et due forme. Thorpe enchaîne en effet les péripéties (trek sur un monde jungle hostile, crash sur une planète prison colonisés par des termites géantes agressives, défense face à une attaque de pirates Eldars Noirs, participation éclair à une campagne contre des Orks sur un monde de glace…) avec une brutalité laissant planer le doute sur la présence éventuelle d’un véritable fil conducteur.

C'est aussi une des caractéristiques que l'on retrouve dans le premier tome de la Saga Gotrek et Felix (Trollslayer) et dans les deux premiers tomes des Fantômes de Gaunt (First and Only et Gaunt's Ghosts). Ces tomes ressemblent aussi plus ou moins à des recueils de nouvelles avec une trame globale (la quête de Gotrek et la Croisade des Mondes de Sabbat) qu'a de véritables romans.

 

L'intérêt est qu'au moins, au moment de rentrer dans le vif du sujet, on est correctement présentés aux personnages.

 

Maintenant, est-ce que le contenu de ces premiers tomes n'était à l'origine que quelques nouvelles éparses, j'en sais rien. J'ai aussi commencé à lire en 4e (du BL s'entend! :p ) avec la sortie des premiers tomes en français.

 

 

Voilà pour mon petit commentaire, merci pour ton travail mon Schattra, c'est un plaisir à lire! :D

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Salut Fiasco!

 

Merci pour ton commentaire, et heureux d'apprendre que tu as apprécié cette petite chronique. En ce moment, je suis plus nouvelles que romans, mais j'espère pouvoir trouver le temps de m'atteler à la trilogie Stefan Kumansky de Neil McIntosh (Star of Erengrad, Taint of Evil et Keepers of the Flame) d'ici à la fin de l'année. Là encore, c'est du vintage.

 

 

 

C'est aussi une des caractéristiques que l'on retrouve dans le premier tome de la Saga Gotrek et Felix (Trollslayer) et dans les deux premiers tomes des Fantômes de Gaunt (First and Only et Gaunt's Ghosts). Ces tomes ressemblent aussi plus ou moins à des recueils de nouvelles avec une trame globale (la quête de Gotrek et la Croisade des Mondes de Sabbat) qu'a de véritables romans.

 

Tout à fait (encore que je n'ai lu que les romans d'Abnett parmi ceux que tu cites), la regroupement de nouvelles dans le but de créer un "roman" (plus ou moins cohérent au final) était l'un des péchés mignons de la Black Library à l'époque de sa création.

 

First & Only subit une cassure de rythme assez importante en milieu de bouquin, mais Abnett réussit à faire reprendre la mayonnaise de manière assez convaincante en deuxième partie de récit. Gaunt's Ghosts a été pensé et construit comme une présentation des principaux protagonistes et des premières campagnes du Premier et Unique, et répond tout à fait à ce cahier des charges. On aurait même pu enlever le final "collectif" de ce tome sans que ce dernier en souffre beaucoup.

 

Tiens, dans le style patchwork narratif, et toujours de Dan Abnett, on a aussi Hammers of Ulric, écrit à 6 mains avec Nik Vincent et James Wallis, et peut-être (si j'en crois les critiques que j'ai lues à ce sujet) Gilead's Blood. Je n'ai pas lu le second, mais le premier n'était pas trop mal, même si très décousu.

 

Pour en revenir à nos Last Chancers, de ce que m'en a dit Gavin (wah l'autre, comment y s'la pète!), le côté hyper-séquencé du premier opus était sensé représenter l’entrainement particulier des Légionnaires Pénaux en vue de leur dernière mission. Comme dit dans la chronique, c'était le premier grand format de Gav, et il était peut-être plus facile pour lui de découper ses 250 pages en passages autonomes les uns par rapport aux autres que de se lancer dans le développement d'une véritable intrigue d'un bout à l'autre du roman. Les mystères de la BL...

 

Schattra, ça ne nous rajeunit pas   

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