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Ignit le Fourbe

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  1. Ignit le Fourbe

    Chute

    Merci pour les retours ! L'emploi du présent (il n'y en a en fait qu'un "dit" étant un participe passé ;p ) était une simple faute de frappe mais je vais voir comment modifier la lourdeur sur la répétition de "haut". Voila la troisième scène, qui conclut l'acte 1. Je sais qu'il ne faut pas trop espacer, mais il ne faut pas non plus trop rapprocher parce que la fin n'est pas encore écrite (planifiée, mais pas écrite). [b] Scène 3 [/b] Vus de l’extérieur, les domaines de l’aristocratie pouvaient paraître modestes et à peine plus luxueux que le reste de la cité : la pierre semblait bien plus lisse et plus blanche encore, si tant est que ce fut possible, les arches mieux maîtrisées, mais il demeurait qu’ils s’inscrivaient dans la continuité de l’architecture globale d’Albe et participaient ainsi à son harmonie. On les trouvait en bordure d’Albe, séparés du palais par les jardins. Pourtant, pénétrer dans l’une de ces vastes demeures faisait rapidement taire cette impression tant tout s’avérait plus grand et raffiné et d’une blancheur toujours plus saisissante, à tel point qu’elle en était presque aveuglante pour des yeux non rompus à ce décor. C’était dans l’une de ces vastes habitations qu’à voix basse, deux Aels richement vêtus discutaient, craignant sans doute d’indiscrètes oreilles, ce qui était probablement vain dans pareil endroit. Il apparaissait rapidement que l’un dominait la conversation et que l’autre se contentait de donner le change. Ce dernier, aux cheveux blanchis par l’âge et qui, de ce fait, était probablement entré dans son troisième siècle d’existence, était de taille plutôt petite selon les normes de son peuple tandis que ses ailes d’albâtre, elles, paraissaient démesurées. Malgré la moue sérieuse qu’il arborait – pour ne pas dire sinistre – la disproportion le rendait presque ridicule. Son interlocuteur jurait avec cet Ael atypique : grand, de stature respectable, vêtu sobrement d’une toge grise, il imposait le respect et affichait un visage fermé et neutre qui paraissait à ses interlocuteurs exprimer ce qu’ils désiraient ; une qualité qu’il n’oubliait pas, évidemment, d’utiliser. En effet, Devisel faisait partie des aristocrates les plus influents d’Albe : issu d’une des plus illustres familles, il s’était illustré en société en se faisant des amis un peu partout et en cachant derrière un regard impassible des yeux pourtant voraces, ambitieux et déterminés. De fait, à mesure que l’influence du Roi déclinait avec sa santé, celle de l’audacieux noble grandissait inversement, si bien que nombre d’Aels ne juraient plus que par lui, ses conseils et ses avis. Agitant une main négligente, Devisel, qui affichait un air songeur depuis un petit moment, demanda à son comparse : « Sais-tu où en est notre Prince héritier ? Continue-t-il de se débattre vainement avec ses sentiments ou s’apprête-t-il enfin à céder ? » Le vieil Ael allait répondre mais son compagnon l’arrêta d’un geste de main, annonçant qu’à l’évidence, son honneur et son sens des traditions continuait de retenir son geste. Il savait que c’était une des manies de l’influent aristocrate que de réfléchir à voix haute pour mieux se répondre, lorsqu’ils n’étaient que tous les deux. Il avait trouvé cela étonnant, au début, puis en avait déduit qu’à trop sélectionner chaque mot qu’il prononçait en société, pouvoir parler librement lui faisait du bien. Il le laissa faire et se tint donc en silence ; jamais il ne se serait agacé de son comportement, pris qu’il était par l’admiration sans borne qu’il vouait au grand Ael. C’est cette dévotion qui l’avait amené, lui et d’autres fidèles parmi les fidèles, à accepter sans la moindre hésitation le plan pourtant criminel de celui qu’il tenait pour son véritable seigneur. Devisel ne taisait en effet plus, depuis quelque temps, l’inquiétude que lui causait l’apathie du Roi et l’attitude candide de l’héritier ; il avait réussi, malgré le mépris qu’il lui vouait, à se faire adorer de ce dernier qui voyait en lui une sorte e mentor, ignorant tout de la duplicité de son « ami ». Au plus profond de son âme, pourtant, l’aristocrate n’aspirait qu’au bien de la Cité et il était persuadé que tout son plan n’était rien de plus qu’une cruelle nécessité. Le monarque laissait à désirer, avachi sur son trône et ne parlant qu’à ses gardes impassibles ; l’héritier ne s’annonçait pas, à son avis, des plus brillants. En d’autres temps, sans doute aurait-il laissé faire sans mot dire car la vie dans la cité d’Albe est d’ordinaire paisible. Néanmoins, la recrudescence d’orages ne présageait rien de bon, et les Prêtres craignaient qu’une nouvelle Tempête Rouge éclate. Nul ne savait expliquer ce qu’était exactement que la Tempête Rouge et pourquoi elle éclatait, mais ce cataclysme avait duré des jours et des jours, rendant comme fous les Aels d’Albe et d’ailleurs. Elle avait causé la Guerre des Cieux, une guerre sanglante et démentielle, qui avait vu s’entretuer les Aels sans réelle raison. Lorsqu’elle avait cessé, la Blanche Cité en était sortie épuisée, hagarde et nombre des siens étaient tombés sans qu’aucun sache ce qui les avait mené à se battre ainsi. Depuis lors, presque tout contact avait été rompu avec les autres Cités et Albe avait pansé ses plaies, saisie d’incompréhension. Certaines vieilles pierres, des siècles après, portaient encore la marque des combats dont elles avaient été les silencieux témoins. Peu osaient évoquer le sujet mais l’approche d’une nouvelle Tempête Rouge était apparu comme une évidence à Devisel, qui jugeait urgent de s’y préparer et, pour ce faire, d’avoir un souverain plus compétent que l’actuel ou son héritier. « Il faut veiller à ce que la Dame se porte bien, déclara-t-il à son ami. Elle ne comprend évidemment pas et ne doit rien soupçonner, mais j’ai peur que l’usage répété de ces drogues de la surface ne l’affaiblisse trop. — Mais si elle survit et qu’elle réalise ce qui lui est arrivé, tout échoue. En ce cas, mieux vaut peut-être… » Le vieil Ael laissa sa phrase en suspens. Toute leur détermination n’ôtait rien à leur nature profonde et au fait que de telles méthodes ne s’étaient jamais vues auparavant à Albe. Quoique ne doutant pas un instant du bien-fondé de leurs actions, évoquer la possibilité de la mort de leur captive était une gêne qu’il préférait s’éviter. Devisel hocha la tête, lui épargnant de continuer et manifestant son accord. « Pour l’instant, tout fonctionne. Ce n’est qu’une question de temps avant que le Prince ne cède aux avances d’Yvial. Il n’y aura plus qu’à faire réapparaître sa Compagne pour qu’il soit à jamais discrédité. » En dépit du mépris qu’il éprouvait pour Virajel, l’aristocrate aurait préféré un autre moyen – et les Dieux, de leur demeure funéraire, savaient qu’il en avait cherché d’autres – mais il lui avait fallu se rendre à l’évidence : seule l’éviction du Prince lui assurerait de monter sur le trône, lui permettant de sauver Albe. Les deux compagnons sursautèrent presque lorsque le battement d’ailes approchant de la demeure les extirpa de leur discussion. Aryael s’annonça quelques instants plus tard, mandant au nom du Prince Virajel les conseils du très sage Devisel. Ce dernier eut bien du mal à retenir un sourire.
  2. Voila un moment que je me disais qu'il me fallait lire ce récit qui dure (gage de qualité) et voila qui est enfin fait. Je suis au final assez mitigé. Il y a de très bonnes choses et des choses peut-être plus discutables. Dans les bonnes choses, il y a l'idée même. Reprendre un personnage spé, c'est le piège à débutant (en faire un grosbill, qui fait ce qu'on veut, etc.). Ici, il s'agit de détourner ce piège pour nuancer un personnage déjà grosbill, ce que je juge très appréciable. J'aime l'idée du Malékith qui aime, qui enrage, qui est arrogant, etc.. Et malgré tout, qui reste un énorme bourrin, mais comme on le voit dans toute sa dimension, ça passe plutôt bien. L'idée, le passage dans les royaumes du Chaos, en voila une autre bonne idée parce que cela te permet à toi, qui écrit, de faire vivre une expérience à Malékith et, non seulement à partir d'un postulat personnel quant au bonhomme, mais d'encore plus l'altérer. Tu parles, à la page précédente, de la manière dont tu jongles entre cette vision personnelle et le fluff et là j'aurais tendance à dire : "fonce" ; oublie le fluff, amuse-toi, fais de ton personnage ce que tu penses qu'il doit être. Bon, mais je parlais des royaumes du Chaos et voila une des choses que j'aime assez peu dans le texte, paradoxalement. J'aime le fait qu'il y ait les royaumes du Chaos, je ne suis pas sûr d'adhérer à la vision super-humanisante des démons, mais cela ne me dérange pas plus que ça. Pour détailler un peu cet avis glissé là, je me demande si ton histoire aurait réellement été changé s'il s'était simplement retrouvé dans une contrée hostile avec quatre contrées rivales côte à côte. Je trouve que les démons ont quelques traits qui les rattachent à leur divinité tutélaire mais sont surtout des personnages secondaires très humains, et très peu démons. C'est un peu dommage je trouve de situer son récit dans les royaumes du Chaos et de ne pas jouer à fond là-dessus. Et là vient la vraie critique : la prévisibilité. C'est le souci que j'ai eu au moment du passage dans le Royaume de Nurgle. Je me suis dit "Ah ok, on va se taper les quatre Dieux tour à tour". Ce qui fait une structure très... ordonnée. Pour un récit qui se situe dans l'antre même du Chaos. Je trouve que tant dans le fond que dans la forme, on trouve peu de Chaos. On trouve des antagonistes, de l'aventure, de la magie, mais du Chaos ? Pas tant que ça. On passe d'un monde à l'autre, de manière linéaire. On n'a pas de "non-affiliés" (alors que les Royaumes du Chaos sont censés être un beau bordel impossible à cartographier, avec des chateaux wtf et des princes démons partout). Je comprends qu'il faille une structure à un récit, parce que c'est avant tout un récit. Mais je trouve dommage de ne pas jouer la carte "Chaos" dans cette histoire, du moins de ne pas la jouer suffisamment. Je vais me contredire, mais dans le cadre du voyage initiatique - parce que c'est ce à quoi s'apparente cette histoire - la succession de Royaumes convient très bien. Chaque Royaume va apporter quelque chose à la construction de Malékith, qui commence comme un souverain vain, frustré et despotique, manipulé par sa mère, et qui en sort ... Quelque chose d'autre. Ce qu'il sera, c'est toi qui l'écrira. Voila. Résumé : il y a pour moi du pour et du contre à cette utilisation linéaire des royaumes du Chaos. Du pour parce que ça sert l'histoire et que c'est efficace ; du contre parce que ça perd un petit peu en saveur, parce qu'on s'attend un peu, du coup, à ce qui va venir ensuite. L'histoire dans le "vrai" monde est un peu moins intéressante je trouve. Moins bien menée, en tout cas. Ne serait-ce, d'abord, que parce qu'on s'éloigne de Malékith et qu'on se trouve coupé de ce récit initiatique. Mais en même temps, il faut bien voir comment la situation évolue et préparer le final (Malékith sort des Royaumes et remet de l'ordre dans tout ça). Le problème, c'est d'essayer de rendre en quelques paragraphes d'intermède des intrigues politiques qui se veulent compliquer. Je ne pense pas que ce soit impossible mais je ne suis pas sûr que tu t'y prennes bien. Le passage avec le discours d'Hellebron, notamment, me semble beaucoup trop direct. On voit trop les forces en présence, on connaît leurs intentions. Du coup, peu de suspense ! Pourquoi ne pas passer toutes ces volontés en "off-screen" et te servir de quelques personnages. Le vieux capitaine était un bon personnage, avec du potentiel, par exemple. Pourquoi ne pas suivre dans ces intermèdes divers agents de Morathi qui enquêtent sur des rumeurs de coup d'Etat en préparation ? Enquête sur Hellebron, peut-être sur d'autres personnages, et les agents qui petit à petit remontent la piste. Le tout sans trop voir Morathi, sans voir Hellebron. Un méchant qui intrigue et qu'on voit annoncer son plan, c'est un méchant qui ne fait pas envie. Puisqu'il y a peu de surprise quant à la trame globale (Malékith sort des Royaumes et revient), pourquoi ne pas en rajouter ici et là ? Par exemple, ici, on sait qu'Hellebron est l'antagoniste. Pourquoi ne pas laisser de fausses pistes quant à ceux qui veulent usurper le pouvoir, laisser croire que c'est résolu et quand il revient, paf, dague dans le dos venant d'un acteur qu'on pensait fidèle et hop, retournement de l'intrigue. Ce sont des pistes, des idées et c'est à toi de trouver la manière de faire (et de considérer ou non ce que je dis comme pertinent ou non), mais je pense qu'il faut laisser de l'inconnu au lecteur, de le surprendre encore. Puisque la trame principale (Malékith tombe dans les Royaumes du Chaos, entreprend d'en sortir et finit par revenir à la tête de son Royaume) est plus ou moins connue, il faut peut-être chercher à la susciter autre part. Dernier petit détail, plus formel celui-ci : il y a un certain nombre d'occurrences de phrases explicatives qui gâchent un peu l'effet. Me vient en tête le passage où le seigneur Kazak, je crois, bref le "Khornite" fait une offre à Malékith, qui la considère et s'ensuit une phrase du style "Mais Malékith savait bien qu'il ne tiendrait pas son offre". Raaaargh ! Fais-le moi comprendre ! Sous-entends-le, ou alors exprime-le de manière plus subtile. Là j'ai vraiment eu l'impression, en plein dans mon récit, que tu en sortais, en tant qu'auteur, me tapotait la main et me disait "C'est un piège, tu as compris, hein ?". Je n'ai pas d'autre exemple similaire sous la main mais j'ai eu cette impression à deux ou trois reprises. C'est bien mieux quant tu laisses des choses dans le non-dit (exemple le vieux capitaine qui ne parvient pas à bouger et se fait fracasser par le seigneur Aeryn, ou le remède du démon de Nurgle qui guérit Malékith) ! Voila, en bref c'est une histoire sympa et enthousiasmante, dont je lirai la suite avec plaisir mais qui gagnerait, je trouve, à exploiter le Chaos qui est son thème, et à laisser les intrigues politiques plus vagues, plus brouillées pour les faire apparaître fines, plutôt que de les montrer en quelques intermèdes et du coup les faire paraître un peu simplistes. Bien cordialement, Ignit.
  3. Ignit le Fourbe

    Chute

    Merci pour les remarques diverses ; les quelques fautes et erreurs ont (normalement) été corrigées. La suite, donc (et je sais que j'espace beaucoup, mais je préfère ne pas poster de scène sans en avoir au moins une ou deux d'avance, au cas où). [b] Scène 2[/b] Non loin des jardins que surplombait la grande arche s’élevait la plus haute tour d’Albe, « Celle qui transperce le Monde » ; paraissant, par les reflets solaires, plus blanche et plus brillante encore que les autres bâtiments, elle s’élevait et fendait les plus hauts des nuages au creux desquels la Cité était nichée, si bien que personne n’allait plus jusqu’à son sommet depuis fort longtemps. Néanmoins, elle demeurait l’une des fiertés de la cité en termes d’architecture et elle était par ailleurs utilisée par la Garde comme garnison, armurerie et lieu d’entraînement, pour les salles les plus hautes. C’est à sa base qu’était conçu le palais dans lequel siégeait le Roi, à l’abri du quotidien et des regards ; c’est dans ce palais, le seul bâtiment dont, étrangement, la pierre paraissait terne et triste, que se déroulaient l’essentiel des cérémonies officielles, des processions religieuses ; c’est devant ce solennel bâtiment, que toute la cité se réunissait chaque mois pour entendre les Prêtres conter les anciens mythes. Parmi les traditions de la Cité, la narration avec chaque nouvelle lune d’une histoire des Dieux était peut-être la plus importante et la plus respectée. Chaque année, c’était la Genèse qui ouvrait le bal ; les autres récits, plus détaillés, variaient selon les Prêtres officiant. C’était de longues journées que les Aels passaient réunis, bercés par la voix du Prêtre Conteur tandis que les autres Prêtres entamaient autour de lui une danse ésotérique au rythme de sa voix. Même le Roi quittait son trône en cette occasion pour louer les Dieux. Des temps anciens, les Aels avaient hérité la mémoire du monde et de sa création. Ils révéraient les trois Dieux : l’Arbre, le Fou et le Roc. Leurs récits de l’époque, transmis de génération en génération par de telles cérémonies, relataient la création du Monde, la naissance des différents peuples premiers, les luttes divines et la mort des Dieux. Sachant les Dieux morts, le peuple d’Albe s’était réfugié dans les cieux pour ne plus avoir à parcourir la terre, entachée du sang des Dieux. En ce refuge, ils avaient espéré trouver la quiétude et l’harmonie grâce à cette roche volante sur laquelle ils fondèrent leur Cité. Les traditions d’Albe étaient ainsi tournées vers la conscience de vivre dans un havre et l’espoir qu’un jour, les Dieux reviendraient à la vie, leur permettant de retourner sur terre. Prendre des nouvelles du monde terrestre était le rite d’accomplissement des Aels en passe de devenir adulte ; ils devaient aller observer de haut le monde et rapporter ce qu’il s’y passait. Invariablement, ils annonçaient que le monde était encore et toujours rongé par d’incessantes guerres et qu’il n’y avait nulle trace d’un retour divin. Ainsi, si connaître le sort des Dieux rendait futile toute prière ou cérémonie – à quoi bon prier un défunt ? – le culte des Trois se contentait de révérer la mémoire des Dieux et de transmettre la connaissance de ceux-ci. Pour le reste, isolés d’un monde qu’ils jugeaient maudits, les Aels s’en remettaient à eux-mêmes. Au cœur du palais, dans la plus profonde des grandes salles aux hauts plafonds décorés de fresques relatant la fondation de la cité, le Roi trônait, ne sortant donc de la vaste pièce dans laquelle il siégeait qu’en cas de cérémonie ou d’extrême urgence. C’était une longue et sobre salle et le trône lui-même était placé en hauteur, séparé du sol par quelques marches usées par le temps. Autour de la salle, la Garde d’Honneur veillait, silencieuse, à la sécurité d’un Roi que ne troublaient guère que l’avenir et sa succession, tant et si bien qu’elle n’avait pas eu à brandir d’armes pendant le règne de Jarel, ni celui de son père, pas plus que pendant celui du père de son père. Cadets des grandes familles et, parfois, simples gardes jugés méritants, la Garde d’Honneur était au service direct du Roi et obéissait fidèlement à chacun de ses ordres, sans mot dire. Devenir un protecteur du roi était une décision importante car définitive, mais qui contribuait à l’honneur de la famille et permettait aux fils cadets de trouver une place dans la société d’Albe. Si le Roi n’adressait pour ainsi dire jamais la parole à la plupart des Gardes, certains étaient devenus ses interlocuteurs privilégiés. C’était le cas de Priyel : Ael de haute stature, renforcée par l’armure sobre mais élégante qu’il ne délaissait jamais, à la mine sévère et l’œil franc, ses cheveux noirs plutôt courts donnaient à voir un visage qui eut été beau s’il n’avait été si fermé. Depuis plusieurs décennies, il servait fidèlement celui qui était son seigneur et conseillait sagement celui qui était devenu un ami. Obéissant prestement, faisant toujours montre d’une grande efficacité, on disait de lui qu’il n’ouvrait la bouche que pour répondre au Roi. Côtoyer de la sorte le souverain lui avait permis de réaliser le déclin progressif de celui-ci, sans jamais s’abaisser à commenter cet état de fait. Autrefois fier et rayonnant de confiance, Jarel était désormais pâle et voûté sur son trône, auquel il semblait presque se raccrocher pour ne pas tomber. Sans doute ne se serait-il pas lui-même reconnu, lui eut-on proposé un miroir, tant il s’était vite dégradé, comme rattrapé par les deux siècles de règne qu’il achevait péniblement. Sa charge, nul ne la connaissait ni ne la comprenait, pas même ses vieux compagnons, pour la plupart défunts. Seul son fils, en lui succédant, se rendrait compte de l’ampleur du pouvoir dont il était le garant. En effet, fait ignoré de tous, le roc d’Albe était animé par un étrange pouvoir qui le maintenait dans les cieux et il fallait une source à ce pouvoir. Le trône, taillé dans la roche même sur laquelle la cité avait été bâtie, était le lien ; le roi le sacrifice du peuple d’Albe au rocher, en l’échange de la tranquillité de ce havre céleste. Chaque jour qu’il passait à régner, écoutant d’une oreille distraite les rapports, les prévisions, les vœux des prêtres et l’annonce des orages à venir, chaque jour qu’il demeurait là, à guider son peuple de ses yeux clairvoyants mais épuisés, il nourrissait le roc de son énergie vitale. Sa lignée était grande, puissante et il était jeune quand il avait accédé au trône ; ainsi, pendant longtemps, quoique conscient de cette magie qui le vampirisait, il n’en avait réalisé les effets. Désormais que le temps le rattrapait, prêt à le balayer pour son impertinence, il en sentait toutes les conséquences et chaque heure sur le trône l’affaiblissait un peu plus. C’est à ce fantôme de celui qui fut adulé par son peuple que s’adressait Priyel, narrant d’une voix neutre son rapport sur la disparition de Lajal. En tant qu’homme de confiance du Roi, il avait été chargé par ce dernier de mener sa propre enquête, celle des Gardes Extérieurs n’ayant abouti à rien. La sienne n’avait pas eu plus de succès : la Compagne du Prince avait dansé au réveil avec sa famille, près de la Tour, puis elle avait rejoint Virajel. Quand elle l’avait quitté, elle se dirigeait vers son habitation, à laquelle elle n’était jamais parvenue. Un vent violent avait-il frappé à ce moment précis, lui faisant perdre la tête, puis l’isolant dans des courants difficiles ? Avait-elle été emporté par un monstre, une Bête ailée, ou autre ennemi encore inconnu ? Il n’avait pas l’ombre d’une piste mais ne pouvait s’empêcher de trouver étrange qu’à proximité des domaines des nobles, personne ne l’ait vu, en pleine journée. Ayant terminé son rapport, il attendit la réponse de son seigneur, réponse qui mit plusieurs minutes à parvenir : « Mon fils est raisonnable et sage. C’est ma fierté. Mais tu m’as parlé de cette jeune dame et de l’effet qu’elle a sur lui. Il ne doit pas nuire à sa position, avait ânonné le Roi avant de reprendre, après une brève pause. Il nous faut connaître son sort. Il y a quelque chose d’étrange ; en plein jour, sans raison… Quelqu’un l’aurait vu. Tu as ma confiance. Continue d’enquêter. Si elle est morte, nous devons le savoir. » A ces mots, dont les derniers avaient été difficiles à entendre, même pour les oreilles habituées du Garde d’Honneur, un long temps s’écoule pendant lequel personne ne dit rien ni ne bougea jusqu’à ce qu’enfin, le Roi détourne ses yeux de son serviteur et ami ; ce dernier inclina profondément la tête avant de tourner le dos et de quitter le palais en marchant, réprimant l’envie pressante que ses ailes avaient de s’étendre et de le porter dans les cieux. Il lui fallait garder l’esprit clair, et la situation lui posait un réel problème. Sans qu’il ne puisse l’avouer au Roi, en l’absence de tout élément, Priyel ne pouvait s’empêcher de penser que quelqu’un en Albe savait où se trouvait Lajal. Restait à savoir qui et pourquoi. Ayant franchi la porte du palais, il prit son envol d’un puissant battement d’ailes et, voyant l’ami du Prince, Aryael, se laisser porter par les vents visiblement en direction des domaines nobles, l’homme du Roi décida de poursuivre par là-bas son enquête.
  4. Ignit le Fourbe

    Un petit poème

    C'est... Bizarre. Il n'y a pas de forme classique (le mètre varie à chaque vers) ; je n'y trouve pas de rythme particulier ; pas de rimes, non plus. En soi, ce n'est pas forcément rédhibitoire : le vers libre est une forme tout à fait respectable, mais elle nécessite une maîtrise particulière parce qu'elle requiert de chercher du rythme, et de le casser, mais à sa manière. Ici, quelque chose ne va pas. Je ne perçois pas d'émotion particulière, ou d'idée véhiculée par le poème. Tout ce que j'y vois, ce sont deux lames sous la lune. Mais à ce constat "deux lames sous la lune", je ne vois pas grand chose d'ajouté. En fait, le premier vers suffit peut-être. Bref, la sauce a du mal à prendre chez moi, navré. Cordialement, Ignit. PS : c'est d'autant plus étonnant que les textes sur ton site, auquel je me suis permis de jeter un oeil puisqu'il était en lien dans ta signature, semblent autrement mieux maîtrisés.
  5. Hmm. Normalement, on n'est pas censé répondre aux commentaires, juste poster (et du coup on en profite pour répondre en postant la suite). Sauf qu'ici il n'y a pas de suite, et qu'il y a des commentaires intéressants. Et qu'on est sur un forum. Un forum, c'est un lieu de discussion ; si on ne peut plus discuter, dans un forum de discussion, où va le monde ? Bref, je proteste ici contre cette règle et m'élève contre elle temporairement pour répondre aux commentaires que je lis ici - et en profite pour remercier ceux qui l'ont fait d'avoir lu. C'est difficile, de lire des commentaires / critiques de son texte. D'abord parce que, et je pense ne pas être le seul, j'ai une relation entre l'amour et la haine pour mes textes. Dès qu'un texte est fini, je le trouve dépassé, j'ai envie de réécrire le début pour qu'il colle mieux au style de la fin, puis la fin pour qu'elle colle mieux au style du nouveau début, et ainsi de suite jusqu'à se transformer en serpent de Midgard. Je suis le premier à trouver mes textes médiocres et pourtant, comme tout le monde, poster un texte revient à venir frénétiquement pendant les prochains jours voir si quelqu'un, sur le vaste internet, a aimé ledit texte. Réaction stupide et vaniteuse, mais voila ; c'est comme ça, ai-je envie de dire. Pour ne rien arranger, un simple "C'est super !" me contrariera encore plus (et là encore je ne suis pas le seul) que la plus acerbe des critiques. Bref, tout ça pour dire que c'est difficile de lire des critiques, d'autant plus qu'on va lire des tas de critiques différentes, en des lieux différents, qui vont critiquer des choses différentes, et certaines choses plairont aux uns, déplairont aux autres. C'est amusant, parce qu'ici, ce dernier cas n'est pas de mise. Ce que j'ai le plus lu, c'est la confusion quant à la chronologie, ici ou ailleurs. Et malgré cette relative unanimité, c'est peut-être le point que je compte le moins changer, si d'aventure il me prenait de réécrire ce texte. Tout simplement parce que c'est le point de départ du texte, le thème que je me suis imposé. Un aller-retour passé-présent jusqu'à ce que la ligne "passé" rejoigne le début de la ligne "présent". Ainsi la fin du Chapitre VI, "Il se met aussitôt au travail et, avant de pouvoir s’interroger sur l’absence de réaction enthousiaste de son fidèle comparse, un coup sec à la nuque le plonge dans l’inconscience. La suite, il ne s’en souvient guère ; ni de la tempête, ni de son corps qui, plus par réflexe que volonté, s’est accroché à une planche et s’est laissé dériver jusqu’au rivage de Tilée." précède directement le début du chapitre I. En fin de compte, à relire, il n'y a rien de très compliqué. Les chapitres impairs sont la ligne "présent", les chapitres pairs la ligne "passé" ; l'ordre chronologique est donc 2 - 4 - 6 - 1 - 3 - 5 - 7. Les différences de situation ont même été renforcé par l'emploi d'un temps différent, puisque les chapitres de la ligné présent sont écrits avec les temps du passé et les chapitres de la ligne "présent" sont écrits avec les temps du présent. Ahem. Oui, j'ai peut-être rendu les choses plus compliquées que ne devrait l'être un récit sans réelle profondeur ni importance, sur un forum de récits respectivement sans prétention et sans prétentions. Mais je crois que je ne le regrette pas. Parfois, c'est agréable de devoir s'arrêter un peu, revenir en arrière et remettre les pièces du puzzle. Cela rajoute de l'interactivité et de l'intérêt à un récit qui sinon, n'en aurait guère (d'intérêt, s'entend). Sans compter que tout le ressort du texte est de jouer avec cette chronologie pour masquer la trahison de Khar. Pour revenir à l'autre critique essentielle, celle qui vise les personnages et leur caractère "caricatural", je plaide coupable et non-coupable. A l'origine, l'histoire de ce récit est que j'avais envie de me remettre à écrire après une bonne année de panne, suivant une année peu productive. Des raisons professionnelles m'avaient amené à considérer le thème de la piraterie, et le récit est né. Il n'y avait donc pas d'ambition particulière du point de vue des personnages et j'ai brossé trop vite la plupart d'entre eux. Les druchiis sont druchiiesques, mais à ce point ? Je ne sais pas. Les deux frères aînés semblent se valoir, même si l'un paraît encore plus dangereux et "déchu" que l'autre. Mais les autres ? Notre personnage principal semble quelque peu à part ; il partage des traits fraternels, mais il se lie également d'amitié à Khar, envisage la vie avec d'autres espèces, et c'est eux qu'il choisit à la fin. Khar est au final le plus fourbe de tous, mais il présente tout de même un visage différent pendant l'essentiel de l'histoire : un visage amical. Quels autres druchiis voit-on ? Jeyo, qui est un déserteur se faisant passer pour une vieille. On est donc à trois sur cinq qui ne sont pas si caricaturaux que ça ! Je défends mon bout de gras mais vous rejoins dans le fond ; le travail quant au champ lexical est ridicule et j'aurais gagné à travailler plus mes personnages. Merci en tout cas pour le temps passé à commenter ce texte. De suite, il n'y aura pas ; déjà, il me faut reprendre d'autres récits et d'autres projets de réécriture. Cordialement, Ignit.
  6. Ce n'est effectivement pas forcément le bon sous-forum, mais je suppose qu'un modérateur pourra déplacer le fil comme il se doit. Liste non-exhaustive de ce qui me vient à l'esprit : - Le Cycle des Princes d'Ambre, de Zelazny. Assez difficile à résumer mais vraiment excellent ; le "postulat" de cette série est que la Terre n'est qu'une ombre dans un multivers, projetée par la terre principale : Ambre. Il y a une infinité d'ombres qui en sont projetées (dont la Terre, donc) et seuls les Princes d'Ambre peuvent à loisir voyager à travers les ombres. - A Song of Ice and Fire (le Trône de Fer, en français ; la vo est très nettement supérieure (comme souvent) mais ça reste lisible en français, je suppose). Idem, difficile à résumer : un univers de style médiéval, une quantité assez hallucinante de personnages et une intrigue longue, soignée, et pas finie (ceci dit, il y a de quoi lire, tu as le temps). - Chroniques de Krondor, R. E. Feist : c'est un des classiques, parmi la fantasy. Rien de transcendant ou révolutionnaire mais de vraiment bons bouquins, qui se lisent très bien. - Cycle de Drenaï de David Gemmel - Cycle de Rigante de David Gemmel (même auteur, deux cycles ; une écriture bien à lui, un traitement des personnages assez similaire au fil des livres, mais assez plaisant). Avec ça, tu as déjà une jolie variété de bouquins. Cependant, tout comme le SDA, ce sont des bouquins qui parfois font place à beaucoup de description, etc. (sans tomber dans du Zola). Autre précision : le début du SDA est notoirement décourageant pour les jeunes lecteurs, il faut réussir à passer le passage avec Tom Bombadil et arriver vers Bree pour que ça devienne un peu plus dynamique / plaisant, quitte à lire un poil en diagonale. ,)
  7. Ignit le Fourbe

    Légende

    Premier message pour une version retravaillée du premier extrait. Merci pour les commentaires. Précision cependant : non, un conteur n'est pas "censé" chanter ; surtout, il est par principe erroné de considérer qu'un récit, parce qu'il se situe dans une ambiance fantastique, se situe dans un univers où les codes et les rôles sont les mêmes que dans le nôtre. [b] Légende[/b] Comme souvent, en ces soirs hivernaux, l’auberge était bondée. Placée non loin des quais, nombreux étaient ceux qui s’y donnaient rendez-vous. On y trouvait des voyageurs en transit, des matelots attendant que fondent les neiges et autres individus louches. On entendait cris, rires et chants provenant de l’ancien entrepôt reconverti jusque tard dans la nuit, à l’heure où la ville s’endort paisiblement, comme enveloppée dans un cocon. Les soirées étaient froides dans la Cité Marchande et il valait mieux passer l’essentiel de la nuit à l’abri si l’on souhaitait se réveiller le lendemain. C’était, au fond, une auberge bien comme les autres : une enseigne rouillée qui peinait à en afficher le nom – « la Pause du Matelot » - nom que tous ou presque avaient oublié au profit d’un plus exclusif « l’Auberge des Quais » ; une marche à descendre menait dans une grande salle, bien souvent enfumée ; derrière le comptoir, le tenancier, Eric, était un gros gaillard barbu qui avait suffisamment écumé les mers pour connaître toutes les légendes en vigueur, affirmant même avoir bien connu un des mystérieux Aeves, connus comme les « Anges Errants » ; quant aux serveuses, vulgaires et plantureuses, elles demandaient rarement plus d’une pièce d’argent pour une nuit chaleureuse. Cette position, au croisement des docks et de la rue du Pic qui remontait jusqu’au cœur de la ville, lui offrait un panorama unique auquel s’ajoutait le plaisir d’observer, avant d’entrer, les lueurs vespérales illuminer le port avant qu’il ne sombre dans une macabre obscurité. Il en résultait une bonne adresse que l’on conseillait aux étrangers passant par là. De plus, ces temps-ci, le Sobre Eric – l’origine de ce sobriquet paraît évidente – avait loué les services d’un ménestrel qui échangeait avec plaisir une chambre, un bon repas et à boire contre quelques chansons, contes ou légendes de son répertoire trois soirs par semaine. Ce soir-là, justement, déjà éméché alors que les gardes commençaient seulement leur ronde, brandissant son luth d’une main tremblante, il s’avança sur la petite estrade spécialement confectionnée pour lui. Lentement, le silence se fit dans la salle pourtant remplie. Tycho, délaissa le jeu de cartes – qui avait de toute façon fort peu de chances de le faire gagner – qu’il tenait en main et fit un signe de la tête aux autres joueurs. Il se tourna vers la source de l’attention générale, sirotant sa bière distraitement. Plutôt grand, musclé et endurci par les ans, le taciturne mercenaire se prit à se demander ce qui allait être chanté ce soir et caressa doucement sa Lame-Esprit. « A la demande de notre cher Eric, je vais ce soir sortir un peu du répertoire habituel. Ne soupirez pas d’avance, vous en aurez d’autres, des chants paillards que vous connaissez de toute façon déjà par cœur ! Non, ce soir, vous aurez droit à une histoire que je ne raconte pas souvent : celle de Tarq l’Impitoyable. » Par un effet de contraste saisissant la salle, pourtant agitée par le bruit des chaises et des serveuses apportant des boissons, semblait plongée dans le silence, comme suspendue aux mots du conteur qui, il fallait bien le reconnaître, savait s’y prendre. Tycho avait levé un sourcil en entendant ce nom ; si tout le monde connaissait les grandes lignes de l’histoire, elle était peu racontée dans la région car longue et peu garnie en héros. Finissant d’un trait sa bière, il observa le ménestrel. S’éclaircissant la voix, ce dernier commença : « L’histoire débute il y a de cela deux décennies environ dans le royaume de Keosandre, au sud d’ici. C’était à l’époque l’un des plus puissants royaumes des Terres Sans Repos – et ce n’est plus qu’un petit vassal sans réelle importance, je crois, aujourd’hui. A l’époque ce royaume prospérait tranquillement, se mêlant peu des incessants conflits qui ensanglantent la région depuis des éons. Il y avait bien sûr des escarmouches frontalières, quelques agressions d’armées en déroute mais, la plupart du temps, les habitants vivaient dans une tranquille autarcie. Ils ne pouvaient cependant regarder sans crainte les ambitions de leurs voisins car, et c’est un détail bien trop souvent oublié, de l’or en grande quantité avait été trouvé peu auparavant sur leurs terres. Quoiqu’ayant tenté de garder secret les nouvelles mines, un si juteux renseignement finit par être connu et, la rumeur grossissant, les habitants de Keosandre s’inquiétaient de plus en plus, tant d’une éventuelle agression que de la passivité de leur souverain – que l’on disait plus occupé à compter les gemmes de sa couronne qu’à se soucier du sort de ses sujets. C’est dans ce contexte que survint un individu étonnant, talentueux et au début assez populaire qui portait le nom de Tarq. Tarq était pour ainsi dire un inconnu dans la région, pourtant il n’y était pas étranger. Son teint pâlot, ses muscles fins et noueux et ses minuscules oreilles l’indiquaient à quiconque vivait dans les parages comme un membre de la famille royale : bien peu, cependant, se souvenaient réellement de lui. C’est là le premier mystère qu’il convient d’élucider quant à cette figure qui appartient désormais au folkore : pourquoi diable était-il un étranger en sa province ? Les sources divergent mais je crois pouvoir vous garantir la mienne, amis : je la tiens de Bâfreur – oui, ce Bâfreur, l’ancien Chien de Guerre ; on s’est fréquenté il y a quelques années et, comme il boit presque autant qu’il mange, son surnom ne lui ayant pas été donné pour rien, je connais désormais tout un tas de détails sur ses aventures et ses fréquentations. Mais je m’égare ; pourquoi cette longue absence, donc, et j’ajouterai même pour vous mettre sur la piste, pourquoi cet exil ? C’est quelque chose qu’il a tenté d’effacer des mémoires mais qui, comme tout secret, finit toujours par rejaillir. Sachez donc que, alors qu’il n’était même pas adulte et ne disposait que de quelques poils au menton, il fut mêlé à une sombre histoire familiale ; le détail est peu clair – Bâfreur parle beaucoup quand il est ivre mais les récits sont d’autant moins précis, vous vous en doutez – mais il semblerait qu’on l’ait trouvé avec une parente en visite, dans une position fort inconvenante. Je suppose que l’on fit taire les serviteurs mais Tarq, ce troisième fils désormais renié, fut envoyé vite et loin, pour qu’on l’y oublie. Où le cacha-t-on pour éviter le scandale ? On voulut le faire rentrer dans un des temples de l’Arbre. Dans cette région ravagée par la guerre, le culte de l’Arbre a toujours été assez marginal mais conservait quelques points d’ancrage ; il y fut envoyé et le monde l’oublia. On le sait bien, l’histoire de ce vicieux personnage ne s’arrête pas là ! Combien de temps exactement resta-t-il au temple ? Comment s’en échappa-t-il ? Ce sont des mystères que votre serviteur ne peut se proposer d’élucider. Ce qui est certain, c’est que déjà, Tarq était ambitieux et qu’il fila vers le sud, là où les conflits des Terres Sans Repos battaient leur plein ; là-bas, il se fit mercenaire. Tarq le Mercenaire, ironique, n’est-il point ? Oh, ceux dans l’assistance qui ne savent pas encore pourquoi le comprendront bien assez tôt ! [b]Légende[/b] (suite) Avançons, amis, quelque peu dans le temps ! Une quinzaine d’années ont passé et le royaume de Keosandre a somnolé : les mines d’or ont été exploitées dans le plus grand secret et jusqu’alors, ses voisins trop occupés à se faire la guerre ont décidé de l’ignorer. Ce paisible interlude n’était cependant pas destiné à durer et le royaume voisin de Kujah, dirigé par un seigneur belliqueux et cupide, décida de tourner son regard vers ce discret voisin. Nul ne savait s’il s’agissait d’une agression sans motif autre qu’agrandir son territoire en se servant sur un voisin plus faible ou si nouvelles de l’or de Keosandre avaient fini par parvenir à de mauvaises oreilles ; toujours est-il que l’attaque fut soudaine et qu’une armée kujienne traversa la rivière qui servait de frontière entre les deux pays, s’avançant de manière déterminée droit en direction de la capitale. Sur son chemin se dressait une petite ville dont le temps a oublié le nom ; le général kujien, un cousin du roi, y envoya une avant-garde mais ils y trouvèrent portes fermées, une barricade de fortune barrant le chemin et nulle trace d’habitants. La nuit tomberait bientôt et l’armée entama sa traversée du village pour établir un campement de l’autre côté. Alors que la plus grande partie y était engagée, des toits, des ombres et des fenêtres, flèches et projectiles plus étonnants jaillirent ! Bientôt, le général dut ordonner la retraite face à cette résistance inattendue : ce fut une véritable débandade et, alors que les kujiens reformaient leurs rangs un peu plus loin, les défenseurs sortirent de leurs cachettes. Certains étaient des keosans dans la force de l’âge mais la plupart portaient des tenues de combat, usées par le temps et les voyages, aux couleurs souvent dépareillées. Vous aurez bien sûr deviné qui dirigeait cette insolite résistance. La partie, cependant, était loin d’être gagnée. L’effet de surprise et les rues étroites du village avaient servi mais l’armée kujienne restait supérieure en nombre et un affrontement de plein front aurait été désastreux. Cependant, les esprits devaient soutenir Tarq car le meneur kujien envoya un émissaire, brandissant bien haut son caducée, pour proposer de régler le différend par un duel. Reconnaissant en Tarq des traits noblesques, il lui fut proposé d’affronter le général kujien selon les termes habituels. Il arrivait en effet dans la région, pour éviter des pertes d’armées, que les batailles se règlent ainsi ; chaque participant jurait sur son honneur de noble de livrer un duel honorable et que son armée en respecterait le résultat. En cas de défaite, les keosans laisseraient passer les envahisseurs, se repliant vers la capitale ; en cas de victoire de Tarq, les kujiens repasseraient la frontière. L’émissaire retourna dans son camp : le duel aurait lieu le lendemain matin, à l’aube. Au matin, Tarq sortit, juché sur un destrier noir rapporté de ses campagnes dans le sud, accompagné de quelques-uns de ses hommes et du forgeron du village, qui agissait en guise de représentant. Le meneur kujien à son tour se présenta, escorté de son porte-étendard et de son second. Les deux mirent pied à terre, se firent face et se saluèrent tandis que le prêtre du village entreprit de rappeler les règles régissant de tels duels entre nobles. Alors que Tarq questionnait quelques points « obscurs et mal exprimés » selon ses propres termes – je tiens encore cela de Bâfreur – le reste de ses troupes et les quelques combattants du village prit en embuscade l’armée ennemie. Privée de leurs chefs, les kujiens furent massacrés par les mercenaires ; quant au comte et à ses seconds, Tarq se jeta sur eux dès que les sons des combats retentirent. D’un geste fluide, il dégaina son épée longue et trancha en deux la gorge du chef kujien, avant d’abattre à sa suite le second et le porte-étendard. Tarq, un sourire aux lèvres, rappela au prêtre qu’en tant que fils renié, il n’était pas tenu par l’honneur des nobles et ne se sentait donc pas tenu par tous ces litiges. Le prêtre parut peu satisfait mais une clameur résonna dans tout le village tandis que les restes de l’armée d’invasion étaient pourchassés par les mercenaires. Et cette nuit, dans le petit village keosan, on festoya au nom de Tarq, le Prince Mercenaire. Bientôt, le bruit du retour de ce fils rejeté atteignit la capitale, vers laquelle la troupe mercenaire fit marche.
  8. Si je puis me permettre un conseil : poste l'histoire ici, petit bout par petit bout. D'abord parce que ça permet d'avoir des commentaires au fur et à mesure et plus précis, surtout parce que presque personne n'aura le courage de lire tout ça d'une traite. ,)
  9. Ignit le Fourbe

    Légende

    La première mouture du texte est disponible [url=http://www.les-chroniques.eg2.fr/bibliotheque/fantasy/one-shots-fantasy/896-legende.html]ici[/url]. [b]Légende[/b] Comme souvent, en ces soirs hivernaux, l’auberge était bondée. Placée non loin des quais, nombre de voyageurs en transit, de matelots attendant que fondent les neiges ou autres individus louches s’y donnaient rendez-vous et l’on entendait cris, rires et chants provenant de l’ancien entrepôt reconverti jusque tard dans la nuit, à l’heure où la ville s’endort paisiblement, comme enveloppée dans un cocon. Les soirées étaient froides dans la Cité Marchande et il valait mieux passer l’essentiel de la nuit au chaud si l’on souhaitait se réveiller le lendemain. C’était, au fond, une auberge bien comme les autres : une enseigne rouillée qui peinait à afficher le nom de l’auberge – « la Pause du Matelot » - nom que tous ou presque avaient oublié au profit d’un plus exclusif « l’Auberge des Quais » ; une marche à descendre menait dans une grande salle, bien souvent enfumée ; derrière le comptoir, le tenancier, Eric, était un gros gaillard barbu qui avait suffisamment écumé les mers pour connaître toutes les légendes en vigueur, affirmant même avoir bien connu un des mystérieux Aeves, connus comme les « Anges Errants » ; quant aux serveuses, vulgaires et plantureuses, elles demandaient rarement plus d’une pièce d’argent pour une nuit chaleureuse. Cette position, au croisement des docks et de la rue du Pic qui remontait jusqu’au cœur de la ville, lui offrait un panorama unique auquel s’ajoutait le plaisir d’observer, avant d’entrer, les lueurs vespérales illuminer le port avant qu’il ne sombre dans une macabre obscurité. Il en résultait une bonne adresse que l’on conseillait aux étrangers passant par là. De plus, ces temps-ci, le Sobre Eric – l’origine de ce sobriquet paraît évidente – avait loué les services d’un ménestrel qui échangeait avec plaisir une chambre, un bon repas et à boire contre quelques chansons, contes ou légendes de son répertoire trois soirs par semaine. Ce soir-là, justement, déjà éméché alors que les gardes commençaient seulement leur ronde, brandissant son luth d’une main tremblante, il s’avança sur la petite estrade spécialement confectionnée pour lui. Lentement, le silence se fit dans la salle pourtant bondée. Tycho, délaissa le jeu de cartes – qui avait de toute façon fort peu de chances de le faire gagner – qu’il tenait en main et fit un signe de la tête aux autres joueurs. Il se tourna vers la source de l’attention générale, sirotant sa bière distraitement. Plutôt grand, musclé et endurci par les ans, le taciturne mercenaire se prit à se demander ce qui allait être chanté ce soir et caressa doucement sa Lame-Esprit. « A la demande de notre cher Eric, je vais ce soir sortir un peu du répertoire habituel. Ne soupirez pas d’avance, vous en aurez d’autres, des chants paillards que vous connaissez de toute façon déjà par cœur ! Non, ce soir, vous aurez droit à une histoire que je ne raconte pas souvent : celle de Tarq l’Impitoyable. » Par un effet de contraste saisissant la salle, pourtant agitée par le bruit des chaises et des serveuses apportant des boissons, semblait plongée dans le silence, comme suspendue aux mots du conteur qui, il fallait bien le reconnaître, savait s’y prendre. Tycho avait levé un sourcil en entendant ce nom ; si tout le monde connaissait les grandes lignes de l’histoire, elle était peu racontée dans la région car longue et peu garnie en héros. Finissant d’un trait sa bière, il observa le ménestrel. S’éclaircissant la voix, ce dernier commença : « L’histoire débute il y a de cela deux décennies environ dans le royaume de Keosandre, au sud d’ici. C’était à l’époque l’un des plus puissants royaumes des Terres Sans Repos – et ce n’est plus qu’un petit vassal sans réelle importance, je crois, aujourd’hui. A l’époque ce royaume prospérait tranquillement, se mêlant peu des incessants conflits qui ensanglantent la région depuis des éons. Il y avait bien sûr des escarmouches frontalières, quelques agressions d’armées en déroute mais, la plupart du temps, les habitants vivaient dans une tranquille autarcie. Ils ne pouvaient cependant regarder sans crainte les ambitions de leurs voisins car, et c’est un détail bien trop souvent oublié, de l’or en grande quantité avait été trouvé peu auparavant sur leurs terres. Quoiqu’ayant tenté de garder secret les nouvelles mines, un si juteux renseignement finit par être connu et, la rumeur grossissant, les habitants de Keosandre s’inquiétaient de plus en plus, tant d’une éventuelle agression que de la passivité de leur souverain – que l’on disait plus occupé à compter les gemmes de sa couronne qu’à se soucier du sort de ses sujets. C’est dans ce contexte que survint un individu étonnant, talentueux et au début assez populaire qui portait le nom de Tarq. Tarq était pour ainsi dire un inconnu dans la région, pourtant il n’y était pas étranger. Son teint pâlot, ses muscles fins et noueux et ses minuscules oreilles l’indiquaient à quiconque vivait dans les parages comme un membre de la famille royale : bien peu, cependant, se souvenaient réellement de lui. C’est là le premier mystère qu’il convient d’élucider quant à cette figure qui appartient désormais au folkore : pourquoi diable était-il un étranger en sa province ? Les sources divergent mais je crois pouvoir vous garantir la mienne, amis : je la tiens de Bâfreur – oui, ce Bâfreur, l’ancien Chien de Guerre ; on s’est fréquenté il y a quelques années et, comme il boit presque autant qu’il mange, son surnom ne lui ayant pas été donné pour rien, je connais désormais tout un tas de détails sur ses aventures et ses fréquentations. Mais je m’égare ; pourquoi cette longue absence, donc, et j’ajouterai même pour vous mettre sur la piste, pourquoi cet exil ? C’est quelque chose qu’il a tenté d’effacer des mémoires mais qui, comme tout secret, finit toujours par rejaillir. Sachez donc que, alors qu’il n’était même pas adulte et ne disposait que de quelques poils au menton, il fut mêlé à une sombre histoire familiale ; le détail est peu clair – Bâfreur parle beaucoup quand il est ivre mais les récits sont d’autant moins précis, vous vous en doutez – mais il semblerait qu’on l’ait trouvé avec une parente en visite, dans une position fort inconvenante. Je suppose que l’on fit taire les serviteurs mais Tarq, ce troisième fils désormais renié, fut envoyé vite et loin, pour qu’on l’y oublie. Où le cacha-t-on pour éviter le scandale ? On voulut le faire rentrer dans un des temples de l’Arbre. Dans cette région ravagée par la guerre, le culte de l’Arbre a toujours été assez marginal mais conservait quelques points d’ancrage ; il y fut envoyé et le monde l’oublia. On le sait bien, l’histoire de ce vicieux personnage ne s’arrête pas là ! Combien de temps exactement resta-t-il au temple ? Comment s’en échappa-t-il ? Ce sont des mystères que votre serviteur ne peut se proposer d’élucider. Ce qui est certain, c’est que déjà, Tarq était ambitieux et qu’il fila vers le sud, là où les conflits des Terres Sans Repos battaient leur plein ; là-bas, il se fit mercenaire. Tarq le Mercenaire, ironique, n’est-il point ? Oh, ceux dans l’assistance qui ne savent pas encore pourquoi le comprendront bien assez tôt !
  10. Ignit le Fourbe

    Les bas-fonds

    Il y a du pour et du contre. Dans le pour, ça joue sur le côté bref, ça apporte une chute assez brutale et donc inattendue, etc.. Le récit est également assez original et plutôt pas mal écrit. Dans le contre : - Orthographe (des erreurs de conjugaison assez graves ("il étais"), des problèmes dans la syntaxe ("il soupira, à quoi bon se soucier de l'heure, le temps n'a pas d'importance ici" => soit tu mets deux points après soupira, soit un point ; en tout cas, tu ne sépares pas avec une virgule). - Trop court. C'est paradoxal par rapport à ce que je dis au-dessus, mais je l'assume. L'idée de faire une chute inattendue comme celle-ci n'est pas mauvaise mais pour qu'on s'inquiète ou qu'on s'interroge, il faut que le lecteur soit pris par le récit. Il faut que tu crées quelque chose qui l'intrigue ou qu'il s'attache un minimum aux personnages. Là, sur ces quelques lignes, j'avoue avoir un peu tendance à hausser les épaules parce que tu n'as pas essayé de créer un tel effet. Tu gagnerais peut-être, du coup, à densifier le texte ; qu'on sache à quoi ressemble l'endroit où Dwayne dort. S'ils descendent, ils passent sans doute par une cage d'escalier, je suis sûr qu'il y a moyen d'en faire quelque chose d'intéressant. Egalement, ton premier paragraphe, qui sert d'introduction, devrait être inséré dans le texte, peut-être via les pensées de Dwayne ou via la simple description. Mais en le séparant du corps du texte, tu crées une sorte de distance. - Les changements de registre dans le dialogue. Le même type alterne entre des "je t'en prie" et des "j'viens de finir" ; soit entre du niveau courant, correct et une expression assez familière. Cordialement, Ignit.
  11. Ignit le Fourbe

    Chute

    Vous pourrez trouver la première mouture de ce texte [url=http://ulthuan-naggaroth.forumactif.com/t2879-recit-chute]ici[/url]. La première version avait été postée sur ce forum mais il a dû être avalé avec pas mal d'autres textes quand il y avait eu je ne sais plus quel souci et qu'une partie de la base de données avait été effacée. Ce récit se passe dans le même univers que les autres (cf [url=http://ulthuan-naggaroth.forumactif.com/t2731-recit-projet-d-univers]ici[/url]) mais dans un endroit éloigné de la plupart des autres histoires, et dans un temps également lointain. J'ai effectué quelques modifications quant à la forme, un peu moins quant au fond. On notera cependant que j'ai changé les "chapitres" et "parties" par des actes et des scènes, ce pour renforcer la filiation avec le genre de la tragédie dont s'inspire largement ce texte (unité de temps, de lieu et d'action ; violence "off-screen", etc.). Globalement, si vous cherchez à voir du récit musclé et plein d'action, ne perdez pas votre temps. ,) [b][u]Premier acte[/u][/b] [b] Scène 1[/b] Le soleil se levait à peine et déjà Albe, comme toujours, régnait dans le ciel. Elle flottait là, entre les nuages, par quelque mystérieux artifice, cachée de tous. Dans ce solennel isolement, la Blanche Cité demeurait toujours la même, belle et glorieuse, pudique et pourtant fière. Etait-ce dû à ses intemporelles tours, à son architecture aérienne ou plutôt à ses habitants qui s’y activaient en profitant des courants, laissant parfois le vent les guider sans jamais oublier leur tâche ? C’était un lieu chargé de mémoire et qui pourtant glissait au travers des ans, immuable, vivant à son propre rythme sans se laisser perturber par celui du monde, lointain souvenir presque oublié. Il lui convenait d’exister ainsi, absent de la conscience de tous les autres peuples, retirés d’une terre qu’avaient quitté les Dieux. Ses habitants se plaisaient à cette philosophie, se complaisaient dans ce paisible renfermement. Les Aels formaient un peuple trop divisé pour être qualifié dans son entier : chacune des grandes cités possédait des traits caractéristiques qui la distinguait des autres, qu’il s’agisse de ses mœurs, ses traditions ou ses rites ; elles n’avaient d’ailleurs pour ainsi dire aucun contact entre elles. Il demeurait de commun à cette race un aspect altier, un amour des danses dans le vent, à l’abri des regards terrestres ainsi, évidemment, que ces grandes ailes de plumes blanches qui leur permettaient de vivre à l’abri du monde, qui leur garantissaient le contrôle des espaces infinis du ciel et de ses merveilles. Cachée au creux de massifs nuages, on prétend parfois qu’Albe existait avant qu’un Clan d’Aels ne s’en empare et qu’elle demeurera, éternelle ; pas même les plus érudits des Aels ne savent par quelle magie ces rochers, sur lesquels sont érigés les villes, flottent ainsi. En cette cité, toutes les habitations, toutes les constructions étaient d’un blanc pur qui faisait fierté ; chaque tour était travaillée avec soin, chaque mur arborait une fresque. Quant aux grandes arches, elles permettaient aussi bien de se déplacer en marchant qu’en volant lascivement, or c’était sous la plus grande de ces arches que deux Aels discutaient, visiblement préoccupés. Aryael observait son compagnon et l’écoutait attentivement, conscient du trouble de celui-ci et s’attelant à ne rien laisser transparaître sur son visage aux traits pourtant tendres, comme sculptés dans une roche friable, avec le plus grand des amours ; c’était certes son rôle mais aussi sa fierté que d’être l’ami et le confident du Prince Héritier et il se devait d’être aux côtés de Virajel dans les moments les plus durs, de le conseiller et de l’aider. Lui-même était issu d’une famille qui, depuis des éons, servait la cité dans la Garde Royale ou, occasionnellement, dans les cercles royaux les plus fermés ; il se devait de ne pas ternir l’honneur de sa famille, dont on accueillait généralement le nom par un hochement de tête et un sourire confiant, rassuré. C’était ainsi que fonctionnait la Cité depuis des éons : à sa tête un Roi, toujours issu de la même lignée, assisté par un cercle d’amis issus des grandes familles ; de l’autre côté, la majorité des citoyens d’Albe menaient une vie paisible et agréable. Virajel, en tant qu’unique fils du Roi, savait depuis sa naissance, cinquante années auparavant, qu’il hériterait du trône et guiderait la cité – une tâche qu’il savait plutôt cérémonielle, tant le peuple d’Albe vivait reclus et tranquille, profitant parfois de décennies sans que rien ne trouble le calme de la Blanche Cité. Le rôle royal ne manquerait cependant pas de se compliquer si une nouvelle Tempête Rouge venait à se déclarer, et à dévaster les plus hautes strates des cieux. Encore jeune pour les normes de son peuple, il possédait un visage noble, encadré de cheveux blonds coupés sous la nuque, d’yeux verts rêveurs et surtout de magnifiques ailes, grandes, fortes et majestueuses, qui faisaient bien des envieux. En bien des points semblable à son père, il était sérieux mais d’un tempérament doux et avait toujours grand soin de privilégier le bonheur de tous ; alors que le monarque vieillissant parlait presque ouvertement de l’heure de son retrait, tous accueillaient avec une joie doublée de confiance la perspective du règne de ce Prince si aimable et attentif. Toute sa sagesse et sa bienveillance se trouvait néanmoins mises à rude épreuve par les passions contradictoires qui l’animaient et le poussaient dans des directions opposées. Morose depuis la disparition, un peu plus d’une lune auparavant, de sa compagne Lajal – une jeune femme issue d’une des grandes familles – son cœur avait trouvé un réconfort certain dans le retour d’Yvial, son amie et amour de jeunesse, qui avait été éloignée de lui par de nombreuses années passées dans la Garde Extérieure, rôle consistant à patrouiller aux alentours d’Albe et à veiller à sa tranquillité. Il s’agissait d’une tâche nécessaire et l’ennui lié à cette fonction était compensé par la possibilité pour les Gardes de passer l’intégralité de leur temps à planer au gré des vents. Yvial n’avait pas d’elle-même choisi ce rôle, cependant : elle y avait été envoyée car son rang n’était pas jugé suffisant pour faire d’elle la mère de l’héritier d’Albe. Les relations des Aels n’étaient pas définis par des liens stricts et définitifs, se faisant Compagnon et Compagne lorsqu’ils le souhaitaient tous deux – seuls des enfants issus d’une telle relation pouvaient néanmoins être légitimement reconnus – et se séparant par accord mutuel. Dans le cas du Prince, la première Compagne importait donc beaucoup, car c’est elle qui porterait l’héritier – qui le resterait, quand bien même le Prince déciderait alors de changer de Compagne. La situation actuelle posait pourtant problème : la disparition de la Compagne de Virajel était mystérieuse et avait soulevé de nombreuses questions, causé des myriades de vaines recherches à travers les Cieux mais son état incertain, le Prince ne pouvait se défaire de sa relation avant trois mois sans un signe de vie ; bien entendu, c’était une courte période pour ce peuple qui vivait sans mal de deux à trois siècles mais pour un cœur amoureux, il s’agissait d’une petite éternité. « Je ne sais que faire, mon bon Aryael. Même mes sentiments profonds pour Lajal, les Trois Dieux veillent sur son âme, où qu’elle soit, n’ont jamais atteint ce degré. Je ne peux que rester ici et pourtant, chaque fois que je la vois, que je lui parle, je me sens à la fois fragile, comme affaibli par un venin terrifiant, et féroce, au point que mon cœur semble vouloir briser les chaînes de nos traditions et se ruer. Voilà l’image que je rends : celle d’un Prince, qui va succéder à son père et qui ne sait pas se maîtriser. » Aryael écoutait et observait son seigneur et ami, ne perdant pas un des mots qu’il lui disait mais ne pouvant ôter de son regard une certaine perplexité. Cette fougue, inhabituelle pour son peuple, l’était plus encore pour le jeune Prince dont il connaissait la tempérance et le respect des traditions et qu’il n’aurait jamais cru voir un jour dans cet état, lui faisant part de ces états d’âme et d’un élan aussi soudain qu’inconsidéré. « Mon prince, commença-t-il donc, j’avoue ne pas saisir cette fougue soudaine et, bien qu’au courant de l’idylle de jeunesse que vous avez entretenu avec cette jeune femme, je ne peux que vous rappeler qu’il ne s’est passé qu’un mois depuis la disparition de votre Compagne. Tout espoir de la retrouver n’est pas perdu : il reste deux mois avant que les liens ne soient dénoués. » Il allait continuer mais son Prince le coupa d’une voix vive et, pour la première fois depuis bien longtemps, peu maîtrisée : « Je suis conscient de tout cela, mon ami ; la vérité est que j’éprouve encore un sincère amour pour Lajal et je souhaite de tout cœur qu’elle soit retrouvée mais Yvial… Je pensais l’avoir oubliée et sitôt qu’elle ressurgit, je me trouve totalement bouleversé. Je sais quoi faire, mais je ne sais pas si je le pourrai. » Il marqua une pause, désemparé et gêné de se confier ainsi au risque d’apparaître puéril, même à son meilleur ami mais reprit avant que ce dernier ne puisse avancer un conseil : « Tu as raison, je le sais. Je t’en prie, mon ami, va mander le seigneur Devisel ; il est respecté pour sa sagesse et son expérience, m’aiguille dans mes choix depuis que mes ailes poussent. Il saura me faire entendre raison, j’en suis convaincu. » Sur ces mots et avec un signe entendu de la tête, Aryael s’inclina légèrement et prit son envol d’un puissant coup d’ailes ; comme à chaque fois que ses pieds quittaient le sol et que ses ailes le menaient, une sensation euphorique s’empara de lui, mais il la mit de côté pour aller accomplir sa mission.
  12. Je comprends peut-être mal le passage cité, mais il me semble réduire les choses. Le fait qu'une fleur soit belle parce qu'elle est fleur et non parce qu'elle est bleue ou qu'elle sent bon, ou que sais-je, de base, me semble une conception étrange, ne serait-ce que parce qu'elle part d'une définition de la beauté qui m'est inconnue. Mais soit, admettons que le "monde [soit] beau parce qu'il existe". Le passage cité ne me semble pas traiter de cela, ou remettre cela en question. "Mais les êtres ne chantent rien du tout. /S'ils chantaient ils seraient des chanteurs" me pose problème parce qu'il ne semble pas considérer qu'une caractéristique puisse être accessoire. L'être est, soit. La fleur est, soit. Mais ça n'empêche pas la fleur d'être bleue, l'être de chanter, etc.. Donc quelle est la finalité de ces vers ?
  13. [quote name='SonOfKhaine' timestamp='1349130149' post='2222332'] [quote]"Il dit, par exemple, que les êtres chantent sa gloire, Mais les êtres ne chantent rien du tout. S'ils chantaient ils seraient des chanteurs. Les êtres existent, un point c'est tout, Et c'est pourquoi ils s'appellent des êtres."[/quote] J'aime beaucoup ce passage. Comme vous le dites, il n'a rien de particulièrement anti-chrétien ou d'anti-religieux, c'est une simple constatation pleine de bon sens, à rebours de toutes les théories fumeuses qui voudraient faire dépendre le statut d'être (ou d'humain, ...) de certains conditions arbitraire. [/quote] Moui, 'fin le passage est quand même bien orienté "athée" et surtout n'a aucun sens, ça ressemble juste à un jeu de mots. Ce n'est pas parce que la définition d'être signifie effectivement "exister" (ce n'est pas pour rien que c'est un verbe substantivé et qu'en anglais ça se dit "being", par exemple, soit le verbe être avec la particule -ing) que l'être doit se résumer à son existence. 'fin, ça n'a pas de sens de dire que les êtres ne chantent pas parce qu'il existent ; ils peuvent exister et chanter. Je ne crois pas qu'il soit dit où que ce soit que l'essence des êtres est de chanter à la gloire de Dieu. Du coup, si c'est une qualité accessoire de l'être, l'argument ne tient pas debout parce qu'il n'entre pas en conflit. Je suis un être, je peux chanter ; tout va bien, ce n'est pas parce que je chante que mon essence est d'être un "chanteur". 'fin je ne sais pas, à part y voir un bon mot...
  14. [b]Chapitre Final : Capitaine[/b] Alors que la [i]Veuve Saline[/i] glissait vers le [i]Sombre Voyageur[/i], qui semblait avoir renoncé à semer le navire pirate, Valis Mandoror se rendit une nouvelle fois compte de la flagrante différence entre son nouvel équipage et son nouveau monde, constitué de pirates bruyants et vulgaires. Lorsqu’il s’apprêtait à aborder un navire, autrefois, à bord du vaisseau même qu’il s’apprêtait à attaquer, l’équipage se préparait en silence à l’abordage, renforçant ainsi la terreur des proies à l’approche du prédateur silencieux ; les rustres pirates qu’ils commençaient désormais s’agitaient dans tous les sens, braillaient et rugissaient. Oh, nul doute, cela impressionnait les navires marchands qu’ils arraisonnaient le plus souvent, mais il se rendit compte en cet instant de ce qu’il avait perdu lors de la trahison de son ami. Un coup d’œil au [i]Sombre Voyageur[/i] lui apprit les raisons de sa lenteur ; il semblait avoir subi d’importants dégâts ; le capitaine druchii sentit une colère sourde monter en lui à l’idée qu’on puisse si mal se servir de son navire. Alors que la [i]Veuve[/i] arrivait au niveau du navire druchii, il cria et ce fut le signal de l’abordage ; sans s’en rendre compte, il avait eu recours à sa langue natale, ce qui ne sembla pas déranger son équipage mais interloqua, il le vit, plusieurs des marins du [i]Voyageur[/i]. Dégainant son sabre, Valis se joignit à son équipage et se jeta à l’assaut de son ancienne propriété. Valis avait toujours été un bon combattant mais il s’était mis à briller, ces dernières années ; il y avait eu l’entraînement, les nombreux combats, de taverne ou lors d’abordages, mais surtout ce désir de revanche qui plus que jamais, en cet instant, semblait le brûler de l’intérieur. Son premier adversaire n’eut pas le temps de parer le coup qui le terrassa et il bondit sur le deuxième, qui tomba bien vite. Le reste de son équipage profitait de l’avantage du nombre et de la férocité de l’assaut pour compenser l’avantage martial évident des corsaires druchiis. Sans réellement se soucier de ses hommes, son esprit concentré uniquement sur son but, sur le traître qui l’attendait – il le sentait – Valis fonça et dansa avec les corsaires, une part de son cerveau notant d’ailleurs qu’aucun ne faisait partie de son équipage d’autrefois. Il avança ainsi, donnant la mort sans même y prêter grande attention, sans en retirer le même plaisir que d’habitude. Le goût de cendre dans sa bouche était cependant compensé par l’euphorie à l’idée de reprendre son navire. Il décapita un corsaire qui trainait la patte et se précipita vers une silhouette entourée de deux gardes ; Khar. Il se jeta sur les gardes et s’attendit à ce qu’ils en fassent de même ; Khar recula, laissant les deux corsaires se défendre tant bien que mal contre le druchii enragé. Le premier avait le bras gauche raide, sans doute cassé ; le second boitait. Il s’en débarrassa rapidement et fronça les sourcils, avant de reporter son attention sur Khar. « On dirait que j’ai été trop gourmand, mon ami. » Valis s’étonna en baissant légèrement son arme. « Pourquoi ? Tu m’avais sauvé, autrefois. Je t’ai toujours protégé et ai fait de toi mon second. Pourquoi me trahir ? Mon frère m’aurait récompensé, tu en aurais profité. — Ah, Valis, soupira Khar, un soupçon de déception dans la voix. Je pensais que tu aurais compris. J’ai agi sur les commandes de ton frère. De Kalhad. Il se débarrassait de deux frères, ne voulant aucun des deux en possession de la Lame. Il y gagnait sur toute la ligne, et moi aussi. Tu as été bon avec moi, mais je n’aurais jamais été que ton second si je t’avais été fidèle. Grâce à ton frère, me voila capitaine. Khar désigna le navire d’un geste vague, affichant une moue ennuyée. « Ceci dit, je ne peux pas me targuer d’être un très bon capitaine, je suppose. J’ai évidemment fait changer l’équipage ; ils te respectaient trop. Mais il me manque quelque chose, je suppose. De l’autorité, du charisme… J’aurais dû connaître ma place. Et toi, capitaine de mon-keighs, alors qu’on te croyait mort. » Un instant, Valis ne sut quoi faire. Il avait passé l’essentiel de ces dernières années à haïr son ancien ami, presque autant qu’il avait haï son frère ; et maintenant, il l’avait en face de lui, discutant de la trahison comme d’un acte négligeable, dont il ne regrettait jamais que les conséquences. Une rage renouvelée naquit en lui, depuis son ventre, montant comme un dragon qu’on réveille jusqu’à ce qu’il envahisse l’intégralité de son corps. Il voulut maudire le traître, mais seul un rugissement jaillit de sa bouche alors qu’il se jetait sur celui qu’il avait considéré comme un frère, plus sans doute que ceux dont il partageait le sang. Ce dernier recula d’un pas et bloqua le coup de justesse ; après quelques attaques, il se rendit à l’évidence. Khar n’avait jamais été un grand épéiste et Valis n’avait fait que s’améliorer. Il fit sauter l’épée des mains de son ancien ami et le transperça de son sabre. Alors que celui qu’il avait tant souhaité mort s’effondrait, le druchii se rendit compte qu’il n’était même pas satisfait. Il observa le déroulement des combats ; ses pirates avaient subi des pertes, mais les druchiis étaient sur le point de rompre, certains ayant déjà abandonné le navire. Il digérait lentement ce que Khar lui avait appris. Son frère était derrière tout ceci, celui qu’il respectait et pensait digne de confiance. Sans doute, après avoir utilisé Khar, lui avait-il fourni un équipage de peu d’importance ; il s’était joué de tous, avait obtenu vengeance pour leur père et récupéré la Lame, asseyant sa position. Un coup de maître, nul doute, exception faite qu’il le pensait toujours mort. Ses pirates investissaient le navire et bientôt, ils lui demanderaient s’il avait trouvé la Lame des Profondeurs et le trésor promis. Il sourit intérieurement ; la tromperie devait être de famille. Le cri des mourants s’estompait peu à peu, et le ronronnement de la mer reprenait le dessus. Il avait vécu pendant si longtemps en l’attente de cette vengeance qu’il n’y avait pas prévu de suite. Au fond de lui, il n’était pas apaisé. Les océans étaient grands, mais il retrouverait Kalhad, un jour ou l’autre, car il lui restait une vengeance à accomplir. Avec une moue de dégoût, il regagna la [i]Veuve Saline[/i] et ordonna que l’on coule le [i]Sombre Voyageur[/i]. [i]Tu me penses mort, cher frère ; un jour ou l’autre, tu te rendras compte de ton erreur ; il sera alors trop tard.[/i] Le calme était revenu ; les pirates avaient pillé le navire druchii, puis l’avait sabordé. Le Capitaine Valis Mandoror était prêt à commencer sa légende… et poursuivre sa vengeance.
  15. [quote name='Bombur' timestamp='1347650851' post='2212633'] C'est "il revoit", mais sinon, très joli . Et je ne vois pas de problème dans le onzième vers . [/quote] Treize syllabes. ,) Et/ sa/ froi/de/ com/pa/gne/, sa/ com/pa/gne é/toi/lée ! Mais ce n'est pas le seul vers qui pose un souci. Le poème est joli en soi - je suis fan du deuxième vers - mais j'approuve le souci sur les césures. Je compte 13 sur le premier et 11 sur le troisième. La césure sur "table" est vraiment problématique, en fait. :/
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