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Ignit le Fourbe

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Tout ce qui a été posté par Ignit le Fourbe

  1. Ignit le Fourbe

    Chute

    Merci pour les retours ! L'emploi du présent (il n'y en a en fait qu'un "dit" étant un participe passé ;p ) était une simple faute de frappe mais je vais voir comment modifier la lourdeur sur la répétition de "haut". Voila la troisième scène, qui conclut l'acte 1. Je sais qu'il ne faut pas trop espacer, mais il ne faut pas non plus trop rapprocher parce que la fin n'est pas encore écrite (planifiée, mais pas écrite). [b] Scène 3 [/b] Vus de l’extérieur, les domaines de l’aristocratie pouvaient paraître modestes et à peine plus luxueux que le reste de la cité : la pierre semblait bien plus lisse et plus blanche encore, si tant est que ce fut possible, les arches mieux maîtrisées, mais il demeurait qu’ils s’inscrivaient dans la continuité de l’architecture globale d’Albe et participaient ainsi à son harmonie. On les trouvait en bordure d’Albe, séparés du palais par les jardins. Pourtant, pénétrer dans l’une de ces vastes demeures faisait rapidement taire cette impression tant tout s’avérait plus grand et raffiné et d’une blancheur toujours plus saisissante, à tel point qu’elle en était presque aveuglante pour des yeux non rompus à ce décor. C’était dans l’une de ces vastes habitations qu’à voix basse, deux Aels richement vêtus discutaient, craignant sans doute d’indiscrètes oreilles, ce qui était probablement vain dans pareil endroit. Il apparaissait rapidement que l’un dominait la conversation et que l’autre se contentait de donner le change. Ce dernier, aux cheveux blanchis par l’âge et qui, de ce fait, était probablement entré dans son troisième siècle d’existence, était de taille plutôt petite selon les normes de son peuple tandis que ses ailes d’albâtre, elles, paraissaient démesurées. Malgré la moue sérieuse qu’il arborait – pour ne pas dire sinistre – la disproportion le rendait presque ridicule. Son interlocuteur jurait avec cet Ael atypique : grand, de stature respectable, vêtu sobrement d’une toge grise, il imposait le respect et affichait un visage fermé et neutre qui paraissait à ses interlocuteurs exprimer ce qu’ils désiraient ; une qualité qu’il n’oubliait pas, évidemment, d’utiliser. En effet, Devisel faisait partie des aristocrates les plus influents d’Albe : issu d’une des plus illustres familles, il s’était illustré en société en se faisant des amis un peu partout et en cachant derrière un regard impassible des yeux pourtant voraces, ambitieux et déterminés. De fait, à mesure que l’influence du Roi déclinait avec sa santé, celle de l’audacieux noble grandissait inversement, si bien que nombre d’Aels ne juraient plus que par lui, ses conseils et ses avis. Agitant une main négligente, Devisel, qui affichait un air songeur depuis un petit moment, demanda à son comparse : « Sais-tu où en est notre Prince héritier ? Continue-t-il de se débattre vainement avec ses sentiments ou s’apprête-t-il enfin à céder ? » Le vieil Ael allait répondre mais son compagnon l’arrêta d’un geste de main, annonçant qu’à l’évidence, son honneur et son sens des traditions continuait de retenir son geste. Il savait que c’était une des manies de l’influent aristocrate que de réfléchir à voix haute pour mieux se répondre, lorsqu’ils n’étaient que tous les deux. Il avait trouvé cela étonnant, au début, puis en avait déduit qu’à trop sélectionner chaque mot qu’il prononçait en société, pouvoir parler librement lui faisait du bien. Il le laissa faire et se tint donc en silence ; jamais il ne se serait agacé de son comportement, pris qu’il était par l’admiration sans borne qu’il vouait au grand Ael. C’est cette dévotion qui l’avait amené, lui et d’autres fidèles parmi les fidèles, à accepter sans la moindre hésitation le plan pourtant criminel de celui qu’il tenait pour son véritable seigneur. Devisel ne taisait en effet plus, depuis quelque temps, l’inquiétude que lui causait l’apathie du Roi et l’attitude candide de l’héritier ; il avait réussi, malgré le mépris qu’il lui vouait, à se faire adorer de ce dernier qui voyait en lui une sorte e mentor, ignorant tout de la duplicité de son « ami ». Au plus profond de son âme, pourtant, l’aristocrate n’aspirait qu’au bien de la Cité et il était persuadé que tout son plan n’était rien de plus qu’une cruelle nécessité. Le monarque laissait à désirer, avachi sur son trône et ne parlant qu’à ses gardes impassibles ; l’héritier ne s’annonçait pas, à son avis, des plus brillants. En d’autres temps, sans doute aurait-il laissé faire sans mot dire car la vie dans la cité d’Albe est d’ordinaire paisible. Néanmoins, la recrudescence d’orages ne présageait rien de bon, et les Prêtres craignaient qu’une nouvelle Tempête Rouge éclate. Nul ne savait expliquer ce qu’était exactement que la Tempête Rouge et pourquoi elle éclatait, mais ce cataclysme avait duré des jours et des jours, rendant comme fous les Aels d’Albe et d’ailleurs. Elle avait causé la Guerre des Cieux, une guerre sanglante et démentielle, qui avait vu s’entretuer les Aels sans réelle raison. Lorsqu’elle avait cessé, la Blanche Cité en était sortie épuisée, hagarde et nombre des siens étaient tombés sans qu’aucun sache ce qui les avait mené à se battre ainsi. Depuis lors, presque tout contact avait été rompu avec les autres Cités et Albe avait pansé ses plaies, saisie d’incompréhension. Certaines vieilles pierres, des siècles après, portaient encore la marque des combats dont elles avaient été les silencieux témoins. Peu osaient évoquer le sujet mais l’approche d’une nouvelle Tempête Rouge était apparu comme une évidence à Devisel, qui jugeait urgent de s’y préparer et, pour ce faire, d’avoir un souverain plus compétent que l’actuel ou son héritier. « Il faut veiller à ce que la Dame se porte bien, déclara-t-il à son ami. Elle ne comprend évidemment pas et ne doit rien soupçonner, mais j’ai peur que l’usage répété de ces drogues de la surface ne l’affaiblisse trop. — Mais si elle survit et qu’elle réalise ce qui lui est arrivé, tout échoue. En ce cas, mieux vaut peut-être… » Le vieil Ael laissa sa phrase en suspens. Toute leur détermination n’ôtait rien à leur nature profonde et au fait que de telles méthodes ne s’étaient jamais vues auparavant à Albe. Quoique ne doutant pas un instant du bien-fondé de leurs actions, évoquer la possibilité de la mort de leur captive était une gêne qu’il préférait s’éviter. Devisel hocha la tête, lui épargnant de continuer et manifestant son accord. « Pour l’instant, tout fonctionne. Ce n’est qu’une question de temps avant que le Prince ne cède aux avances d’Yvial. Il n’y aura plus qu’à faire réapparaître sa Compagne pour qu’il soit à jamais discrédité. » En dépit du mépris qu’il éprouvait pour Virajel, l’aristocrate aurait préféré un autre moyen – et les Dieux, de leur demeure funéraire, savaient qu’il en avait cherché d’autres – mais il lui avait fallu se rendre à l’évidence : seule l’éviction du Prince lui assurerait de monter sur le trône, lui permettant de sauver Albe. Les deux compagnons sursautèrent presque lorsque le battement d’ailes approchant de la demeure les extirpa de leur discussion. Aryael s’annonça quelques instants plus tard, mandant au nom du Prince Virajel les conseils du très sage Devisel. Ce dernier eut bien du mal à retenir un sourire.
  2. Voila un moment que je me disais qu'il me fallait lire ce récit qui dure (gage de qualité) et voila qui est enfin fait. Je suis au final assez mitigé. Il y a de très bonnes choses et des choses peut-être plus discutables. Dans les bonnes choses, il y a l'idée même. Reprendre un personnage spé, c'est le piège à débutant (en faire un grosbill, qui fait ce qu'on veut, etc.). Ici, il s'agit de détourner ce piège pour nuancer un personnage déjà grosbill, ce que je juge très appréciable. J'aime l'idée du Malékith qui aime, qui enrage, qui est arrogant, etc.. Et malgré tout, qui reste un énorme bourrin, mais comme on le voit dans toute sa dimension, ça passe plutôt bien. L'idée, le passage dans les royaumes du Chaos, en voila une autre bonne idée parce que cela te permet à toi, qui écrit, de faire vivre une expérience à Malékith et, non seulement à partir d'un postulat personnel quant au bonhomme, mais d'encore plus l'altérer. Tu parles, à la page précédente, de la manière dont tu jongles entre cette vision personnelle et le fluff et là j'aurais tendance à dire : "fonce" ; oublie le fluff, amuse-toi, fais de ton personnage ce que tu penses qu'il doit être. Bon, mais je parlais des royaumes du Chaos et voila une des choses que j'aime assez peu dans le texte, paradoxalement. J'aime le fait qu'il y ait les royaumes du Chaos, je ne suis pas sûr d'adhérer à la vision super-humanisante des démons, mais cela ne me dérange pas plus que ça. Pour détailler un peu cet avis glissé là, je me demande si ton histoire aurait réellement été changé s'il s'était simplement retrouvé dans une contrée hostile avec quatre contrées rivales côte à côte. Je trouve que les démons ont quelques traits qui les rattachent à leur divinité tutélaire mais sont surtout des personnages secondaires très humains, et très peu démons. C'est un peu dommage je trouve de situer son récit dans les royaumes du Chaos et de ne pas jouer à fond là-dessus. Et là vient la vraie critique : la prévisibilité. C'est le souci que j'ai eu au moment du passage dans le Royaume de Nurgle. Je me suis dit "Ah ok, on va se taper les quatre Dieux tour à tour". Ce qui fait une structure très... ordonnée. Pour un récit qui se situe dans l'antre même du Chaos. Je trouve que tant dans le fond que dans la forme, on trouve peu de Chaos. On trouve des antagonistes, de l'aventure, de la magie, mais du Chaos ? Pas tant que ça. On passe d'un monde à l'autre, de manière linéaire. On n'a pas de "non-affiliés" (alors que les Royaumes du Chaos sont censés être un beau bordel impossible à cartographier, avec des chateaux wtf et des princes démons partout). Je comprends qu'il faille une structure à un récit, parce que c'est avant tout un récit. Mais je trouve dommage de ne pas jouer la carte "Chaos" dans cette histoire, du moins de ne pas la jouer suffisamment. Je vais me contredire, mais dans le cadre du voyage initiatique - parce que c'est ce à quoi s'apparente cette histoire - la succession de Royaumes convient très bien. Chaque Royaume va apporter quelque chose à la construction de Malékith, qui commence comme un souverain vain, frustré et despotique, manipulé par sa mère, et qui en sort ... Quelque chose d'autre. Ce qu'il sera, c'est toi qui l'écrira. Voila. Résumé : il y a pour moi du pour et du contre à cette utilisation linéaire des royaumes du Chaos. Du pour parce que ça sert l'histoire et que c'est efficace ; du contre parce que ça perd un petit peu en saveur, parce qu'on s'attend un peu, du coup, à ce qui va venir ensuite. L'histoire dans le "vrai" monde est un peu moins intéressante je trouve. Moins bien menée, en tout cas. Ne serait-ce, d'abord, que parce qu'on s'éloigne de Malékith et qu'on se trouve coupé de ce récit initiatique. Mais en même temps, il faut bien voir comment la situation évolue et préparer le final (Malékith sort des Royaumes et remet de l'ordre dans tout ça). Le problème, c'est d'essayer de rendre en quelques paragraphes d'intermède des intrigues politiques qui se veulent compliquer. Je ne pense pas que ce soit impossible mais je ne suis pas sûr que tu t'y prennes bien. Le passage avec le discours d'Hellebron, notamment, me semble beaucoup trop direct. On voit trop les forces en présence, on connaît leurs intentions. Du coup, peu de suspense ! Pourquoi ne pas passer toutes ces volontés en "off-screen" et te servir de quelques personnages. Le vieux capitaine était un bon personnage, avec du potentiel, par exemple. Pourquoi ne pas suivre dans ces intermèdes divers agents de Morathi qui enquêtent sur des rumeurs de coup d'Etat en préparation ? Enquête sur Hellebron, peut-être sur d'autres personnages, et les agents qui petit à petit remontent la piste. Le tout sans trop voir Morathi, sans voir Hellebron. Un méchant qui intrigue et qu'on voit annoncer son plan, c'est un méchant qui ne fait pas envie. Puisqu'il y a peu de surprise quant à la trame globale (Malékith sort des Royaumes et revient), pourquoi ne pas en rajouter ici et là ? Par exemple, ici, on sait qu'Hellebron est l'antagoniste. Pourquoi ne pas laisser de fausses pistes quant à ceux qui veulent usurper le pouvoir, laisser croire que c'est résolu et quand il revient, paf, dague dans le dos venant d'un acteur qu'on pensait fidèle et hop, retournement de l'intrigue. Ce sont des pistes, des idées et c'est à toi de trouver la manière de faire (et de considérer ou non ce que je dis comme pertinent ou non), mais je pense qu'il faut laisser de l'inconnu au lecteur, de le surprendre encore. Puisque la trame principale (Malékith tombe dans les Royaumes du Chaos, entreprend d'en sortir et finit par revenir à la tête de son Royaume) est plus ou moins connue, il faut peut-être chercher à la susciter autre part. Dernier petit détail, plus formel celui-ci : il y a un certain nombre d'occurrences de phrases explicatives qui gâchent un peu l'effet. Me vient en tête le passage où le seigneur Kazak, je crois, bref le "Khornite" fait une offre à Malékith, qui la considère et s'ensuit une phrase du style "Mais Malékith savait bien qu'il ne tiendrait pas son offre". Raaaargh ! Fais-le moi comprendre ! Sous-entends-le, ou alors exprime-le de manière plus subtile. Là j'ai vraiment eu l'impression, en plein dans mon récit, que tu en sortais, en tant qu'auteur, me tapotait la main et me disait "C'est un piège, tu as compris, hein ?". Je n'ai pas d'autre exemple similaire sous la main mais j'ai eu cette impression à deux ou trois reprises. C'est bien mieux quant tu laisses des choses dans le non-dit (exemple le vieux capitaine qui ne parvient pas à bouger et se fait fracasser par le seigneur Aeryn, ou le remède du démon de Nurgle qui guérit Malékith) ! Voila, en bref c'est une histoire sympa et enthousiasmante, dont je lirai la suite avec plaisir mais qui gagnerait, je trouve, à exploiter le Chaos qui est son thème, et à laisser les intrigues politiques plus vagues, plus brouillées pour les faire apparaître fines, plutôt que de les montrer en quelques intermèdes et du coup les faire paraître un peu simplistes. Bien cordialement, Ignit.
  3. Ignit le Fourbe

    Chute

    Merci pour les remarques diverses ; les quelques fautes et erreurs ont (normalement) été corrigées. La suite, donc (et je sais que j'espace beaucoup, mais je préfère ne pas poster de scène sans en avoir au moins une ou deux d'avance, au cas où). [b] Scène 2[/b] Non loin des jardins que surplombait la grande arche s’élevait la plus haute tour d’Albe, « Celle qui transperce le Monde » ; paraissant, par les reflets solaires, plus blanche et plus brillante encore que les autres bâtiments, elle s’élevait et fendait les plus hauts des nuages au creux desquels la Cité était nichée, si bien que personne n’allait plus jusqu’à son sommet depuis fort longtemps. Néanmoins, elle demeurait l’une des fiertés de la cité en termes d’architecture et elle était par ailleurs utilisée par la Garde comme garnison, armurerie et lieu d’entraînement, pour les salles les plus hautes. C’est à sa base qu’était conçu le palais dans lequel siégeait le Roi, à l’abri du quotidien et des regards ; c’est dans ce palais, le seul bâtiment dont, étrangement, la pierre paraissait terne et triste, que se déroulaient l’essentiel des cérémonies officielles, des processions religieuses ; c’est devant ce solennel bâtiment, que toute la cité se réunissait chaque mois pour entendre les Prêtres conter les anciens mythes. Parmi les traditions de la Cité, la narration avec chaque nouvelle lune d’une histoire des Dieux était peut-être la plus importante et la plus respectée. Chaque année, c’était la Genèse qui ouvrait le bal ; les autres récits, plus détaillés, variaient selon les Prêtres officiant. C’était de longues journées que les Aels passaient réunis, bercés par la voix du Prêtre Conteur tandis que les autres Prêtres entamaient autour de lui une danse ésotérique au rythme de sa voix. Même le Roi quittait son trône en cette occasion pour louer les Dieux. Des temps anciens, les Aels avaient hérité la mémoire du monde et de sa création. Ils révéraient les trois Dieux : l’Arbre, le Fou et le Roc. Leurs récits de l’époque, transmis de génération en génération par de telles cérémonies, relataient la création du Monde, la naissance des différents peuples premiers, les luttes divines et la mort des Dieux. Sachant les Dieux morts, le peuple d’Albe s’était réfugié dans les cieux pour ne plus avoir à parcourir la terre, entachée du sang des Dieux. En ce refuge, ils avaient espéré trouver la quiétude et l’harmonie grâce à cette roche volante sur laquelle ils fondèrent leur Cité. Les traditions d’Albe étaient ainsi tournées vers la conscience de vivre dans un havre et l’espoir qu’un jour, les Dieux reviendraient à la vie, leur permettant de retourner sur terre. Prendre des nouvelles du monde terrestre était le rite d’accomplissement des Aels en passe de devenir adulte ; ils devaient aller observer de haut le monde et rapporter ce qu’il s’y passait. Invariablement, ils annonçaient que le monde était encore et toujours rongé par d’incessantes guerres et qu’il n’y avait nulle trace d’un retour divin. Ainsi, si connaître le sort des Dieux rendait futile toute prière ou cérémonie – à quoi bon prier un défunt ? – le culte des Trois se contentait de révérer la mémoire des Dieux et de transmettre la connaissance de ceux-ci. Pour le reste, isolés d’un monde qu’ils jugeaient maudits, les Aels s’en remettaient à eux-mêmes. Au cœur du palais, dans la plus profonde des grandes salles aux hauts plafonds décorés de fresques relatant la fondation de la cité, le Roi trônait, ne sortant donc de la vaste pièce dans laquelle il siégeait qu’en cas de cérémonie ou d’extrême urgence. C’était une longue et sobre salle et le trône lui-même était placé en hauteur, séparé du sol par quelques marches usées par le temps. Autour de la salle, la Garde d’Honneur veillait, silencieuse, à la sécurité d’un Roi que ne troublaient guère que l’avenir et sa succession, tant et si bien qu’elle n’avait pas eu à brandir d’armes pendant le règne de Jarel, ni celui de son père, pas plus que pendant celui du père de son père. Cadets des grandes familles et, parfois, simples gardes jugés méritants, la Garde d’Honneur était au service direct du Roi et obéissait fidèlement à chacun de ses ordres, sans mot dire. Devenir un protecteur du roi était une décision importante car définitive, mais qui contribuait à l’honneur de la famille et permettait aux fils cadets de trouver une place dans la société d’Albe. Si le Roi n’adressait pour ainsi dire jamais la parole à la plupart des Gardes, certains étaient devenus ses interlocuteurs privilégiés. C’était le cas de Priyel : Ael de haute stature, renforcée par l’armure sobre mais élégante qu’il ne délaissait jamais, à la mine sévère et l’œil franc, ses cheveux noirs plutôt courts donnaient à voir un visage qui eut été beau s’il n’avait été si fermé. Depuis plusieurs décennies, il servait fidèlement celui qui était son seigneur et conseillait sagement celui qui était devenu un ami. Obéissant prestement, faisant toujours montre d’une grande efficacité, on disait de lui qu’il n’ouvrait la bouche que pour répondre au Roi. Côtoyer de la sorte le souverain lui avait permis de réaliser le déclin progressif de celui-ci, sans jamais s’abaisser à commenter cet état de fait. Autrefois fier et rayonnant de confiance, Jarel était désormais pâle et voûté sur son trône, auquel il semblait presque se raccrocher pour ne pas tomber. Sans doute ne se serait-il pas lui-même reconnu, lui eut-on proposé un miroir, tant il s’était vite dégradé, comme rattrapé par les deux siècles de règne qu’il achevait péniblement. Sa charge, nul ne la connaissait ni ne la comprenait, pas même ses vieux compagnons, pour la plupart défunts. Seul son fils, en lui succédant, se rendrait compte de l’ampleur du pouvoir dont il était le garant. En effet, fait ignoré de tous, le roc d’Albe était animé par un étrange pouvoir qui le maintenait dans les cieux et il fallait une source à ce pouvoir. Le trône, taillé dans la roche même sur laquelle la cité avait été bâtie, était le lien ; le roi le sacrifice du peuple d’Albe au rocher, en l’échange de la tranquillité de ce havre céleste. Chaque jour qu’il passait à régner, écoutant d’une oreille distraite les rapports, les prévisions, les vœux des prêtres et l’annonce des orages à venir, chaque jour qu’il demeurait là, à guider son peuple de ses yeux clairvoyants mais épuisés, il nourrissait le roc de son énergie vitale. Sa lignée était grande, puissante et il était jeune quand il avait accédé au trône ; ainsi, pendant longtemps, quoique conscient de cette magie qui le vampirisait, il n’en avait réalisé les effets. Désormais que le temps le rattrapait, prêt à le balayer pour son impertinence, il en sentait toutes les conséquences et chaque heure sur le trône l’affaiblissait un peu plus. C’est à ce fantôme de celui qui fut adulé par son peuple que s’adressait Priyel, narrant d’une voix neutre son rapport sur la disparition de Lajal. En tant qu’homme de confiance du Roi, il avait été chargé par ce dernier de mener sa propre enquête, celle des Gardes Extérieurs n’ayant abouti à rien. La sienne n’avait pas eu plus de succès : la Compagne du Prince avait dansé au réveil avec sa famille, près de la Tour, puis elle avait rejoint Virajel. Quand elle l’avait quitté, elle se dirigeait vers son habitation, à laquelle elle n’était jamais parvenue. Un vent violent avait-il frappé à ce moment précis, lui faisant perdre la tête, puis l’isolant dans des courants difficiles ? Avait-elle été emporté par un monstre, une Bête ailée, ou autre ennemi encore inconnu ? Il n’avait pas l’ombre d’une piste mais ne pouvait s’empêcher de trouver étrange qu’à proximité des domaines des nobles, personne ne l’ait vu, en pleine journée. Ayant terminé son rapport, il attendit la réponse de son seigneur, réponse qui mit plusieurs minutes à parvenir : « Mon fils est raisonnable et sage. C’est ma fierté. Mais tu m’as parlé de cette jeune dame et de l’effet qu’elle a sur lui. Il ne doit pas nuire à sa position, avait ânonné le Roi avant de reprendre, après une brève pause. Il nous faut connaître son sort. Il y a quelque chose d’étrange ; en plein jour, sans raison… Quelqu’un l’aurait vu. Tu as ma confiance. Continue d’enquêter. Si elle est morte, nous devons le savoir. » A ces mots, dont les derniers avaient été difficiles à entendre, même pour les oreilles habituées du Garde d’Honneur, un long temps s’écoule pendant lequel personne ne dit rien ni ne bougea jusqu’à ce qu’enfin, le Roi détourne ses yeux de son serviteur et ami ; ce dernier inclina profondément la tête avant de tourner le dos et de quitter le palais en marchant, réprimant l’envie pressante que ses ailes avaient de s’étendre et de le porter dans les cieux. Il lui fallait garder l’esprit clair, et la situation lui posait un réel problème. Sans qu’il ne puisse l’avouer au Roi, en l’absence de tout élément, Priyel ne pouvait s’empêcher de penser que quelqu’un en Albe savait où se trouvait Lajal. Restait à savoir qui et pourquoi. Ayant franchi la porte du palais, il prit son envol d’un puissant battement d’ailes et, voyant l’ami du Prince, Aryael, se laisser porter par les vents visiblement en direction des domaines nobles, l’homme du Roi décida de poursuivre par là-bas son enquête.
  4. Ignit le Fourbe

    Un petit poème

    C'est... Bizarre. Il n'y a pas de forme classique (le mètre varie à chaque vers) ; je n'y trouve pas de rythme particulier ; pas de rimes, non plus. En soi, ce n'est pas forcément rédhibitoire : le vers libre est une forme tout à fait respectable, mais elle nécessite une maîtrise particulière parce qu'elle requiert de chercher du rythme, et de le casser, mais à sa manière. Ici, quelque chose ne va pas. Je ne perçois pas d'émotion particulière, ou d'idée véhiculée par le poème. Tout ce que j'y vois, ce sont deux lames sous la lune. Mais à ce constat "deux lames sous la lune", je ne vois pas grand chose d'ajouté. En fait, le premier vers suffit peut-être. Bref, la sauce a du mal à prendre chez moi, navré. Cordialement, Ignit. PS : c'est d'autant plus étonnant que les textes sur ton site, auquel je me suis permis de jeter un oeil puisqu'il était en lien dans ta signature, semblent autrement mieux maîtrisés.
  5. Hmm. Normalement, on n'est pas censé répondre aux commentaires, juste poster (et du coup on en profite pour répondre en postant la suite). Sauf qu'ici il n'y a pas de suite, et qu'il y a des commentaires intéressants. Et qu'on est sur un forum. Un forum, c'est un lieu de discussion ; si on ne peut plus discuter, dans un forum de discussion, où va le monde ? Bref, je proteste ici contre cette règle et m'élève contre elle temporairement pour répondre aux commentaires que je lis ici - et en profite pour remercier ceux qui l'ont fait d'avoir lu. C'est difficile, de lire des commentaires / critiques de son texte. D'abord parce que, et je pense ne pas être le seul, j'ai une relation entre l'amour et la haine pour mes textes. Dès qu'un texte est fini, je le trouve dépassé, j'ai envie de réécrire le début pour qu'il colle mieux au style de la fin, puis la fin pour qu'elle colle mieux au style du nouveau début, et ainsi de suite jusqu'à se transformer en serpent de Midgard. Je suis le premier à trouver mes textes médiocres et pourtant, comme tout le monde, poster un texte revient à venir frénétiquement pendant les prochains jours voir si quelqu'un, sur le vaste internet, a aimé ledit texte. Réaction stupide et vaniteuse, mais voila ; c'est comme ça, ai-je envie de dire. Pour ne rien arranger, un simple "C'est super !" me contrariera encore plus (et là encore je ne suis pas le seul) que la plus acerbe des critiques. Bref, tout ça pour dire que c'est difficile de lire des critiques, d'autant plus qu'on va lire des tas de critiques différentes, en des lieux différents, qui vont critiquer des choses différentes, et certaines choses plairont aux uns, déplairont aux autres. C'est amusant, parce qu'ici, ce dernier cas n'est pas de mise. Ce que j'ai le plus lu, c'est la confusion quant à la chronologie, ici ou ailleurs. Et malgré cette relative unanimité, c'est peut-être le point que je compte le moins changer, si d'aventure il me prenait de réécrire ce texte. Tout simplement parce que c'est le point de départ du texte, le thème que je me suis imposé. Un aller-retour passé-présent jusqu'à ce que la ligne "passé" rejoigne le début de la ligne "présent". Ainsi la fin du Chapitre VI, "Il se met aussitôt au travail et, avant de pouvoir s’interroger sur l’absence de réaction enthousiaste de son fidèle comparse, un coup sec à la nuque le plonge dans l’inconscience. La suite, il ne s’en souvient guère ; ni de la tempête, ni de son corps qui, plus par réflexe que volonté, s’est accroché à une planche et s’est laissé dériver jusqu’au rivage de Tilée." précède directement le début du chapitre I. En fin de compte, à relire, il n'y a rien de très compliqué. Les chapitres impairs sont la ligne "présent", les chapitres pairs la ligne "passé" ; l'ordre chronologique est donc 2 - 4 - 6 - 1 - 3 - 5 - 7. Les différences de situation ont même été renforcé par l'emploi d'un temps différent, puisque les chapitres de la ligné présent sont écrits avec les temps du passé et les chapitres de la ligne "présent" sont écrits avec les temps du présent. Ahem. Oui, j'ai peut-être rendu les choses plus compliquées que ne devrait l'être un récit sans réelle profondeur ni importance, sur un forum de récits respectivement sans prétention et sans prétentions. Mais je crois que je ne le regrette pas. Parfois, c'est agréable de devoir s'arrêter un peu, revenir en arrière et remettre les pièces du puzzle. Cela rajoute de l'interactivité et de l'intérêt à un récit qui sinon, n'en aurait guère (d'intérêt, s'entend). Sans compter que tout le ressort du texte est de jouer avec cette chronologie pour masquer la trahison de Khar. Pour revenir à l'autre critique essentielle, celle qui vise les personnages et leur caractère "caricatural", je plaide coupable et non-coupable. A l'origine, l'histoire de ce récit est que j'avais envie de me remettre à écrire après une bonne année de panne, suivant une année peu productive. Des raisons professionnelles m'avaient amené à considérer le thème de la piraterie, et le récit est né. Il n'y avait donc pas d'ambition particulière du point de vue des personnages et j'ai brossé trop vite la plupart d'entre eux. Les druchiis sont druchiiesques, mais à ce point ? Je ne sais pas. Les deux frères aînés semblent se valoir, même si l'un paraît encore plus dangereux et "déchu" que l'autre. Mais les autres ? Notre personnage principal semble quelque peu à part ; il partage des traits fraternels, mais il se lie également d'amitié à Khar, envisage la vie avec d'autres espèces, et c'est eux qu'il choisit à la fin. Khar est au final le plus fourbe de tous, mais il présente tout de même un visage différent pendant l'essentiel de l'histoire : un visage amical. Quels autres druchiis voit-on ? Jeyo, qui est un déserteur se faisant passer pour une vieille. On est donc à trois sur cinq qui ne sont pas si caricaturaux que ça ! Je défends mon bout de gras mais vous rejoins dans le fond ; le travail quant au champ lexical est ridicule et j'aurais gagné à travailler plus mes personnages. Merci en tout cas pour le temps passé à commenter ce texte. De suite, il n'y aura pas ; déjà, il me faut reprendre d'autres récits et d'autres projets de réécriture. Cordialement, Ignit.
  6. Ce n'est effectivement pas forcément le bon sous-forum, mais je suppose qu'un modérateur pourra déplacer le fil comme il se doit. Liste non-exhaustive de ce qui me vient à l'esprit : - Le Cycle des Princes d'Ambre, de Zelazny. Assez difficile à résumer mais vraiment excellent ; le "postulat" de cette série est que la Terre n'est qu'une ombre dans un multivers, projetée par la terre principale : Ambre. Il y a une infinité d'ombres qui en sont projetées (dont la Terre, donc) et seuls les Princes d'Ambre peuvent à loisir voyager à travers les ombres. - A Song of Ice and Fire (le Trône de Fer, en français ; la vo est très nettement supérieure (comme souvent) mais ça reste lisible en français, je suppose). Idem, difficile à résumer : un univers de style médiéval, une quantité assez hallucinante de personnages et une intrigue longue, soignée, et pas finie (ceci dit, il y a de quoi lire, tu as le temps). - Chroniques de Krondor, R. E. Feist : c'est un des classiques, parmi la fantasy. Rien de transcendant ou révolutionnaire mais de vraiment bons bouquins, qui se lisent très bien. - Cycle de Drenaï de David Gemmel - Cycle de Rigante de David Gemmel (même auteur, deux cycles ; une écriture bien à lui, un traitement des personnages assez similaire au fil des livres, mais assez plaisant). Avec ça, tu as déjà une jolie variété de bouquins. Cependant, tout comme le SDA, ce sont des bouquins qui parfois font place à beaucoup de description, etc. (sans tomber dans du Zola). Autre précision : le début du SDA est notoirement décourageant pour les jeunes lecteurs, il faut réussir à passer le passage avec Tom Bombadil et arriver vers Bree pour que ça devienne un peu plus dynamique / plaisant, quitte à lire un poil en diagonale. ,)
  7. Ignit le Fourbe

    Légende

    Premier message pour une version retravaillée du premier extrait. Merci pour les commentaires. Précision cependant : non, un conteur n'est pas "censé" chanter ; surtout, il est par principe erroné de considérer qu'un récit, parce qu'il se situe dans une ambiance fantastique, se situe dans un univers où les codes et les rôles sont les mêmes que dans le nôtre. [b] Légende[/b] Comme souvent, en ces soirs hivernaux, l’auberge était bondée. Placée non loin des quais, nombreux étaient ceux qui s’y donnaient rendez-vous. On y trouvait des voyageurs en transit, des matelots attendant que fondent les neiges et autres individus louches. On entendait cris, rires et chants provenant de l’ancien entrepôt reconverti jusque tard dans la nuit, à l’heure où la ville s’endort paisiblement, comme enveloppée dans un cocon. Les soirées étaient froides dans la Cité Marchande et il valait mieux passer l’essentiel de la nuit à l’abri si l’on souhaitait se réveiller le lendemain. C’était, au fond, une auberge bien comme les autres : une enseigne rouillée qui peinait à en afficher le nom – « la Pause du Matelot » - nom que tous ou presque avaient oublié au profit d’un plus exclusif « l’Auberge des Quais » ; une marche à descendre menait dans une grande salle, bien souvent enfumée ; derrière le comptoir, le tenancier, Eric, était un gros gaillard barbu qui avait suffisamment écumé les mers pour connaître toutes les légendes en vigueur, affirmant même avoir bien connu un des mystérieux Aeves, connus comme les « Anges Errants » ; quant aux serveuses, vulgaires et plantureuses, elles demandaient rarement plus d’une pièce d’argent pour une nuit chaleureuse. Cette position, au croisement des docks et de la rue du Pic qui remontait jusqu’au cœur de la ville, lui offrait un panorama unique auquel s’ajoutait le plaisir d’observer, avant d’entrer, les lueurs vespérales illuminer le port avant qu’il ne sombre dans une macabre obscurité. Il en résultait une bonne adresse que l’on conseillait aux étrangers passant par là. De plus, ces temps-ci, le Sobre Eric – l’origine de ce sobriquet paraît évidente – avait loué les services d’un ménestrel qui échangeait avec plaisir une chambre, un bon repas et à boire contre quelques chansons, contes ou légendes de son répertoire trois soirs par semaine. Ce soir-là, justement, déjà éméché alors que les gardes commençaient seulement leur ronde, brandissant son luth d’une main tremblante, il s’avança sur la petite estrade spécialement confectionnée pour lui. Lentement, le silence se fit dans la salle pourtant remplie. Tycho, délaissa le jeu de cartes – qui avait de toute façon fort peu de chances de le faire gagner – qu’il tenait en main et fit un signe de la tête aux autres joueurs. Il se tourna vers la source de l’attention générale, sirotant sa bière distraitement. Plutôt grand, musclé et endurci par les ans, le taciturne mercenaire se prit à se demander ce qui allait être chanté ce soir et caressa doucement sa Lame-Esprit. « A la demande de notre cher Eric, je vais ce soir sortir un peu du répertoire habituel. Ne soupirez pas d’avance, vous en aurez d’autres, des chants paillards que vous connaissez de toute façon déjà par cœur ! Non, ce soir, vous aurez droit à une histoire que je ne raconte pas souvent : celle de Tarq l’Impitoyable. » Par un effet de contraste saisissant la salle, pourtant agitée par le bruit des chaises et des serveuses apportant des boissons, semblait plongée dans le silence, comme suspendue aux mots du conteur qui, il fallait bien le reconnaître, savait s’y prendre. Tycho avait levé un sourcil en entendant ce nom ; si tout le monde connaissait les grandes lignes de l’histoire, elle était peu racontée dans la région car longue et peu garnie en héros. Finissant d’un trait sa bière, il observa le ménestrel. S’éclaircissant la voix, ce dernier commença : « L’histoire débute il y a de cela deux décennies environ dans le royaume de Keosandre, au sud d’ici. C’était à l’époque l’un des plus puissants royaumes des Terres Sans Repos – et ce n’est plus qu’un petit vassal sans réelle importance, je crois, aujourd’hui. A l’époque ce royaume prospérait tranquillement, se mêlant peu des incessants conflits qui ensanglantent la région depuis des éons. Il y avait bien sûr des escarmouches frontalières, quelques agressions d’armées en déroute mais, la plupart du temps, les habitants vivaient dans une tranquille autarcie. Ils ne pouvaient cependant regarder sans crainte les ambitions de leurs voisins car, et c’est un détail bien trop souvent oublié, de l’or en grande quantité avait été trouvé peu auparavant sur leurs terres. Quoiqu’ayant tenté de garder secret les nouvelles mines, un si juteux renseignement finit par être connu et, la rumeur grossissant, les habitants de Keosandre s’inquiétaient de plus en plus, tant d’une éventuelle agression que de la passivité de leur souverain – que l’on disait plus occupé à compter les gemmes de sa couronne qu’à se soucier du sort de ses sujets. C’est dans ce contexte que survint un individu étonnant, talentueux et au début assez populaire qui portait le nom de Tarq. Tarq était pour ainsi dire un inconnu dans la région, pourtant il n’y était pas étranger. Son teint pâlot, ses muscles fins et noueux et ses minuscules oreilles l’indiquaient à quiconque vivait dans les parages comme un membre de la famille royale : bien peu, cependant, se souvenaient réellement de lui. C’est là le premier mystère qu’il convient d’élucider quant à cette figure qui appartient désormais au folkore : pourquoi diable était-il un étranger en sa province ? Les sources divergent mais je crois pouvoir vous garantir la mienne, amis : je la tiens de Bâfreur – oui, ce Bâfreur, l’ancien Chien de Guerre ; on s’est fréquenté il y a quelques années et, comme il boit presque autant qu’il mange, son surnom ne lui ayant pas été donné pour rien, je connais désormais tout un tas de détails sur ses aventures et ses fréquentations. Mais je m’égare ; pourquoi cette longue absence, donc, et j’ajouterai même pour vous mettre sur la piste, pourquoi cet exil ? C’est quelque chose qu’il a tenté d’effacer des mémoires mais qui, comme tout secret, finit toujours par rejaillir. Sachez donc que, alors qu’il n’était même pas adulte et ne disposait que de quelques poils au menton, il fut mêlé à une sombre histoire familiale ; le détail est peu clair – Bâfreur parle beaucoup quand il est ivre mais les récits sont d’autant moins précis, vous vous en doutez – mais il semblerait qu’on l’ait trouvé avec une parente en visite, dans une position fort inconvenante. Je suppose que l’on fit taire les serviteurs mais Tarq, ce troisième fils désormais renié, fut envoyé vite et loin, pour qu’on l’y oublie. Où le cacha-t-on pour éviter le scandale ? On voulut le faire rentrer dans un des temples de l’Arbre. Dans cette région ravagée par la guerre, le culte de l’Arbre a toujours été assez marginal mais conservait quelques points d’ancrage ; il y fut envoyé et le monde l’oublia. On le sait bien, l’histoire de ce vicieux personnage ne s’arrête pas là ! Combien de temps exactement resta-t-il au temple ? Comment s’en échappa-t-il ? Ce sont des mystères que votre serviteur ne peut se proposer d’élucider. Ce qui est certain, c’est que déjà, Tarq était ambitieux et qu’il fila vers le sud, là où les conflits des Terres Sans Repos battaient leur plein ; là-bas, il se fit mercenaire. Tarq le Mercenaire, ironique, n’est-il point ? Oh, ceux dans l’assistance qui ne savent pas encore pourquoi le comprendront bien assez tôt ! [b]Légende[/b] (suite) Avançons, amis, quelque peu dans le temps ! Une quinzaine d’années ont passé et le royaume de Keosandre a somnolé : les mines d’or ont été exploitées dans le plus grand secret et jusqu’alors, ses voisins trop occupés à se faire la guerre ont décidé de l’ignorer. Ce paisible interlude n’était cependant pas destiné à durer et le royaume voisin de Kujah, dirigé par un seigneur belliqueux et cupide, décida de tourner son regard vers ce discret voisin. Nul ne savait s’il s’agissait d’une agression sans motif autre qu’agrandir son territoire en se servant sur un voisin plus faible ou si nouvelles de l’or de Keosandre avaient fini par parvenir à de mauvaises oreilles ; toujours est-il que l’attaque fut soudaine et qu’une armée kujienne traversa la rivière qui servait de frontière entre les deux pays, s’avançant de manière déterminée droit en direction de la capitale. Sur son chemin se dressait une petite ville dont le temps a oublié le nom ; le général kujien, un cousin du roi, y envoya une avant-garde mais ils y trouvèrent portes fermées, une barricade de fortune barrant le chemin et nulle trace d’habitants. La nuit tomberait bientôt et l’armée entama sa traversée du village pour établir un campement de l’autre côté. Alors que la plus grande partie y était engagée, des toits, des ombres et des fenêtres, flèches et projectiles plus étonnants jaillirent ! Bientôt, le général dut ordonner la retraite face à cette résistance inattendue : ce fut une véritable débandade et, alors que les kujiens reformaient leurs rangs un peu plus loin, les défenseurs sortirent de leurs cachettes. Certains étaient des keosans dans la force de l’âge mais la plupart portaient des tenues de combat, usées par le temps et les voyages, aux couleurs souvent dépareillées. Vous aurez bien sûr deviné qui dirigeait cette insolite résistance. La partie, cependant, était loin d’être gagnée. L’effet de surprise et les rues étroites du village avaient servi mais l’armée kujienne restait supérieure en nombre et un affrontement de plein front aurait été désastreux. Cependant, les esprits devaient soutenir Tarq car le meneur kujien envoya un émissaire, brandissant bien haut son caducée, pour proposer de régler le différend par un duel. Reconnaissant en Tarq des traits noblesques, il lui fut proposé d’affronter le général kujien selon les termes habituels. Il arrivait en effet dans la région, pour éviter des pertes d’armées, que les batailles se règlent ainsi ; chaque participant jurait sur son honneur de noble de livrer un duel honorable et que son armée en respecterait le résultat. En cas de défaite, les keosans laisseraient passer les envahisseurs, se repliant vers la capitale ; en cas de victoire de Tarq, les kujiens repasseraient la frontière. L’émissaire retourna dans son camp : le duel aurait lieu le lendemain matin, à l’aube. Au matin, Tarq sortit, juché sur un destrier noir rapporté de ses campagnes dans le sud, accompagné de quelques-uns de ses hommes et du forgeron du village, qui agissait en guise de représentant. Le meneur kujien à son tour se présenta, escorté de son porte-étendard et de son second. Les deux mirent pied à terre, se firent face et se saluèrent tandis que le prêtre du village entreprit de rappeler les règles régissant de tels duels entre nobles. Alors que Tarq questionnait quelques points « obscurs et mal exprimés » selon ses propres termes – je tiens encore cela de Bâfreur – le reste de ses troupes et les quelques combattants du village prit en embuscade l’armée ennemie. Privée de leurs chefs, les kujiens furent massacrés par les mercenaires ; quant au comte et à ses seconds, Tarq se jeta sur eux dès que les sons des combats retentirent. D’un geste fluide, il dégaina son épée longue et trancha en deux la gorge du chef kujien, avant d’abattre à sa suite le second et le porte-étendard. Tarq, un sourire aux lèvres, rappela au prêtre qu’en tant que fils renié, il n’était pas tenu par l’honneur des nobles et ne se sentait donc pas tenu par tous ces litiges. Le prêtre parut peu satisfait mais une clameur résonna dans tout le village tandis que les restes de l’armée d’invasion étaient pourchassés par les mercenaires. Et cette nuit, dans le petit village keosan, on festoya au nom de Tarq, le Prince Mercenaire. Bientôt, le bruit du retour de ce fils rejeté atteignit la capitale, vers laquelle la troupe mercenaire fit marche.
  8. Si je puis me permettre un conseil : poste l'histoire ici, petit bout par petit bout. D'abord parce que ça permet d'avoir des commentaires au fur et à mesure et plus précis, surtout parce que presque personne n'aura le courage de lire tout ça d'une traite. ,)
  9. Ignit le Fourbe

    Légende

    La première mouture du texte est disponible [url=http://www.les-chroniques.eg2.fr/bibliotheque/fantasy/one-shots-fantasy/896-legende.html]ici[/url]. [b]Légende[/b] Comme souvent, en ces soirs hivernaux, l’auberge était bondée. Placée non loin des quais, nombre de voyageurs en transit, de matelots attendant que fondent les neiges ou autres individus louches s’y donnaient rendez-vous et l’on entendait cris, rires et chants provenant de l’ancien entrepôt reconverti jusque tard dans la nuit, à l’heure où la ville s’endort paisiblement, comme enveloppée dans un cocon. Les soirées étaient froides dans la Cité Marchande et il valait mieux passer l’essentiel de la nuit au chaud si l’on souhaitait se réveiller le lendemain. C’était, au fond, une auberge bien comme les autres : une enseigne rouillée qui peinait à afficher le nom de l’auberge – « la Pause du Matelot » - nom que tous ou presque avaient oublié au profit d’un plus exclusif « l’Auberge des Quais » ; une marche à descendre menait dans une grande salle, bien souvent enfumée ; derrière le comptoir, le tenancier, Eric, était un gros gaillard barbu qui avait suffisamment écumé les mers pour connaître toutes les légendes en vigueur, affirmant même avoir bien connu un des mystérieux Aeves, connus comme les « Anges Errants » ; quant aux serveuses, vulgaires et plantureuses, elles demandaient rarement plus d’une pièce d’argent pour une nuit chaleureuse. Cette position, au croisement des docks et de la rue du Pic qui remontait jusqu’au cœur de la ville, lui offrait un panorama unique auquel s’ajoutait le plaisir d’observer, avant d’entrer, les lueurs vespérales illuminer le port avant qu’il ne sombre dans une macabre obscurité. Il en résultait une bonne adresse que l’on conseillait aux étrangers passant par là. De plus, ces temps-ci, le Sobre Eric – l’origine de ce sobriquet paraît évidente – avait loué les services d’un ménestrel qui échangeait avec plaisir une chambre, un bon repas et à boire contre quelques chansons, contes ou légendes de son répertoire trois soirs par semaine. Ce soir-là, justement, déjà éméché alors que les gardes commençaient seulement leur ronde, brandissant son luth d’une main tremblante, il s’avança sur la petite estrade spécialement confectionnée pour lui. Lentement, le silence se fit dans la salle pourtant bondée. Tycho, délaissa le jeu de cartes – qui avait de toute façon fort peu de chances de le faire gagner – qu’il tenait en main et fit un signe de la tête aux autres joueurs. Il se tourna vers la source de l’attention générale, sirotant sa bière distraitement. Plutôt grand, musclé et endurci par les ans, le taciturne mercenaire se prit à se demander ce qui allait être chanté ce soir et caressa doucement sa Lame-Esprit. « A la demande de notre cher Eric, je vais ce soir sortir un peu du répertoire habituel. Ne soupirez pas d’avance, vous en aurez d’autres, des chants paillards que vous connaissez de toute façon déjà par cœur ! Non, ce soir, vous aurez droit à une histoire que je ne raconte pas souvent : celle de Tarq l’Impitoyable. » Par un effet de contraste saisissant la salle, pourtant agitée par le bruit des chaises et des serveuses apportant des boissons, semblait plongée dans le silence, comme suspendue aux mots du conteur qui, il fallait bien le reconnaître, savait s’y prendre. Tycho avait levé un sourcil en entendant ce nom ; si tout le monde connaissait les grandes lignes de l’histoire, elle était peu racontée dans la région car longue et peu garnie en héros. Finissant d’un trait sa bière, il observa le ménestrel. S’éclaircissant la voix, ce dernier commença : « L’histoire débute il y a de cela deux décennies environ dans le royaume de Keosandre, au sud d’ici. C’était à l’époque l’un des plus puissants royaumes des Terres Sans Repos – et ce n’est plus qu’un petit vassal sans réelle importance, je crois, aujourd’hui. A l’époque ce royaume prospérait tranquillement, se mêlant peu des incessants conflits qui ensanglantent la région depuis des éons. Il y avait bien sûr des escarmouches frontalières, quelques agressions d’armées en déroute mais, la plupart du temps, les habitants vivaient dans une tranquille autarcie. Ils ne pouvaient cependant regarder sans crainte les ambitions de leurs voisins car, et c’est un détail bien trop souvent oublié, de l’or en grande quantité avait été trouvé peu auparavant sur leurs terres. Quoiqu’ayant tenté de garder secret les nouvelles mines, un si juteux renseignement finit par être connu et, la rumeur grossissant, les habitants de Keosandre s’inquiétaient de plus en plus, tant d’une éventuelle agression que de la passivité de leur souverain – que l’on disait plus occupé à compter les gemmes de sa couronne qu’à se soucier du sort de ses sujets. C’est dans ce contexte que survint un individu étonnant, talentueux et au début assez populaire qui portait le nom de Tarq. Tarq était pour ainsi dire un inconnu dans la région, pourtant il n’y était pas étranger. Son teint pâlot, ses muscles fins et noueux et ses minuscules oreilles l’indiquaient à quiconque vivait dans les parages comme un membre de la famille royale : bien peu, cependant, se souvenaient réellement de lui. C’est là le premier mystère qu’il convient d’élucider quant à cette figure qui appartient désormais au folkore : pourquoi diable était-il un étranger en sa province ? Les sources divergent mais je crois pouvoir vous garantir la mienne, amis : je la tiens de Bâfreur – oui, ce Bâfreur, l’ancien Chien de Guerre ; on s’est fréquenté il y a quelques années et, comme il boit presque autant qu’il mange, son surnom ne lui ayant pas été donné pour rien, je connais désormais tout un tas de détails sur ses aventures et ses fréquentations. Mais je m’égare ; pourquoi cette longue absence, donc, et j’ajouterai même pour vous mettre sur la piste, pourquoi cet exil ? C’est quelque chose qu’il a tenté d’effacer des mémoires mais qui, comme tout secret, finit toujours par rejaillir. Sachez donc que, alors qu’il n’était même pas adulte et ne disposait que de quelques poils au menton, il fut mêlé à une sombre histoire familiale ; le détail est peu clair – Bâfreur parle beaucoup quand il est ivre mais les récits sont d’autant moins précis, vous vous en doutez – mais il semblerait qu’on l’ait trouvé avec une parente en visite, dans une position fort inconvenante. Je suppose que l’on fit taire les serviteurs mais Tarq, ce troisième fils désormais renié, fut envoyé vite et loin, pour qu’on l’y oublie. Où le cacha-t-on pour éviter le scandale ? On voulut le faire rentrer dans un des temples de l’Arbre. Dans cette région ravagée par la guerre, le culte de l’Arbre a toujours été assez marginal mais conservait quelques points d’ancrage ; il y fut envoyé et le monde l’oublia. On le sait bien, l’histoire de ce vicieux personnage ne s’arrête pas là ! Combien de temps exactement resta-t-il au temple ? Comment s’en échappa-t-il ? Ce sont des mystères que votre serviteur ne peut se proposer d’élucider. Ce qui est certain, c’est que déjà, Tarq était ambitieux et qu’il fila vers le sud, là où les conflits des Terres Sans Repos battaient leur plein ; là-bas, il se fit mercenaire. Tarq le Mercenaire, ironique, n’est-il point ? Oh, ceux dans l’assistance qui ne savent pas encore pourquoi le comprendront bien assez tôt !
  10. Ignit le Fourbe

    Les bas-fonds

    Il y a du pour et du contre. Dans le pour, ça joue sur le côté bref, ça apporte une chute assez brutale et donc inattendue, etc.. Le récit est également assez original et plutôt pas mal écrit. Dans le contre : - Orthographe (des erreurs de conjugaison assez graves ("il étais"), des problèmes dans la syntaxe ("il soupira, à quoi bon se soucier de l'heure, le temps n'a pas d'importance ici" => soit tu mets deux points après soupira, soit un point ; en tout cas, tu ne sépares pas avec une virgule). - Trop court. C'est paradoxal par rapport à ce que je dis au-dessus, mais je l'assume. L'idée de faire une chute inattendue comme celle-ci n'est pas mauvaise mais pour qu'on s'inquiète ou qu'on s'interroge, il faut que le lecteur soit pris par le récit. Il faut que tu crées quelque chose qui l'intrigue ou qu'il s'attache un minimum aux personnages. Là, sur ces quelques lignes, j'avoue avoir un peu tendance à hausser les épaules parce que tu n'as pas essayé de créer un tel effet. Tu gagnerais peut-être, du coup, à densifier le texte ; qu'on sache à quoi ressemble l'endroit où Dwayne dort. S'ils descendent, ils passent sans doute par une cage d'escalier, je suis sûr qu'il y a moyen d'en faire quelque chose d'intéressant. Egalement, ton premier paragraphe, qui sert d'introduction, devrait être inséré dans le texte, peut-être via les pensées de Dwayne ou via la simple description. Mais en le séparant du corps du texte, tu crées une sorte de distance. - Les changements de registre dans le dialogue. Le même type alterne entre des "je t'en prie" et des "j'viens de finir" ; soit entre du niveau courant, correct et une expression assez familière. Cordialement, Ignit.
  11. Ignit le Fourbe

    Chute

    Vous pourrez trouver la première mouture de ce texte [url=http://ulthuan-naggaroth.forumactif.com/t2879-recit-chute]ici[/url]. La première version avait été postée sur ce forum mais il a dû être avalé avec pas mal d'autres textes quand il y avait eu je ne sais plus quel souci et qu'une partie de la base de données avait été effacée. Ce récit se passe dans le même univers que les autres (cf [url=http://ulthuan-naggaroth.forumactif.com/t2731-recit-projet-d-univers]ici[/url]) mais dans un endroit éloigné de la plupart des autres histoires, et dans un temps également lointain. J'ai effectué quelques modifications quant à la forme, un peu moins quant au fond. On notera cependant que j'ai changé les "chapitres" et "parties" par des actes et des scènes, ce pour renforcer la filiation avec le genre de la tragédie dont s'inspire largement ce texte (unité de temps, de lieu et d'action ; violence "off-screen", etc.). Globalement, si vous cherchez à voir du récit musclé et plein d'action, ne perdez pas votre temps. ,) [b][u]Premier acte[/u][/b] [b] Scène 1[/b] Le soleil se levait à peine et déjà Albe, comme toujours, régnait dans le ciel. Elle flottait là, entre les nuages, par quelque mystérieux artifice, cachée de tous. Dans ce solennel isolement, la Blanche Cité demeurait toujours la même, belle et glorieuse, pudique et pourtant fière. Etait-ce dû à ses intemporelles tours, à son architecture aérienne ou plutôt à ses habitants qui s’y activaient en profitant des courants, laissant parfois le vent les guider sans jamais oublier leur tâche ? C’était un lieu chargé de mémoire et qui pourtant glissait au travers des ans, immuable, vivant à son propre rythme sans se laisser perturber par celui du monde, lointain souvenir presque oublié. Il lui convenait d’exister ainsi, absent de la conscience de tous les autres peuples, retirés d’une terre qu’avaient quitté les Dieux. Ses habitants se plaisaient à cette philosophie, se complaisaient dans ce paisible renfermement. Les Aels formaient un peuple trop divisé pour être qualifié dans son entier : chacune des grandes cités possédait des traits caractéristiques qui la distinguait des autres, qu’il s’agisse de ses mœurs, ses traditions ou ses rites ; elles n’avaient d’ailleurs pour ainsi dire aucun contact entre elles. Il demeurait de commun à cette race un aspect altier, un amour des danses dans le vent, à l’abri des regards terrestres ainsi, évidemment, que ces grandes ailes de plumes blanches qui leur permettaient de vivre à l’abri du monde, qui leur garantissaient le contrôle des espaces infinis du ciel et de ses merveilles. Cachée au creux de massifs nuages, on prétend parfois qu’Albe existait avant qu’un Clan d’Aels ne s’en empare et qu’elle demeurera, éternelle ; pas même les plus érudits des Aels ne savent par quelle magie ces rochers, sur lesquels sont érigés les villes, flottent ainsi. En cette cité, toutes les habitations, toutes les constructions étaient d’un blanc pur qui faisait fierté ; chaque tour était travaillée avec soin, chaque mur arborait une fresque. Quant aux grandes arches, elles permettaient aussi bien de se déplacer en marchant qu’en volant lascivement, or c’était sous la plus grande de ces arches que deux Aels discutaient, visiblement préoccupés. Aryael observait son compagnon et l’écoutait attentivement, conscient du trouble de celui-ci et s’attelant à ne rien laisser transparaître sur son visage aux traits pourtant tendres, comme sculptés dans une roche friable, avec le plus grand des amours ; c’était certes son rôle mais aussi sa fierté que d’être l’ami et le confident du Prince Héritier et il se devait d’être aux côtés de Virajel dans les moments les plus durs, de le conseiller et de l’aider. Lui-même était issu d’une famille qui, depuis des éons, servait la cité dans la Garde Royale ou, occasionnellement, dans les cercles royaux les plus fermés ; il se devait de ne pas ternir l’honneur de sa famille, dont on accueillait généralement le nom par un hochement de tête et un sourire confiant, rassuré. C’était ainsi que fonctionnait la Cité depuis des éons : à sa tête un Roi, toujours issu de la même lignée, assisté par un cercle d’amis issus des grandes familles ; de l’autre côté, la majorité des citoyens d’Albe menaient une vie paisible et agréable. Virajel, en tant qu’unique fils du Roi, savait depuis sa naissance, cinquante années auparavant, qu’il hériterait du trône et guiderait la cité – une tâche qu’il savait plutôt cérémonielle, tant le peuple d’Albe vivait reclus et tranquille, profitant parfois de décennies sans que rien ne trouble le calme de la Blanche Cité. Le rôle royal ne manquerait cependant pas de se compliquer si une nouvelle Tempête Rouge venait à se déclarer, et à dévaster les plus hautes strates des cieux. Encore jeune pour les normes de son peuple, il possédait un visage noble, encadré de cheveux blonds coupés sous la nuque, d’yeux verts rêveurs et surtout de magnifiques ailes, grandes, fortes et majestueuses, qui faisaient bien des envieux. En bien des points semblable à son père, il était sérieux mais d’un tempérament doux et avait toujours grand soin de privilégier le bonheur de tous ; alors que le monarque vieillissant parlait presque ouvertement de l’heure de son retrait, tous accueillaient avec une joie doublée de confiance la perspective du règne de ce Prince si aimable et attentif. Toute sa sagesse et sa bienveillance se trouvait néanmoins mises à rude épreuve par les passions contradictoires qui l’animaient et le poussaient dans des directions opposées. Morose depuis la disparition, un peu plus d’une lune auparavant, de sa compagne Lajal – une jeune femme issue d’une des grandes familles – son cœur avait trouvé un réconfort certain dans le retour d’Yvial, son amie et amour de jeunesse, qui avait été éloignée de lui par de nombreuses années passées dans la Garde Extérieure, rôle consistant à patrouiller aux alentours d’Albe et à veiller à sa tranquillité. Il s’agissait d’une tâche nécessaire et l’ennui lié à cette fonction était compensé par la possibilité pour les Gardes de passer l’intégralité de leur temps à planer au gré des vents. Yvial n’avait pas d’elle-même choisi ce rôle, cependant : elle y avait été envoyée car son rang n’était pas jugé suffisant pour faire d’elle la mère de l’héritier d’Albe. Les relations des Aels n’étaient pas définis par des liens stricts et définitifs, se faisant Compagnon et Compagne lorsqu’ils le souhaitaient tous deux – seuls des enfants issus d’une telle relation pouvaient néanmoins être légitimement reconnus – et se séparant par accord mutuel. Dans le cas du Prince, la première Compagne importait donc beaucoup, car c’est elle qui porterait l’héritier – qui le resterait, quand bien même le Prince déciderait alors de changer de Compagne. La situation actuelle posait pourtant problème : la disparition de la Compagne de Virajel était mystérieuse et avait soulevé de nombreuses questions, causé des myriades de vaines recherches à travers les Cieux mais son état incertain, le Prince ne pouvait se défaire de sa relation avant trois mois sans un signe de vie ; bien entendu, c’était une courte période pour ce peuple qui vivait sans mal de deux à trois siècles mais pour un cœur amoureux, il s’agissait d’une petite éternité. « Je ne sais que faire, mon bon Aryael. Même mes sentiments profonds pour Lajal, les Trois Dieux veillent sur son âme, où qu’elle soit, n’ont jamais atteint ce degré. Je ne peux que rester ici et pourtant, chaque fois que je la vois, que je lui parle, je me sens à la fois fragile, comme affaibli par un venin terrifiant, et féroce, au point que mon cœur semble vouloir briser les chaînes de nos traditions et se ruer. Voilà l’image que je rends : celle d’un Prince, qui va succéder à son père et qui ne sait pas se maîtriser. » Aryael écoutait et observait son seigneur et ami, ne perdant pas un des mots qu’il lui disait mais ne pouvant ôter de son regard une certaine perplexité. Cette fougue, inhabituelle pour son peuple, l’était plus encore pour le jeune Prince dont il connaissait la tempérance et le respect des traditions et qu’il n’aurait jamais cru voir un jour dans cet état, lui faisant part de ces états d’âme et d’un élan aussi soudain qu’inconsidéré. « Mon prince, commença-t-il donc, j’avoue ne pas saisir cette fougue soudaine et, bien qu’au courant de l’idylle de jeunesse que vous avez entretenu avec cette jeune femme, je ne peux que vous rappeler qu’il ne s’est passé qu’un mois depuis la disparition de votre Compagne. Tout espoir de la retrouver n’est pas perdu : il reste deux mois avant que les liens ne soient dénoués. » Il allait continuer mais son Prince le coupa d’une voix vive et, pour la première fois depuis bien longtemps, peu maîtrisée : « Je suis conscient de tout cela, mon ami ; la vérité est que j’éprouve encore un sincère amour pour Lajal et je souhaite de tout cœur qu’elle soit retrouvée mais Yvial… Je pensais l’avoir oubliée et sitôt qu’elle ressurgit, je me trouve totalement bouleversé. Je sais quoi faire, mais je ne sais pas si je le pourrai. » Il marqua une pause, désemparé et gêné de se confier ainsi au risque d’apparaître puéril, même à son meilleur ami mais reprit avant que ce dernier ne puisse avancer un conseil : « Tu as raison, je le sais. Je t’en prie, mon ami, va mander le seigneur Devisel ; il est respecté pour sa sagesse et son expérience, m’aiguille dans mes choix depuis que mes ailes poussent. Il saura me faire entendre raison, j’en suis convaincu. » Sur ces mots et avec un signe entendu de la tête, Aryael s’inclina légèrement et prit son envol d’un puissant coup d’ailes ; comme à chaque fois que ses pieds quittaient le sol et que ses ailes le menaient, une sensation euphorique s’empara de lui, mais il la mit de côté pour aller accomplir sa mission.
  12. Je comprends peut-être mal le passage cité, mais il me semble réduire les choses. Le fait qu'une fleur soit belle parce qu'elle est fleur et non parce qu'elle est bleue ou qu'elle sent bon, ou que sais-je, de base, me semble une conception étrange, ne serait-ce que parce qu'elle part d'une définition de la beauté qui m'est inconnue. Mais soit, admettons que le "monde [soit] beau parce qu'il existe". Le passage cité ne me semble pas traiter de cela, ou remettre cela en question. "Mais les êtres ne chantent rien du tout. /S'ils chantaient ils seraient des chanteurs" me pose problème parce qu'il ne semble pas considérer qu'une caractéristique puisse être accessoire. L'être est, soit. La fleur est, soit. Mais ça n'empêche pas la fleur d'être bleue, l'être de chanter, etc.. Donc quelle est la finalité de ces vers ?
  13. [quote name='SonOfKhaine' timestamp='1349130149' post='2222332'] [quote]"Il dit, par exemple, que les êtres chantent sa gloire, Mais les êtres ne chantent rien du tout. S'ils chantaient ils seraient des chanteurs. Les êtres existent, un point c'est tout, Et c'est pourquoi ils s'appellent des êtres."[/quote] J'aime beaucoup ce passage. Comme vous le dites, il n'a rien de particulièrement anti-chrétien ou d'anti-religieux, c'est une simple constatation pleine de bon sens, à rebours de toutes les théories fumeuses qui voudraient faire dépendre le statut d'être (ou d'humain, ...) de certains conditions arbitraire. [/quote] Moui, 'fin le passage est quand même bien orienté "athée" et surtout n'a aucun sens, ça ressemble juste à un jeu de mots. Ce n'est pas parce que la définition d'être signifie effectivement "exister" (ce n'est pas pour rien que c'est un verbe substantivé et qu'en anglais ça se dit "being", par exemple, soit le verbe être avec la particule -ing) que l'être doit se résumer à son existence. 'fin, ça n'a pas de sens de dire que les êtres ne chantent pas parce qu'il existent ; ils peuvent exister et chanter. Je ne crois pas qu'il soit dit où que ce soit que l'essence des êtres est de chanter à la gloire de Dieu. Du coup, si c'est une qualité accessoire de l'être, l'argument ne tient pas debout parce qu'il n'entre pas en conflit. Je suis un être, je peux chanter ; tout va bien, ce n'est pas parce que je chante que mon essence est d'être un "chanteur". 'fin je ne sais pas, à part y voir un bon mot...
  14. [b]Chapitre Final : Capitaine[/b] Alors que la [i]Veuve Saline[/i] glissait vers le [i]Sombre Voyageur[/i], qui semblait avoir renoncé à semer le navire pirate, Valis Mandoror se rendit une nouvelle fois compte de la flagrante différence entre son nouvel équipage et son nouveau monde, constitué de pirates bruyants et vulgaires. Lorsqu’il s’apprêtait à aborder un navire, autrefois, à bord du vaisseau même qu’il s’apprêtait à attaquer, l’équipage se préparait en silence à l’abordage, renforçant ainsi la terreur des proies à l’approche du prédateur silencieux ; les rustres pirates qu’ils commençaient désormais s’agitaient dans tous les sens, braillaient et rugissaient. Oh, nul doute, cela impressionnait les navires marchands qu’ils arraisonnaient le plus souvent, mais il se rendit compte en cet instant de ce qu’il avait perdu lors de la trahison de son ami. Un coup d’œil au [i]Sombre Voyageur[/i] lui apprit les raisons de sa lenteur ; il semblait avoir subi d’importants dégâts ; le capitaine druchii sentit une colère sourde monter en lui à l’idée qu’on puisse si mal se servir de son navire. Alors que la [i]Veuve[/i] arrivait au niveau du navire druchii, il cria et ce fut le signal de l’abordage ; sans s’en rendre compte, il avait eu recours à sa langue natale, ce qui ne sembla pas déranger son équipage mais interloqua, il le vit, plusieurs des marins du [i]Voyageur[/i]. Dégainant son sabre, Valis se joignit à son équipage et se jeta à l’assaut de son ancienne propriété. Valis avait toujours été un bon combattant mais il s’était mis à briller, ces dernières années ; il y avait eu l’entraînement, les nombreux combats, de taverne ou lors d’abordages, mais surtout ce désir de revanche qui plus que jamais, en cet instant, semblait le brûler de l’intérieur. Son premier adversaire n’eut pas le temps de parer le coup qui le terrassa et il bondit sur le deuxième, qui tomba bien vite. Le reste de son équipage profitait de l’avantage du nombre et de la férocité de l’assaut pour compenser l’avantage martial évident des corsaires druchiis. Sans réellement se soucier de ses hommes, son esprit concentré uniquement sur son but, sur le traître qui l’attendait – il le sentait – Valis fonça et dansa avec les corsaires, une part de son cerveau notant d’ailleurs qu’aucun ne faisait partie de son équipage d’autrefois. Il avança ainsi, donnant la mort sans même y prêter grande attention, sans en retirer le même plaisir que d’habitude. Le goût de cendre dans sa bouche était cependant compensé par l’euphorie à l’idée de reprendre son navire. Il décapita un corsaire qui trainait la patte et se précipita vers une silhouette entourée de deux gardes ; Khar. Il se jeta sur les gardes et s’attendit à ce qu’ils en fassent de même ; Khar recula, laissant les deux corsaires se défendre tant bien que mal contre le druchii enragé. Le premier avait le bras gauche raide, sans doute cassé ; le second boitait. Il s’en débarrassa rapidement et fronça les sourcils, avant de reporter son attention sur Khar. « On dirait que j’ai été trop gourmand, mon ami. » Valis s’étonna en baissant légèrement son arme. « Pourquoi ? Tu m’avais sauvé, autrefois. Je t’ai toujours protégé et ai fait de toi mon second. Pourquoi me trahir ? Mon frère m’aurait récompensé, tu en aurais profité. — Ah, Valis, soupira Khar, un soupçon de déception dans la voix. Je pensais que tu aurais compris. J’ai agi sur les commandes de ton frère. De Kalhad. Il se débarrassait de deux frères, ne voulant aucun des deux en possession de la Lame. Il y gagnait sur toute la ligne, et moi aussi. Tu as été bon avec moi, mais je n’aurais jamais été que ton second si je t’avais été fidèle. Grâce à ton frère, me voila capitaine. Khar désigna le navire d’un geste vague, affichant une moue ennuyée. « Ceci dit, je ne peux pas me targuer d’être un très bon capitaine, je suppose. J’ai évidemment fait changer l’équipage ; ils te respectaient trop. Mais il me manque quelque chose, je suppose. De l’autorité, du charisme… J’aurais dû connaître ma place. Et toi, capitaine de mon-keighs, alors qu’on te croyait mort. » Un instant, Valis ne sut quoi faire. Il avait passé l’essentiel de ces dernières années à haïr son ancien ami, presque autant qu’il avait haï son frère ; et maintenant, il l’avait en face de lui, discutant de la trahison comme d’un acte négligeable, dont il ne regrettait jamais que les conséquences. Une rage renouvelée naquit en lui, depuis son ventre, montant comme un dragon qu’on réveille jusqu’à ce qu’il envahisse l’intégralité de son corps. Il voulut maudire le traître, mais seul un rugissement jaillit de sa bouche alors qu’il se jetait sur celui qu’il avait considéré comme un frère, plus sans doute que ceux dont il partageait le sang. Ce dernier recula d’un pas et bloqua le coup de justesse ; après quelques attaques, il se rendit à l’évidence. Khar n’avait jamais été un grand épéiste et Valis n’avait fait que s’améliorer. Il fit sauter l’épée des mains de son ancien ami et le transperça de son sabre. Alors que celui qu’il avait tant souhaité mort s’effondrait, le druchii se rendit compte qu’il n’était même pas satisfait. Il observa le déroulement des combats ; ses pirates avaient subi des pertes, mais les druchiis étaient sur le point de rompre, certains ayant déjà abandonné le navire. Il digérait lentement ce que Khar lui avait appris. Son frère était derrière tout ceci, celui qu’il respectait et pensait digne de confiance. Sans doute, après avoir utilisé Khar, lui avait-il fourni un équipage de peu d’importance ; il s’était joué de tous, avait obtenu vengeance pour leur père et récupéré la Lame, asseyant sa position. Un coup de maître, nul doute, exception faite qu’il le pensait toujours mort. Ses pirates investissaient le navire et bientôt, ils lui demanderaient s’il avait trouvé la Lame des Profondeurs et le trésor promis. Il sourit intérieurement ; la tromperie devait être de famille. Le cri des mourants s’estompait peu à peu, et le ronronnement de la mer reprenait le dessus. Il avait vécu pendant si longtemps en l’attente de cette vengeance qu’il n’y avait pas prévu de suite. Au fond de lui, il n’était pas apaisé. Les océans étaient grands, mais il retrouverait Kalhad, un jour ou l’autre, car il lui restait une vengeance à accomplir. Avec une moue de dégoût, il regagna la [i]Veuve Saline[/i] et ordonna que l’on coule le [i]Sombre Voyageur[/i]. [i]Tu me penses mort, cher frère ; un jour ou l’autre, tu te rendras compte de ton erreur ; il sera alors trop tard.[/i] Le calme était revenu ; les pirates avaient pillé le navire druchii, puis l’avait sabordé. Le Capitaine Valis Mandoror était prêt à commencer sa légende… et poursuivre sa vengeance.
  15. [quote name='Bombur' timestamp='1347650851' post='2212633'] C'est "il revoit", mais sinon, très joli . Et je ne vois pas de problème dans le onzième vers . [/quote] Treize syllabes. ,) Et/ sa/ froi/de/ com/pa/gne/, sa/ com/pa/gne é/toi/lée ! Mais ce n'est pas le seul vers qui pose un souci. Le poème est joli en soi - je suis fan du deuxième vers - mais j'approuve le souci sur les césures. Je compte 13 sur le premier et 11 sur le troisième. La césure sur "table" est vraiment problématique, en fait. :/
  16. [b]Chapitre VI : La Lame[/b] Plus fort que le vent dans les voiles, plus fort que les incantations de la sorcière montée à bord sur ordre de son aîné, le rire de Valis Mandoror donne le signal de l’assaut. Joyeux, sauvage, féroce, le rire est aussitôt suivi d’une volée de carreaux, tandis que des grappins sont lancés vers le navire elfique. Les deux navires druchiis sont enfin parvenus à rattraper le vaisseau asur, après de longues journées de poursuite en mer, tandis que la sorcière et le mage haut elfe utilisaient chaque tour à leur disposition pour réduire ou agrandir la distance entre proie et chasseurs. Enfin, la frustration et l’attente sera compensée par un bain de sang. A sa droite, à sa gauche, des formes élancées se jettent vers la proie acculée ; sur l’autre flanc du navire asur, l’équipage du [i]Croc[/i], le vaisseau du frère de Valis, en fait de même. Avec un nouvel éclat de rire joyeux, Valis se lance à son tour ; dans son dos, Khar l’imite et atterrit sur le pont de la nef elfique, à sa droite. Le premier mouvement du sabre de Valis verse un augure sanglant sur le pont, tandis qu’un jeune asur aux cheveux pâles s’y effondre, la gorge tranchée. [i]En voilà un qui ne savait pas se défendre.[/i] Tandis qu’à ses côtés, le fidèle Khar s’engage dans un duel acharné avec un marin, Valis saisit une petite hache de lancer et l’envoie sur un matelot qui s’avance vers lui. Le lancer manque le crâne de la cible mais touche l’épaule ; l’impact, quoique ne blessant pas l’adversaire, lui fait perdre l’équilibre et il n’est pas prêt lorsque Valis se jette sur lui, sabre en main droite, poignard en main gauche ; sa garde est brisée, offrant sa gorge à la petite lame du druchii, qui mord la peau et fait jaillir le liquide rouge, aspergeant le visage et l’armure de l’elfe noir. Un sourire satisfait aux lèvres, et sans ennemi à portée de sabre, le jeune capitaine observe le combat. Assailli sur chaque flanc, le gros navire asur semble submergé et les marins peinent à se défendre face aux corsaires qui purgent de longs jours d’ennuis à subir les tours des lanceurs de sorts. Un marin sort de la cale, juste en face de lui, et Valis s’avance tranquillement, savourant d’avance sa nouvelle proie. A sa surprise, c’est pourtant l’Asur qui se jette sur lui, brandissant une grande épée ; un bond en arrière, une garde levée tardivement et Valis perd son équilibre. Alors qu’il tombe, au lieu de reculer, il lance sa jambe et accroche celle de l’Asur qui, ne s’attendant pas au coup bas, manque de tomber à son tour et interrompt son attaque suivante. Au lieu de se relever, le jeune capitaine relance sa jambe, vers le visage de son adversaire cette fois, puis, profitant de la distraction, envoie sa lame vers la nuque du marin, qui ne voit pas le coup venir et meurt sur le coup. Valis se redresse, hésitant entre le plaisir d’avoir vaincu un adversaire et la honte d’avoir trébuché contre un simple homme d’équipage. Il n’a pas le temps de choisir car enfin des cabines sortent ceux qu’ils traquent : une poignée de Maîtres des Epées vêtus de leur armure brillante et portant fièrement leur épée à deux mains, encadrant une silhouette frêle, en robe – le magicien – et un autre Maître des Epées, indiqué par les motifs sur son casque comme leur chef et, plus encore, indiqué par la lame qu’il porte, une épée longue et courbe, d’un bleu sombre et à la garde ornée de gemmes, comme le meurtrier du Seigneur Verus. Valis se reprend et son sourire se fait carnassier. Derrière lui, il entend Khar qui se débarrasse enfin de son marin ; du coin de l’œil, il voit son frère qui a lui aussi aperçu leur proie. Ce sera désormais à celui des deux qui sera le plus vif et le plus habile pour occire l’assassin et remporter le prix. Presque simultanément, ils bondissent en avant et chacun est intercepté par un Maître des Epées. Tahel, brandissant un sabre dans chaque main, entame une danse complexe avec son adversaire dont il se débarrasse finalement en bloquant sa lame vers la droite et en envoyant son deuxième sabre vers le cou de l’asur. Celui-ci esquive tant bien que mal, mais se retrouve en difficulté et n’est en mesure d’arrêter l’avalanche de coups, malgré l’intervention d’un de ses camarades qui engage à son tour le féroce Tahel. Valis, de son côté, parvient après une brève passe à toucher à deux reprises l’une des mains de son adversaire, affaiblissant sa prise et finit par le faire lâcher son arme ; il achève son ennemi, et s’avance, laissant le fidèle Khar aux prises avec son propre Maître des Epées. Il s’approche alors de son réel ennemi, de concert avec son frère honni, quand le mage entame l’incantation d’un sort, et seuls les bons réflexes des deux druchiis leur permettent d’esquiver l’essentiel de la boule de feu sacré qui frappe le pont là où ils se tenaient, un instant auparavant. Avant même qu’ils puissent profiter du répit pour se lancer sur le mage, cependant, un éclair noir en provenance du [i]Croc[/i] frappe ce dernier et la sorcière embarquée sur ordre de leur frère aîné les débarrasse de la nuisance du lanceur de sorts. Partout autour d’eux, les cris des blessés et ceux des corsaires couvrent le bruit de la mer ; au cœur de ce chaos, le Maître des Epées brandit sa propre lame, laissant de côté la Lame des Profondeurs, et se prépare à affronter ses deux adversaires, reculant de quelques pas pour éviter que les cadavres autour de lui ne les gênent. Comme un seul homme, les frères se jettent sur lui et le combat s’engage. L’assaut furieux des sabres des corsaires font reculer l’Asur ; son visage sévère conserve une expression neutre tandis qu’il repousse inlassablement les assauts. Alors que le rythme de la danse ralentit quelque peu et semble devenir régulière, le maître-lame le brise et d’un agile coup de pied, repousse Valis et échange les positions, se lançant à l’assaut de Tahel qu’il repousse rapidement vers le bastingage. Alors que le duel semble prendre l’avantage de l’habile haut elfe, Valis, de retour sur ses pieds, s’approche dans le dos de celui-ci. Prévenu par un sixième sens, l’asur pare cependant le coup vicieux et déséquilibre de nouveau Valis ; la manœuvre permet cependant à Tahel de reprendre l’ascendant et de remettre le Maître des Epées sur la défensive. Progressivement, celui-ci recule, de quelques pas d’abord puis vers les escaliers qui mènent au gouvernail ; les frères l’y suivent et là-bas, le combat reprend, sans personne alentour pour gêner l’affrontement. Valis tente de conserver une attitude confiante mais au fond de lui, il est ébranlé. Dans tous ses plans, tous ses rêves de gloire et de revanche, il avait prévu de nombreuses manières de tuer son frère, de rapporter triomphant la Lame. Jamais ne lui est venu à l’esprit que le meurtrier de son père se devait d’être un fier combattant ; et l’Asur était plus que ça. Le doute de Valis doit se sentir, en cet instant, et sans doute celui, partagé, de son frère Tahel, car le Maître d’Epées balaie agressivement les gardes des épées plus courtes et plus fragiles de ses adversaires, et mord la chair du jeune capitaine. La blessure, située à la jambe, est superficielle, mais suffit à le faire reculer. Sentant son moment, l’Asur accentue la vitesse de ses attaques et brise à la garde une des lames de Tahel, qui ne peut plus guère que se défendre. Les assauts répétés et d’une rapidité irréelle de son épée à deux mains viennent vite à bout de la défense affaiblie du druchii, qui trébuche. C’est cet instant que choisit Valis pour venir – ironie du sort – au secours de son frère et de tenter une attaque dans le dos du Maître des Epées ; celui-ci voit néanmoins encore une fois l’attaque arriver et la pare sans difficulté, envoyant bouler l’elfe noir. Le regard de Tahel, toujours empreint de cruauté, se remplit d’une terreur subite. Cet Asur est la Mort ; le Fléau des Mandoror, un véritable génie du combat. Il perçoit plus qu’il ne voit la lame s’élever au-dessus de sa tête, prête à frapper. Pourtant, rien ne vient. Quelques secondes passent et l’Asur s’écroule, un carreau planté dans le sternum, profondément enfoncé malgré la cotte de mailles. Il s’effondre. Il ne faut que quelques instants à Tahel pour reprendre ses esprits et utiliser ses mains endolories comme appuis pour se redresser. Avant de tomber à nouveau, inerte, un carreau de la même arbalète dans la gorge. Valis sourit à son ami ; Khar se dresse là et incline la tête, comme pour un salut. Il pose l’arbalète et reprend la Lame des Profondeurs, au sol à ses pieds, que les duellistes avaient laissé derrière eux. Il n’a pas à ouvrir la bouche que déjà, Valis est sur ses pieds et s’approche du cadavre de son frère. « Une intervention parfaite, mon ami. Ne reste plus qu’à améliorer la mise en scène, pour éviter toute esclandre avec l’équipage du [i]Croc[/i]. Et à nous la gloire, Khar ! » Il se met aussitôt au travail et, avant de pouvoir s’interroger sur l’absence de réaction enthousiaste de son fidèle comparse, un coup sec à la nuque le plonge dans l’inconscience. La suite, il ne s’en souvient guère ; ni de la tempête, ni de son corps qui, plus par réflexe que volonté, s’est accroché à une planche et s’est laissé dériver jusqu’au rivage de Tilée.
  17. Ignit le Fourbe

    Elsweyr

    Bonjour à toi et bravo, d'abord, pour ce début de texte ma foi fort sympathique. Globalement bien écrit, aucune faute d'orthographe ne m'a sauté aux yeux et agressé sauvagement les mirettes ; bref, à ce niveau là, tout va bien. Quelques petites choses me dérangent cependant : - D'abord, je ne suis pas certain que le résumé du début soit réellement nécessaire. Ce que tu y écris, on est censé le comprendre par la suite et tu nous ôtes quelques éléments de surprise quant à ce qu'il va se passer. Cela t'induis aussi à ne pas t'attarder sur la description des personnages, ce qui est un peu dommage puisque ce sont censés être les personnages principaux. - Pour l'essentiel, la forme est agréable à lire. Cependant, certains passages sont un peu étranges car un peu en dessous. Exemple : "Il portait une robe brodée de motifs magiques. Un mage certainement. Et un mage alchimiste. Un homme pour lequel certains avaient payé. Dans le but de le faire mourir." ; ici, tu accumules les phrases supra-courtes et les phrases nominales, sans réelle raison, ce qui gêne franchement la lecture. - Il y a aussi quelques efforts à faire lorsqu'il s'agit de présenter l'Univers. Tout ce qu'on sait ou presque se situe dans le résumé, or le résume ne fait pas partie du texte. Il va donc falloir intégrer des explications et une "mise dans l'ambiance" dans le texte. Citer des noms de Royaume par exemple est un bon moment pour décrire un peu le royaume, ses caractéristiques, etc., pour qu'on puisse associer le nom à quelque chose. Balancer juste un nom n'est pas très utile parce qu'on va aussitôt l'oublier, si on n'a pas quelque chose à quoi le rattacher. Dans la première sous-partie, tu ne le fais pas, et c'est un peu dommage, en revanche tu le fais pour Skingrad dans la deuxième sous-partie, et c'est une bonne chose. De la même manière, tu devrais faire attention aux poncifs de l'Heroic Fantasy. Les personnages sont décrits comme des "Elfes Noirs", mais c'est tout ce qu'on sait d'eux. Du coup, en l'absence d'explication quant à ce qu'est un Elfe, et ce qu'est un Elfe Noir, on se retrouve de manière quasi-automatique à se les imaginer comme des Elfes warhammer, l'elfe cliché de la Fantasy. C'est un petit peu dommage, parce que ça prive ton univers d'une forme d'originalité, puisque tu le rattaches toi-même inconsciemment à d'autres univers semblables. Ce que je veux dire, c'est que même si, dans ton univers, les Elfes ressemblent aux Elfes de Warhammer, il est préférable de décrire leurs caractéristiques, parce que ce n'est pas censé être évident. ,) - Il y a quelque chose sur le déroulement que je ne comprends pas : les deux font le même rêve, soit. A la fin de la première sous-partie, on apprend que Siris est dans le Royaume d'Aendor et qu'il a fait un mauvais rêve, partagé par Rhëya qui elle se réveille "dans une lointaine cité". Et la sous-partie suivante se passe dans le même Royaume d'Aendor, quelques heures plus tard et le personnage qu'on suit est Rhëya. Comment fait-elle pour passer de sa lointaine cité de pierre noire à celle-ci en quelques heures ? - La scène de l'assassinat me pose problème également. Elle est trop théâtrale et de fait trop "cliché". Pourquoi est-ce que Rheya attire l'attention du mage ? Pourquoi ne pas juste passer derrière et le tuer avant qu'il ne réagisse ? Si elle a un arc, pourquoi ne pas le tuer à l'arc, dans la ruelle, pendant qu'il a le dos tourné ? La réplique elle-même "Je suis le messager de la mort" est franchement, et tu m'excuseras, digne d'un mauvais film de série B. Je veux dire, c'est cliché, pas effrayant ni classe pour deux sous. Et pourquoi s'embêter à parler ? Et pourquoi, après lui avoir transpercé le coeur d'une lame placée sous sa main, qui fait couler du sang sur son bras, s'éloigner pour sortir une flèche et la caler entre ses deux yeux, puis se re-rapprocher pour graver un truc ? C'est une perte totale de temps... Je comprends qu'il faille donner un peu d'action, plus palpitante que "Rhëya s'approcha furtivement et trancha la gorge du magicien." mais dans ce cas, tu peux en faire un ennemi plus résistant ! Il peut trébucher sur une pierre, ce qui fait manquer son coup à Rhëya et entraîne une courte scène d'action, etc.. Il y a des tas de manière de rendre plus compliqué et donc plus agréable visuellement un combat à sens unique comme celui-ci, mais il ne faut pas perdre en cohérence. Un assassin qui appelle sa cible avant de la tuer, ça ne se voit que dans les films hollywoodiens, et encore. ,) Voila, je pinaille beaucoup mais globalement c'est agréable à lire. En attendant la suite, Fourbement, Ignit.
  18. [b]Chapitre V : Pirate[/b] Le pont de la [i]Veuve Saline[/i] était balayé par un vent fort et froid qui manqua de déséquilibrer un matelot. Reprenant sa position, il jeta un œil derrière lui et se remit au travail en constatant que le Capitaine n’avait rien manqué de sa glissade. Valis Mandoror sourit : cet équipage ne valait pas son ancien, les féroces druchiis qu’il commandait à bord du [i]Sombre Voyageur[/i], mais il avait appris à le craindre et à le respecter. Il regarda vers le sud et [i]vit[/i] ce qu’il cherchait, malgré la distance. Il fit signe à son second, un gaillard râblé à la moustache grisonnante, et lui donna les instructions. Peu après, le vaisseau pirate s’orienta vers le sud, vers sa proie et le butin convoité. Il avait commencé à bord de la [i]Veuve Saline[/i] comme simple matelot, près de deux ans auparavant, peu après son arrivée à Sartosa. Une fois à quai, il avait remis au capitaine du petit navire de contrebande la somme convenue pour le transport. Sa dette réglée, il s’était dirigé vers le centre de la Cité des Pirates, se fiant aux instructions données par le capitaine. La « vieille Jeyo » - l’expression avait arraché un sourire à Valis – était semblait-il connue des marins, leur fournissant herbes médicinales et concoctions diverses, ainsi que mixtures aux effets plus néfastes, quand le besoin se faisait. Il n’avait guère eu de mal à trouver la bicoque d’aspect étrange qui lui avait été décrite et y était entré, après avoir frappé deux fois. La boutique était petite, sombre et charriait une odeur nauséabonde, fruit des émanations des différentes potions entreposées çà et là, et des senteurs marines de l’extérieur. Une voix chevrotante lui avait souhaité la bienvenue depuis un coin sombre de la pièce. L’aspect de la boutique avait certes amusé Valis, mais pas autant que le sursaut de la vieille quand il avait répondu une salutation en Drukh-Eltharin. La dernière fois que la [i]Veuve Saline[/i] avait fait escale à Sartosa, la vieille Jeyo y tenait toujours sa boutique et l’île ignorait toujours tout de son identité. Cela faisait partie du marché : Valis avait tenu sa langue, comme convenu. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour choisir la [i]Veuve[/i] comme son futur navire. Même parmi les pirates, sa race avait mauvaise réputation, et n’importe quel capitaine ne l’aurait pas accepté. Celui de la [i]Veuve[/i] était alors un grand tiléen du nom de Sheol, une brute à la peau mate couverte de cicatrices de taille et d’origine diverses – lorsque le navire était coincé en pleine mer et que le vent refusait de souffler, il racontait à l’équipage l’origine de l’une ou l’autre de ses blessures. A la recherche d’un équipage prêt à braver les mers du Sud, il n’avait pas rechigné longtemps à recruter quelqu’un comme Valis, en dépit du mépris que suscitaient ceux de sa race parmi les autres populations. Il avait eu le droit au mépris de la part de l’équipage, d’abord. Il avait même dû se défendre, à plusieurs reprises, contre des tentatives de passage à tabac. La troisième fois, c’était un grand impérial, large comme deux hommes et aux mains en forme de marteaux qui s’en était pris à lui, la veille du départ, sous le regard amusé du capitaine – probablement soucieux de savoir si sa nouvelle recrue valait le coup. Il avait esquivé l’attaque et, avait frappé vicieusement l’humain à l’avant du genou. Sa jambe cassée, il avait dû être remplacé à la va-vite par un autre matelot, mais le capitaine n’avait pas semblé lui en tenir rigueur, et le mépris s’était peu à peu transformé en respect parmi l’équipage. --- La [i]Veuve Saline[/i] voguait depuis deux jours vers le sud quand Valis sortit de sa cabine. La vigie ne l’avait pas encore repéré, mais il [i]voyait[/i] déjà sa proie. Une joie féroce s’empara de lui : sa patience allait être récompensée. Il avait fallu près de deux ans pour que Sheol ne s’éteigne suite à un repas dont il n’avait manifestement pas assez surveillé la provenance. Une telle mort n’était guère digne de chansons et l’équipage avait livré son corps à la mer avant de déterminer qui serait le prochain capitaine. C’était là que Valis avait tenté sa chance : alors que celui qui était déjà second à l’époque s’adressait à l’équipage d’une voix chevrotante, et qu’une recrue récente promettait monts et merveilles si la [i]Veuve[/i] s’orientait vers la Lointaine Cathay, il s’était glissé félinement à l’écart des autres et avait pris la parole. Avec le temps, il s’était mis à parler très aisément le tiléen et c’est ainsi qu’il choisit de s’adresser aux pirates, qui s’étaient retournés vers lui. Il leur parla alors de la Lame des Profondeurs, du trésor qui l’accompagnait et de la gloire dont ils allaient se couvrir. Avec l’arme entre les mains et les créatures des mers à leur botte, la [i]Veuve Saline[/i] règnerait en maître sur l’océan. Peu de pirates résistent à de tels discours. Un cri de la vigie l’avertit que leur proie était enfin à portée de vue. Il n’avait pas pris la peine d’expliquer cela à ses pirates, mais Jeyo, c’était sa part du marché, lui avait remis une substance magique. La poudre ingérée lui permettait de chasser un objet, ou qu’il soit, à condition de connaître son nom. Un rictus carnassier au visage, le corsaire druchii constata que la poudre marchait bien : la [i]Veuve Saline[/i], canons armés, s’approchait maintenant dangereusement du[i] Sombre Voyageur[/i], et de la vengeance du Capitaine Valis Mandormor.
  19. Absolument pas constructif, mais si je puis me permettre, je conseillerais de poster les poèmes petit à petit, plutôt que tous d'un coup, pour ne pas effrayer les couards comme moi. ,) Et ça permet aussi d'obtenir des commentaires plus construits, poème par poème.
  20. Ignit le Fourbe

    Sur la tombe de Dieu

    Celt a dit l'essentiel. Ma conclusion sera néanmoins plus rude : j'aurais vraiment tendance à te conseiller de reprendre le texte, surtout le deuxième. Le problème, c'est qu'on n'a pas de narration suivie. La première "partie" est un résumé, façon visite touristique, ensuite on a une petite biographie du personnage, et enfin on arrive à "l'action", qui n'en est en fait pas. Moralité : il ne se passe rien dans cet extrait. J'ai tendance à ne pas être un fan de récits truffés de dialogues et d'action à en vomir, mais quand tu postes un morceau de ton récit, il faut qu'il y ait une finalité. Que ça parte de quelque part et que ça arrive quelque part. Ici, comme on commence par un résumé et qu'on a ensuite une biographie, l'extrait commence en fait à la toute fin et se termine quelques lignes après. Et encore, ce qui se passe, c'est une ellipse. Un peu difficile d'accrocher à la lecture et à tant d'information si on n'a pas une "carotte" à laquelle se raccrocher. J'avoue avoir un peu eu du mal sur la fin, et je n'ai absolument rien compris aux histoires de quête qu'il est en train d'accomplir, etc.. L'histoire en elle-même - grosbillisme mis à part, c'est un sujet tout autre sur lequel je ne me prononcerai pas - n'a rien de mauvaise, au contraire. Tu as inventé un univers, qui a l'air d'avoir ses spécificités, tout ça c'est intéressant. Maintenant, il faut que tu l'amènes et que tu nous fasses la visite au détour d'un récit. Exemple caricatural : ton personnage doit rejoindre l'une de ses recrues à tel endroit. Il y arrive en passant devant le palais, cela te donne une occasion de décrire le palais. Il avance un peu et croise quelque chose qui évoque le sorcier "role-model", hop tu cases cette partie de l'histoire, etc.. Si tu as plein de choses à raconter, plein de background à donner, fais-le en l'insérant dans le cadre d'une action continue, qui se déroule au fur et à mesure, qu'on n'ait pas l'impression que les choses soient données gratuitement, de but en blanc. Ici, la première ligne du texte fait penser que tu t'adresses directement au lecteur, puis tu ne fais plus usage d'un tel procédé, ce qui laisse penser à une simple maladresse... Voila donc mon avis : garde ta trame, tes idées, ton histoire mais ordonne ton récit. Ou plus exactement, fais un récit. Remarques annexes : - A la fin, tu introduis plein de personnages en à peine deux lignes. A la fin de la deuxième ligne, le lecteur a oublié l'intégralité, parce qu'il y en a trop et qu'ils ne sont pas décrits. Un sorcier, ça parle vaguement mais un guerrier-dragon, dans ton univers, je n'ai pas la moindre idée de ce que c'est, etc.. Un procédé très simple et très cinématographique pour présenter des personnages, c'est de les examiner tour à tour. "Il y avait d'abord Truc, assis sur le tonneau, au fond. Machin sourit en le regardant astiquer son épée à garde en forme de dragon, symbole de son ordre. Truc était en effet un guerrier-dragon, héritier de l'ordre antique de Blabla. Machin l'avait rencontré lors de ses pérégrinations au pays de Chose, etc.. Non loin de Truc, dans l'ombre, Machin reconnut le vieux Bidule, un sorcier [...]" ; tu saisis l'idée ? Grosso modo : prendre ton temps pour les décrire, donner un peu de contexte derrière plutôt que de les énumérer. Si tu veux qu'on s'intéresse à ton histoire, il faut lui donner des personnages, de la vie. Un personnage principal avec une histoire, soit, mais également des personnages secondaires qui peuplent cet univers. Juste dire que dans sa bande il y a "4 sorciers, 5 voleurs, 3 guerriers et 2 multiclassés barde-rôdeur", c'est un peu dépourvu de vie. - Il y a un gros problème au niveau de la forme. De manière générale, le texte n'est pas trop mal écrit. Cependant, tu insères des phrases ultra courtes, voire nominales (aka "phrases sans verbe") çà et là, sans raison valable. Ca gêne vraiment la lecture, en général, à moins de se lancer dans un récit très particulier fondé sur ce genre de martèlement de phrases courtes, etc.. Résumons : à moins que tu n'aies une raison très valable de le faire, évite globalement les phrases courtes / nominales. Ne te lance pas dans les phrases de cinq lignes pour autant, ça peut être tout aussi gênant quand ce n'est pas un poil maîtrisé. Sujet, verbe, complément, c'est une base qui fonctionne très bien. Si tu veux composer ta phrase de deux propositions, voire trois, soit. Pas plus, pas moins. - Autre réel problème, la gestion des niveaux de langage. Tu écris un récit assez classique et donc majoritairement dans un registre soutenu / courant. Sauf que tu insères des expressions très familières ou très orales, voire complètement déplacées. Des peintures qui "témoignent d'un niveau exceptionnel", par exemple, c'est vraiment une manière très peu convaincante de nous dire que ce sont de magnifiques peintures. Ponctuer d'un "Rien que ça.", ça ne va pas non plus, ou alors le narrateur se met à faire des interventions et il ne peut se limiter à ça. Je crois que ce qui m'a le plus gêné, c'est le "milieu ultra-concurrenciel" ; ça fait HEC / prépa, ou que sais-je du XXe/XXIe siècle, pas univers de fantasy. A noter que tout cela n'a pas pour vocation de "casser" ton envie d'écrire, au contraire. Lis ce forum, et tu constateras que peu nombreux sont les textes qui suscitent des critiques détaillées. Ton texte n'est pas parfait, loin de là, il y a même beaucoup à améliorer. Mais s'il y a place pour de la critique et pour de l'amélioration, c'est qu'il y a un contenu qui peut aboutir à quelque chose de très bien. Quand on poste un texte, ça fait toujours un peu de mal de le voir critiqué assez durement mais ce dont il faut se souvenir c'est qu'une critique négative et argumentée, même si on n'est pas d'accord avec tout ce qu'elle dit, aide cent fois plus qu'un "waouh c'est trop cool la suite la suite !!". Bien cordialement, Ignit.
  21. [quote] C'est bien gentil de trouver de la profondeur au gouffre mais d'une part comme le dit Nietzsche "Je n'aime pas les poètes, ils troublent leur eau pour qu'elle semble profonde.", et d'autre part le mal est par définition quelque chose de mauvais pour l'Homme, ça peut être intéressant de s'en souvenir.[/quote] Dans la catégorie tautologie, "le mal c'est quelque chose de mauvais" remporte une palme, je crois. ;p
  22. Je ne sais pas trop quoi penser de ce poème. Le fond me plaît bien, c'est léger malgré l'emploi de multiples tournures traditionnellement solennelles (les "Ô etc." qui entrent en contraste avec les appellations plus familières, comme "Petite feuille de papier" - ça a un côté affectueux), c'est évocateur et ça parle probablement à toute personne qui a écrit ou essayé d'écrire de la poésie. A côté de ça, j'avoue que je ne suis pas très convaincu par la forme. Plus exactement, j'ai trouvé le rythme assez dérangeant et désagréable à la première lecture. Mais pour l'avoir relu deux ou trois fois en écrivant ce bref commentaire, je reviens un peu sur cette première impression. Bref, je n'en sais rien. ;p
  23. [quote name='Tar Mineldur' timestamp='1344438072' post='2189288'] Pal, je te suis pas/plus du tout dans ton envolée lyrique nietzschéenne. Ce qui est grand dans l'Homme, c'est ce n'est pas l'intensité de la vie qu'il mène. Si c'est vraiment ça qui te fait rêver, pourquoi ne pas prendre les armes tout de suite et te battre et mourir pour quelque chose en quoi tu crois ? Ça serait intense tu sais ? Je caricature, bien sur, mais c'est juste que cette histoire de bonheur qui se trouverais par delà le bien et le mal dans un monde haut en couleur, ça me semble trop post-moderne pour être honnête. Trop hérité du culte du plaisir contemporain d'une certaine façon. Le cheminement de l'Homme vers la lumière me semble, lui, beaucoup plus intéressant. C'est sur ce chemin que l'Homme s'accomplit. Et c'est justement ce que prétend ce poème quand il explique que tu seras un Homme (au sens de "homme accomplit") si tu rempli un certain nombre de conditions qui sont autant d'étape sur le chemin pré-cité. Enfin je crois... (Nos jours heureux). [/quote] Je ne crois pas que c'est ce que dit Pal : si je suis bien, l'idée est plutôt que promouvoir un monde plein d'hommes tels que Kipling les souhaite, ce serait plus que rasoir. C'est un peu grossier comme manière de dire - mon expression, s'entend - mais il y a quelque chose d'intéressant sur le fond. Cela ne veut pas dire que chacun doit faire ce qu'il veut et vivre à fond, mais qu'un excès dans un sens - tout le monde qui cède à toutes ses passions - ou dans l'autre - chacun maîtrise ses passions - ne serait pas forcément bon. De toute façon, essentiellement, ce ne serait pas réalisable. Mais est-ce que ce serait seulement souhaitable ? Je pense qu'il y a quelque chose que vous avez tous saisi, c'est qu'il y a dans cette vision deux Hommes. Il y a l'Homme que l'on est naturellement, et l'Homme que l'on devient. En somme, un homme "naturel" et l'Homme "accompli". Le poème entier va dans ce sens : il prône l'endurance, il prône la modération (en cela, je rejoins le commentaire original, il est empreint d'un idéal qui se rapproche de la sagesse antique et d'un [i]in medio stat virtu[/i] aristotélicien [mais du coup, pas stoïcien ;p ]). Je trouve surtout qu'il va dans une idée d'affrontement. Kipling va dans un idéalisme : sous le couvert du "you'll be a Man my son!", il propose une vision de ce que doit aspirer à être un homme, selon lui. Ce n'est pas un idéalisme sociétal, cependant, puisque presque chacun des éléments de son poème met en opposition cet "homme idéal" aux autres hommes. La vision est donc, au final, assez pessimiste, à mon sens. Mais c'est là que je vais rejoindre Pal : hormis le caractère clairement idéaliste - ce que décrit le poème, ce n'est pas ce que l'on doit être pour être un Homme mais ce que l'on doit aspirer à être pour être plus qu'un homme - et relativement irréalisable, est-ce que c'est seulement souhaitable ? En fait, plus exactement, ce qu'il faut c'est se demander d'où l'on prend ses conseils. Cela a également été dit, on peut rapprocher le "you'll be a Man, my son" d'un comportement infantilisant, à l'égard des peuples colonisés (pour resituer le poème dans son époque). Mais quand on le lit, et qu'on considère le contenu du poème, il faut également se demander, de notre point de vue, d'où viennent ces conseils, d'où viennent ces certitudes. En quelque sorte, ne pas se laisser berner par ce côté infantilisant pour prendre nécessairement les conseils pour argent comptant. J'ai pour ma part un peu de mal avec cette vision d'un "homme accompli". Si je prends le modèle d'homme que donne Kipling et l'homme lambda qui est sous-entendu, j'ai dû mal à en dégager un qui est meilleur que l'autre - et encore, l'opposition dans ce poème est tellement caricaturale que mon propos est un peu difficile. Je ne trouve pour ma part pas de critères objectifs qui permettent d'affirmer que l'homme qui se maîtrise, qui ne réagit pas, qui s'en fiche d'être haï, qui ne prend pas offense de quoi que ce soit, qui verrouille toutes ses émotions, que cet homme est supérieur à celui qui vit ses émotions comme tout un chacun. C'est intéressant, parce que c'est cette figure du vieux sage qui est très commune dans notre folklore / culture, que l'on retrouve beaucoup dans le vieux magicien de fantasy (Gandalf) et même dans Star Wars : l'idéal auquel aspirent les Jedis est clairement comparable à l'idéal auquel aspire l'homme de Kipling. Sauf qu'à ne réagir à rien, est-ce qu'on ne se coupe pas du monde ? Sans partir dans des idées de plaisir ou quoi que ce soit, j'ai un peu de mal à imaginer une vie où l'on n'est atteint par rien, ne réagit par rien. Au final, on ne ressent plus rien. C'est ça, d'être un homme ? Pour moi, être un homme, c'est justement réagir, ressentir, vivre. Parfois être raisonnable, parfois ne pas pouvoir l'être. Je ne vois pas en quoi la maîtrise est un chemin vers une "lumière", seulement vers un idéal de sagesse très occidental, hérité de la pensée gréco-romaine par ailleurs. Cela me semble plus être un chemin vers la négation de ce qui fait l'homme : toutes ces émotions, toutes ces passions.
  24. [b]Chapitre IV : Héritage[/b] Il règne à bord de Malédiction une ambiance sinistre alors que la flotte de raid s’approche, ramenant le fruit des pillages sur une ville côtière d’Ulthuan. Le jeune capitaine Valis Mandoror – depuis peu en effet, il dirige son propre navire, le [i]Sombre Voyageur[/i] – sait pourquoi, mieux que quiconque. La nouvelle est parvenue la veille, par un petit navire dépêché en éclaireur – et en messager. Un peu en retrait, sur les quais de la formidable cité volante, il attend avec les autres nobles et dignitaires le retour des pillards. [i]J’aurais dû en être.[/i] Son poing se ferme et se rouvre machinalement, comme pour expulser la rage qui l’anime. Une malheureuse coupure, gagnée lors du précédent raid, l’a retenu à bord de l’Arche Noire, l’empêchant de se joindre à l’armada menée par son père. Et dire que ce minable keigh-mon savait à peine manier son arme : après avoir défait trois autres gardes de la ville humaine qu’ils attaquaient, il avait glissé dans le sang de l’une de ses victimes, écopant une vilaine entaille avant de trancher la gorge de l’impudent. La blessure ayant été mal soignée, sur le moment, et il avait dû garder le lit, une fois de retour à l’Arche Noire, l’empêchant de prendre part à un raid que tous attendaient. A l’évidence, son équipage lui en voudrait pour un certain temps. Le premier sur les rivages d’Ulthuan depuis des années. En silence, il maudit une fois de plus le Dynaste, Kern Sombrevague, qui dirige l’Arche Noire, un politicien de Naggarond effrayé par son ombre, n’osant jamais rien. [i]Et maintenant… Voilà qui ne va rien arranger.[/i] Il est un peu en retrait et fait les cent pas. Les navires approchent, mais il faut encore attendre et il se sent sur le point d’exploser. Un coup d’œil à son frère aîné, Kalhad, lui apprend qu’il n’est pas le seul dans cet état. [i]Une rude passe pour lui aussi.[/i] La défection de l’assassin spécialement délégué à l’Arche Noire, un certain Jeyo, lui a valu de sévères remontrances par le seigneur Sombrevague. A voix basse, Valis grogne. Les navires arrivent enfin à quai. Il va désormais falloir qu’ils s’arriment, que les capitaines descendent, dont le capitaine Tahel Mandoror, son deuxième frère. Il s’imagine déjà la figure faussement attristée que ce dernier va afficher et se rend alors compte qu’il lui faudra toute la maîtrise de son corps pour ne pas sortir son arme et l’égorger sur place. [i]Je n’ai pas oublié, cher frère, la tentative de noyade. Je n’ai pas oublié.[/i] Quoique les druchiis aient un rapport particulier à la famille, Valis s’est toujours plutôt bien entendu avec Kalhad – notamment parce qu’en tant que plus jeune frère, il n’a jamais réellement été une menace. Tahel, en revanche, est connu pour sa cruauté et son ambition, ses conflits avec Kalhad ayant causé la mort d’un certain nombre de sous-fifres. [i]Et désormais que Père est mort et que Kalhad est donc le chef de la Maison, cela ne va pas aller en s’arrangeant.[/i] Enfin, les capitaines descendent et Valis repère directement son frère. Grand et musclé – façonné par une vie de corsaire, à bord de son navire, il aurait sans doute été beau sans ce parfum maléfique colorant son visage. Cela fait trois ans, désormais, qu’il a tenté de le faire noyer, pourtant Valis n’a jamais réussi à en trouver l’exacte raison. A-t-il voulu frapper Kalhad au travers lui, montrer que le fratricide ne lui faisait pas peur ? A-t-il craint que Valis ne cherche à se débarrasser lui-même de ses frères ? Autant de questions auquel le jeune druchii n’a pu trouver de réponse. Une fois les capitaines à quai, le corps est descendu et un silence pesant s’installe. Le redouté Verus Mandoror est amené devant le cortège de nobles mené par le seigneur Sombrevague et Kalhad Mandoror lui-même. Valis s’approche alors, désireux d’écouter le récit de la mort de son père. « Nous sommes tombés sur la ville comme des rapaces sur une proie, commence un vieil elfe noir, le second de son père. Elle sommeillait et nous avons pris en embuscade les tours de garde, les empêchant de donner l’alerte. Cela aurait pu être le raid parfait, mais une troupe de Maître des Epées résidait en ville ; ils ont organisé la défense et nous avons bientôt dû battre en retraite, avec seulement de quoi remplir la moitié de nos cales. C’est leur chef qui a vaincu le Seigneur Verus ; il y a perdu une oreille et une bonne dose de sang mais il est passé sous sa garde, alors que nous le pensions vaincu. Il lui a entaillé la jambe profondément et le Seigneur Verus a perdu trop de sang. Nous avons pu récupérer son corps, car le Maître des Epées blessé a dû battre en retraite. Cependant… Il a récupéré son sabre. » Le silence se prolonge. Le Seigneur Verus est célèbre pour ses faits d’armes, mais également pour son épée magique, la Lame des Profondeurs, un sabre ancien, qu’il a acquis dans sa jeunesse et dont il a fait depuis l’emblème de sa famille. Valis attend encore quelques instants puis, en ayant assez entendu, se retire. --- Trois jours ont passé quand Valis croise enfin Khar, son fidèle Khar, son second à bord du Sombre Voyageur, qui a pris part au raid à bord du navire de son frère. « Il n’y a pas encore eu de sang versé, lui narre-t-il, mais je m’attends au pire. Kalhad a été privé de son héritage, de ce qui faisait directement de lui l’héritier de Père. La logique eut voulu qu’il hérite en conséquence du vaisseau de Père mais il l’a laissé à Tahel. En contrepartie, Tahel a pour mission directe de récupérer la Lame des Profondeurs. » Khar prend quelques instants pour peser la situation, dont il avait déjà entendu des bribes. « Alors tout s’est passé pour le mieux, non ? Tu as hérité de l’anneau de ton père, Tahel a le navire et est envoyé au loin, à pourchasser une épée magique, tandis que Kalhad prend la tête de la famille à bord de l’Arche Noire. — En théorie, oui. Mais si Tahel récupère la Lame, il l’utilisera à coup sûr pour faire valoir sa légitimité en tant qu’héritier de Père. — Et ton rôle, dans tout ça ? » Valis se fend d’un sourire. « Je chasse la Lame avec mon frère… Et Kalhad m’a confié la mission de lui rapporter directement. » [i]Je n’ai pas oublié, cher frère. Et ma revanche approche.[/i]
  25. [b]Chapitre III : La traversée[/b] Après avoir survécu à la mer déchaînée, accroché à une planche de mauvais bois, affronter la pluie et fuir les coups de tonnerre semblait une partie de plaisir à Valis. Malgré tout, il se sentait trempé jusqu’à la moelle de ses os et aurait accueilli avec plaisir un bref répit. Les nuages qui drapaient le ciel l’empêchaient de savoir exactement quelle heure du jour ou de la nuit il était, mais il devinait que la journée s’était achevée il y a peu : les portes de la ville lui seraient sans doute encore ouvertes. Il n’avait pas perdu de temps, une fois le vieil homme mort. Il avait enfilé les habits, un peu trop courts, de celui-ci et laissé le cadavre entre quelques rochers. Non loin, il avait trouvé un creux, dans lequel il avait déposé sa précieuse cape et les quelques vêtements typiquement druchiis qu’il portait lorsqu’il s’était échoué sur le rivage, même s’il doutait de pouvoir jamais les y récupérer. Il n’avait gardé que sa chemise de mailles, qui disparaissait derrière l’ample vêtement de l’humain. Il s’était accordé quelques instants pour fouiller le chariot et, n’y trouvant rien d’intéressant, il l’avait poussé dans le fossé après avoir détaché le cheval. Il avait alors galopé vers la ville, empruntant le chemin inverse de celui qui avait amené le vieil homme jusqu’à lui. Il avait craint qu’entrer dans Luccini pose problème ; qu’on lui demande d’ôter sa capuche, qu’on s’étonne alors de ses traits. Les humains n’avaient aucune raison de porter les siens dans leur cœur. En cela, cependant, la tempête fut sûrement une aubaine, car le garde le laissa entrer sans poser la moindre question. C’était un homme d’âge mur, les joues empourprées par l’alcool, l’air hagard. Il se contenta de l’observer quelques instants à travers le loquet avant d’ouvrir la lourde porte et de la refermer aussitôt qu’il l’eut franchi pour retourner à son poste, à l’abri de la pluie torrentielle qui martelait inlassablement la ville. Valis repéra bien vite du regard une taverne. Pour l’heure, il était difficile de savoir comment les prochains jours allaient se dérouler, mais un cheval ne lui serait d’aucune utilité, où il allait. Tandis que de l’or supplémentaire dans la bourse, déjà bien remplie, du mort, cela lui servirait sans doute plus. Il confia, avec un sou d’argent, son cheval au garçon qui travaillait apparemment là. Par un temps pareil, chacun cherchait refuge et les tavernes étaient un havre de chaleur où attendre la fin de l’orage, un verre à la main. Aussi celle-ci était-elle particulièrement bondée et il fallut un moment à Valis – et de nombreux regards curieux – pour attirer l’attention du tavernier, un homme grand et sec. Les tractations ne furent pas longues – il n’avait pas la moindre idée de la valeur d’un cheval par ici, ce qui ne l’aidait guère – et Valis ressortit presque aussitôt, suscitant d’autant plus de regards étonnés. Les druchiis ne fréquentent pas, ou très peu, les humains mais un corsaire sait écouter. Le plus jeune des frères Mandoror avait appris les bases de la langue impériale, et la parlait à peu près correctement – même si son accent avait sans doute fait sourciller l’aubergiste. Il connaissait également le nom de leurs principales villes, et leur réputation. A Luccini, il n’avait rien à gagner. En revanche, s’il traversait le bras de mer qui séparait ladite ville de Sartosa, la Cité des Pirates… --- Arrivé sur le quai, toujours battu par une pluie qui lui semblait toutefois faiblir quelque peu, l’elfe noir ne mit pas longtemps à repérer exactement ce qu’il cherchait. Au bout du quai, loin des lumières des tavernes qui faisaient face à celui-ci, des hommes s’affairaient près d’un navire de petite taille : on l’avait bien renseigné. Il sourit. Il y a des manières d’obtenir des renseignements fiables, et les druchiis étaient très bons en ce domaine. Après avoir vendu son cheval, il s’était dirigé à l’instinct vers la direction qui lui semblait être celle des docks, quand, au détour d’une ruelle, deux silhouettes sombres s’étaient approchées de lui, menaçantes. La première, la plus large, tenait devant lui un surin et, malgré le peu de lumière, on devinait sur son visage un sourire carnassier. Personne, cependant, ne prononça le moindre mot. L’humain se contenterait, semblait-il, de son cadavre et des affaires qu’il y avait dessus. Quelque part, Valis le comprenait. [i]Je n’ai pas l’air très imposant, recourbé dans ce vieux manteau, trempé par la mer et par le ciel.[/i] Le brigand au couteau se propulsa en avant en un instant, ne doutant pas une seconde de son opération. Un couteau contre un adversaire fatigué et désarmé. Pourtant, sa proie avait sans doute vu bien plus de combats qu’elle. Un combat à mains nues, contre un adversaire armé d’une lame, même petite, est bien mal engagé. Non seulement la moindre erreur donne lieu à une plaie, parfois à une blessure mortelle, mais la lame donne presque toujours un avantage d’allonge. L’erreur, cependant, est de croire que la proie ne va se battre qu’avec ses mains vides. Alors que l’inconnu plongeait en avant, levant sa lame pour la planter au niveau de la gorge, Valis lança son pied gauche vers la jambe droite de son assaillant, le faisant tressaillir et le ralentissant, autant à cause de la douleur, vive quoique supportable, qu’à cause de la surprise. Cela permit au corsaire d’éviter la lame, en reculant le haut de son corps, avant de saisir fermement le bras armé et de le tordre vicieusement. Quelques instants plus tard, l’homme gisait au sol, la gorge tranchée, et Valis s’avançait vers le complice, le mauvais sourire ayant changé d’hôte. Un garçon de mauvaise vie comme celui-ci se devait de savoir ce genre de choses et put donc lui apprendre qu’un navire partait bien en direction de Sartosa, cette nuit même, à une heure où personne n’inspecterait sa cargaison. L’elfe noir le remercia en lui épargnant toute souffrance, lorsqu’il lui ôta la vie. Valis approcha du navire d’un pas tranquille, observant les silhouettes qui le chargeaient en silence. Le capitaine fut facile à repérer, debout sur le quai, surveillant les opérations auprès d’un type massif qui grondait des ordres d’une voix sourde. Les négociations ne durèrent pas longtemps ; les contrebandiers étaient pressés et la somme proposée pour le transport suffisamment alléchante pour ne pas trop être matière à réflexion. Il paya une poignée de pièces à l’embarquement, ayant affirmé qu’il n’avait rien de plus sur lui, et paierait le reste à l’arrivée. Il espérait éviter ainsi de se faire poignarder et jeter à la mer pendant la traversée. Avant de se retirer dans la petite cabine qui lui avait été laissée, Valis se tourna vers le capitaine : « Vous connaissez bien Sartosa, Capitaine, je suppose ? Un hochement de tête lui répondit, tandis que le contrebandier surveillait ses hommes du regard. « Je cherche une vieille femme, une vendeuse d’herbes et de substances… parfois toxiques. Une dénommée Jeyo. Vous sauriez où je peux la trouver ? »
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