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Warhammer Forum

Race et sang chez Tolkien


Poupi

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Comme il parait qu'il ne faut pas rester sur un échec, j'aimerais proposer d'ouvrir un topic consacré à un thème qui revient souvent dans les discussions au sujet de Tolkien, que ce soit sur un forum ou dans le monde réel : la présence de races, de qualités transmises par le sang, etc... Non pour faire une compilation de ces caractéristiques raciales, comme un autre topic avait déjà commencé de le faire ( http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=194692 ) mais pour critiquer et commenter la présence de cette thématique dans l’œuvre. Histoire de baliser un peu la chose, j'aimerais autant qu'on ne traite pas ici de la question de savoir si Tolkien était raciste (la réponse étant évidemment non, mais peu importe). Il s'agira de s'intéresser en priorité à l’œuvre de Tolkien, pas à sa biographie.

Je commence donc à livrer quelques considérations personnelles sur le sujet, avec le style qui est spontanément le mien.



Petit avant-propos sur la race dans la littérature

Je m'excuse d'avance de ces quelques lignes qui ne considèrent pas Tolkien directement mais que je réutiliserai plus loin ; c'est que je pense que nombre de contresens faits sur son œuvre sont du à notre culture contemporaine, complètement déconnectée de la culture millénaire du Professeur : pour nous, "race" est un terme scientifique ou pseudo-scientifique, alors que pendant des siècles, il s'agissait d'un terme culturel et millénaire, en fait un strict synonyme du mot "peuple" ; on pouvait parler de "la race française" sans que ce soit une théorie "raciste" au sens moderne du mot.
Pourquoi ce terme ? Parce que l'imaginaire identitaire des peuples se construisait autour d'un ancêtre commun, d'une parenté commune, et que le mot "peuple" ne véhicule pas dans son étymologie, contrairement à "race". Cela se retrouvait dans bien des termes de langues classiques : en latin, gentes désigne aussi bien les membres d'un même peuple que d'une même famille, en hébreu, bagoyim, les nations, signifie littéralement "semences". Cette parenté, si elle devait s'exprimer à travers un vocabulaire sanguin et proprement généalogique, pouvait tout à fait être culturelle et sans véritable lien de sang ; à Rome, en acquérant la citoyenneté, on pouvait devenir Quirites, c'est à dire descendant de Quirinus (l'autre nom de Romulus).
Cela me semble capital pour comprendre l'absence de scrupule avec laquelle Tolkien emploie le mot "race" : pour lui, ce terme ne renvoie pas d'abord aux débilités pseudo-scientifiques du XIX, mais aux grands cycles épiques (qui sont souvent des cycles identitaires) dont il s'inspirait.

Vous me direz, chez Tolkien, les qualités numénoréennes se transmettent par le sang, pas par la culture. C'est vrai, mais il faut souvenir que son œuvre est une œuvre littéraire et poétique, pas historique ou scientifique. Or, dans les connotations que véhiculent la littérature, les différents symbolismes se croisent, y compris ceux associés au sang.
En effet, le sang, dans la culture, véhicule deux significations très différentes : il y a d'abord la signification généalogique, le sang de la famille et des origines, de la collectivité ; et, de façon presque opposée, le sang est vu aussi comme le siège de l'âme, de la personnalité vivante : c'est ce sang là qu'on offre en sacrifice, et c'est pour cela que Juifs et Musulmans n'en consomment pas (Noé se voit autoriser de rompre le végétarisme originel de l'humanité en consommant la chair des animaux, mais le sang, le siège de la vie propre, n'appartient qu'à Dieu). Pour synthétiser ça d'une formule un peu pourrie, je dirais que dans notre culture, le sang représente à la fois le sang qui coule dans les veines, la généalogie, le peuple, la race charnelle, et le sang versé sur l'autel, le sang comme siège du sacré, de l'âme, de la force vitale.
Dans les discours rationnels qui fonctionnent par dénotation, comme la philosophie, ces deux significations sont soigneusement distinguées ; mais dans les discours qui fonctionnent par connotation, comme la littérature, la poésie, la mythologie, bref toute la culture humaine, les deux se confondent (c'est le principe de la connotation : confondre des significations normalement distinctes). Du coup, pour parler de la hauteur spirituelle d'un individu, on va parler de sa hauteur généalogique ; cela se voit particulièrement bien en français dans l'adjectif généreux, qui signifie littéralement "de bonne race", mais qui, avant même d'avoir le sens assez précis et amoindri qu'il a aujourd'hui, désignait un homme ayant le sens de l'honneur. Je développe un peu avec quelques références extérieures à Tolkien, mais qui me seront utiles par la suite : rien n'illustre mieux, à mon avis, la connotation qu'effectue l'adjectif généreux entre son étymologie charnelle et son sens spirituel que son emploie dans le vocabulaire de Descartes, qui l'utilise pour désigner une qualité substantiellement spirituelle (je m'excuse platement auprès de ceux qui sont allergiques à ce genre de vocabulaire :) ), c'est à dire que dans le dualisme radical qu'est celui de Descartes, la générosité est une qualité qui ne concerne que l'âme et en aucune façon le corps ; et cependant Descartes, pourtant rationnel et dénotateur s'il en est, parce qu'il manie une langue française marquée par la culture et la poésie , emploie pour désigner cette qualité spirituelle (en fait la faculté de toujours bien user de son libre-arbitre) un mot dont l'étymologie renvoie au sperme et à l'acte copulateur.
Pour illustrer encore un peu ça, et présenter un exemple poétique de ce que je blablate, on observe la même chose dans ces célèbres vers du Cid de Corneille : "Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées / La valeur n'attend point le nombre des années."
Ce qui m'amuse beaucoup, dans cette expression, c'est que Corneille semble ouvrir et développer la connotation entre le sang généalogique et le sang spirituel qui, chez Descartes, n'est présent que dans l'étymologie : dans un discours métaphysique, "âmes bien nées" passerait pour un paradoxe, les âmes n'étant pas générées comme les corps ; mais dans un contexte poétique, c'est tout naturel d'associer les qualités de l'âme à celles de la généalogies. Chez Corneille (et cela sera utile pour comprendre certaines choses chez Tolkien), ce vers a aussi une valeur méta-littéraire, il justifie les codes de la tragédie ; car ce qui distingue la tragédie de la comédie, à l'époque, ce n'est pas la fin de l'histoire (Le Cid a une fin heureuse, par exemple), c'est la façon dont les personnages sont représentés : dans la tragédie, les hommes sont montrés meilleurs qu'ils ne le sont dans la réalité, dans la comédie, ils sont montrés pires qu'ils ne le sont dans la réalité. Ainsi, Corneille justifie le fait que les personnages tragiques soient tous de noble ascendance : c'est parce que, étant généreux, ils doivent, poétiquement, être de bonne race.

Je m'excuse de cet étalage de confiote, j'espère que vous en verrez l'utilité dans les lignes suivantes.


Le personnage d'Aragorn

Aragorn me semble être le meilleur moyen d'aborder l’œuvre de Tolkien avec le biais que j'ai choisi. Une des choses que j'apprécie énormément, dans le Seigneur des Anneaux, c'est que tous les personnages ne sont pas construits de la même façon dans leur rapport au lecteur : certains sont clairement conçus pour faciliter l'identification au personnage (typiquement, les différents personnages hobbits), d'autres représentent des pulsions bien plus repoussantes (Gollum, Arachne, etc...) et d'autres sont tout simplement trop hauts pour qu'on puisse espérer les atteindre, ce sont comme des idéaux de perfection, des personnages tragiques au sens classique du mot. Aragorn est le parfait représentant de cette dernière catégorie : il est, pour le dire avec un vocabulaire de kevin, trotrofor, trotro-courageux, etc... Et là où il est conçu d'une façon tout à fait tragique et poétique, c'est d'une part que sa perfection physique s'appuie sur une perfection morale (dans la même scène que j'ai déjà citée, Rodrigue dit encore "J'attaque en téméraire un bras toujours vainqueur, / Mais j'aurai trop de force, ayant trop de coeur." : ces mots pourraient tout à fait décrire Aragorn), et d'autre part, que Tolkien assimile son sang comme siège de sa grandeur personnelle à son sang comme généalogie : Aragorn est trotro-généreux, il doit donc, poétiquement, être de trotro-bonne race : son arbre généalogique est aussi glorieux que son être personnel : il a le sang des Rois de Numenor, des Elfes, même des Maïar dans les veines, simultanément qu'il est fort, intelligent, miséricordieux, juste, etc...
Cette confusion entre le sang comme siège de la personnalité et le sang généalogique apparaît de façon peut-être encore plus flagrante dans le personnage de Faramir, dont il est sous-entendu qu'il a bien plus de sang numénoréen que son frère Boromir, ce qui est généalogiquement et rationnellement absurde ; mais c'est qu'ayant une âme plus forte, poétiquement, sa généalogie doit être meilleure aussi ; je trouve qu'ici, ce jeu de connotations sanguine devient franchement amusant, parce qu'à force de faire coïncider le sang comme siège de l'âme et le sang comme lien familial, Tolkien en vient implicitement à établir des différences généalogiques entre deux frères de sang ! (enfin, moi, en tout cas, ça me fait bien marrer).


Les Orques

Parlons donc de ces pauvres créatures maltraitées par leur auteur. En réalité, si le Professeur n'a jamais été totalement satisfait de la place des Orques dans son légendaire, dans toutes ses esquisses à leur sujet, il y avait une seule constance : les Orques sont des êtres dé-générés, c'est à dire qu'ils constituent en fait moins une race qu'une non-race. Je m'explique : j'ai dit que le vocabulaire racial s'employait dans la culture pour donner un imaginaire généalogique à des réalités identitaires ; mais justement, les Orques ne se caractérisent pas par leurs liens avec un ancêtre mythique, mais par la brisure qu'il y a entre eux et leurs ancêtres (les Elfes). En cela, la conception des Orques est tout à fait contraire aux imaginaires racistes, qui visent à établir des liens positifs entre telle race et tel ancêtre ; par exemple, les salauds qui justifiaient la traite négrière en reliant l'esclavage à la malédiction de Cham, l'ancêtre mythique de la race noire, ou les versions pseudo-scientifiques de ce mythe, qui voient différents foyers d'origines des différentes races humaines ; les Orques, eux, ne se définissent pas par des liens positifs avec leur généalogie mythique (du style "nous partageons la malédiction de notre ancêtre" ou "nous avons les caractéristiques scientifiques de notre foyer d'apparition"), mais par des liens négatifs, par une rupture de la lignée généalogique (les êtres corrompus et dégénérés par Morgoth). Le commentaire de Gandalf qui affirme que "rien originellement n'a été crée pour être mauvais" doit entre autres être lu à la lumière des thématiques raciales du Seigneur des Anneaux : les différentes races, les différents genres, sont des constructions positives, à la fois généalogiquement et spirituellement ; et le Mal arrive par une dé-générescence, par une perte de la positivité raciale.
Bref, dans ce propos, je disais en somme que de la même façon que la beauté physique, poétiquement, peut représenter la beauté morale, de la même façon, la grandeur ou la misère généalogique peut, poétiquement, représenter la grandeur ou la misère morale ; rien n'illustre mieux l'une comme l'autre de ces connotations que les Orques, êtres à la fois vils (c'est à dire associant laideur physique et morale) et dégénérés (c'est à dire associant misère généalogique et misère spirituelle). D'une certaine façon, Tolkien, en tergiversant tout au long de sa vie sur les origines des Orques, s'est retrouvé prisonnier de sa propre poésie (un peu comme lorsqu'il insinue qu'il y a des différences généalogiques entre Boromir et Faramir) : il est aussi difficile de trouver des ancêtres aux Orques que de leur trouver des qualités spirituelles.

Généralement, les gens acceptent plus facilement l'idée que la beauté physique puisse représenter poétiquement la beauté morale, que l'idée que la grandeur généalogique puisse représenter la grandeur morale (ces deux idées se retrouvant parfaitement illustrées, positivement et négativement dans les exemples d'Aragorn et des Orques). Pourtant, alors que pour théoriser la connotation entre beauté physique et beauté morale, il faut passer par l'épouvantable langue grec et son kalokagathos, pour théoriser la connotation entre généalogie et grandeur personnelle, il suffit de rester dans notre belle langue française et son lexique de la générosité.




Voilà voilà, ça devrait être suffisant comme point de départ... évidemment, tout ce que je dis est contestable, et même franchement personnel : je conçois tout à fait que pour certains, s'appuyer sur Descartes et Corneille pour commenter Tolkien relève du farfelu, voir de l'impertinent. Bref, à voir si certains veulent contester mes propos, ou les compléter de considérations personnelles, ou embrayer la conversation vers d'autres éléments du légendaire (paske y'a pas qu'Aragorn ou les Orques, à avoir des origines raciales, chez Tolkien). :)

Modifié par Peredhil
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Salut,

J'ai gober tout ce que tu a dit, mais le manque de sommeil t'a fait écrire une petite couinerie :flowers: :

Faramir, dont il est sous-entendu qu'il a bien plus de sang numénoréen que son frère Boromir, ce qui est généalogiquement et rationnellement absurde ; mais c'est qu'ayant une âme plus forte, poétiquement, sa généalogie doit être meilleure aussi ; je trouve qu'ici, ce jeu de connotations sanguine devient franchement amusant, parce qu'à force de faire coïncider le sang comme siège de l'âme et le sang comme lien familial, Tolkien en vient implicitement à établir des différences généalogiques entre deux frères de sang ! (enfin, moi, en tout cas, ça me fait bien marrer).



C'est absurde avec le sang, mais avec la génétique ça ne l'est pas. Entre frères et soeurs on a pas tous le même groupe sanguin, et pour prendre un cas que je connais personnellement, sur une fratrie de 4 enfants dont un issus d'une relation hors mariage, c'est celui la qui ressemble le plus physiquement a son père. Disons que chez Tolkien, les caractéristiques numénoriennes étant génétiques, si tu commence a mélanger avec du gondorien, tu héritera plus ou moins de ces caractéristiques, même si c'est seulement ton arrière grand mère qui a du sang gondorien.

Donc ça ne me semble pas absurde.

Les Orques



Tu oublie le caractère tragique de la vie des orcs, ils savent ce qu'ils sont, ils servent le seigneur noir parcequ'ils n'ont pas le choix, ils ont peur, ils sont terrifiés. Faut imaginer içi une armée d'enfants qui ont été torturés et brisés par leur père et qui lui obéissent par crainte. Lorsque le pouvoir du père s'affaiblis ils tentent d'échapper à son emprise (dialogue de Golbag et Shagrat). Les psychologues ramassent des enfants destructeurs, incapables de se construire ou de créer quelque chose tellement ils ont été traumatisés, les Orques sont ces enfants. Ils sont violents et plein de haine pour les "autres", ceux qui sont "bienheureux" comme tu dit.

On peut encore y voir une allusion a la guerre de tranchée, avec certains soldats qui craquent complètement, qui refusent le combat, et l'autre partie qui deviens ultra violente, pleine de haine, capable de réduire l'ennemi en bouillis ou de coller une balle à un supérieur pour leur avoir dit "bonjour, comment allez vous ?".


Ils iront aussi dans les cavernes de Mandos, dans un coin à part probablement sans espoir de réincarnation.



Très bonne réflexion sinon. J'ajouterais un petit mot sur les Numénoriens en général un peu plus tard.


Tricotos,
Willy il a une âme

Modifié par Peredhil
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"bouh Tolkien le vilain raciste".



Pour remettre ce qui a été mis dans l'autre fil, la mise en avant de Tolkien alors qu'on discute de son oeuvre est une simple manoeuvre de diversion.
On peut être un mangeur de viande et écrire un guide sur les restaurants végétariens.

L'oeuvre existe en tant que telle. Pas la peine de se cacher derrière son auteur. L'oeuvre, elle, est ce qu'elle est. Et comme dit ailleurs, on peut trouver pire. Très facilement. Modifié par Peredhil
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Je suis d'accord avec Tricotos : Faramir (de même d'ailleurs qu'Aragorn "trent-neuvième après Isildur en droite ligne, pourtant plus proche d'Elendil que tous ses prédécesseurs") possède de caractéristiques différentes de son frère pour des raisons qui relève d'une logique qui pourrait ressembler à une logique génétique (un peu comme si des "traits moraux" qui seraient "dormants" ressortent chez lui et son père après plusieurs générations) et pour des raisons que je lierai (peut-être à tort) à la 'providence' (Faramir est Faramir et Aragorn est Aragorn parce que des individus comme eux étaient nécessaires à cette époque).

Sinon excellent exposé :) comme d'habitude : même si j'aurais été incapable de le produire je comprends très bien ce que tu veut dire (et je n'ai rien contre ton style) et je l'approuve plutôt.

Je relève quand même des provocations sur l'origine des Orques, j'ai toujours préféré biaiser sur ce point (par sagesse ou par lâcheté?) mais je trouve un peu culotté d'écrire "les Elfes corrompus et dégénérés par Morgoth" de façon aussi affirmative après le "Orcs are not elvish" du professeur. Je sais c'est du HS mais justement autant éviter les affirmations aussi péremptoires sur ce sujet sensible pour éviter de faire déraper le sujet. Dans le même ordre Tricotos : le devenir des Orques après leurs mort est un mystère...

Je remarque le goût de Tricotos pour les explications psychologiques/sociologiques/biographiques qui explique les fréquentes altercations avec Poupi le littéraire (pour résumer grossièrement), tant mieux ça anime le forum :lol:

Souterrien :
(Lucius : je sais qu'on dit de ne pas "nourrir le troll" mais j'ai du mal à considérer que certains alimentent une polémique par pure malveillance, même derrière un écran)
Relis le passage de Sam et du Suderon et ose proclamer que Tolkien possède en lui une once du déterminisme racial proclamé par les nazis! Il parle d'une bataille "des Hommes contre les Hommes", quand bien même certains sont basanés et d'autres sont des Dunedain...
Pourtant je ne suis pas sûr que Tolkien ait été à l'aise avec un gendre camerounais. Tu vois : pas besoin de "cacher l'oeuvre derrière son auteur" (ce qui n'a pas de sens d'ailleurs).

Modifié par Peredhil
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Citation

L'oeuvre existe en tant que telle. Pas la peine de se cacher derrière son auteur. L'oeuvre, elle, est ce qu'elle est. Et comme dit ailleurs, on peut trouver pire. Très facilement.


Encore une fois, ce que tu dis est assez abstrait, et j'ai du mal à comprendre où tu veux en venir ou ce que tu veux démontrer précisément sur l’œuvre "qui est ce qu'elle est" (certes, mais encore ?)

Sinon :

Citation

Faramir, dont il est sous-entendu qu'il a bien plus de sang numénoréen que son frère Boromir, ce qui est généalogiquement et rationnellement absurde ; mais c'est qu'ayant une âme plus forte, poétiquement, sa généalogie doit être meilleure aussi ; je trouve qu'ici, ce jeu de connotations sanguine devient franchement amusant, parce qu'à force de faire coïncider le sang comme siège de l'âme et le sang comme lien familial, Tolkien en vient implicitement à établir des différences généalogiques entre deux frères de sang ! (enfin, moi, en tout cas, ça me fait bien marrer).


C'est absurde avec le sang, mais avec la génétique ça ne l'est pas.

 


Dans le contexte de la narration du Seigneur des Anneaux, avec le jeu d'auteur interne, lorsque l'auteur interne (normalement Frodon devenu historien) explique que Faramir a plus de sang numénoréen plus qu'aucun autre de ses contemporains, et que le récit, avec son énorme parallèle/contraste entre Boromir et Faramir, insinue franchement que Boromir est dans lesdits contemporains, la génétique n'a rien à voir là-dedans, c'est complètement anachronique.
Dans un contexte antique comme le SdA, le sang au sens familial désigne des liens de filiation, pas des réalités microcellulaires. Boromir et Faramir ayant strictement la même ascendance, il est absurde que l'un jouisse de davantage de filiation numénoréenne que l'autre.
Je cherchais entre autre, dans mon propos, à dire justement qu'il ne faut absolument pas lire les histoires de sang dans le SdA de façon moderne et scientifique, mais de façon littéraire, poétique.

 

Citation


Ils iront aussi dans les cavernes de Mandos, dans un coin à part probablement sans espoir de réincarnation.


La sotériologie des Orques est aussi embrumée que leur généalogie. Perso, je trouve ta position très tranchée en la matière, quand on voit les hésitations de Tolkien lui-même à ce sujet. Des origines comme de la destinée des Orques, on a que des brouillons malhabiles du Professeur, pas de doctrine établie.

je trouve un peu culotté d'écrire "les Elfes corrompus et dégénérés par Morgoth" de façon aussi affirmative après le "Orcs are not elvish" du professeur.


Tu as 100% raison, mea culpa. Je voulais dire que ce sont des êtres dégénérés (la seule constance dans les multiples esquisses à leur sujet).

 

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Post passionnant comme on en voit trop peu. :)

Je rebondis juste sur deux choses (merde, trois en fait, avec l'édition):

Aragorn est trotro-généreux, il doit donc, poétiquement, être de trotro-bonne race

Ce que tu dis en fait, c'est que le personnage d'Aragorn est censé s'inscrire dans la continuité de la littérature chevaleresque médiévale, que les érudits anglais (et donc a fortiori, un mec comme Tolkien) connaissent fort bien. Pour qui s'est tapé de longues heures d'histoire des genres littéraires britanniques à la fac ;), on perçoit facilement comment Tolkien a cherché à renouveller et mélanger certains genres chers à la tradition. Pour au final créer quelque chose qui semble nouveau, sans l'être tout à fait, ce qui fait tout son charme.

Le commentaire de Gandalf qui affirme que "rien originellement n'a été crée pour être mauvais" doit entre autres être lu à la lumière des thématiques raciales du Seigneur des Anneaux : les différentes races, les différents genres, sont des constructions positives, à la fois généalogiquement et spirituellement ; et le Mal arrive par une dé-générescence, par une perte de la positivité raciale.

Ce qui est intéressant c'est que le monde créé par Tolkien, contrairement à ce que laisserait coire une lecture superficielle, n'est pas manichéen. Le mal est plutôt un processus tragique, qu'il soit personnel ou collectif, et la grandeur se juge par l'humilité, la générosité et la pitié.
C'est l'humilité de Gandalf qui en fera finalement le plus grand (ou le plus influent) des Istari. C'est l'humilité d'Aragorn, réduit à l'état de Rôdeur, qui lui permet finalement de reprendre sa place sur le trône. Et c'est bien sûr l'humilité et la simplicité des hobbits qui en font un atout majeur pour lutter contre Sauron. De même la pitié joue un rôle clé, notamment celle qu'éprouvent les hobbits envers Gollum.

Car en fait, dans ces guerres, chaque ennemi n'est qu'un autre soi-même perverti. Les Orques, créatures abjectes, sont une perversion d'Elfes, de la même façon que Gollum est une perversion de Hobbit. Mais plutôt que la haine ou l'envie de tuer, les personnages les plus "grands" des romans cherchent à éviter l'affrontement, voire même prennent les adversaires en pitié. Alors que l'orgeuil, l'abus de confiance et la quête de pouvoir mènent au contraire à la corruption et menacent l'équilibre du monde.
Personnellement, je vois là le travail d'un homme marqué par la guerre, et devenu profondément pacifiste. Peut-être Tolkien avait-il conscience que les peuples qui s'affrontaient en Europe n'étaient jamais que de lointains cousins, et que c'est la haine et la guerre elle-même qui les avaient transformés en de sombres créatures inhumaines ; seules des valeurs profondément humaines comme la pitié, l'humilité et la générosité, incarnées entre autres par les hobbits, pouvaient briser le cercle vicieux.
Je ne connais pas ses écrits personnels, mais je ne serais guère surpris d'apprendre qu'il méprisait les élites qui avaient jeté l'Europe dans la guerre au dépends des citoyens, envoyés à la mort par dizaines de milliers dans les tranchées... Tandis qu'à n'en pas douter, les "petites gens", dans leur bonhommie naturelle, ne souhaitaient que rentrer chez eux au coin du feu...

Quant aux questions de couleurs, elles s'expliquent facilement: z'avez déjà vu à quoi ça ressemblait dans les tranchées? La guerre (/la haine) transformait tout le monde en petites créatures sombres et voûtées...


L'oeuvre existe en tant que telle. Pas la peine de se cacher derrière son auteur. L'oeuvre, elle, est ce qu'elle est. Et comme dit ailleurs, on peut trouver pire. Très facilement.

C'est en gros (re)proclamer la mort de l'auteur -si tant est que tu connaisses la référence.
Mais il faut dans ce cas aller jusqu'au bout du propos et assumer SA lecture. Tu es libre d'avoir ton interprétation personnelle sur une oeuvre, y compris en t'opposant à l'auteur lui-même ou aux spécialistes de son travail, mais cela en dira plus long sur ta pensée que sur le texte. En l'occurrence, je ne pense pas que tu sois malveillant, mais ta difficulté à sortir de certains schémas te condamne à une lecture bien superficielle.
Enfin, et pour conclure par un petit hors-sujet: la mort de l'auteur, mon cul*! Une oeuvre a toujours des influences et des valeurs identifiables, et quiconque choisit de les ignorer le fait à son propre péril. Dans le cas présent, le matérialisme fait bien plus sens que le post-structuralisme -à deux balles.


*si vous me passez l'expression ;)

Modifié par Peredhil
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Encore une analyse très intéressante, comme d'habitude. Faut-il pour autant la systématiser ? On l'a vu dans le cadre d'autres débats (sur la continuation de la tradition par exemple), les principes établis par Tolkien dans son oeuvre sont susceptibles de nuances. En l'occurrence, concernant les liens entre noblesse de sang et noblesse d'âme, je pense au contre-exemple que constitue Denethor, présenté comme un alter ego déchu d'Aragorn : la noblesse de son sang est incontestable, et pourtant la générosité lui fait défaut. Comment expliques-tu cette variable dans le schéma de lecture que tu nous as dressé, Poupi ? Le cas de ce personnage est vraiment très étrange en termes d'hérédité puisque le fils qui partage la vigueur de son sang númenoréen est aussi celui qui lui ressemble le moins sur le plan du caractère : Faramir est le fils de sang, Boromir le fils de coeur (dans tous les sens du terme, à la fois parce qu'il a la même personnalité que son père et parce qu'il est son favori). Comment expliquer au sein de la famille du Surintendant la disjonction de ces deux aspects si brillamment mis en parallèle dans ta démonstration ?

Je commence donc à livrer quelques considérations personnelles sur le sujet, avec le style qui est spontanément le mien et qui, je le sais, ne plaît pas à tout le monde ; j'espère que je ne passerai pas pour un philosophe de caniveau en quête de masturbation narcissique, et que tous ceux qui pourraient être intéresser par ce sujet pourront y participer sans dégoût

:)


Belle mise en bouche, ça donnait envie d'en manger.

Shas'El'Hek'Tryk, gueule-amusée. Modifié par Peredhil
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Faut-il pour autant la systématiser ? On l'a vu dans le cadre d'autres débats (sur la continuation de la tradition par exemple), les principes établis par Tolkien dans son œuvre sont susceptibles de nuances.


Oh non, ce dont je parle n'est pas du tout une doctrine ou une conviction de Tolkien vouée à être systématisée (alors que lorsque par exemple, on dit que Tolkien est traditionaliste, on à affaire à une conviction politique qui peut aspirer à être systématisée) ; il s'agit plutôt de proposer une piste de lecture, en disant que de même façon que la beauté physique peut représenter la beauté morale, la grandeur généalogique peut représenter la grandeur morale. Mais de la même façon qu'on peut trouver des personnages moches et gentils, on peut trouver des bouseux sympathiques.

Cependant, je me demande si Denethor, en l’occurrence, se dérobe vraiment à cette lecture. Il possède de véritables vertus, physiques (force, vigueur, etc...) comme morales (courage, intelligence, etc...), et il apparaît au lecteur aussi inatteignable qu'Aragorn... Sa chute n'en est que plus grande. Denethor aussi est un personnage tragique au sens que j'ai déjà évoqué : il est à mort au-dessus de nous, que ce soit par son lignage, par sa condition physique ou par son esprit acéré ; mais là où j'avais comparé Aragorn au Cid, pour rester chez Corneille, je comparerais plutôt Denethor à Horace : tous deux sont des grands hommes, d'une vertu immense, et jusque dans leur faute, ils gardent une forme de grandiloquence sublime : le suicide de Denethor a quand même plus de gueule que la sournoiserie de Grima, par exemple, et témoigne toujours, dans le péché, d'une vigueur physique et caractérielle peu commune. Par ailleurs, la faute est en lien justement avec la grandeur dont ils font preuve : les extraordinaires capacités martiales d'Horace dégénèrent en violence fratricide, et Denethor, monarque sublime, sombre dans l'orgueil et se cramponne à son pouvoir jusqu'à l'autodestruction. Bref, il montre que plus on est grand, plus terrible est la Chute.


Sinon, Rippounet :


Car en fait, dans ces guerres, chaque ennemi n'est qu'un autre soi-même perverti. Les Orques, créatures abjectes, sont une perversion d'Elfes, de la même façon que Gollum est une perversion de Hobbit. Mais plutôt que la haine ou l'envie de tuer, les personnages les plus "grands" des romans cherchent à éviter l'affrontement, voire même prennent les adversaires en pitié. Alors que l'orgeuil, l'abus de confiance et la quête de pouvoir mènent au contraire à la corruption et menacent l'équilibre du monde.
Personnellement, je vois là le travail d'un homme marqué par la guerre, et devenu profondément pacifiste. Peut-être Tolkien avait-il conscience que les peuples qui s'affrontaient en Europe n'étaient jamais que de lointains cousins, et que c'est la haine et la guerre elle-même qui les avaient transformés en de sombres créatures inhumaines ; seules des valeurs profondément humaines comme la pitié, l'humilité et la générosité, incarnées entre autres par les hobbits, pouvaient briser le cercle vicieux.
Je ne connais pas ses écrits personnels, mais je ne serais guère surpris d'apprendre qu'il méprisait les élites qui avaient jeté l'Europe dans la guerre au dépends des citoyens, envoyés à la mort par dizaines de milliers dans les tranchées... Tandis qu'à n'en pas douter, les "petites gens", dans leur bonhommie naturelle, ne souhaitaient que rentrer chez eux au coin du feu...

Quant aux questions de couleurs, elles s'expliquent facilement: z'avez déjà vu à quoi ça ressemblait dans les tranchées? La guerre (/la haine) transformait tout le monde en petites créatures sombres et voûtées...


Hum, je vois ce que tu veux dire, mais je pense qu'il faut sévèrement nuancer. D'abord, ton histoire de pitié marche évidemment de façon impeccable avec Gollum, mais je n'ai pas le souvenir d'un seul passage où il est fait montre de pitié à l'égard d'un Orque.
Et les interprétations non-canoniques sur l'apparence des Orques, ça me laisse vachement circonspect : Tolkien a fourni d'autres explications à ce sujet, et il a par ailleurs précisé qu'il ne s'était pas inspiré des conflits que lui-même avait vécu dans la rédaction de son œuvre.

Par ailleurs, sur le rapport de Tolkien à la guerre (zut, on commence déjà le HS...) :
Perso, j'ai lu les écrits de Tolkien, ainsi que ceux de certains de ses proches amis (notamment CS Lewis) ; et l'impression que j'en ai ressortie, c'est que Tolkien n'était ni belliciste ni pacifiste. Durant la Première Guerre mondiale, il avait le sentiment sincère de lutter pour son pays, et il dit même avec un ami de sa génération qu'il était sincèrement heureux, à cette époque, de tuer des Allemands (alors qu'il a par ailleurs plusieurs fois affirmé qu'il était tout particulièrement fier de son ascendance allemande). En revanche, il a toujours conspué les méthodes industrielles de la guerre, et il déplorait l'existence même de la guerre, indépendamment des méthodes ; dans plusieurs de ses Lettres, il rappelle que tous ses amis de jeunesses sont morts dans les tranchées.
De même, durant la Seconde Guerre mondiale, s'il était extrêmement critique envers les méthodes de guerre totale appliquées par les Alliés, et s'il se lamentait de l'existence du conflit, il ne doutait pas du bien-fondé de la lutte contre le nazisme ; tout en s'avérant très critique contre la propagande alliée.

J'ai plutôt tendance à penser que Tolkien, dans son épopée, sépare clairement deux types de conflits : les vieilles rancunes entre Peuples Libres (par exemple, entre Dunlendings et Rohirrims) et le conflit contre le Seigneur des Ténèbres, qui doit fédérer tous les anciens ennemis. Mais si Tolkien se moque des préjugés qui circulent entre les peuples rivaux (les Dunlendings qui s'imaginent que les Rohirrims font subir d'affreux supplices à leurs prisonniers), il ne dit pas, par exemple, que les Rohirrims du passé avaient tort de lutter contre les Dunlendings pour la défense et la prospérité de leur peuple ; je crois que pour lui, ces conflits non-manichéens sont des nécessités malheureuses de l'Histoire, qui permettent par ailleurs l'expression de certaines vertus (courage, force, mais aussi miséricorde ou sens de la justice...).

Bon, si on pouvait essayer de ne pas se disperser en une multitude de HS dès les premiers messages :rolleyes: Modifié par Peredhil
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Ce qui est intéressant c'est que le monde créé par Tolkien, contrairement à ce que laisserait coire une lecture superficielle, n'est pas manichéen. Le mal est plutôt un processus tragique, qu'il soit personnel ou collectif, et la grandeur se juge par l'humilité, la générosité et la pitié.
C'est l'humilité de Gandalf qui en fera finalement le plus grand (ou le plus influent) des Istari. C'est l'humilité d'Aragorn, réduit à l'état de Rôdeur, qui lui permet finalement de reprendre sa place sur le trône. Et c'est bien sûr l'humilité et la simplicité des hobbits qui en font un atout majeur pour lutter contre Sauron. De même la pitié joue un rôle clé, notamment celle qu'éprouvent les hobbits envers Gollum.

Car en fait, dans ces guerres, chaque ennemi n'est qu'un autre soi-même perverti. Les Orques, créatures abjectes, sont une perversion d'Elfes, de la même façon que Gollum est une perversion de Hobbit. Mais plutôt que la haine ou l'envie de tuer, les personnages les plus "grands" des romans cherchent à éviter l'affrontement, voire même prennent les adversaires en pitié. Alors que l'orgeuil, l'abus de confiance et la quête de pouvoir mènent au contraire à la corruption et menacent l'équilibre du monde.
Personnellement, je vois là le travail d'un homme marqué par la guerre, et devenu profondément pacifiste. Peut-être Tolkien avait-il conscience que les peuples qui s'affrontaient en Europe n'étaient jamais que de lointains cousins, et que c'est la haine et la guerre elle-même qui les avaient transformés en de sombres créatures inhumaines ; seules des valeurs profondément humaines comme la pitié, l'humilité et la générosité, incarnées entre autres par les hobbits, pouvaient briser le cercle vicieux.
Je ne connais pas ses écrits personnels, mais je ne serais guère surpris d'apprendre qu'il méprisait les élites qui avaient jeté l'Europe dans la guerre au dépends des citoyens, envoyés à la mort par dizaines de milliers dans les tranchées... Tandis qu'à n'en pas douter, les "petites gens", dans leur bonhommie naturelle, ne souhaitaient que rentrer chez eux au coin du feu...


Effectivement, la guerre de l'anneau me fait penser à la seconde guerre mondiale. Non pas que Tolkien soit visionnaire, mais il représente la façon de penser de l'époque.
L’Europe, que l'on peut associer de façon manichéenne au bien, en avait marre de la guerre et de tout ce qui en découle et préfère ne rien faire. Les nazis représente le mal, qui s'insinue partout et attaquent les premiers. Et au final, le mal est détruit à la source par un combat inévitable et éparpillé et chassé à travers le monde.
Je réduis un peu, mais je ne veut pas lancer de débat la-dessus, puisque ce n'ai pas la question.


Pour en revenir au sujet, je trouve ta démonstration tout à fait convaincante et ça fait plaisir de lire une argumentation bien construite lorsque l'on est soi-même incapable de le faire, même si les trololo gâchent un peu le rythme :whistling: Modifié par Peredhil
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mais je n'ai pas le souvenir d'un seul passage où il est fait montre de pitié à l'égard d'un Orque.



Ahr, une erreur dans une démonstration si magistrale. Gandalf dit dans la Moria qu'il plaint jusqu'au moindre des esclaves de Sauron. Ce qui renvoie aux Orques (et aux hommes sous sa coupe).

Pour la question de la beauté d'Aragorn : il n'est pas beau. Frodo le dit, si il avait été un serviteur de l'ennemi, il aurait été beau d'apparence mais néanmoins laid, ce à quoi Aragorn répond qu'il n'est pas beau mais se sent beau. Modifié par Peredhil
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A mon humble avis il n'y a rien de raciste dans l'oeuvre de Tolkien, tout au plus une empreinte manichéenne et une sorte vision fataliste à la Howard (Vous me direz, le Conan, il cherche à voir du Robert E. Howard partout).

Simplement on pourrait qualifier l'oeuvre de Tolkien de raciste; si nous avions une race, un peuple, qui se démarquait en tous points des autres, et que ces caractéristiques l'avaient démarqué sur le long terme. La grandeur de leur civilisation, leur noblesse d'arme etc... Qui les avaient fait perduré, envers et contre tous alors que les autres civilisations retournaient à la poussière.
Alors qu'il n'y a pas une once de ces traits dans l'oeuvre de Tolkien, c'est même plutôt le contraire d'un certain point de vue.

Dans son oeuvre, on trouve bien une récurrence, que ce soit les elfes, ou bien les nains (Les humains sont un cas à part, car même s'ils ont connu une histoire très mouvementée, ils s'en sortent très bien), il n'y a pas de civilisation qui a perduré depuis le premier âge. Toutes les grandes civilisations elfes ont connu l'apogée et son âge d'or, la chute et la destruction : Nargothrond,Doriath et Gondolin. Il en va de même pour les nains.

Et pourquoi ce lien avec Howard ? Tout simplement par ce que je trouve que l'on retrouve les même caractéristiques, les mêmes trames. A force de se reposer sur ses acquis, ses lauriers, forts de leur puissance, grandeur, gloire etc... Ces civilisations ont stagné et ont refusé les signes leur demandant d'évoluer sous peine de disparaître. C'est ce lien que je fais avec l'oeuvre d'Howard, les humains, à force de trop se civiliser, perdent leur force physique, ce lien primaire avec la nature et dégénèrent pour être balayées par des civilisations barbares (barbare dans le sens guerrier, en pleine forme physique et non ramollie par le progrès, le confort octroyée par la civilisation). Modifié par Conan
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A mon humble avis il n'y a rien de raciste dans l'oeuvre de Tolkien, tout au plus une empreinte manichéenne et une sorte vision fataliste à la Howard (Vous me direz, le Conan, il cherche à voir du Robert E. Howard partout).


Je pense aussi, et ça te pousse à mon avis dans l'erreur dans ton analyse cher cimérien :whistling: D'ailleurs, sans trop rentrer dans des concepts que je ne maîtrise pas, le manichéisme et Tolkien ça fait deux il me semble. Chez Tolkien le monde ne se divise pas entre bien et mal : le mal n'est qu'une corruption du bien. A l'origine tout est bien quoi...

 


Et pourquoi ce lien avec Howard ? Tout simplement par ce que je trouve que l'on retrouve les même caractéristiques, les mêmes trames. A force de se reposer sur ses acquis, ses lauriers, forts de leur puissance, grandeur, gloire etc... Ces civilisations ont stagné et ont refusé les signes leur demandant d'évoluer sous peine de disparaître. C'est ce lien que je fais avec l'oeuvre d'Howard, les humains, à force de trop se civiliser, perdent leur force physique, ce lien primaire avec la nature et dégénèrent pour être balayées par des civilisations barbares (barbare dans le sens guerrier, en pleine forme physique et non ramollie par le progrès, le confort octroyée par la civilisation).

 

Justement : il n'y a pas cette apogée de la puissance primitive chez Tolkien, du "barbare". Les Dunedain ont formés une société parmi les plus évoluée qui soit (mais ce n'est pas ça qui provoque leur chute) et sont pourtant ceux dotés de la plus grande force physique. Simplement la technologie n'est jamais un but chez Tolkien, tout au plus un à-coté ou une illustration de la grandeur d'un peuple. Elle reste différente de l'industrialisation que Tolkien condamne. Un haut degré de civilisation est au contraire la marque d'une certaine grandeur, Tolkien exalte la soif de savoir des Nains et des Elfes mais sanctionne les abus (on voit bien que ceux qui vont trop loin et qui font primer le savoir sur le reste - Celebrimbor - sont sanctionnés).
Les peuples de l'Est gagne parce que le Gondor est décadent et parce qu'ils sont nombreux. Pas parce qu'eux mêmes sont plus forts qui ne sont pas nécessairement des meilleurs guerriers...

 

Peredhil

Modifié par Peredhil
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Justement : il n'y a pas cette apogée de la puissance primitive chez Tolkien, du "barbare". Les Dunedain ont formés une société parmi les plus évoluée qui soit (mais ce n'est pas ça qui provoque leur chute) et sont pourtant ceux dotés de la plus grande force physique. Simplement la technologie n'est jamais un but chez Tolkien, tout au plus un à-coté ou une illustration de la grandeur d'un peuple. Elle reste différente de l'industrialisation que Tolkien condamne. Un haut degré de civilisation est au contraire la marque d'une certaine grandeur, Tolkien exalte la soif de savoir des Nains et des Elfes mais sanctionne les abus (on voit bien que ceux qui vont trop loin et qui font primer le savoir sur le reste - Celebrimbor - sont sanctionnés).
Les peuples de l'Est gagne parce que le Gondor est décadent et parce qu'ils sont nombreux. Pas parce qu'eux mêmes sont plus forts qui ne sont pas nécessairement des meilleurs guerriers...

Peredhil



Soite, je fais acte de contrition, mon exposé n'a pas été suffisamment clair. Je faisais un lien entre le fil rouge philosophique chez Howard (les civilisations s'embourgeoisant et se faisant détruire par les civilisations barbares, en pleine forme physique car non amoindrie par le confort moderne) et la chute de Nargothrond et confrères. Ces cités/civilisations elfes se sont reposés sur leur soi-disant supériorité militaires etc..., ont fait fi des messages d'alerte (exemple Turgon et Gondolin) et ont été détruites par des forces barbares. Modifié par Peredhil
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C'est plus le thème de la décadence qui compte. A Nargothrond on abandonne d'abord son passé glorieux pour une attitude furtive, le recours au poison etc... (une certaine perte du sens de l'honneur?) Et ensuite un orgueil trop grand qui au contraire les poussent à prétendre à une puissance qui n'est plus la leur.
Turgon de même : c'est l'orgueil et pas l'embourgeoisement qui le détruit. Et là encore une certaine perte de l'honneur (qui reste un aspect très secondaire dans les deux cas bien sûr) avec l'usage de machines "interdites par la convention de Doriath" (des "bouche à feu").
Il en va de même de Numenor. Ce n'est pas de rapetisser qui est le pire c'est de se croire plus grand qu'on ne l'est.

Dans ces trois exemples on retrouve en plus un attachement au monde physique : Turgon et Orodreth s'attachent par trop à leur cité, oubliant que le but ultime les dépassent, les Numenoréens s'attachent trop à la vie. Modifié par Peredhil
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Oui, l'une des raisons pour lesquelles je préfère Tolkien à Howard, c'est que chez Tolkien, le physique sert de support au spirituel, qui est le véritable enjeu de la lutte. Chez Howard, le physique est l'enjeu lui-même, ce qui fait la supériorité du "barbare" sur le "civilisé embourgeoisé".

Je pourrais expliquer ça en recasant l'extrait du Cid que j'avais déjà cité à propos d'Aragorn :
"J'attaque en téméraire un bras toujours vainqueur, / Mais j'aurai trop de force, ayant trop de coeur."
Ce qui m'intéresse ici, c'est le lien de cause à conséquence : c'est parce que Rodrigue a du cœur qu'il a de la force ; chez Tolkien c'est pareil (typiquement, la vilenie des Orques les rends tous faibles physiquement). Chez Howard, je trouve que le lien est inversé : c'est parce que les barbares ont de la force, par ce contact avec le monde primitif, qu'ils ont la vaillance que les bourgeois civilisés ont perdu.

En ce sens, la "décadence" des civilisations chez Howard et Tolkien n'est pas comparable, à mon sens : Tolkien prend toujours soin de fournir une explication spirituelle, un péché au sens moral, qui explique la chute de tel ou tel peuple. Chez Howard, l'explication est bien plus matérialiste (embourgeoisement, confort, etc...).

Gandalf dit dans la Moria qu'il plaint jusqu'au moindre des esclaves de Sauron. Ce qui renvoie aux Orques (et aux hommes sous sa coupe).


Tiens, je l'avais oubliée, celle-là. Bien joué. Et ça ne nuit pas vraiment à mon propos de dire qu'il y a de la pitié à l'égard des Orques chez Tolkien.

Pour la question de la beauté d'Aragorn : il n'est pas beau. Frodo le dit, si il avait été un serviteur de l'ennemi, il aurait été beau d'apparence mais néanmoins laid, ce à quoi Aragorn répond qu'il n'est pas beau mais se sent beau.


Ce que tu dis est juste, mais je pense qu'en fait, ça rejoint ma lecture qui veut que les qualités physiques soient liées à des qualités spirituelles. Tout d'abord, si Aragorn n'est pas beau, il est doté de nombreuses qualités physiques (force, endurance, bonne santé, longévité, sens aiguisés, habileté manuelle, etc...), dont le nombre important renvoie à la liste tout aussi longue de ses qualités morales (justice, courage, etc...). Quand à sa faible beauté, elle me semble l'expression presque pathologique de son humilité : tout ce qui est or ne brille pas, et Aragorn, imbibé de cette vertu jusqu'à la moelle, n'a même pas besoin d'un déguisement pour masquer sa grandeur : son corps le fait tout seul en secrétant une certaine laideur vulgaire.

Modifié par Peredhil
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Personnellement, je pense vraiment que le sang a une grande importance dans l'oeuvre de Tolkien. Pour moi, dans le monde fantasy de la Terre du Milieu, la famille a une très grande importance.

 

Aragorn, descendant d'Elendil doit sa couronne, non à ses qualités, mais à ses ancêtres. Bien sûr, Aragorn tout de même parfait pour le assumer son rôle. Il n'est pas tenté par le pouvoir, le rejette même. Il est humble. Une autre qualité importante pour Tolkien. Rester humble. Denethor, qui n'est qu'un intendant du Gondor, est pris de la folie des grandeurs et refuse de laisser sa place à l'héritier de la Couronne. Pareil pour Saruman le Blanc. Il est pris lui aussi de la folie des grandeurs et se prend pour le maître. Jusqu'à tomber sous la coupe du Mal... Et pareil pour Grima, dit Langue-de-Serpent. Lui aussi est tenté par le pouvoir, et au lieu de servir humblement le roi Theoden, il le trahit et veut le conduire à sa perte. Et on pourrait en dire de même pour le meunier Rouquin ou Lothon Sacquet. Ils veulent tous plus de pouvoir qu'ils n'en faut. Et ils tombent ainsi dans la mal. Je pense que Tolkien pensait qui si les Humains ne restaient pas humbles, avec la nature et les autres, le monde courait à sa perte. Les Nazgûls en sont l'exemple parfait. Ils ont convoité le pouvoir, et ils n'en restent que des spectres dégénérés au service du Mal. Ils sont pour moi un avertissement à l'Humanité. Pour Tolkien, je gage que les Hobbits est le peuple parfait. Des gens simples, sans prétention, ne désirant ni conquérir, ni avoir (quand je parle d'avoir, je veux dire par là qu'ils ne veulent pas écraser leur prochain, mais bien sûr, les Hobbits peuvent convoité, mais des choses peu importantes). Pour moi, Tolkien pensait que la vanité conduit toujours au Mal. Mais je dérive du sujet. Tant pis je tenais à le dire.


Par contre, l'idée de Tricotos sur les Orcs me paraît excellente. Franchement, je n'y aurait pas pensé, mais c'est pas mal du tout.
Qu'en au forum sur le Mordor ressemblant à l'Union Soviétique, je me suis très mal exprimé. Après tout, les oeuvres de Tolkien reste de la fantasy. Pour moi, Tolkien n'est pas un gros rasciste ou un nazi, loin s'en faut. En fait, je suis de plus en plus persuadé que Tolkien n'a pas mis des idées rascistes intentionnellement dans son livre. Et je pense qu'à son époque, il devait être considéré comme un fervent défenseur des gens de couleur. Je pense qu'il a seulement retranscris quelques préjugés de l'époque (aller donc demander à Tite-Live, historien romain de renom, de ne pas méprisé les révoltes de la plèbe, c'est pareil. Pour ce dernier, il est normal que la classe sénatoriale est des droits que la plèbe n'ai pas). Mais je ne m'épancherai pas davantage là dessus. C'est stupide de s'entretuer pour rien. smile.gif

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Je pense qu'il a seulement retranscris quelques préjugés de l'époque

Encore faudrait-il prouver l'existence desdits préjugés en établissant un lien clair entre des races fictives de la Terre du Milieu et des peuples du monde réel...

<snip>
Effectivement, évitons de relancer le débat.

Je sais pas si c'est que j'aime -trop- Tolkien, peut-être plutôt que je connais un certain nombre de spécialistes en littérature et que je respecte leur boulot...

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Je ne souhaitais plus aborder ce sujet là, je veux juste montrer que je ne prenais pas Tolkien pour un raciste.
Je veux surtout pas relancer un débat malsain à cause d'une phrase.
Je n'ai pas écrit que cela dans mon commentaire et c'est loin d'être le truc à retenir.
Dis Rippounet, c'est que tu l'aimes ton Tolkien !
M'enfin, pour les Haradrim, à par peut - être les Corsaires, sont des basanés, c'est quand même des gars du Sud et du soleil. Y'a rien de raciste là dedans, les gars du Sud sont bruns et les gars du Nord plus pâles, c'est une évidence pas une insulte à Tolkien !
Franchement, je ne comprends pas ton mécontentement. Depuis le dernier sujet, je me suis plus renseigné sur Tolkien est je me suis rendu compte que seul le Seigneur des Anneaux était accusé de rascisme. Alors je me suis dit : Si il était vraiment rasciste, pourquoi aurait-il seulement mis ses idées dans un seul livre ? Ca m'a convaincu. Et puis Tolkien a l'air de bien lutté contre la discrimination en Afrique du Sud. Je le reconnais maintenant. Tolkien n'a rien de rasciste. Modifié par Boromir du Gondor
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et de ne pas sombrer dans le collector de points Godwin qu'on a amassés dans le sujet récemment fermés par nos tyranniques modérateurs,

Il est paradoxal de critiquer l'un et l'autre il me semble.rolleyes.gif

j'aimerais autant qu'on ne traite pas ici de la question de savoir si Tolkien était raciste

Donc il y des messages susceptibles de disparaître. La modération réfléchit à la manière d'aborder ailleurs ce sujet de manière efficace et... raisonnable

"bouh Tolkien le vilain raciste"

On va éviter la provocation dans ce cens, comme on l'éviteras dans l'autre dans le sujet sur le film.

Fin du mode Modo.

Intéressante entrée en matière Poupi, sous un angle original.

en acquérant la citoyenneté, on pouvait devenir Quirites, c'est à dire descendant de Quirinus (l'autre nom de Romulus).

Je ne crois pas qu'il y ait une notion de descendance dans ce terme, puisque dès le départ Rome est fondé par d'autres personnes rassemblés sous l'autorité de Romulus. Quirites me semble plus être un synonymes de Romains. On pourrait faire le lien avec Eorlingas d'ailleurs.

Aragorn est trotro-généreux, il doit donc, poétiquement, être de trotro-bonne race : son arbre généalogique est aussi glorieux que son être personnel : il a le sang des Rois de Numenor, des Elfes, même des Maïar dans les veines, simultanément qu'il est fort, intelligent, miséricordieux, juste, etc...

Je ne suis pas sûr de comprendre ton raisonnement : son ascendance contribue-t-elle entre autre à ses qualités, quitte à ce qu'elle soit indispensable à l'obtention de celles-ci, ou en est-elle l'unique explication. Je te suis dans le premier cas, pas dans le deuxième, car dans ce cas d'autres aurait pu y prétendre avant, comme Isildur.

Je relève quand même des provocations sur l'origine des Orques, j'ai toujours préféré biaiser sur ce point (par sagesse ou par lâcheté?) mais je trouve un peu culotté d'écrire "les Elfes corrompus et dégénérés par Morgoth" de façon aussi affirmative après le "Orcs are not elvish" du professeur. Je sais c'est du HS mais justement autant éviter les affirmations aussi péremptoires sur ce sujet sensible pour éviter de faire déraper le sujet

Mais cela atténue-t-il la logique du propos de Poupi si les Elfes sont issus des Hommes plutôt que des Elfes?

Dans le contexte de la narration du Seigneur des Anneaux, avec le jeu d'auteur interne, lorsque l'auteur interne (normalement Frodon devenu historien) explique que Faramir a plus de sang numénoréen plus qu'aucun autre de ses contemporains, et que le récit, avec son énorme parallèle/contraste entre Boromir et Faramir, insinue franchement que Boromir est dans lesdits contemporains, la génétique n'a rien à voir là-dedans, c'est complètement anachronique.


Dans un contexte antique comme le SdA, le sang au sens familial désigne des liens de filiation, pas des réalités microcellulaires. Boromir et Faramir ayant strictement la même ascendance, il est absurde que l'un jouisse de davantage de filiation numénoréenne que l'autre.
Je cherchais entre autre, dans mon propos, à dire justement qu'il ne faut absolument pas lire les histoires de sang dans le SdA de façon moderne et scientifique, mais de façon littéraire, poétique.

Ton raisonnement se tient de ce point de vue là. Cependant, la génétique existe déjà à l'époque de Tolkien, et je pense possible que, même sans faire appel à la génétique, de manière empirique le fait d'attribuer plus de sang d'un type donné à un frère qu'à un autre puisse être présent dans l'imaginaire et les mentalités. Deux frères peuvent chacun ressembler physiquement et moralement plus à un parent qu'à un autre. A fortiori de manière littéraire et poétique. L'un n'a-t-il pas alors plus de sang d'un de ses parents que l'autre? Après tout, je ne serais pas étonné que les Hobbits soient aussi colombophiles que les Britanniques.laugh.gif

Modifié par Peredhil
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et de ne pas sombrer dans le collector de points Godwin qu'on a amassés dans le sujet récemment fermés par nos tyranniques modérateurs,
Il est paradoxal de critiquer l'un et l'autre il me semble.rolleyes.gif



Je pense que le sieur Poupi faisait de l'humour. Vu comment on le bichonne, ça devrait être le dernier à nous traiter de tyrannique :P.

Sinon, il est fort Poupi : tu lui donnes des contre-arguments et il te dit que c'est génial puisque ça corrobore sa thèse. Je m'incline devant la démonstration.

Je rejoins les autres sur Howard : le message est vraiment différent de Tolkien, dans tous ses aspects. Modifié par Peredhil
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Premier message édité pour tenir compte des remarques du tyrannique modérateur ( :wub: ) et ôter les inutiles "trololos" dénoncés par d'autres.

Boromir et Rippounet, vous n'êtes pas gentils, vous me donnez énormément envie de me joindre à votre discussion, et je dois faire d'herculéens efforts d'auto-discipline pour ne pas me joindre à votre HS que j'ai voulu empêcher en début de sujet. :lol:

Je ne crois pas qu'il y ait une notion de descendance dans ce terme, puisque dès le départ Rome est fondé par d'autres personnes rassemblés sous l'autorité de Romulus. Quirites me semble plus être un synonymes de Romains. On pourrait faire le lien avec Eorlingas d'ailleurs.


Peut-être ; mais dans le nom même de Romains et de Quirites, il y a une référence à un ancêtre commun, à un imaginaire familial du peuple ; c'est fréquemment dans beaucoup d'imaginaires identitaires, et ça explique l'emploie très très fréquent du mot "race" dans la littérature pendant des siècles, avant que ce terme ne soit sali par les idéologies que l'on sait.

Je ne suis pas sûr de comprendre ton raisonnement : son ascendance contribue-t-elle entre autre à ses qualités, quitte à ce qu'elle soit indispensable à l'obtention de celles-ci, ou en est-elle l'unique explication. Je te suis dans le premier cas, pas dans le deuxième, car dans ce cas d'autres aurait pu y prétendre avant, comme Isildur.


Cette remarque et la dernière me laissent penser que je me suis mal exprimé : mon explication n'est pas une explication interne, mais une explication externe à l’œuvre.
Je sais pas si je suis clair ou embrouillé ; je vais prendre un autre exemple un peu en lien avec le sujet de la race. Supposons qu'on se demande pourquoi Aragorn préfère Arwen à Eowyn. De façon interne, on peut trouver plein de justifications, allant d'un simple "Arwen elle est plus bonne !!" à de longues réflexions sur la psychologie des personnages. De façon externe, on pourrait répondre en parlant de la construction des personnages dans la narration même du récit : j'ai dit que dans le Seigneur des Anneaux, tous les personnages n'étaient pas conçu de la même façon, que les Hobbits étaient de bons instruments à identification alors qu'Aragorn était l'incarnation d'un idéal inatteignable, un personnage de tragédie. Arwen et Aragorn sont constitués de la même façon, Arwen aussi étant un personnage de tragédie, supérieure en beauté à toutes ses contemporaines (même si sa grandeur se voit moins que celle d'Aragorn, puisqu'elle est beaucoup moins présente dans le bouquin) ; Arwen et Aragorn sont donc, à proprement parler, faits l'un pour l'autre par leur auteur (on voit bien qu'ici, je parle de façon extérieure au récit). De même, comment expliquer l'amour final d'Eowyn et Faramir ? On peut trouver plein d'explications internes à la soudaineté de ce sentiment, et, de façon externe, fournir une lecture similaire à la précédente : Eowyn et Faramir sont deux personnages positifs, mais sans la grandeur ineffable d'Arwen et Aragorn ; leurs histoires respectives sont par ailleurs construites de manière semblable par Tolkien, qui les prive de leurs frères et de figure paternelle, et se voient sauvés chacun par un membre de la parèdre Merry-Pippin. Donc, idem, ils sont littéralement faits l'un pour l'autre par l'auteur.

Mon propos dans le premier message est de ce type : je ne cherche pas à expliquer de façon interne si l'héritage génétique d'Aragorn est la cause de ses qualités ; mais j'interprète la grandeur de son lignage et celle de sa personne en les situant, de façon extérieure au récit, dans ce que j'ai appelé, à défaut d'un autre nom, une esthétique de la générosité qui pour moi dépasse Tolkien et explique les choix de ce dernier par ses inspirations littéraires.
Évidemment, les explications internes et externes ne s'excluent en aucune façon ; cependant, si j'ai choisi un angle externe sur ce sujet, c'est parce que je pense qu'en l’occurrence, c'est plus pertinent qu'un angle interne : c'est pour ça que je trouve que tergiverser sur la transmission de tel ou tel allèle dans le patrimoine génétique des fils de Denethor n'est peut-être pas rigoureusement absurde si on veut utiliser la science génétique pour réfléchir de façon interne au récit du Seigneur des Anneaux, mais que c'est quand même un peu bancal et que à mon avis, ça ne mènera de toute façon à pas grand-chose ; je préfère encore, par exemple, les lectures psychologisantes de Tricotos, même si je ne suis pas d'accord avec ce qu'il dit.

Vu comment on le bichonne, ça devrait être le dernier à nous traiter de tyrannique

:P.


Oui, c'est ça. En fait, je souffre du symptôme du chouchou de la classe qui, pour ne pas se faire casser la gueule à la récré, va taguer des gros mots sur les casiers de la salle des profs. Je suis une pauvre victime, voyez-vous. :rolleyes: Modifié par Peredhil
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Boromir et Rippounet, vous n'êtes pas gentils, vous me donnez énormément envie de me joindre à votre discussion, et je dois faire d'herculéens efforts d'auto-discipline pour ne pas me joindre à votre HS que j'ai voulu empêcher en début de sujet.


Résistez à l'attrait diabolique du Précieux...



Si j'ai bien compris, Aragorn est-ce qu'il est non parce que son ascendance lui a transmis les qualités qui en ferait un Grand Roi du Royaume réunifié, mais parce que pour Tolkien, en tant qu'auteur, ce statut lui paraissait renforcer le personnage et son destin?
Avec les dimensions réunion des deux branches issues d'Earendil, rachat de la faute d'Isildur...? Du coup c'est plus un procédé littéraire qu'un élément fort culturel interne au récit? Modifié par Peredhil
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De mon point de vue c'est les deux. Ce qu'il y a c'est que dans certains cas l'explication est d'abord externe (là ça paraît assez clair) alors que dans d'autres c'est Tolkien qui assure la cohérence de son univers. Les deux points de vue interne et externe se répondent constamment.
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Si j'ai bien compris, Aragorn est-ce qu'il est non parce que son ascendance lui a transmis les qualités qui en ferait un Grand Roi du Royaume réunifié, mais parce que pour Tolkien, en tant qu'auteur, ce statut lui paraissait renforcer le personnage et son destin?
Avec les dimensions réunion des deux branches issues d'Earendil, rachat de la faute d'Isildur...? Du coup c'est plus un procédé littéraire qu'un élément fort culturel interne au récit?



J'aurais dit que son ascendance lui offre un potentiel, et que c'est ensuite à lui de le réaliser ou non.

Je trouve que c'est plus facile à imaginer avec les couples faramir/boromir ou gandalf/sarouman, qui partent de potentiel identique, mais le réalise de manières totalement différentes.


D'ailleurs, ça dérive un peu, mais au second et troisième age, je trouve intéressant de noter que les elfes n'ont plus vraiment moyen de réaliser ou non leur potentiel, et qu'ils sont dans une ligne rigide de "bien", et que plus aucun elfe n'est à l'origine de tragédies (au contraire des ages précédents, fils de Feanor en tête), alors que les hommes ont pleinement leur libre arbitre. Modifié par Peredhil
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Aragorn est-ce qu'il est non parce que son ascendance lui a transmis les qualités qui en ferait un Grand Roi du Royaume réunifié, mais parce que pour Tolkien, en tant qu'auteur, ce statut lui paraissait renforcer le personnage et son destin?


Perso, c'est vraiment comme ça que je le lis.

J'aurais dit que son ascendance lui offre un potentiel, et que c'est ensuite à lui de le réaliser ou non.


J'ai du mal à voir cette question chez Aragorn, qui est un peu juste le mec parfait : on ne doute pas vraiment, à quelque moment que ce soit, qu'il va "réaliser son potentiel". Le suspens en la matière, c'est plutôt avec Frodon et Gollum par exemple...

D'ailleurs, ça dérive un peu, mais au second et troisième age, je trouve intéressant de noter que les elfes n'ont plus vraiment moyen de réaliser ou non leur potentiel, et qu'ils sont dans une ligne rigide de "bien", et que plus aucun elfe n'est à l'origine de tragédies (au contraire des ages précédents, fils de Feanor en tête), alors que les hommes ont pleinement leur libre arbitre.


Je crois comprendre ce que tu veux dire, mais je ne dirais pas ça comme ça, parce qu'on a rien non plus qui nous dit que les Elfes ne sont plus capables d'être soumis à des choix importants (d'ailleurs, on a le contre-exemple de Galadriel face à l'Anneau...).
Je dirais plutôt que la narration du roman se focalise sur les Hommes, qui sont ainsi mis au centre de la tension dramatique, quitte à ignorer en partie injustement les actions des Elfes (on a déjà fait remarquer ici ou ailleurs qu'il est absurde de penser que Elrond ou les Elfes de manière générale restent à se tourner les pouces pendant la Guerre de l'Anneau, et pourtant le narrateur ne nous livre pas la moindre information sur leurs actions). ça aboutit bien à ce que tu décris, à savoir le sentiment que l'Âge des Elfes se termine, que c'est celui des Hommes qui commence à présent.

Sinon, je reprends le clavier parce qu'il se trouve qu'aujourd'hui, j'ai relu un bouquin écrit par un membre des Inklings qui me paraît fantastique pour penser les histoires de race et de sang chez Tolkien, et nos causeries locales étant toutes fraîches en mon cerveau, cet aspect m'a franchement sauté à la gueule à la relecture.
Il s'agit d'un roman de C.S. Lewis intitulé Au-delà de la planète silencieuse, écrit en 1938, c'est à dire lorsque Tolkien avait déjà élaboré certaines versions du Silmarillion, et commençait l'écriture du Seigneur des Anneaux ; le livre contient par ailleurs des références directes à l’œuvre de Tolkien, à la fois sous la forme d'éléments de son légendaire (on y rencontre ainsi des Valar) et sous celle de clins d'oeil biographiques (le personnage principal du roman est un professeur émérite de philologie enseignant à Oxford, catholique, amoureux de la nature et au patronyme d'origine germanique :rolleyes: ). Bref, il s'agit, en plus d'un des rares romans de qualité écrits par Lewis, d'un exemple typique de la complicité d'écriture qu'il y avait aux Inklings, Lewis et Tolkien ayant à l'époque le projet évident d'écrire des histoires se déroulant dans le même univers et dans la même vision de notre univers.
Je recopie donc ici quelques passages qui me semblent absolument formidables, et très intéressants parce qu'ils transmettent des idées très proches de celles de Tolkien, mais non sous le mode du récit médiéval-fantastique, mais celui de la science-fiction. Pour une rapide mise en contexte, l'histoire raconte les aventures d'un professeur ressemblant à celui que nous adorons tous, qui se retrouve embarqué malgré lui pour un voyage vers Mars, qu'il découvre habité de différentes espèces conscientes (les autochtones ont même un mot spécial, hnau, pour désigner toutes les créatures dotées d'une âme, d'une raison et d'un libre-arbitre ; en quelque sorte l'équivalent de enfants d'Iluvatar). Ses talents de philologue lui permettant d'apprendre les rudiments des dialectes locaux, il se lie aux différents peuples de la planète, dont une race de géants emplumés et férus de savoir, les Sorns, qui lui posent une foule de questions sur son monde d'origine. Voilà comment le narrateur conclut le résumé de cette conversation :

Deux faits concernant notre monde les retinrent particulièrement. L'un était le degré extraordinaire auquel les problèmes de levage et de transport des objets pouvaient absorber notre énergie*. L'autre était que nous n'avions qu'une seule race de hnau : ceci, pensaient-ils, devait être lourd de conséquences quant au rétrécissement de la solidarité et même de la pensée.
-Votre pensée doit être à la merci de votre sang, dit le vieux Sorn, car vous ne pouvez pas la confronter à une autre pensée qui circule dans un sang différent.
*plus tôt dans le récit, le personnage principal a déjà pu constater que la gravitation martienne est très inférieure à celle de la Terre.

L'emploi des mots race et sang, et l'idée qu'ils servent à transmettre, me semblent ici franchement passionnants, et très "tolkiennien" : sans variété sanguine, affirme Lewis, réduction de la solidarité et de la pensée. Or, la plus célèbre Communauté inventée par Tolkien est justement connue pour son caractère racialement hétéroclite, et le texte le plus ouvertement philosophique du légendaire s'inscrit précisément dans la confrontation de deux races différentes : l'Athrabeth Finrod ah Andreth, http://glitteringcaves.free.fr/traduction_de_l'athrabeth_finrod_ah_andreth.htm
On peut ainsi se dire que le caractère racialement hétéroclite de la Communauté n'est pas simplement une manière de rassembler les champions des différents Peuples Libres face à Sauron ; c'est aussi que ce caractère hétérogène est le plus propice qui soit à la formation d'une véritable solidarité chevaleresque entre les différents Compagnons ; et l'amitié qui unit Legolas à Gimli prend d'autant plus de relief à cet égard. Enfin, en lisant l'Athrabeth, on peut vérifier à chaque ligne à quel point la richesse de ce dialogue provient bien de la confrontation de deux sangs différents.

Ce lien entre le sang et la pensée est développé un peu plus loin, dans un fort joli paragraphe où Lewis transcende un vocabulaire scientifique pour décrire la beauté d'un chant ; à ce moment de l'intrigue, Ransom, le personnage principal assiste à une cérémonie funéraire ; voici comment est décrit le chant funèbre alors entonné :

Pour tout homme qui fait connaissance avec un art nouveau, vient un moment où ce qui était jusque-là privé de sens soulève un coin du voile qui cache son mystère et dans une explosion de ravissement, que plus jamais une compréhension plus complète ne pourra vraiment égaler, relève un aperçu des possibilités infinies que recèle cet art. Pour Ransom, ce moment était maintenant venu dans sa compréhension du chant malacandrien*. Pour la première fois il voyait que ses rythmes étaient fondés sur un sang différent du nôtre, sur un cœur battant plus vite et sur une température interne plus élevée. A travers la connaissance qu'il avait de ces créatures et l'amour qu'il leur portait, il commença un tant soit peu à entendre le chant avec leurs propres oreilles. Le sentiment de grandes masses se balançant à des vitesses fantastiques, de chagrins éternels éternellement consolés, de ce qu'il ne connaissait pas et avait pourtant toujours connu, s'éveilla en lui dès les premières mesures de cette lamentation portée par des aboiements graves et lui fit courber l'âme comme si la porte du Ciel s'était ouverte devant lui.
*"Malacandra" est le nom par lequel les Martiens désignent leur planète.

On peut aimer ou pas le style ici exprimé, mais ce qui est intéressant, c'est de voir des données biologiques (sang, rythme cardiaque, température interne, système auditif) être convoquées pour expliquer un sentiment franchement spirituel ("courber l'âme comme si la porte du Ciel s'était ouverte"), et ce non dans le but d'un réductionnisme matérialiste (un truc du genre "l'art et la religion, en fait, c'est que des mécanismes biologiques qui nous illusionnent"), mais au contraire pour lier les réalités les plus corporelles aux vérités les plus métaphysiques. On retrouve vraiment ça dans l'Athrabeth, où les considérations sur la mortalité, la langueur, etc... sont mises au service de la philosophie et la théologie. Ces propos peuvent aussi être très utiles pour relire la poésie abondante du Seigneur des Anneaux, par exemple dans les sentiments exprimés par les poèmes elfiques, qui reposent effectivement sur une vitalité au sens biologique du terme s'exprimant d'une façon très différente de la nôtre. Il est assez évident de concevoir que les Elfes et les Hommes ont un rapport différent au temps (et donc aux sentiments d'angoisse, de lassitude et/ou de nostalgie) ; ce que cette lecture permet d'apporter en plus, c'est de considérer ce rapport au Temps avec un grand "T", le Temps de l'Histoire, des civilisations, de l'Univers, comme fondamentalement un rapport au temps personnel, aux pulsations et au rythme de notre propre corps. Il est notable de voir que Tolkien, dans son roman médiéval-fantastique, nous informe de "l'immortalité" des Elfes, mais non de leur rythme cardiaque ou de leur température interne, là où Lewis, dans un ouvrage de science-fiction, donne ces informations mais n'encombre pas son récit de créatures immortelles qui seraient scientifiquement compliquées à décrire : ces deux écritures, plutôt que deux "points de vue", doivent à mon avis être vus comme deux plans, le plan du Temps cosmique et mythologique, où l'immortalité n'a pas besoin d'autre justification que le nectar et l'ambroisie, et le plan du temps biologique, fait de rythmes cardiaques, de températures internes et de systèmes respiratoires. Ce qui est admirable, c'est que chez ces deux amis écrivains, les deux plans sont traversés des mêmes vérités transcendantes.

Enfin, Au-delà de la planète silencieuse est génial pour penser à Tolkien dans la mesure où ce roman est traversé par une question qui imbibe le légendaire du Professeur : le rapport à la mort, qui est ici précisément mis en relation avec les thèmes du sang et de la race. Cela commence de manière assez fine (ce qui est pourtant rare, chez Lewis...) dans la discussion entre Ransom et les Sorns : le Terrien veut se renseigner sur un cataclysme passé, qui a ravagé l'ensemble des hauts-plateaux martiens :

-Aujourd'hui si tu pouvais monter là-haut et y vivre, tu verrais que tout le sol est couvert des ossements d'anciennes créatures ; c'était plein de vie et de bruit. C'est à cette époque que les forêts poussèrent et sous leurs futaies vivait un peuple disparu depuis des milliers d'années. Ils n'étaient pas couverts de poils mais d'une robe comme la mienne. Ils ne nageaient pas dans l'eau ni ne marchaient sur le sol ; ils glissaient dans les airs sur de larges membres plats qui les soutenaient. On dit que c'était de grands chanteurs et en ce temps-là les forêts rouges répercutaient l'écho de leur musique. Maintenant les forêts sont pétrifiées.
-Nous avons encore de telles créatures dans notre monde, dit Ransom, nous les appelons "oiseaux". Où était Oyarsa* quand tout cela est arrivé ?
-Là où il est maintenant.
-Et il n'a pas pu l'empêcher ?
-Je ne sais pas. Un monde n'est pas fait pour durer toujours, encore moins une race.
*C'est le nom du Manwë local, le Vala chargé de régner sur Mars et de la protéger.

Ces propos sont particulièrement forts, surtout replacés dans les convictions qui sont celles de Tolkien et Lewis : on a tout d'abord une espèce de bucolisme extra-terrestre assez mignon, suivi immédiatement de l'affirmation qu'il n'est pas malheureux en soi de voir une telle beauté disparaître... Ce texte permet vraiment d'abord de recadrer pour mieux le comprendre l'amour de ces deux compères écrivains pour la Nature : il ne s'agit pas d'une attitude niaiseuse qui considérerait que "les lapins c'est trop choupi" mais "les loups qui mangent les moutons ils sont trop méchants" : ici, le rapport à la Mort explicitement exprimé par Tolkien peut être étendu à son écologie : la mort et la disparition sont aussi des dons du Créateur, aussi terribles puissent-ils sembler; et on conçoit ce qu'il y a d'effroyable, pour quelqu'un comme Lewis ou Tolkien, à évoquer un monde où toutes les espèces d'oiseaux auraient été exterminées.

Mais, pourrait-on se dire, n'est-ce pas là une manière de justifier Saroumane face à Sylvebarbe ? Que nenni ! Bien au contraire, le principal antagoniste du roman est également un Terrien, un scientifique du nom de Weston qui a organisé l'expédition vers Mars dans le but d'asservir ou d'exterminer les races indigènes, et de préparer l'exploitation industrielle et la colonisation de la planète pour offrir de nouvelles ressources et de nouveaux espaces à la race humaine. A la fin du roman, son plan ayant échoué, il est capturé et amené devant Oyarsa, à qui il adresse un discours qui est traduit par Ransom, lui-même n'ayant que de faibles connaissances en matière de philologie (ce que j'adore, chez Tolkien et Lewis, c'est à quel point ils affirment la supériorité des savoirs littéraires sur les savoirs scientifiques :lol: ). Je m'excuse d'avance pour la longueur du passage que je vais recopier, mais il est absolument phénoménal pour les questions qui nous occupent ici ; le passage est formé des enchaînements entre les paroles de Weston et leur traduction en langue martienne par Ransom :

-Pour vous, je peux faire figure de vulgaire voleur, mais je porte sur les épaules le destin de la race humaine. Votre vie tribale avec ses armes de l'âge de pierre et ses cabanes semblables à des ruches, ses embarcations primitives et sa structure sociale élémentaire, n'a aucun point commun avec notre civilisation, notre science, notre médecine, notre loi, nos armées, notre architecture, notre commerce, et notre système de transport qui ne va pas tarder à supprimer l'espace et le temps. Notre droit à prendre votre place est le droit du plus grand sur le plus petit.
-Chez nous, Oyarsa, il y a un genre de hnau qui a l'habitude de prendre la nourriture et ce qui appartient aux autres hnau quand ceux-ci ne regardent pas. Il dit qu'il n'est pas de ceux-là. Il dit que ce qu'il fait maintenant fera que des choses très différentes arriveront à ceux de notre peuple qui ne sont pas encore nés. Il dit que chez vous, les hnau d'une même famille vivent tous ensemble et qu'ils ont des harpons comme ceux que nous utilisions il y a bien longtemps, que vos cabanes sont petites et rondes et que vos bateaux sont petits et légers comme nos anciennes embarcations ; il dit que vous n'avez qu'un seul chef et que c'est différent chez nous. Il dit que notre science est grande. Il y a une chose qui arrive dans notre monde quand le corps d'un être vivant éprouve de la douleur et devient faible et il dit que nous savons parfois comment l'arrêter. Il dit que nous avons beaucoup de gens pervers et que nous les tuons ou que nous les enfermons dans des cabanes; que nous avons des gens pour régler les querelles entre les hnau pervers, au sujet de leurs cabanes, de leurs compagnes ou de leurs objets. Il dit que nous disposons de plusieurs moyens pour que les hnau d'un pays tuent ceux d'un autre pays et que certains s'entraînent à le faire. Il dit que nous construisons de très grandes et de très solides cabanes de pierre et d'autres choses. Et il dit que nous échangeons entre nous plusieurs choses, et que nous pouvons transporter de très lourdes charges très vite et loin. A cause de tout cela, il dit que ce ne serait pas l'acte d'un hnau pervers si notre peuple tuait tout votre peuple.
-La vie est au-dessus de tous les systèmes de morale ; ses droits sont absolus. Ce n'est pas au moyen de tabous tribaux et de maximes de tout repos qu'elle a poursuivi sa marche implacable depuis l'amibe jusqu'à l'homme et de l'homme jusqu'à la civilisation.
-Il dit, commença Ransom, que les créatures vivantes sont plus fortes que la question de savoir si un acte est pervers ou bon- non, ça n'est pas ça. Il dit qu'il vaut mieux être vivant et pervers que mort- non, il dit, il dit... Je ne peux pas dire dans votre langue ce qu'il dit, Oyarsa. Mais il continue en disant que la seule bonne chose est qu'il y est beaucoup de créatures vivantes. il dit qu'il y eut beaucoup d'autres animaux avant les premiers hommes et que les derniers furent meilleurs que les premiers ; mais il dit que les animaux ne sont pas nés à cause de ce que les anciens disent au jeunes à propos des bonnes et des mauvaises actions. Et il dit que ces animaux ne ressentent aucune pitié.
-La vie a impitoyablement brisé tous les obstacles et liquidé tous les échecs et aujourd'hui, sous sa forme la plus haute, l'homme civilisé, et à travers moi, son représentant, elle avance au plus vite par ce saut interplanétaire qui la placera peut-être à jamais hors d'atteinte de la mort.
-Il dit, reprit Ransom, que ces animaux ont appris à faire des choses difficiles, sauf ceux qui en étaient incapables, et que ces derniers sont morts et que les autres animaux n'ont pas eu pitié d'eux. Et il dit que le meilleur animal aujourd'hui est le genre d'homme qui construit de grandes cabanes et transporte de lourdes charges et fait toutes les autres choses dont je t'ai parlé ; et qu'il est l'un d'eux et il dit que si les autres savaient tout ce qu'il est en train de faire ils seraient satisfaits. Il dit que s'il pouvait vous anéantir tous et amener notre peuple vivre sur Malacandra, alors ils pourraient vivre ici après que quelque chose aurait mal tourné sur notre planète. Puis, si quelque chose n'allait plus sur Malacandra ils pourraient s'en aller tuer tous les hnau dans un autre monde. Et puis, dans un autre... Et ainsi ne jamais disparaître totalement.
-C'est au nom de son droit, dit Weston, le droit, ou si vous préférez, la puissance de la vie elle-même, que je suis prêt sans sourciller à planter le drapeau de l'homme sur le sol de Malacandra : à marcher pas à pas, à prendre si nécessaire la place des formes inférieures de vie que nous rencontrerons, revendiquant planète après planète, système après système, jusqu'à ce que notre postérité, si étrange que soit la forme et si inattendue la mentalité qu'elle aura pu revêtir, habite l'univers partout où il est habitable.
-Il dit, traduisit Ransom, que pour cette raison ce ne serait pas pour lui un acte pervers, ou plutôt il dit que ce serait un acte possible, de vous tuer tous et de nous amener ici. Il dit qu'il ne ressentirait aucune pitié. Il répète qu'il leur faudra peut-être se tenir prêts à se déplacer d'un monde à l'autre et que, où que ce soit, ils devront tuer tout le monde. Je pense qu'il veut parler maintenant des mondes qui gravitent autour d'autres soleils. Il veut que nos descendants occupent autant d'endroits qu'ils le pourront. Il dit qu'il ne sait pas quel genre de créatures ils seront devenus.
-Je peux échouer, dit Weston, mais tant que je vivrai, je ne consentirai pas, ayant en main une telle clé, à fermer les portes du futur à ma race. Ce que sera ce futur, qui dépasse notre entendement actuel, mon imagination ne peut le concevoir : c'est assez pour moi qu'il y ait un au-delà.
-Il dit, traduisit Ransom, qu'il ne cessera pas d'essayer de faire tout cela à moins que tu ne le tues. Et il dit que, bien que ne sachant pas ce qui arrivera aux créatures qui naîtront de nous, il veut absolument que cela arrive.

Vous êtes encore là ? :lol:
Bref, je trouve ce texte vraiment très intéressant à mettre en relation avec Tolkien, pour plein de raisons ; fondamentalement, il s'agit de la dénonciation en live d'un discours, qui est déconstruit au fur et à mesure qu'il est énoncé, afin d'en révéler l'artificialité. Le personnage de Weston partage de nombreux traits, par exemple, avec celui de Saroumane : outre qu'il représente un certain amour de la technologie industrielle, il a sa tendance à la rhétorique, et justifie lui aussi les moyens par la fin. Ce passage est propice à une lecture écologique : si le passage précédent, sur la disparition des oiseaux, permet, pour les croyants que son Lewis et Tolkien, de rendre compte de la cruelle indifférence que Darwin trouvait dans la Nature et qu'il jugeait incompatible avec le christianisme, et d'accepter ce constat en le jugeant comme partie du projet de la Création, ce qui est condamné ici, c'est le fait d'utiliser ce constat comme justification morale (dans le darwinisme social, par exemple). On lit plus globalement une condamnation du modernisme abhorré par Tolkien, et la déconstruction du discours rend bien ridicule le culte du progrès professé par Weston. Tout ceci (écologie, modernisme, etc...) est mis en relation avec une dénonciation du colonialisme et de l'impérialisme : la quasi-totalité du discours de Weston pourrait sortir de la bouche des Rois de Numenor, et d'une certaine façon, Weston est le chaînon manquant entre Numenor et l'Isengard, entre la puissance impériale et la puissance industrielle, le tout lié à un rapport plus que malsain à la notion de race, alors que le roman nous fournissait à travers les Martiens de bien plus nobles emploies de ce terme ; Weston nous montre qu'il ne suffit pas de reconnaître l'unité de la race humaine pour bien employer ce mot.

J'ai dit que Weston pouvait se rapprocher des Rois de Numenor ; ce qui est intéressant, c'est que la suite du récit diagnostique le même problème chez lui et chez Ar-Pharazon : la peur de la mort, déjà décelable dans les paroles du scientifique, qui utilise la race comme "au-delà". Par la suite, Oyarsa et Weston se parlent directement, le scientifique baragouinant en langue martienne avec ses maigres facultés linguistiques ; et le Vala lui raconte comment, lorsqu'un cataclysme frappa Mars en détruisant de nombreuses espèces, les Martiens et lui ne firent rien contre le cataclysme lui-même, évitant simplement que ce traumatisme provoque des dommages spirituels :

-Et toi voir le résultat ! interrompit Weston. Vous maintenant pas nombreux, bientôt tous mourir.
-Oui, dit Oyarsa, mais il est une chose que nous avons laissé derrière nous : la peur. Et avec la peur, le meurtre et la révolte. Les plus faibles des miens ne craignent pas la mort.

Le personnage de Weston permet véritablement d'expliciter le lien entre la peur des Numénoréens à l'égard de la mort et leur comportement impérialiste : c'est la peur de la mort qui pousse à se servir de la race comme d'un au-delà. L'association des deux crimes que sont le meurtre et la révolte se retrouve de même tout au long du légendaire : Feanor se révolte contre les Valar et massacre les Elfes d'Aqualonde, les Rois de Numenor veulent attaquer Valinor et commettent des sacrifices humains, etc...


Voilà, je m'excuse de la longueur de ce post ; en conclusion, pour le coup, je suis tombé vraiment sur un exemple de rapprochement de deux textes dont les auteurs partageaient les mêmes convictions, mais les ont exprimées l'un sur le registre du médiéval-fantastique, l'autre de la science-fiction ; et la confrontation des deux est vraiment porteuse de sens, l'un éclairant l'autre. D'une certaine façon, la différence de genre littéraire est un peu comme la différence de race évoquée plus haut : il s'agit de deux textes qui n'ont pas le même sang, le même rythme, le même climat, la même inscription dans l'espace-temps, mais dont le dialogue permet de comprendre les vérités de la communauté d'auteurs qui en est à l'origine.
A voir si d'autres trouvent ce rapprochement contestable dans son principe ou dans la manière dont je le mène, ou ont des trucs à ajouter là-dessus, ou veulent parler d'autre chose...

Modifié par Peredhil
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