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Laudes Carmines


Granville

Messages recommandés

Bonjour à tous,

 

Inscrit récemment sur ce site pour une toute autre raison, j'ai remarqué qu'il possédait une section dédiée aux écrits dans l'univers de 40k/battle. Avec un ami, c'est un domaine que nous apprécions tout particulièrement, et nous postions des projets à d'autres endroits d'internet entièrement dédiés à la Fan-fiction ou à l'écriture, mais je n'ai jamais eu jusqu'ici l'idée de le faire ici. Ca me semble tout particulièrement intéressant, puisque le forum est entièrement voué à l'univers, alors je me suis résolu de poster ces travaux.

 

A commencer par une nouvelle écrite pour le récent concours d'Halloween de Games Workshop auquel j'ai participé. Elle fait à peu près 10.000 mots, et tous les retours seront les bienvenus !

 

Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite de ce site sans l'autorisation expresse de l'auteur.

Laudes carmines

Partie 1

 

          Un monastère de pierre froide sur une planète déchirée par le souvenir de la guerre, un prêtre-guerrier qui renoue avec la vie civile et de simples pas traversant un couloir au plus profond de la nuit. Lorsque de douloureuses réminiscences assaillent l’esprit d’un vétéran, les choses les plus anodines ont le pouvoir de devenir la source de profonds tourments ; et lorsqu’on incarne la rigueur et l’exemplarité de la foi impériale, succomber au traumatisme n’est pas une option. Mais ce qui harcèle le père Pius avec une telle régularité, est-ce vraiment le reflet de son esprit malade ou quelque chose de plus…ésotérique ?

 

          —   Vous verrez, » me rassurait le diocésain en ouvrant la porte de la petite cellule «. L’endroit est très calme. Nous ne sommes pas nombreux dans cette congrégation, et votre chambre est volontairement isolée des autres. Vous pourrez jouir ici de toute la tranquillité dont vous méritez, assurément. Les vieilles pierres rendent la bâtisse quelque peu sonore, surtout dans le couloir, mais mis à part frère Podérias à l’angle et le logement du jardinier de l’autre côté, personne n’habite à proximité.
Il avait conclu ses propos apaisants d’un sourire insupportable, et d’un regard bienveillant, comme si j’étais une sorte de blessé à soigner qu’il fallait manipuler avec précaution. L’heure n’était pas à lui prouver tort, à lui montrer que c’était surtout ce lieu et ses habitants qui suscitaient des soins que tous les médecins ne pouvaient fournir ; si cela apaisait son âme de voir en moi le nécessiteux que je n’étais pas, qu’il en soit ainsi.
          —   Nous sommes tous très heureux dans cette paroisse, » continua-t-il, « de vous avoir comme prêcheur référent. Votre expérience de la guerre vous a certainement conféré un don particulier pour en parler, et exorciser cela par la foi et les sermons. Les bonnes gens de cette planète en ont bien besoin, l’Empereur sait à quel point. » J’hochais distraitement la tête alors qu’il marquait la fin de sa phrase d’un signe de dévotion, embrassant du regard le lieu qui allait devenir mon foyer pour les mois à suivre.
          —   Je…je vous laisse vous familiariser avec l’endroit. N’hésitez pas à venir me voir si vous avez besoin de quoi que ce soit.
          La porte se referma derrière moi, me laissant seul avec l’ascétisme de la pièce. Elle n’était pas humide, ou froide, malgré les pierres nues soigneusement taillées qui constituaient ses murs. De fait, elle était probablement l’une des rares qui pouvait encore décemment accueillir un propriétaire. Un lit simple avec des couvertures brunes d’aspect rêche l’occupait, posé aux côtés d’un chevet au bois patiné supportant un bougeoir vide. Le diocésain  avait eu la délicatesse de couvrir le sol avec un grand tapis verdâtre aux bords décousus, dont le côté attenant à la porte était souillé d’une tâche sombre ; fort probablement du sang séché. J’avais vu trop d’horreurs pour m’en formaliser, et cette simplicité me rappelait les conditions spartiates des camps militaires qui avaient été ma norme au cours des dernières années. C’était une réminiscence réconfortante ; malgré les épreuves, la vie à l’armée allait certainement me manquer.
          Le couvent qui m’accueillait était l’ancien lieu de recueillement des Multitudes Sacrées, un ordre à l’agonie ayant à peine survécu à l’occupation meurtrière de l’archi-ennemi sur Foster, contigu à la cathédrale locale de Sainte Anaïs. Les quelques moines que la répression n’avait pas massacrés était sortis des cendres de la résistance, et avaient voulu contribuer à l’effort de reconstruction spirituelle. Pour les assister dans cette tâche, le Ministorum fit le choix de dépêcher certains de ses prêtres militants, moi y comprit. L’ecclésiarque Honorius, au cours d’un entretien instamment réclamé concernant le sujet, m’avait affirmé en des mots savamment choisis que mon séjour ici était temporaire, et devait me permettre un repos de l’esprit dûment mérité. Je n’aimais pas particulièrement la rumeur selon laquelle seuls les prêtres les plus durement atteints par les premières années de la guerre avaient été désignés pour rester à l’arrière. Mon esprit avait été forgé dans les flammes bénies de l’adversité, en attestait ma fidèle lame-tronçonneuse Eviscerator, qui occupait la majeure partie de mon paquetage, et je défiais quiconque de me dire le contraire. Mais le devoir de guérison était en effet aussi noble que celui de garder la foi des régiments de l’Imperium, et si ce devoir se trouvait temporairement ici, dans les ruines d’un monde en deuil et en souffrance, alors puisse l’Empereur être avec moi dans cette tâche difficile ; et la peste soit de tous ceux qui craignent la brûlure d’une foi enflammée.
          Au-dehors, des bruits de pas qui résonnaient dans le couloir attirèrent mon attention, confirmant les propos du diocésain sur l’excessive réverbération des lieux. Lorsque j’ouvris le judas de fer, j’aperçu en coin une silhouette encapuchonnée remontant les allées du cloître. Probablement le frère habitant à l’angle. L’écho se fit progressivement plus distant, pour enfin disparaître complètement. Quelques instants plus tard, l’appel aux Nones sonna dans le lointain. On m’avait instruit de m’y présenter à l’ordre pour prendre officiellement mes fonctions, j’en pris donc la direction. Peut-être étais-je plus habitué que d’autres à une certaine discrétion, car il me sembla sur le chemin être bien moins bruyant que ces lourdauds de moines.

          Il me fallut plusieurs semaines avant de rencontrer frère Podérias, qui n’était séparé de ma cellule que d’une trentaine de mètres. Occasionnellement, le bruit de ses sandales animait mon étude, lorsqu’il revenait des offices ou de quelque occupation qu’était la sienne dans les couloirs dévastés du monastère. Penché dans la préparation de mes sermons ou des papiers de réassignation du Munitorum, je ne m’en offusquais pas et prenais parfois quelques instants afin d’écouter l’écho persistant que laissait son passage. Quelquefois, il me semblait même qu’il s’arrêtait momentanément devant ma porte, avant de continuer sa route.
          Un jour, cependant, je réussi à le croiser, au retour du service religieux de milieu de journée. Il n’y avait pas participé, pour autant que je sache, mais ce n’était pas à moi de le forcer à assister aux sermons populaires. La foule des fidèles, de son côté, était réceptive à mes prêches, heureuse de vouer à nouveau son âme au secours miséricordieux de l’Empereur, plutôt qu’à l’impitoyable joug des puissances innommables de la ruine. Dans chacun des paroissiens, je sentais le fardeau de la guerre passée, en écho à celui qui était le mien ; les traits tirés par les années d’angoisse, d’injustice et de maltraitances mettraient longtemps à retrouver la paix, et j’espérais que la force de mes harangues rencontre un résultat sur la foi vacillante de ces hommes, femmes et enfants qui cherchaient en moi le soutien dont on les avait privés durant tout ce temps.
          —   Frère. » Le saluais-je en inclinant respectueusement la tête. Son visage ne m’était pas vraiment discernable, mais de sous sa capuche pointait une barbe grisâtre. Il me rendit poliment le geste sans former la moindre phrase en réponse, et continua son chemin. Sans savoir si j’aurais dû forcer une conversation, je m’apprêtais à rejoindre la quiétude de ma cellule, mais il tourna légèrement la tête et le fit pour moi. Sa voix n’était presque qu’un murmure rauque, un souffle imperceptible qui contrastait avec l’habituel claquement insistant de ses souliers.
          —   Vos nuits, mon père, vous sont-elles reposantes ? J’ai l’impression que vous avez le sommeil agité.
          —   M’entendez-vous me réveiller ?
          Il hocha la tête.
          —   Vous réveiller, je l’ignore. Mais j’ai le sommeil léger –conséquence de la guerre, voyez-vous-, et ces derniers temps il n’est pas rare d’entendre monter de votre cellule des vociférations, ou des bruits de mobilier qui s’agite, comme si vous luttiez.
          —   Je suppose que nous avons tous nos démons à affronter. Mes excuses si cela vous cause du désagrément.
          —   Ne vous en faites pas, la paix viendra en son temps.
          Sur cet échange, il me quitta, sans que je n’aie le temps de lui demander en retour de clarifier quelque chose pour moi. Je devais bien avouer que mes nuits étaient souvent peuplées de cauchemars, rappels inévitables de la guerre, au même titre que celles de n’importe quel soldat. Je les acceptais, car ils étaient le prix à payer pour servir l’Empereur au sein de ses glorieuses armées. Il y avait-il un seuil à franchir ? Un moment où le traumatisme occultait la raison et devenait un mal profondément enraciné ? Considérant l’importante population des Sanatorium militaires, force était de le constater. Grâce à l’Empereur, je ne pense pas l’avoir franchi, et je prie qu’il m’en garde.
          Ces rêves, cependant, étaient prenants, comme un vortex incessant de souvenirs jetés au visage, m’obligeant à revivre chaque horreur, chaque blessure, chaque visage crispé dans la douleur de la mort barbotant dans la fange et le sang, chaque tranchée arrachée à l’ennemi, noyée dans ses entrailles et celles des braves de la première ligne, chaque champion démoniaque défiant la pureté de ma foi et payant cet orgueil dans les affres du bannissement -je les affrontais à nouveau, les renvoyant une fois de plus dans les limbes.
          Mais chacun de ces cauchemars était entrecoupé d’un autre, plus cryptique, bien que je ne puisse être certain qu’il en soit bien un. Je m’éveillais dans ma cellule, et l’air était froid. Face à moi, la porte trônait, faiblement éclairée par l’astre nocturne filtrant des barreaux de la fenêtre. Et malgré l’heure tardive, il ne fallait que quelques secondes avant qu’un pas régulier s’élève du couloir, dont l’écho persistant arrivait à mes oreilles plus vite que le bruit en lui-même. Alors qu’il se rapprochait, j’étais pris aux tripes par une certitude sourde, étouffante, celle que rien de tout ceci n’était normal, et que cette démarche ne pouvait être celle d’un moine ou d’un quidam croisant inopinément ma porte au beau milieu de la nuit. Alors que je me débattais avec ce sentiment oppressant, les pas s’arrêtaient étrangement face à ma chambre, sans chercher à l’ouvrir. Pendant une durée indéterminable, plus parce que le temps semblait se tordre que parce que le moment se prolongeait, j’attendais, dans l’expectative, sans être certain de ce à quoi je devais m’attendre. Devrais-je ouvrir ? Sauter sur mon arme ? Crier ? Mais avant que je ne réponde à ces questions, et aussi soudainement qu’ils étaient venus, les pas repartaient, se perdant dans les voûtes du monastère. Je n’avais d’autre choix que de me rendormir, agité de sentiments et d’impressions contradictoires, me demandant ce qui arriverait si la porte était ouverte, et ce que je verrais passer par l’encadrement.
          Alors la nuit s’ellipsait, et je me réveillais à nouveau, pour de bon cette fois, caressé par la chaleur des rayons du soleil qui tombaient de la fenêtre, directement sur mes draps ; comme le réconfort d’une victoire chèrement acquise. Pouvait-ce être frère Podérias, à chacune de ces nuits, qui passait devant ma porte au cours d’une marche nocturne et étonnament régulière ? À bien y réfléchir, pourquoi cela avait-il la moindre importance ? Je secouais la tête, contrit de ces préoccupations ridicules, et regagnait mes documents ; plus particulièrement cette étude régulière des écrits de Saint Drusus, qui étaient pour moi la source d’un apaisement nécessaire.
          Les jours se suivirent, et se ressemblaient tous ; à l’image des nuits, malheureusement. Une routine s’installa, dans laquelle je faisais une navette entre ma chambre et les offices de la cathédrale, dont la population grandissait chaque semaine. L’on me félicita plusieurs fois, car ma forte stature et la ferveur de mes homélies semblaient être à l’origine de ce renouveau d’affluence ; je devins progressivement une figure sainte, qui vaquait à ses obligations religieuses avec une régularité militaire et un sérieux tout aussi rigoureux. Au cours de mes allers-retours, je ne pus m’empêcher de constater la pauvreté toujours aussi flagrante de l’occupation du monastère, car il n’était pas rare que je ne croise personne pendant de nombreux jours. Aucun novice, aucun visiteur, pas âme qui vive en dehors des moines discrets de l’ordre, qui sortaient rarement de leurs quartiers, souvent uniquement pour assister aux messes. Un jour cependant, un cisaillement régulier et précis attira mon attention, alors que je traversais le cloître pour rejoindre ma chambre. J’eus la surprise de remarquer le jardinier que l’on m’avait mentionné il y a plusieurs semaines, et dont j’avais complètement oublié la seule existence. Il était de dos, agenouillé, entretenant les buissons et les carrés de terre du jardin intérieur ; était-il là depuis tout ce temps, sans que les coïncidences ne permettent de nous rencontrer ? Je résolu de ne pas le déranger, et retournait à mes propres travaux.

 

*

*       *

 

          Bien que les nuits continuèrent à m’imposer ce moment récurrent, d’apparence normale, mais insinuant pernicieusement en moi la certitude que quelque chose se dégradait, je continuais stoïquement à poursuivre ma mission auprès des braves gens de Balipolis. Les rêves restaient des rêves, et ceux-ci n’avaient pas à influer sur mes obligations. Je cru pouvoir garder à distance ces démons gênants et continuer mon ministère sans qu’ils ne le troublent. J’avais tort.
          Deux semaines avaient passées, et les derniers offices du soir se concluaient en ce jour du labeur. Ces instants de prière en dehors du temps s’évanouissaient toujours trop vite à mesure que la lumière déclinait sur les tours du monastère. Dès lors, je regagnais mes quartiers, à l’abri dans le confort très relatif de mon ameublement. Pour autant, mon travail n’était pas encore fini. Je n’ai jamais été de ces prêtres qui contemplent lentement leur sablier s’égrener dans la torpeur de la solitude, au service de la seule méditation pieuse de l’esprit. Loin de là. J’ai toujours été un orateur, je suis comme un poisson dans l’eau parmi les excitateurs de foules qui manient aussi bien la plume que l’épée.
          Raidement installé sur ma  chaise, observant mes fiches et mes notes classées avec précision, je me mis au travail. Auto-plume à la main, je rédigeais et compilais avec un calme clinique les différentes idées qui me passaient  par la tête au cours de la journée. Ainsi mises bout-à-bout je brodais ensemble ces morceaux de sagesse pour composer de vibrante homélies destinées à mes ouailles. Là un pamphlet contre l’archi-ennemi, ici un appel à la prière, là encore, un recueillement pour les morts. La rigueur est la sœur de l’inspiration, et ainsi je m’astreignais à ce travail laborieux chaque soir avec la régularité d’un métronome.Mais en cette heure tardive, cela ne fonctionnait pas. Mon efficacité se délitait au profit d’un sentiment de malaise croissant. Mon inspiration fervente s’était tarie, remplacée par des visions d’outre-tombe. Tout ce que j’écrivais était tâché de lettres de sang. Des images subliminales de sévices abominables me percutaient la rétine. Quand je voulais parler de paix je ne voyais que la guerre ; quand je voulais parler d’absolution je ne voyais que la vengeance ; quand je voulais parler de vie, je ne voyais que la mort. Sans m’en rendre compte de prime abord, je m’étais mis à compiler la liste sans fin des Gardes de mon ancien régiment morts au combat. Pris d’horreur, je lâchais mon auto-plume, lorsque j’en fus conscient. Effaré par cet accès de faiblesse, je me sentais bien en peine de reprendre mon travail.  Me massant les tempes pour faire taire ces démons, je pris finalement la décision de me laisser aller  au sommeil en lisant quelques maximes choisies dans mon livre de chevet. Après tout, Saint Drusus avait lui aussi été un guerrier. Peu d’hommes savaient aussi bien que lui ce qu’était la guerre, et plus encore, ce qu’était l’angoisse d’être un survivant quand tant d’autres étaient morts.
          La lecture ne m’apaisa pas, pire encore, mon malaise semblait croître, je me mis à lire des lignes absurdes dans mon livre. Des phrases au sens alambiqué et délirant que Saint Drusus n’aurait jamais pu écrire. Sous mes yeux impuissants, les mots semblaient couler de leurs lignes pour pervertir les idées qu’ils étaient censés porter. Mettant cette hallucination dérangeante sur le compte de l’épuisement, je résolu de me laisser aller au sommeil. Enfin je fermais lentement les paupières espérant que la nuit m’apporte finalement le réconfort que mon cerveau épuisé avait trop longtemps attendu.

 

          Au plus tard de la nuit, ces maudits pas retentirent de nouveau dans le couloir. J’en reconnaissais le rythme, toujours d’une glaçante régularité. Le bruit était sourd, diffus, presque effacé. Je savais pourtant qu’il venait vers ma chambre, qu’il en prenait la direction ; c’était certain. Blotti dans mes draps je m’efforçais de penser rationnellement, d’envisager toutes sortes de raisons pouvant pousser quelqu’un à arpenter les couloirs du monastère, même de nuit. Malgré tout mes efforts, je ne pus faire abstraction de ma conviction que cette démarche n’avait rien d’humain. Et que la seule destination sur laquelle donnait ce pan de couloir était mes appartements.

          Je me mis à ralentir ma respiration jusqu’à ce que seul un mince filet d’air atteigne mes poumons. Peut-être était-ce pour mieux entendre, mais ce que je désirais au fond était de ne pas être entendu. Le bruit cadencé avait longuement eu le temps de s’approcher ; je n’osais allumer ma bougie. Il me vint à l’esprit que les pas s’étaient répétés bien trop souvent, comme si le couloir s’était inexplicablement allongé à mon insu.

          puis, les pas se turent, stoppant juste devant ma porte. On ne frappa pas. Un silence total s'abattit. Mais c’était encore là, devant ma chambre. La température chuta à nouveau, j’avais froid et je tremblais de tous mes os malgré les couvertures. L’obscurité paraissait s’étendre des interstices, comme si la chose sur le seuil vivait dans cette ombre qui filtrait vers ma cellule pour la revendiquer. Je retenais maintenant complètement ma respiration, suppliant intérieurement pour le salut de mon âme, convaincu que j’étais que cette chose allait l’emporter pour en corrompre chaque parcelle. Une éternité plus tard, ou peut-être seulement quelques secondes, elle se tenait toujours immobile derrière la porte. Mes sens étaient tous en alerte, priant pour que les pas reprennent leur chemin et s’éloignent. Mais au lieu de ça, j’entendis la poignée grincer.

 

          Je me réveillais en sursaut, chutant du lit avec lourdeur. Haletant et trempé de sueur, je parvins à m’extraire de ma torpeur pour allumer une bougie dans un effort pénible. Frottant compulsivement mon briquet à silex je fini par faire surgir une flamme salvatrice qui permit à la frêle lueur du bougeoir de réchauffer la pièce.

La porte était ouverte. Je n’oubliais jamais de fermer ma porte. Jamais. Quelqu’un, ou quelque chose, avait poussé sur ma poignée pour m’observer pendant mon sommeil. Ou peut-être ne voulait-on pas seulement m’observer ? Peut-être qu’en me réveillant j’avais empêché de bien plus terribles choses d’advenir ? Étais-je seulement réveillé ? Je ne pouvais plus bouger de mon lit, jetant de petits coups d’œil compulsifs à mon Eviscerator qui me semblait tellement loin, adossé près de l’armoire. Les murs de mon logis semblaient s’allonger sous l’éclairage de la petite flamme vacillante, et toute notion de temps s’était estompée. Ecrasé par l’inquiétude et angoisse, j’étais maintenant tout à fait conscient, mais incapable d’agir.

          Un sifflotement calme et doux provenant d’au-dehors brisa l’immobilisme dans lequel je m’étais muré. Le petit air enjoué qui me parvenait aux oreilles me rappela au réel ; il me délia les muscles et apaisa progressivement mon pouls. Je recommençais à respirer normalement. Au prix d’un regain de volonté, je chassais les miasmes du cauchemar et raccrocha avec la réalité ; un mauvais rêve, cela avait été seulement un mauvais rêve ; ou du moins l'espérais-je. Un très mauvais rêve, bien que...rien n’expliquait comment cette porte avaient bien pu s’ouvrir au cours de la nuit.

          De nouveau maître de mes mouvements, bien qu’encore tremblant, j’entrepris de partir en quête de ce sifflotement qui m’avait ramené à la raison. Je pénétrais dans le couloir avec une infinie prudence, mais rien d’anormal ne vint justifier mon attitude. Après quelques pas hors de ma chambre, je vis distinctement en contrebas, par l’entremise d’une fenêtre de pierre, le jardinier que j’avais croisé quelques jours plus tôt affairé à ses plantes. Bien que l’heure soit tardive, je pris la décision de le saluer, lui qui m'avait été d’un grand secours sans même en avoir conscience.

 

          —   Bonsoir, mon fils, » lui lançais-je poliment, comme à n’importe lequel de mes paroissiens. Mon ton neutre laissait supposer, du moins je l’espérais, que je n’étais passé ici que par hasard.

          —   Peut-être est-il un peu tard pour parler du soir, et la nuit est rarement bonne pour ceux qui ne trouvent pas le sommeil. Qu’en pensez-vous ? » Malgré l’obscurité, je distinguais le visage malicieux qui se releva d’un rosier rouge ; en partie parce que celui-ci scintillait avec la lumière de la lune. Il ne me fallut pas longtemps avant de comprendre pourquoi : une grande partie de celui-ci était recouvert de plaques métalliques, et les chairs étaient roses à la jointure avec la peau. L’autre partie était bardée d’une cicatrice profonde, comme pour couronner le tout. Une gueule cassée. Quelqu’un d’autre aurait pu penser à un terrible accident, mais j’avais vu ce genre de blessures suffisamment de fois auparavant, suffisamment de vies ruinées ; on ne pouvait l’obtenir qu’à la guerre, après la caresse d’une grenade, d’un obus, ou d’armes plus ésotériques. Cela lui donnait une voix légèrement chevrotante, et il devait lécher fréquemment les lèvres qui lui restaient.

          —   Ah, ne m’écoutez pas, je fais mon intéressant. » Continua-t-il rapidement, lorsqu’il lut la surprise de sa condition sur mon visage. « Bonsoir également, mon père, je savais que étiez de service ici depuis quelques temps, je commençais à être étonné de ne jamais vous avoir croisé.

          —   Se connaît-on ? » Répondis-je, surpris de sa familiarité.

          J’étudiais plus en détails mon interlocuteur. Ce jardinier était puissamment charpenté, comme à même de soulever un jeune grox sur ses épaules, ce qui collait avec un passé militaire. Les cisailles étaient presque comiquement trop petites pour ses grosses mains, et s’il avait été auparavant plus habitué à manier les armes, il semblait à l’aise avec sa nouvelle condition.

          —   Figurez-vous que nous avons servi dans le même régiment, mon père ! Mon nom est Jung. J’étais grenadier dans le 11ème Vougiers de Strauss, pendant la croisade. Nous nous sommes déjà rencontrés, mais vous aviez tellement d’âmes à votre charge, il ne serait guère étonnant que vous m’ayez oublié.

          —   Je ne parviens pas à me remémorer une rencontre antérieure, j’en suis navré. Moi et mes coreligionnaires avons tellement de travail que nous nous y égarons quelques fois. Mais si vous étiez comme moi rattaché au 11ème, je ne doute pas avoir affaire à un vrai dur à cuir. Etiez-vous présent pendant l’assaut contre l’Hôtel de souffrance ?

Son air se fit sombre et contrit.

          —   Non, je n’ai pas pu y participer, mais j’aurais aimé être là pour mes frères d’armes, malgré ce qu’on m’a raconté. Aucun d’entre-eux n’en est jamais vraiment revenu, n’est-ce-pas ?

          —   Non. Non, en effet. » Il m’avait fallut un instant pour répondre, mais Jung avait attendu patiemment. « Pardonnez-moi, mais pourriez-vous me dire ce qui vous a retenu ?

          —   Deux jours avant, un de ces kamikazes fous m’a laissé ce petit cadeau. J’suis bon tireur, mais abattre avec un lance-grenades à bout portant un taré qui vous fonce dessus chargé à bloc de tubes-charges, ça laisse... des traces. Non content de m’avoir pris une partie du visage, l’explosion m’a aussi démoli la jambe. » Il appuya l’explication en relevant son vieux pantalon rapiécé pour dévoiler une prothèse métallique grossière qui remplaçait maintenant son genou droit, ainsi qu’une bonne partie de sa hanche.

          —  C’est une bonne chose pour vous que vous n’ayez pas pu nous accompagner. J’y étais, pour ma part. Et ce fût… éprouvant, pour ne pas dire plus. Je...suis désolé pour vos blessures. » Répondis-je avec une sincérité non feinte. « Je sais à quel point il est dur de vivre dans une telle situation. Les confessionnaux sont remplis de vétérans qui ne savent plus vers qui se tourner, à part leur foi, quand ils réalisent qu’ils ne peuvent plus vivre comme avant.

          —   Merci mon père. J’imagine qu’après quelques années, les blessures du corps s’oublient. Entre elles et les visages des camarades morts au combat qui hantent mes nuits,...parfois c’est presque insupportable. Je marchanderais mon deuxième genou avec plaisir, si ça me permettait de dormir tranquillement.

          —   Et vous avez trouvé des solutions pour pallier à ces…à ces visions, si j’ose dire ?

          —   Pourquoi croyez-vous que je vienne bouturer des plantes à cette heure-ci ? La lumière des étoiles n’améliorent pas mon travail, » dit-il en rigolant légèrement. « Non, cela me détends, cela donne du sens au reste. Et si ce que je fais maintenant a du sens, alors peut-être que le sacrifice de mes camarades en aura eu aussi. Pourquoi se battre, sinon ?

          —   C’est une philosophie intéressante, soldat. Peut être devrais-je en enrichir mes homélies.

          —   Merci, mon père. Et puis, je constate que je ne suis pas le seul à avoir des difficultés pour dormir. Dans un certain sens, c’est toujours agréable de pouvoir partager sa solitude. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un homme comme vous. Si j’étais bon soldat, vous, vous étiez un prêtre exemplaire, tous les gars étaient d’accords là-dessus. Toujours le bon mot pour remonter le moral, toujours la même humanité transparaissant dans chacune de vos décisions. Les hommes et moi étions fier de vous savoir à nos côtés.

          —   Merci, Jung.

          —   C’est un plaisir. On avait pas le même travail, mais nous sommes tous les deux des vétérans, alors il faut se serrer les coudes. Les civils ont tendance à mal comprendre ce que la plupart d’entre nous subissent. Quand les armes se taisent, on se retrouve toujours un peu seuls face à nous-mêmes.

          —   Vous parlez avec sagesse. Si vous êtes d’accord, j’aimerais que nous poursuivions cette conversation dans les jours qui suivent. Cela me ferait en effet le plus grand bien de pouvoir partager un peu de ce poids que je porte. Pour l’heure, je devrais retourner dormir, si j’y parviens. Le travail ne manquera pas demain. Et contrairement à vous je ne peux pas disposer de mon temps comme je le désire.

          —   Bien sûr, père Pius, toujours là pour rendre service.  A la paix, comme à la guerre.

 

          Lorsque je m’éloignais, j’entendis l’infatigable jardinier se remettre à sa besogne. Je remerciais tous les Saints de l’Empereur d’ainsi mettre sur la route de leurs fidèles ces bonnes et simples gens qui étaient comme un phare dans la nuit. Ce ne fût peut-être qu’une courte conversation mais elle m’avait fait l’effet d’un baume à l’âme. Une fois rallongé, je m’endormis et savourait un sommeil sans rêve qui parvint un temps à me faire oublier ce mal-être.

Peut-être la journée suivante fut-elle meilleur que les autres, ainsi que celles qui suivirent. Peut-être mes sermons firent plus consensus qu’à l’accoutumée. Peut-être mes prières eurent-elles le don de soigner quelque peu ces blessures invisibles qui étreignaient mon âme. Quand bien même, lorsque venait le soir, drapant d’obscurité implacable la chapelle et mon cœur fatigué, j’étais toujours autant impuissant à trouver le sommeil. Je guettais ces bruits de pas dans le couloir, qui se refusaient à venir. Tout était calme, mais au fond de moi je savais que le mal rôdait toujours, patiemment. Au cours des journées, je m’étais attaché à mémoriser les démarches pesantes des autres moines, et des fidèles de passage au cours de la journée, afin de pouvoir les comparer à celle que j’entendais la nuit. Cette futile occupation devait contribuer à me rassurer, qu’une simple successions de pas visitant un couloir redevienne l'innocence-même d’un enfant de coeur. Cela aurait du me rasséréner . Mais ce ne fût pas le cas.

          Ainsi, pour forcer mon corps à accepter le sommeil, je consommais des feuilles de lho en légère infusion. Leur vente a beau être illégale, ces problèmes récents m’avaient poussés à demander ce service au jardinier, qui s’était fendu d’un grand sourire. Il se doutait probablement à quel point cette simple substance serait vitale pour m’aider à me détendre, et enfin m’assoupir.

          Alors, m’étais-je endormi ? Je ne pu répondre à cette question, lorsque j’ouvris les yeux aussi rapidement que je les eu fermés cette nuit-là. Dehors, les pas remontaient doucement l’allée de pierre, et peut-être était-ce cela qui m’avait réveillé.

Je serrais les poings autant que les dents, tentant de trouver une sorte de combativité en moi. Désir futile, car ma volonté semblait fondre au fur et à mesure que le trouble s’approchait. Elle avait voulu entrer auparavant, elle recommencerait certainement ce soir, si je la laissais faire. Si j’étais endormi, peut-être devrais-je essayer de sortir de ce cauchemar ? Tout semblait si réel, tenter de se pincer ou que-sais-je me paraissait profondément ridicule. Les pas émirent un bruit humides alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de ma porte. 

          Dans un acte incontrôlé, je bondis hors de mon lit et plaçais la chaise contre la poignée, dans l’espoir de bloquer sa progression. Même sans qu’il n’en émane quoique ce soit, je pouvais sentir une menace sourde s’enraciner dans mon ventre, à mesure qu’il devenait tout proche.

           —   Ça va, là-dedans ? » Me lança une voix familière. « J’ai entendu crier.

Je clignais des yeux et me les frottais énergiquement, comme extirpé d’une eau épaisse et sale. Sans trop d’hésitation, je reconnu les intonations posées de frère Poderias, dont l’intervention me raccrocha à la réalité. Ces pas...avait-ce été les siens ?

          —   Tout va bien pour moi, mon frère. Êtes-vous seul ? » Lui répondis-je, tentant de ravaler mon trouble.

          —   Oui père Pius, nous sommes seuls, comme chaque soir.

          —   Et vous n’avez pas entendu de bruit ?

          —  Hormis vous, non. Êtes-vous sûr de ne pas avoir besoin d’aide ? Il est indéniable que quelque chose agite votre sommeil, et c’est peu dire.

          —   De mauvais souvenirs qui refont surface, » rétorquais-je, rien de plus. « Bonne nuit, frère, je promets de ne plus vous importuner.

          J’entendis ses sandales de cuir s’éloigner dans le couloir. Je ne tenais pas à ouvrir la porte à qui que ce soit. N’étant même pas tout à fait sûr d’être entièrement réveillé, il était abominablement laborieux de démêler le vrai du faux, ainsi étreint par les vicissitudes du réveil. Mais la certitude que Podérias me serais aussi inutile en rêve que dans la réalité me semblait évident.

          Je ne pus me rendormir, cette nuit-là, obnubilé par ce cauchemar tapis dans l’abîme qui rodait au sein de mes songes. L’intervention de Podérias m'avait peut-être été profitable, ou bien m’avait rendu plus paranoïaque encore. Dehors, le calme était plat, Jung ne semblait pas dans les parages. Après tout, dans ces moments d’épreuve comme dans tant d’autres, notre seul véritable allié est la foi ; aussi devais-je probablement penser ma situation sous ce prisme. Cette obscurité puante frappant le parquet d’une démarche beaucoup trop régulière pour être humaine était l’incarnation de quelque mal hantant ces murs, et telle chose n’est possible que dans les lieux où la foi faisait défaut. Je devais inspirer la ferveur à mes fidèles, car rien ne saurait s’en prendre aux corps et aux âmes des enfants du Trône d’Or, protégés par Sa volonté. Quelle qu’en soit la nature, la souffrance qui habitait ces murs ne pourrait résister à la prière et la dévotion d’un véritable zélote.

          Malgré ma détermination ragaillardie par cette résolution, je choisis de finir ma nuit dans un recoin sombre de la chambre, serrant contre moi mon Eviscerator, l’un des seuls alliés fiables qu’il me restait après tant d’années de guerres et de souffrances.

 

*

*      *

 

          Pendant de nombreuses semaines, je cherchais le moyen de donner du sens à la persistance de ce cauchemar envahissant. Progressivement, les bourbiers des champs de bataille furent remplacés par ce couloir qu’une série de pas remontaient jusqu’à arriver à ma chambre. J’aurais dû me sentir soulagé de ce changement, mais pourtant, impossible de m’en contenter. Si les moines ou les paroissiens remarquèrent mon trouble, ils n’en montrèrent rien ; je ne puis compter sur eux quoiqu’il en soit, ils ne comprendraient pas.

Jung, en revanche, m’est d’un précieux secours pour démêler un tant soit peu le vrai du faux. Nous ne parlons que rarement de la chose du couloir, car il la voit comme un simple cauchemar de plus, et je ne me vois pas le convaincre du contraire ; il me prendrait certainement pour un fou et je ne peux pas risquer ça. Ironiquement, nous le sommes peut-être tous les deux, et déterminer lequel est le plus atteint relève de l’impossible. 

          Mais dorénavant, mes journées sont gangrenées par la fatigue, qui commence à produire ses effets, me gratifiant de disgracieuses cernes et d’une tendance à l’irritabilité que je n’avais heureusement pas excessivement l’occasion de mettre à l’épreuve, vu que le nombre de mes visiteurs se comptait sur les doigts d’un manchot. Seul Jung me faisait office de confident et se rapprochait le plus de ce qui pourrait s’apparenter à un ami. En échange de son oreille compréhensive à mes tourments, je lui prodiguais ma sagesse, la confession et les sacrements. Sans compter le frère Podérias, il était probablement le seul au courant pour les songes, et le combat silencieux que je menais contre ces pas entêtants.

          Alors sans trop faire transpirer l’impact que cette épreuve nocturne avait sur mon moral et ma résolution,  je passais un certain temps à accompagner Jung pendant son bouturage, espérant que sa solution ait, par extension, quelque effet sur moi. Mis à part les livres des saints, quelle substitution pouvais-je trouver ? A quoi pouvait se raccrocher un prêtre guerrier, plus habitué aux champs de bataille, aux cérémonies militaires et aux rituels de bannissement ? La vie civile avait ce caractère indolent qui affaiblissait l’âme, une tranquillité qui ne devait pas y être pour rien dans ma lente incapacité à combattre les réminiscences de la guerre. Ma place n’était pas ici, et je tentais infructueusement depuis de nombreux jours de contacter le commandement de la croisade afin de reprendre la vocation qui était la mienne. Peut-être y avait-il quelque chose d’au mieux ironique, au pire vicieux, dans le fait de noyer la guerre par la guerre, mais j’étais fermement convaincu qu’assez de dévouement à une cause sainte possédait intrinsèquement le don d’apaiser l’esprit. Coupé de ce but qui représentait toute ma vie, il n’était pas étonnant que je me délite ; cette distraction était une farce qui durait depuis trop longtemps déjà. Un soldat se doit de combattre ! Et le devoir ne s’achève que dans la mort.

          D’une certaine manière, j’admirais la capacité du jardinier à s’abandonner dans sa nouvelle vocation. Nos discussions m’apprirent qu’il réussissait lentement à ne plus regretter son ancien métier, et que le travail dans la congrégation gardait à distance les démons de ses propres traumatismes. Comme pour chacun d’entre nous, la nuit restait propice à ce qu’ils les croisent à nouveau, mais ces moments-là devenaient pour lui l’occasion d’une échappée nocturne telle que celle qui a vu notre rencontre. Pour moi, malheureusement, la possibilité de quitter ma chambre lorsqu’elle était le théâtre de mes tourments m’était progressivement retirée, comme si la sévérité de mes troubles m’isolait volontairement de toute solution à leur encontre. D’une nuit à l’autre, l’entrebâillement de cette maudite porte variait de position, d’un léger rai à suffisamment d’espace pour qu’un visage me regarde, si d’aventure je trouvais la force de ne pas me jeter dessus pour la fermer. Puis, l’occasion m’en fut donnée.

          Comme avant chaque nuit ces derniers temps, je lisais jusqu’à une heure tardive les ‘Rescrits de Foi Guerrière’, compilation de réponses de St-Drusus à des questions posées par ses généraux sur l’importance de la foi dans la stratégie martiale. La force tranquille du ressuscité et ses paroles de sagesse rigoureuse forgeait lentement mon âme face à ce que la vie civile m’infligeait. Ou en tout cas, je l’espérais. Mais bien que je mette tout en œuvre pour ne pas succomber, il arrivait toujours un moment de la nuit où le sommeil me prenait. Les feuilles de lho dont j’abusais auparavant étaient devenues inutiles maintenant, vu que je ne demandais qu’à l’éviter ; peut-être allais-je devoir, de la même manière, trouver de quoi m’aider dans cette tâche...

          Pour l’instant, mes paupières alourdies par les semaines de manque commençaient à se fermer irrépressiblement. Je combattis vainement les spectres ombreux rôdant dans les recoins de la chambre, cherchant à obscurcir ma vision jusqu’à m’emmener avec eux aux pays des songes les plus noirs. Agitant faiblement les mains devant mon regard qui se troublait, je me retrouvai à nouveau emporté dans ce maelstrom de malheur, tenaillé par la certitude de son issue. Et aussi sûrement que le soleil se lève, je rouvris les yeux sur la pierre grise de mon plafond, alors que la bougie de ma table de chevet s’était totalement consumée. 

          A chaque fois, j’entretenais le secret espoir d’être épargné par ce moment déplaisant, et que la nuit soit assez clémente pour me garantir d’apercevoir la lumière du jour. Mais avec la régularité d’un horologium, et aussi inévitablement qu’une dîme impériale, je savais être une nouvelle fois mis à l’épreuve par mon esprit torturé. 

          Comme à l’accoutumée, la température était radicalement descendue, au point où ma bure n’était plus suffisante pour m’en protéger. Je frissonnais alors qu’une fine buée se formait devant mes lèvres, et me frottais les mains pour faire à nouveau circuler le sang. Evidemment, la porte était entrouverte, bien que j’eus vérifié plusieurs fois l’avoir fermé à clef la veille au soir. Cette dernière trônait bien en évidence sur la table de nuit, comme en défi de résister à l’utiliser ; un petit jeu que je perdais systématiquement. 

          Mon regard se tourna vers mon arme, posée au milieu du tapis, dont les bords métalliques scintillaient sous les rayons de la lune. Elle semblait irradier d’une chaleur réconfortante, et j’étais tenté de la tenir contre moi pour qu’elle repousse ce froid surnaturel. Il me semblait presque l’entendre ronronner imperceptiblement dans la quiétude nocturne, jusqu’à ce que cette hallucination soit inévitablement remplacée par celle d’un bruit familier remontant le couloir.

          Rassemblant ce qui me restait de lucidité et de détermination, je résolu cette fois-ci de ne pas me laisser aller au désespoir, et de voir jusqu’où pouvait bien aller cette ridicule mascarade. Avec un dernier regard inquiet à l’Eviscerator, je me serrai dans les couvertures et attendis, une boule au ventre. Mais alors que les pas n’étaient qu’à mi-chemin de la porte, celle-ci commença très doucement à grincer dans ses gonds, et à s’ouvrir sur l’intérieur.

          Avec une lenteur absolument exagérée, le battant pivota sous mes yeux horrifiés, me révélant le vide sans nom du couloir. Au-dehors, une noirceur absolue dominait, engloutissant les moindres recoins de pierre, et menaçant d’en faire de même pour ma petite cellule. Sans plus de résistance ou de questions, je me ruais sur la clef, poussait la porte de l’épaule pour l’empêcher de s’ouvrir plus, et introduisit fébrilement l’antique panneton dans la serrure. Ce ne fut qu’au son du déclic que je m’autorisais à me détendre, alors que les pas s’arrêtèrent devant la porte close sans pouvoir y pénétrer.

          —   Homme ou démon, soyez maudit ! Ne vous avisez pas de tester ma foi, ou vous goûterez à la colère d’un fidèle de l’Empereur ! Allez-vous en ! » J’ignore si ma tirade eu un quelconque effet, mais il repartit quoiqu’il en soit.

 

          Les nuits suivantes furent pires, si la chose était encore possible. Les semaines passant, l’entrebâillement devenait plus large, et il me sembla que les pas s’accéléraient lorsque je me levais pour la fermer. Je n’osais passer la tête au-dehors, souhaitant seulement que tout ceci s’arrête et que je redevienne le prêtre tourmenté par la guerre plutôt que par quelque plaisantin jouant avec mes phobies.

          Malgré moi, je me laissais petit-à-petit influencer par cette récurrence sans fin. Les paroissiens de St-Anaïs sentaient que je m’affaiblissais, gangrené par la fatigue induite par mon combat ; certains eurent quelques mots compatissants, cherchant à comprendre mon état, mais j’étais leur guide dans ces ténèbres d’après-guerre, et non l’inverse. Entre chaque office, je passais un temps en compagnie de Jung, puis m’abandonnais dans les livres et les écrits saints, qui ne m’apportaient pour le moment ni réponses ni réconfort.

          Seul lien avec mon passé guerrier, je constatais que mon arme était telle un phare silencieux dans la nuit. Bien vite, elle ne quitta plus mon repos, et je l’allumais avant d’être emporté par le sommeil. Ce bruit familier sur lequel je me réveillais sembla un temps limiter l’angoisse, bien que je reçu quelques commentaires gênés de frère Poderias et du jardinier ; si d’aventure ils sortaient pendant la nuit, ils entendaient le ronronnement de la tronçonneuse, et je devais bien avouer que pour qui que ce soit d’autre, cela devait avoir un aspect particulièrement inquiétant. Mais s’ils n’ont rien à se reprocher, ils ne devraient rien avoir à craindre de moi, n’est-ce-pas ?

          Continuant sur ma lancée, il arriva un jour où je ne pus plus me séparer d’elle. Chacune de mes sorties hors de ma chambre se faisaient avec son poids familier en travers du dos, et si cela commença par terrifier les moines et les fidèles, je pu les convaincre d’une motivation tout à fait religieuse. 

          Car mes homélies devenaient plus enflammées à mesure que le temps passait. L’Eviscerator était comme un puissant symbole de la radicalisation de mes propos, servant à illustrer ma dévotion et appuyer mon discours. Arme sacrée en main, fumant doucement dans la fraîcheur de la cathédrale, je me laissais aller à des harangues telles que je n’en avais plus fait depuis mon service au régiment ; destinées à pousser la foi des soldats dans leurs derniers retranchements, à leur montrer le chemin vers l’avant, à endurcir leur cœur face aux horreurs qui les attendaient. Dorénavant et à leur manière, les habitants étaient mes Gardes impériaux, mon devoir de ferveur guerrière face à un tout nouveau mal, celui qui s’était enraciné dans le cœur des rescapés, et utilisait leur passivité pour se répandre comme une peste, noircissant l’âme et dévoyant la raison.

          « Hommes et femmes de Balipolis ! Ne craignez plus la guerre, car elle a déjà frappé une fois à votre porte ! Ne craignez plus la douleur, car vous l’avez tous vécue ! Ne craignez plus la perte, car chacun d’entre vous a vu un proche emporté par la tempête ! Ne craignez plus de vous élever contre le mal qui rôde dans les recoins corrompus du monde, car vous avez été forgés sur l’enclume de l’épreuve, et avez triomphé ! Il fut un temps où les ombres ont englouti cette planète, appelant la sainte Garde de l’Empereur et ses anges à venir bannir le démon et le mutant. Guidé par sa colère, ils ont purgé la surface et renvoyé dans le warp les légions de l’ennemi, qui s’est enfui non sans avoir laissé de profondes traces dans notre chair et dans notre âme. Les lieux saints ont été détruits, désacralisés, profanés, souillés par l’existence infâme du Chaos, dont nous continuons à ressentir l’immonde présence. Citoyens de Foster et de l’Imperium ! N’ayez pas honte de la blessure, n’ayez pas honte du traumatisme ! Elevez-vous contre eux, combattez-les, apprenez à retourner leurs armes contre eux, utilisez votre juste courroux, votre besoin de revanche et de justice pour traquer la faiblesse qui se cache en chacun de nous, et ramener nos âmes dans le giron bienveillant de l’Empereur. Nous ne pouvons Lui faillir. Il est notre phare dans les ténèbres, notre réconfort dans la tourmente, notre idéal de perfection face au péché et aux tentations des entités innommables des tréfonds de l’espace immatériel. Combattez ! Combattez avec toute la ressource qui vous reste, et je la sais importante ! Vous avez un devoir pour les générations à venir, un devoir qui ne cessera que dans la mort ! »

          Mais ce regain de passion n’avait visiblement pas le même effet sur les paroissiens que sur moi. Les civils ! Quelle que soit la force qui les habitait, ils étaient incapables d’en faire usage comme le ferait un vrai soldat. Ma frustration alla croissante, alors que cette attitude amorphe devenait plus que jamais évidente, alimentant ma sensation d’être parfaitement seul face à ce défi moral.

 

*

*      *

 

          Plusieurs jours durant, je m’attachais à inspirer la combativité chez les hommes et femmes de cette planète maudite. Mon arme était devenue une vision familière, et personne n’était plus surpris de me voir la porter au cours des offices. Telle une bannière, je l’agitais sous les yeux des statues des saints, dont je reconnaissais les regards approbateurs d’or et de marbre. Dans cette cathédrale, je pouvais ressentir toute la sérénité qui manquait à mes nuits, et comme à la pointe d’un assaut, mon cœur n’était rempli que de certitudes de victoire, et d’assurance de services rendus à l’Empereur.

          Mais contrairement à la bataille, ces soldats-ci n'étaient pas assez volontaires. Ils n’étaient que spectateurs de ma propre foi, y réagissant par automatisme, récitant distraitement les couplets et les litanies sans pouvoir en comprendre le sens profond ; sans chercher à le comprendre. Pour certains, je captais dans leur regard une forme d’amusement, comme si mon exemple ne leur inspirait qu’une distraction gênée. Pour les autres, il n’y avait rien que cette acceptation sans but, cet air perdu qu’aucun mot ne parvenait à effacer. C’était cette inaction que je reconnaissais le mieux, puisqu’elle était selon moi intrinsèquement la cause des souffrances qui rongeaient toujours ce monde. L’occupation des puissances de la Ruine avait cessé, et j’avais malgré tout le sentiment qu’elle était toujours là, tapie en leur cœur, comme un poison qui s’égrenait trop lentement pour leur propre salut. Rares étaient ceux qui étaient conscients de mon œuvre, et en ces fervents je voyais souvent le reflet de mes propres souffrances ; cela aurait dû me rassurer, mais c’était surtout pour moi la confirmation qu’il y avait bien plus que le seul délire d’un prêtre troublé.

          Pour mener à bien ce combat et afin de me mettre à l’abri du sommeil, je décidais d’ouvrir la voie à des solutions plus extrêmes. Je trouvais ainsi ma première dose de parasomna auprès d’un cheminot de Balipolis. Le parasomna est une droque de synthèse initialement destinée à faire voler les pilotes de Marauder des heures durant sans que la fatigue ne les assaillent. J’en avais appris l’existence après avoir été stationné plusieurs semaines dans un avant-poste de l’aéronavale, attendant qu’on puisse nous embarquer vers les zones d’opération malgré les incessantes rotations de ravitaillement et de raids aériens. Mes hommes avaient l’habitude de plaisanter autour de l’extrême réactivité des pilotes, qui effectuaient parfois plusieurs missions d'affilée afin de compenser les pertes et tenir le rythme des assignations. Ce qui fut auparavant une supposition amusée s’était avéré être une triste réalité, car le seul moyen de tenir le coup que beaucoup d’entre-eux avaient en leur possession était ce composé médical dont l’abus avait quelques propriétés euphorisantes et hallucinatoires. Il existait également des effets secondaires néfastes, mais je n’avais plus le choix.

Ce produit était d’une efficacité déconcertante. Dès les premières prises, je ne pouvais plus fermer l’œil pendant plusieurs heures ; et le sommeil devint rapidement une donnée inconnue de mon organisme. Il était si facile de fuir la menace, maintenant que je contrôlais entièrement mon corps sans être inféodé au joug de la fatigue.

          Mais le parasomna n’était pas conçu pour une utilisation prolongée au-delà des soixante-douze heures. Une semaine plus tard ma peau était devenue d’une pâleur cadavérique, alors que deux poches béantes se dessinaient à la place de mes orbites. Mes forces, également, m’abandonnaient, et mon corps partait en lambeaux. Seule ma foi me maintenait encore debout ; il m’en faudrait peu pour me perdre définitivement dans les limbes de ma propre psychée. Le voile de mon épiderme était devenu diaphane, et des veines bleues horizon s’y nervuraient dans chaque recoins. 

          Ainsi transformé en une sorte d’avatar mortuaire, je devinais les moqueries teintées d’inquiétudes des moines. Ils m’esquivaient lorsque je les croisais dans les couloirs de l’abbaye, ils murmuraient dans mon dos, chuchotaient de fausses choses à mon endroit. Cela devait être un exutoire pour eux, de reprocher des déviances à plus pieux qu’eux ! Eux qui me regardaient avec tant de jalousie pour avoir été un soldat de l’Empereur, quand ils étaient restés cantonnés aux catacombes de vieux bunkers sécurisés, tremblants de terreur dans leurs bures. Ils ne comprenaient pas que je doive mener mes prières jusqu’au plus profond de la nuit, et que cela avait un prix. Qu’importe.

 

          En cette heure tardive, je me trouvais comme d’habitude assis devant mon étude, un grand livre relié posé devant moi. Chaque page que je tournais était pour moi source de souffrance. Les mains qui en attrapait les bords tremblaient incontrôlablement ; elles étaient faibles, crasseuses, rabougries comme en proie à la famine. Mon regard croisa celui de la chose qui se trouvait dans le miroir ancien qui ornait le bureau. Je ne me reconnaissais plus. Un oiseau de nuit battit bruyamment des ailes au-dehors, ce qui me fit sursauter comme si tous les démons du warp s’extrayaient des trous du sol.

          Si l’on ne connaissait pas la force de mon abnégation, l’on aurait pu me croire en proie à de terribles mutations. Je n’avais jamais imaginé perdre la partie contre le mal qui rampait sous ces murs, mais en me découvrant maintenant sous la lumière pâle de la bougie, je compris que mon temps était presque écoulé. Il m'était impossible de savoir depuis combien de jours j’étais resté éveillé, et pendant combien de temps encore la réalité repousserait les assauts des chimères.

Je pris une nouvelle dose de parasomna. Cela ne suffirait bientôt plus, car seul les effets douloureux sur mon métabolisme persistaient, maintenant ; tandis que mon besoin urgent de sommeil revenait au galop. Les dernières Vigiles devaient déjà avoir eu lieu à cette heure. Je crois. Je ne m’y étais pas rendu, cela n’avait plus d’importance. Si j’étais le seul de cette congrégation à lutter pour la sauvegarde de nos âmes, alors à quoi bon ? 

          Si seulement ils avaient réalisé l’importance de mon combat. Si seulement mes prières n’étaient pas les seules à s’élever contre le mal de ce monde, et que ses habitants avaient compris l’étendue du mal qui consumait leur coeur. Que la peste soit d’eux...que la peste soit de leurs âmes damnées, car elles m’ont poussé à la ruine ! Elles m’ont poussé au désespoir et la solitude en ces lieux maudits ! Empereur, envoyez-moi vos anges, envoyez-moi votre marteau...je suis si seul. Si seulement Jung était là ; il avait été un soldat lui, un vrai, peut-être pourrait-il faire la différence ? Au fond de moi s’enracinait l’intime conviction qu’il était dorénavant le seul à pouvoir me sauver, à pouvoir nous sauver ; à pouvoir tous les sauver, eux.

          Mes yeux se sont fermés pendant quelques minutes.

          Je le sais car ma bougie s’est consumée de quelques millimètres. 

          L’effet du parasomna s’amenuisait et cela me terrifiait au plus haut point. Peut-être....peut-être était-il temps de prendre des mesures radicales. Je devais couper ce lien charnel avec les ténèbres, empêcher l’acte d’advenir. Dès lors, plus rien ne ferait barrière pour fuir la réalité ! Je regardais mon petit couteau de poche et je m’interrogeais. Une seule petite incision, et une partie de mes problèmes seraient derrière moi. Mais alors que je tentais fébrilement de me découper proprement les paupières sans blesser le globe oculaire, je sentis plus que j’entendis un série de pas remonter le couloir.

          Impossible, pensais-je, affolé, mes yeux sont ouverts, grands ouverts ! Ils ne peuvent pas, ils n’ont pas le droit d’arriver maintenant ! 

          —   Je suis réveillé ! » Hurlais-je à pleins poumons. « Je suis réveillé, alors si vous entrez maintenant je vais vous voir. Je ne veux pas vous voir !

Il n’y avait plus d’échappatoire. Je pourrais sauter par la fenêtre, mais la chute me tuerait probablement ; et si je ne craignais pas la mort, le crédo m’interdisait d’abandonner face aux ténèbres. Je vomis mes tripes au sol, en proie à une terreur primaire. La bile déchirait ma gorge, comme un rappel brûlant que j’étais toujours vivant. Tout mon corps fût pris de spasmes si violents que je manquais de me rompre l’échine.

          Dehors les pas ne faiblissaient pas et se rapprochaient encore ; si possible, ils cru les entendre accélérer.

          —   Allez vous en ! » Criais-je, comme possédé. « Sortez de la maison de l’Empereur. Je vous abjure !

J’étais haletant, couvert de sueur, les mots me manquaient et mon audace était dévorée par la peur. Rien n’y ferait. J’étais acculé, et plus rien ne le stopperait. Ça ne pouvait finir comme ça, je ne pouvais abandonner sans m’être défendu ! Avec l’énergie du désespoir, je me levais sur deux jambes tremblantes. Dès lors, la chose se mit à courir. Tenaillé par l’urgence, je me mis à avancer vers ma porte, luttant contre cet instinct de préservation qui me suppliait de ne pas m’approcher. Pouvais-je y arriver avant que ne le fasse les pas ?

          Je ne su comment, mais nous l’atteignîmes au même moment. Saisissant la poignée avec toutes les forces qu’il me restait, je sentis qu’on tentait de l’abaisser de l’autre côté. Des coups furent envoyés dans la porte, faisant trembler le bois. Je me mis à geindre, à pleurer d’effroi, à hurler. Tandis que de l’autre côté une voix décharnée se mit à murmurer, grincer, puis appeler mon nom. Une pointe glacée me traversa l’épine dorsale. La bête était là, la bête me cherchait ! Elle avait fini par se manifester dans le monde réel, et elle était venue accomplir son œuvre ! Je tenais ma position, relevant la poignée de toute mes forces, renvoyant des coups d’épaules lorsque celle-ci cédait face à ses assauts. Et pendant ce temps, elle continuait de scander son appel, comme l’on psalmodie de noires imprécations maléfiques. A ma grande horreur, les intonations de mon prénom se transformaient progressivement en une incantation corrompue, habitée d’une souillure que j’avais combattu toute ma vie, et il me fallut redoubler d’effort pour qu’elle n’obscurcisse pas mon jugement. Malgré la violence de la lutte, l’atmosphère dans la pièce était gelée ; mes doigts transis se blessaient sur l’acier lorsque je jouais de ma force. 

          Il me fallut tout ce qu’il me restait de conviction pour tenir pied, car ma défaite semblait inévitable, et mon âme serait dévorée une fois que mes forces m’abandonneraient. La créature fonça encore sur la porte ; une fois, deux fois. Le bois craqua. Je crus mourir d’effroi quand un des gonds paru sur le point de lâcher. Puis plus rien. Le silence. 

Le calme revint. J’avais gagné un peu de temps. Mais la... chose avait gagné en puissance. Quelle force aurait-elle demain ? Et dans un an ? Jusqu’à quel degré son ignoble corruption souillerait l’esprit des bonnes gens de Balipolis ? Tant de questions dont je savais l’horreur des réponses.

          Une chose était sûre, lorsqu’elle reviendrait, elle ferait ce qu’elle voudrait de mon âme. Me ferait subir milles tourments et briserait mon corps en l’honneur des Dieux sombres. Je senti un vertige sans fin en pensant à mes pauvres paroissiens. La part encore consciente de mon esprit refusait de les laisser aux griffes de ces cauchemars. Aucun d’entre eux ne parviendrait à survivre plus de quelques nuits à ce que j’avais enduré. Ils étaient trop faibles. Si j’étais le seul à pouvoir concevoir la menace, j’étais aussi le seul à pouvoir les sauver. Si je ne faisais rien, alors tout allait recommencer. La ruine guetterait à nouveau ce monde, puis la guerre reviendrait, son cortège d’horreurs, de destruction...et peut-être cela marquerait-il l’avènement d’un nouvel Hôtel de Souffrances... Non, cela ne pouvait advenir. Pas si je pouvais l’en empêcher.

          Sur ma commode, le livre de saint Drusus toujours ouvert et rempli de marque-pages me jugeait froidement. A quoi t’es-tu avili ? Me disait-il. Te laisseras-tu mourir sans combattre ? Un jugement dur, mais légitime. L’empoignant avec finesse je lus la première maxime sur laquelle je tombais. Chapitre XIX, entrée II : Nous sommes le poing de l’empereur, le poing frappe dès qu’il doit défendre Son œuvre. Mais le poing n’as pas de volonté propre. Il n’as pas à ressentir de doute ou de peur, ni même de tristesse. Il n’est qu’un outil de Sa grandeur. Un outil ne regrette pas, il applique sa fonction sans questionnement. Buvant les mots, je m’imprégnais de leur souveraine clarté. J’étais un guerrier, et tout comme le saint ressuscité, je devais redevenir guerrier pour vaincre notre ennemi. Après tout, il ne me restait rien d’autre à faire. Cette inaction serait ma mort. Je n’en pouvais plus d’être confiné à la peur comme une proie impuissante. Je n’en pouvais plus d’être le seul à comprendre le danger qui nous guettait. Je n’en pouvais plus d’être le seul à déployer la force de ma foi pour repousser la bête. Mais plus jamais je ne laisserais les erreurs de ce monde se répéter. Je savais maintenant ce qu’il me restait à faire. Oui, j’en étais maintenant convaincu. Il était temps.

          L’heure des Laudes sonnerait bientôt. D’ici à ce que le soleil soit levé, j’aurais réglé le problème. Je pris ma fidèle Eviscerator et la remplis à ras-bord de prométhéum. Bien, cela devrait suffire. Puis, sans l’ombre d’une hésitation, j’ouvris la porte de ma chambre, et fis face à la source de mes tourments, déterminé à l’affronter. Devant moi, l’obscurité menaçait de m’engloutir, de me faire chavirer dans les ténèbres ; mais ma peur s’était évaporée. Dorénavant, j’avais un but. Poussant le moteur de mon arme, j’enclenchais la lourde chaîne qui entraîna dans sa course folle la lame sacrée, et me jetais à la bataille.

          Empereur, guidez mon bras et prenez-moi en pitié. Empereur, prenez-les tous en pitié !

 

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Transmission sécurisée - Envoi prioritaire ICLV2451

Auteur : Pierre de Vérone

Destinataire : Seigneur-inquisiteur [ENCRYPTÉ]

Source : Planète Foster ; Balipolis : Spire Magenta Primus.

Objet : Affaire des Laudes carmines ; rapport, constat et conclusions.

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          Monseigneur, cher ami et collègue,

 

          Veuillez trouver ci-dessous mon rapport concernant les tragiques événements de Balipolis. En préambule, j’aimerais expliciter ma démarche, et préciser que je m’attends à ce que le présent rapport ne soit jamais rendu public. Bien que cette investigation soit menée à la demande du Ministorum et qu’ils s’attendent à ce que j’appuie leurs suspicions de possession démoniaque, je ne puis en conscience déformer mes déductions, surtout celles destinées à vos seuls yeux.

          La version des faits présentée au public sera ce qu’elle sera, mais afin de ne pas déployer plus d’efforts que nécessaire sur ce monde laissé-pour-compte, je préfère vous expliquer en substance les raisons qui me poussent à ne pas abonder dans le sens des religieux.

          Foster est une petite planète qui a été libérée en 788 par la croisade Sigilienne, bénie soit-elle. De nombreux rapports tendent à montrer que le Grand Ennemi y a mené de nombreuses expériences sur la population, et tout particulièrement des rites démoniaques qui expliquèrent la présence de plusieurs entités maléfiques lorsque les forces impériales procédèrent à sa libération. Il est évident que de telles épreuves ont laissé dans sa chair-même un certain nombre de traces imprimées en lettres de sang, autant dans la population que chez les forces de la croisade.

Je crois que c’était exactement ce que pensait le Ministorum, lorsqu’il assigna des prêtres militants à la « guérison » de cette planète. Les plus fidèles de l’Empereur ne sont pas disposés à accepter que les leurs puissent souffrir d’une trop grande exposition aux horreurs de la guerre. Ses zélotes doivent entretenir l’image d’inexpugnables bastions de foi, aussi durs que le plus épais des plastaciers, sans failles que leurs ennemis jurés ne puissent exploiter. D’une certaine manière, ils pensent honnêtement que le père Pius a souffert d’une forme de possession, de celles qui nous laissent maître de nos mouvements, mais pas de nos actes, et en aucun cas dans ce rapport je ne formule de certitudes finales quant à l’origine du mal. C’est certainement ainsi que l’ecclésiarque conclura cette sordide histoire : par un délicat équilibre où vérités et mensonges s’entremêlent. Un résumé plutôt soigné de toutes les plus opaques affaires des institutions impériales en général, ne trouvez-vous  pas ? Pour autant, est-ce rendre justice au père Pius ? 

          Le prêtre militant Pius s’est établi au début de l’année 789 dans le monastère des Multitudes Sacrées, immédiatement adjacent à la cathédrale St-Anaïs, où il devait officier en tant que prêcheur pendant une durée indéterminée. Officieusement, il était de notoriété commune que le père Pius avait vécu de plus grands traumatismes que la majorité des autres soldats. Son confesseur, qui est aussi mon informateur sur ces points-ci, et qui a accepté de briser le serment au vu des événements, affirme qu’il était agité de nombreux cauchemars, qu’il affrontait avec un stoïcisme remarquable, et dont je ne vois pas la nécessité de vous révéler les détails. Des fiches d’assignation du Munitorum m’ont informé qu’il a fait partie de l’assaut contre l’Hôtel de souffrance sous la tour du gouverneur de Balipolis ; je n’ai pas vraiment besoin de vous rappeler ce qui s’y trouvait, car si la campagne pour Foster est anecdotique, la planète est réputée pour ce seul instant, qui a laissé dans la bouche des vainqueurs un mélange de gloire amère et de suprême révulsion. Considérant que rares sont les gardes ayant pris d’assaut cet enfer encore dans le service actif, et qu’aucun ne peut être réellement considéré comme encore ‘sain d’esprit’, la force du prêtre, forgée dans sa foi inébranlable en l’Empereur, force mon admiration. Il est resté sans rechigner sur cette planète maudite, remplissant son ministère avec zèle malgré n’être éloigné de la source de ses tourments que par quelques quartiers, tout au plus.

          J’ai eu la possibilité d’auditionner la dernière personne à avoir échangé avec le père Pius, et je m’appuie beaucoup sur son témoignage pour présenter mes conclusions. Le jardinier, Augustus Jung, avait servi dans le même régiment que le prêtre, et, affecté par des problèmes similaires, ils ont passé les semaines précédant l’incident à échanger sur le sujet. L’ancien garde aurait-il été un piètre confident ? Rien n’est moins sûr. La nature de ses propres problèmes relevait en partie de ses blessures physiques, et la force d’esprit du père Pius cachait la profondeur du tourment qui l’agitait. La complexité du traumatisme en question rendait peut-être même désespéré tout espoir pour lui de retrouver un jour la paix de l’esprit. Cette présence, bien que Jung m’affirme humblement du contraire, aura certainement retardé le jour où Pius perdit totalement le contrôle. Vous pourrez trouver le détail de ces échanges en annexe de ce rapport, et peut-être vous aiderons-t-il à abonder en mon sens.

          Dans le cas contraire, peut-être fut-il guidé par la subtile influence de quelque entité ayant survécu à la purge, dont l’essence continuait de vivre au sein du monastère, et qu’il a succombé à un savant mélange de manipulation onirique et de corruption de la réalité. Ce ne serait pas la première fois qu’un démon pernicieux abuse d’un soldat au travers de ses afflictions ; nous savons tous deux à quel point ils sont doués pour jouer avec l’esprit des hommes.

          Mais parfois, le Chaos n’a plus besoin d’être à l’œuvre pour que nous continuions à voir les conséquences de son passage. Le cortège d’horreur qu’il laisse volontairement derrière lui est cette politique de ‘terre brûlée’ qu’il applique depuis des millénaires, et que seules de nombreuses générations sont capables d’effacer, quand sa souillure n’est pas sans aucun espoir de rédemption. Peut-être est-ce le cas de Foster, et seul le temps nous le dira.

          En conclusion, si le tragique dénouement de cette histoire est condamnable, il n’est pas incompréhensible ; peut-être, pour le bon rétablissement des esprits traumatisés de Balipolis, est-il préférable de nous en tenir à la version du Ministorum. Elle a le mérite de précisément diriger la tristesse et la haine vers notre ennemi de toujours, et d’une certaine manière, c’est en effet le cas.

          Sur une note personnelle, je trouve cette histoire infiniment plus tragique que beaucoup des drames qu’il m’a été donné de voir jusqu’ici. Le dernier corps retrouvé par l’Arbites, directement en face de la cellule, était, si la chose est possible, en plus mauvais état que ceux de la cathédrale ; à tel point qu’il leur a fallu un moment avant de pouvoir identifier le frère Podérias. A-t-il essayé d’arrêter le prêtre ? Ou était-il sur son passage ? Difficile de le dire. Il semble s’être acharné sur lui. Quant à ‘l’héroïsme’ de Jung, qui comme beaucoup d’anciens militaires avait conservé son arme de service, il cache la terrible décision d’un homme qui dû abattre celui qu’il considérait comme un frère d’arme, un confident et un ami, afin de l’arrêter dans son incontrôlable folie. A l’arrivée de l’Arbites, il se tenait, silencieux et prostré, au milieu des cadavres démembrés de douze moines et cinquante-sept paroissiens, son arme encore fumante jetée au sol près du corps de Pius ; seuls mes mots le firent sortir de son mutisme, avant que les agents du Sanatorium local ne l’emmène pour qu’il finisse comme beaucoup de vétérans, transit de regrets et de cauchemars jusqu’à ce que la mort le prenne, si sa convalescence lui permet un jour de connaître la vieillesse.

          Nous ne saurons probablement jamais le fin mot de l’histoire, mais ce que les habitants de Balipolis appellent déjà les ‘Laudes carmines’ restera pendant longtemps un exemple sanglant de ce que la guerre laisse dans son sillage, même chez les plus forts d’entre-nous.

 

          Bien à vous.

          L’Empereur protège.

Modifié par Granville
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  • 2 mois après...

Superbe histoire !

 

La descente dans la folie du personnage est très bien faite et instille le doute au lecteur jusqu'au bout. hâte de lire d'autre écrie.

 

ps: Si je devait faire une seul remarque, ce serait de peut-être espacé d'avantage le texte pour les lecteurs potentiels  rebuté par aspect pavé du texte.       

Modifié par Lokeur
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@Granville

 

En effet, j'ajouterai que la largeur des pages du forum rend la lecture peu confortable, mais ce n'est pas de ton ressort. A la limite, je pourrai te suggérer d'éditer ton texte en pdf la prochaine fois (avec une mise en page agréable), et de le proposer en téléchargement !

 

Attention aux quelques erreurs de français qui gênent la lecture ; il y en a deux grosses au début, et j'ai dû lire la suite avec plus de détachement (mais du coup moins de précision, hélas ?) parce que j'avais peur d'en voir d'autres, ce qui m'aurait fait sortir de l'histoire.

Et je voulais éviter de sortir de l'histoire, parce qu'elle est vraiment cool :D

L'ambiance qui s'en dégage est littéralement énorme ; le fantastique et la folie sont très bien posés. La lecture de ton texte m'a rappelé les sensations que j'avais eues en lisant du Théophile Gautier, il y a de cela presque quinze ans pourtant ! C'est dire ^^

 

Attention aussi à quelques tournures qui nous sortent de l'ambiance parce qu'elles évoquent d'autres univers, qu'elles sont culturellement ancrées ("terre brulée" par exemple m'évoque immédiatement notre histoire et me sort donc de la tienne). Dans la même veine, j'ai beaucoup apprécié ton choix de vocabulaire et de tournures de phrases qui était très judicieux, sauf à quelques occasions qui, du coup, contrastaient. Par exemple, je suis très réticent à l'utilisation des guillemets pour tonaliser un mot, le rendre étrange ou minorer sa signification (exemples dans l'épilogue : "sain d'esprit" et "héroïsme"). Ce n'est peut-être qu'une sensation personnelle, mais si le mot choisi a besoin de guillemets pour transmettre l'idée que l'on souhaite transmettre, c'est qu'il a été mal choisi ou la phrase mal formulée. Bref, c'est du pinaillage mais ça rejoint ce que je disais dans mon paragraphe précédent : ton histoire est trop efficace, l'ambiance est trop cool pour laisser un défaut de relecture gêner le lecteur. Attention je ne dis pas que tu ne t'es pas relu, je me doute que tu l'as fait (et plusieurs fois j'imagine, et je sais à quel point c'est dur et laborieux de relire son propre texte, il y a des choses qu'on ne voit plus) ; je dis seulement que les petits détails que je pointe auraient pu être corrigés par une autre relecture, ou une relecture plus efficace.

 

Ca n'enlève rien à l'admiration que j'ai pour ton travail, la qualité de la construction et de l'ambiance... Bravo !

 

(Je me demande si tu n'as pas volontairement laissé un indice relativement discret pour expliquer ces Laudes carmines à la fin... Autrement que par l'hypothèse la plus probable.)

 

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@Lokeur @MarmIsACaribou

 

Merci à vous deux pour vos retours !

Oui en effet, le mise en forme du forum desserre pas mal la lecture. Peut-être qu'un PDF serait une bonne idée en effet.

 

Concernant les erreurs de Français, n'hésitez surtout pas à me les pointer, je ne demande qu'à les corriger :)

Je me permet, Marm, de te dire que je ne partage pas ton point de vue concernant "terre brûlée". C'est un terme qui reste assez générique pour parler d'un stratagème destiné à laisser tout brûler derrière soi pour faire du tort à l'ennemi, et c'est, je pense, assez vague (aucun nom propre) pour pouvoir être aisément transposable dans beaucoup d'univers. Mais je comprends ton point de vue sur les tournures de manière générale, et selon moi il faut aussi garder à l'esprit que l'univers de 40k a beau être de la science-fiction, il reste une sorte d'anticipation de notre propre univers. D'ailleurs, ce genre de référence se trouve dans des livres officiels, j'en ai vu d'auteurs contemporains ou de peintres de la renaissance (un Da Vinci sauvage, sisi), donc GW n'est absolument pas fermé à ce genre de liens, et c'est quelque chose que je trouve bigrement intéressant dans le travail créatif. Par exemple, on pourrait faire une histoire sur un archéologue qui découvre sur Terra des anciens lieux comme le Louvre (qui sait), et ça serait potentiellement canon.

 

Au sujet des guillements, je comprends ta sensation. Je crois que je vais la garder, cependant, parce qu'elle me permet de marquer l'ironie dans le discours direct. Je trouve ça plus aisé de déceler ces traits de personnalité (lorsqu'un personnage dit quelque chose pour se moquer) de cette manière, et je me trompe peut-être ; mais j'aime bien. Je changerais peut-être si je vois que c'est souvent mal compris.

 

Tu as raison quand tu dis qu'à force de relire on ne voit pas ses propres fautes ! Je m'applique autant que je peux mais je sais qu'il y a forcément des coquilles, je n'ai pas de relecteurs professionnel pour m'aider de ce côté là :) Encore une fois, je suis totalement ouvert à ce que tu me les indiques.

 

A prendre en compte ici, j'ai effectué ce travail avec l'aide d'un ami ! 

 

Quant à un potentiel indice...je ne révèlerais rien, c'est tout le fun d'une histoire d'horreur fantastique !

 

Mais merci à vous dans tous les cas, ça fait toujours très plaisir.

Modifié par Granville
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