[Background] Univers du 9e Âge : Voies magiques

[Ghiznuk]

CORRECTION

MARRONS GRILLÉS, UN CONTE MAGIQUE

(traduit du Livre de magie)

Voici une excellente question. Dans ma jeunesse, je ne désirais rien de plus que la maîtrise du bois et des plumes ; j'étais l'apprenti de mon père, fabricant de flèches, tout comme son père avant lui. Pourtant, même alors, j'aspirais à autre chose.

 

La vocation particulière pour ma carrière future remonte à une froide journée d'hiver, où je m'étais égaré, loin de la route du village. Perdu et effrayé, je m'arrêtai pour me reposer, au milieu d'arbres noirs et sans vie, sur un sol tapissé de feuilles gelées. Apercevant au loin une silhouette inconnue, je courus vers elle ; je découvris une très vieille femme encapuchonnée, soutenue par son bâton de marche.

 

« Qui va là, hein ? croassa-t-elle à mon intention.

– Gente dame, répondis-je, je cherchais de l'aide pour retrouver le chemin de ma maison, mais je vois que c'est peut-être à moi de vous prêter assistance. Où allez-vous donc de ce pas clopinant, si je peux me permettre de vous le demander ?

– Hein ? Fous l'camp ! » répondit-elle, des mots dont je me souviendrai toute ma vie. Elle s'éloigna de moi en titubant, avant de se retourner subitement.

– « Écoute p'tit monsieur, t'aurais pas deux sous pour une vieille dame, hein ? Tu m'achèterais pas des marrons ? »

Plongeant une main sale et ridée sous son manteau, elle en extirpa un sac de cailloux carbonisés qu'elle m'agita sous le nez.

– « Les derniers d'la saison, grillés à point. Une occasion à pas manquer, hein ? »

 

Je considérai mes options.

« Prenez ces quelques sous, décidai-je. Mais gardez les marrons. Dites-moi simplement comment retrouver la route de Tréfonds-de-Taloche. »

Elle rafla les pièces dans ma main et les glissa dans ses vêtements avec une célérité prodigieuse, me lorgnant d'un œil suspicieux et mauvais.

« J'connais pas d'Taloche, dit-elle. Mais y'a une route, au-d'ssus de... » Elle s'arrêta net, et son expression s'assombrit encore.

« Tu d'vrais te mettre en ch'min, gamin. File. File ! » Elle commença à me repousser en criant.

 

Avant que je ne puisse bouger, il y eut un sifflement effroyable, comme une bouilloire, et un arbre céda à sa base pour s'effondrer sur nous. Je me souviens avoir aperçu une autre silhouette dans les ombres, nimbée d'une aura d'un vert vif. Mais le gigantesque tronc qui tombait emplit tout mon champ de vision... Jusqu'à ce que l'arbre entier éclate en milliers d'échardes embrasées, tandis que le souffle d'une énorme boule de feu faisait décoller mes pieds du sol.

 

Lentement, le silence revint. En levant les yeux, je vis des volutes de fumée qui s'élevaient doucement de la vieille femme, complètement imperturbable. Comme elle se tournait pour faire face à l'intrus nimbé de vert, je compris que j'étais en présence de véritables magiciens. Je ne pus m'empêcher de penser aux histoires que j'allais raconter en rentrant à la maison ! Personne au village n'avait jamais vu de magie à l'œuvre.

 

« Éric ?! dit-elle avec irritation. Qu'est-ce donc qu'un imbécile fini comme toi fait ici ? Encore en train d'essayer d'me tuer, à c'que j'vois.

– Bien entendu, rétorqua le mage, avançant d'un pas avec un demi-sourire sur le visage. Je suis sûr que vous n'en prendrez pas ombrage. C'est pour ne pas perdre la main, vous savez ce que c'est. A présent, si vous n'y voyez pas d'objections, j'ai un village à brûler. Il faut bien faire des sacrifices, après tout.

– Hé ? Ce s'rait pas ce Tréfonds-de-Taloche dont j'n'arrête pas d'entend' causer ? Pas touche.

– Ha non ?

– Non. Maintenant passe ton ch'min avant que je ne t'ébouillante la couenne.

– J'ai bien peur qu'il ne faille plus que quelques menaces stériles pour... »

Coupant court à sa phrase, la vieille femme leva une main noueuse et déversa un flot de matière en fusion en direction du mage, qui releva le bras et prononça à la hâte quelques paroles de protection pour empêcher sa peau de fondre. Plusieurs arbres proches prirent feu.

 

« Tu disais ? » croassa la dame, comme si elle venait de remporter un pli aux cartes, appuyée sur son bâton avec un air suffisant. Toujours entouré de son halo vert, Éric ferma les yeux et plaça ses mains devant lui, les paumes tournées vers le sol. Une posture qui, je le sais aujourd'hui, est celle d'un magicien occupé à évaluer les ressources surnaturelles disponibles aux alentours.

 

Il ouvrit les yeux et sourit sombrement.

« Si vous insistez, madame », dit-il en faisant une révérence, je peux mener mes activités ailleurs.

– Oh oui, tu peux », grinça-t-elle.

Quand je regardai derrière moi, Eric était parti. La vieille dame commença à s'éloigner en claudiquant, elle aussi.

 

« Attendez !, criai-je en me remettant enfin debout, les vêtements et la peau couverts de suie et de terre. Vous avez sauvé mon village parce que je vous ai donné ces pièces, n'est-ce pas ? »

Elle se retourna, l'air surpris.

« Qui c'est, ça ? Oh. Toi. J't'ai pas d'mandé de fout'le camp ? Tu penses que j'me donnerais toute cette peine pour que'ques sous ? T'es aussi bête que le vieil Éric. »

 

Elle recommença à s'éloigner d'un pas traînant, sa silhouette sombre disparaissant entre les arbres dont les feux s'évanouissaient rapidement dans l'air froid. Je considérai les choses merveilleuses dont je venais d'être témoin, et à ce moment désirai de tout mon cœur être né avec de tels dons. Comme si elle m'avait entendu, la voix de la vieille femme revint, étouffée mais intelligible, comme portée par les vents de l'hiver :

« C'est pas que'que chose que tu r'çois à la naissance !, cria-t-elle. C'est que'que chose qui s'apprend. »

 

Je ne la revis jamais. Mais j'appris deux jours plus tard que Bourg-Taloche, le village suivant en longeant la rivière, avait brûlé jusqu'aux fondations dans des circonstances mystérieuses.

 

— Réponse de l'Archiduc Karl Ferdinand, président du Conseil impérial des magies, lorsqu'il lui fut demandé à quel moment il sut qu'il voulait devenir magicien.

 

[Ghiznuk]

Correction DIVINATION

 

DIVINATION

 

***

 

Diseurs de bonne aventure, cartomanciens, voyants, prophètes… dans ma vie, je les ai tous vus. Leurs prétendues connaissances cabalistiques se révélèrent toujours n'être que de vagues prémonitions de l'évidence, ou des platitudes sur nos chers disparus. Jusqu'au jour où une véritable divinatrice arriva dans notre ville ; je fus consterné de l'entendre murmurer des secrets dont elle n'aurait jamais dû avoir connaissance. Après qu'elle nous eut avertis à temps d'une attaque des Bêtes, le plus grand respect lui fut témoigné. Mais à distance.

— Capitaine Albrecht Gutmann, de Langenhausen.

 

***

 

Aux premiers jours de l'apprentissage de notre art, nous sommes accablés d'images et de sons. Passé, présent et futur, voix proches ou lointaines, tout se mélange de façon déconcertante ; nous sommes plongés dans le désarroi. Plus d'un aspirant divinateur devient fou avant même de maîtriser ses pouvoirs, avant que les brumes du temps ne commencent à se scinder.

Ceux qui parviennent à surmonter ces épreuves apprennent vite à parer les coups avant qu'ils ne soient portés et à entrevoir le futur dans les miroirs ou les boules de cristal ; mais il ne s'agit que de simples intuitions. Les véritables maîtres de la prophétie sont capables de prédire de grands évènements des années ou même des siècles avant qu'ils ne se produisent, bien que peu nombreux soient ceux qui ont la perspicacité nécessaire pour interpréter leurs paroles.

Néanmoins, la plus grande force des divinateurs ne réside pas dans leurs dons personnels, mais se manifeste lorsque leurs pouvoirs s'unissent.

Quand ils agissent en Conclave, ils peuvent voir de l'autre côté du monde et remonter l'arbre généalogique d'une famille jusqu'à son fondateur. Le plus grand Conclave de ce siècle a ainsi inspiré le Cycle de Sunna, enrichissant nos mythes par leurs visions des évènements anciens.

Mes propres débuts furent nettement moins illustres. J'apprenais par l'expérimentation. Rapidement, éviter la brute du village devint ma seconde nature, et j'eus la réputation de savoir avant tous les autres quand un loup s'approchait du troupeau. Pourtant, mes dons n'étaient pas encore assez développés pour pouvoir prévoir l'incendie qui emporta notre village, n'épargnant que ma sœur en bas âge et moi-même. Je n'ose imaginer ce qui se serait produit si ma future mentore n'était pas arrivée à temps, « comme par hasard ». C'est à madame Trapp que je dois la plus grande dette.

— Mémoires de Pieter Tiele, étudiant de l'Art de la Divination, 876 Après Sunna.
 

***
 

Lumière directrice

Nous avions battu les elfes, qui reculèrent jusqu'au rivage. Mais ils furent soudain illuminés d'un rougeoiement dont la forme rappelait celle d'un oiseau ardent, et ils nous continrent une heure de plus.

 

Clairvoyance

Nous envoyâmes des assassins s'occuper de leur seigneur ; ils trouvèrent ses gardes qui les attendaient. Il ne pouvait pas le savoir !

 

Jugement du Destin

Nos grands-pères s'étaient tout d'abord frayé un chemin à la hache à travers la forêt. Quarante ans plus tard, leurs malédictions nous ont abattus plus rapidement que n'importe quel bûcheron.

 

Connais ton ennemi

Je me considérais comme un brave, jusqu'à ce que ces démons prouvent qu'ils connaissaient toutes nos faiblesses, même les noms de nos femmes et de nos enfants.
 

Conjonction astrale

Leur magicien à tête de crapaud leva les bras au ciel, et les étoiles semblèrent se déplacer à son commandement. Sous ces points scintillants, leurs armes se mirent à briller de la même lumière.

 

Vision de l’Au-Delà

Selon la légende, ce sont des Damoiselles équitaines qui transmirent la nouvelle du retour d'Uther aux côtés de Sunna, alors que le destin d'Avras était en jeu.
 

Frappe infaillible

Nous nous mîmes à couvert de leurs arquebuses dans un bâtiment de pierre. Mais les projectiles de leur magicien, eux, ne furent pas arrêtés, passant à travers les moindres fissures du mur pour nous massacrer.

 

Présage funeste

Je ne saurai jamais ce que notre sergent a vu ce jour-là, mais il resta tremblant sur sa selle, les yeux fixés sur un point distant, pendant que l'ennemi dépassait nos positions. Un soldat de métier, mais ces enchanteurs lui avaient fait tourner la tête

[Ghiznuk]

correction :

 

DRUIDISME

 

***

 

J'ai vu des druides (c'est ainsi qu'ils nomment leurs magiciens) à l'œuvre sur le champ de bataille. Ils utilisaient la puissance de la nature contre leurs ennemis et pour soigner leurs propres forces. Mais je n'oublierai jamais le rituel du gui, auquel j'assistai en temps de paix : le chant des villageois emplissait la nuit chaude quand leur magicien arriva, drapé d'une magnifique robe blanche.

Il entra en transe, et tous ressentirent son pouvoir. Soudain, je remarquai que la place du village était envahie de chênes, répondant à l'appel du druide. Leurs branches se tendirent vers lui pour que, de sa serpe d'or scintillant à la lumière du feu, il puisse les purger du parasite aux baies blanches.

— Innaturalis Historia,par Blinne le Très Ancien, 869 Avant Sunna

 

***

 

Bien sûr, Kalenstein est respecté à juste titre pour son travail sur la nature de la magie chamanique. J'ai pourtant bien peur que les ouvrages qu'il a rédigés sur la véritable source des pouvoirs des druides ne soient dramatiquement erronés, même si les autorités persistent aveuglément à ne pas reconnaître cet état de fait. Comme tant et tant des ignares qui l'ont précédé, ce cher Kalenstein pense que l'origine du pouvoir des druides se trouve dans le sol même. Ceci est correct d'une certaine manière, car les druides puisent effectivement de l'énergie dans la terre. Pourtant il serait pure folie de croire, comme il le fait, que la magie provient d'une façon ou d'une autre du sol et des rochers. Il faudrait être primitivement superstitieux pour penser qu'il puisse s'agir d'autre chose que des objets inanimés.

 

Non, mes chers amis cultivés, la véritable source du druidisme n'est pas la terre mais la force vitale de la nature elle-même. Un druide habile ponctionne la pure essence du cosmos, emprisonnée dans la terre à l'aube des temps, qu'il voit comme une figure maternelle primitive. Elle est la Terre-Mère, seule garante du cycle des jours, des années et des saisons qui rythment nos vies, et dont la rotation est comme une grande machinerie planétaire que seuls les magiciens les plus accomplis peuvent maîtriser. Des années durant, les druides apprennent à suivre son rythme. C'est la raison pour laquelle la pratique du druidisme confine à la religion ; les druides avisés ne négligent d'ailleurs pas de donner à la Mère nourricière le respect et les rituels qui lui sont dus. C'est la seule explication possible à l'usage des mystérieuses pierres dressées qui, loin d'être chargées d'un pouvoir inné, se comportent comme les conducteurs d'une force souterraine bien plus grande. De ce point de vue, il paraît douteux que les sacrifices sanglants des sectes les plus extrémistes soient nécessaires. Néanmoins, une telle barbarie n'empêche pas un druide d'accéder à un plus grand pouvoir. Kalenstein et ses laudateurs feraient bien de s'en souvenir.

 

— D^r Friedrich Fischler, conférences à Narrenwald, 961 AS

 

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Fontaine de jouvence

En vérité, Sire, il n'est pas difficile de trouver une fontaine de jouvence. Toutefois, à moins d'avoir un druide à votre service, son eau vous sera complètement inutile.

 

Le Trône de chêne

Les anciennes pousses grandirent, se couvrirent d'écorce et déployèrent des racines bourgeonnantes qui labourèrent le sol. Son expression s'assombrit ; elle ne faisait plus qu'un avec la terre, de laquelle elle tirait son pouvoir. Je sentis sous mes pieds les remous d'une entité à la volonté immense.

 

Maître de la terre

Nous avons rapproché nos boucliers et nous nous sommes placés dos à la falaise pour protéger nos arrières. Nous n'avions pas pensé que la montagne elle-même s'effondrerait soudainement.

 

Eaux vivifiantes

Je les ai vus se remettre de blessures mortelles en quelques secondes, comme un arbrisseau se remet d'une tempête. Le plus perturbant était ce reflet humide qui semblaient rayonner de leurs corps.

 

Enchevêtrement de racines

Je criai l'ordre de charger, mais à peine eus-je quitté le couvert de la forêt que je me retrouvai face contre terre. Ma botte était prise dans une racine surgie de nulle part. Bientôt, nous combattions non seulement l'ennemi mais aussi la nature elle-même.

 

Esprit des bois

Franchement, c'était embarrassant. Je n'eus pas d'autre choix que d'employer les stratégies apprises pendant mes aventures dans les jungles de Virentie, alors que nous nous étions déployés en rase campagne.

 

Peau rocailleuse

Il n'y avait pourtant là rien qui m'effraya, ou que je ressentis comme étant contre nature. Une couche de roche recouvrait mon corps, sans que mes mouvements n'en soient gênés, comme si j'étais né gargouille !

 

Croissance estivale

La silhouette encapuchonnée se déplaçait avec douceur au milieu des guerriers, le visage caché sauf sa longue barbe grise. Ses pieds écrasaient la neige, son souffle embrumait l'air. Pourtant, je me sentais comme à la ferme, en août, avec la chaleur du soleil dans mon dos. Là où passait l'homme à la capuche, les soldats se taisaient, tandis qu'une énergie vitale fraîche et miraculeuse emplissait leurs veines.