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[Samedi] "Amours" de Henri Michaux


Invité Absalom

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Invité Absalom
Bonjour !
Initialement je voulais évoquer le poète Jean-Pierre Duprey pour illustrer l’attachement du Warfo aux poètes contemporains. En le wikipedant, je me suis aperçu que Duprey n’était pas si contemporain que cela (surtout depuis sa mort en 1959). J’ai donc décidé de vous parler de Henri Michaux avec amour avec « Amours » (La nuit remue).
Michaux n'est pas davantage notre contemporain mais je voulais illustrer le fait que l'intérêt pour la poésie au sein de notre section ne se réduit pas à un débat (comme à la télé :lol: ) entre d'un côté les défenseurs d'une poésie à la Hugo-Nerval-Mallarmé et d'un autre côté...le rap.
J’ai découvert Michaux quand j’étais encore étudiant mais si le recueil « La nuit remue » m’a très fortement marqué, on ne peut pas dire que Michaux soit un de mes auteurs de chevet. Pour tout dire, je me suis un peu cassé les dents sur ses autres bouquins (« Face aux verrous ». en particulier mais c’est un tort de ma part). Le texte ci-dessous me paraît très beau, très accessible, très dense et tout et tout.


[left][b]AMOURS[/b][/left]

Toi que je ne sais où atteindre et qui ne liras pas ce livre,
qui as fait toujours leur procès aux écrivains,
Petites gens, mesquins, manquant de vérité, vaniteux,
Toi pour qui Henri Michaux est devenu un nom propre peut-être semblable en tout point à ceux-là qu’on voit dans les faits divers accompagnés de la mention d’âge et de profession,
Qui vis dans d’autres compagnies, d’autres plaines, d’autres souffles,
Pour qui cependant je m’étais brouillé avec une toute une ville, capitale d’un pays nombreux,
Et qui ne m’as pas laissé un cheveu en t’en allant, mais la recommandation de bien brûler tes lettres, n’es-tu pas pareillement à cette heure entre quatre murs et songeant ?
Dis-moi, es-tu encore aussi amusée à prendre les jeunes gens timides à ton doux regard d’hôpital. ?
Moi, j’ai toujours mon regard fixe et fou ; Cherchant je ne sais quoi de personnel,
Je ne sais quoi à m’adjoindre dans cette infinie matière et compacte.
Qui fait l’intervalle entre les corps de la matière appelée telle.
Cependant, je me suis abandonné à un nouveau « nous ».
Elle a comme toi des yeux de lampe très doux,
plus grands, une voix plus dense, plus basse
et un sort assez pareil au tien dans son début et dans son cheminement.
Elle a ...elle avait dis-je !
Demain ne l’aurai plus, mon amie Banjo.
Banjo,
Banjo, Bibolabange la bange aussi,
Bilabonne plus douce encore,
Banjo,
Banjo,
Banjo restée toute seule, banjelette,
Ma Banjeby,
Si aimante, Banjo, si douce,
Ai perdu ta gorge menue,
Menue, Et ton ineffable proximité.

Elles ont menti toutes mes lettres, Banjo...et maintenant je m’en vais.
J’ai un billet à la main : 17.084.
Compagnie Royale Néerlandaise.
Il n’y a qu’à suivre ce billet et l’on a va en Equateur.
Et demain, billet et moi, nous nous en allons,
Nous partons pour cette ville de Quito, au nom de couteau.
Je suis tout replié quand je songe à cela ;
et pourtant on me dira :
« Eh bien, qu’elle parte avec vous. »
Mais oui, on vous demandait qu’un petit miracle, vous là-haut, tas de fainéants, dieux, archanges, élus, fées, philosophes, et les copains de génie
que j’ai tant aimés, Ruysbrock et toi Lautréamont,
qui ne te prenais pas pour trois fois zéro ; un tout petit miracle que l’on vous demandait, pour Banjo et pour moi.

[b]Henri Michaux ("La nuit remue")[/b]



[url="http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Michaux"]Henri Michaux[/url] est un poète originaire de Belgique. La Belgique est un état européen dont la superficie est de 30 508 km². Il y a plus de 11 millions de belges à l’heure actuelle. Peut-être connaissez-vous un ou une belge ? Eventuellement plusieurs...

J'ai une affection particulière pour ce recueil, "La nuit remue". La langue de Michaux y est à la fois précise, presque médicale et pourtant elle est hantée par une fantaisie douloureuse qui dans son paroxysme, touche tout de même au désespoir et à la paranoïa. Dans "Amours" il n'y a pas tant l'aveu d'un amour contrarié que les accents d'une [b] haine de soi[/b], d'un dégoût ontologique. Toujours avec une élégance amusée, cela dit.

Comment cette élégance du désespoir (cette politesse dirait Vian) se traduit-elle dans le texte ?
Il y a de brutales ruptures de ton au cœur d’une même phrase, qui désamorcent en partie le propos initial, le contredisent ou le complètent. Le texte s’ouvre, se replie sur lui-même ou fait un pas de côté inattendu. Génial, ne trouvez-vous pas ?

Quelques exemples :
« Toi que je ne sais où atteindre et [color="#0000FF"]qui ne liras pas ce livre [/color]» Adresse contrariée.
« Elle a ...elle [color="#0000FF"] avait [/color] dis-je ! » Conjugaison hésitante.
« Pour qui cependant je m’étais brouillé avec une toute une ville, [color="#0000FF"] capitale d’un pays nombreux[/color] » Digression.
« on vous demandait qu’[color="#0000FF"] un petit [color="#000000"]miracle, vous là-haut,[/color] [color="#0000FF"]tas de fainéants[/color] , [color="#000000"]dieux, archanges, élus, fées, philosophes,[/color] et les copains de génie[/color] » Oxymores et alternance de registres opposés.

Je mets en couleur les expressions en rupture par rapport au reste de la phrase. Que ce soit par excès, par opposition de registre ou simplement par la syntaxe), ces ruptures enrichissent le texte d'une tonalité paranoïaque et douloureuse.

L’évocation de Banjo est un morceau de bravoure. Le choix de ce prénom pour la femme aimée est à lui seul assez farce. Puis c’est tout le texte qui s’en trouve déformé avec cette répétition fantaisiste de la consonne B. « ban », « bi » « bo » .Le texte n’est plus qu’un bégaiement affectueux et régressif. Michaux perd les mots, les réinvente dans une logorrhée folle.
Ca alimente peut-être aussi le discours sur l’impuissance de la littérature , discours que tiendrait sa première interlocutrice. Ca serait une réponse ou un symptôme. A vous de voir....

On peut y voir aussi un relent de surréalisme, et c’est quasi-systématique dans l’évocation des figures féminines (on pense à Desnos) . On retrouve cette couleur surréaliste dans le choix de certaines images :
« ton doux regard d’hôpital » « des yeux de lampe très doux ».,« cette ville de Quito, au nom de couteau »
On perd en sens mais on gagne en association d’idées, en images un peu choc.
Voilou. A + Modifié par Absalom
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Invité Absalom
Merci pour ton com' Son'.
[quote name='SonOfKhaine' timestamp='1325943050' post='2060205']
Très porté sur la Mescaline.
[/quote]
Assez faux en fait. Il en a fait un usage très mesuré et encadré à partir de 1954 (soit à 55 ans). La mescaline c'est un peu l'arbre qui cache la forêt que serait l'oeuvre. Je me suis donc bien gardé d'en parler dans ma notice biographique. <_<
D'ailleurs j'ai pas fait de bio. :lol: Modifié par Absalom
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Sans oublier aussi l'éther (avant la mesca), le LSD, le cannabis, les champis... Ses intérêts pour les psychotropes remontent assez loin, avec sa vocation de base de médecin et sonadmiration pour l'oeuvre de Lautréamont. Si d'autres intérêts précèdent évidement son usage de substances psychoactives, il est la suite logique de ceux-ci et leur catalyseur. Certes, sa consommation n'a jamais été énorme - mais c'est la même chose pour tous ceux qui y portent un intérêt psychonautique et non purement récréatif ou d'auto-médication. Il faut aussi tenir compte du fait que son âge avancé quand il passe à autre chose que l'éther est du à des difficultés d'information et d'approvisionnement plus qu'à un manque d'intérêt pour la chose.
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Invité Absalom
Sans doute Son' mais pour moi c'est l'oeuvre qui compte. Pas la consommation de psychotrope...je m'en fiche à peu près autant que de ce qu'il mangeait au p'tit dej'. Je suis sûr qu'il écrivait pas pareil les jours où bobonne faisait des oeufs sur le plat à la place du banal café/pamplemousse mais ça viendrait à l'idée de personne de le signaler dans la bio...m'énerve ce romantisme autour de certaines substances chimiques. C'est le texte qui compte et jamais aucune substance a transformé un mauvais auteur en bon auteur. Par contre, l'inverse est malheureusement vrai. Désolé de réagir un peu à chaud mais je pense que nous, amateurs de poésie, on doit faire super gaf à pas véhiculer ce genre de clichés de lycéens car je pense que ça n'incite pas grand monde à découvrir un auteur... ou alors de façon très superficielle et pour le vernis. Je suis sûr qu'on est d'accord dans le fond.
Par contre j'ai omis de signaler que Michaux était aussi artiste peintre ce qui me semble infiniment plus important que je ne sais quelle addiction. Les amoureux de Michaux pourraient m'en faire reproche à juste titre. ^_^ Modifié par Absalom
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Merci pour ta chronique Absalom, c'est toujours aussi intéressant à lire. Ces chroniques sont décidément un excellents moyens de faire découvrir des choses que les gens ne découvrirait pas forcement par eux même si elles n'étaient pas là. Pour ma part, j'avoue être un parfait inculte en ce qui concerne cet auteur et ce genre de poème.
J'ai donc du mal à me faire rapidement une idée précise sur la question, je ne sais pas trop quoi en penser. Ca me touche mais sans plus, voilà.
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Intéréssant, mais je n'accroche pas vraiment à la poésie libre. Du moins pas celle là il manque un je ne sais quoi de rythme et de force.
le fond est très jolie et il y a vraiment des passages très sympathiques avec des jeux sur les mots et les contre sens géniaux. Mais... je ne sais pas j'ai l'impression qu'il manque ce que j'aime dans la poésie quoi !

Pal'
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