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[W40K] Sous l'Aquila rouge


Swissknife

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Préambule : 

Ceci est un récit que j'ai écrit dans mon univers des Régiments de Dagaz et plus particuliÚrement sur le 8Úme Régiment. Ce récit est là pour creuser plus en avant ce régiment particulier dans mon fluff. 

Il reprend aussi librement des inspirations d'un texte apparu dans des White Dwarf en 2023 qui a servit en réalité de base pour créé mon 8Úme, donc qu'on retrouve ici. 

J'éditerais ce premier post au fur et à mesure, pour ajouter des "Chapitres" afin que cela donne une lecture fluide qu'on prenne en cours de route ou suive le sujet. 

Evidemment, c'est un délire un peu narcissique que de rédiger un texte et le publier, mais cela me motive aussi à poursuivre le plaisir de l'écriture.

___________________________________________________________________________________________________________

 

+++ CHAPITRE I +++

 

PERDU...

 

Perdu
 

 

Oui, totalement perdu.

 

Je ne vois pas d’autre conclusion Ă  ma situation actuelle. Cela fait deux cycles que j’erre dans ces conduits sans fin. Des conduits d’aĂ©ration de la citĂ©-ruche de Gehenna Magna. Je m’y suis engouffrĂ© sans rĂ©flĂ©chir, juste pour Ă©chapper Ă  mes poursuivants. Peu glorieux, dĂ©jà
 Mais en plus, j’ai couru sans logique, bifurquant au hasard. RĂ©sultat : bravo, tu les as semĂ©s, ils ne te suivent plus. Par contre, tu vas crever tout seul comme un abruti dans ces foutus conduits.

 

Et Ă  force d’ĂȘtre pliĂ© en deux, faute de hauteur suffisante dans ce dĂ©dale de mĂ©tal, j’ai mal au dos, Ă  la nuque, comme un vieillard pluri-centenaire. Ajoutez Ă  ça que je ne me suis autorisĂ© que trĂšs peu de repos, de peur de sombrer dans un sommeil trop profond, et que je n’ai pas bu plus d’eau qu’un Tallarn en cure
 je dois avoir une sale gueule. Genre vieux Grox au bout de la chaĂźne d’abattage.

 

Devant moi : un peu de lumiĂšre. Une sortie ? Non
 un croisement, encore. De quoi me paumer un peu plus dans ce labyrinthe. Trois directions. Soit je continue tout droit en franchissant un puits qui descend. De ce puits Ă©mane la lumiĂšre, mais elle m’éblouit trop pour que je voie ce qui m’attend au fond.

 

Aucune envie de finir coincĂ© dans les pales d’un ventilateur industriel.

 

Sinon, il y a le conduit de gauche. Ça changerait un peu de ce fichu “tout droit”. J’hĂ©site. Je scrute chaque passage. Aucune inscription. Les techniciens du coin n’ont visiblement jamais imaginĂ© qu’un pauvre type sans aupex ni balise finirait lĂ -dedans. C’est sĂ»r, il n’y a qu’un con comme moi pour s’y perdre.

 

Vingt ans d’Astra Militarum. Vingt ans de campagnes. Vingt ans Ă  risquer de me prendre un obus dans la gueule, Ă  collectionner les cicatrices d’éclats, de grenades, de bolts, de baĂŻonnettes, de pelles, de coups de verre
 Tout ça pour finir dĂ©shydratĂ©, seul et oubliĂ©, momifiĂ© dans les tripes d’une citĂ©-ruche.

 

Allez. Autant m’arrĂȘter un moment, poser mon cul, rĂ©flĂ©chir aux options. Quitte Ă  crever ici, autant le faire d’une maniĂšre Ă  peu prĂšs intelligente.
 

Je pose mon fusil-laser. Il ne me reste que la cellule Ă©nergĂ©tique dĂ©jĂ  engagĂ©e dedans. À vue de nez, j’ai encore de quoi tirer une trentaine de coups, guĂšre plus. Plus une seule grenade, tout y est passĂ© sur mes poursuivants, il y a deux jours. Bon
 si je me montre prudent, ça devrait suffire.

 

Allez, continuons l’état des lieux.

 

Une gourde presque vide. En me rationnant sĂ©vĂšrement, j’en ai peut-ĂȘtre encore pour deux jours. Avec un peu de chance, je tomberai sur de la condensation quelque part pour complĂ©ter. CĂŽtĂ© bouffe, trois packs agroĂ©nergĂ©tiques. Au moins, je vais mourir le ventre plein
 plein de produits chimiques, certes, mais bon. Disons que mes prĂ©occupations diĂ©tĂ©tiques ne sont plus ma prioritĂ©.

 

Je vide mes poches.


Un Medikit individuel : de quoi me soigner si je m’entaille le gros orteil ou si j’ai un mal de crñne. Trois pastilles pour purifier une eau que je n’ai pas. Et
 un miroir.

 

Putain. J’ai une sale tronche.

 

Je me reconnais Ă  peine. Quelques rides de plus. Des cheveux plus gris aussi, il me semble. Mais ce sont surtout mes yeux rouges et ce teint cireux qui ne me disent rien de bon. J’ai l’impression d’avoir pris dix ans en deux jours. Ma tignasse chĂątain, qui virait dĂ©jĂ  au poivre et sel, est devenue franchement sombre
 merci la crasse des conduits.

 

Mon regard fixe mon iris vert, et voilà que je dérive dans mes souvenirs.


Il y a vingt-cinq ans.

 

Ma Famille m’avait fait engager dans les levĂ©es des RĂ©giments de Dagaz. Contrairement Ă  mes frĂšres et soeurs - j’étais le dernier de quatre - et probablement parce que j’avais moins d’affinitĂ© avec l’étiquette, les dĂźners pompeux et les salamalecs, mes gĂ©niteurs avaient insistĂ© pour que je sois affectĂ© au 8Ăšme RĂ©giment de Dagaz. Mes frĂšres et sƓurs, eux, Ă©taient tous dans le prestigieux 1er. Les "PrĂ©toriens", comme ils aiment Ă  se faire appeler.

 

À l’époque, j’avais dix-huit ans, et honnĂȘtement, j’avais la tĂȘte ailleurs. L’armĂ©e ? Les casernes d’Opalan ? J’en avais rien Ă  foutre. J’étais surtout occupĂ© Ă  faire le con avec mes potes. Mes parents m’avaient pourtant prĂ©venu : continue comme ça, et on t’enrĂŽle plus tĂŽt que prĂ©vu. Ils n’ont pas menti.

 

Mais me retrouver dans le 8ùme



SĂ©rieusement. Ce foutu rĂ©giment n’avait dĂ©jĂ  pas une bonne rĂ©putation Ă  l’époque. Et moi, je me suis retrouvĂ© dedans comme on tombe dans une fosse sceptique : sans prĂ©venir, et sans aucune envie d’y rester.

DĂ©jĂ , le nom
 les “Gardiens Sanglants”.


Rien que ça, ça ne m’inspirait rien de bon. Un nom Ă  la con, trop chargĂ©, trop dramatique. Tu sais tout de suite que ça sent la boue, le sang et les ordres suicidaires. Pas les fanfares ni les mĂ©dailles en velours.

 

Et puis, dans mon cercle de frĂ©quentations - les rejetons dorĂ©s des Familles Citoyennes - on entendait des choses. Pas officielles, bien sĂ»r, mais suffisantes pour se faire une idĂ©e. Le 8Ăšme, c’était lĂ  qu’on envoyait les “indĂ©sirables”. Ceux qui foutaient la honte, les tĂȘtes brĂ»lĂ©es, les rebelles, les abrutis ou tout simplement les gĂȘneurs.

 

Un régiment à la discipline de fer, connu pour ses engagements intenses, en premiÚre ligne ou dans les pires bourbiers du secteur.


IdĂ©al, donc, pour “soulager” une Famille d’un souci tout en servant l’Imperium avec zĂšle. Un tir doublement gagnant : honneur prĂ©servĂ©, et hĂ©ritiers gĂȘnants expĂ©diĂ©s loin, au service du TrĂŽne.

On te balance dans le 8Úme comme on jette une pierre dans un marécage.
Et si elle ne remonte jamais, c’est que tout s’est bien passĂ©.

 

Vingt-cinq ans ont passé depuis.


Finalement, aprĂšs quelques bons coups de savate dans la gueule administrĂ©s par les instructeurs : façon douce de te faire entrer l’Imperium dans le crĂąne; j’ai fini par m’adapter.

Et mĂȘme plus que ça : une fois dĂ©ployĂ©, je me suis senti comme un poisson dans l’eau.  J’y ai trouvĂ© ma place.  Quelques camarades du mĂȘme monde, issus du mĂȘme milieu que moi. Mais surtout, des frĂšres d’armes qui partageaient ma vision Ă©picurienne de la vie : profiter tant qu’on peut, rire un peu avant la prochaine rafale. Des mecs bien. Certains sont encore là
 d’autres, non.

 

Mon premier engagement me semble tellement loin.
Et pourtant, quand je baisse les yeux vers mes manches, je suis toujours surpris d’y voir mes chevrons de sergent.
Qui aurait pariĂ© lĂ -dessus, hein ? MĂȘme pas deux boutons rouillĂ©s. Pas moi en tout cas et certainement pas ma Famille.

 

Qu’est-ce que c’était, ça ?


J’suis sĂ»r d’avoir entendu un bruit. Peut-ĂȘtre juste le grincement d’une conduite, l’écho lointain des combats
 ou alors un de mes poursuivants ?

 

S’il y a bien une chose que ce dĂ©ploiement m’a appris, c’est qu’ici, rien n’est sĂ»r. Et que c’est la merde partout.

 

VoilĂ  six mois que le 8Ăšme est dĂ©ployĂ© sur Moloch-BĂąl. Une foutue planĂšte Ă  citĂ©s-ruches. On nous avait vendu une mission de maintien de l’ordre. Le gouverneur local, une sacrĂ©e enflure celui-lĂ , affirmait avoir "stabilisĂ© la situation" et demandait juste un petit coup de main pour reprendre quelques citĂ©s en rĂ©volte.

 

Mon cul, ouais. Ce que notre Ă©tat-major a dĂ©couvert en arrivant, c’était tout sauf une situation sous contrĂŽle.

 

À part quelques bastions impĂ©riaux, tout le reste de la planĂšte Ă©tait plongĂ© dans l’anarchie la plus totale. Une vraie foire Ă  la baston. Des luttes de partout, des factions inconnues, des cultes tarĂ©s, des milices locales
 mĂȘme une chatte n’aurait pas reconnu ses petits dans ce merdier. Y avait qu’un seul point commun Ă  tous ces enfoirĂ©s : flinguer tout ce qui portait une Aquila ou reprĂ©sentait un tant soit peu une autoritĂ©.

 

Ça fait trois mois qu’on tente de reprendre Gehenna Magna. Une putain de citĂ©-ruche, un labyrinthe monumental, en trois dimensions, Ă  vous rendre fou.

Impossible de tracer une vraie ligne de front dans ce foutoir. Un jour, un quartier est Ă  nous. On croit l’avoir sĂ©curisĂ©, et paf : une bande d’enragĂ©s dĂ©boule par l’arriĂšre, surgis d’on ne sait quelle coursive, de quel conduit ou d’un foutu Ă©gout. Pendant ce temps, nous, on est dĂ©jĂ  en train de se dĂ©ployer vers ce qu’on pensait ĂȘtre le prochain objectif. RĂ©sultat : on Ă©change les positions comme des crĂ©tins, et faut tout recommencer depuis le dĂ©but.

 

Au moins, y’a un truc de simple dans ce merdier : tout ce qui ne porte pas une Aquila, tu le butes. Homme, femme, vieux, gosse
 tous aussi tarĂ©s les uns que les autres. On dirait qu’ils ont tous un seul but : nous arracher la tĂȘte, mĂȘme Ă  coups de dents s’il le faut.

Je ne pourrais jamais oublier ce gosse, pas plus haut que trois pommes, qui a essayĂ© d’égorger Massias Ă  coups de ses pauvres chicots. On a fini par le descendre, lui et toute la bande qui l’accompagnait, mais notre bon Commissaire Mielke n’a pas voulu prendre de risque. Il a sorti son bolter et a collĂ© une bastos dans la tĂȘte de Massias. Froid. Net.

 

Massias

Pas le premier Ă  crever sur cette foutue planĂšte. J’en ai vu tomber, des frĂšres d’armes, des vrais. Des vieux briscards qui avaient traversĂ© les pires zones de guerre Ă  mes cĂŽtĂ©s.
Massias. Ernst. Bilal. Caïus. Stepan. Pav’...

 

Je les revois encore. Leur rire autour d’un ragoĂ»t de ration cramĂ©e. Leurs gueules sales, leurs sarcasmes, leurs coups de coude dans les tranchĂ©es. Et maintenant, plus rien. Juste leurs noms qui rĂ©sonnent dans ma caboche.

Jamais j’avais perdu autant de camarades en si peu de temps. Et surtout pas des vĂ©tĂ©rans. Autant j’étais presque rĂ©signĂ© Ă  voir les nouvelles tĂȘtes tomber; Des gosses, la plupart, Ă  peine sortis de leurs terres de conscription; Mais là

Là, ce n’est plus une guerre. C’est un foutu abattoir.

 

On dirait qu’on nous balance au front comme de la chair Ă  canon. Sans vision d’ensemble, sans coordination. Chaque jour, un nouveau plan foireux pondu par un commandement qui ne sait mĂȘme plus oĂč est le nord. J’ai l’impression qu’on avance les yeux bandĂ©s, comme des aveugles guidĂ©s par d’autres aveugles. Et pendant ce temps, mes frĂšres tombent un Ă  un.

 

Et voilĂ .
Je perds toute ma section dans une bĂȘte patrouille d’arriĂšre-garde. Que des bleus avec moi. Tous tombĂ©s comme des mouches, en une fraction de seconde. Rien vu venir.
Sans cette foutue conduite et cette espĂšce de sixiĂšme sens qui m’a sauvĂ© la peau plus d’une fois
 j’y serais passĂ© avec eux.

 

Combien de fois j’ai frĂŽlĂ© la mort ? Je ne les compte plus. Mais Ă  chaque fois, un dĂ©tail, une intuition, une petite voix dans ma caboche me faisait bouger d’un millimĂštre. Juste ce qu’il fallait. Suffisamment pour Ă©chapper au destin.
Heureusement qu’elle m’a chuchotĂ© de grimper dans ce conduit. Par contre, elle aurait pu me filer une carte du labyrinthe, tant qu’à faire


 

LĂ , si je pouvais Ă  nouveau l’entendre, cette saloperie de voix intĂ©rieure
 juste une fois. Juste pour savoir quel foutu couloir me sortira vivant de ce merdier.

 

Et ces cinq gars

On est tombé sur un groupe ennemi. Des civils, à premiÚre vue. Avant.
Ils se sont jetĂ©s sur nous comme des pochtrons sur une bouteille d’Amasec. EnragĂ©s.
La surprise, le nombre
 en dix secondes, c’était pliĂ©.

Heureusement qu’ils ont cette sale manie de collectionner les tĂȘtes.
Sans ça, j’aurais eu toute la bande Ă  mes trousses. Et je ne serais plus en train de parler Ă  moi-mĂȘme dans un conduit crasseux, mais Ă  pourrir sur un tas de cadavres.

 

VoilĂ  un petit moment que je m’étais reposĂ© quelques minutes, le dos collĂ© Ă  la paroi tiĂšde du conduit. L’air y vibrait doucement, comme si quelque chose tournait non loin. C’était presque apaisant, si on faisait abstraction de l’odeur de rance, de sueur et de moisissure qui suintait de chaque rivet. Je commençais Ă  dodeliner de la tĂȘte quand Ă  nouveau un bruit se fit entendre. Un  cliquetis mĂ©tallique, trop rĂ©gulier, me fit relever la tĂȘte.

 

Un bruit de pas ?

 

Je me fige. Mon cƓur s’arrĂȘte une demi-seconde. Puis il repart comme un tambour de guerre.

 

Silence.

Et puis, Ă  nouveau : clic-clac... clic-clac... des pas hĂ©sitants sur le mĂ©tal. Un bipĂšde ? Humain ? Impossible Ă  dire. Trop d’échos. Trop de doutes.

 

Je me recroqueville dans une anfractuositĂ© du conduit, je tente de contrĂŽler ma respiration. Mon fusil pointĂ© vers l’ombre. À cette distance, si ce n’est pas un ami, je tirerai sans sommation.

Mais si c’était un survivant ? Un gars du 8Ăšme ? 

Et s’il est blessĂ© ?

Et si c’était un de ceux qui m’ont traquĂ© il y a deux jours, revenu finir le boulot ?

L’idĂ©e germe, pourrissante.

Je me rends compte que je serre la poignĂ©e du fusil jusqu’à m’en blanchir les jointures.

Puis je vois une silhouette.

Et lĂ , je dois choisir.

Si j’attends, je perds l’initiative. Si je tire
 et que c’est un frùre d’arme, j’aurai du sang innocent sur les mains.
Mais s’il me repùre avant moi


Alors je bouge. Lentement. Un pas. Puis un autre. Mon épaule glisse contre la cloison, mon fusil toujours levé.
Je laisse ma voix porter, rauque, sĂšche, craquelĂ©e par l’humiditĂ© et la peur.

-Halte ! Identifie-toi ! Nom et régiment !

Silence.
La silhouette s’arrĂȘte. HĂ©site.
Puis, dans un souffle rĂąpeux :
- C’est moi
 Toma
 Sergent Toma Lazić
 8ùme de Dagaz

une hésitation se ressent 

- C’est toi, Juda ?

 

Mon cƓur rate un battement.

Toma. Bordel
 Toma.
PortĂ© disparu depuis six semaines dans le secteur Epsilon. On l’avait tous cru mort avec sa section. Je me souviens mĂȘme de la bouteille qu’on avait vidĂ©e pour lui, ce soir-lĂ .
Mais lĂ , devant moi, il tient Ă  peine debout.

 

Je m’approche prudemment. Il lùve les mains lentement. Pas d’arme visible. Son uniforme est en charpie, il pue la sueur et le sang. Ses yeux
 y’a quelque chose dedans.
Pas juste la fatigue. Quelque chose d’autre. De fiĂ©vreux. De brĂ»lant.

 

— Ils m’ont encerclĂ©. Je croyais que c’était la fin
 Mais Il m’a sauvĂ©, Juda. Il est venu.

— Qui ça, “il” ?

— L’Empereur.
 


 

Modifié par Swissknife
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+++ CHAPITRE II +++

L’EMPEREUR

 

Je regarde Toma, interloquĂ©. Sans mĂȘme m’en rendre compte, j’abaisse mon fusil-laser. Sa rĂ©ponse me laisse pantois.
— Toma
 qu’est-ce que tu entends par l’Empereur ?
Je vois bien Ă  son regard que ma question le choque, comme si j’avais blasphĂ©mĂ©.
— L’Empereur, Juda. Il n’y en a qu’un, tu le sais bien.
— Oui
 bien sĂ»r. L’Empereur est sur Terra, Il veille sur nous tous. Mais
 comment dire...

Comment dire sans Ă©craser une Foi naissante ? Toma n’avait jamais Ă©tĂ© du genre trĂšs pieux. Pas plus que moi. Et lĂ , il me balance ça, comme une Ă©vidence. Comment lui expliquer que j’ai du mal Ă  croire que le MaĂźtre de l’HumanitĂ© fasse un dĂ©tour pour sauver son cul ?
— Franchement, Toma
 j’vois mal l’Empereur bouger Ses Saintes Fesses juste pour toi. C’est quand la derniùre fois que t’as dormi ? Ou bu ?
Un mĂ©lange de colĂšre et de frustration passe sur son visage fatiguĂ©. Avant qu’il n’ouvre la bouche, je baisse mon arme. J’esquisse un geste de la main.
— Allez, viens. Pose-toi. T’as faim ? J’ai une infĂąme barre agroĂ©nergĂ©tique.
Sans attendre sa réponse, je lui tends la barre.

Il l’attrape et l’ouvre Ă  la hĂąte, avant de s’asseoir lourdement. Il la dĂ©vore comme un rat de soute affamĂ©, sans me prĂȘter plus d’attention. Je l’observe.
 

Disparu depuis six semaines. On le pensait mort. Aucune trace, aucun corps retrouvĂ©, ni lui, ni sa section. Juste des morceaux d’équipement, quelques lambeaux d’uniforme, et une rumeur : une patrouille aurait trouvĂ© un tas de cadavres ennemis, mais aucun des nĂŽtres. L’État-Major avait vite classĂ© l’affaire. “Les corps ont dĂ» ĂȘtre emportĂ©s par des hĂ©rĂ©tiques”, qu’ils ont dit. Pas plus d’enquĂȘte. Pas plus de questions. Foutaises.

Le visage de Toma, déjà maigre au naturel, est devenu un masque émacié. Les traits tirés, les yeux cernés. Ses rares cheveux sont en bataille. Son uniforme
 à peine reconnaissable. Juste le plastron qui tient encore, couvert de sang séché.

Il finit sa barre, puis me regarde. Et dans ce regard
 il y a quelque chose.
Pas seulement de la fatigue. Pas seulement le traumatisme.
Une ferveur. Une intensité. Une chaleur presque
 dérangeante.
Pas le genre de regard que j’ai envie de croiser dans le noir.
 

— Merci, Juda. Par le TrĂŽne
 je suis heureux de t’avoir trouvĂ©. J’en pouvais plus. C’est Lui qui t’a mis sur ma route. Il m’a guidĂ© dans ce labyrinthe.
— Quoi ? Qui t’a guidĂ© ?
— Bah
 Lui. L’Empereur. Qu’il nous protùge.

Il tire sur la manche de son uniforme et me montre son poignet. Un bracelet grossier, en corde tressĂ©e. FichĂ© dessus, un petit caillou, pas plus gros qu’un gravier, taillĂ© Ă  la va-vite.

— J’ai trouvĂ© cette pierre quelques jours avant la mission. Juste aprĂšs notre cĂ©rĂ©monie. Elle m’a attirĂ© l’Ɠil. Regarde bien.
Il défait le bracelet et me le tend.
Je prends l’objet, le pose dans ma paume. La pierre tournĂ©e vers le haut.
— Il y a une Aquila gravĂ©e dessus. Quand j’ai ramassĂ© la pierre, j’avais toujours ma coupure rituelle Ă  la main. Le sang a rempli les creux. C’est comme ça que je l’ai vue.
Je plisse les yeux. J’essaie de distinguer quelque chose.
Effectivement, il y a une gravure. Remplie de sang sĂ©chĂ©. Mais de lĂ  Ă  dire que c’est une Aquila
 on dirait plus un gribouillis qu’autre chose. Ça pourrait ĂȘtre n’importe quoi.

Je lui rends son gris-gris sans un mot. S’il en tire de la force, tant mieux. Mais Ă  deux, avec une rĂ©serve d’eau qui fond comme neige au soleil, va falloir qu’on reste lucides. Et la luciditĂ© de Toma
 me semble pas au top.

Il remet son bracelet d’un geste nerveux, les yeux fixĂ©s sur la pierre.
— Tu sais, Juda
 je te raconte pas des conneries.
Il lĂšve les yeux vers moi, cherche une accroche.
— C’est l’Empereur qui m’a sauvĂ©. Je vois bien ce que tu penses, que je dĂ©raille.
Il marque une pause. Sa voix tremble Ă  peine.
— Je penserais pareil Ă  ta place. Et mĂȘme moi
 parfois, je me demande si j’ai pas hallucinĂ© tout ça. Si j’ai pas perdu la boule.

Il serre les poings.
— Mais je suis vivant. Et je devrais pas l’ĂȘtre.

Il tourne lentement la tĂȘte vers moi, le regard chargĂ© de souvenirs.
— Pendant la mission de reco, l’auspex s’est mis Ă  dĂ©conner. Et tu sais comment les vox peuvent devenir foireux, surtout Ă  certains niveaux. Je me suis paumĂ©. Comme un foutu bleubite. J’ai emmenĂ© ma section au mauvais endroit.

Il respire lentement, son ton devient plus grave.
 On a dĂ©clenchĂ© un piĂšge dans un couloir. Par mĂ©garde. Une alarme. C’est Sven qui ouvrait la marche, il a pas vu le fil. Une putain de pique est tombĂ©e du plafond. Elle l’a empalĂ© net. TraversĂ© comme un sac d’os.
Il ferme les yeux une seconde.
— J’étais juste derriĂšre. Je l’ai vu gigoter sur cette tige, les pieds ballants Ă  quelques centimĂštres du sol. J’étais tĂ©tanisĂ©.

Sa voix devient plus sĂšche.
— C’est Rek’ qui m’a rĂ©veillĂ©. Il a hurlĂ© que le gyrophare s’était dĂ©clenchĂ©. On avait foutu en branle tout un nid. Le temps que je donne l’ordre de recul, c’était dĂ©jĂ  trop tard. Ils ont attaquĂ© NĂšve, en queue de file. Elle a Ă  peine eu le temps d’alerter les autres. Trois de ces tarĂ©s lui sont tombĂ©s dessus. L’ont plaquĂ©e. ÉgorgĂ©e sur place.

Il serre la mĂąchoire.
— On Ă©tait coincĂ©s dans ce putain de couloir. Pas la place de manƓuvrer, pas de couverture. On se gĂȘnait pour tirer. Eux ? Ils en avaient rien Ă  foutre. Ils marchaient sur leurs propres morts, tiraient Ă  travers leurs gars. Des fous furieux.

Il marque un temps.
Je pouvais pas avancer. Impossible de décrocher Sven du pic. On a vite balancé les fusils-laser, trop longs, trop encombrants. On a sorti les baïonnettes.

 

Il baisse la voix, presque pour lui-mĂȘme.
— J’étais dos Ă  dos avec Rek’. On se couvrait. J’ai plantĂ©, encore et encore. J’ai pas comptĂ© combien j’en ai tuĂ©. Mon bras me brĂ»lait, mais j’ai continuĂ©. C’était pas du courage, c’était juste l’instinct. La rage de pas crever lĂ . Je sentais Ă  peine les entailles sur mes bras. Et puis


Il lĂšve la main vers sa cuisse.
— Un coup m’a taillĂ© dans la jambe. J’ai perdu l’appui. J’ai glissĂ©. J’ai vu Rek’ tomber Ă  cĂŽtĂ©. Ils l’ont submergĂ©. Je te jure, Juda
 ils le mangeaient vivant. Comme des bĂȘtes.

Un silence lourd s’installe. Puis :
— Et c’est lĂ  que c’est arrivĂ©. LĂ , Ă  cet instant. Quand j’étais au sol. Quand j’allais mourir, dĂ©vorĂ© comme un chien par ces hĂ©rĂ©tiques
 que c’est arrivĂ©.

 

Son regard s’égare, fixe un point que je ne peux pas voir.
— Il
 IL est venu à moi.

Sa voix n’est plus qu’un souffle.
— J’ai senti quelque chose
 Une force. Comme une marĂ©e qui m’a traversĂ©, brĂ»lante et implacable. Une fureur que je n’avais jamais connue. Plus rien n’avait d’importance. Plus la douleur. Plus la peur. Rien.

Il pose une main sur sa poitrine, lentement.
— Un voile Ă©carlate s’est posĂ© devant mes yeux. Comme une flamme qui aurait envahi tout mon champ de vision. Et puis
 c’est devenu flou. J’ai vu mes bras bouger, mes mains frapper. Mais c’était pas moi. J’étais lĂ , mais comme spectateur. Prisonnier dans mon propre corps.

 

Il ferme les yeux, revoit la scĂšne.
— Je pourrais pas te dire ce que j’ai fait. Les gestes. Les cris. Tout allait trop vite. Mais je les ai massacrĂ©s. Tous.

Sa voix se durcit.
— Le feu dans mes yeux. Le sang sur mes mains. Tout Ă©tait rouge.

Il reste silencieux un instant. Puis :
— Et soudain
 j’étais debout. EssoufflĂ©. Mais vivant. Dans ce couloir devenu silencieux. Il n’y avait plus rien. Juste moi, seul. Les autres
 morts. Ou fuis.

Il tourne la tĂȘte vers moi, et sa voix prend une intensitĂ© Ă©trange, presque fanatique :
— Et là, dans cette brume flamboyante qui flottait encore devant mes yeux
 il y avait une silhouette.

Il laisse un silence planer.

— Je sais pas si c’était une vision. Un rĂȘve. Ou plus. Une armure
 une silhouette Ă©clatante dans un halo flamboyant, illuminant tout. Une lumiĂšre rouge comme le sang. Rouge comme le feu. Elle me regardait. Pas avec des yeux
 non. Mais je sentais son regard.

Il touche sa tempe, doucement.
— Et j’ai entendu sa voix. Pas avec mes oreilles. Mais dans ma tĂȘte. Claire. Lourde. Comme un Ă©cho.

Il me fixe. Sa voix m’a dit :
— Je t’ai vu dans les tĂ©nĂšbres, et tu as tenu. Porte ma lumiĂšre, et nul abĂźme ne t’engloutira.

Il se tait. Le silence qui suit est lourd, presque pesant.

 

Je le regarde sans trop savoir quoi penser de ce rĂ©cit. Il a l’air sincĂšre, vraiment. Il croit Ă  son histoire, Ă  fond. Peut-ĂȘtre que c’est simplement un sursaut d’adrĂ©naline, un accĂšs de rage pour survivre, une de ces rĂ©actions primaires face Ă  la mort


Je l’ai jamais vu toucher aux Stimms, mais ça veut pas dire qu’il n’en prend pas. Ou alors
 c’est juste un foutu psychopathe. Peut-ĂȘtre qu’il a vrillĂ©, comme tous les autres tarĂ©s de cette planĂšte. Et si je le ramĂšne avec moi ? Qu’est-ce qui me dit qu’il va pas pĂ©ter un cĂąble et me coller une balle dans le dos ? Ou pire : contaminer les autres avec ses dĂ©lires ?

 

Il continue de me fixer, attendant une rĂ©action, mais bordel, Toma
 qu’est-ce que tu veux que je fasse de ton dĂ©lire mystique ?

 

En mĂȘme temps
 il erre seul dans ce labyrinthe depuis combien de temps ? CoincĂ© dans ce trou, avec les cris de ses camarades morts qui lui tournent dans la tĂȘte ? J’ai vu des gars devenir apathiques aprĂšs un choc, d’autres devenir incontrĂŽlables. Ils appellent ça du stress post-traumatique. Et franchement, ça collerait. Rien d’étonnant.

 

Je me sens pas mieux, d’ailleurs. Moi aussi, je suis tendu comme un arc. Chaque bruit me fait sursauter. J’ai la main qui tremble encore autour de mon fusil. Alors qui suis-je pour juger ? 

- Allez Toma, maintenant on est deux. L’un pour l’autre. On va sortir de ce foutu labyrinthe et retrouver les autres. J’imagine dĂ©jĂ  leurs tronches quand ils vont nous revoir. Je parie qu’ils ont dĂ©jĂ  vidĂ© nos cantines et descendu une bouteille d’Amasec Ă  notre mĂ©moire.

C’est ce qu’on a fait pour lui, aprĂšs tout. Je suis sĂ»r qu’ils font pareil pour moi en ce moment.

Toma se dĂ©tend un peu. Il sourit : le premier depuis qu’on s’est retrouvĂ©s.

— T’as raison, Juda. Sortons d’ici. Et on se fera payer les verres d’Amasec qu’ils ont sifflĂ©s Ă  notre santĂ©.

— Bien dit. T’as une idĂ©e de la direction ?

Je dĂ©signe l’embranchement devant nous. Toma fixe les trois conduits, le visage concentrĂ©.

— Non. Aucune idĂ©e. Et pour ĂȘtre honnĂȘte, je ne sais mĂȘme plus comment je suis arrivĂ© lĂ . C’est le brouillard dans ma tĂȘte.

Je le regarde. Ouais
 je vais pas pouvoir trop compter sur son sens de l’orientation. Il est encore Ă  cĂŽtĂ© de ses pompes. Je reporte mon attention sur les trois options devant nous. Tout droit. En bas. À gauche.

 

Le conduit Ă  gauche me donne une bonne impression, il m’attire. Une intuition. Pas vraiment rationnelle, mais... mieux que rien. Le tunnel descendant, par contre, il ne me plaĂźt pas. Trop de lumiĂšre, trop de bruit, et un souffle d’air rĂ©gulier. Ça sent le puits de ventilation. Le genre Ă  finir en steak tartare dans un ventilo gĂ©ant.

 

Quoique
 s’il y a un gros ventilo, y’a peut-ĂȘtre un accĂšs technique. Et donc, une sortie.

 

Mais non. Ce conduit à gauche
 il m’appelle, presque.

— On prend celui de gauche.

Je sursaute presque en entendant ma propre voix. Comme si j’avais parlĂ© sans y penser.

 

Je passe en premier. Il me faut faire un sacrĂ© grand Ă©cart pour atteindre l’ouverture du conduit gauche, mais je parviens Ă  m’y cramponner. Quelques contorsions plus tard, je me hisse jusqu’à l’entrĂ©e. Je me retourne pour aider Toma.

Il est loin d’ĂȘtre aussi en forme que moi
 et surtout, il est plus petit. Je le vois hĂ©siter. Je tends le bras. Il agrippe du bout des doigts et se lance. Il manque de glisser dans le vide, mais son Ă©lan suffit Ă  le faire atterrir tant bien que mal sur moi.

On ne dit rien. On se redresse. Et on avance, en silence.

 

Ce conduit n’a rien de diffĂ©rent de ceux que j’ai dĂ©jĂ  parcourus. Si ce n’est que le courant d’air y est un peu plus prĂ©sent. Ça fait du bien. Ça attĂ©nue, un peu, cette sensation de soif constante.

Toma me suit sans un mot. On Ă©vite tous deux de faire du bruit. Ici, tout rĂ©sonne. Le moindre son peut porter loin. On n’entend plus que nos pas lents, traĂźnants, usĂ©s.

Les lumiglobes, espacés de maniÚre irréguliÚre, jettent une lumiÚre pùle et vacillante sur les parois. La pénombre reste omniprésente.

 

La hauteur du conduit ne me permet toujours pas de marcher debout. Toujours à moitié courbé. Toma est un peu moins voûté que moi, mais lui aussi doit se plier. Je le surveille à la dérobée, cherchant un signe de changement dans son expression ou son attitude. Rien. Il reste impassible.

 

Le conduit amorce une lĂ©gĂšre courbe vers la droite. Une lumiĂšre plus vive, blanche, commence Ă  filtrer. Un espoir ? Une sortie ? Ou juste un cul-de-sac baignĂ© dans la lumiĂšre crue d’une machinerie ? Je n’ose pas encore y croire.

— T’as vu, Juda ? La lumiùre ! C’est la sortie !

Toma, lui, a besoin d’y croire. Il y croit. Et je veux y croire aussi.

Le virage devient franc, presque Ă  angle droit. C’est de lĂ  que vient la clartĂ©. J’avance prudemment. Je suis aussitĂŽt Ă©bloui, contraint de cligner des yeux. Il me faut quelques instants pour m’acclimater Ă  cette lumiĂšre soudaine. Je reste immobile, attendant que ma vision revienne.

Peu Ă  peu, je distingue les contours. Le conduit dĂ©bouche sur une grille. DerriĂšre, un sol d’acier bien Ă©clairĂ©. Une piĂšce technique, baignĂ©e de lumiĂšre. Partout autour, d’autres conduits. Des marquages sur les murs. Ça sent enfin la sortie. Une vraie. Juste cette grille Ă  dĂ©gager.

 

Je m’allonge et balance un violent coup de pied dans la grille. Elle cĂšde dans un vacarme mĂ©tallique, dĂ©gringole et vient s’écraser au sol dans un fracas assourdissant. Je me glisse immĂ©diatement hors du conduit et me mets en position, aux aguets.

Toma me rejoint sans tarder.

 

Rien ne bouge. Personne n’a l’air d’avoir entendu. Tant mieux
 Ou pas. L’absence de prĂ©sence n’est pas forcĂ©ment une bonne nouvelle non plus.

— Toma, pendant que je couvre la piĂšce, regarde les marquages. On peut savoir oĂč on a atterri ?

Toma s’approche d’un des murs et scrute les inscriptions. Il passe la main sur les marquages, presque machinalement, comme s’il cherchait Ă  faire resurgir un souvenir noyĂ© dans la brume.

— Section
 VM-14. Salle de ventilation secondaire
 marmonne-t-il. On est dans un secteur technique d’extraction d’air. Probablement Ă  la pĂ©riphĂ©rie d’un niveau de bloc-hab ou d’un manufactorum.

Je m’avance, plus par rĂ©flexe que par intĂ©rĂȘt. Les mots glissent sur mon esprit embrumĂ© comme la pluie sur une armure de carapace. Mais la lumiĂšre, l’espace, l’air un peu moins vicié  Tout ça me donne l’impression d’avoir enfin mis un pied dehors.

— Y’a un accĂšs lĂ -bas, dit Toma en dĂ©signant une porte de service, scellĂ©e par un simple verrou mĂ©canique. On peut tenter notre chance.

J’acquiesce d’un signe de tĂȘte. Il s’en occupe pendant que je reste en alerte, les sens tendus. Le mĂ©canisme grince, Ă©met un cliquetis mĂ©tallique qui rĂ©sonne dans toute la piĂšce. Je retiens ma respiration.

Silence.

 

Puis des bruits de pas.

 

Je tends le bras et plaque Toma contre le mur. Il me regarde, inquiet, mais reste figĂ©. On attend. Le bruit se rapproche. RĂ©gulier. MĂ©thodique. Des bottes. Pas de cris, pas de cliquetis de chaĂźnes ou de pas prĂ©cipitĂ©s. Ça sent la discipline
 ImpĂ©riale. Du moins, je l’espĂšre.

Une silhouette passe dans l'encadrement de la porte. Elle avance dans la lumiĂšre, arme levĂ©e. Uniforme poussiĂ©reux, casque cabossĂ©, Ă©pauliĂšre marquĂ©e du 8ᔉ Dagaz. Un second soldat le suit, puis un troisiĂšme. Une patrouille.

— HĂ© ! je lance Ă  mi-voix, assez fort pour ĂȘtre entendu. HĂ©, ici !

Les fusils se braquent aussitĂŽt.

— Identification ! crie le premier. À genoux, mains en l’air !

Je lĂšve lentement les bras.

— Sergent Juda Drell, 3ᔉ escouade, 8ᔉ de Dagaz. J’ai avec moi le sergent Toma Lazic. On est vivants.

 

Le soldat reste figé une seconde. Les autres échangent un regard. Finalement, le premier baisse légÚrement son arme.

— Bordel
 Drell ? C’est pas possible
 Le lieutenant vous a dĂ©clarĂ©s mort. On a vidĂ© votre cantine, mĂȘme. Et on a bu une bouteille d’Amasec Ă  votre mĂ©moire.

Je hoche la tĂȘte, lentement. Mon regard glisse vers Toma. Il baisse les yeux.

— Ouais. On est vivants. Ramenez-nous. On doit rejoindre le rĂ©giment.

Le chef de patrouille fait signe Ă  ses hommes.

— On vous escorte. Mais on passe d’abord par le point de vĂ©rification. Ordres du Commissaire. Rien ne sort de la Ruche sans passer par ses hommes et lui.

Je me crispe. Évidemment. Mielke. Je repense à Massias.

Je me mets en mouvement, le pas plus ferme, Toma dans mon sillage. Les soldats nous encadrent. L’un d’eux, à voix basse, souffle dans ma direction :

— Vous tombez bien
 C’est la merde, dehors. Le commandement perd pied. On parle d’une offensive massive. Le GĂ©nĂ©ral Kane est sur les nerfs, et Mielke a la gĂąchette facile. Ça commence Ă  ĂȘtre tendu entre les deux, plus que usuellement. Vous voyez le tableau.

 

Je serre les dents. Toma reste silencieux. Nous avons quitté notre bourbier de labyrinthe


mais peut-ĂȘtre juste pour plonger dans un merdier plus grand encore.

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