Swissknife PostĂ©(e) le 17 avril Partager PostĂ©(e) le 17 avril (modifiĂ©) PrĂ©ambule : Ceci est un rĂ©cit que j'ai Ă©crit dans mon univers des RĂ©giments de Dagaz et plus particuliĂšrement sur le 8Ăšme RĂ©giment. Ce rĂ©cit est lĂ pour creuser plus en avant ce rĂ©giment particulier dans mon fluff. Il reprend aussi librement des inspirations d'un texte apparu dans des White Dwarf en 2023 qui a servit en rĂ©alitĂ© de base pour créé mon 8Ăšme, donc qu'on retrouve ici. J'Ă©diterais ce premier post au fur et Ă mesure, pour ajouter des "Chapitres" afin que cela donne une lecture fluide qu'on prenne en cours de route ou suive le sujet. Evidemment, c'est un dĂ©lire un peu narcissique que de rĂ©diger un texte et le publier, mais cela me motive aussi Ă poursuivre le plaisir de l'Ă©criture. ___________________________________________________________________________________________________________  +++ CHAPITRE I +++  PERDU...  PerduâŠÂ  Oui, totalement perdu.  Je ne vois pas dâautre conclusion Ă ma situation actuelle. Cela fait deux cycles que jâerre dans ces conduits sans fin. Des conduits dâaĂ©ration de la citĂ©-ruche de Gehenna Magna. Je mây suis engouffrĂ© sans rĂ©flĂ©chir, juste pour Ă©chapper Ă mes poursuivants. Peu glorieux, dĂ©jà ⊠Mais en plus, jâai couru sans logique, bifurquant au hasard. RĂ©sultat : bravo, tu les as semĂ©s, ils ne te suivent plus. Par contre, tu vas crever tout seul comme un abruti dans ces foutus conduits.  Et Ă force dâĂȘtre pliĂ© en deux, faute de hauteur suffisante dans ce dĂ©dale de mĂ©tal, jâai mal au dos, Ă la nuque, comme un vieillard pluri-centenaire. Ajoutez à ça que je ne me suis autorisĂ© que trĂšs peu de repos, de peur de sombrer dans un sommeil trop profond, et que je nâai pas bu plus dâeau quâun Tallarn en cure⊠je dois avoir une sale gueule. Genre vieux Grox au bout de la chaĂźne dâabattage.  Devant moi : un peu de lumiĂšre. Une sortie ? Non⊠un croisement, encore. De quoi me paumer un peu plus dans ce labyrinthe. Trois directions. Soit je continue tout droit en franchissant un puits qui descend. De ce puits Ă©mane la lumiĂšre, mais elle mâĂ©blouit trop pour que je voie ce qui mâattend au fond.  Aucune envie de finir coincĂ© dans les pales dâun ventilateur industriel.  Sinon, il y a le conduit de gauche. Ăa changerait un peu de ce fichu âtout droitâ. JâhĂ©site. Je scrute chaque passage. Aucune inscription. Les techniciens du coin nâont visiblement jamais imaginĂ© quâun pauvre type sans aupex ni balise finirait lĂ -dedans. Câest sĂ»r, il nây a quâun con comme moi pour sây perdre.  Vingt ans dâAstra Militarum. Vingt ans de campagnes. Vingt ans Ă risquer de me prendre un obus dans la gueule, Ă collectionner les cicatrices dâĂ©clats, de grenades, de bolts, de baĂŻonnettes, de pelles, de coups de verre⊠Tout ça pour finir dĂ©shydratĂ©, seul et oubliĂ©, momifiĂ© dans les tripes dâune citĂ©-ruche.  Allez. Autant mâarrĂȘter un moment, poser mon cul, rĂ©flĂ©chir aux options. Quitte Ă crever ici, autant le faire dâune maniĂšre Ă peu prĂšs intelligente.  Je pose mon fusil-laser. Il ne me reste que la cellule Ă©nergĂ©tique dĂ©jĂ engagĂ©e dedans. Ă vue de nez, jâai encore de quoi tirer une trentaine de coups, guĂšre plus. Plus une seule grenade, tout y est passĂ© sur mes poursuivants, il y a deux jours. Bon⊠si je me montre prudent, ça devrait suffire.  Allez, continuons lâĂ©tat des lieux.  Une gourde presque vide. En me rationnant sĂ©vĂšrement, jâen ai peut-ĂȘtre encore pour deux jours. Avec un peu de chance, je tomberai sur de la condensation quelque part pour complĂ©ter. CĂŽtĂ© bouffe, trois packs agroĂ©nergĂ©tiques. Au moins, je vais mourir le ventre plein⊠plein de produits chimiques, certes, mais bon. Disons que mes prĂ©occupations diĂ©tĂ©tiques ne sont plus ma prioritĂ©.  Je vide mes poches. Un Medikit individuel : de quoi me soigner si je mâentaille le gros orteil ou si jâai un mal de crĂąne. Trois pastilles pour purifier une eau que je nâai pas. Et⊠un miroir.  Putain. Jâai une sale tronche.  Je me reconnais Ă peine. Quelques rides de plus. Des cheveux plus gris aussi, il me semble. Mais ce sont surtout mes yeux rouges et ce teint cireux qui ne me disent rien de bon. Jâai lâimpression dâavoir pris dix ans en deux jours. Ma tignasse chĂątain, qui virait dĂ©jĂ au poivre et sel, est devenue franchement sombre⊠merci la crasse des conduits.  Mon regard fixe mon iris vert, et voilĂ que je dĂ©rive dans mes souvenirs. Il y a vingt-cinq ans.  Ma Famille mâavait fait engager dans les levĂ©es des RĂ©giments de Dagaz. Contrairement Ă mes frĂšres et soeurs - jâĂ©tais le dernier de quatre - et probablement parce que jâavais moins dâaffinitĂ© avec lâĂ©tiquette, les dĂźners pompeux et les salamalecs, mes gĂ©niteurs avaient insistĂ© pour que je sois affectĂ© au 8Ăšme RĂ©giment de Dagaz. Mes frĂšres et sĆurs, eux, Ă©taient tous dans le prestigieux 1er. Les "PrĂ©toriens", comme ils aiment Ă se faire appeler.  à lâĂ©poque, jâavais dix-huit ans, et honnĂȘtement, jâavais la tĂȘte ailleurs. LâarmĂ©e ? Les casernes dâOpalan ? Jâen avais rien Ă foutre. JâĂ©tais surtout occupĂ© Ă faire le con avec mes potes. Mes parents mâavaient pourtant prĂ©venu : continue comme ça, et on tâenrĂŽle plus tĂŽt que prĂ©vu. Ils nâont pas menti.  Mais me retrouver dans le 8Ăšme⊠SĂ©rieusement. Ce foutu rĂ©giment nâavait dĂ©jĂ pas une bonne rĂ©putation Ă lâĂ©poque. Et moi, je me suis retrouvĂ© dedans comme on tombe dans une fosse sceptique : sans prĂ©venir, et sans aucune envie dây rester. DĂ©jĂ , le nom⊠les âGardiens Sanglantsâ. Rien que ça, ça ne mâinspirait rien de bon. Un nom Ă la con, trop chargĂ©, trop dramatique. Tu sais tout de suite que ça sent la boue, le sang et les ordres suicidaires. Pas les fanfares ni les mĂ©dailles en velours.  Et puis, dans mon cercle de frĂ©quentations - les rejetons dorĂ©s des Familles Citoyennes - on entendait des choses. Pas officielles, bien sĂ»r, mais suffisantes pour se faire une idĂ©e. Le 8Ăšme, câĂ©tait lĂ quâon envoyait les âindĂ©sirablesâ. Ceux qui foutaient la honte, les tĂȘtes brĂ»lĂ©es, les rebelles, les abrutis ou tout simplement les gĂȘneurs.  Un rĂ©giment Ă la discipline de fer, connu pour ses engagements intenses, en premiĂšre ligne ou dans les pires bourbiers du secteur. IdĂ©al, donc, pour âsoulagerâ une Famille dâun souci tout en servant lâImperium avec zĂšle. Un tir doublement gagnant : honneur prĂ©servĂ©, et hĂ©ritiers gĂȘnants expĂ©diĂ©s loin, au service du TrĂŽne. On te balance dans le 8Ăšme comme on jette une pierre dans un marĂ©cage. Et si elle ne remonte jamais, câest que tout sâest bien passĂ©.  Vingt-cinq ans ont passĂ© depuis. Finalement, aprĂšs quelques bons coups de savate dans la gueule administrĂ©s par les instructeurs : façon douce de te faire entrer lâImperium dans le crĂąne; jâai fini par mâadapter. Et mĂȘme plus que ça : une fois dĂ©ployĂ©, je me suis senti comme un poisson dans lâeau. Jây ai trouvĂ© ma place. Quelques camarades du mĂȘme monde, issus du mĂȘme milieu que moi. Mais surtout, des frĂšres dâarmes qui partageaient ma vision Ă©picurienne de la vie : profiter tant quâon peut, rire un peu avant la prochaine rafale. Des mecs bien. Certains sont encore là ⊠dâautres, non.  Mon premier engagement me semble tellement loin. Et pourtant, quand je baisse les yeux vers mes manches, je suis toujours surpris dây voir mes chevrons de sergent. Qui aurait pariĂ© lĂ -dessus, hein ? MĂȘme pas deux boutons rouillĂ©s. Pas moi en tout cas et certainement pas ma Famille.  Quâest-ce que câĂ©tait, ça ? Jâsuis sĂ»r dâavoir entendu un bruit. Peut-ĂȘtre juste le grincement dâune conduite, lâĂ©cho lointain des combats⊠ou alors un de mes poursuivants ?  Sâil y a bien une chose que ce dĂ©ploiement mâa appris, câest quâici, rien nâest sĂ»r. Et que câest la merde partout.  VoilĂ six mois que le 8Ăšme est dĂ©ployĂ© sur Moloch-BĂąl. Une foutue planĂšte Ă citĂ©s-ruches. On nous avait vendu une mission de maintien de lâordre. Le gouverneur local, une sacrĂ©e enflure celui-lĂ , affirmait avoir "stabilisĂ© la situation" et demandait juste un petit coup de main pour reprendre quelques citĂ©s en rĂ©volte.  Mon cul, ouais. Ce que notre Ă©tat-major a dĂ©couvert en arrivant, câĂ©tait tout sauf une situation sous contrĂŽle.  à part quelques bastions impĂ©riaux, tout le reste de la planĂšte Ă©tait plongĂ© dans lâanarchie la plus totale. Une vraie foire Ă la baston. Des luttes de partout, des factions inconnues, des cultes tarĂ©s, des milices locales⊠mĂȘme une chatte nâaurait pas reconnu ses petits dans ce merdier. Y avait quâun seul point commun Ă tous ces enfoirĂ©s : flinguer tout ce qui portait une Aquila ou reprĂ©sentait un tant soit peu une autoritĂ©.  Ăa fait trois mois quâon tente de reprendre Gehenna Magna. Une putain de citĂ©-ruche, un labyrinthe monumental, en trois dimensions, Ă vous rendre fou. Impossible de tracer une vraie ligne de front dans ce foutoir. Un jour, un quartier est Ă nous. On croit lâavoir sĂ©curisĂ©, et paf : une bande dâenragĂ©s dĂ©boule par lâarriĂšre, surgis dâon ne sait quelle coursive, de quel conduit ou dâun foutu Ă©gout. Pendant ce temps, nous, on est dĂ©jĂ en train de se dĂ©ployer vers ce quâon pensait ĂȘtre le prochain objectif. RĂ©sultat : on Ă©change les positions comme des crĂ©tins, et faut tout recommencer depuis le dĂ©but.  Au moins, yâa un truc de simple dans ce merdier : tout ce qui ne porte pas une Aquila, tu le butes. Homme, femme, vieux, gosse⊠tous aussi tarĂ©s les uns que les autres. On dirait quâils ont tous un seul but : nous arracher la tĂȘte, mĂȘme Ă coups de dents sâil le faut. Je ne pourrais jamais oublier ce gosse, pas plus haut que trois pommes, qui a essayĂ© dâĂ©gorger Massias Ă coups de ses pauvres chicots. On a fini par le descendre, lui et toute la bande qui lâaccompagnait, mais notre bon Commissaire Mielke nâa pas voulu prendre de risque. Il a sorti son bolter et a collĂ© une bastos dans la tĂȘte de Massias. Froid. Net.  Massias⊠Pas le premier Ă crever sur cette foutue planĂšte. Jâen ai vu tomber, des frĂšres dâarmes, des vrais. Des vieux briscards qui avaient traversĂ© les pires zones de guerre Ă mes cĂŽtĂ©s. Massias. Ernst. Bilal. CaĂŻus. Stepan. Pavâ...  Je les revois encore. Leur rire autour dâun ragoĂ»t de ration cramĂ©e. Leurs gueules sales, leurs sarcasmes, leurs coups de coude dans les tranchĂ©es. Et maintenant, plus rien. Juste leurs noms qui rĂ©sonnent dans ma caboche. Jamais jâavais perdu autant de camarades en si peu de temps. Et surtout pas des vĂ©tĂ©rans. Autant jâĂ©tais presque rĂ©signĂ© Ă voir les nouvelles tĂȘtes tomber; Des gosses, la plupart, Ă peine sortis de leurs terres de conscription; Mais là ⊠LĂ , ce nâest plus une guerre. Câest un foutu abattoir.  On dirait quâon nous balance au front comme de la chair Ă canon. Sans vision dâensemble, sans coordination. Chaque jour, un nouveau plan foireux pondu par un commandement qui ne sait mĂȘme plus oĂč est le nord. Jâai lâimpression quâon avance les yeux bandĂ©s, comme des aveugles guidĂ©s par dâautres aveugles. Et pendant ce temps, mes frĂšres tombent un Ă un.  Et voilĂ . Je perds toute ma section dans une bĂȘte patrouille dâarriĂšre-garde. Que des bleus avec moi. Tous tombĂ©s comme des mouches, en une fraction de seconde. Rien vu venir. Sans cette foutue conduite et cette espĂšce de sixiĂšme sens qui mâa sauvĂ© la peau plus dâune fois⊠jây serais passĂ© avec eux.  Combien de fois jâai frĂŽlĂ© la mort ? Je ne les compte plus. Mais Ă chaque fois, un dĂ©tail, une intuition, une petite voix dans ma caboche me faisait bouger dâun millimĂštre. Juste ce quâil fallait. Suffisamment pour Ă©chapper au destin. Heureusement quâelle mâa chuchotĂ© de grimper dans ce conduit. Par contre, elle aurait pu me filer une carte du labyrinthe, tant quâĂ faire⊠ LĂ , si je pouvais Ă nouveau lâentendre, cette saloperie de voix intĂ©rieure⊠juste une fois. Juste pour savoir quel foutu couloir me sortira vivant de ce merdier.  Et ces cinq gars⊠On est tombĂ© sur un groupe ennemi. Des civils, Ă premiĂšre vue. Avant. Ils se sont jetĂ©s sur nous comme des pochtrons sur une bouteille dâAmasec. EnragĂ©s. La surprise, le nombre⊠en dix secondes, câĂ©tait pliĂ©. Heureusement quâils ont cette sale manie de collectionner les tĂȘtes. Sans ça, jâaurais eu toute la bande Ă mes trousses. Et je ne serais plus en train de parler Ă moi-mĂȘme dans un conduit crasseux, mais Ă pourrir sur un tas de cadavres.  VoilĂ un petit moment que je mâĂ©tais reposĂ© quelques minutes, le dos collĂ© Ă la paroi tiĂšde du conduit. Lâair y vibrait doucement, comme si quelque chose tournait non loin. CâĂ©tait presque apaisant, si on faisait abstraction de lâodeur de rance, de sueur et de moisissure qui suintait de chaque rivet. Je commençais Ă dodeliner de la tĂȘte quand Ă nouveau un bruit se fit entendre. Un cliquetis mĂ©tallique, trop rĂ©gulier, me fit relever la tĂȘte.  Un bruit de pas ?  Je me fige. Mon cĆur sâarrĂȘte une demi-seconde. Puis il repart comme un tambour de guerre.  Silence. Et puis, Ă nouveau : clic-clac... clic-clac... des pas hĂ©sitants sur le mĂ©tal. Un bipĂšde ? Humain ? Impossible Ă dire. Trop dâĂ©chos. Trop de doutes.  Je me recroqueville dans une anfractuositĂ© du conduit, je tente de contrĂŽler ma respiration. Mon fusil pointĂ© vers lâombre. Ă cette distance, si ce nâest pas un ami, je tirerai sans sommation. Mais si câĂ©tait un survivant ? Un gars du 8Ăšme ? Et sâil est blessĂ© ? Et si câĂ©tait un de ceux qui mâont traquĂ© il y a deux jours, revenu finir le boulot ? LâidĂ©e germe, pourrissante. Je me rends compte que je serre la poignĂ©e du fusil jusquâĂ mâen blanchir les jointures. Puis je vois une silhouette. Et lĂ , je dois choisir. Si jâattends, je perds lâinitiative. Si je tire⊠et que câest un frĂšre dâarme, jâaurai du sang innocent sur les mains. Mais sâil me repĂšre avant moi⊠Alors je bouge. Lentement. Un pas. Puis un autre. Mon Ă©paule glisse contre la cloison, mon fusil toujours levĂ©. Je laisse ma voix porter, rauque, sĂšche, craquelĂ©e par lâhumiditĂ© et la peur. -Halte ! Identifie-toi ! Nom et rĂ©giment ! Silence. La silhouette sâarrĂȘte. HĂ©site. Puis, dans un souffle rĂąpeux : - Câest moi⊠Toma⊠Sergent Toma LaziÄ⊠8Ăšme de Dagaz⊠une hĂ©sitation se ressent - Câest toi, Juda ?  Mon cĆur rate un battement. Toma. Bordel⊠Toma. PortĂ© disparu depuis six semaines dans le secteur Epsilon. On lâavait tous cru mort avec sa section. Je me souviens mĂȘme de la bouteille quâon avait vidĂ©e pour lui, ce soir-lĂ . Mais lĂ , devant moi, il tient Ă peine debout.  Je mâapproche prudemment. Il lĂšve les mains lentement. Pas dâarme visible. Son uniforme est en charpie, il pue la sueur et le sang. Ses yeux⊠yâa quelque chose dedans. Pas juste la fatigue. Quelque chose dâautre. De fiĂ©vreux. De brĂ»lant.  â Ils mâont encerclĂ©. Je croyais que câĂ©tait la fin⊠Mais Il mâa sauvĂ©, Juda. Il est venu. â Qui ça, âilâ ? â LâEmpereur.   ModifiĂ© le 17 avril par Swissknife Citer Lien vers le commentaire Partager sur dâautres sites More sharing options...
Swissknife PostĂ©(e) le 22 avril Auteur Partager PostĂ©(e) le 22 avril +++ CHAPITRE II +++ LâEMPEREUR  Je regarde Toma, interloquĂ©. Sans mĂȘme mâen rendre compte, jâabaisse mon fusil-laser. Sa rĂ©ponse me laisse pantois. â Toma⊠quâest-ce que tu entends par lâEmpereur ? Je vois bien Ă son regard que ma question le choque, comme si jâavais blasphĂ©mĂ©. â LâEmpereur, Juda. Il nây en a quâun, tu le sais bien. â Oui⊠bien sĂ»r. LâEmpereur est sur Terra, Il veille sur nous tous. Mais⊠comment dire... Comment dire sans Ă©craser une Foi naissante ? Toma nâavait jamais Ă©tĂ© du genre trĂšs pieux. Pas plus que moi. Et lĂ , il me balance ça, comme une Ă©vidence. Comment lui expliquer que jâai du mal Ă croire que le MaĂźtre de lâHumanitĂ© fasse un dĂ©tour pour sauver son cul ? â Franchement, Toma⊠jâvois mal lâEmpereur bouger Ses Saintes Fesses juste pour toi. Câest quand la derniĂšre fois que tâas dormi ? Ou bu ? Un mĂ©lange de colĂšre et de frustration passe sur son visage fatiguĂ©. Avant quâil nâouvre la bouche, je baisse mon arme. Jâesquisse un geste de la main. â Allez, viens. Pose-toi. Tâas faim ? Jâai une infĂąme barre agroĂ©nergĂ©tique. Sans attendre sa rĂ©ponse, je lui tends la barre. Il lâattrape et lâouvre Ă la hĂąte, avant de sâasseoir lourdement. Il la dĂ©vore comme un rat de soute affamĂ©, sans me prĂȘter plus dâattention. Je lâobserve.  Disparu depuis six semaines. On le pensait mort. Aucune trace, aucun corps retrouvĂ©, ni lui, ni sa section. Juste des morceaux dâĂ©quipement, quelques lambeaux dâuniforme, et une rumeur : une patrouille aurait trouvĂ© un tas de cadavres ennemis, mais aucun des nĂŽtres. LâĂtat-Major avait vite classĂ© lâaffaire. âLes corps ont dĂ» ĂȘtre emportĂ©s par des hĂ©rĂ©tiquesâ, quâils ont dit. Pas plus dâenquĂȘte. Pas plus de questions. Foutaises. Le visage de Toma, dĂ©jĂ maigre au naturel, est devenu un masque Ă©maciĂ©. Les traits tirĂ©s, les yeux cernĂ©s. Ses rares cheveux sont en bataille. Son uniforme⊠à peine reconnaissable. Juste le plastron qui tient encore, couvert de sang sĂ©chĂ©. Il finit sa barre, puis me regarde. Et dans ce regard⊠il y a quelque chose. Pas seulement de la fatigue. Pas seulement le traumatisme. Une ferveur. Une intensitĂ©. Une chaleur presque⊠dĂ©rangeante. Pas le genre de regard que jâai envie de croiser dans le noir.  â Merci, Juda. Par le TrĂŽne⊠je suis heureux de tâavoir trouvĂ©. Jâen pouvais plus. Câest Lui qui tâa mis sur ma route. Il mâa guidĂ© dans ce labyrinthe. â Quoi ? Qui tâa guidĂ© ? â Bah⊠Lui. LâEmpereur. Quâil nous protĂšge. Il tire sur la manche de son uniforme et me montre son poignet. Un bracelet grossier, en corde tressĂ©e. FichĂ© dessus, un petit caillou, pas plus gros quâun gravier, taillĂ© Ă la va-vite. â Jâai trouvĂ© cette pierre quelques jours avant la mission. Juste aprĂšs notre cĂ©rĂ©monie. Elle mâa attirĂ© lâĆil. Regarde bien. Il dĂ©fait le bracelet et me le tend. Je prends lâobjet, le pose dans ma paume. La pierre tournĂ©e vers le haut. â Il y a une Aquila gravĂ©e dessus. Quand jâai ramassĂ© la pierre, jâavais toujours ma coupure rituelle Ă la main. Le sang a rempli les creux. Câest comme ça que je lâai vue. Je plisse les yeux. Jâessaie de distinguer quelque chose. Effectivement, il y a une gravure. Remplie de sang sĂ©chĂ©. Mais de lĂ Ă dire que câest une Aquila⊠on dirait plus un gribouillis quâautre chose. Ăa pourrait ĂȘtre nâimporte quoi. Je lui rends son gris-gris sans un mot. Sâil en tire de la force, tant mieux. Mais Ă deux, avec une rĂ©serve dâeau qui fond comme neige au soleil, va falloir quâon reste lucides. Et la luciditĂ© de Toma⊠me semble pas au top. Il remet son bracelet dâun geste nerveux, les yeux fixĂ©s sur la pierre. â Tu sais, Juda⊠je te raconte pas des conneries. Il lĂšve les yeux vers moi, cherche une accroche. â Câest lâEmpereur qui mâa sauvĂ©. Je vois bien ce que tu penses, que je dĂ©raille. Il marque une pause. Sa voix tremble Ă peine. â Je penserais pareil Ă ta place. Et mĂȘme moi⊠parfois, je me demande si jâai pas hallucinĂ© tout ça. Si jâai pas perdu la boule. Il serre les poings. â Mais je suis vivant. Et je devrais pas lâĂȘtre. Il tourne lentement la tĂȘte vers moi, le regard chargĂ© de souvenirs. â Pendant la mission de reco, lâauspex sâest mis Ă dĂ©conner. Et tu sais comment les vox peuvent devenir foireux, surtout Ă certains niveaux. Je me suis paumĂ©. Comme un foutu bleubite. Jâai emmenĂ© ma section au mauvais endroit. Il respire lentement, son ton devient plus grave.  On a dĂ©clenchĂ© un piĂšge dans un couloir. Par mĂ©garde. Une alarme. Câest Sven qui ouvrait la marche, il a pas vu le fil. Une putain de pique est tombĂ©e du plafond. Elle lâa empalĂ© net. TraversĂ© comme un sac dâos. Il ferme les yeux une seconde. â JâĂ©tais juste derriĂšre. Je lâai vu gigoter sur cette tige, les pieds ballants Ă quelques centimĂštres du sol. JâĂ©tais tĂ©tanisĂ©. Sa voix devient plus sĂšche. â Câest Rekâ qui mâa rĂ©veillĂ©. Il a hurlĂ© que le gyrophare sâĂ©tait dĂ©clenchĂ©. On avait foutu en branle tout un nid. Le temps que je donne lâordre de recul, câĂ©tait dĂ©jĂ trop tard. Ils ont attaquĂ© NĂšve, en queue de file. Elle a Ă peine eu le temps dâalerter les autres. Trois de ces tarĂ©s lui sont tombĂ©s dessus. Lâont plaquĂ©e. ĂgorgĂ©e sur place. Il serre la mĂąchoire. â On Ă©tait coincĂ©s dans ce putain de couloir. Pas la place de manĆuvrer, pas de couverture. On se gĂȘnait pour tirer. Eux ? Ils en avaient rien Ă foutre. Ils marchaient sur leurs propres morts, tiraient Ă travers leurs gars. Des fous furieux. Il marque un temps. Je pouvais pas avancer. Impossible de dĂ©crocher Sven du pic. On a vite balancĂ© les fusils-laser, trop longs, trop encombrants. On a sorti les baĂŻonnettes.  Il baisse la voix, presque pour lui-mĂȘme. â JâĂ©tais dos Ă dos avec Rekâ. On se couvrait. Jâai plantĂ©, encore et encore. Jâai pas comptĂ© combien jâen ai tuĂ©. Mon bras me brĂ»lait, mais jâai continuĂ©. CâĂ©tait pas du courage, câĂ©tait juste lâinstinct. La rage de pas crever lĂ . Je sentais Ă peine les entailles sur mes bras. Et puis⊠Il lĂšve la main vers sa cuisse. â Un coup mâa taillĂ© dans la jambe. Jâai perdu lâappui. Jâai glissĂ©. Jâai vu Rekâ tomber Ă cĂŽtĂ©. Ils lâont submergĂ©. Je te jure, Juda⊠ils le mangeaient vivant. Comme des bĂȘtes. Un silence lourd sâinstalle. Puis : â Et câest lĂ que câest arrivĂ©. LĂ , Ă cet instant. Quand jâĂ©tais au sol. Quand jâallais mourir, dĂ©vorĂ© comme un chien par ces hĂ©rĂ©tiques⊠que câest arrivĂ©.  Son regard sâĂ©gare, fixe un point que je ne peux pas voir. â Il⊠IL est venu Ă moi. Sa voix nâest plus quâun souffle. â Jâai senti quelque chose⊠Une force. Comme une marĂ©e qui mâa traversĂ©, brĂ»lante et implacable. Une fureur que je nâavais jamais connue. Plus rien nâavait dâimportance. Plus la douleur. Plus la peur. Rien. Il pose une main sur sa poitrine, lentement. â Un voile Ă©carlate sâest posĂ© devant mes yeux. Comme une flamme qui aurait envahi tout mon champ de vision. Et puis⊠câest devenu flou. Jâai vu mes bras bouger, mes mains frapper. Mais câĂ©tait pas moi. JâĂ©tais lĂ , mais comme spectateur. Prisonnier dans mon propre corps.  Il ferme les yeux, revoit la scĂšne. â Je pourrais pas te dire ce que jâai fait. Les gestes. Les cris. Tout allait trop vite. Mais je les ai massacrĂ©s. Tous. Sa voix se durcit. â Le feu dans mes yeux. Le sang sur mes mains. Tout Ă©tait rouge. Il reste silencieux un instant. Puis : â Et soudain⊠jâĂ©tais debout. EssoufflĂ©. Mais vivant. Dans ce couloir devenu silencieux. Il nây avait plus rien. Juste moi, seul. Les autres⊠morts. Ou fuis. Il tourne la tĂȘte vers moi, et sa voix prend une intensitĂ© Ă©trange, presque fanatique : â Et lĂ , dans cette brume flamboyante qui flottait encore devant mes yeux⊠il y avait une silhouette. Il laisse un silence planer. â Je sais pas si câĂ©tait une vision. Un rĂȘve. Ou plus. Une armure⊠une silhouette Ă©clatante dans un halo flamboyant, illuminant tout. Une lumiĂšre rouge comme le sang. Rouge comme le feu. Elle me regardait. Pas avec des yeux⊠non. Mais je sentais son regard. Il touche sa tempe, doucement. â Et jâai entendu sa voix. Pas avec mes oreilles. Mais dans ma tĂȘte. Claire. Lourde. Comme un Ă©cho. Il me fixe. Sa voix mâa dit : â Je tâai vu dans les tĂ©nĂšbres, et tu as tenu. Porte ma lumiĂšre, et nul abĂźme ne tâengloutira. Il se tait. Le silence qui suit est lourd, presque pesant.  Je le regarde sans trop savoir quoi penser de ce rĂ©cit. Il a lâair sincĂšre, vraiment. Il croit Ă son histoire, Ă fond. Peut-ĂȘtre que câest simplement un sursaut dâadrĂ©naline, un accĂšs de rage pour survivre, une de ces rĂ©actions primaires face Ă la mort⊠Je lâai jamais vu toucher aux Stimms, mais ça veut pas dire quâil nâen prend pas. Ou alors⊠câest juste un foutu psychopathe. Peut-ĂȘtre quâil a vrillĂ©, comme tous les autres tarĂ©s de cette planĂšte. Et si je le ramĂšne avec moi ? Quâest-ce qui me dit quâil va pas pĂ©ter un cĂąble et me coller une balle dans le dos ? Ou pire : contaminer les autres avec ses dĂ©lires ?  Il continue de me fixer, attendant une rĂ©action, mais bordel, Toma⊠quâest-ce que tu veux que je fasse de ton dĂ©lire mystique ?  En mĂȘme temps⊠il erre seul dans ce labyrinthe depuis combien de temps ? CoincĂ© dans ce trou, avec les cris de ses camarades morts qui lui tournent dans la tĂȘte ? Jâai vu des gars devenir apathiques aprĂšs un choc, dâautres devenir incontrĂŽlables. Ils appellent ça du stress post-traumatique. Et franchement, ça collerait. Rien dâĂ©tonnant.  Je me sens pas mieux, dâailleurs. Moi aussi, je suis tendu comme un arc. Chaque bruit me fait sursauter. Jâai la main qui tremble encore autour de mon fusil. Alors qui suis-je pour juger ? - Allez Toma, maintenant on est deux. Lâun pour lâautre. On va sortir de ce foutu labyrinthe et retrouver les autres. Jâimagine dĂ©jĂ leurs tronches quand ils vont nous revoir. Je parie quâils ont dĂ©jĂ vidĂ© nos cantines et descendu une bouteille dâAmasec Ă notre mĂ©moire. Câest ce quâon a fait pour lui, aprĂšs tout. Je suis sĂ»r quâils font pareil pour moi en ce moment. Toma se dĂ©tend un peu. Il sourit : le premier depuis quâon sâest retrouvĂ©s. â Tâas raison, Juda. Sortons dâici. Et on se fera payer les verres dâAmasec quâils ont sifflĂ©s Ă notre santĂ©. â Bien dit. Tâas une idĂ©e de la direction ? Je dĂ©signe lâembranchement devant nous. Toma fixe les trois conduits, le visage concentrĂ©. â Non. Aucune idĂ©e. Et pour ĂȘtre honnĂȘte, je ne sais mĂȘme plus comment je suis arrivĂ© lĂ . Câest le brouillard dans ma tĂȘte. Je le regarde. Ouais⊠je vais pas pouvoir trop compter sur son sens de lâorientation. Il est encore Ă cĂŽtĂ© de ses pompes. Je reporte mon attention sur les trois options devant nous. Tout droit. En bas. Ă gauche.  Le conduit Ă gauche me donne une bonne impression, il mâattire. Une intuition. Pas vraiment rationnelle, mais... mieux que rien. Le tunnel descendant, par contre, il ne me plaĂźt pas. Trop de lumiĂšre, trop de bruit, et un souffle dâair rĂ©gulier. Ăa sent le puits de ventilation. Le genre Ă finir en steak tartare dans un ventilo gĂ©ant.  Quoique⊠sâil y a un gros ventilo, yâa peut-ĂȘtre un accĂšs technique. Et donc, une sortie.  Mais non. Ce conduit Ă gauche⊠il mâappelle, presque. â On prend celui de gauche. Je sursaute presque en entendant ma propre voix. Comme si jâavais parlĂ© sans y penser.  Je passe en premier. Il me faut faire un sacrĂ© grand Ă©cart pour atteindre lâouverture du conduit gauche, mais je parviens Ă mây cramponner. Quelques contorsions plus tard, je me hisse jusquâĂ lâentrĂ©e. Je me retourne pour aider Toma. Il est loin dâĂȘtre aussi en forme que moi⊠et surtout, il est plus petit. Je le vois hĂ©siter. Je tends le bras. Il agrippe du bout des doigts et se lance. Il manque de glisser dans le vide, mais son Ă©lan suffit Ă le faire atterrir tant bien que mal sur moi. On ne dit rien. On se redresse. Et on avance, en silence.  Ce conduit nâa rien de diffĂ©rent de ceux que jâai dĂ©jĂ parcourus. Si ce nâest que le courant dâair y est un peu plus prĂ©sent. Ăa fait du bien. Ăa attĂ©nue, un peu, cette sensation de soif constante. Toma me suit sans un mot. On Ă©vite tous deux de faire du bruit. Ici, tout rĂ©sonne. Le moindre son peut porter loin. On nâentend plus que nos pas lents, traĂźnants, usĂ©s. Les lumiglobes, espacĂ©s de maniĂšre irrĂ©guliĂšre, jettent une lumiĂšre pĂąle et vacillante sur les parois. La pĂ©nombre reste omniprĂ©sente.  La hauteur du conduit ne me permet toujours pas de marcher debout. Toujours Ă moitiĂ© courbĂ©. Toma est un peu moins voĂ»tĂ© que moi, mais lui aussi doit se plier. Je le surveille Ă la dĂ©robĂ©e, cherchant un signe de changement dans son expression ou son attitude. Rien. Il reste impassible.  Le conduit amorce une lĂ©gĂšre courbe vers la droite. Une lumiĂšre plus vive, blanche, commence Ă filtrer. Un espoir ? Une sortie ? Ou juste un cul-de-sac baignĂ© dans la lumiĂšre crue dâune machinerie ? Je nâose pas encore y croire. â Tâas vu, Juda ? La lumiĂšre ! Câest la sortie ! Toma, lui, a besoin dây croire. Il y croit. Et je veux y croire aussi. Le virage devient franc, presque Ă angle droit. Câest de lĂ que vient la clartĂ©. Jâavance prudemment. Je suis aussitĂŽt Ă©bloui, contraint de cligner des yeux. Il me faut quelques instants pour mâacclimater Ă cette lumiĂšre soudaine. Je reste immobile, attendant que ma vision revienne. Peu Ă peu, je distingue les contours. Le conduit dĂ©bouche sur une grille. DerriĂšre, un sol dâacier bien Ă©clairĂ©. Une piĂšce technique, baignĂ©e de lumiĂšre. Partout autour, dâautres conduits. Des marquages sur les murs. Ăa sent enfin la sortie. Une vraie. Juste cette grille Ă dĂ©gager.  Je mâallonge et balance un violent coup de pied dans la grille. Elle cĂšde dans un vacarme mĂ©tallique, dĂ©gringole et vient sâĂ©craser au sol dans un fracas assourdissant. Je me glisse immĂ©diatement hors du conduit et me mets en position, aux aguets. Toma me rejoint sans tarder.  Rien ne bouge. Personne nâa lâair dâavoir entendu. Tant mieux⊠Ou pas. Lâabsence de prĂ©sence nâest pas forcĂ©ment une bonne nouvelle non plus. â Toma, pendant que je couvre la piĂšce, regarde les marquages. On peut savoir oĂč on a atterri ? Toma sâapproche dâun des murs et scrute les inscriptions. Il passe la main sur les marquages, presque machinalement, comme sâil cherchait Ă faire resurgir un souvenir noyĂ© dans la brume. â Section⊠VM-14. Salle de ventilation secondaire⊠marmonne-t-il. On est dans un secteur technique dâextraction dâair. Probablement Ă la pĂ©riphĂ©rie dâun niveau de bloc-hab ou dâun manufactorum. Je mâavance, plus par rĂ©flexe que par intĂ©rĂȘt. Les mots glissent sur mon esprit embrumĂ© comme la pluie sur une armure de carapace. Mais la lumiĂšre, lâespace, lâair un peu moins vicié⊠Tout ça me donne lâimpression dâavoir enfin mis un pied dehors. â Yâa un accĂšs lĂ -bas, dit Toma en dĂ©signant une porte de service, scellĂ©e par un simple verrou mĂ©canique. On peut tenter notre chance. Jâacquiesce dâun signe de tĂȘte. Il sâen occupe pendant que je reste en alerte, les sens tendus. Le mĂ©canisme grince, Ă©met un cliquetis mĂ©tallique qui rĂ©sonne dans toute la piĂšce. Je retiens ma respiration. Silence.  Puis des bruits de pas.  Je tends le bras et plaque Toma contre le mur. Il me regarde, inquiet, mais reste figĂ©. On attend. Le bruit se rapproche. RĂ©gulier. MĂ©thodique. Des bottes. Pas de cris, pas de cliquetis de chaĂźnes ou de pas prĂ©cipitĂ©s. Ăa sent la discipline⊠ImpĂ©riale. Du moins, je lâespĂšre. Une silhouette passe dans l'encadrement de la porte. Elle avance dans la lumiĂšre, arme levĂ©e. Uniforme poussiĂ©reux, casque cabossĂ©, Ă©pauliĂšre marquĂ©e du 8á” Dagaz. Un second soldat le suit, puis un troisiĂšme. Une patrouille. â HĂ© ! je lance Ă mi-voix, assez fort pour ĂȘtre entendu. HĂ©, ici ! Les fusils se braquent aussitĂŽt. â Identification ! crie le premier. Ă genoux, mains en lâair ! Je lĂšve lentement les bras. â Sergent Juda Drell, 3á” escouade, 8á” de Dagaz. Jâai avec moi le sergent Toma Lazic. On est vivants.  Le soldat reste figĂ© une seconde. Les autres Ă©changent un regard. Finalement, le premier baisse lĂ©gĂšrement son arme. â Bordel⊠Drell ? Câest pas possible⊠Le lieutenant vous a dĂ©clarĂ©s mort. On a vidĂ© votre cantine, mĂȘme. Et on a bu une bouteille dâAmasec Ă votre mĂ©moire. Je hoche la tĂȘte, lentement. Mon regard glisse vers Toma. Il baisse les yeux. â Ouais. On est vivants. Ramenez-nous. On doit rejoindre le rĂ©giment. Le chef de patrouille fait signe Ă ses hommes. â On vous escorte. Mais on passe dâabord par le point de vĂ©rification. Ordres du Commissaire. Rien ne sort de la Ruche sans passer par ses hommes et lui. Je me crispe. Ăvidemment. Mielke. Je repense Ă Massias. Je me mets en mouvement, le pas plus ferme, Toma dans mon sillage. Les soldats nous encadrent. Lâun dâeux, Ă voix basse, souffle dans ma direction : â Vous tombez bien⊠Câest la merde, dehors. Le commandement perd pied. On parle dâune offensive massive. Le GĂ©nĂ©ral Kane est sur les nerfs, et Mielke a la gĂąchette facile. Ăa commence Ă ĂȘtre tendu entre les deux, plus que usuellement. Vous voyez le tableau.  Je serre les dents. Toma reste silencieux. Nous avons quittĂ© notre bourbier de labyrinthe⊠mais peut-ĂȘtre juste pour plonger dans un merdier plus grand encore. Citer Lien vers le commentaire Partager sur dâautres sites More sharing options...
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