Aller au contenu
Warhammer Forum

Wilheim Von Carstein

Membres
  • Compteur de contenus

    715
  • Inscription

  • Dernière visite

Messages posté(e)s par Wilheim Von Carstein

  1. Salut à tous,

    comme personne ne semble vouloir réagir sur la version corrigée du passage précédent, voila une petite suite qui, je l'espère, vous plaira plus.

    Bonne lecture.

    Ils n’allèrent pas beaucoup plus loin cette nuit-là. L’aube vint promptement forcer les vampires à une retraite sous les épaisses frondaisons de la forêt, comme pour conjurer les évènements, jeter un voile sur la mort du saint homme qu’était le prêtre. Cela avait-il la moindre importance ? Ce fou avait marché vers son destin de sa propre initiative, il avait accepté les conséquences de son acte au moment même où il avait envoyé ses hommes à l’attaque. Joshua ne parvenait pas à comprendre cela. Même s’il n’éprouvait aucune pitié pour lui, il n’arrivait pas à percer le mystère des motivations du prêtre. Se pouvait-il qu’il se soit lancé dans ce combat perdu d’avance simplement pour un serment prêté à un dieu invisible ? Simplement au nom de ce pendentif que lui, son meurtrier, tenait à présent entre ses doigts ? Ils n’étaient pas si différents, tout compte fait. Et si lui venait à tomber, comme l’avait fait Jean autrefois, son bourreau aurait-il les mêmes pensées ? S’étonnerait-il des motivations de ce vampire qui était mort pour trouver un jardin légendaire, que des siècles de recherche n’avaient pas pu mettre à jour ?

    Il chassa ces pensées de son esprit. Elles n’y avaient pas leur place. Il avait été désigné pour prendre le premier tour de garde tandis que les autres sommeillaient dans les cercueils accrochés sur le toit du carrosse. Le pendentif semblait irradier une douce chaleur dans la paume de sa main. C’était un bijou assez grossier, de la taille d’une couronne d’or, dont le fin feuilletage d’or avait été détérioré par endroits, laissant apparaître un métal aux reflets de lune qui devait être de l’acier. Il semblait étonnamment lourd au vu de sa taille. Au centre de la petite sphère dorée de la comète avait été sculpté un marteau et il semblait que c’était de lui qu’irradiaient les flammes. Cette vue lui rappela le flamboiement de l’arme du prêtre. Il lui parut difficile de détacher son regard du pendentif et lorsqu’il parvint finalement à se décider à le passer autour de son cou, il fut étonné de rencontrer une résistance intangible, un mur impalpable et élastique, comme la toile d’une araignée. Le talisman s’échauffa dans sa main et une légère aura blanche se dessina sur son contour. Baissant le regard, il remarqua que sa rose d’or s’était mise à irradier une lumière violacée, elle semblait flamboyer de vent améthyste pur. L’air vibrait comme au dessus d’une flamme entre les deux talismans tandis que la magie blanche de Sigmar et l’aura maléfique de la rose entamaient leur duel.

    De fins arcs électriques se mirent à déchirer l’air dans de petits claquements secs et un souffle d’air glacé se leva lorsque Joshua rapprocha encore un peu les deux talismans. Les auras s’intensifièrent et, tandis que la chaleur du talisman du prêtre commençait à lui brûler la main, une fine pellicule de glace commençait à se former sur sa chemise autour de la rose d’or. Un léger sifflement aigu s’éleva crescendo tandis que les fumerolles intangibles violacées qui s’échappaient de la rose prenaient la forme de visages décharnés poussant des cris silencieux et que le talisman de Sigmar brûlait désormais comme un soleil blanc. Un éclair violacé s’échappa soudain de la rose et vint frapper le sol non loin de Joshua. Il sembla se soulever quelques secondes plus tard et une main squelettique en creva la surface, suivie d’un crâne nu dont les orbites vides flamboyaient d’un feu aux reflets d’améthyste. Des éclairs, de plus en plus nombreux, frappaient le sol autour de Joshua et de plus en plus de morts sortaient de leur sépulture boueuse, certains portant encore des vestiges d’armures, d’autre n’ayant rien d’humain. Il y avait là des hommes, des gobelins et même quelques Skavens. Ils se levaient, la boue dégoulinait le long de leurs os rongés, des blocs de terre grouillants de vers blanchâtres se détachaient de leur cage thoracique vide et tombaient au sol dans un bruit écœurant.

    Puis il y eut une explosion silencieuse. Une onde de choc jaillit du talisman sigmarite en un anneau immatériel de flammes blanches. Elle ne fit pas frémir les branches des arbres, ne creusa pas de cratère, ne fit pas voler de mottes de terre. Seuls les cadavres squelettiques tombèrent en poussière, vaporisés instantanément par la puissance de la lumière. Joshua s’effondra à genoux tandis que les cottes de mailles rouillées, les armes ébréchées et les mottes de terre boueuses tombaient dans la boue, leurs porteurs volatilisés. Ses doigts se desserrèrent, laissant choir le talisman dans la boue. Il porta sa main gauche à son bras droit, horriblement brûlé. Ses doigts d’un blanc de nacre se crispèrent sur la peau noircie de son bras sur lequel couraient encore des flammèches blanches. Il ressentit quelque chose qui lui avait été inconnu depuis un certain temps : la douleur. Une douleur qu’il n’avait jamais ressentie, même lorsque la lame de Luther creusait des sillons dans sa chair pendant l’entraînement, même la fois où, voulant aider Helena dans une de ses expériences, il avait provoqué une énorme explosion qui les avait tous deux projetés violemment contre les froids murs de pierre. Il psalmodia difficilement une incantation impie et une fumerolle violacée s’éleva du sol, s’enroulant autour de son bras comme un serpent éthéré, étouffant les dernières étincelles blanches sur sa peau et l’enveloppant d’un froid spectral réconfortant.

    Il se releva quelques instants plus tard, son bras ayant repris son apparence

    d’antan : d’un blanc laiteux, lisse et parfait. Seule sa main portait encore une trace de sa douloureuse expérience : dans la chair de sa paume, comme tracée à l’encre, aussi noire que la nuit, se dessinait clairement la comète à deux queues. Il décida de taire cet incident aux autres. Il n’osait pas imaginer ce qu’ils pourraient penser de son attrait pour cette breloque sigmarite. Il récupéra cependant le talisman avec beaucoup de précautions, ne se décidant à le saisir qu’après s’être bien assuré qu’il n’était plus chaud avant de le glisser dans sa poche. Le reste de son tour de garde se passa sans encombres mais il ne put s’empêcher de penser que c’était bien une moue de déplaisir qu’il avait fugitivement perçue sur le visage de Manndred lorsque celui-ci était venu le remplacer. Se pouvait-il qu’il ressente une invisible aura irradiée par le talisman ou par l’explosion blanche ? Joshua se promit de rester sur ses gardes tandis qu’il refermait le couvercle du cercueil sur lui.

    A+

  2. salut à tous, et merci de votre attention, commentaires pertinents et encouragements nombreux, surtout à Imperator dont le sacrifice est plus héroïque que celui du plus vaillant des paladins (si, si, c'est vrai)

    Bon, rien de neuf pour l'instant, cependant, j'ai apporté certaines corrections, principalement au dernier passage, à la lumière de vos commentaires. N'hésitez pas à le redire si ça ne va toujours pas :blink:

    S'il est vrai que les évènements peuvent sembler un peu "parachutés", c'est parce que, l'idée que je me fais du monde de Warhammer est celle d'un endroit dangereux, aussi bien pour les "gentils" (qui peuvent tomber sur des bandes de brigands, de gobs ou d'homme-bêtes en maraude, ... ) que pour les "méchants" qui peuvent tomber sur le même genre de saletés mais qui, en plus, doivent se farcir les flagellants et les groupes de braves gars qui ont décidé d'aller purger tel ou tel coin paumé pour s'assurer le salut de leur âme (quoique, dans ce cas, la Sylvanie n'est peu être pas le meilleur endroit...)

    Même dans le LA CV (introduction des von Carstein), il est fait mention d'une expédition de ce type. Dans ce cas, c'est plus un "coup du destin" (ou alors Tzeench était de mauvaise humeur cette nuit là :D ) qui fait que les vampires croisent le chemin du prêtre et de ses larbins.

    C'est peut être un peu gros mais c'est tellement habituel (après tout, il y a bien des Hobbits qui trouvent des Anneaux Uniques en pêchant à la ligne :P )

    Donc voila, "j'sais c'est pô bien mais tout le monde il le fait d'abord" :blink::D

    En ce qui concerne le dernier commentaire, tiré du texte d'Inxi, je suis tout à fait d'accord. Je suis conscient de tomber souvent dans des clichés mais bon, on fait avec ce qu'on a... :blink:

    A+

  3. J'hésite quand même quand à la nature du guerrier. Le fait qu'il semble vouloir donner le baiser de sang à l'elfe (je suppose que c'est un elfe, du moins) en ferait un vampire mais les vampires ne font généralement pas de prisonniers.

    Oups, autant pour moi, après une relecture plus attentive du texte, je me suis rendu compte que le guerrier ne s'écorchait pas la main sur sa dague, contrairement à ce qu'il m'avait semblé au départ. Désolé donc.

    Oups, croyais que c'était en argent !

    Hem... en fait c'est une rose d'or et d'argent :blink::blink:

    Cette deuxième lecture, plus attentive, m'a d'ailleurs fait remarquer quelques petites choses :

    les pointes et pics qui la parcourait

    je verrais plutôt "les pointes et les pics qui la composaient" pour éviter une répétition avec le "courait" précédent.

    venant formé

    venant former

    il laissa chuter le corps lourdement

    bon, je pinaille mais je pense quand même que "il laissa lourdement chuter le corps" sonnerait mieux :D

    uni tous deux dans le métal de leurs armures

    "uniS tous deux dans le métal de leur armure" : ils sont deux à être unis mais n'ont à priori qu'une seule armure chacun.

    Bon, ça reste quand même du détail mais la perfection est à portée de main, autant la saisir :blink:

    A+

  4. Ourgh!! désolé pour le retard, j'ai eu plein d'em***, vous pouvez pas savoir, avec tous ces problèmes de circulation, et les gens qui sont super énerv...

    Bon, d'accord, j'avoue, ça fait un bout de temps que j'ai un peu lâché. Mais...

    voila une petite suite pour vous tenir en haleine (même si vous avez sûrement eu le temps de reprendre votre souffle depuis la dernière fois :D )

    Bonne lecture.

    Chapitre 3 : la Quête

    Puis, une nuit comme les autres, à la lueur vacillante des bougies qui éclairaient la longue salle de banquet, Marcus leur annonça qu’il était temps qu’ils se mettent en route. Le silence sembla stagner autour de la table tandis que les vampires acquiesçaient d’un calme hochement de tête. Enfin ils y étaient, ce pourquoi l’Ordre avait été formé, le Dessein. La quête allait les tirer d’une existence que trop morne et lassante. Ce fut Manndred qui prit la parole et qui posa la question qui leur brûlait tous les lèvres :

    «- Dans quelle direction dirigerons-nous nos pas, maître ?

    -Les notes du sorcier du chaos n’étaient pas très claires, il semble que ce pauvre fou ne se soit jamais intéressé à autre chose que satisfaire ses dieux barbares. Cependant, un de ses parchemins crasseux mentionnait un fait intéressant. Il semblerait que, durant la guerre de la Barbe, les Nains se soient emparés d’un codex elfique recelant des informations qu’ils ont collectées lors de leurs voyages à l’aube des temps et qui pourrait renfermer des indices sur la localisation du Jardin d’Or. Vu la manie que ces avortons barbus ont de garder tout et n’importe quoi, il y a de fortes chances pour qu’il soit encore quelque part dans une de leurs caves miteuses.

    -Hum… le problème, c’est que si nous ne savons pas où il est, l’éternité ne sera pas assez longue pour que nous puissions mettre la main dessus. » Le sourire espiègle de Luther était réapparu sur son visage lorsqu’il avait lancé sa boutade. Et même Marcus semblait amusé par la chose.

    « -Ne t’inquiète pas, jeune impatient, s’il est vrai que le chercher nous-mêmes prendrait un temps précieux, il y a une autre voie, plus courte pour le localiser. » Il savoura un bref instant le spectacle des neuf vampires, suspendus à ses lèvres. « Il nous suffira de demander à un maître des runes suffisamment vieux et érudit. Ils semblent attacher une grande importance au souvenir de ce qu’ont fait leurs ancêtres, et même si le codex en lui-même n’a sûrement aucune valeur à leurs yeux, le fait qu’ils l’aient volé aux elfes sera un motif suffisant pour qu’il n’ait pas été oublié. Bien, la route est longue, mieux vaut partir sans plus tarder. »

    Et cette nuit, le destin se mit en route en même temps que le carrosse noir, tiré par six chevaux silencieux. Laissant quelques serviteurs inlassables pour garder le manoir, ils franchirent les grilles du jardin, Marcus et les vampiresses confortablement installés dans l’habitacle luxueux du coche, Hector et Manndred maintenant leurs destriers squelettiques à hauteur des portes tandis que Joshua, Elric et Luther allaient en avant pour s’assurer qu’aucune bande d’hommes bêtes ne serait assez avinée pour troubler le voyage. Ils se dirigèrent vers l’Est et les contreforts des montagnes du Bord du Monde qui se dessinaient parfois entre les branches sombres et dénudées des arbres, au milieu desquels la route serpentait. Les trois premières nuits de voyage se passèrent sans encombre, les hommes bêtes ayant apparemment retenu la leçon des mises en scène macabres que les vampires prenaient soin de réaliser après chacun de leurs pathétiques raids.

    Cependant, la quatrième nuit, alors qu’il approchait des frontières de la Sylvanie, le cortège fit une curieuse rencontre. Au bord de la route s’étendait un marécage fangeux, parsemé de joncs et de roseaux flétris et blafards, et duquel émergeait, à une dizaine de mètres du talus, un grand arbre mort aux branches noueuses, au tronc déchiré et pourri, rongé par des lianes de lierre grimpant, rachitiques et blanchâtres, comme les doigts fins d’une main étrangleuse. Et sur le tronc de l’arbre était crucifié un homme. Sa tête penchée en avant, le menton posé sur la poitrine, masquait son visage. Ses habits avaient été riches mais ils étaient à présent déchirés et sales, les fils d’or et d’argent dont étaient constitués les ourlets de sa veste étaient tranchés et frémissaient doucement sous l’action de la fraîche brise nocturne. La peau fripée de ses mains avait pris une horrible teinte grisâtre et boursouflait autour des plaies créées par les pitons d’argent qui le clouaient à l’arbre.

    Joshua arrêta sa monture et contempla un instant le cadavre immobile. Une chouette hulula. C’était le premier cri d’animal qu’il entendait depuis longtemps et il lui sembla étrange : rauque et curieusement modulé. Il se sentait mal à l’aise. Il lui semblait percevoir une menace sourde et diffuse, quelque part, dans les bois. Il n’avait jamais ressenti cela. C’était comme si l’air se faisait plus épais autour de lui et devenait poisseux. Il se tourna vers Elric et Luther. Le premier semblait lui aussi mal à l’aise et ses doigts s’étaient posés sur le fin baudrier dans lequel était passée sa flûte. Luther au contraire ne s’était pas départi de son sourire et il sembla même à Joshua qu’il s’élargissait tandis qu’une lueur de gourmandise naissait dans son œil.

    « Des sigmarites… »Il semblait ravi.

    Un claquement sec arracha Joshua de sa contemplation juste à temps pour éviter un carreau d’arbalète qui sifflait depuis les cieux vers sa tête et qui vint se planter à côté des sabots du destrier d’Elric. Une quinzaine d’hommes étaient apparus à proximité de l’arbre mort et, levant la tête en direction de l’origine du carreau, il en vit un autre, occupé à retendre la corde de son arme. Ils étaient vêtus d’habits sales et élimés, dans des tons bruns et gris, surmontés de manteaux de voyage couverts de boue séchée au travers de laquelle se dessinait le symbole d’un marteau. Ils brandissaient des armes diverses, allant du gourdin à l’espadon, de la hallebarde à l’arquebuse, l’un d’eux maniait même un impressionnant fléau, et se précipitaient vers les trois cavaliers en pataugeant dans le marais. Leurs visages couturés de cicatrices et barbouillés de crasse étaient déformés par la haine et ils hurlaient des cris de guerre rauques et des prières sigmarites.

    Mais le regard de Joshua s’arrêta sur la silhouette qui émergea en dernier du brouillard stagnant au-dessus du marais. Engoncé dans une lourde armure aux plaques ciselées, parsemées de fragments de parchemins maintenus par des sceaux de cire rouge et surmontées d’un tabard d’un blanc immaculé, le guerrier au crâne rasé et à l’œil droit masqué par un bandeau de cuir tenait son énorme marteau de guerre nonchalamment posé sur l’épaule. Ses gantelets d’acier brillaient sous l’éclat de la lune tandis qu’il ordonnait à ses hommes de purifier les bois de la présence des trois fils de la nuit d’une voix de stentor. Sigmar continuait de les tester, hurlait-il et ils seraient à la hauteur de l’épreuve. Ces pauvres fous allaient mourir. Quelles que soient leurs motivations, leur misérable croisade prendrait fin ici. Joshua croisa le regard de son œil unique et il y vit une détermination sans faille. Nul doute qu’il s’agissait là d’un tout autre adversaire que les hommes bêtes avinés et couards.

    Un tir d’arquebuse atteignit Joshua à l’épaule et lui fit vider les étriers. Plus surpris que blessé, il se releva prestement tandis que Luther dégainait son épée et faisait effectuer une volte à son cheval pour faire face aux larbins du prêtre de Sigmar, qui escaladaient maintenant le talus. Il entendit un cri étranglé suivi du bruit que fit le corps de l’arbalétrier embusqué lorsqu’il s’enfonça dans le marécage dans une gerbe d’eau croupie. Elric se saisit d’un autre poignard de jet tandis que Luther parait le premier coup de hallebarde dirigé vers le col de sa monture. Joshua se concentra un bref instant, appelant à lui le vent améthyste pour déchaîner sa puissance sur les pauvres fous qui osaient s’en prendre à eux. Il sentit le pouvoir affluer en lui par le sol boueux, les âmes des nombreux morts sans repos qui reposaient en ce lieu lui prêtant la force de leur haine envers les vivants. Mais avant qu’il ne puisse déchaîner la colère des morts inapaisés, son regard fut attiré par le flamboiement subit qui émanait du prêtre. Il était comme auréolé d’un feu blanc et immatériel qui blessait les yeux du vampire. Sa concentration se dissipa et il laissa échapper les énergies magiques qu’il avait amassées. Il dégaina son épée pour se porter au secours d’Elric qui, ayant fiché son poignard de jet dans la gorge de l’un des assaillants, devait désormais dégainer son épée tout en évitant les coups de pique de deux autres. Souple et rapide, Joshua décapita le premier avant qu’il ne puisse réagir et Elric plongea sous la garde du second. Ses longs doigts vinrent se poser sur les joues du mortel abasourdi, tels deux araignées blafardes et, avant que l’expression de stupeur n’ait disparu de son visage son cou fut brisé par la poigne de fer du frêle vampire.

    La monture de Luther se cabra et écrasa ses sabots moisis sur la tête d’un des hommes de main, arrachant son casque et le projetant au sol. Le hallebardier profita de l’ouverture qui lui était offerte et la lourde lame de son arme vint frapper la tête du destrier dans un bruit d’os broyé. Celui-ci s’écroula sur le côté mais Luther, profitant de l’élan de la chute, sauta de sa selle, toucha le sol juste devant les jambes de l’homme au fléau qu’il faucha dans un roulé boulé et se releva avant que sa monture agonisante n’ait touché le sol. La situation devenait confuse tandis que le sang et les tripes se mêlaient à la boue et que les cris des blessés retentissaient ici et là. Joshua vit du coin de l’œil les trois arquebusiers dégainer leurs épées et se rapprocher du combat en pataugeant, accompagnés par le prêtre dont la voix forte couvrait le vacarme, égrenant des litanies. Luther jouait avec ses quatre adversaires qui, contrairement à lui, semblaient gênés par la nature glissante du sol boueux. Il se baissa sous un puissant coup de fléau et porta un coup ascendant à son porteur en se relevant, le bras de l’homme tomba dans un hurlement de douleur.

    Un coup de lance, venant de derrière lui, transperça Elric tandis que sa propre lame faisait voler en éclat un bouclier frappé d’un symbole de marteau stylisé avant de labourer la gorge mal protégée de son porteur. Tandis que son adversaire frontal s’écroulait dans un gargouillis immonde, Elric se jeta en arrière, glissant le long de la hampe de la lance qui le transperçait toujours et écrasa son coude dans le visage de l’homme qui la tenait avant de finir de se dégager avec une petite grimace de douleur. Il laissa dédaigneusement tomber la lance au sol et porta, en se retournant, un large coup circulaire à son ancien porteur qui, le visage en sang, ne vit pas venir la lame qui le trancha en deux.

    Joshua para une hache de justesse mais ne put esquiver le coup de gantelet que son adversaire lui envoya en plein visage. Il trébucha, glissa sur le sol boueux et s’écroula au sol, sa lame sautant de sa main sous l’impact. Il ressentit alors un tremblement, une vibration puissante dans le sol tandis que son adversaire s’apprêtait à lui donner le coup de grâce. Il regarda le visage de l’homme, déformé par un rictus de triomphe et de haine, un sourire édenté fleurissant entre les poils hirsutes de sa barbe. Il disparut dans une explosion de sang au travers de laquelle passa une ombre immense venant de la droite. Le corps sans vie s’écroula à côté de Joshua. Sa tête avait éclaté sous l’impact de la lance de cavalerie d’Hector, lancée avec toute la vitesse de son destrier. Il était arrivé juste à temps et faisait faire demi-tour à sa monture après la charge fatale qu’il avait lancée.

    Une rafale violacée engloutit les trois arquebusiers dans un bruit d’éclaboussement lorsque Manndred entra dans la danse. Laissant tomber leur arme, ils portèrent leurs mains à leur visage, tentant vainement de retenir les lambeaux de chair en putréfaction qui s’en détachaient déjà. Leurs cris moururent lorsqu’ils s’écroulèrent dans la vase sous le regard impuissant et empli de colère du prêtre qui n’avait rien pu faire pour les sauver, ses pathétiques prières geignardes rendues inefficaces par la simple puissance du vampire nécromant.

    Cependant, plongé dans ses incantations, son cheval lancé au galop sur le chemin, Manndred ne vit que trop tard le prêtre émerger des flammes magiques et ne put rien faire lorsque celui-ci, rugissant de haine, asséna un puissant coup de marteau dans les jambes du cheval. La lourde tête de l’arme sembla s’enflammer tandis qu’elle sifflait vers sa cible. La force du prêtre, décuplée par le poids de son marteau, était telle que son coup disloqua les pattes du cheval, déchirant les chairs et broyant les os, les transformant toutes deux en un amas de pulpe sanguinolente rattachée au poitrail de la bête par quelques rares tendons. La monture, privée d’appui s’écroula en avant et Manndred passa par dessus l’encolure de la bête avant de s’écraser dans la boue, à quelques pas à peine du prêtre, qui faisait déjà volte-face pour lui donner le coup de grâce. Joshua repoussa le cadavre décapité qui lui était tombé sur les jambes, ramassa son épée et se jeta vers le prêtre en hurlant pour attirer son attention. Il s’immobilisa, s’arc-boutant sur ses jambes épaisses, ses bottes ferrées plantées dans la boue et se prépara au choc, son œil unique rivé dans ceux du vampire.

    Joshua feinta à droite avant de lancer sa lame à gauche. Son adversaire ne comprit que trop tard son erreur et, rendu plus lent encore par sa lourde armure, ne put ramener sa garde à temps. La lame pénétra les plaques d’acier et mordit profondément dans ses chairs. Etouffant un cri, le prêtre lança son marteau vers la tête de Joshua qui dut lâcher son épée pour éviter le coup qui lui aurait broyé le crâne. Le prêtre, que son armure ralentissait mais ne semblait pas gêner, le repoussa d’un violent coup de pied dans la poitrine et profita du répit que lui accordait le déséquilibre du jeune vampire pour se débarrasser de la lame qui était restée fichée dans son épaule. Joshua ne resta pas inactif pendant ces quelques secondes. Comprenant que se ruer sans arme sur un tel adversaire relevait de la folie pure, il profita de la faille dans la concentration du prêtre, occupé à dégager la lame de son épaule en hurlant de douleur, pour lui envoyer une rafale d’énergie nécromantique pure. Réalisant son erreur, le prêtre porta la main à son pendentif en forme de comète à deux queues et tenta de psalmodier une prière protectrice, mais il était déjà trop tard : un flot d’énergie violacée s’échappa des orbites de Joshua et l’engloutit, produisant un chuintement aigu en rencontrant sa chair.

    Les yeux de Joshua s’écarquillèrent lorsque les énergies magiques se dissipèrent : le prêtre, horriblement défiguré, la moitié de son visage présentant l’os à nu, était encore debout. Sa main tuméfiée serrait toujours le pendentif. Les plaques mêmes de son armure avaient été rongées par la puissance de l’attaque mais il était encore debout. Il tituba un instant vers Joshua en grognant. Il tenta de lever son marteau, mais ses forces l’avaient abandonné et il tomba à genoux, ses doigts squelettiques lâchèrent la hampe de son arme. Il tendit les bras pour se saisir de son adversaire mais ses doigts ne firent que glisser le long des bottes de Joshua tandis qu’il poussait son dernier râle en s’écroulant, pantin grotesque gisant dans la boue.

    Le bruit des combats s’était tu. Les larbins du prêtre l’avaient tous rejoint dans la mort. Les vampires n’avaient que peu souffert de l’affrontement : la blessure d’Elric avait déjà disparu et il semblait plus peiné pour sa chemise que pour la légère cicatrice sur son abdomen. Luther ne souffrait que de quelques légères contusions et Manndred s’était bien remis de sa chute. Tandis que ce dernier ressuscitait les montures, soudant leurs chairs et leurs os brisés par la puissance de la nécromancie, Joshua examina le corps de son ennemi. Il desserra ses doigts raidis et s’empara de son talisman. Il ne sut que bien plus tard les raisons de ce geste furtif, car sur le moment, malgré la répulsion qu’il lui inspirait, il sentait le besoin de le prendre, il ne savait pas pourquoi, mais tout au fond de lui, cela avait de l’importance.

    Le carrosse arriva un peu plus tard et ils reprirent rapidement la route. Laissant là les corps des sigmarites et celui, crucifié, du malheureux vampire qui avait eu la malchance de les rencontrer seul. Il était étonnant de voir qu’il était toujours en vie, s’il était possible d’employer ce terme pour un vampire. Le bruit des combats l’avait ramené à la conscience et il leur demanda un peu de sang. Mais ses prières ne rencontrèrent pas d’oreille attentive. La Quête ne souffrait aucun délai et après tout, l’aube serait bientôt là pour le délivrer de ses tourments.

    A+

  5. Salut à toi,

    et bien dis donc, il va falloir que je m'y remette, moi... parce que tu as limite l'air de vouloir finir mon histoire à ma place (je savais que j'aurais dû mettre un copyright sur cette rose d'or je le savais :D )

    Pour un texte fait "à la va vite", c'est plus que correct. Je n'ai pas relevé de fautes (il faut dire que je ne cherche pas trop non plus).

    Sinon, un bon fond, pas très clair mais comme ça sent le flash-back c'est normal (et même rassurant), un vocabulaire maîtrisé, une énonciation claire et précise de l'action. Que du bon, quoi.

    J'hésite quand même quand à la nature du guerrier. Le fait qu'il semble vouloir donner le baiser de sang à l'elfe (je suppose que c'est un elfe, du moins) en ferait un vampire mais les vampires ne font généralement pas de prisonniers.

    En bref, je veux une suite pour tirer tout ça au clair!!

    A+

    Wilheim

  6. Salut à tous et bonne année 2005. Désolé de n'avoir pu répondre aux exigences de Roujio mais voici quand même une petite suite avant de rattaquer les cours :innocent: :'(

    Bonne lecture.

    Deux années s’écoulèrent encore avant que les dix vampires se mettent en route, deux années, un bref instant pour ces êtres immortels, pendant lesquelles Joshua explora le manoir et les terres environnantes, s’entraîna au maniement des armes et à celui des arcanes sombres, qui lui semblaient étrangement familières et apprit à connaître ses nouveaux compagnons.

    Hector et Luther se révélèrent être d’excellents mentors dans le domaine des armes, leurs coups étaient d’une force surhumaine et ils bougeaient avec une telle vivacité que l’œil ne pouvait suivre leurs mouvement. Cependant, ils différaient grandement dans leur façon d’aborder le combat. Luther y voyait avant tout un jeu dans lequel seules comptait la grâce des coups et la beauté des lames virevoltant dans l’air, tranchant armure et chair avec la même facilité, tandis que pour Hector, le combat était un art que seule la concentration permettait de maîtriser et Joshua l’avait souvent vu rester longtemps immobile, les yeux fermés, avant de faire pleuvoir une série de coups dévastateurs que même l’agilité surnaturelle de Luther ne lui permettait pas d’éviter tous.

    Anne, Léa et Elric étaient plus discrets, plus renfermés. Ils ne possédaient pas cette arrogance presque naturelle des vampires mais la douceur de leur voix, la grâce calme et posée de chacun de leurs gestes et leur talent dans tous les arts possibles étaient un émerveillement même pour le cœur froid des vampires. Ils répugnaient généralement à se battre et lorsqu’ils y étaient contraints, ils mettaient toujours un point d’honneur à abattre leurs ennemis de la façon la plus gracieuse possible. Anne et Léa semblaient danser tandis que leurs longs poignards ciselés prenaient les vies par de fines mais innombrables éraflures dans les chairs de ceux qui se dressaient face à elles tandis que la flûte d’argent d’Elric semblait capable de calmer les bêtes les plus enragées, lui permettant de les mettre à mort sans difficulté.

    Si tous maîtrisaient les arts de la nécromancie, aucun n’était aussi doué que Marcus et ses deux meilleurs disciples étaient Léonore et Manndred. Le métier des armes ne leur était pas inconnu mais ils préféraient vider leurs ennemis de leur essence vitale par la caresse du vent pourpre avant de renvoyer leurs corps vides se battre contre leurs anciens compagnons. Leur regard flamboyait lorsqu’ils faisaient appel à la puissance des vents de magie et des visages gémissants et fantomatiques se mettaient à tourbillonner autour d’eux. Ils ordonnaient à toutes les créatures de la nuit, les loups et les chauve-souris leurs servaient d’yeux et d’exécuteurs. La magie semblait être quelque chose d’inné pour Léonore tandis que Manndred passait presque toutes ses nuits à étudier de vieux ouvrages et à expérimenter dans les cryptes du manoir d’où s’échappaient les hurlements de ses victimes.

    Helena était une alchimiste passionnée doublée d’une redoutable conspiratrice. Sa langue était aussi adroite qu’acide et Joshua l’avait vue déclencher en une nuit une véritable tuerie dans un petit village de bûcherons simplement en attisant les peurs et les envies de chacun. Les vivants n’étaient pour elle rien de plus que du bétail ou un vivier inépuisable de cobayes pour ses expériences. Sa quête de l’élixir qui rendrait les vampires capables de marcher sous les rayons du soleil n’avait pas aboutit jusqu’à présent mais elle ne désespérait pas d’y parvenir un jour et de nombreux habitants des villages voisins avaient eu le déplaisant honneur de recevoir le Baiser de Sang et de périr brûlés par l’aube, enchaînés à un arbre après avoir ingurgité l’une des mixtures d’Helena.

    Le manoir se dressait sur une petite colline entourée par les sombres forêts du Sud de la Sylvanie. Sous la bâtisse elle-même était creusé un réseau de catacombes, de cryptes et de celliers qui renfermait les expériences ratées de Manndred, d’anciens trophées pris sur les corps de héros tombés depuis longtemps, des puits sans fond et des cachots humides parsemés d’ossements, des temples oubliés dévoués au pouvoir de la nuit, des chenils occupés par des chiens et des loups au regard incandescent et tant d’autres choses encore.

    Les villages alentour étaient sous la coupe des seigneurs de la nuit et leur fournissaient l’essentiel de leur nourriture. Des coches grinçant tirés par des chevaux à la robe sombre venaient chercher leur sinistre dîme que les villageois versaient sans discuter, la terreur que leur inspirait la colère de leurs sombres maîtres réduisait à néant toute tentative de rébellion, d’autant plus que ces derniers interdisaient à quiconque de s’en prendre à leurs sujets et les défendaient donc contre les homme-bêtes et les gobelins qui s’aventuraient parfois dans leur domaine. Disséminés dans les bois, se trouvaient les ruines d’anciens hameaux, d’églises ou de châteaux et parfois des cryptes isolées qui servaient de havre aux vampires lorsqu’ils s’éloignaient du manoir. Il y avait d’autres communautés de vampires à proximité mais chacun connaissait les limites de son territoire et, bien que la tension soit en permanence palpable, les incidents étaient rares.

    Joshua se familiarisa vite avec cet environnement, trop vite même pour ne pas éveiller quelques doutes dans son esprit. Certains lieux lui semblaient familiers sans qu’il ne puisse dire pourquoi et certains faisaient renaître dans son esprit le souvenir de la jeune femme dont il avait pris la vie la première nuit. Il en avait parlé à Marcus de nombreuses fois mais celui-ci avait toujours refusé de lui parler de son passé, lui disant que ce qu’il avait été et ce qu’il avait fait de son vivant ne revêtait plus aucune espèce d’importance désormais et qu’il devait concentrer ses pensées sur le dessein qu’ils accompliraient bientôt. La bibliothèque du manoir renfermait un nombre incalculable d’ouvrages traitant de sujets divers mais aucun vampire ne pouvait accéder au livre de la prophétie et aux notes que Marcus avait prises durant son long périple, c’était la prérogative du seul Gardien du Savoir.

    A+

  7. Salut à tous. Voila la fin de la légende, qui (j'éspère du moins) éclaircira cette histoire de DdS et de von Carstein. Bonne lecture et joyeuses fêtes à tous.

    Puis, d’un accord muet, ils se lancèrent en avant, baissant leur lance acérée dans le grondement de tonnerre des sabots de leur monture. Les cadavres décharnés s’étaient écartés, laissant libre un espace comparable à celui d’une des lices baignées de soleil dans lesquelles Jean s’était entraîné pendant des années. Mais nulle damoiselle ne tremblait en regardant les chevaliers se précipiter l’un vers l’autre, nulle trompette ne faisait retentir le signal de la joute, nul troubadour ne cessait son ode aux héros des temps anciens pour fixer son attention sur les preux qui se battaient pour l’honneur, l’amour ou simplement le plaisir. Non, seul le fracas des sabots se faisait entendre à la lueur blafarde de la lune, sous le regard vide de corps sans âme.

    Tels les flots agités du grand océan sur les falaises de la côte, ils se percutèrent. La lance du deux fois né perça la garde du jeune chevalier, la pointe barbelée rencontra l’acier bretonnien au niveau de l’épaule gauche de Jean tandis que sa propre lance était déviée par le large écu du mort-vivant. Malgré ses origines, Jean avait appris le métier des armes presque aussi jeune qu’un fils de noble et ses talents de jouteur n’étaient pas remis en question à la cour du baron. Mais il lui aurait fallu des dizaines d’années pour espérer résister à un coup porté avec une telle force et une telle précision, années que l’immortalité du vampire lui avaient déjà données. Tandis que le chevalier noir ne cillait pas, Jean fut projeté à bas de sa monture.

    Sa chute amoindrie par la boue meuble du sol, il se força à se relever rapidement, après tout, les légendes sur le code de l’honneur de ces chevaliers des ombres n’étaient sans doute que peu fondées. Ses doigts enserrèrent sa lance, heureusement intacte tandis que le vampire faisait calmement faire demi-tour à sa monture décharnée, sa lance dressée vers la voûte étoilée. Il lança sa monture au galop tandis que Jean s’arc-boutait, attendant le choc avec stoïcisme malgré la douleur dans son épaule. Murmurant une prière à la Dame pour cette offense, il fit un bond de côté au dernier moment, évitant ainsi la pointe acérée et les lourds sabots ferrés, tout en baissant sa lance au niveau du poitrail caparaçonné du destrier. Le choc fut terrible et Jean fut de nouveau jeté au sol. Cependant, sa lance avait déchiré les plaques sombres du caparaçon et la monture du vampire s’écroula, projetant ce dernier par dessus son encolure putréfiée.

    Un rire moqueur et cruel s’éleva du heaume tandis que le mort-vivant se relevait calmement. Jean se tourna vers lui, chancelant légèrement sous le poids de ses contusions et un tintement mélodieux se fit entendre alors qu’ils tiraient leur épée et réajustaient leur écu pour le combat à venir. Le vampire s’avança nonchalamment, faisant faire quelques moulinets à sa lame dévoreuse de lumière tandis que Jean attendait ce terrifiant adversaire. Poussant un cri lugubre, le deux fois né lança sa lame vers le heaume de Jean qui esquiva le coup de justesse avant de frapper le vampire de son bouclier, cherchant à briser sa garde pour le percer de sa propre lame, mais il évita le coup d’un gracieux bond en arrière et la lame de Jean ne rencontra que son bouclier. L’armure du jeune chevalier émit un chuintement et fondit lorsque la riposte du vampire l’atteignit au flanc, mais grâce au travail des maîtres forgerons, le coup n’eût pas plus de conséquences. Le combat se poursuivit, au rythme du fracas des boucliers et du sifflement des lames. Ils semblaient danser au milieu du village en ruine, leur tabard virevoltant tandis que les esquives succédaient aux fentes et aux amples coups de taille.

    Mais toute danse a une fin et après un long combat, Jean gisait au sol, son armure percée en maints endroits, son bouclier fracassé, son bras gauche brisé, paralysé par un froid surnaturel. Le vampire se tenait au dessus de lui. Son armure elle aussi montrait les signes d’un rude combat mais les filets de sang qui coulaient des brèches s’étaient taris presque instantanément. Il avait enlevé son heaume après qu’un coup audacieux de Jean l’ait enfoncé, et ses yeux noirs et vides d’expression le contemplaient à présent. Un sourire cruel était dessiné sur ses lèvres desséchées et son visage aux traits taillés à la serpe était celui d’un homme dans la force de l’âge. Ses doigts enserrés dans les mailles noires de ses gantelets se saisirent du heaume du son adversaire et le firent glisser, révélant le visage en sang du jeune homme. Il émanait un tel froid du seigneur de la nuit, Jean pouvait le sentir, comme un étau de glace qui le broyait impitoyablement.

    Ses pensées allèrent à Aurore et une larme coula sur sa joue. Jamais il ne la reverrait. Il avait échoué, échoué envers la Dame, envers son baron, envers lui même. Son esprit s’égarait sous la douleur et le désespoir. Il ferma les yeux. Il espérait seulement que son bourreau lui donnerait une mort rapide et digne. Il se produisit alors un événement imprévu, un miracle qui allait sauver Jean et le damner. La mort tardait à venir. Lorsque Jean ouvrit les yeux, le vampire reculait en chancelant tandis qu’une lueur dorée émanait de sa propre armure. Il sentit une douce chaleur se répandre dans son corps, le froid refluait de son bras, la douleur s’atténuait, sa vue redevenait nette et l’air ne lui manquait plus. Quelque chose brûlait en lui, tout contre sa peau. Ses doigts agrippèrent fébrilement le cordon de cuir autour de son cou et il tira du cœur de son armure une petite bourse de dentelle ensanglantée qui brillait comme une flamme dans la nuit. Le vampire poussa un cri de souffrance lorsque Jean tira de la frêle enveloppe la rose, baignée de lumière d’or, qu’Aurore lui avait offerte. La force coulait à nouveau en lui et le jeune chevalier se releva en bénissant le nom de son aimée regardant le vampire qui semblait se dessécher et tomber en poussière tandis que ses plaies se réouvraient et qu’un sang épais et noir s’en échappait.

    Cependant, fortes étaient les ténèbres en ces lieux et une créature si ancienne ne pouvait être défaite aussi aisément. Hurlant une malédiction, le vampire se rua sur Jean. Sa main avait lâché sa sombre lame et il n’avait plus la force de vaincre le chevalier auréolé de lumière mais il lui restait une arme, terrible et mortelle, contre laquelle aucun talisman n’offrait de protection. Son sang. Usant de ses dernières forces, il jeta son adversaire au sol et son gantelet noir enserra la gorge du jeune homme. Sa poigne surnaturelle disparue, il se contenta de serrer le poing au dessus de sa victime, faisant couler un filet de sang entre ses lèvres et le forçant à l’avaler. Les puissances impies qui lui avaient donné leur force prélevèrent alors leur dû et le rire maniaque du vampire s’érailla tandis qu’il tombait en poussière.

    Jean ressentit une douleur fulgurante dans la poitrine. Des dizaines de dards glacés le transperçaient de part en part, les ténèbres l’entouraient. Dans son poing crispé par la douleur, il vit la rose perdre son éclat, se faner et tomber en poussière. Le sol se déroba sous ses pieds, sa vue se troubla. Il ne percevait désormais plus que des cris et des gémissements de douleur et de désespoir tandis qu’il semblait se noyer dans une mer houleuse et froide, si froide. Il se débattait pour ne pas sombrer, des bourrasques glacées le frôlaient, le transperçaient tandis que ses yeux s’éteignaient, le plongeant dans les ténèbres. Il sentit son cœur s’arrêter.

    Tout n’était que froid et amertume dans l’esprit de Jean. Il avait échoué. Il savait que, d’ici peu, le désir de sang allait le submerger. Tel était le prix à payer pour cette immortalité impie. D’ici peu, il devrait tuer pour se nourrir et la nouvelle courrait bientôt que le noble chevalier qui avait été envoyé défaire le mal en ces lieux avait été tué. Il était devenu le chevalier noir, rien n’avait changé. Il pensa alors attendre l’aube, détruire cet être abject qu’il était devenu et ainsi accomplir sa quête. Il ne pouvait de toute façon plus revenir vers Aurore à présent. Il l’avait perdue à jamais, la lumière qui l’avait toujours protégé allait maintenant le détruire.

    Son regard erra autour de lui. Le village était à nouveau plongé dans le silence, baigné par les rayons froids de la lune. A l’horizon, le sommet des montagnes était rose, annonce de l’aube et de sa rédemption. Non loin de lui, le vent éparpillait un tas de cendres parsemé de plaques de métal qui avaient autrefois constitué le caparaçon de la monture du vampire. Jean tourna la tête, il voulait que sa dernière vision soit celle des corps des villageois ayant enfin trouvé le repos. Ils étaient encore debout, immobiles mais debout. C’était impossible ! La monture du vampire elle-même s’était désagrégée lorsqu’il était tombé.

    Quelque chose bougea parmi les corps. L’un d’eux bougeait, venait vers lui d’un pas mal assuré. Son visage était gris et ridé et ses rares cheveux blancs étaient en bataille mais il n’était pas décomposé comme les autres et son pas, bien que lent, était plus assuré. Sa peau flétrie recouvrait encore la totalité de son visage et ses yeux n’avaient pas cette fixité vitreuse qui caractérisait ceux des morts. Il était vêtu d’un manteau de fourrure souillé et élimé, couvert de boue et ses doigts sales enserraient un bâton orné de crânes d’oiseaux et de pendeloques de métal terni. A sa ceinture étaient accrochés un livre à la couverture noire ornée d’un crâne d’argent, des bourses de cuir de toutes tailles et des parchemins fripés, couverts d’une écriture malhabile et serrée. Des bourrasques sporadiques de brume violacée émanaient du crâne de son bâton et semblaient être dévorées, absorbées par la foule muette de cadavres réanimés.

    Le nécromancien s’arrêta à un pas de Jean et lui parla. Il lui raconta une légende ancienne, à moitié effacée par les brumes du temps. Elle disait que, quelque part dans le monde, se trouvait un jardin enchanté dans lequel poussait une unique plante, un rosier d’or fin. Ce rosier donnait une unique fleur, d’une perfection divine, une rose d’or et d’argent, de laquelle jaillissait la vie. Il lui dit que s’il trouvait la rose, il pourrait se libérer de la malédiction de la non-vie et retrouver sa bien-aimée. Et Jean écouta le vieillard raconter comment, avec son ancien compagnon, un autre seigneur des ténèbres, maître des loups, esthète cultivé aux goûts raffinés, comment il avait cherché pendant toute sa vie ce jardin merveilleux, source de la vie, comment leur quête les avait menés à travers le monde, jusqu’à ce que le chevalier noir les sépare. Il remarqua la larme au coin de l’œil du vieil homme quand celui-ci le remercia d’avoir vengé son compagnon et de l’avoir libéré et il acquiesça lorsque le nécromancien lui proposa de reprendre la quête ensemble.

    Il parcoururent le monde à leur tour, à la faveur de la nuit. Ce qui avait remplacé l’âme de Jean avait décuplé sa soif de perfection physique et il affina ses talents martiaux tandis que le vieil homme lui enseignait les secrets de la nécromancie et le mode de vie ancien des von Carstein qui avait été celui de son défunt compagnon. Une nuit, Jean offrit le Baiser de Sang au vieil homme et les deux immortels purent ainsi poursuivre leur quête pendant près de deux siècles. Jean apprenait désormais le métier des armes au vieil homme à qui la non-vie avait offert une seconde jeunesse, bien qu’il ait toujours l’apparence d’un vieillard.

    Ce fut dans l’antre d’un sorcier vénérant les puissances sombres que se séparèrent leurs chemins. Là ils affrontèrent les créatures immondes que le sorcier avait appelées à lui, des bêtes issues des cauchemars des vivants, à la forme changeante, parées de plumes et d’écailles multicolores, vomissant des flammes qui semblaient altérer la réalité elle-même. Une fois débarrassés de ses serviteurs démoniaques, les deux vampires traquèrent le sorcier dans les profondeurs de sa cachette. Acculé, il leur fit face avec toutes les forces qui lui restaient. Le pouvoir qu’il avait accumulé pendant des années de servitude était colossal et il le déchaîna. Quand enfin il fut terrassé, Jean gisait, agonisant, sur le sol et même le pouvoir du vieux vampire ne put rien faire pour lui. Dans son dernier souffle, il demanda au vieil homme de poursuivre sa quête pour lui, de former des disciples pour être sûr que jamais elle ne soit oubliée et de ne pas avoir de répit tant qu’ils n’auraient pas trouvé le jardin enchanté.

    Le vieil homme lui promit de suivre ses dernières volontés et poursuivit son chemin. Il fonda l’Ordre de la Rose d’Or et pendant quatre siècles, sillonna le monde pour trouver ceux qui seraient dignes de se joindre à lui. Et il est dit que lorsque dix seront rassemblés s’achèvera la quête du vieil homme. »

    Marcus referma doucement le livre et regarda les neuf vampires, à genou face à lui, les dévisageant un par un, comme s’il sondait leur esprit.

    « Cela fait près de sept siècles que ma quête a commencé et quatre que j’ai prononcé ce serment. Il est désormais temps que le dessein s’accomplisse. »

    A+

  8. C'est normal, c'est normal...

    L'hsitoire avec le DdS est tout à fait prévue, ça n'est pas une erreur. La suite éclaircira le propos.

    J'en profite pour ajouter que, personnelement, je ne considère pas qu'être mordu par un Dragon de Sang face forcément du nouveau-né un Dragon de Sang : c'est un vampire avant tout.

    Les lignées sont là pour montrer les différentes voies qu'un vampire peut suivre : s'il s'oriente plutôt corps à corps, il va travailler ses talents martiaux et il sera alors légitime qu'il gagne des bonus en CC et que ses pouvoirs de lignée traduisent ses compétences martiales hors du commun. Mais si ce même vampire avait décidé de se lancer à corps perdu dans l'étude de la nécromancie, il aurait pu faire un nécrarque plus que convaincant.

    Les Stryges illustrent assez bien ce propos : c'étaient des vampires "normaux" qu'une vie de bête aux abois à transformés...en bêtes aux abois :wink:

    Ainsi, ça ne me choquerait pas qu'un DdS devienne un Stryge si les évennements l'y forcent, partant de là, c'est valable pour toutes les lignées (sauf peut être un retour à la normale pour les Stryges)

    Ceci n'est qu'une opinion personnelle et même si le débat me semble intéressant, il est hors de propos. Je vais donc arrêter de déblatérer et me remettre au boulot :D

    A+

  9. Le paysan en question est celui dont il est question à la fin du premier paragraphe. Tout est un peu flou pour conserver le caractère "légende" du passage (après tout, qui connait le nom du père de Persée par exemple? :) )

    J'étais sûr que quelqu'un allait tiquer sur cette histoire d'âge. Même si j'avoue que mes cours de Maths sont d'une rare intensité ^_^:P:clap: , il n'y a pas d'erreur là-dedans. En effet, il est adoubé à 16 ans et quitte son pote à 18 (pourquoi pas, après tout?)

    Pour l'hisoire de la malédiction du gueux nouvellement adoubé, j'avoue que je n'étais pas au courant, mais ça doit bien se faire un peu, quand même (parce que sinon ça ferait belle lurette qu'il n'y aurait plus un chevalier en Bretonnie). Mais bon, t'inquiète, il ne va pas tarder à mourir :P

    A+

  10. Salut à tous, désolé pour le retard, j'ai pas eu vraiment le temps de plancher à la suite du récit ces derniers temps. Voila tout de même une petite suite (surtout histoire que le topic n'aille pas se perdre dans les tréfonds du site).

    Je sais, la fin est un peu abrupte, j'implore votre clémence, le reste viendra bientôt (vive les vacances :P )

    Bonne lecture.

    « L’histoire de l’Ordre commence il y a près de six cents ans de cela dans la verte contrée de Bretonnie, domaine du Roi et de ses preux chevaliers, tout entier dévoués au service de la Dame du Lac, leur guide et protectrice. En ce temps vivaient près de Bordeleaux un paysan, sa femme et leurs quatre jeunes enfants. Les temps étaient difficiles et dur était le labeur que chaque membre de la famille devait fournir.

    Lors d’un hiver particulièrement rude, les horreurs mutantes qui hantaient la Forêt de Chalons se déversèrent dans les blanches plaines en quête de butin et de massacre. Plusieurs villages furent rasés avant que le Duc de Bordeleaux ne soit prévenu par les rares survivants des raids. Il appela alors à lui ses chevaliers et se mit en marche vers les bois pour éliminer la menace que les hommes bêtes faisaient peser sur ses vassaux. Dans chaque village qu’ils traversaient, les chevaliers enrôlaient tous les paysans en âge de se battre pour les assister dans la terrible épreuve qui s’annonçait car les hardes d’ homme-bêtes étaient décrites comme étant innombrables.

    Lorsque l’armée traversa le petit village, le paysan dût rejoindre les rangs des hommes d’armes sous la bannière de son suzerain, laissant ses aimés privés d’une paire de bras puissants pour le dur labeur. Il fit ses adieux à sa famille, leur jurant de revenir vite sain et sauf, comme il l’avait déjà fait deux fois auparavant, les priant de ne pas s’inquiéter et demandant à son aîné de prendre soin de la famille en son absence. Jean, qui n’avait alors que huit ans, lui promit de s’acquitter de cette tâche en y mettant tout son cœur et c’est avec une larme à l’œil qu’ils le regardèrent partir.

    L’armée du Duc revint victorieuse deux semaines plus tard. Les rangs des chevaliers étaient clairsemés, leurs bannières étaient déchirées et leurs armures portaient les signes de rudes combats mais ce n’était rien en comparaison des lourdes pertes subies par les hommes d’arme. Certains survivants racontèrent que les fantassins avaient été déployés en tête de colonne pendant le trajet vers le repaire des bêtes. Mais l’armée tomba dans une embuscade. Des centaines de mutants féroces se déversèrent de chaque bosquet, de chaque bouquet d’arbre, certains sortirent même de terre d’après certains récits. Les premiers régiments furent submergés par tant de fureur, les archers n’avaient pas le temps de bander leurs arcs avant que des molosses écumants ne leurs sautent à la gorge, les rangs des hommes d’arme étaient brisés par des monstres énormes maniant des haches ou des gourdins gigantesques et des chars tirés par des horreurs porcines. Sachant qu’ils ne pourraient de toute façon pas fuir ces ennemis rapides et mortels, les régiments qui suivaient se jetèrent dans la mêlée, les doigts serrés sur le manche de leurs armes. Le combat s’était transformé en carnage mais la tuerie atteint son apogée lorsque les chevaliers chargèrent. La frêle ligne constituée par les hommes d’arme survivants fut piétinée par les sabots des lourds destriers qui s’écrasèrent ensuite dans la horde mutante qui s’était aventurée à découvert. Les paysans avaient fait leur devoir en attirant les monstruosités hors des bois, et elles ne purent résister à la fureur de la chevalerie bretonnienne en terrain découvert. A la tombée de la nuit, les quelques homme-bêtes prirent la fuite. La Bretonnie avait vaincu, mais à quel prix… Près des deux tiers des hommes d’armes avaient péri et rares étaient les survivants qui n’étaient pas horriblement blessés.

    Le paysan ne revint pas de cette bataille et ce fut à Jean qu’incomba le devoir de s’occuper de la famille. Il s’y employa de son mieux mais son jeune âge ne lui permettait pas d’accomplir les plus rudes besognes du servage et la famine frappa durement la famille en deuil. Lorsque sa petit sœur tomba malade, Jean décida qu’il était de son devoir de faire quelque chose. Il prit son arc et se dirigea vers les terres du seigneur local où abondait le gibier. Alors qu’il était à l’affût d’un lièvre ou d’une perdrix à braconner, il entendit soudain les pas d’un cheval, non loin. Se cachant derrière le tronc d’un hêtre, il hasarda un regard lorsque les pas du cheval se firent proche. Ce qu’il vit le remplit d’admiration. A quelques mètres à peine de lui se tenait un chevalier dans toute sa splendeur. Le noir et l’or se mêlaient sur son tabard et sur le caparaçon de son cheval noir. Son armure brillait et au bout de sa longue lance flottait un fanion, à son côté pendait une épée au pommeau ouvragé. Il passa sans voir le jeune braconnier et poursuivit tranquillement son chemin vers le château du baron local. Comme hypnotisé, Jean le suivit discrètement, oubliant la nature de sa propre quête. Il voulait simplement contempler cette image de sainte puissance le plus longtemps possible.

    Soudain, le destrier du chevalier renâcla nerveusement et s’immobilisa. Jean se cacha prestement tandis que le chevalier scrutait les environs à la recherche de ce qui effrayait ainsi sa monture. C’est alors qu’une bande de bêtes immondes se rua sur le preux chevalier. Celui-ci dégaina sa lame et commença à percer ses ennemis avec moult grâce sous les yeux émerveillés du jeune paysan. Mais les mutants étaient nombreux et Jean vit avec effroi le chevalier être désarçonné par un coup de lance et chuter brutalement à terre. Faisant preuve d’un courage incroyable, le jeune garçon sortit de sa cachette et décocha une flèche sur la bête qui s’apprêtait à achever le noble chevalier. Elle se planta en vibrant dans la nuque du mutant qui s’écroula en beuglant. Ses compagnons se retournèrent alors vers le jeune garçon, leurs yeux injectés de sang se posant sur lui, leurs dents aiguisées et jaunies laissant échapper le grondement sourd issu de leur torse velu. Il eut le temps de décocher une autre flèche qui se planta dans la jambe d’une des créatures hurlantes avant qu’elles ne l’atteignent, les sabots qui terminaient leurs longues jambes martelant le sol tandis qu’elles chargeaient. Il tenta de fuir mais un gourdin le frappa au côté, l’envoyant rouler, inconscient, au fond d’un fossé fangeux.

    A son réveil, le chevalier était penché sur lui. Il avait retiré son heaume et son visage était celui d’un jeune homme d’une vingtaine d’années. Prenant dans ses bras le garçon à qui il devait la vie, il le déposa délicatement sur la selle de son cheval et, le menant par la bride, se remit en route vers le château, sourd aux bafouillements de l’humble Jean qui lui assurait pouvoir marcher.

    Ils arrivèrent au château du baron Thierry en fin de matinée et le chevalier mena directement le garçon blessé dans une chambre où il put se reposer paisiblement après qu’une douce damoiselle ait, sur la demande du chevalier, entouré sa blessure d’ un bandage d’herbes odorantes. Le soir même, Jean fut mené devant le baron qui se trouvait être le père du jeune chevalier à qui Jean devait la vie et qui lui devait la vie. Jean reçut les remerciements de son suzerain. Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand le chevalier lui proposa de devenir son écuyer. Il accepta sur l’heure, son rêve venait de se réaliser. Sa chute était proche.

    Pendant dix années, Jean suivit le jeune chevalier dans ses aventures, portant sa livrée, prenant soin de sa monture et de ses armes que le jeune noble lui apprit à manier. Tous deux, ils affrontèrent moult ennemis, triomphèrent de plus d’un complot, sillonnèrent la Bretonnie, s’aventurant même parfois dans les provinces de l’Empire ou sous les frondaisons de la douce et terrifiante forêt de Loren où ils nouèrent des liens avec le peuple fée. A seize ans, Jean fut adoubé chevalier, il reçut son armure, son palefroi et sa lance des mains du baron, qui était devenu presque un père pour lui. Les richesses que Jean ramenaient de ses voyages mirent sa famille à l’abri du besoin. Devenu chevalier du Royaume à vingt ans, il se sépara de son compagnon et mentor et commença sa vie d’errance solitaire.

    La vie du jeune homme bascula lorsqu’il rencontra Aurore, la fille d’un baron de Brionne. Elle était douce et frêle, ses cheveux noirs tombaient en une cascade finement tressée sur ses épaules si blanches. Sa voix, aussi cristalline que celle d’un ange, était aussi pure que le tintement clair de l’eau d’une source sur la roche. Jean la rencontra tandis qu’il rentrait, exténué et blessé, de la traque d’une bande de brigands qui terrorisaient la baronnie. Lorsque son regard se posa sur elle, assise à l’ombre d’une charmille dans les jardins du château, une rose à la main, il descendit de son cheval et tomba à genoux, plus sûrement foudroyé par sa beauté que par n’importe quel trait. Il lui déclara sa flamme et la pria, comme la coutume le voulait, de faire de lui son champion et de lui confier une quête à accomplir. Son visage rougissant éclairé par un doux sourire, elle le pria de se reposer avant toute chose, pour reconstituer ses forces après une si rude bataille, arguant que triste serait pour elle le jour qui verrait le départ d’un si noble et si preux chevalier.

    Le baron était un homme fier et juste, qui n’accepterait pas de donner sa fille au premier errant venu. Même s’il lui était reconnaissant d’avoir débarrassé sa baronnie du fléau des brigands, il lui faudrait accomplir moult quêtes pour pouvoir prétendre à la main de sa fille. Jean accepta l’épreuve, certain que la Dame le protégerait, lui qui s’était toujours montré droit et respectueux des codes de la chevalerie. Pendant près d’un an, il accomplit les volontés du baron, combattit le froid et la pénitence aussi bien que les gobelins et les homme-bêtes pour prouver sa valeur, sa volonté de fer et son amour pour la damoiselle étant des protections plus sûres que l’acier de son armure et les bénédictions des moines.

    Ce fut lors d’un hiver particulièrement rude que le baron le fit appeler pour lui confier son ultime quête, celle qui lui permettrait enfin d’accéder à ce que son cœur désirait tant. Les paysans d’un hameau voisin avaient commencé à montrer des signes d’inquiétude, parlant de morts marchant sous la lueur blafarde de la lune, de cris lugubres dans la nuit et de disparitions mystérieuses. Il était du devoir de Jean de mettre un terme au fléau qui semblait se répandre dans la région, s’il revenait victorieux de l’épreuve, la main d’Aurore serait à lui. Jurant d’anéantir les vils créatures de l’ombre qui terrorisaient les paysans et de faire honneur à son baron, Jean se prépara à se mettre en route, fourbissant ses armes et priant la Dame de lui donner la force et le courage d’accomplir sa quête. Aurore vint le trouver tandis qu’il priait dans la chapelle du château et lui offrit une de ses roses en guise de talisman contre les créatures maudites qu’il allait affronter. Après l’avoir remerciée et apaisé ses craintes, il se mit en route, marchant droit vers son destin.

    Lorsqu’il arriva au hameau, à la nuit tombante, il ne trouva âme qui vive. Les villageois n’avaient cependant pas disparu mais avaient été passés au fil de l’épée et ramenés à une parodie de vie par de viles incantations qui empuantissaient encore l’air. Jurant d’offrir le repos aux pauvres âmes en peine, Jean chargea bravement au cœur de la horde putréfiée, son épée et sa lance fauchant ses ennemis comme les blés, son destrier piétinant les restes de ceux qu’il avait juré de protéger et qu’il ne pouvait plus que libérer de leur servitude abjecte. Son bras ne faiblissait pas malgré le flot continu de ses ennemis qui se pressaient autour de lui, leurs doigts osseux aux ongles brisés essayant vainement de le tirer à bas de sa monture, vers leurs bouches édentées et avides.

    Puis, sans qu’aucun ordre ne soit donné, les mort-vivants s’immobilisèrent, ouvrant le passage à une ombre montée sur un lourd destrier aux yeux incandescents. L’armure du chevalier était d’un noir profond, et sur son bouclier, les rayons de la lune dessinaient la forme d’un dragon rouge, héraldique que le jeune chevalier en quête reconnut comme celle des terribles dragons de sang, les deux fois nés, maîtres d’armes, chevaliers ermites aux prouesses légendaires mais qui avaient sombré dans les ténèbres. Un froid spectral irradiait du seigneur de la nuit et son épée semblait dévorer les pâles rayons lunaires qui tombaient sur elle. Les deux chevaliers se fixèrent longtemps, leurs regards scrutant le heaume ornementé de l’autre, en attente d’un signe qui briserait la tension qui était en train de monter.

    A+

  11. Merci de vos encouragements. En ce qui concerne Léonore, comme la pauvre ne finit jamais une bataille mais revient toujours après, ça n'a pas vraiment d'importance (et qui te dit que c'est la même d'abord :D )

    Voila une courte suite (manque de temps et envie de préserver encore un peu le suspens). Bonne lecture.

    Les pâles aristocrates l’escortèrent jusqu’à la pièce dans laquelle il allait embrasser sa destinée pour les sept siècles à venir. Tandis qu’ils empruntaient les étroits corridors et traversaient de vastes salons, Joshua put contempler ce qui était désormais sa demeure. L’impression d’étouffement qu’il avait ressentie s’était évaporée et les murs décatis, les tapisseries anciennes, l’argenterie noircie lui procuraient même un certain réconfort. Tout dans cet endroit sentait la décrépitude, mais une décrépitude lente et mesurée, en accord avec les lois naturelles, comme un corps autrefois beau et sain qui se décomposait lentement. Dans cette ambiance lourde où le souffle et la chaleur des vivants n’avaient pas leur place, Joshua se sentait bien, le temps n’avait plus prise sur lui, il était un roc de jeunesse immuable au milieu d’un flot lent mais puissant de déclin. Si son cœur froid avait encore pu ressentir quelque chose, cela aurait sans doute été un mélange de joie et de confiance.

    Ils arrivèrent dans une petite chapelle dont les vitraux noircis ne laissaient plus filtrer la lumière depuis longtemps. Un autel de marbre noir parcouru de veines violacées sur lequel était posé un petit coffret d’albâtre occupait le cœur de la pièce exiguë. A sa gauche, un volume relié de cuir noir s’appuyait sur les ailes déployées d’un lutrin de bois sombre en forme d’aigle. Joshua reconnut le lourd tome qui trônait dans la bibliothèque du petit salon aux roses d’or et d’argent qui enluminaient sa couverture. Elles scintillaient faiblement dans la lumière des braseros sculptés présents à chacun des huit coins de la pièce. Les murs étaient recouverts de fresques et de bas reliefs qui semblaient conter une histoire. Derrière l’autel se trouvait Marcus, vêtu d’une simple robe de bure noire qui contrastait avec l’éclat de son pendentif.

    Sans qu’aucune parole ne soit proférée, les compagnons de Joshua allèrent se placer chacun dans un coin de la pièce et mirent un genou à terre tout en fixant l’autel de leur froid regard. Marcus lui fit signe de s’approcher, il s’exécuta.

    « Un genou à terre, Joshua. Que le rituel de ton intronisation commence. » Sa voix était toujours posée et cérémonieuse. Joshua s’agenouilla devant l’autel tandis que Marcus ouvrait solennellement le menu coffret et que les vampires entamaient une mélopée basse et lancinante. Il y eut un court flamboiement accompagné d’un léger cliquètement lorsque Marcus retira de l’écrin un pendentif en forme de rose suspendu à une fine chaîne d’argent. Sa voix se mêlait maintenant à la mélopée, la complétant en contrepoint dans une langue que Joshua ne comprenait pas mais dont l’intonation tour à tour rauque et sifflante lui semblait étrangement familière. Le Patriarche contourna lentement l’autel et vint se placer face à Joshua qui contemplait toujours le dallage de pierre, la tête baissée en un muet recueillement. Il passa la chaîne autour du cou du jeune vampire tandis que la mélopée atteignait son paroxysme après un lent et puissant crescendo. Joshua ressentit une onde tiède se répandre dans son corps, une onde dont la source était le léger pendentif qui reposait maintenant sur sa poitrine et qui semblait luire d’un feu intérieur.

    La mélopée s’était tue. Il sentit distinctement la présence de ses neuf nouveaux compagnons, il la ressentit en lui, comme si chacun d’entre eux avait été une partie de lui. Non pas de son corps, qui ne ressentirait plus que la soif, pas non plus de son âme, qu’il avait désormais perdue, mais de son esprit même. Ils étaient désormais liés par le sang et la quête, ils étaient désormais tous frères et sœurs. Ils étaient enfin tous réunis.

    La main de Marcus se posa sur son épaule, il releva la tête, le Patriarche lui souriait.

    «- Lève toi, Joshua von Carstein, initié de l’Ordre de la Rose d’Or et pièce finale du dessein. Nous sommes désormais au complet, la Quête va pouvoir être achevée. Entends maintenant le récit de la fondation de l’Ordre et de son but, écoute maintenant la légende de la Rose d’Or, du preux Jean et de la belle Aurore.

    -Que se rallume la flamme du souvenir. Que des cendres s’élève à nouveau la légende. Que l’union de nos volontés dans les Ténèbres ramène la Lumière dans ce monde. »

    Les voix des huit vampires s’étaient élevées à l’unisson lorsque celle de Marcus s’était éteinte et avaient scandé les trois sentences d’une voix forte, comme une invocation.

    Marcus se dirigea alors vers le lutrin tandis que les vampires sortaient des ombres et venaient poser un genou à terre aux côtés de Joshua, formant un demi-cercle silencieux autour du pilier de bois sculpté, support immuable de leur histoire. Les pages de vélin émirent un léger bruissement lorsque le Patriarche ouvrit le tome contenant la prophétie qui allait désormais gouverner leur existence.

    A+

  12. Lol!! j'aimais déjà bien le clan Pestilens, mais avec une liste comme ça, je crois que je vais vendre mes guerriers des clans et investir dans une armée de moines :blushing: .

    Il y a plein de bonnes idées, peut être même trop bonnes dirais-je. Quelques exemples

    *L'accès aux troupes du clan Moulder (Rat-Ogres de la Peste) et du clan Eshin (les coureurs nocturnes) me paraît un peu abusé. Le clan Pestilens est censé être plus ou moins isolé en Lustrie.

    *Le vent de Pestilence est sur-bourrin : avec un truc pareil, l'ennemi peut quasiment dire adieu à ses machines de guerre, ses sorciers isolés, ses volants, sa cavalerie, ses tirailleurs pour ensuite se retrouver avec seulement son infanterie face à une horde de psychopates.

    *Les Guerriers de la Corruption sont méchament effiaces : pour deux points de plus qu'un GdC normal, il se retrouve avec une Endurance de 4...

    *L'autel du Rat Cornu est bien bourrin aussi : il suffit de le placer là où les combats ont toutes les chances d'avoir lieu pour obtenir un avantage plus que conséquent (une invulnérable à 5+ pour des troupes, c'est quand même plutôt efficace).

    Donc, plein de bonnes idées sur le fond, mais si tu veux vraiment les conserver ainsi, il va falloir revoir les coûts en points à la hausse :D

    A+

  13. Je voulais essayer de montrer à quel point l'épreuve était longue et pénible sans utiliser le sempiternel "il avait l'impression que la pièce s'allongeait à mesure qu'il avançait et que jamais il n'attendrait son but" mais j'y suis peut être allé un peu fort. Je tacherai d'y remédier.

    En attendant, voila une courte suite, je promets que la suite ne devrait pas tarder (désolé pour le laps de temps assez long depuis la dernière fois, j'ai été pas mal surbooké ces derniers temps). Bonne lecture.

    Chapitre 2 : L’Ordre de la Rose d’Or

    Marcus et Luther l’attendaient dans le salon, un sourire de fierté sur les lèvres et une étincelle d’orgueil dans les yeux. Marcus se leva lorsque Joshua entra, Luther, lui, ne bougea pas. Le vampire aux cheveux de neige se rapprocha du nouveau-né d’une démarche ample et lente, d’un calme majestueux tout en gardant son regard plongé dans le sien. En deux amples enjambées il était en face de lui, sa longue main se posa sur l’épaule de son nouveau fils.

    « Salut à toi, deux fois né, le rituel est achevé. Maintenant que la vie t’a définitivement quitté et que la mort n’a pu t’emporter, tu es l’un des nôtres, un Seigneur de la Nuit et de la Mort. Ton regard va désormais embrasser bien plus que ce qu’il a jamais vu, de nouveaux horizons vont s’ouvrir à toi. »

    Le ton du Patriarche de l’Ordre était solennel, tel celui que Joshua se souvenait avoir adopté en récitant d’anciennes incantations pour rappeler les esprits de ceux qui étaient passés il y a bien longtemps. Il n’avait par contre pas souvenir du but qu’il poursuivait alors. Il ouvrit la bouche pour poser une des questions qui commençaient à s’accumuler dans son esprit mais Marcus l’arrêta d’un simple regard.

    « Je sais que tu brûles d’envie de savoir mais tes questions ne trouveront pas de réponse ce soir. L’aube approche et il est temps pour nous de nous éclipser. Tu apprendras bien assez tôt que, malgré la force qui coule désormais en toi comme en nous, nous devons nous plier à certaines règles. Tout s’éclairera demain, je te souhaite un bon repos. Luther, conduis-le. »

    Joshua se détourna du vieil homme après lui avoir rendu son salut et suivit Luther dans l’escalier en colimaçon qu’ils avaient emprunté quelques minutes plus tôt. Dans ce court intervalle de temps, Joshua était né une seconde fois. Tout avait été si rapide, et il avait l’éternité devant lui à présent. Ils descendirent l’escalier jusqu’à ce que celui-ci se termine. Ils avaient dépassé le niveau d’où ils étaient arrivés la première fois et les murs de pierre nue et suintante d’humidité indiquaient que le sol lui-même se situait au-dessus de leurs têtes à présent. Après avoir emprunté un petit corridor éclairé faiblement par quelques torches, ils arrivèrent à une petite porte en bois, sans ornement aucun. Ils la franchirent pour pénétrer dans une petite salle carrée. Dans les murs s’ouvraient neuf portes en plus de celle sur le seuil de laquelle ils se tenaient. Sur chaque porte de bois poli et sombre était gravée une rose dont la corolle de pétales dorés d’or fin s’ouvrait largement au-dessus d’une tige argentée.

    « Voici l’endroit où nous passons la journée, à l’abri des rayons ardents du soleil. Derrière chacune de ces portes se trouve la crypte de l’un d’entre nous. Tu apprendras vite les rares lois auxquelles tu devras te plier. Repose toi, demain sera un grand jour pour toi. »

    La voix de Luther était dénuée de la pointe d’ironie qu’elle contenait généralement. Il lui indiqua une des portes, la plus à gauche dans le mur en face d’eux avant de se diriger vers celle du centre dans le mur de droite. Joshua franchit le seuil et se retrouva dans une crypte identique à celle dans laquelle il s’était éveillé plus tôt cette nuit. Il se glissa à l’intérieur du cercueil et sombra dans un sommeil sans rêves dont il ne s’éveilla que lorsque le soleil eut cédé la place à la Lune dans la voûte céleste, la nuit suivante.

    Lorsqu’il sortit de la crypte vêtu de la tenue, semblable à celle de Luther, qu’il avait trouvée soigneusement pliée au pied de son sépulcre, ce dernier l’attendait, en compagnie de sept autres vampires, quatre femmes et trois hommes, au port altier. Leurs traits étaient sans défaut et la même jeunesse, éternelle et pâle, était présente dans leurs corps, drapés dans des tenues d’une sombre élégance. Sur leur poitrine scintillait faiblement une rose d’or et d’argent, identique et dont Joshua était pour l’instant dépourvu. Ils se présentèrent tour à tour avec une gracieuse révérence : la jeune Anne au sourire enchanteur et aux mélancoliques yeux bleus, Léa aux longues tresses noires, Léonore dont le froid regard vert semblait le transpercer, Helena dont le sourire insolent lui rappelait celui de Luther, Hector élégant mais massif, Manndred au regard sévère et enfin le fluet Elric dont les longs doigts caressaient une flutte d’argent ciselé. Tous s’appelaient von Carstein ils étaient les initiés de l’Ordre, constitué de dix vampires désormais, dont Joshua n’allait pas tarder à connaître la quête, lui assura Luther.

    A+

  14. Avoue tu le fais exprès pour que je te les demande c'est ça?

    Bon désolé, mais quand même, tu ne t'es jamais demandé pourquoi on appelait une cathédrale une cathédrale? Car c'est le lieu où repose la cathèdre, la chaise en bois richement sculptée sur laquelle trône l'évêque (du moins je crois, mon catéchisme est un peu loin, surtout depuis que je me suis mis à ne pas apprécier les prières et l'eau bénite :huh: )

    Bon, voici une suite, assez courte, qui va clore le premier chapitre, bonne lecture.

    L’étreinte de Luther se relâcha doucement, laissant le temps aux jambes de Joshua de prendre le relais. Il tituba un peu avant de parvenir à retrouver son équilibre. Dans la pièce, seul Marcus semblait se détacher du brouillard rouge qui obstruait sa vue. Joshua avait entendu la porte grincer un court instant puis s’immobiliser dans un tintement contre le mur. Mais il y avait autre chose, quelque chose qui n’était pas là avant, quelque chose de lointain, de faible, une pulsation lente et régulière, lancinante, obsédante. Il n’entendait rien d’autre que ce battement sourd, comme un lointain tambour. Il posa sur Marcus un regard hagard, chargé de doute. L’autre se contenta de lui sourire en guise de réponse, ses yeux fixés dans les siens, ses lèvres s’écartant faiblement pour dessiner un sourire compatissant, ses yeux eux-mêmes semblaient avoir quelque chose d’humain. Puis il détourna la tête, regardant la petite porte et sa main se leva gracieusement, l’invitant à la franchir. Joshua tourna la tête dans la direction de Luther, noyé dans une brume écarlate en perpétuel mouvement. Il crût distinguer un sourire et un petit mouvement de tête encourageant au milieu du brouillard épais.

    Le battement semblait s’intensifier imperceptiblement, comme une invitation, Joshua fit un effort douloureux pour faire un pas vers la porte, puis un autre, puis encore un. A chacun d’entre eux, une douleur fulgurante lui vrillait la tête et sa vue se réduisait à un point, comme une lumière au bout d’un tunnel rouge. Le battement se rapprochait, devenait plus fort et plus forte était la douleur à chaque pas. Il franchit la porte. Il se trouvait dans une salle sombre et vide, à l’exception d’une masse rougeâtre et imposante dans un coin. De là provenaient les battements. C’était là que se trouvait son salut, c’était la que se trouvait sa fin, sa déchéance, c’était là que se trouvait la vie et c’était là que la mort le perdrait définitivement. Le battement l’appelait, il se remit en marche.

    Le premier pas lui arracha un gémissement de douleur. Il avait l’impression qu’une main invisible l’avait broyé lorsqu’il avait esquissé son mouvement, il avait senti ses os grincer, frotter les uns contre les autres. Et pourtant, pourtant il devait continuer. Il y eut un cliquètement métallique étouffé et un bruit d’étoffe froissée. Quelque chose remua dans la masse sombre, Joshua fit un pas. Le battement s’accéléra subitement, s’emballant un court instant avant de reprendre un rythme plus régulier mais toujours rapide, il y eut un petit cri étouffé, comme un lointain écho de son gémissement, Joshua fit un pas. Quelque chose se redressa soudainement dans un raclement râpeux et un sifflement d’air, Joshua fit un pas. Quelque chose remua, mouvement indistinct dans la brume écarlate, quelque chose l’observait. Le battement eut un nouvel à-coup et s’accéléra de nouveau, Joshua fit un pas. Le bruit lui martelait les tempes, broyait son crâne, sans répit. Il lui sembla entendre une voix, faible et lointaine, une voix dont le timbre lui était familier mais dont il ne saisissait pas les paroles, couvertes par le tambourinement, Joshua fit un pas.

    Il distingua enfin quelque chose dans la masse sombre devant lui. Elle prit la forme d’un lit à baldaquins dans lequel était assise une silhouette qui semblait le fixer de son invisible regard. Les épaules de l’ombre se soulevaient étrangement, en de petits mouvements saccadés. Le regard de Joshua fut attiré par autre chose, sur son cou, presque imperceptible, si léger, il ne voyait rien d’autre désormais, rien que ce léger tressaillement, à contretemps du battement, ce mouvement furtif, là, juste sous la mâchoire, vainement dissimulé par une mèche de cheveux. Il tendit les mains, les posa sur les épaules de l’ombre, toujours hypnotisé par le tressaillement, assourdi par le battement, sourd à la voix de l’ombre, une voix de femme, inquiète. Le battement ralentissait, se calmait un peu. Sa bouche s’entrouvrit, il sentit un picotement au niveau de ses gencives. Des mains vinrent se poser sur les siennes, si douces, si chaudes, il se pencha en avant. L’ombre tenta de se dégager, ses mains serrant celles de Joshua dont la poigne la retenait prisonnière, mais en vain. Joshua plongea vers le tressaillement, le battement s’éleva à un rythme jamais atteint jusque-là tandis qu’un cri strident s’élevait. Il planta ses dents dans le cou de l’ombre, au niveau du tressaillement et referma ses mâchoires. Les mains de l’ombre tentaient vainement de le repousser, le frappant, le griffant, il sentit quelque chose céder sous la pression et un liquide chaud éclaboussa ses lèvres desséchées.

    Joshua se redressa lentement, savourant l’instant, il se sentait si bien, si fort. La sensation de soif s’en était allée, de même que le voile rouge devant ses yeux. Le battement et les cris avaient disparus eux aussi, ainsi que la chaleur du corps de l’ombre, qui s’était révélée être une jeune femme aux cheveux bruns lorsque la vue de Joshua était redevenue normale. Ses doigts desserrèrent leur étreinte, le corps sans vie s’affala dans le cliquètement des chaînes qui enserraient ses poignets. Les traces de griffure sur le dos des mains de Joshua s’effaçaient déjà, comme absorbées par sa peau laiteuse. Il regarda le visage de la jeune femme un moment, il était pâle mais ses yeux étaient fermés et ses traits étaient paisibles. La profonde blessure dans son cou était masquée par une mèche de cheveux, comme un voile pudique jeté là pour cacher la vérité, laisser penser qu’elle n’était qu’endormie. Mais elle était morte, Joshua avait senti la flamme de sa vie être soufflée par la froide bourrasque de sa soif. Pendant un instant fugace, il ressentit une sensation étrange, une sorte de tiraillement dans sa gorge, mais elle disparut aussi vite qu’elle était née. Le visage de la jeune femme, par contre, resta gravé dans sa mémoire.

    Le deux fois né se retourna et se dirigea vers la porte pour retourner auprès de Marcus et Luther, prêt à vivre à nouveau. Un léger courant d’air filtra entre les planches qui obstruaient l’unique fenêtre de la petite pièce, désormais silencieuse, et juste au dessus du visage de la jeune femme, rendu serein par la mort, naquit un imperceptible filet de brume violette.

    A+

  15. Une seule chose à dire .... woah!!! Un tel boulot, une telle rigueur me parraîssent vraiment incroyables. Je tiens à te tirer mon chapeau, Imperator, pour un tel travail.

    J'ai pris bonne note de la majorité de tes corrections. Je tiens cependant à essayer de clarifier la situation quant au dernier passage que tu cites, le fameux :

    Celui là avait été coriace, mais après tout, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu le loisir de se battre et l’odeur du sang répandu sur le sol moussu de sa douce contrée était tellement plus subtile et agréable que celle du sang de nobles dont il se repaissait habituellement dans des gobelets d’or finement ciselés.

    Je suis d'accord qu'il y a une rupture dans le style, mais il est vrai aussi que le point de vue change, on passe de celui de Joshua (enfin, si on considère que dans son état il a encore un point de vue) à celui du jeune homme (Luther, de son doux prénom) et je considérais que cette petite réflexion qu'il se fait à lui même pouvait aider à cerner son caractère.

    Après, si ça ne va vraiment pas, je modifie. Tu sembles de toute façon beaucoup plus calé que moi en matière d'analyse de texte.

    Pour Korelion, 3 heures (plus 2 minutes) de soleil!! Je ne suis pas sur de survivre. Je te lègue mes CV?

    Sinon, en ce qui concerne la colline, pas d'erreur, c'est bien elle qui est percée de portes (dans le plus pur style entrée de cave/crypte d'ailleurs).

    Enfin, pour le chambranle, chose promise chose due (chose naine tant qu'on y est) :

    CHAMBRANLE : n.m (latin, famille de camera => chambre)

    Encadrement d'une porte, d'une fenêtre, d'une cheminée

    Taken from Le Robert pour Tous

    et toc!!

    Ahh, hem, tiens, tant que j'y suis, voila la suite. Bonne lecture.

    Luther conduisit Joshua, toujours chancelant, dans un dédale de couloirs sombres. Les murs semblaient se refermer sur eux, comme les mâchoires d’une bête gigantesque, exhalant un parfum doucereux de moisi et de renfermé. Quelle importance pour ces êtres qui n’avaient plus à respirer les vapeurs méphitiques, qui ne goûteraient plus jamais au doux parfum d’une fleur ou à la fragrance fugitive d’un sous-bois détrempé par la rosée ? Les couloirs se succédaient, les murs étaient couverts de tableaux anciens, craquelés par le temps, desséchés. Ces personnages à l’œil dur et au maintien altier que Joshua apercevait à travers une brume rouge, un fin voile vermeil qui était tombé devant ses yeux depuis l’entrée dans la bâtisse, ces visages jeunes, craquelés par des rides qui n’étaient pas les leurs, semblaient le reflet de son propre dessèchement. Ses jambes ne lui obéissaient plus, elles se contentaient de suivre la mesure du pas de son compagnon, résonnant sur les dallages de pierre, produisant un son étouffé sur les tapis et les peaux de bêtes jetés par endroits sur le sol.

    Lorsque Luther s’arrêta devant une lourde porte richement sculptée après avoir monté un interminable escalier en colimaçon, Joshua faillit tomber, pris au dépourvu par l’arrêt soudain de son soutien. Il fit un effort pour relever la tête. La porte semblait se tordre devant lui, comme une étoffe que l’on froisse, comme la surface d’un lac qu’une pierre vient troubler…comme le bouillonnement d’une cascade rouge dans un bassin. La porte s’ouvrit sans que Luther ait fait un geste, révélant un salon sombre, éclairé par un unique lustre, les rares bougies luisaient faiblement au milieu de pendants de cristal opaques. Sur le mur d’en face, une fenêtre condamnée était flanquée de deux commodes basses en bois verni ornées de longues roses d’or et d’argent.

    Les portraits en pied de deux personnages étaient accrochés au-dessus des commodes. Celui de gauche représentait une jeune damoiselle au teint pâle, au doux regard mélancolique, vêtue d’une simple robe d’un bleu pâle sur laquelle tombaient ses longs cheveux noirs tressés. Dans sa main délicate, une frêle rose aux pétales d’un rouge pastel qu’elle semblait tendre à une main invisible. Elle était assise sur un banc de pierre sculptée, à l’ombre d’une charmille, de rares rayons de soleil perçaient la voûte sylvestre. Son regard accompagnait sa main tendue, un pâle sourire éclairait son visage. Le tableau de droite représentait un jeune chevalier en armure, agenouillé, les mains jointes posées sur le pommeau de son épée qu’il tenait devant lui, la tête baissée sur la garde en une muette prière. Son visage était masqué par les mèches blondes de sa chevelure qui s’échappaient de sa cagoule de mailles scintillantes. Son heaume au cimier en forme de dragon tenant dans ses griffes une coupe d’or était posé à son côté. Son armure brillait à la lueur des cierges de la chapelle dans laquelle il se trouvait, noir était son tabard et l’annulaire de sa main gauche, débarrassée de son gantelet, était cerclé d’une bague d’argent ciselé.

    Dans le mur à la gauche de Joshua était percée une vaste cheminée dans laquelle une imposante bûche terminait de se consumer dans un faible rougeoiement. Au dessus du foyer, gravé dans la pierre, se dessinait le blason à tête de loup que Joshua avait déjà vu. Le mur à sa droite était presque totalement recouvert d’étagères poussiéreuses sur lesquelles étaient entassés des livres aux reliures de cuir sombre, à l’exception d’une petite porte qui s’ouvrait dans le fond de la pièce. Les livres sur les étagères étaient de taille et d’épaisseur diverses mais au milieu de tous semblait trôner un livre à la couverture noire enluminée de roses d’or et d’argent.

    Au centre de la pièce était dressée une petite table ronde, recouverte d’une nappe blanche, sur laquelle étaient disposés en cercle neuf gobelets d’argent ciselé et une coupe d’or ornée de pierres précieuses d’un violet sombre et miroitant, tous étaient vides. Autour de la table se trouvaient neuf fauteuils et une haute cathèdre de bois richement sculptée qui faisait face à la porte. Les fauteuils étaient vides mais la cathèdre était occupée par un homme que Joshua perçut clairement à travers le voile rouge qui obscurcissait sa vue. Il semblait les attendre et Luther, qui sembla tout d’abord étonné, s’inclina profondément, entraînant Joshua dans son geste. L’homme était vêtu d’une chemise d’un blanc pur et tout aussi blancs étaient ses cheveux qui tombaient en cascade sur ses larges épaules que l’âge n’avait pu voûter. Autour de son cou brillait un pendentif en forme de rose semblable à celui de Luther mais dont la finesse et le raffinement étaient sans égal. Suspendue à une chaîne d’argent aux maillons finement ciselés, elle reposait sur un gilet de velours noir qui se fermait sur la chemise, n’en laissant apparaître que le col, et semblait luire d’un éclat froid. Sur ses épaules était jetée une cape noire à la doublure d’un violet profond, ourlée d’or et d’argent. Ses mains étaient toutes deux posées à plat sur la table, des mains aux longs doigts osseux, dépourvus de la moindre bague, terminés par des ongles parfaits, d’un blanc laiteux. Son visage, presque aussi pâle que ses cheveux de neige, était celui d’un vieil homme. Il resplendissait cependant d’une vigueur à peine ternie par le temps. Les traits tirés, presque émaciés, étaient fermes et bien dessinés. Il rayonnait de ce visage une autorité sévère et une force de caractère extraordinaire. Le regard de l’homme, d’un pâle bleu d’acier aux imperceptibles reflets rougeoyants, semblait capable de transpercer la pierre, d’arracher vive l’âme des mortels. Ses yeux avaient tout vu, tout et les rides qui se dessinaient sur son visage n’étaient que broutilles par rapport à l’âge qu’ils trahissaient. Ses lèvres étaient plissées en un sourire énigmatique, satisfait mais aussi tellement cruel. Elles se mirent en mouvement tandis que l’homme prenait la parole d’un ton solennel, de sa voix basse, au timbre harmonieux.

    « Salut à toi Joshua, je te souhaite la bienvenue dans ma demeure. Je suis Marcus von Carstein, seigneur et maître de ces terres, Patriarche de l’Ordre de la Rose d’Or et Gardien du Savoir. Je sais que ton voyage a été difficile et que tu dois te sentir las et affamé, aussi serais-je bref, d’autant plus que l’aube approche. Il est nécessaire que tu te nourrisses et cela exige un certain rituel. La transformation que tu as subie ne sera vraiment achevée que lorsque tu auras pris ta première vie. Alors tu seras, comme nous, un deux fois né et ton esprit s’ouvrira, le voile qui obscurcit ton regard se lèvera. Mais tu dois renaître seul, il nous est désormais impossible de t’aider. Franchis la porte, et deviens ce que tu dois devenir. »

    La porte dans le mur de droite s’ouvrit avec un grincement.

  16. Par le Grand Cornu, un tel aveuglement est en effet impardonnable. Deux minutes de soleil en guise de pénitence, :blushing:

    Je vais également réduire le nombre d'hommes bêtes et rajouter quelques blessures (même pas mal d'abord), même si la nature désordonnée de l'assaut des hybrides (et donc le fait qu'ils ne soient pas à dix en même temps sur le vampire) me laisse penser qu'il a une chance (parce que d'abord, les vampires, c'est les plus forts, :innocent: )

    Donc, quelques corrections à apporter, merci encore.

    Voila tout ce que j'ai pu écrire ce soir, il faudra malheureusement vous en contenter pour un petit moment.

    Le jeune homme réveilla Joshua lorsque la diligence eut franchi les grilles du manoir. L’aube ne tarderait pas à poindre et il ne fallait pas perdre de temps. Joshua, qui ressentait toujours ce dessèchement, ce vide intérieur, se redressa sur la banquette. Il regarda pensivement par la fenêtre tandis que la diligence remontait une allée en pente douce, bordée de pins aux aiguilles sombres et légèrement luisantes sous le clair de lune. Il n’aurait pas su dire depuis combien de temps il avait dormi. Le parc semblait à l’abandon. Ca et là, il entr’apercevait de pâles statues noyées dans le lierre, de petits murs abîmés délimitant des vergers dans lesquels plus aucun fruit ne pousserait jamais, des étendues d’herbe sombre rongée par une mousse rampante, des bassins d’eau stagnante… un reflet de lui même en quelque sorte, terne et usé. Il tourna la tête. Le jeune homme le regardait avec intérêt, son sourire ironique avait refait son apparition.

    « Nul besoin d’être pessimiste. Tout ira mieux lorsque tu te seras restauré. Nous sommes presque tous passés par là. » Le jeune homme semblait capable de lire dans ses pensées. Son sourire s’élargit encore un peu.

    « Tu en seras bientôt capable toi aussi, prends patience, le temps n’est plus un obstacle désormais. »

    Joshua ne chercha pas à percer l’énigme, il replongea son regard par la fenêtre, juste à temps pour voir se dessiner le manoir. C’était une bâtisse sombre et lugubre mais imposante, constituée d’un seul corps, sans ailes, posée sur une petite butte de terre percée de portes vermoulues, menant sans doute à des caves froides et humides. Sur une vaste terrasse à laquelle on accédait par une large volée de marches fendues et craquelées s’ouvrait un portail à deux battants sculptés et renforcés de clous de bronze à tête ronde. De part et d’autre de la porte s’élevaient deux colonnes rondes, surmontées chacune d’une gargouille de pierre aux ailes repliées. Joshua compta pas moins de douze fenêtres de chaque côté de la porte. Les volets étaient fermés et condamnés par de lourdes planches de bois clouées en travers. Plus haut sur la façade sur laquelle grimpaient des lianes de lierre blafardes, les fenêtres étaient plus rares, il n’y en avait tout au plus que quatre par étage, toutes obstruées de la même façon. Au-dessus du quatrième étage commençaient les toits, masse sombre et gondolée de tuiles d’ardoise d’un noir bleuté sur laquelle fleurissaient de petits clochetons, des lucarnes condamnées et des cheminées. Et au dessus de cette masse, surplombant d’une dizaine de mètres l’ensemble du manoir, s’élevait une tour, sombre et solitaire, qui semblait prendre ses racines derrière le bâtiment. La toiture en était encore plus délabrée que celle du reste du bâtiment, il manquait ça et là des pans entiers de tuiles qui révélaient une charpente complexe de lourdes poutres. Sur les côtés du bâtiment, les dépendances étaient peu nombreuses : une écurie plongée dans l’obscurité et ce qui semblait avoir été un bâtiment pour les domestiques, à la lisière d’un sombre bois de pins.

    La diligence s’arrêta, présentant son flanc à la volée de marches qui montait à la terrasse. Joshua en descendit, toujours soutenu par le jeune homme, gravit péniblement les marches rendues glissantes par les plaques de mousse humide que vomissait la moindre faille dans la pierre, traversa la terrasse d’un pas incertain et arriva finalement devant la porte. Les poignées étaient elles aussi sculptées en forme de rose, et une cloche noircie était fixée au chambranle. Le jeune homme ne prit pas la peine de sonner, faisant entrer Joshua sans plus de cérémonie.

    Ils se trouvaient maintenant dans un long vestibule, éclairé par des flambeaux fixés aux murs recouverts de tapisseries anciennes mais bien conservées dont seuls quelques morceaux avaient subi l’assaut des moisissures. Une large porte s’ouvrait dans le mur en face d’eux, surplombée d’un écu de pierre gravé de la tête de loup à l’œil de feu que Joshua avait déjà vue dans la crypte et flanquée de deux consoles encastrées dans le mur. Sur chacune d’elle se trouvait un vase d’argent contenant une unique rose d’un rouge sombre. Dans les murs à droite et à gauche s’ouvraient deux portes, l’une en face de l’autre, sans ornement particulier. Un lourd tapis de brocart rouge recouvrait le sol, nulle dalle de pierre n’était visible.

    La main du jeune homme se posa sur l’épaule de Joshua.

    « Nous aurons tout le temps de visiter les lieux la nuit prochaine mais il faut nous hâter à présent. L’aube est proche et bien des choses doivent encore être faites. Au fait, je me rends compte que je n’ai pas eu le temps de faire preuve de la politesse la plus élémentaire, son sourire réapparut, il est vrai aussi que tu ne m’en as pas vraiment laissé l’occasion. Je m’appelle Luther, Luther von Carstein, initié de l’Ordre de la Rose d’Or. » Il avait prononcé ces derniers mots avec un certain cérémonial, son sourire avait laissé place, l’espace d’un instant, à une expression plus grave.

    « Faisons vite, ils nous attendent. »

    A+

  17. Oups, autant pour moi pour jais, l'accord et les parenthèses.

    Par contre, je ne vois pas en quoi "leitmotiv" est choquant, c'est un terme musical, soit, mais assez usité. Si vous pouviez m'éclairer un petit coup là...

    Enfin, je conteste pour "damasquiné" et pour "brut"

    Dans le premier cas, c'est le cuir (donc masculin) qui est damasquiné (même si j'avoue que "damasquinée", se reportant à la ceinture est tout à fait correct également).

    Dans le second, je suppose que c'est le bois qui est brut, je ne suis pas sûr mais une porte brute ça me parraît bizarre.

    J'avoue que certains passages (dont celui du carosse) sont un peu confus. Mais c'est censé représenter l'état de faiblese extrême dans lequel se trouve Joshua et sa perception plus que floue de ce qui l'entoure. J'essayerai cependant de le retoucher histoire de l'éclaircir un peu.

    Pour la suite, si elle n'est pas là ce soir, il faudra attendre un peu, j'en suis désolé.

    Merci de votre vigilance et de vos encouragements.

    A+

  18. Salut à tous, voila la suite, plus conséquente que les précédents morceaux (cela tient particulièrement au fait que j'avais promis un peu d'action alors qu'il me restait encore pas mal de chose à décrire et que je me serais fais lyncher si j'avais encore mis un passage full descriptif :wink: )

    Donc voila, bonne lecture (j'espère qu'il est à la bonne place cette fois, :'( )

    La porte pivota sur ses gonds pendant ce qui sembla une éternité. Mais lorsque le battant de bois s’arrêta tout contre le mur, nul ne se tenait derrière. D’où il était, Joshua ne pouvait voir que les quelques dernières marches d’un étroit escalier en colimaçon plongé dans l’ombre qui débouchait juste derrière la porte. Ce ne pouvait pas être un courant d’air, il avait distinctement entendu la poignée tourner.

    Le talon de son pied droit se décollait du sol de pierre dans une ébauche de pas lorsqu’un son parvint à ses oreilles. Un bruit de pas provenant de l’escalier. Son talon se reposa doucement sur le sol. Il ne ressentait pas la froideur des pierres, ni celle de l’air dans la salle. Il attendit. Le pas était lent, non pas lourd, mais lent, comme celui, triomphant, d’un loup qui se rapproche de sa proie épuisée, agonisante ; certain qu’il n’y a plus de raisons de faire vite désormais, savourant la terreur dans l’œil affolé de sa victime. Un pas que Joshua lui-même allait adopter de nombreuses fois, même s’il ne le savait pas encore.

    Il attendit, droit, aucune peur ne se lisait dans son regard. Elle ne pouvait plus l’atteindre désormais, savait-il même encore ce qu’elle était ? Aucun rougeoiement dansant sur le mur de l’escalier n’annonçait l’arrivée du marcheur, pourtant il était évident qu’il allait apparaître d’un instant à l’autre. Le pas était si proche désormais. Tout ce que vit Joshua fut une ombre, plus noire encore que l’ombre dans laquelle était plongé l’escalier, une ombre à forme humaine, grande et élancée qui descendit calmement les dernières marches et franchit la porte d’une enjambée.

    Sa botte fut la première chose à se dessiner dans la lumière vacillante des braseros sculptés. Elle sembla sortir du cadre sombre de l’ouverture de la porte. Une botte de cuir fin et souple, noir et terne auquel la semelle, taillée dans un cuir plus épais, était rattachée par de délicates coutures de fil d’or et d’argent entremêlés dans un écheveau complexe qui miroitait faiblement à la lumière des flammes. Sur les côtés, juste sous la cheville, deux lourdes boucles de métal faisaient la jonction entre deux lanières de cuir plus épais, l’une passant sur le coup de pied, l’autre au-dessus du talon. La lumière remonta le long de la jambe de l’ombre, révélant une échancrure dans la botte, un peu en dessous du genou, qui la séparait en deux replis qui retombaient de part et d’autre du tibia. Sur tous les ourlets se dessinait le motif scintillant des fils d’or et d’argent entremêlés. Le haut de la jambe était gainé dans des chausses de toile d’un noir de jais. Une ceinture de cuir damasquiné, à laquelle était suspendu un baudrier retenant des fourreaux incrustés de pierres précieuses et finement ciselés, à moitié dissimulés sous une épaisse cape de fourrure grise, faisait la jonction entre les chausses et la chemise de soie fine d’un violet profond. Un gilet noir ourlé d’or et d’argent, négligemment laissé ouvert sur la chemise complétait la tenue de l’apparition dont les bras, invisibles sous la lourde cape de fourrure jetée sur ses épaules et retenue autour de son cou par un ruban de soie violette noué, semblaient croisés dans le dos. Son visage restait cependant dans l’ombre, et seule était visible une rose aux pétales d’or et à la tige d’argent, retenue autour de son cou par une fine chaîne d’argent.

    L’apparition s’était immobilisée. Sa tête, toujours dans la zone d’ombre que les braseros en contrebas ne pouvaient dissiper, vint s’appuyer contre le chambranle de la porte, dans une attitude moqueuse et pensive à la fois. Il y eut un instant de silence que la voix mélodieuse et chargée d’une pointe d’ironie d’un jeune homme déchira soudain :

    « Le dormeur s’est éveillé à ce qu’il semble. »

    Joshua ne répondit rien, se contentant de fixer les ténèbres dans lesquelles les yeux de son interlocuteur continuaient de se réfugier.

    L’homme au visage d’ombre poussa un petit soupir, redressa la tête et s’avança dans la lumière, révélant le visage d’un jeune homme de vingt-cinq printemps tout au plus, lisse et agréable, mais d’une pâleur sépulcrale, encadré par des cheveux soyeux d’un blond pâle et qui lui arrivaient à l’épaule. La douceur de ses traits, presque féminins, le doux sourire un peu moqueur, les sourcils pâles et fins ; tout en lui faisait penser à l’incarnation de la jeunesse, espiègle et curieuse. Mais ces yeux … ces yeux n’avaient pas leur place dans un tel visage. C’étaient deux puits étroits, à la profondeur infinie, d’un noir brillant, encerclés d’un iris d’une nuance indéfinissable, entre le gris le vert et le bleu, qui semblait changer dès lors que Joshua la percevait et qui se teintait parfois imperceptiblement de rouge ou de violet. Deux gouffres étrangement fixes au centre d’un blanc légèrement injecté de sang, dans lesquels son esprit sembla plonger lorsqu’il les contempla. La salle s’assombrit tandis que la silhouette du jeune homme semblait se consumer dans une flamme d’un blanc insoutenable, ses yeux seuls restant visibles, le seul refuge pour le regard de Joshua qu’il ne pouvait détourner de ce flamboiement. Il ne voulait pas les voir. Ses mâchoires se resserrèrent, ses dents se mirent à grincer, il lui sembla que mille aiguilles d’une glaciale incandescence le transperçaient de part en part, les muscles de son cou se tendirent, il focalisa toute sa volonté sur une seule chose : détourner la tête, échapper à l’emprise des deux points noirs, perdus dans un océan blanc miroitant. Le sol se déroba sous ses pieds.

    Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était à genoux, le corps penché en avant, arc-bouté sur ses bras, ses mains, floues sur le sol de pierre, doigts écartés, comme deux insectes pâles. Il releva la tête, son regard escalada les marches de pierre qui menaient à la porte. Celle-ci était toujours ouverte, mais nulle trace du jeune homme.

    « Pas mal … pour un début. Je savais que tu en valais la peine quand je t’ai choisi. »

    La même voix. Dans son dos. Toujours la même pointe d’ironie. Comme une lame glissant sur une gorge. Joshua se releva, ses jambes semblaient incertaines de pouvoir le porter. Il était toujours dans la même pièce. Face à la volée de marches vers la porte. L’estrade était quelques pas à peine derrière lui. Sa vue redevenait nette, les détails semblant se dessiner d’eux-mêmes en sortant de cette mer de pierre indistincte. Il se retourna. Le jeune homme était négligemment adossé au réceptacle de pierre, le contemplant, à la fois curieux et moqueur. Ses yeux avaient perdu leur couleur changeante mais restaient froids et fixes. Joshua se raidit dans une attitude de défi, plongeant son regard dans celui du jeune homme.

    « Que m’avez vous fait ?

    - Moi ? il semblait intrigué et amusé par la question, mais rien ! C’est toi qui as regardé ce que tu n’aurais pas dû. »

    Son sourire, son insolent et insupportable sourire narquois, s’élargit encore un peu, révélant une dentition parfaite, d’un blanc de nacre. Joshua ne savait plus quoi penser. Le jeune homme était frêle mais il semblait en même temps tellement fort. Le poids de sa certitude et de son calme, ajouté à l’égarement de Joshua et à cette impression de faiblesse qu’il ressentait depuis sa chute dans les profondeurs du regard de l’autre firent qu’il abandonna son attitude défiante, son visage se détendit, il baissa le regard.

    « Allons, je comprends que tu sois un peu hébété mais nous allons remédier à cela bientôt. Cependant, il nous reste encore du chemin à parcourir et il serait bon de nous mettre en route de suite. »

    Le ton était moins arrogant, empli d’une certaine douceur ; le sourire du jeune homme avait disparu et il parut presque empreint d’une certaine compassion.

    Joshua escalada les marches en titubant, suivi par le jeune homme qui le soutenait sans chercher à le presser. L’escalier en colimaçon lui sembla ne pas avoir de fin, son regard errait sur les marches qui semblaient défiler sous lui, ses doigts étaient crispés sur la paroi de pierre suintante d’humidité, s’accrochant à la moindre aspérité. Puis enfin, il arriva devant une porte. Une porte de bois brut dont les planches à peine égalisées étaient retenues par deux barres de fer rouillées, parsemées de clous à tête ronde. Nulle torche n’éclairait l’escalier mais sa vision, bien qu’encore un peu floue, ne semblait pas pâtir du manque de lumière. Il poussa faiblement le battant qui pivota dans un grincement. Un courant d’air glacial lui fouetta le visage mais il ne tressaillit pas, malgré la finesse de la toge qu’il portait. La porte donnait sur l’extérieur. Il faisait nuit, Morrslieb luisait dans un ciel sans étoiles surplombant la forme indistincte d’une forêt à une vingtaine de mètres. Le long de l’orée se dessinait une route caillouteuse sur laquelle une lourde diligence semblait attendre. Les hautes roues cerclées de fer supportaient un habitacle d’un noir de jais percé de trois fenêtres derrière lesquelles se dessinaient des tentures d’un violet profond. Sur les portières, toujours les mêmes roses d’or et d’argent enlacées, comme un leitmotiv lancinant. Sur le toit de la diligence, une rambarde dorée ne garantissait la stabilité d’aucun bagage à l’exception d’un tas de chiffon déposé sur le siège du conducteur. Six chevaux à la tête ornée d’un plumet étaient harnachés à la diligence et attendaient, immobiles.

    Joshua n’avait pas souvenir de s’être jamais senti aussi mal. Une pensée fugitive lui traversa l’esprit : il n’avait aucun souvenir de quoi que ce soit d’antérieur au rêve. Il n’eut pas le temps de réfléchir à la question, le jeune homme semblait s’impatienter. Il se mit en marche vers la diligence d’un pas traînant, trébuchant et glissant dans l’herbe humide qui séparait le pas de la porte et le bord de la route. Le jeune homme vint se placer à son côté et le soutint jusqu’à la porte de la diligence qu’il ouvrit. Alors qu’il s’engouffrait dans l’habitacle, Joshua crût voir tressaillir le tas de chiffon, là-haut, sur le siège du conducteur, mais il n’y prêta pas attention, occupé à atteindre le haut marchepied et à se hisser péniblement dans à l’intérieur, toujours soutenu par le jeune homme qui monta gracieusement à sa suite. Joshua s’écroula sur une des banquettes. Il pût sentir la diligence se mettre en mouvement avant de sombrer dans un sommeil sans rêves.

    Il fut réveillé par le choc de sa tête avec un objet dur. Il était étendu sur ce qui semblait être un plancher de bois, sur le dos, et glissait irrésistiblement vers le pied d’une banquette noire. Un crissement aigu se faisait entendre, de même que le battement emballé de sabots sur le sol. Il y avait autre chose, une plainte grave et sourde qui semblait se répercuter tout autour de lui. Il lui sembla également entendre des cris rauques, des voix éraillées qui hurlaient dans un langage qu’il ne connaissait pas. Tout s’inversa brutalement : le crissement cessa ainsi que le bruit des sabots et il fut soudainement rejeté en arrière lorsque la diligence s'immobilisa totalement. Les cris et les plaintes, eux, étaient toujours audibles. Un grincement lui fit tourner la tête. Du côté de ses jambes, la porte s’ouvrait, révélant une face bestiale. Avant qu’il ait pu faire le moindre geste, il sentit quelque chose aspirer l’air derrière lui, comme si un tourbillon s’était formé dans son dos. Il vit comme un filet de fumée violacée entrer dans l’habitacle, passant par dessus l’épaule de la chose qui avait ouvert la porte et qui essayait maintenant de grimper à l’intérieur, passer au-dessus de lui, comme aspirée. Il essaya de reculer en rampant, pour se mettre hors d’atteinte de la chose dont la main aux ongles sales essayait de saisir sa jambe. Il y eut un chuintement dans son dos, la bête se figea, son regard attiré par quelque chose derrière Joshua que ce dernier ne pouvait pas voir. Il y eut un bruit humide, semblable à celui d’un paquet de neige qui tombe au sol, lorsqu’une petite boule noir et brillante frappa le visage de la bête après avoir survolé Joshua. La créature porta ses mains à son visage recouvert par la substance noire et tomba en arrière en poussant un braillement rauque.

    « Ils sont exaspérants ! Reste là, je m’en occupe. »

    Ces paroles, prononcées d’une voix lasse, résonnèrent dans l’habitacle, couvrant le bruit d’une lame que l’on dégaine et les cris au dehors. Joshua vit une jambe, puis une autre, passer au-dessus de lui, toujours étendu sur le sol. Il se rappela la diligence, le jeune homme, mais qu’était cette chose au dehors ? Le jeune homme, une longue épée au poing, descendit prestement de la diligence alors que les cris et ce que Joshua, ayant retrouvé un peu ses esprits, identifia comme des sonneries de cors redoublaient. Des silhouettes sortaient de la forêt, brandissant des lances primitives, des gourdins et des lames ternies. Elles se précipitaient vers le jeune homme qui, toujours au pied de la diligence, semblait les attendre, dans une posture de garde relâchée, l’épée à peine levée. Joshua se mit péniblement à genoux en s’aidant des banquettes de part et d’autre de lui, ses jambes refusant toujours de le porter.

    La première silhouette atteignit le jeune homme en hurlant, mais son cri mourut lorsque le jeune homme, ayant esquivé avec une aisance incroyable le coup de masse qui visait sa tête, la transperça de sa longue épée. Joshua se déplaçait vers la porte à genoux tandis que le jeune homme, se penchant un peu en arrière, posa son pied sur le torse de la créature hybride et d’une détente, la repoussa violemment, dégageant ainsi son épée de la poitrine de la bête avant de la faire tourner dans ses mains et de la décapiter d’un ample moulinet. Joshua atteignit la portière. Au pied de la diligence, le corps du premier homme bête terminait d’être dévoré par le fluide noir, qui ne laissait rien de la créature, si ce n’est un squelette noirci. Joshua reconnut là un des effets magiques du vent d’Ulgu, le vent améthyste, celui des temps anciens, des morts et des souvenirs. Il avait toujours pu le voir, courant violacé qui stagnait au-dessus des cimetières et des charniers, qui soufflait en tempête autour des morts sans repos. Il avait appris à le contrôler, comment ? il n’aurait pu le dire. Il le savait, c’est tout.

    Un hurlement effroyable le fit sortir de sa rêverie. Les cadavres de deux nouveaux hommes bêtes étaient étendus non loin de la diligence, le jeune homme se battait à présent contre trois d’entre eux à quelques mètres de Joshua. Ce dernier remarqua du coin de l’œil un homme bête de plus petite stature qui avait profité de la confusion pour contourner le combat. Il se tenait à présent à hauteur de la roue avant de la diligence et se rapprochait discrètement de lui. Son sourire vicieux révéla des dents gâtées mais terriblement aiguës tandis qu’il se rapprochait, serrant sa dague rouillée entre ses doigts griffus. Il y eut un sifflement et le sourire de la créature disparut lorsqu’une lame courbée jaillit de son torse dans un craquement d’os brisé et une explosion écarlate. La lame de faux se dégagea de la poitrine de la créature dans un raclement et celle-ci s’écroula comme une marionnette dont on aurait tranché les cordes, sans un bruit. La forme encapuchonnée sur le siège du conducteur ramena sa faux dégoûtante de sang à la verticale, à côté d’elle et ne bougea plus. Joshua ne voyait rien du cocher, si ce n’est sa cape qu’il avait tout d’abord prit pour un tas de chiffon sans vie.

    Son regard se tourna à nouveau vers le combat entre les hommes bêtes et le jeune homme, juste à temps pour voir ce dernier éventrer deux de ses adversaires d’un coup de taille circulaire tout en plongeant sous le coup de hache d’un troisième. Il semblait avoir été blessé à la jambe gauche mais ses gestes, toujours aussi fluides et gracieux, ne montraient aucun signe d’épuisement. Il y avait maintenant près d’une dizaine de cadavres étendus sur le sol, baignant dans un sang sombre et épais, d’un vermillon luisant. Il dégoûtait de profondes blessures, se répandait sur le sol en de larges flaques poisseuses qui ne cessaient de s’étendre. Joshua ne pouvait détourner son regard de cette marée écarlate, comme hypnotisé par les pâles reflets de la lune qui jouaient sur chaque goutte. Si beau, si bon. Sa bouche s’entrouvrit légèrement, il se sentait desséché, il fallait qu’il boive, sa survie en dépendait. Le bruit du combat avait disparu, le combat lui même avait disparu. Seule restait cette grandissante tache rouge au milieu des ténèbres. Il se laissa tomber en avant, par la portière. Il sentit quelque chose se briser sous lui lorsqu’il toucha la sol. Quelque chose avait été broyé par son poids. Il ne regarda pas ce que c’était. Il commença à ramper lentement, tellement lentement. Il lui semblait qu’il n’atteindrait jamais les corps. Ils semblaient fuir, secoués par des spasmes d’agonie. Ses doigts se plantaient profondément dans la terre, ses bras fournissaient un effort toujours plus douloureux pour tracter son corps privé de la force de ses jambes. Il rampa pendant ce qu’il lui parut une éternité, le bruit de gouttes qui s’écrasent au sol, amplifié des dizaines de fois, lui vrillait les tympans. Enfin, il lui sembla qu’il y était, sa main avait atteint le bord de la flaque, se noyant dans le liquide visqueux. Encore un effort, une seule traction, une seule fois encore, rien qu’une, les muscles de son bras devraient… et ensuite…

    Quelque chose l’agrippa par le col de sa toge, dans son dos.

    « Non ! Pas maintenant ! Pas ça ! C’est interdit ! »

    Il tenta de résister lorsque le jeune homme le tira en arrière. Ses doigts crispés ne purent qu’arracher une motte de terre sanguinolente. Il se sentit glisser en arrière, traîné par une force tellement plus grande que la sienne. Il ne put que regarder l’objet de son salut s’éloigner tandis que le monde réapparaissait tout autour : les arbres, l’herbe même sur laquelle il glissait. Quelque chose s’agrippa au bas de sa toge. Tout bascula soudainement, le sol s’éloigna , il se sentit flotter dans l’air, il vit tout d’abord se dessiner les bottes du jeune homme puis ses jambes, comme s’il s’élevait dans les airs tout en continuant de regarder le sol. Il passa au dessus de l’épaule gauche du jeune homme, survola ses cheveux, vit son dos se dessiner sous la cape grise, s’élevant toujours un peu plus haut. Puis il retomba. Son ventre heurta ce qui semblait être l’épaule droite du jeune homme, sa tête plongeait dans la cape de fourrure, percée et tâchée d'un peu de sang sous l'omoplate gauche, la blessure ne semblait pas le gêner. Joshua contemplait toujours le sol mais ne voyait plus à présent que les talons du jeune homme qui apparaissaient et disparaissaient au rythme de ses grands pas.

    Portant Joshua jeté comme un sac sur son épaule droite, tenant ses jambes au creux de son bras droit pour éviter qu’il ne glisse, le jeune homme se dirigea vers la diligence, jeta un regard torve au cadavre du petit homme bête, affalé au pied de la roue, enjamba sans efforts les éclats d’os noircis, seuls restes de l’homme bête foudroyé par son sort et déposa délicatement Joshua dans la diligence. Il retourna ensuite en arrière, récupéra son épée restée plantée dans le torse du plus gros des hommes bêtes. Celui là avait été coriace, mais après tout, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu le loisir de se battre et il s'était toujours réjoui de la mort de ses ennemis. Avant de retourner à la diligence, il laissa un avertissement : les hommes bêtes s’étaient montrés entreprenants ces derniers temps, il fallait leur montrer que le suzerain de ces terres n’acceptait pas que l’on remette son autorité en cause. Il retourna prestement à la diligence, une fois son travail achevé. Il devenait urgent de rentrer.

    Bonne fin de week-end

    A+

  19. Merci pour vos encouragements

    Alors, pour Korelion, le manque de "sentimentalité" dans ce passage est tout à fait justifié.

    Pour Inxi-Huinzi, la répétition du terme "boîte", bien qu'exrtêment inesthétique, provient d'un fait qui sera expliqué plus tard (ou plus tôt selon, le point de vue qu'on adopte). C'est le problème de cette hsitoire un peu chamboulée, les justifications viennent à la fin qui est en fait plus ou moins le début. :'(

    Korelion pourra vous affirmer que j'ai l'esprit plutôt retors mais tout devrait s'éclaircir. L'action ne devrait pas tarder à commencer non plus.

    Pour le "bonne lecture" à la fin du texte, c'est mal formulé mais il exprime en fait mon souhait que vous ayez eu du plaisir à lire le texte... bon, je retourne me coucher, j'ai mal au crâne :wink:

    A+

  20. Voila la suite, désolé pour le laps de temps important. Elle est un peu plus consistante que les morceaux précédents mais si vous n'aimez pas les descriptions, passez votre chemin... :wink:

    Joshua s’était réveillé juste à la fin du rêve. Il ne s’était pas dressé soudainement, le corps couvert de sueur, les yeux hagards, le cœur battant à tout rompre.

    Non, il avait simplement ouvert les yeux, et la vue qui s’offrait à lui était celle d’un plafond très bas, à quelques centimètres à peine de son visage. La pièce était sombre, aucune lumière ne brillait mais il n’avait pas de problèmes pour voir ce qui l’entourait. Il tourna précautionneusement la tête à gauche et à droite. Les murs et le plafond de l’endroit où il se trouvait étaient bosselés de façon régulière. Les bosses étaient rouges et duveteuses et dans les creux brillaient des petits disques métalliques, bombés et dorés.

    L’endroit était très étroit, il pouvait à peine s’y tenir allongé, tel qu’il était à présent, mais il ne se sentait pourtant pas oppressé par le confinement. Ses mains étaient croisées sur sa poitrine. Il était vêtu d’une ample toge blanche, ses pieds étaient nus et à sa main droite luisait faiblement un anneau doré, un crâne affublé d’une paire d’ailes de chauve-souris qui s’enroulaient autour de son annulaire.

    Même s’il se sentait bien dans cet endroit, sa curiosité le poussa à palper les murs, en quête d’une issue. Le plafond se souleva brutalement alors qu’il ne l’avait qu’à peine effleuré. Il bascula sur le coté. Il y eut un bruit, comme celui d’une pelle qui s’enfonce dans la terre. Un bruit sec et granuleux suivi d’un tintement métallique, puis plus rien. Ses yeux voyaient à présent un plafond de pierre, uni, terne et gris, si proche de lui qu’il aurait pu le toucher en tendant les bras.

    Ses doigts aux longs ongles prirent appui sur le haut des parois bosselées, là où s’appuyait le plafond rouge quelques instants auparavant. Il se redressa doucement, s’asseyant dans l’habitacle, le haut de son crâne effleurant le plafond de pierre. Il regarda de part et d’autre. Le plafond rouge était en fait le couvercle d’une boîte de bois poli, sombre et luisant. Des ferronneries couraient sur les côtés, représentant des roses d’argent aux pétales d’or. Elle était contenue dans une autre boîte, de pierre celle là, dont le fond était rempli de terre. Il en prit une poignée dans le creux de sa main. Elle était sombre et humide, de petites plaques de mousse blafarde et des aiguilles de pin d’un vert profond, presque noir, y étaient disséminées. Joshua la pétrit pensivement au creux de sa main, puis porta ses doigts à son nez. Ce mouvement avait semblé être un réflexe mais à présent, les doigts joints, maculés de terre sous son nez, il n’aurait pas su dire pourquoi il l’avait fait..

    Il rejeta la poignée de terre et se mit en devoir de sortir de cet endroit. Alors qu’il cherchait un moyen d’ouvrir la prison de pierre, son regard tomba sur le couvercle de la boîte de bois. Il n’en avait vu que l’intérieur jusqu’à présent. Il était tombé dans la terre et avait basculé sur le côté. Il s’appuyait maintenant sur la paroi de pierre. Les doigts de Joshua se refermèrent sur le bord du couvercle. Son pouce prit appui sur une des bosses rouges de l’intérieur tandis que le bout de ses doigts, cachés par l’arête du couvercle, glissèrent sur une surface lisse et polie avant de rencontrer un petit relief. Il fit basculer le couvercle, de façon à pouvoir en voir l’extérieur. Le petit relief que ses doigts avaient rencontré était une ferronnerie dorée en demi-cylindre qui suivait les contours du couvercle à quelques centimètres du bord. Une longue rose en relief, à la tige droite et argentée et aux larges pétales d’or, occupait la presque totalité de l’enceinte délimitée par la petite butte dorée. Joshua fixa pensivement la rose, ses doigts coururent dessus un moment. Il n’avait jamais vu une telle perfection. La rose semblait tressaillir chaque fois que ses doigts se posaient dessus, imperceptiblement, comme un frisson.

    Il arracha finalement son regard de la fleur de métal et se remit en quête d’une issue. Il scruta le plafond de pierre, espérant pouvoir y trouver quelque chose car il était certain de ne pas pouvoir déplacer une telle masse sans aucune prise. Son regard s’arrêta sur deux fentes dans la pierre, à la verticale de l’endroit qu’occupait sa tête lorsqu’il était allongé dans la boîte de bois. Les fentes étaient de dimensions suffisantes pour qu’il puisse insérer ses quatre doigts dans chacune d’entre elles. Il se recoucha donc dans la boîte et tendit les bras, inséra ses doigts dans les fentes et tenta de faire glisser la dalle de pierre en poussant vers ses pieds.

    A son grand étonnement, il y parvint sans peine. La dalle glissa avec un raclement sourd, révélant un nouveau plafond de pierre, beaucoup plus haut que le précédent et orné de clefs de voûte en forme d’écus sur lesquelles étaient peintes des têtes de loup au regard flamboyant. Le rougeoiement de flammes pour l’instant invisibles dansait avec des ombres mouvantes sur ce plafond richement décoré.

    Lorsque la dalle eut laissé un espace suffisant pour qu’il puisse s’extraire de la boîte, il se glissa prudemment au dehors. La salle était vaste. Le plafond était soutenu par d’imposants piliers ciselés en forme de roses enlacées montant vers la voûte. Les chapiteaux des colonnes étaient ornés de visages grotesques, grimaçants, tirant la langue, une lueur de folie dans leurs froids yeux de pierre qui semblaient le suivre à la lueur des flammes. Joshua compta trois piliers de chaque côté. Les murs latéraux étaient recouverts de pâles fresques représentant des danses macabres : soldats, moines, paysans, nobles, bûcherons, pages, étudiants et tant d’autres y étaient représentés dans une parodie de danse populaire. Dans leurs orbites vides brûlait une flamme et tous souriaient, comme seul un crâne nu peut le faire. La boîte dont il venait de s’extraire trônait sur une estrade de pierre, au centre de la pièce. L’extérieur était tout aussi lisse et uniforme que l’intérieur. Cela donnait une impression de malaise dans cette pièce si richement décorée, comme si cette chose n’y avait pas eu sa place. La pièce était éclairée par quatre braseros, un dans chaque coin. Ils étaient eux aussi artistement sculptés en forme de roses à la vaste corolle emplie d’huile ardente. Sur le mur du fond étaient suspendues deux bannières, de part et d’autre d’une longue rose d’argent et d’or. Sur chaque bannière où aucun pli ne se dessinait, était représenté un homme en robe de bure, dont le capuchon ne renfermait que ténèbres. Sur celle de gauche, les mains de l’homme étaient posées sur le pommeau d’une épée dont la pointe reposait entre les deux bosses formées par ses pieds dans la robe de bure. Sur celle de droite, l’homme tenait ouvert un épais volume à la reliure de cuir épais et aux pages parcheminées. Des fils d’or et d’argent tissaient un réseau complexe de roses derrière chaque homme, strictement identique sur chaque bannière.

    Joshua se retourna pour faire face au dernier mur, espérant y trouver une issue. Ce dernier était nu, sans aucun ornement. Deux volées de marches se rejoignaient sur un petit palier, à mi-hauteur du mur, devant une petite porte de bois poli mais sans autre ornement qu’une poignée d’argent.

    Il se dirigeait lentement vers les escaliers et la porte, lorsque la poignée tourna dans un faible grincement. Joshua s’arrêta. La porte s’ouvrit doucement.

    Bonne lecture, a+

  21. Heu... mes cours de bio sont assez lointains mais il me semble bien que les larmes sont composées de sérum physiologique (lire d'eau salée)

    Pour Korelion, les "il" succesifs renvoient essentiellement à Joshua.

    A+

  22. Voila la suite, comme promis.

    C'est encore assez court, désolé, mais je n'ai pas des masses de temps et je préfère un récit fragmenté mais non pollué par une certaine lassitude à un récit écrit d'un bloc sur lequel j'aurais du mal à me concentrer.

    Au milieu de la pièce en feu, son corps brisé adossé à un mur éboulé, Joshua se remémora ce qu’avait été son existence pendant les sept derniers siècles, cette parodie de vie qu’il avait menée.

    Chapitre 1 : Renaissance

    Tout avait commencé par un sombre rêve dans lequel son esprit semblait s’être égaré et dont il ne pouvait s’échapper. Il vit un corps, allongé sur un froid dallage de pierre éclaboussé de sang. Ce sang qui coulait de profondes blessures que la fine toge de lin et l’épais manteau de voyage du mourant n’avaient pas pu prévenir. Son lourd bâton orné de crânes d’oiseaux et de talismans dorés était brisé entre ses doigts qui ne semblaient de toute façon plus avoir la force de le tenir. Sa joue reposait sur le froid dallage et des gouttes écarlates se détachaient une à une de son nez sur lequel serpentait un filet de sang provenant de son front.

    Il ne ressentait rien. Il regardait simplement cette pitoyable créature, immobile sur la pierre, la brume qui rampait sur le sol semblait lui tenir lieu de linceul, s’enroulant doucement autour de lui. Il ne voulait pas la voir, il ne la connaissait pas. Mais il ne pouvait en détacher son regard. Son cou ne lui obéissait pas, il ne le sentait même plus. Il ne ressentait rien, pas même le battement de son cœur ou la régulière pulsation de sa respiration.

    Quelque chose attira son attention. Sur le visage de la créature, quelque chose se mêla au sang qui coulait. Quelque chose de liquide, de transparent, quelque chose qui ne pouvait être qu’une larme. L’être sanglotait doucement. Joshua regarda le coin de la paupière qui n’était pas dissimulée par le nez du mourant. Elle tremblait imperceptiblement. Et du coin de cette paupière naquit une nouvelle larme, petite masse d’eau salée qui grossissait doucement, au rythme de l’agonie. Elle se détacha doucement, sans un bruit et commença à rouler, à escalader l’arrête du nez délicat de la créature. Elle arriva au niveau du filet de sang, ralentit, s’arrêta, frémit un peu avant de disparaître, happée par cette masse rouge et poisseuse.

    Son regard revint à la paupière de la créature, mais tout mouvement l’avait abandonné. Plus rien ne bougeait. L’imperceptible crispation de douleur qui déformait ses lèvres un instant plus tôt avait disparu. Elle s’en était allée en même temps que sa dernière larme, son dernier soupir, l’étincelle de sa vie.

    Tout était calme à présent. Joshua sentit comme un soupir dans l’air, la fin d’une intense tension, la fin d’une épreuve difficile. Il ne pouvait toujours pas bouger. Son regard était fixé sur ce corps sans vie. La périphérie de sa vision devenait indistincte, comme si une brume sombre avait commencé à emplir la pièce, se déversant des murs. Elle se répandit rapidement et la dernière chose qu’il vit de la scène fut une goutte de sang se détachant du nez de la créature. Alors que tout disparaissait, il entendit le premier et le dernier son du rêve, le son humide d’une goutte s’écrasant sur la pierre.

    Alors que la brume semblait gagner son esprit, que ses pensées semblaient disparaître en même temps que le corps de la créature, Joshua fut tout à coup pris d’une certitude. Il ne savait pas pourquoi mais il n’avait jamais été aussi sûr de quelque chose.

    Ce visage mort était le sien.

    J'espère que ça vous plait, la suite viendra...plus tard

    A+

  23. Merci à tous pour vos réponses plutôt encourageantes. J'espère avoir le temps de poster la "suite" dès ce soir.

    Pour Imperator, il est vrai que j'ai eu un gros doute sur le premier passage dont tu parles. La phrase est un peu tordue et il manque une fin

    Du style " Lui qui avait toujours cherché à savoir ce que voyaient ses victimes dans leurs derniers instants, lui qui avait plongé son regard dans celui de tant de poupées brisées, un rictus sur le visage, tentant vainement de percevoir quelque chose dans ces yeux exorbités, déjà vitreux, n'y avait jamais rien trouvé "

    Même si la phrase sonne faux, il me semble tout de même qu'elle est compréhensible : le personnage fait une sorte d'introspection amère (du style "moi qui ait fait ceci-cela, au final je n'ai rien", le "au final je n'ai rien" étant passé sous silence, car assez évident)

    Il est vrai que tout ce passage est assez flou mais il me semble aussi que les phrases, bien qu'individuellement assez vides de sens, se soutiennent mutuellement. J'essayerai cependant d'y apporter quelques corrections.

    Merci encore pour vos commentaires, la suite ne devrait pas tarder.

    A+

  24. Voila un petit récit introductif, assez court, sur lequel j'aimerais avoir vos avis, histoire de savoir si cela vaut le coup que je continue où s'il est préférable pour tout le monde que je retourne à mes chers devoirs :wink:

    Voila la bête :

    Joshua se sentit glisser vers l’oubli.

    Les ténèbres l’entouraient et, pour la première fois depuis longtemps, il ressentait quelque chose. Le froid... une sensation de froid qui remontait le long de son bras brisé, qui se déversait depuis la profonde blessure dans son abdomen et des multiples contusions qu’il portait à la tête. Ses lèvres éclatées dessinaient cependant un pâle sourire, ironique et triste ; un sourire de victoire amère ; le sourire d’un homme qui avait dû sacrifier tout ce qui lui était cher pour vaincre.

    Lui qui avait toujours cherché à savoir ce que voyaient ses victimes dans leurs derniers instants, lui qui avait plongé son regard dans celui de tant de poupées brisées, un rictus sur le visage, tentant vainement de percevoir quelque chose dans ces yeux exorbités, déjà vitreux n’y avait rien vu, rien que son propre reflet, amer et torturé. Comme si, dans leurs derniers instants, ses victimes triomphaient finalement de lui en lui renvoyant cette image, preuve de son propre échec. Comme une lame dans la nuit, quelques gouttes de poison dans un breuvage délicat, comme…

    A quoi bon tout cela ? Il allait bientôt savoir, ultime récompense avant la chute dans les abysses auxquelles il s’était voué lui-même, au bord desquelles il s’était tenu sans hésitation avant de sauter. Le court fil de sa vie avait été tranché il y a bien longtemps déjà et pourtant il avait continué, il s’était relevé et avait poursuivi sa route, plus fort que jamais. Pendant près de sept siècles, il avait couru le monde, seul, à la recherche de ce qui lui avait été volé, de ce dont on l’avait privé. La quête touchait à sa fin. Il avait réussi.

    La mort tardait à venir le prendre, à le libérer enfin de cette vie éternelle dont il n’avait jamais voulu. Son regard erra un moment dans la pièce. Le combat y avait laissé de profondes traces. Les tapisseries anciennes étaient déchirées et en feu, les chandeliers et les braseros s’étaient renversés, répandant des braises ardentes sur le plancher marqueté. Les murs noircis étaient enfoncés par endroits, la porte avait volé en éclats et des gravats jonchaient le sol. Les vitraux n’avaient pas supporté les rafales d’énergie magiques qui s’étaient déchaînées dans la pièce. Le clavecin ne ferait plus jamais entendre sa mélodie lancinante. Le miroir… seul le miroir était encore intact mais il était lisse à présent et ne reflétait plus rien, rien que le mur rougeoyant contre lequel Joshua était écroulé. Il ne l’avait pas vaincu, pourquoi donc y aurait-il vu son image ?

    Il fut pris d’une violente quinte de toux. Quelle étrange sensation pour sa gorge dans laquelle l’air ne circulait plus depuis longtemps. Cela lui rappela les temps anciens, cette époque à laquelle il pouvait encore sentir la caresse réconfortante du soleil sur sa peau, quand apaiser sa soif ne l’obligeait pas à tuer, quand une simple lame ou la maladie auraient pu l’emporter. Mais cette époque était révolue depuis longtemps, morte en même temps que lui. Mais à sa différence, elle avait atteint le calme et l’oubli. Enfin, il allait pouvoir la rejoindre, rejoindre tous ceux qu’il avait occis et jouir du repos auquel il n’avait pas eu droit depuis si longtemps l’esprit tranquille, l’âme en paix, s’il en avait encore eu une. Il s’était vengé, il avait vengé la mort des siens. Tout n’allait pas si mal…

    Voila, j'attends vos commentaires

×
×
  • Créer...

Information importante

By using this site, you agree to our Conditions d’utilisation.