Aller au contenu
Warhammer Forum
  • advertisement_alt
  • advertisement_alt
  • advertisement_alt

Navregen


Shas'o Benoît

Messages recommandés

Glossaire restreint, mais où l'on apprend déjà beaucoup ( attention, ces renseignements ont une utilité dans l'intrigue, autre que de planter le décor !!! ). Certes il y a moins d'action; mais cela va revenir crescendo. Voilà la suite :

Quand le soir tomba, Bjorgkuln n’était toujours pas revenu de son exploration. Navregen savait qu’il n’avait pas à s’inquiéter plus que deux raisons. Il y avait deux explications : soit il avait décidé de faire cavalier seul, soit il n’avait rien repéré d’important à rapporter, et avait préféré poursuivre sa mission d’éclairage. Le premier cas était peu probable. Ils s’étaient tous enfoncés en plein territoire humain, et une petite bande de cavalerie n’aurait pas tenu longtemps sans soutien. Il suffisait donc de prendre son mal en patience, et d’espérer que rien d’inattendu n’empêche la réunion du clan.

Chacun s’installa auprès du feu, attendant désespérément un retour du beau temps. Il ne fallait plus compter sur le soleil pour réchauffer le pays de plus en plus glacé. Chaque orque maugréait dans sa barbe, se frottant les mains l’une contre l’autre. Tous s’endormirent, sombrant peu à peu dans un sommeil agité. Tous, sauf les sentinelles qui dansaient d’un pied sur l’autre, pour se maintenir éveillé. Nédacié avait planté sa tente à une distance respectable de la charrette où le wolfen, petit à petit, refaisait ses forces. Dans le silence de la nuit, seuls quelques cris étouffés de gobelins chamailleurs troublaient les ronflements des guerriers fatigués. Le chef de la tribu, débarrassé de ses pièces d’armure, avait posé son sabre à portée de main, sur un tabouret rudimentaire. Assis au bord du lit qui avait été celui de son père, il regardait les rares rayons de la lune éclairer l’entrée de son pavillon.

Il pensait aux esclaves de la tribu, parqués entre les chariots, ou bien, pour les plus chanceux, recroquevillés au pied de la paillasse de leur maître. La plupart n’avaient pas d’habits chauds, et ils ne tiendraient pas l’hiver dans ces conditions. Les plus intelligents des hoborques penseraient sûrement à leur laisser quelques vieilles peaux trouées, en guise de protection du froid. Mais en attendant, ils redoutaient tous l’arrivée des grands frimas. En tant que semi-orque, Navregen n’avait pas eu une condition bien meilleure qu’eux, autrefois. Son père, certes, faisait son possible pour le garder dans son entourage, mais la bienséance l’avait empêché de le faire accéder aux marques de son rang.

Il avait côtoyé les autres demi-sang, et tous avaient eu une vie dure, faite de brimades et de privations. Ce n’était pourtant rien, à côté des esclaves. A l’heure qu’il était, de nombreuses langues devaient se tordre, réprimant des malédictions. Il frissonna, se demandant si Nédacié pouvait ressentir les échos de toute cette rancœur, dans son esprit. Mais cela était peu probable : c’était un orque à la pensée fermée, rustique ; et encore fallait-il qu’il soit ouvert aux Vents. Navregen, lui connaissant quelques astuces.

Son père, une fois, lui avait dit que tous les êtres vivants pouvaient faire de la magie. Certains étaient plus doués que d’autres, voilà tout. Navregen et son père n’avaient aucune prédispositions, bien entendu. Mais d’après le vieux Karman, d’autres étaient capables de prodiges. Les bersercks étaient l’illustration de ce que l’on pouvait faire, rien qu’en sentant les Vents couler en nous. Pour quelqu’un de moins doué, il suffisait de beaucoup d’entraînement pour arriver à quelque chose. Lui ne s’était jamais entraîné, bien sûr. Il n’avait pas de temps à perdre avec toutes ces histoires. Mais il savait bien qu’un autre monde existait, un monde où les contes, les légendes et les rêves devenaient réalité. C’était en partie pour cela qu’il se défiait de Nédacié. Il n’avait pas envie de voir les portes de cet univers s’ouvrir devant un autre orque –même si cela devrait arriver un jour ou l’autre.

Le vent sifflait en continu. Le vrai vent cette fois, la tourmente impitoyable des montagnes déchiquetées des régions boréales. Le soleil ne viendrait plus sourire aux orques avant le printemps. Il fallait qu’il soit vraiment cruel pour faire souffrir les peuples de la terre chaque année. Navregen, une fois de plus, se demanda pourquoi les elfes noirs, les humains et les autres en parlaient avec respect.

Au matin, Navregen se rendit droit vers la carriole où le wolfen, bien réveillé, essayait de remuer ses pattes engourdies.

« -Salut, loup, lança le semi-orque, l’air grave. Komment vas-tu ?

-Bien, grogna le wolfen. Froid. Faim. »

Navregen hocha de la tête, et se tourna vers un des deux veilleurs. Le garde semblait peu rassuré, appuyé sur sa lance rafistolée. Il se mit au garde à vous aussi vite que possible :

« -Toi, ordonna Navregen, va chercher de la viande, et de la bonne.

-Oui, chaif !

-Loup, si tu as besoin d’autre chose, proposa Navregen, n’hésite pas à demander.

-Pas besoin orque médecine ! »

Le wolfen montrait les crocs, tournant la tête vers Nédacié qui arrivait en traînant les pieds, escorté d’une vingtaine de gobelins. L’apprenti-sorcier avait avec lui son grand bâton, sa robe, son casque à nasal et un collier de plumes sans couleurs. Il répondit :

« -Je ne m’y essaierai plu, alor. Tou le mond’ sera kontan.

-Tu parais soucieux, nota Navregen. Kelles nouvelles ?

-Bjorgkuln é pa rev’nu. Et pui, l’fon d’l’air sen pa bon. »

Navregen tressaillit, rassemblant les pans de son manteau. Un tremblement parcourut son échine, dressa ses cheveux noirs. Il croisa le regard du chaman, et garda le silence. Il sentait une gêne, lui aussi, mais n’arrivait pas à déterminer ce qui le tracassait. Navregen monta dans la charrette et s’assit à côté du wolfen, sans faire de commentaire. Parmi les petits gobelins, deux ou trois portaient des brassards déchirés ou des foulards en lambeaux, et affichaient la même gravité que leur patron. C’était clair, quelque chose préoccupait le charlatan, et cela lui faisait même oublier toute distance de sécurité avec le loup géant.

Navregen fit plier les bagages en un temps record, et la colonne quitta bientôt le campement de nuit. Derrière le sentier couvert par les empreintes des pieds lourds, une neige fine et trempée nettoyait les forêts, glissant sur les collines et les renforts des montagnes. Le chef des Plakdefer, marchant devant sa petite armée, n’écoutait même plus les discussions endiablées des lieutenants de la horde. Il marchait dans un mutisme complet, les bras ballants. Un flocon de neige tomba sur son sourcil droit, et il réalisa que les nuages gris les avaient rattrapés. Ruminant son dépit, il tira son sabre, et le brandit au-dessus de sa tête :

« -Faut s’dépêcher d’avancer, orks ! L’hiver est sur nos pas ! »

Les hoborques les plus dévoués relayaient le mot d’ordre vers l’arrière de la colonne. Navregen allait rengainer son long fer recourbé, quand une étincelle de lumière jaune dansa sur la lame effilée. Il s’arrêta une seconde, surpris, puis reprit la marche. Il avait dû rêver.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

petit, refaisait ses forces. Dans le

Plutot reprenait non ?

Bon ben c'est pas mal. Ce coup-ci, ca sera sur la magie. On dirait mon baratin dans l'Ascension d'un Héros mais moi je te dis qu'il snif la magie à plein nez le bonhomme ! :lol: Bon de la neige et un groupe disparu ! De là, on se demande forcement ce qui a pu leur arriver ! Alors souite ! :wub:

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Je sais pas, refaisait me semble correct. Voil àla suite :

Dans l’après-midi, ils avaient quitté les grandes forêts. Sous le couvert des derniers bosquets, ils avaient désormais la vue dégagée. La plaine coulait devant eux, surmontée au loin par les hauteurs sur lesquelles s’élevait la forteresse des hommes. Navregen prit aussitôt son parti, et envoya plusieurs kavaliers reconnaître les abords de la rivière. Il fallait trouver un gué au plus vite, pour traverser ce courant avec qu’il ne soit trop glacé.

Quand le soir revint, les Plakdefer s’installèrent au pied d’un taillis de bouleaux et de saules. Débarrassé de cette impression désagréable d’être épié, le chef de la horde regarda les dernières feuilles mortes tomber des branches par grappes, et couler dans les flots sauvages. Dans les anses boueuses du fleuve, une pellicule de glace se formait déjà. Les orques secouaient leurs pelisses, rangeaient leur bétail à l’abri des branches émaciées, et se groupaient pour passer la nuit sous leurs abris de fortune.

Bjorgkuln revint peu avant la nuit, ramenant sa petite troupe hétéroclyte. Ils furent salués sans enthousiasme : le froid devenait difficile à supporter, et tous passaient leur temps à se bagarrer pour se réchauffer, ou à se frotter les mains devant les feux.

Le vétéran alla aussitôt faire son rapport, et entra sous le pavillon aux toiles usées de son chef. Navregen l’attendait en silence, observant son reflet dans la lame courbée de son sabre. Il n’apportaient rien que son supérieur ne sache déjà : la forteresse des humains était au sud, sur le promontoire rocheux, à quelques jours de marche.

-On é toujour sur la bon’rout, affirma tout de même le vieux pisteur.

-Tu en es certain ?

-J’en métré ma min à koupé.

-Enfin une bonne nouvelle, le félicita le semi-orque. Kontinue comme ça, mon gars. Mais as-tu trouvé un koin pour franchir la rivière ?

-Ouaip, on l’a passée é retraversée ; y’a un moman où la rivière fé kom un koud’. »

Navregen hocha de la tête, puis se leva comme un ressort et colla le tranchant de son arme sur la gorge du vieil orque :

« -Kelle é la rézon d’ton retar, Bjorgkuln ?

-Ben, j’me sui di k’il s’ré bien k’on explor plus longtan en arrière…

-joue pas au plus fin avek moi. J’te rappelle k’c’é une arme elfik. Elle koupe enkore mieux k’la hache de Podfair, tu vois.

-Sûr, chaif. J’voulais dire… J’ai r’péré la rout k’ils ont suivi. On y s’ra en deux trois jours, pas plus. Juré !

-Konserve ta salive, tas d’mensonges ! Tu en auras besoin. »

Navregen fit un pas en arrière, abaissant sa garde. Puis il rengaina sa vivelame, et une étincelle dansa à nouveau sur sa poignée. Il sursauta et s’écria :

« -Tu as vu ça ?

-Vu koi, chaif ? demanda Bjorgkuln.

-Mon sabre !

-Ben oui ,c’est le vôtre, chaif. J’peux partir ? »

Le semi-orque opina, et le regarda quitter la tente. Peut-être n’avait t-il rien vu. Peut-être préférait t-il ne rien dire.

« -Un instant ! Bjorg… Bjorgkuln, c’est bien ça ?

-Oui chaif ?

-Tu n’as jamais songé à devenir chaman ?

-Pourkoi j’y auré sonjé, chaif ?

-Pour rien. Dégage. »

Bjorgkuln approuva d’un hochement de tête, puis pris congé. Il était las de ses chevauchées, lui qui préférait marcher. Pour la première fois depuis plusieurs mois, il éprouva le besoin de se délasser un peu. Il observa le courant, dans la rivière. Après tout pourquoi pas ? Il avait envie de se changer les idées, et il se décida à faire quelque chose d’assez inhabituel pour un orque. Il marcha jusqu’au bord de l’eau, tenant son cheval par la bride. Un instant, il observa son reflet à la surface. Dessellant sa monture, il posa son bardas sur le sol. Etant un renifleur, il partait souvent en mission, aussi emmenait t-il toujours ses affaires et ses trésors avec lui. Il n’y avait personne sur qui il puisse faire suffisamment confiance, dans la horde.

Il s’avança dans les hauts-fonds, jusqu’à avoir de l’eau jusqu’à ses genoux calleux. Il regardait toujours son reflet, les yeux froncés. Il songeait aux autres désavantages de sa vie aventureuse. Il n’avait pas de tente, pas de mobilier, pas de trophées trop encombrants. Pas d’esclaves non plus. En cet instant, cela lui manquait. Il aurait bien voulu deux ou trois humains pour l’aider à laver son cheval –et pourquoi pas une humaine pour le masser. Tant pis. Il se débrouillerait sans. Tirant toujours son compagnon de chevauchée, il se hasarda plus avant, ignorant les quolibets des autres orques proches. L’eau lui faisait du bien, détendant déjà les muscles de ses jambes. Il retira sa tunique : il aurait été trop bête de perdre toute cette crasse accumulée avec précaution. Au moment de la jeter sur la berge, il sentit quelque chose se froisser dans une des poches. Surpris, il plongea la main dedans, et en retira la feuille de chêne.

« -Garsh ! ricana t-il. J’l’avé oublié. Héhé… Nédacié s’ra konten, j’é un truk pour lui. »

Il jeta tunique et feuille sur les roseaux, et plongea tout entier.

Le chaman, certes, s’attendait à mieux. En fait, il était triplement perplexe. Primo, cette feuille de chêne pourrait t-elle lui apprendre quoi que ce soit ? Secundo, le tissu blanc pouvait-il être réutilisé en même temps ? Tertio, le jus de viande valait t-il la sauce de poisson ? Au premier abord, il n’avait pas réussi à identifier ce qui traînait au fond du chaudron, quand les gobelins le lui avaient rapporté. Ce n’est qu’après avoir plongé son doigt dans la bouillie et l’avoir léchée, qu’il sut qu’un des archers avait été assez chanceux ce soir-là pour toucher un canard. Il regretta de ne pas en avoir profité davantage, cela aurait amélioré son ordinaire.

Tout au long de la journée, une gêne maladive avait cru en lui. Enfin débarrassé de la présence du wolfen, il s’était replié dans sa tente rapiécée, espérant y retrouver le calme. Peine perdue. Un sentiment d’appréhension lui rongeait le cœur. Quand il s’était assis sur son lit, il avait trouvé la moitié de ses petits gobelins dans un état de prostration hébétée. L’un d’entre eux dormait d’un sommeil lourd, peuplé de cauchemars, et il avait fallu trois bonnes claque pour le tirer de ses rêves funestes. Tous ces mauvais présages l’assuraient que quelque chose de terrible allait bientôt se produire. Il se retourna vers le chaudron, en secouant sa cervelle : il fallait qu’il chasse ses idées noires, au moins pour un moment. Tout cela l’effrayait vraiment. Mais il n’était pas un chaman craintif : s’il voulait progresser, il fallait qu’il prenne des initiatives. Il décida de tenter le tout pour le tout, et jeta ses deux pièces à convictions dans la marmite qui bullait déjà.

Des images. Des sons. Déjà vus. Concentration.

Feuille. Chêne. Capuche. Manteau. Soldat. Cavalier. Fuir. Peur. Longue route.

Ils étaient fourbus. Une fois de plus, ils s’étaient arrêtés pour la nuit, autour d’un maigre feu. Lognobard restait fermé, le visage sombre. Il s’était chargé d’essayer de dissimuler leurs traces. Pour la première fois, ils s’étaient résolus à faire un feu. Le froid et la mort les guettait, ils avaient tous besoin de se réchauffer, et de manger un repas chaud, pour autant qu’on puisse appeler quelques miettes de pain un repas. Les deux svedingar qui avaient la garde des vivres étaient morts et leurs chevaux, perdus.

Espoir. Arriver. Colline. Forteresse. Gardes. Discussions. Stupeur. Salle d’audience.

« -Ma fille ! s’écria le seigneur Orinkard, jaillissant de son trône comme un carreau d’une arbalète. Que vous est-il arrivé ? »

Swegnine ne répondit pas. Elle avait réussi à conserver sa dignité tout au long du voyage. Mais en cet instant précis, arrivée devant la cour en robe déchirée, son manteau sali, ses cheveux décoiffés, elle oublia les convenances et se jeta dans ses bras, les yeux fermés. Orinkard la pressait contre son cœur, comprenant bien qu’elle avait dû passer par une épreuve :

« -Ma petite fille… Je n’aurais jamais dû te laisser partir. Tu es transie ! »

Lognobard s’approcha de la cheminée, un peu gêné par ces effusions auquelles il était peu habitué. Il garda ses doigts des mains écartés, glacé jusqu’aux os, et essaya de réchauffer son corps épuisé.

L’un des gardes se laissa tomber sur une chaise de la table du conseil, ignorant les regards courroucés des autres hauts propriétaires svedingars. Il commença à raconter leur voyage épuisant. Ils avaient grillé les étapes, par un temps incertain… Mais ils étaient de retour.

Modifié par Shas'o Benoît
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

pavillon aux toiles usées de son chf. Navregen l’attendait en silence
qu’elle avait du passe rpar une épreuve :

Bon juste de petites fautes d'inattention !

Le fond, le passagge avec le retour de l'éclaireur. La magie dans l'épée ou en lui. Proposition de promotion de shaman que va til faire de l'autre dans ce cas.. Enfin façon de parler parce que c'est pas exactement ce qu'il a dit. Voyons donc voir comment ça va se passer avec les n'humains ^_^

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 3 semaines après...

Les humains ne sont pas encore là... Attention, de l'action imminente les gars. Bonne lecture !

Le matin se levait que la horde était déjà en pleine marche. Les essieux grinçaient, les gobelins se battaient dans les brumes du matin, et les guerriers hurlaient plus qu’ils ne bavardaient. Tous étaient échauffés, colériques. Le chef de la tribu avait fait lever le camp peu avant l’aurore, secouant les sergents, les groupes de gobelins jonchant le sol et les gardes des chevaux. Puis et il avait demandé à Bjorgkuln de guider tout ce beau monde vers le gué qu’il avait emprunté la veille.

Toute cette activité fiévreuse avait excité les guerriers, qui voyaient une bataille se profiler dans un avenir proche ; c’était tout ce qu’ils souhaitaient. Grognant et frappant leurs glaives sur leurs boucliers, ils poussèrent les carrioles et sautèrent sur la croupe de leurs robustes montures. Les cris et commandements fusaient d’un bout à l’autre de la colonne, les rares emblèmes étaient brandis au bout de leurs piques, déchirant le brouillard de leurs lambeaux de tissu. Plusieurs groupes se mirent à chanter des balades populaires, parlant de massacres, de feu et de flots de sang.

Tressolid suivait l’avancée de l’avant-garde, posté sur une petite colline abritée par les saules pleureurs. Le millier de créatures s’approchait déjà des rives, et des dizaines de microcéphales gambadaient dans les hauts-fonds, à la poursuite des crapauds. Il posa ses deux mains gantées de fer sur la garde de son épée, dont la pointe était fichée dans le sol meuble et gorgé d’eau. Des nuages gris, une pluie fine dégringolait lentement, lustrant son plastron bombé. Il releva la visière de son casque, exhalant un nuage de vapeur, et grogna :

« -J’me d’mande si c’é bien là-bas k’on va. »

Il regardait une colline, au sud, surmontée d’une petite forteresse carrée, taillée dans des blocs de pierre noire. Elle était située à l’extrême pointe d’une chaîne de montagnes, dont les flancs étaient déjà couverts d’une couche de givre blanc. Il était évident que cette proie si proche excitait les troupes. Il comprenait aussi que la garnison de cette place-forte les avait sûrement déjà repérés.

« -C’t’une belle choz, é n’import’kel chaif ork rèverré d’la prendr’ pour en fair’sa baz. »

Celui qui venait de parler était un jeune hoborque de son entourage, à peine âgé de quinze ans. Il s’appelait Fratrissid, un nom qu’il avait gagné quelques années après sa naissance. Il portait un vieux sarrau rapiécé, surmonté d’une tunique en cuir brun, ainsi qu’une paire de braies d’un bleu délavé et deux bottes solides en peau d’ours. Un carquois pendait dans son dos, et il jouait avec la corde de son arc, en tirant quelques notes discordantes. Il l’avait tendu à bloc, et écoutait les vibrations monotones avec un sourire mitigé. C’était une arme qu’il avait taillée lui-même, dans le tronc d’un if. Il en était assez fier, et n’aurait accepté de tirer avec aucune autre, pas même un arc sylvestre.

Tressolid ne tourna pas la tête de son côté. Avec ce jeune freluquet, il comptait encore neuf ou dix autres spadassins à ses autres, tous dévoués à sa cause. Ils se tenaient tous à ses côtés, regardant avec lui la progression de l’armée. Il ne savait plus s’ils s’étaient joints à lui par admiration, par crainte, ou parce qu’ils étaient ses fils, ou encore parce qu’il le leur avait vigoureusement recommandé. Tout ce qu’il comptait, c’était qu’aucun n’aurait discuté son autorité. Il fit une grimace, et répondit en crachant par-terre :

« -J’é aukune envi d’m’installé dan un koin kom sa. San konté k’resté o même endroit tro longtemps n’é jamé bon pour dé pillards ork kom nou.

-Ouais, mé j’suis sûr k’un chaif kom vou s’ré kapable de prendr’un kastel kom çui-ci.

-En tou ka, pas c’gringalé d’Navregen. » nota Tressolid, en tirant sur son épée pour la dégager de la terre. Il la rengaina, et se retourna pour ordonner à ses acolytes de rejoindre la formation, quand il s’arrêta, éberlué. Ses suivants l’imitèrent, se demandant ce qui pouvait l’inquiéter, mais ils comprirent bientôt.

Une clameur sourde et lointaine, et pourtant toute proche, montait du nord. Leurs yeux ne distinguaient rien, entre les troncs touffus des bois et des forêts, mais les corbeaux et les oiseaux des bois s’envolaient à tire d’ailes dans toutes les directions, et des nuages de poussière s’élevaient au-dessus des rares bandes de terre dégagée, obscurcissant le ciel. Pire que tout, des étincelles, des claquements de foudre et des fragments d’éclair dansaient entre les branches, les racines et les feuilles des arbres. L’air surchargé en électricité semblait s’animer d’un feu intérieur. En l’espace d’une seconde, l’onde d’énergie frappa leur groupe, et l’énergie statique libérée se déchargea dans leurs mains et leurs pieds. Fratrissid laissa tomber son arc, ses mains tétanisées. Tressolid fut recouvert d’une pellicule de poussière lumineuse, sifflant à la surface de son armure de plates. Les maille sde sa broigne cliquetèrent, et son cœur se mit à battre à tout rompre dans sa poitrine, jusqu’à lui arracher un grognement de douleur.

« -Vit, fau r’joindr’la hord ! » maugréa t-il, arrachant avec peine ses pieds du sol. En descendant la pente de la colline, il observa que les brins d’herbes étaient tous dressés vers le ciel, comme tirés par quelque main invisible. Dans la colonne, le désordre était indescriptible. Les gobelins se jetaient dans la rivière en gémissant, et en ressortaient comme des boulets de canon, secoués de convulsions. Les chariots gémissaient et versaient sur le côté, propulsant leurs occupants et leurs chargements dans la rivière. Les guerriers couraient en tous sens, effrayés par les premiers éclairs zébrant le ciel. La foudre frappait maintenant au hasard, enflammant d’un coup des saules et des peupliers.

Podfair et Navregen rallièrent le peu de soldats encore relativement calmes, et organisèrent la traversée dans le coude de la rivière. Bjorgkuln passa en tête, franchissant les eaux à fond de train. Son cheval grimaçait et piaffait, terrifié par l’atmosphère déchaînée. Déjà, les premiers rangs de la horde se jetaient dans les flots, sans se soucier de la manière dont ils atteindraient l’autre rive. Ceux qui ne passaient pas par le gué se retrouvaient emportés par les vagues, et disparaissaient dans les lacets du fleuve.

Tressolid arriva enfin au bord de l’eau, et secoua la tête en voyant les poissons sauter comme des diables des flots tumultueux. Quelle diablerie était à l’œuvre ? Il se fraya un passage jusqu’au semi-orque, qui hurlaient aux orques de passer tant qu’il était encore temps. Les chefs d’esclave poussaient les captifs devant eux, les gobelins s’agrippaient les uns aux autres tandis que les chefs d’attelage essayaient de rassurer les bœufs et les chevaux épouvantés.

« -Dis voir, le d’mi-sang, ke s’passe t-il ?

-Si seulement je l’savais ! Faudrait d’mander à ce bon-à-rien de chaman. Mais où est-il ? »

Alors seulement ils se rendirent compte que Nédacié était introuvable. Vociférant quelques jurons bien sentis, Tressolid fonça dans la masse de peaux-vertes, ruant à droite et à gauche. Les soldats s’éparpillaient dans la campagne, une moitié seulement tentant de passer les eaux en furie. La moitié des charrettes avaient été abandonnées, et l’hoborque ne tarda pas à retrouver celle de tête. Le conducteur était mort, écrasé par la chute des chevaux attelés qui gisaient sur le flanc, leurs pattes brisées. A l’arrière, le wolfen attendait, les poils hérissés. Tressolid recula instinctivement, quand ses yeux croisèrent ceux du fauve. Mais le carnassier semblait plus effrayé qu’hostile. Il tournait autour des planches brisées, ses griffes crachant des flambées d’étincelles.

Au milieu des toiles salies et renversées dans le sable, Nédacié gisait silencieux. Ses gobelins étaient étendus sur le dos, tous plus ou moins morts. Ils se tenaient la tête, leurs traits figés par la souffrance. L’un s’était étouffé en essayant d’avaler son chapeau pointu en tissu grossier. Tressolid tendit la main vers le chaman, pour essayer de le relever. Dès qu’il le toucha, une décharge d’énergie passa dans son bras et l’engourdit. Il bondit en arrière, en beuglant d’effroi : quelques flammes, oui du vrai feu ! Dansaient sur ses doigts brûlés. Il retira à la hâte son gantelet, dont le métal commençait à prendre des teintes rougeoyantes, et le jeta dans l’herbe où il se mit à grésiller.

« -Aaaaaaaaaaaaaah ! »

Nédacié bondit comme un fou, la gueule grande ouverte. Du sang coulait par ses oreilles et son nez, et ses mains tordues semblaient pianoter dans le vide. Il était secoué de tremblements effrayants, et ses cheveux d’un noir étincelant ressemblaient à une crinière. Ses yeux révulsés tentaient de quitter leurs orbites, et il plissait les paupières. Une sueur glacée ruisselait sur son front, ses tempes, son menton. Appuyé sur la charrette renversée, il tonitrua :

« -ARRETEZ CELA ! NON ! NON ! IL APPROCHE ! »

Secoué comme une marionnette, il se jeta vers son bâton et l’agrippa des deux mains. Toutes les nervures et les marques dans le bois crachèrent des flammes, jusqu’à ce qu’il plante la pointe du madrier dans le sol.

L’onde magnétique déchargée dans le sol se répandit dans les environs, provoquant nausées et vomissements. Tressolid surmonta ses haut-le-cœur et recula encore, se demandant si son épée fondrait s’il la plongeait dans le cœur du mage. Mais il n’eut pas besoin de le faire, car Nédacié épuisé se laissa tomber comme un chiffon sur son bâton, tenant encore à peine debout. Sa langue claquait et pendait dans sa bouche, murmurant des mots incompréhensibles. L’hoborque saisit son courage à deux mains et assomma le sorcier de sa main encore protégée. Le chaman tomba de côté, serrant toujours fermement son gourdin de deux mètres. Tressolid l’indiqua de la pointe de son épée :

« -Toi, l’monstre-loup, ramass’moi ça si tu veux pas ke j’te tu.

-J’aime pas ce type, protesta le wolfen.

-Fé le, faut bien k’tu serv’à kek’choz.

-Attention, sale ork. Tu n’aimes pas Navregen. Je te hais.

-Parfé, ricana Tressolid, se tournant vers deux soudards qui passaient à côté de lui. Vous deux ! Ramassez l’chaman, et ramené-le sur l’aut’rive. »

Il les planta là tous les deux, ne vérifiant même pas si ses ordres seraient écoutés. Il en avait assez, de toute cette pagaille. IL ramassa son gant encore tiède, et dégaina sa lame, dont les deux tranchants ruisselaient d’une rosée rouge. Il ne savait pas si la crainte de ses réprimandes l’emporterait sur l’effroi provoqué par le wolfen, mais il ne s’en souciait pas encore.

Deux éclairs déchiquetèrent le ciel ; ceux-ci venaient de derrière les collines, au lieu de tomber des nuages noirs. Il frissonna, comprenant soudain qu’ils étaient poursuivis. Il courut en avant, écrasant sous ses bottes plusieurs malheureux. Renfilant son gant à la hâte, il revint devant Navregen qui invectivait les peaux-vertes réticentes. Près d’un quart de la horde avait traversé les flots, ou était en train d’essayer.

Navregen gardait près de lui ses amis semi-orques, les encourageant par quelques paroles. Il se sentait plus que jamais vulnérable. Dans cette cacophonie, n’importe quel chef orque aurait pu profiter de la confusion pour l’attaquer par traîtrise. Quand la silhouette bringuebalante de Tressolid approcha, il crut voir sa dernière heure arriver. L’hoborque hurlait de douleur, secoué de soubresauts. Une nuée d’énergie torturait les plaques de son armure. Entre les jointures, des arcs magnétiques rentraient dans sa chair, et la grille de sa visière filtrait des bouffées d’électricité qui torturaient sa face.

« D’mi sang, hurla le chef orque entre deux hurlements, Nédacié… C’é pa lui.

-Bien sûr ke non, souffla Navregen, il n’est pas assez fort.

-Ce sont lé Trémajiks ! cracha Tressolid, avant d’avancer dans la rivière pour soulager sa torture. Des rideaux de vapeur fumèrent autour de ses jambes pesantes. Il gémit de satisfaction, malgré les éclairs qui traçaient des cicatrices indélébiles sur son front.

« -Par la tête de Karman ! jura Navregen. Ce n’est pas possible… »

Une montée de douleur parcourut tout son corps, explosant dans son crâne.

« -Arrêtez ! gémit-il. Non… ARRETEZ CETTE… CE… »

Il tomba à genoux, libéré par la douleur. Courbé en avant, la tête baissée vers le sol, il respirait par saccades. Dans le sable cristallisé, des gouttes de sang tombaient peu à peu, teintant la poussière de rouge. Il plaqua une main sur son nez, pour enrayer l’hémorragie, et tenta de retenir les larmes qui roulaient sur ses joues.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Puis et il avait demandé à Bjorgkuln de guider tout ce
Les maille sde sa broigne cliquetèrent, et son cœur
IL ramassa son gant encore tiède, et dégaina sa lame, dont l

Hop pour le peu de fautes !

Bon alors je dois dire que je pige rien dans cette partie ! Pas que c'est mal écrit et tout mais qu'on sait pas ce qui se passe et on est aussi dérouté qu'eux ! Mais je pense que c'est voulu ! :D Donc là, je suis vraiment pressé de lire la suite. Il est en train de mourir en fait Tressolid ? Parce qu'on aurait dit ! Enfin toutes les réponses dans le prochain épisode alors vivement ! :skull:

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ouah!

Super épisode. On peut dire que tu sais bien manier le suspens toi. Une seule chose à dire (à part de ne plus nous laisser en suspend comme ça): La suite!

Sinon, tes orcs sont toujours aussi naturels. Je m'en rend compte maintenant parceque je me retrouve absolument dans leur bordel. C'est parfaitement désorganisé.

Sinon, parcequ'il faut que je te le dise, il n'y a qu'une erreur qui m'a dérangé, mais Inxi l'a déjà relevé.

Et d'ailleurs,

Il est en train de mourir en fait Tressolid ? Parce qu'on aurait dit !

Je suis d'accord, mais en fait tout le monde à l'air de mourrir (Nédacié aussi, ses gobelins le sont...).

Derniere chose: Je croyais que Tressolid allait attaquer le wolfen quand il refuse de transporter le chaman. J'ai pas compris pourquoi il le fait pas finalement.

Hexeoclann

Modifié par Hexeoclann
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

En fait Tressolid a encore peur du wolfen : il sait que malgré sa propre force et son armure de plate, ses chances de survie face à un wolfen sont minces... Oui, c'est des saletés de méchantes bêtes, les wolfen.

Merci pour tous vos commentaires. Puisque vous ne voulez pas rester dans le suspense, j'ai pris sur moi et je vous ai pondu la suite. Bonne lecture, donc :

Peu à peu, des bribes de phrases parvenaient à ses oreilles bourdonnantes. Quelqu’un le tirait en arrière, le soutenant en-dessous des épaules. La voix de Deuzelle résonna, excitée :

« -Chef Navregen ! Par tous lé dieux, réveillé-vous !

-Ça… peut aller, je…

-Alors, r’gardez là-haut ! »

Le lieutenant le remit sur pied de force, et se tut. Le silence s’établissait tout le long de la rivière, dont le torrent déchaîné s’apaisait quelque peu. Les éclairs s’espaçaient, dissipant leur énergie dans l’air saturé de chaleur. Des ruisseaux de boue et de neige fondue dégoulinaient partout, et les arbres roussis achevaient de se consumer. Les nuages effilochés se mêlaient encore, ruminant quelques sombres tempêtes.

Au sommet des collines, à moins de trois cents mètres de la horde en désordre, se tenait une tribu de Trémajiks. Drapés de tabards longs, de robes fendues ou de longues tuniques colorées, les orques sorciers agitaient leurs sabres recourbés et leurs sceptres magiques. Au milieu de la foule, nombreux étaient ceux portant de longues perches ornées de crânes de corbeaux, de queues de renard ou de colliers de dents. Leurs chapeaux informes tombaient sur leurs épaules bossues, et leurs ceintures de cuir supportaient des besaces pleines de potions en tous genres. Plusieurs parmi eux dépassaient leurs camarades de deux têtes. Leurs costumes étaient plus riches, plus travaillés. Des ribambelles d’étoiles maladroites étaient dessinées sur les franges de leurs manches, et leurs bâtons sculptés palpitaient de lumière noire. Leurs yeux enfoncés brillaient d’une étincelle de vie plus glacée que l’acier.

Il n’y en avait pas plus de deux ou trois cents, mais les Plakdefer avaient pu constater à quel point ils pouvaient s’avérer dangereux. Ils les avaient vu rivaliser de sortilèges avec les elfes, et ils savaient que le cataclysme qui s’estompait n’était qu’une bagatelle. Navregen secoua sa tête encore endolorie, et serra fermement son sabre dans ses mains calleuses. Il avait repéré le chef de leurs poursuivants.

C’était un vieil orque de haute stature, portant un large bouclier marqué d’un glyphe de protection. Une cape faite de plusieurs peau de loup cousues entre elles le recouvrait à moitié, mais laissait voir sa tête borgne, coiffée d’un casque à triple corne. Il semblait plus grand que Podfair, plus fort que Tressolid, et bien meilleur magicien que Nédacié. Il tenait une très longue pique dans sa main droite, et quand il l’éleva vers le ciel dans un cri de victoire, le semi-orque parvint à mettre un nom sur ce visage balafré : Curg Bihax Kidnac. Il s’agissait là du meilleur des chamans du chef de horde des Trémajiks. Lui et sa bande s’appelaient « lé Plind’fureur » ; quand il fallait faire appel à la magie plutôt qu’à la force ou à la ruse, personne ne les surpassait de ce côté-ci des Grandes Montagnes. Le chef de toutes les hordes avait du ressentir la défection des Plakdefer comme un affront cuisant, pour avoir lancé quelques uns de ses meilleurs éléments sur leurs traces.

Curg Bihax Kidnac reposa le bas de sa lance dans le sol noirci de la colline, et étendit les bras, invitant ses lieutenants à le rejoindre. Cinq orques couverts de fourrures, de colliers et de lanières nouées se présentèrent à lui, accompagnés par des dizaines de gobelins à l’air grave, disparaissant sous des toges trop longues pour eux. Les mages orques restèrent à bonne distance et écoutèrent ses quelques ordres. Quand le chef chaman s’exprimait, un souffle chaud et humide sortait d’entre ses mâchoires édentées. Il avait perdu la plupart de ses crocs dans un combat de jeunesse, mais il n’en avait nul besoin : les mots sortaient de sa gorge, gutturaux, rauques, sans avoir besoin que sa langue flasque ne s’agitent. Son œil droit d’un blanc laiteux portait encore la cicatrice qui l’avait éventré, mais il reflétait la lumière du jour comme un prisme. Son autre orbite, injectée de sang, observait tour à tour ses proches collaborateurs. Quand les premières paroles jaillirent, aucun ne put réprimer le frisson de crainte qui les agita :

« -Orks, on va vit’finir not’mission. L’chaif dé hord nou z’attend. Ach’vé moi ça.

-Pa kestion » rétorqua une voix dans son dos.

Curg se retourna, agacé. Il avait reconnu la présence de l’esprit de son interlocutrice, avant même que sa bouche ne s’ouvre. Maghara avait une résonance spirituelle plus que détestable. Il lui suffisait d’exister pour envenimer les pensées des personnes voisines. Curg sentit instinctivement l’animosité, la colère et la frustration naître et grandir au sein de ses subordonnés. Lui-même éprouvait une furieuse envie de tuer, mais il avait assez de force de tempérament pour canaliser cette hargne vers celle qui en était responsable. L’espace d’une seconde, il ferma son œil valide, mais ce qu’il vit l’écœura tant qu’il rouvrit l’autre : mieux valait encore voir le monde réel, mêlé des spectres de l’au-delà. Une aura de malveillance flottait autour d’elle, telle une nuée de serpents sifflants.

Maghara croisa les bras, serrant contre elle son épée démoniaque dont les rouages et les cliquetis résonnaient comme un carillon d’outre-tombe. L’orque vampire découvrit ses crocs pointus dans un sourire cruel et poursuivit :

« -L’chaif des Hord’ a dit k’il fallé ram’ner Karman vif, pour l’faire payé kom y fo.

-M’é bien égal, répondit Curg en serrant tant sa pique que ses doigts blanchirent. Nou z’autres lé Plind’fureur, on fé kom on l’enten not’guerre. On va tout simplement lé kramé, koz k’on n’é dé Trémajiks.

-C’é justement pour empêché ça k’le chaif dé hord m’a expédié avek vou. Faites votre boulot é vite, j’é pas k’ça à faire. »

Curg Bihax Kidnac restait mitigé, balançant entre écœurement et exaspération. D’ordinaire, il n’y avait que le chef de tous les Trémajiks pour oser lui donner des ordres. Il n’acceptait que les siens. Et voilà que cette créature, cette vampire contre nature voulait lui en remontrer ? L’envie lui prenait de la dépiauter vive, mais il hésitait. Il ne souhaitait pas souiller son esprit au contact de cette… chose. Il revint donc vers son lieutenant le plus fidèle, un grand échalas qui suçait continuellement des boules de ferhor, un alliage or-fer aux propriétés magiques aussi célèbres qu’intéressantes :

« -Kazléchoz, c’é toi ki va t’chargé d’porté mon dernié avertissement. Dis-leur k’on veut Karman, et k’ils nous suivent sans fair’ d’histoires.

-Zog mag, chaif chaman. »

Kazléchoz s’inclina avec déférence et descendit la pente de la colline, suivi par quelques gobelins le front bas, tenant le fourreau de son épée et son chapeau effiloché. Il s’arrêta à mi-pente, et prit son épée à deux mains. Autour de lui, une sphère de lumière ocre ondulait, épousant les mouvements de son corps. Il ne s’attendait pas à ce que l’un de ces imbéciles de Plakdefer lui décoche une flèche, mais on ne savait jamais.

« -J’port’la parole de not’chaif chaman Curg Bihax Kidnac. Karman, viens t’rend’à nous maint’nant, avant k’il soit trop tard. Et vou lé Plakdefer, r’passez la rivière. On r’tourne au berkail, sans autre incident. »

Il y eut des murmures et des gémissements dans l’assemblée en contre-bas. Sur l’autre rive, les orques épuisés se lamentèrent et se disputèrent, refusant de retraverser le cours d’eau qui enflait de nouveau. Enfin, un semi-orque se détacha du premier rang. Il était encadré par plusieurs soldats de sa condition. Il portait une longue cape en peau d’ours, le heaume de Karman et un sabre qui avait tout l’air d’être elfique, à en juger par son image spectrale. Le demi-sang prit la parole :

« -Karman est mort, et je suis l’nouveau chef de klan des Plakdefer. »

Kazléchoz marqua une pause, certain que tous ses confrères avaient entendu la réponse. Il masqua sa surprise et rétorqua :

« -Si c’é toi ki kommande, alors vient à nous. Tu d’vras répondre de cette fuite.

-Je regrette, commença le demi-sang, qui déglutit avec peine. Je refuse. »

Kazléchoz caressa le pommeau de son épée. Il allait pouvoir faire montre de ses talents. A moins que… Qu’il n’accepte d’obéir aux ordres. Tout bien pesé, enfreindre un commandement direct du chef de toutes les hordes au sud des Montagnes n’aurait pas été une bonne idée. Il répondit :

« -Alor, ke propoz-tu, demi-sang ? Toi et les tiens, vous n’avé pas z’une chance.

-Possible, mais venez seulement vous battre un à un, sans vos petits sortilèges. »

Kazléchoz ricana à voix haute, puis comprit que la proposition était sérieuse. Alors, sans attendre l’autorisation de son mentor, il franchit d’une traite le reste de la distance qui le séparait du jeune présomptueux.

« -Voyons de koi tu es kapable, freluket ! »

Navregen avait déjà dégainé, et son sabre zébra le manche du bâton, interposé juste à temps pour protéger la gorge du mage. Kazléchoz bondit alors en arrière et sortit une dague à long manche de ses robes battantes. Les deux adversaires révélèrent leurs crocs, sourcils froncés. Conscients que tous les regards étaient braqués sur eux, ils se préparèrent, aux aguets. Navregen frappa à nouveau, manquant de trancher l’extrémité rugueuse du bâton. Le mage répliqua par un coup de poignard, esquivé aussitôt. Le semi-orque enchaîna plusieurs bottes qui firent reculer son adversaire, mais le sorcier se servait de sa perche comme d’un bouclier, et frappait avec force contre la lame recourbée en acier elfique. Le chef des Plakdefer savait que son arme n’était pas faite pour résister à des chocs frontaux, et il tenta d’égorger proprement son opposant. Kazléchoz recula à temps mais y laissa une mèche de cheveux. Il grogna de colère, et administra à son ennemi un vigoureux coup de manche en pleine poitrine. Navregen tituba et reprit son équilibre, juste à temps pour stopper un nouveau coup de poignard. Son sabre dérapa et trancha deux doigts au chaman, qui glapit de douleur.

Une nuée d’étincelles bleues dansèrent autour de sa main droite, et son bâton s’enroba d’une couche d’éclairs crépitants, qui balayèrent d’un coup tout le flanc gauche du demi-sang et le jetèrent en arrière, encore secoué de petits arcs douloureux.

« -Sale traître… »

Kazléchoz triomphait intérieurement, mais écarquilla les yeux en voyant la main gauche du semi-orque s’agripper à la perche malgré la couche d’étincelles bleues, pour l’empêcher de le transpercer. L’instant suivant, le fer effilé de la vivelame coupait proprement la trachée du mage orque, qui tomba à genoux, puis se noya dans ses robes.

La confusion s’empara des orques, tant des Plakdefer que des Trémajiks. Quoi, ces magiciens n’étaient pas immortels ! Un murmure outragé flotta sur les mages.

« -En voilà assé ! beugla Curg Bihax, en brandissant sa lance vers le ciel. Achevons-lé ! »

Le blizzard n’attendait qu’un nouveau signe de sa part pour redoubler de violence. Tonnerre et foudre se déchaînèrent dans une furie apocalyptique. Des brasiers naissaient du néant, dévastant des carrés de forêt. Le chant de guerre des Plind’fureur s’éleva entre les nuages fracassés, excitant la colère des éléments. Chaque bâton, chaque voix vibrait d’une puissance intérieure presque visible. Des vagues soufflaient sur les pentes, renversant les combattants comme les arbres. L’eau bouillonnait et gelait tout à la fois, prenant au piège ceux qui s’y réfugiaient. Loin au nord, un véritable mur de neige et de glace descendait vers le sud, arrachant les bois et les collines.

Maghara se fraya un chemin jusque dans le dos du chef chaman, à moitié secouée par les bourrasques successives. Même en hurlant de toute la force de ses poumons, les mots ne parvenaient pas à atteindre les oreilles de l’hoborque. En ouvrant la bouche, elle révéla ses canines en triangle, et avala des paquets d’eau froides, ce qui exacerba sa fureur :

« -Vous, autenthik imbécile ! K’avez-vous fait ? »

Curg restait interdit, sa mimique de frustration changée en un masque d’incrédulité : il n’avait jamais voulu ça ! Qui… Qui avait osé pervertir son sortilège ? Son regard tomba sur ses apprentis et ses disciples, la plupart s’enfuyant vers l’est ou l’ouest. Certains étaient tombés, flambés d’un coup par les boules de feu tombées du ciel, ou électrocutés par les foudroiements du ciel. Les gobelins couraient, déments, la langue pendante. Certains de ses lieutenants ne parvenaient plus à supporter la douleur psychique et hurlaient à pleine voix, essayant de s’arracher les cheveux ou de se griffer le visage. En contrebas, la horde des Plakdefer refluait en désordre. Le flux et le reflux des vagues les propulsaient sur l’autre rive, plus rapidement encore que s’ils y étaient allés à pied sur sol ferme. Le chef chaman brandit à nouveau son arme aigüe, et tonitrua :

« -J’sé pa ki tu é, mé t’é sûrement parmi eux ! Tu vas payé ! »

Nédacié se réveilla, secoué par un cauchemar bien réel. Les yeux écarquillés par la douleur, il s’appuya aux deux orques qui essayaient de maintenir sa tête hors de l’eau. Il lui semblait que des dragons, des serpents de mer et des pieuvres géantes fusionnaient autour d’eux pour dévorer leurs corps clapotants. Puis ils se retrouvèrent étendus sur le dos tous les trois. Un sable plus dur que de l’acier froid les accueillit : ils étaient sur le sable de la rive sud, trempés jusqu’aux os, et pourtant plus chauds que des braises. Leur peau commençait à roussir, au contact du sol plus glacé qu’un diamant. Il luisait telle une obsidienne géante. Nédacié se rendit compte qu’il tenait encore son bâton, et le planta d’instinct dans la terre vitrifiée. Les paroles qu’il prononça, il ne savait pas le moins du monde ce qu’elles voulaient dire. Une voix les lui chuchotait t-elle dans son oreille douloureuse ?

Une sphère de lumière rouge étincella au bout de son bâton, et finit par l’englober complètement. Il était maintenant plié en deux, ses genoux enfoncés dans la terre dure qui l’absorbait dans sa tiédeur. Il écouta alors les échos de la voix de son ancien et défunt maître. Une zone de confinement, voilà ce qu’il fallait. Le jeune mage épuisa alors ses dernières ressources dans cet ultime sort, qui dissipa toute forme de perturbation mentale autour de lui. Enfin libéré, il laissa son esprit vagabonder dans une semi-conscience.

Autour de lui, le tumulte se poursuivait crescendo. Les survivants dansaient, véritables marionnettes folles. Les gobelins sautaient par bandes, s’agrippaient à tout ce qu’ils rencontraient et hurlaient dans des tons toujours plus aigüs. Sur les collines au loin, les derniers Trémajiks qui chantaient encore abandonnèrent, livrant leur incantation à elle-même. Ils en avaient perdu tout contrôle, et tentèrent de se sauver dans la fuite. La moitié d’entre eux furent foudroyés dès qu’ils rompirent le contact spirituel avec leurs semblables, les autres furent frappés de folie ou de paralysie, avant d’être purement et proprement évaporés.

Le sortilège débridé atteignit son paroxysme. La tempête du nord arriva au-dessus d’eux et creva, transformant l’atmosphère en un four gigantesque, un fluide transformé en un bain d’une intense activité. Curg Bihax Kidnac était peut-être le seul à pouvoir encore se diriger sans perdre pied. Il sautait d’un fragment de réalité à un autre, traversant le courant des pulsions destructrices. Ce qu’avaient pu devenir Maghara, Navregen ou n’importe qui d’autre, il s’en moquait. Il cherchait le responsable de ce fiasco. Tel un limier suivant le sanglier à l’odeur, il humait les parcelles de vie, de cette vie qui s’opposait à la sienne. Une eau dorée ruisselait du fer tordu de sa lance, qui ne parvenait plus à garder sa cohérence. Même son propre corps commençait à s’altérer, et c’est au prix d’un effort de volonté surhumain que le chef chaman parvint à avancer encore vers son ennemi spirituel. Autour de lui, le rideau de feu continuait de descendre des nuages éventrés.

Au dernier instant, la réalité se déroba sous ses pieds. Un énorme disque de nuit plus sombre que la mort s’écarta devant lui, véritable porte vers les angoisses les plus profondes. Dans cette noirceur invisible, des yeux innombrables stridulaient. Curg Bihax Kidnac n’eut pas le loisir de se déporter, et le portail se referma autour de lui, emportant son corps torturé, son esprit indécis et son hurlement de rage impuissante.

Ils claquèrent d’un seul coup, libérés de leurs contraintes, ces nuages noirs qui se fracassaient les uns contre les autres. Une pluie bienfaisante délava le pays, nettoyant les plaies de cet affrontement abominable. Les gouttelettes lavaient les têtes, les épaules, les bras aux muscles vidés de toute énergie. Les survivants des Plakdefer, de leurs serviteurs et de leurs esclaves se recroquevillèrent le long de la berge, se serrant les uns contre les autres. Peu à peu, le sable chaud reprenait une température rationnelle, et redevenait une boue gluante. Le cours d’eau se remit à couler vers l’aval, chassant les vestiges du massacre. Les retardataires usèrent leurs dernières forces pour arriver jusqu’au rivage. Parmi eux, Tressolid revint le dernier. Son armure était crevée en plusieurs endroits, laissant voir sa peau couverte d’ecchymoses. Il s’assit au pied d’une vieille souche d’arbre calcinée, qui était encore un orme majestueux quelques minutes auparavant. Rompu, il s’abandonna au sommeil avec béatitude.

Navregen passa une main fébrile sur son front ; le sang tambourinait encore à ses tempes, et son cœur lui faisait encore mal, mais il était entier. La torture mentale qui l’avait balayé d’abord s’était estompé, et il croyait comprendre pourquoi. Le sortilège, pour une raison ou une autre, avait échappé au contrôle des mages orques, et avait déchargé sa puissance à l’aveugle. N’étant plus une des cibles privilégiées de ses attaques, mais une simple conscience réceptive parmi celles des sorciers, il n’avait plus eu qu’à endurer une souffrance inouïe… Une douleur pire que la mort.

Non, jamais il ne laisserait un de ses orques devenir un sorcier de cet envergure.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Sauf si le magicien c'est lui :)

Ca me serait confirmé par sa perte de conscience.. Enfin ses pertes de conscience abusive ! Ensuite l'épée et tout. Ouais en fait ! C'est lui le magos ! :P Bon, ben un duel, l'autre meurt. Par contre, j'ai pas compris ce que faisait cette perche ici :lol: Ensuite, de la magie, une avalanche de magie et ils sont tous repoussés :D C'est bien décrit donc je crierai pas au bourinisme tout de suite :P C'est qu'il a repoussé une armée de magicien à lui tout seul ce brave orc :P

Allez suite !

@+

-= Inxi =-

EDIT : Dis nous quand tu veux qu'on vienne du côté de la SF

Modifié par Inxi-Huinzi
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 semaines après...

Ah, le mystère reste entier pour toi, tu auras des surprises au dénouement de l'histoire ! C'est parfait !

Quant à la perche, ben c'est le bâton du chaman orque ( parfois aussi appelé madrier, l'un renforçant sa longueur, l'autre sa masse ; en fait, son bâton, c'est un tronc d'arbre ! )

Une courte suite qui ne fait raccorder ce passage à une autre scène d'action où l'avenir de Navregen va commencer à se dessiner :

Les rangs de la horde se reformèrent peu à peu, sous le choc. Plusieurs des hoborques étaient morts, laissant leurs quelques fidèles et leur rare butin sauvé des eaux au premier venu. Des bagarres se déclenchaient entre les survivants pour s’approprier les esclaves, les pièces d’armure et les pièces de monnaie renversées sur la plage.

Tressolid s’était laissé reposer un moment, le souffle court. Fratrissid et deux autres peaux-vertes étaient venus délacer sa cuirasse, et avaient reposé les jambières, brassières et plaques de plate à ses côtés. Son casque fissuré avait roulé dans la poussière et gisait à ses pieds. Il était vraiment à bout de force, vaincu par ses épreuves. Son visage couturé de cicatrices profondes le brûlait avec atrocité intolérable, mais il se contentait de serrer les dents et de gronder, secoué de spasmes. Ses muscles étaient tiraillés, secoués par les décharges qui les avaient traversés. Les yeux fermés, il endurait son supplice avec une résignation admirable.

Navregen se força à marcher pour réactiver le sang dans ses veines. Il ne tarda pas à tomber devant le chaman Nédacié. Il était encore endormi, appuyé des deux mains sur son bâton. Plongé dans une sorte de catalepsie, le sorcier était totalement inconscient de ce qui se déroulait autour de lui. Le semi-orque le secoua par les épaules, en vain. Mais il remarqua les quelques bouffées de vapeur sortait de sa gorge entr’ouverte, et rassuré sur son sort, il le laissa retomber. Qu’il dorme tant qu’il le pourait.

La horde avait perdu une poignée de ses combattants, ce qui la mettait dans une situation épineuse. Comment pourraient-ils prendre d’assaut une forteresse, avec une centaine de guerriers en moins et le moral à zéro ? Navregen compta mentalement les chariots encore en état de rouler : neuf en tout et pour tout. La plus grande partie du trésor de guerre des Plakdefr avait versé dans les flots pendant la fuite. Il n’y avait plus beaucoup de gobelins, encore moins de microcéphales. Le point positif était que la troupe pourrait avancer plus vite, à condition d’en avoir la volonté.

Il sentit un flocon humide se déposer sur son front, et il leva les yeux. Les dernières strates des nuages noirs se précipitaient vers le midi, et déjà de grandes traînées de brouillard glacé revenaient du nord ; la neige tomba par intermittence, grisant déjà les bosquets de fougère sous son dais froid. Il ne fallait plus traîner. Le semi-orque monta sur la charrette de tête, dans laquelle le wolfen s’était glissé. Le loup gigantesque le salua d’un hochement de tête et de quelques jappements plaintifs. En dépit de sa fourrure roussie et encore balafrée, il semblait être celu iqui s’en était le mieux tiré. Navregen lui caressa l’échine avant de prendre la parole, aussi fort qu’il le put :

« -Guerriers orks… »

Mais le vacarme des disputes, des lamentations et des discussions couvrait sa voix. Il allait se décider à sabrer deux souffre-douleurs pour rétablir l’ordre, mais le wolfen le devança. Levant sa tête massive, le monstre poussa un long hurlement de colère, semblable au tonnerre. L’effet fut immédiat. Les capitaines orques se retournèrent d’un bloc, les pillards se turent, le visage blème, et certains des gobelins s’enfuirent en hurlant, croyant que la tempête se réveillait. Navregen hocha de la tête et reprit :

« -Guerriers Plakdefer ! Nous avons échappé à nos poursuivants, et vous savez pourkoi ? Parce k’on est les Plakdefer, et ke notre destin est de triompher ! Il y a une forteresse des humains, à moins de trois jours de marche au sud. Plus près des pays chauds, plus éloignée des montagnes inhospitalières du nord. On n’y trouve qu’une poignée de gueux sans kourage, un butin nombreux et une renommée à conqkérir ! Kand nous aurons pris cette place-forte, la bravoure des Plakdefer aura grandi assez longtemps pour assurer notre avenir. Les autres tribus nous respekterons, et les humains fuiront à notre approche. Je sais ke nous pouvons vainkre ce modeste obstakle. En marche, orks, droit vers la guerre, vers la destruktion et la gloire ! »

Un peu réchauffés par ce discours, les bandes se reformèrent. Podfair supervisait la remise sur pied des chariots, et envoya quelques uns de ses aides activer la réparation des roues, des essieux et des travois. Quelques jeunes hoborques consciencieux aboyèrent leurs ordres aux troupes, et rassemblèrent les rangs dans un ensemble à peu près cohérent. Navregen revint vers la tête du convoi, quelque peu rassuré.

Il remarqua alors un orque qui errait dans l’armée, traînant derrière lui les lambeaux de sa robe. Il brandissait un énorme bâton couvert de rainures fumantes, et jetait des regards hallucinés à ceux qu’il croisait. C’était Nédacié !

« -Hé toi, l’apprenti chaman ! l’interpella t-il. K’est-ce ki te prend ?

-Gnef ne klan baragouina l’autre, gne n’ai vu ! Gn’il est tout près, là… »

Il pointa les bosquets qui poussaient à quelque distance, sous la protection des arbres effeuillés. La forêt qui s’étendait devant eux semblait le dernier obstacle avant les collines, sur lesquelles poussaient les murs du château isolé. Le chaman, secouant sa tête et laissant pendre sa langue, pointait un ongle sale sur les sous-bois, en renchérissant :

« -Gne… Gne le vois ! Gn’il est là, par là !

-De qui me parles-tu, fou ?

-Gne lui, gnef ! Là, gnous ne le gnoyez pas ?

-Rien du tout.

-Si, si, gn’il est là j’vous dit !Pregnez garde à… »

Navregen serra son poing droit et frappa le chaman en pleine mâchoire. Le malheureux tomba à la renverse, et ce fut miracle qu’il ne se coupât pas la langue entre ses dents. Le chef des Plakdefer n’avait pas envie qu’un prophète de malheur détruise le peu de vaillance qui restait aux orks. Il ordonna à deux de ses compagnons hoborques de charger l’inconscient dans la seconde charrette, mais par prudence, il fit mander Bjorgkuln. Le vieil éclaireur s’était fait renverser dans la déroute, et boitait du pied gauche. Il arriva en s’appuyant sur une branche en saule, qu’il avait arrachée de ses mains.

« -Bjorgkuln, tu m’as l’air bien en point.

-Komme vous l’voyez, chaif. Mé c’n’est rien, ch’uis un vré ork.

-Kelle chance ke je t’aie promu l’chef dé z’éklaireurs sur ch’val. Komme ça tu nous est enkore utile. Va voir dans ces boskets si tu trouves kelk’un.

-Maint’nant ?

-Evidemment, Bjorgkuln.

-Kelk’un, mais ki donk ?

-J’ai été patient, Bjorgkuln, mais j’ai mes limites. Je suis fatigué…

-A voz’ordr’chaif ! »

Le pisteur boitilla jusqu’aux premiers fourrés, franchissant les branches basses des buissons et des ronces sans sourciller. Il fureta, huma l’air, et palpa le sol. Mais il ne trouvait que l’odeur de viande grillée provenant des rives où le drame s’était produit. Il n’y avait pas le moindre signe d’un fuyard ou d’un guetteur ennemi. Il ronchonna et revint en arrière, mais trébucha sur une veille souche et s’étala de tout son long. Sa béquille roula entre les troncs, à quelques mètres. Lachant tous les jurons qu’il connaissait, il se traîna jusqu’à elle. Plus il avançait dans le terreau humide, et plus il s’en voulait de perdre du temps. Une sorte d’angoisse resta coincée dans le fond de sa gorge, une peur instinctive qui l’effrayait de plus en plus, jusqu’à ce qu’il se précipite vers son bâton improvisé et qu’il s’enfuie vers la lisière des bois, aussi vite que son pied douloureux le lui permettait.

Il était couvert de boue, et de feuilles mortes écrasées et de sueur, mais salua son supérieur avec tout le sérieux qu’il pouvait :

« -Rien à signaler, chaif.

-K’est-ce k’il t’est arrivé, imbécile ?

-Rien, ch’uis tombé, chaif.

-Guéris vite de ton pied, c’est un konseil amikal. »

Le semi-orque le laissa là et fit signe à la troupe d’avancer. Trois chevaucheurs partirent en avant sabre au clair, pour reconnaître la route à suivre. Enfin, les Plakdefer se remettaient en marche.

Modifié par Shas'o Benoît
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

létait vraiment à bout de force
Qu’il dorme tant qu’il le pourrait.
L’effet fu immédiat. Les capitaines

pouvait, j'aurais mis

Il ordonna à deux de ses conpagnons

Bon pour le fond, je suppose que l'avenir de l'orc c'est avec ce qu'a vu le shaman parce que du reste, on apprend pas grand chose. Le shaman va bien, malgré qu'il parle comme un drogué, Tressolid se fait un bain de pied et les autres leurs courses ! Bref tout va pour le mieux ! Suite :crying:

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 semaines après...

Fautes corrigées... On enchaîne avec la suite, donc, bonne lecture :

Leur progression se fit moins rapide qu’auparavant, cependant. Ils étaient vraiment fatigués, et Navregen, malgré toute la hâte qui le poussait en avant, avait bien besoin lui aussi d’un peu de repos. Après avoir passé toute l’après-midi à traverser les sous-bois sombres de la pinède, ils s’arrêtèrent pour la nuit. Déjà le sol s’inclinait peu à peu, et le tapis d’aiguilles desséchées glisait doucement vers les collines voisines. La forme majestueuse de la petite forteresse était là, à portée de la main. Nul doute que les humains avaient maintenant repéré leur troupe.

Navregen tournait tel un lion en cage, sous les tentures déchirées de sa tente. Plusieurs gobelins s’affairaient autour de lui, cousant comme ils le pouvaient les toiles percées pour redonner un semblant d’ordre à l’abri de leur chef. Le semi-orque n’y prenait pas garde. Il réfléchissait, se demandant de quelle manière il devait négocier les prochains jours. Il était certain désormais que leur venue était attendue. Les défenseurs les guetteraient de pied ferme, l’arc à la main. Mais les orques avaient progressé sous le couvert des bois. Impossible pour les humains de savoir combien de peau-vertes s’avançaient au pied de leurs murs. C’était un atout à conserver. Peut-être avaient-ils vu la tempête de magie, et par conséquent, ils pouvaient tout à fait croire que les orques avaient avec eux un puissant sorcier. Navregen s’accorda un soupir de satisfaction, en se laissant tomber sur sa paillasse bancale. Dès le lendemain, il enverrait quelques éclaireurs. Il ne fallait pas que les assiégés puissent faire passer des messagers.

Le clan resta sous la protection des grands pins pendant deux jours entiers, refaisant peu à peu ses forces. Le gibier se faisait rare, surtout en ce début d’hiver. Les guerriers puisèrent dans leurs maigres réserves, et mangèrent les microcéphales qui avaient survécu au cataclysme. Après quoi, les plus motivés des chasseurs se mirent à traquer des proies hypothétiques. Ils revinrent avec des jeunes chevreuils, des lapins maigres, et même quelques vieux sangliers. L’odeur de la viande rôtie redonna du cœur aux orques, et ils dansèrent et chantèrent autour des brasiers. Le bois sec crépitait, les aiguilles fumaient, la résine fondait sous les flammes en répandant une odeur épicée. Un peu de vie revenait dans le camp, réchauffant les tentes rapiécées des hoborques.

Les esclaves eurent même de quoi manger à leur faim, signe d’une modeste abondance. On voyait les humains enchaînés et les Fenris, fers aux pieds, porter les affaires de leurs maîtres et astiquer leurs pièces d’armure.

Podfair s’était installée sous un hauvent et bavardait avec ses derniers fidèles. Appuyée sur sa hache, qui faisait office de canne, elle observait l’installation des guerriers en hochant de la tête. Elle voyait la vaillance revenir petit à petit, et se demanda combien survivraient à la porchaine bataille.

Tressolid s’était étendu au pied d’un grand sapin, et ses aides de camp avaient monté autour de lui son pavillon. Les enseignes claquaient au vent, à l’entrée de la grande tente. A l’intérieur, un humain et une fenris couverts de haillons nettoyaient son casque. Avachi sur les racines de l’arbre centenaire, il les regardait faire sans broncher. Il était prostré, encore vêtu d’une partie de son équipement : jambières, genouillères et plastron. On voyait pendre sous les pièces d’acier les lambeaux d’une tunique sale, d’un beige sombre. Tressolid portait les marques de sa torture sur son visage tuméfié, sans montrer le moindre signe de douleur. Ses yeux observaient les gestes gauches de ses servants, prêt à les houspiller à la moindre maladresse. A ses côtés, ses quelques lieutenants discutaient à mi-voix, parlant des actions à venir. Ils se demandaient quelles seraient les prochaines missions à effectuer, les prochains coups à porter. Sans l’exprimer à haute voix, ils s’inquiétaient aussi de la santé de leur supérieur, et regardaient avec crainte les cicatrices sur son visage fermé. Ils savaient que la catastrophe survenue quelques jours plus tôt avait blessé Tressolid, et que son calvaire avait exacerbé sa colère.

En fait, Tressolid avait découvert sa vulnérabilité, et cela l’exaspérait au plus haut point. Il détestait les mages des « Trémajiks », et haïssait encore plus le chef de tous les clans pour les avoir lancés à leurs trousses. Cela dit, il ne savait plus de quoi il était capable. Ses bras tétanisés par les décharges d’éclairs le taraudaient encore de mille fourmillements.

Quand la troisième nuit se fut écoulée dans le camp, Navregen se prépara pour de bon à l’assaut de la forteresse. Il convoqua les principaux capitaines de la horde, et ceux-ci répondirent à son appel sans se faire prier. Comme son pavillon était trop petit pour accueillir cette assemblée, ils se regroupèrent devant, entre les charrettes débâtées. Il s’était assis sur un des chariots, et regarda chacun des hoborques, pour deviner leurs sentiments. Podfair était curieuse de conaître ses intentions, mais ne semblait pas pressée, et attendait en silence, soutenue par deux de ses acolytes. Tressolid, comme à son habitude, avait revêtu son armure ; il ne sortait jamais en public sans être recouvert de métal. Les bras croisés, il ressemblait à une statue, à un golem. Les autres lieutenants jouissaient d’une bien moindre autorité que ces deux là. Bjorgkuln boitait encore, mais compensait son infirmité en criant plus fort que les autres. Fratrissid donnait des coups de pied dans les gobelins, estimant sans doute que seuls les principaux chefs avaient le droit d’assister à ce colloque. D’autres meneurs de bandes, Koll, Futzarg, Gulkarg, se bousculaient et s’invectivaient sans aucune retenue. Nédacié, qui semblait encore dans les vappes, reposait de tout son poids sur son long bâton. Installés sur les autres attelages, Deuzelle et les semi-orques attendaient, l’arme à la main, prêts à agir à la moindre mutinerie.

Navregen rameuta toute l’attention sur lui, grâce à la présence inquiétante du wolfen. Ce-dernier traversa l’assemblée en grognant, et les hoborques s’écartèrent, méfiants. Le monstre bondit sur le chariot, et s’assit à côté de son maître, avec quelques grondements supplémentaires.

« -Chefs orks, déclara Navregen en posant une main sur la nuque de la créature. Nous sommes au pied d’un château humain, il s’agit maintenant de préparer notre attak.

-Komment on va s’y prendre ? demanda l’un des jeunes lieutenants.

-J’pense k’on va s’avancer de front, proposa Navregen. On court droit, on brise leur porte et on kasse tout.

-Cela me paraît un bon plan, grogna Tressolid, mais komment komptes-tu briser l’pont-levis, demi-sang ?

-On fera un bélier avec un tronc de ces sapins, proposa Navregen. On le rekouvrira de fer.

-Ah ouais, et komment ?

-On va rékupérer tout le métal disponible, ramasser les kaskes en trop mauvais état et les tordre à koups de marteau, puis les klouer dans le tronc.

-Pourrait être une bonne idée, opina Podfair.

-Perdons pas d’temps en palabres, grogna Fratrissid. On y va ?

-Attendons demain, ordonna Navregen. Après une bonne nuit de sommeil, nous pourrons décharger toute notre puissance sur ces humains. »

Il avait failli préciser « faibles humains », mais dévaloriser la race de sa mère n’était pas une bonne idée. Il devait faire oublier aux autres quel sang coulait dans ses veines, s’il voulait s’attribuer le crédit de cette victoire… Car il ne doutait pas de la réussite de son projet.

« -Bjorgkuln, tes éklaireurs sont bien positionnés tout autour de la kolline ?

-Oui chef, pas un kavalier ne pourrait passer sans ke j’en soie aussitôt averti.

-Parfait. Puiske tout est prêt, ke chakun prépare sa bande. »

Les hoborques se dispersèrent sans adresser le moindre salut. Navregen alla pourtant s’adresser à Podfair, rattrapant sans peine la matriarche appuyée sur ses disciples :

« -Podfair, tu as l’experience de la guerre, je te konfie la mission la plus importante. C’est toi ki supervisera la konstruktion du bélier.

-Komme tu veux, demi-sang.

-Je sais k’avek toi, ce sera bien fait. Tu as jusk’à demain, faudra pas traîner.

-Avec assez d’esclaves et d’orks, je peux faire n’importe koi.

-Prend ce k’il te faut. »

Le son des haches tailladant l’écorce résonna dans les sous-bois, avec en écho le martèlement du métal contre le métal. Les Plakdefer se préparaient à la guerre.

Nédacié errait dans le camp, déboussolé. Son esprit redevenait son propre maître, mais après tout ce qui s’était produit récemment, il avait de quoi être ébranlé. Après avoir eu tout juste le temps de se protéger du raz-de-marée psychique, il s’estimait heureux d’être encore en vie. Pourtant, quelque chose le chiffonnait. Il avait la nette impression d’avoir quelque chose d’important à révéler, de très important. Cela avait un rapport avec les visions qu’il avait eues, dans les jours précédents ; mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Un moment, il se demanda s’il ne devait pas essayer à nouveau sa mixture. Mais il avait perdu son chaudron dans la fuite du clan, et la plupart de ses gobelins familiers étaient morts ou fous à lier. Il se gratta la tête, se demandant quelle pouvait bien être la raison de son trouble.

Il se rappelait vaguement une histoire de voyage, d’obscurité et de terre. Il ne parvenait pas à rassembler ces concepts dans une histoire cohérente.

« -Pourtant, faudra bien k’j’y arrive ! grommela t-il. Kauz ke… »

Il s’arrêta, le regard fixe. Sa main droite tenait fermement son bâton massif, et son pouce avait glissé sur le bois, s’enfonçant une écharde. Il écarta son doigt, et arracha l’épine avec ses crocs, puis la recracha avec force jurons. Ses yeux tombèrent alors sur la partie du bois où l’esquille s’était détachée. Les entailles, les nervures et les fentes formaient une sorte de labyrinthe compliqué, évoquant pour lui une espèce de face de gobelin grimaçant. Il haussa les épaules et se remit en route, mais son pouce blessé, en s’appuyant sur le dessin, raviva en lui des sensations oubliées. Le simple toucher, le contact direct avec la matière tatouée du bois le frappa de plein fouet.

Il fit demi-tour, marchant d’un pas sûr vers la tente du semi-orque en chef. Il était si concentré qu’il ne fit même pas attention au wolfen, qui s’était levé à son approche et le fusillait de ses orbites dorées. Nédacié entra dans la tente et chercha du regard son commandant. Navregen était occupé à admirer les runes tracées sur la lame de son sabre, et il ne se leva pas pour accueillir le visiteur. Il observa le relfet du chaman dans le fer de son arme recourbée, et le salua sans enthousiasme :

« -Ke viens-tu faire, apprenti-sorcier ? J’espère ke tu t’es remis de tes évanouissements !

-Ekouté, chaif Navregen. J’ai dé truk a vou dir.

-Koi koi koi donk ? tempêta le semi-orque.

-Voilà… Vou vou rappelé k’je suis chaman… »

Navregen lui jeta un coup d’œil oblique, intrigué par la tournure que prenait la conversation.

« -Et alors ?

-J’ai vu dé choz. »

Navregen allait lui rétorquer sur un ton cinglant que ses délires personnels étaient le dernier de ses soucis, mais il croisa les yeux hallucinés du mage orque, et comprit que s’il venait braver son autorité, il y avait sûrement une raison de taille.

« -Kontinue, ça kommence à m’intéresser… »

La lumière diffuse du soleil illuminait les flancs de la montagne ; c’était un formidable bloc de roche, posée sur ses assises bouleversées, environnée de forêts et de langues de bosquets emmêlés. Quelques pics voletaient d’un arbre à l’autre, frappant de temps à autre les troncs dans un staccato inquiétant. Les rideaux déchiquetés venaient comme autant de doigts, recouvrir le pic de leurs ombres chatoyantes.

Navregen inspira à pleins poumons, les mains posées sur les hanches. L’atmosphère était fraiche, presque froide, et la neige fondait par endroit, laissant voir encore un peu des mottes d’herbes recouvrant les pentes. Il se demanda combien de veilles de bataille son père avait connues ; pour lui, cela avait été sa première. Il avait passé une bonne partie de la nuit à se retourner sur sa couche de paille, à se demander comment les choses se passeraient. Il ne savait pas si le spectre de la défaite le génait plus que la perspective d’un massacre. Les humaisn qui vivaient dans ce fort de pierre ne méritaient peut-être pas ce chatiment. Mais comment le savoir ? Nombreux parmi les svedingars pensaient que les orques étaient juste bons à être exterminés. Mais qu’aurait pensé son père ? Il ne se rappelait pas qu’il s’embarrassait de tels sentiments. Il regarda la neige fondue tomber par gouttes des branches tordues des sapins, et éclabousser le tapis d’aiguilles. C’était une petite pluie glacée, qui inondait les sous- bois. Un jeu d’eau magnifique. Est-ce que toutes les batailles étaient précédées de tant de beauté ? Quelle ironie…

« -Vous z’êtes prêt, chaif de hord ? demanda Nédacié, en manipulant nerveusement son long bâton couvert de rainures.

-Oui, on y va. » Il observa l’apprenti-magicien. Il semblait vraiment pressé d’entrer en action.

Modifié par Shas'o Benoît
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

J'adore le plan de bataille de tes orcs. Cette finesse... J'avais toujours cru que c'était réservé à Archaon et sa bande. On fonce dans le tas en criant Waaagh et on tue tout le monde.

Toujours est-il que Navregen démontre son ascendance humaine en emmetant l'idée du bélier.

Sinon, j'imagine que tu as fait exprès d'ellipser ce qu'allait dire Nédacié. Tu n'as pas honte de jouer avec le suspens comme ça?

Shas'o'da'lyth'mor'tyr'kar'tyes'ukos

Toujours aussi bien...

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

du bois où l’esquille s’étiat détachée. Les

Hop pour la petite faute qui traine. Donc je suis d'accord, c'est pas cool l'elipse de la discussio avec le shaman ! J'aurais bien aimé voir ce qu'il passe. A priori, c'est indirectement lié avec la bataille parce que le plan initial ( très bonne tactique ) ne change pas donc à voir ce qu'il se passe !

Bon ben je t'encourage à poster la suite :innocent:

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Aussitôt demandé, aussitôt fait : voilà la suite, et la réponse au suspens insoutenable, qui dis-je indescriptible, que vous avez bien raison de me reprocher... :

La troupe était montée sur les pentes de la colline bien avant l’aube, escaladant le sentier escarpé. Ils n’avaient laissé que quelques sentinelles pour surveiller le campement dans les bois, les esclaves et le rare butin. Tous les guerriers étaient montés, poussant devant les chariots. A présent, ils attendaient en groupe hétéroclites, se talochant ou s’administrant des coups de pied. Leur excitation faisait plaisir à voir. Dans les charrettes, les gobelisn avaient grimpé par grappes, et ils s’aidaient à rester dessus, se bagarraient ou se balançaient par-dessus bord dans la joie et la bonne humeur. Le wolfen était resté en retrait, assis derrière les orques. Il ne devait pas participer au siège. Navregen lu avait demandé de rester là, à attendre. Il était encore convalescent, ses plaies n’étaient pas cicatrisées, et le semi-orque ne voulait pas perdre dans une bataille incertaine son plus sûr allié.

Il avait été convenu que Tressolid, en raison de sa haute stature, et du renom dont il jouissait encore dans la horde malgré son échec cuisant sur la rivière, dirigerait l’assaut principal sur le portail du château. Navregen savait ce qu’il faisait en lui décernant ce rôle. C’était un poste dangereux, et dans tous les cas, les orques seraient mieux guidés par un vrai hoborque. Quant à lui, il se réservait une autre part ; si tout se déroulait comme prévu, il retirerait de cet assaut une renommée suffisante pour conserver la mainmise sur la tribu.

L’hoborque attendit que le soleil ait commencé à toucher les collines au sud, pour se lancer dans un de ces brefs discours dont il était fier. Debout sur une charrette, il inspira un bon coup, bomba le torse, et jeta un regard sur la foule autour de lui. Quatre cents guerriers orques, tous recouverts d’une seconde peau de fer. On y comptait des archers, des chevaucheurs, quelques hoborques, une bande de berserckers assoiffés de sang, et dont la danse frénétique commençait déjà à se propager au reste de l’armée. Mais le gros de la troupe était constitué de rudes guerriers, simplement armés d’un bouclier cabossé, d’un casque racorni et d’une arme à une main, lance, hache, épée, massue ou tout autre ustensile pouvant faire office d’instrument de mort. Lui-même avait revêtu sa tenue de guerre au grand complet, et avait passé toute la matinée à s’habituer à marcher avec ce poids supplémentaire. Pas moins de quatre gobelins, cinq microcéphales et trois humains esclaves avaient concouru pour l’aider à revêtir son costume de guerre. Il avait commencé par un tabard de mailles solide, retenu à la taille par une ceinture en peau de serpent. Après quoi, il avait revêtu jambières, genouillères, cuissardes, hanchières en acier luisant, plastron de cuivre, avec un dossier en cuir renforcé de clous, enfin une broigne qui recouvrait sa tête et retombait sur ses épaules, lesquelles disparaissaient sous une longue cape en peau de troll. Un casque robuste cachait la totalité de son crâne, et une visière pivotante lui permettait de respirer, de voir et de parler. Il ne portait pas de bouclier, mais sa grande épée lui occupait ses deux mains gantées de fer. C’est avec près de soixante kilogrammes de métal sur sa charpente massive qu’il interpella le clan :

« -Orks ! C’é l’heur de l’asso. Alor… Chaaaaargeeeeeeez ! »

La charrette s’élança comme un boulet de canon, catapultée par la force de près de vingt bras vigoureux. La marée verte s’avançait comme un rouleau compresseur, transformant la terre et l’herbe rase en une boue glissante. La pente était raide, mais les chariots fonçaient comme le vent, emportés par le courant.

Les hurlements de rage vibraient, plus forts que le tonnerre d’une tempête des mers du nord. Le tremblement des pieds sur le sol fit s’ébranler la montagne, tandis que l’air résonnait des cris de guerre. Les Plakdefer, frappant sur leurs boucliers, hurlant, beuglant, se ruaient sur les portes de la forteresse, sans autre préoccupation que de faire le plus de bruit possible. Sur les remparts, les sentinelles désorientées ne savaient plu que faire. Après un premier instant de terreur, les archers s’étaient mis à lancer volée sur volée, espérant contre tout espoir faire quelques morts dans cette cohue de chair et d’acier.

Deuzelle leva la tête, excité par la clameur grondante :

« -L’komba a kommencé.

-On dirai bien, approuva Navregen. Mais on a un autre rôle à jouer. Et kant à toi, dépèche-toi donc ! »

Nédacié marmonna une excuse, tout en écartant les branches des pins juvéniles. Ils s’avançaient tous les trois dans une combe en contre-bas de la colline, suivis par une cinquantaine de guerriers triés sur le volet. Bien sûr, Deuzelle et les semi-orques étaient de la partie. Passé un premier sentier en pente raide, il avait fallu franchir d’épais buissons d’épines, et à présent, perdus au fond d’une vallée horriblement encaissée, ils commençaient à douter. Entendre leurs camarades commencer la bataille dans un tel fracas, et être condamnés à ramper dans l’ombre, il n’y avait rien de plus frustrant pour un orque.

« -Hâte-toi, maudit chaman, ou nous aurons une révolte sur les bras ! »

Nédacié haussa des épaules, outré. Ce jeune demi-sang s’imaginait peut-être que c’était facile, de retrouver le passage ? Dans son rêve, tout était clair. A présent, pressé par la fureur du combat toute proche, houspillé par ses camarades, il avait du mal à revoir les passes à franchir. Il bondit par-dessus un petit ruisseau, manquant de s’étaler sur les cailloux pointus. Ils étaient arrivés au pied de la colline escarpée, en contre-bas des murailles ouest. A plusieurs centaines de mètres au-dessus d’eux, les fondations du château s’ancraient sur les rochers. Abrités comme ils l’étaient sous les frondaisons des bosquets d’arbres, personne n’aurait pu les apercevoir.

De petites secousses parcoururent le long madrier, faisant vibrer la plus petite encoche. Nédacié leva une main, imposant le silence au reste de la bande. Il sentait la matière vibrer entre ses doigts.

« -K’y a t-il, apprenti-sorcier ? grogna Deuzelle. Tu as perdu la mémoire ? »

Navregen lui fit signe de se taire : sous leurs yeux ébahis, le bâton se mit à osciller de lui-même, décrivant un demi-cercle, de plus en plus vite. Leurs yeux ne pouvaient voir qu’une partie du phénomène, mais du point de vue de Nédacié, les choses étaient bien différentes. Il apercevait déjà la vapeur s’élever de ses mains, irritées par le frottement insupportable. Sa main droite lâcha l’instrument, déjà brûlée au premier degré. Réprimant un glapissement de douleur, il fourragea dans la sacoche qui pendait à son flanc, il attrapa une poignée d’herbes magiques et se les carra entre les mâchoires. Il mastiqua avec toute la lenteur dont il était possible, laissant les odeurs entêtantes troubler son esprit, et lui faire oublier peu à peu sa main gauche qui fumait et l’élançait, blessée par le va-et-vient maintenant si rapide de la perche, qu’on ne voyait plus qu’un disque flou.

Nédacié ne voyait plus le monde réel. Il était perdu dans ses souvenirs, dans des échos du passé. Il revit la marmite bouillonnante de son maître, il réentendit les recettes magiques apprises dans son enfance, il se remémora les remontrances de son mentor et se souvint de ses premières leçons de chamanisme. En l’espace d’une seconde, il sut ce qu’il devait faire. Il mit cette seconde à profit. Tout lui revenait : le tunnel, le vieux humain à la torche…

Sa dextre se referma à nouveau sur le manche, bloquant net le mouvement tournant. La tension du bois était telle que l’air siffla, les fibres craquèrent ; la tête de l’instrument irradia des étincelles en cascade. La plus petite entaille dans l’épaisseur s’imbibait d’une lumière bleue de plus en plus distincte. L’air sifflait toujours, les bras du mage étaient tendus au delà de toute réalité, droits et bloqués dans leur posture. Il planta son madrier dans le sol, tel un troisième pied pour la sphère d’énergie pure qu’il était devenue. Sa peau, sa chair, ses os disparurent dans une bulle de lumière incandescente, qui brûlait les yeux des spectateurs. Le reste de la bande s’écarta aussi vite que possible. Un rayon de flammes circula à la surface de la boule, une langue de flammes s’enroula dans une flèche droite, s’avançant avec une lenteur incroyable vers la paroi de la colline. Le dard entra en contact avec la pierre, parut hésiter, puis crépita en mordant le granit.

Tout s’accéléra, le brasier se jeta d’un seul coup sur la façade, les contours d’une grande dalle apparurent, révélés par la chaleur. La matière se contorsionna comme la bouillie remuée tant de fois au fond du chaudron. La porte disparut dans une bouffée d’énergie brûlante, dévastant la galerie sur vingt mètres à l’intérieur. La sphère d’énergie disparut comme elle était venue, et Nédacié s’infléchit, comme empalé sur son bâton, le souffle court, le visage encore marqué par l’effort.

Navregen, puis Deuzelle s’approchèrent de lui, avec une crainte renouvelée. Puis ils regardèrent l’entrée du tunnel, dont les bords étaient encore en fusion.

« -Tu as finalement réussi, commenta Navregen. On finira peut-être par tirer kelke chose de toi. Bon, vous autres, suivez-moi. On entre là-dedans, on tue tout les humains k’on renkontre et on rejoint la bataille. J’espère ke le programme vous plaît. »

Il tapota l’épaule du mage orque, qui peinait toujours à reprendre sa respiration, et s’engouffra sans plus attendre dans le tunnel.

Malgré la pluie de flèches, les Plakdefer étaient arrivés au pied des murailles. La principale question qu’ils se posaient à présent était : comment les franchir ? Tressolid remua dans son esprit les différentes possibilités. Ils pouvaient peut-être essayer de briser la porte. Mais pour cela, il fallait autre chose que des épées. La plupart des autres combattants n’avaient pas l’air de s’en rendre compte et frappaient les lourds vantaux renforcés de fer, sans se décourager. Il saisit par le col un de ses sbires :

« -emmain di zork, et raporté le bélié. Dépaich toi ! »

L’orque obtempéra et commença à chercher des volontaires ; l’hoborque l’aida en talochant les oreilles de ses voisins. A deux pas de lui, Podfair commença à l’imiter, s’égosillant sur les gobelins et les guerriers qui s’obstinaient à marteler les murs. Un peu en retrait, Novlam et Fratrissid, les deux jeunes hoborques de la nouvelle génération, avaient rassemblé à l’arrière quelques uns des moins suicidaires du clan, c’est à dire les archers. Avec une habileté discutable, ils les encourageaient à viser les sentinelles apparaissant aux créneaux, et les tirailleurs orques y arrivaient avec une habileté tout aussi discutable.

Enfin le bélier s’avança, poussé par une poignée de soldats gesticulants. Les svedingars comprirent tout de suite la menace qu’il représentait, et le prirent pour cible. Le problème était qu’étant essentiellement composé de pièces de métal, ils ne pourraient pas tenter d’y mettre le feu. Quant aux manipules improvisés, ils portaient comme les autres des armures non négligeables. Heureusement pour les assiégés, même une armure de plates ne peut pas arrêter une flèche en pleine vitesse. Blessés ou terrassés, de nombreux peau-vertes tombaient à terre, piétinés par les suivants. Tressolid envoyait toujours plus de combattants aider à la progression de l’engin de siège. Il avançait trop lentement à son goût. Enfin, le bélier fut en position, abrité sous un mur de boucliers que les orques levaient maladroitement. En fait, tout l’espace au pied des murailles ressemblait à un dragon de fer se contorsionnant. Les coups ébranlèrent les portes, une fois, deux fois. Le bruit des chocs résonnait jusqu’aux tours, les manipules grognaient et gémissaient à chaque nouvel impact. Leurs mains s’engourdissaient et se blessaient après les poignées rudes, et d’autres venaient les remplacer régulièrement. Tressolid bondit de côté, pour éviter un trait acéré, mais écrasa un gobelin sur le rempart dans son mouvement. Il hurla de dépit, et abaissa sa grande épée sur les moellons, n’arrivant qu’à engourdir son bras. Il était terriblement frustré.

Un craquement horrible retentit, et des fissures coururent le long des fentes des planches. Un cri sauvage monta de la horde, qui redoubla d’efforts. Le portail grinçait, sinistre. Lognobard se pencha au-dessus du parapet, manquant de peu de se faire transpercer par les volées de flèches maladroites.

« -Ils vont briser la porte ! s’écria t-il. Préparez-vous ! »

Les planches volèrent en éclat, et de grands morceaux restèrent pris dans les cornes tordues de la masse. Les peau-vertes exultaient, frénétiques. Ils se jetèrent sur la herse avec une rage sauvage, martelant et hurlant. Seule Podfair avait conservé un peau de sang-froid, et observé les nombreux meubles, armoires, chaises et pierres entassés derrière la grille. Et les efforts inefficaces de ses collègues.

« -Tressolid ! Tressoliiid ! Arrait de t’komporté kom un pa-vair ! »

Tressolid fit volte-face, délaissant la grille qu’il martelait de sa framée :

« -K’es-tu rakont, vieill po ! »

Elle indiqua du menton le bélier, que tous avaient déjà oublié, et cracha :

« -Fau l’reprendr, ou on pass’ra jamé ! »

Cinq flèches barbelées passèrent à travers la herse, envoyant leurs cibles valser. Plusieurs hommes s’étaient postés sur la barricade, tirant à bout portant sur la masse grouillante. Tressolid reprit conscience, et se jeta sur la première poignée avec un mélange de hâte et de honte. Il en profita pour botter le train à tous ceux qui passaient à sa portée.

« -Vit, vit ag ! Pr’né l’bélié é d’péché-vou ! Vit ! Par le gran Zogg, vou zalé vou bougé ta d’nork ! Fo brizé la grille ! »

Le couloir montait lentement, apparemment en colimaçon. Mais il ne s’agissait pas d’un escalier. Ni d’un couloir d’ailleurs. Le tunnel était creusé à même le roc et serpentait autour d’une sorte d’énorme stalactite en pierre noire. On y voyait même quelques incrustations de pierres semi-précieuses : quartz, micas et autres feldspaths. Le seul à y jeter un œil fut Nédacié, émerveillé, qui en préleva quelques échantillons et les fourra dans sa besace. La montée n’était pas difficile, facilitée encore par les marches sèches et bien taillées. Ce qui inquiétait Navregen, et que remarqua Deuzelle, c’est la fumée de leurs torches improvisées :

« -C’te fumé mont avek l’air, i von s’en apercevoir la-o. »

Navregen haussa les épaules : il n’y pouvait rien, et tout ce qu’il espérait, c’est que le tunnel ne soit pas trop long, pour qu’ils puissent conserver l’effet de surprise. Il hâta le pas.

Orinkard tournait en rond dans la salle du conseil, sous le regard de quarante nobles de son sang, plus le vieux Skinn, son omagi attitré, assis par terre dans un coin. Les mains croisées dans son dos, le seigneur de Tailleroc ressemblait à un Yagulir en cage. Tous ses sens étaient aiguisés par la proximité du combat. Il entendait distinctement les raclements de pied des hommes de sa garde d’élite, les huskarls. Il écoutait le long fourreau de son glaive crisser sur les dalles. Il prêtait l’oreille au plus petit craquement de bûche dans la grande cheminée seigneuriale. Il se fermait aux échos de la bataille, venus des grandes fenêtres cloisonnées.

Le sang bouillait dans ses veines. Le peuple vikinga était batailleur, et les svedingar ne faisaient certes pas exception. Mais à son plus grand dam, les comtes électeurs de l’Empire n’étaient pas sensés se trouver en première ligne. C’était sur le conseil de Lognobard, de Sven et de quelques autres de ses proches amis, qui lui avaient conseillé de déléguer la défense de la place.

C’était plus qu’il ne pouvait supporter. Il pila net, se rappelant rapidement toutes les mesures qu’il avait prises : mettre en place un remblais et une barricade derrière le portail, équiper tous les hommes valides, de quatorze à soixante ans ; claquemurer femmes et enfants dans les chambres ; envoyer deux pigeons messagers vers le castel de Blanchonde…

Il en avait assez de cette vie de prisonnier. Que diable ! S’il fallait mourir, ce serait la hache à la main, et il ne volerait pas son bûcher funéraire. Il souleva sa longue arme à deux mains, un instrument impressionnant de près de cinq kilogrammes de fer et de bois solide.

« -Messieurs, assez d’attente. D’ici quelques minutes, la porte va tomber, et j’attends de vous que vous vous comportiez en dignes fils de vos pères.

-Freihei, seigneur ! répondirent les ulfsarks, accompagnés par les bondi et les chefs.

- Si jamais des secours ont été envoyés, ils n’arriveront pas avant trois jours au moins. Il n’y aura sans doute pas de scalde pour rappeler notre aventure… Mais que cela ne nous empêche pas de verser le sang !

-Par la tempête et les abîmes ! s’écria un vieux combattant balafré. Nous sommes avec vous, seigneur ! Maintenant et jusqu’à notre dernier souffle !

-Merci, Gohort. Puisse les walkyries veiller sur nous tous. »

-Seigneur… bafouilla Freddi, l’air horrifié. Je… »

Orinkard lui jeta un regard furibond. Il avait cru un instant qu’il avait peur de mourir. Puis il regarda dans la direction que le jeune homme libre montrait : une très ancienne statue qui devait représenter une quelconque figure ancestrale naine. Tailleroc, primitivement, était un bastion des nains. Orinkard étouffa un juron –indigne d’un comte électeur- en voyant quelques volutes de fumée sortir d’une fente entre la tête du colosse et le mur.

Enfin la herse avait cédé, tordue par les assauts répétés du bélier massif. Les orques s’avancèrent en courant aussi vite que possible, le fer au poing. Les archers humains retranchés furent débordés et trois d’entre eux furent égorgés sur place. Mais plusieurs ulfsarks s’interposèrent, levant leurs haches acérées, et fracassèrent les boucliers. Une lutte ardente s’engagea sur les barricades, où chaque combattant ponctuait ses coups violents de cris de rage. Les têtes étaient tranchées, les mains mutilées et les tripes mises à nu. Avec une énergie décuplée par l’odeur de la mort imminente, les svedingar se battaient comme des furies, repoussant peu à peu la première vague d’assaut. Tressolid marchait à grandes enjambées, mais sa longue épée le desservait dans un combat rapproché : il préférait les champs de bataille, où il avait davantage de place pour brasser la foule. Il combattit néanmoins, assommant ou brisant les têtes, quel que soit le casque dessus. Podfair avait plus de mal à suivre la lancée.

La percée des orques fut peu à peu renvoyée par-dessus la barricade. Un bondi en longue cape, et au large bouclier décoré de spirales, exhortait ses hommes à monter à l’assaut du remblais, en piétinant les premiers corps. Podfair arriva enfin, de son pas lent et arthritique. Elle souleva sa hache, au-dessus de sa tête, et un vent de panique balaya les rangs des hommes du nord. Les deux lames s’abattirent en sifflant sur le noble, le taillant en deux, fendant heaume à queue, tête, poitrine et bassin jusqu’à la hanche, avec une netteté presque comique. Terrifiés par une telle puissance, les rangs s’égayèrent, puis se débandèrent en apercevant deux berserckers se détacher de la foule verte. Ces deux monstres se jetaient sur le premier adversaire venu, le démembraient à mains nues et mordaient dans leurs prises avec une sauvagerie épouvantable.

Lognobard descendit l’escalier du parapet quatre à quatre, avec les sentinelles derrière lui.

« -Repoussez l’avance, nom de… Repoussez-les ! »

Il fonça droit sur le premier orque, le décapitant net. Le sang dégoutta du fer de sa cognée, et il partit d’un petit rire nerveux ; un passage de l’edda de Frundjson Pied-de-porc lui revenait à l’esprit, et il déclama tout en tuant :

« Le jarl avait rassemblé les hommes sur la plage ;

Derrière eux le drakkar frissonnait.

Un vent frais du large s’était levé mais nul

Corbeau ne vint en mauvais présage.

Sur les bords des collines, Lori les attendait,

Lui et tous ses gens. Le sang n’allait pas tarder à être versé,

Il y aurait de nombreuses veuves au pays de Nandiand. »

Ragaillardis par le courage de quelques hommes libres téméraires, les svedingar reformèrent leur ligne de bouclier, maintenant les orques dans un quart de la cour. Pas pour longtemps, cela dit. Les deux berserckers, emportés par leur élan, sautèrent sur deux blasons et les firent éclater à coups de poing, malgré les nombreux coups de fer qui pleuvaient sur leurs épaules. Transformés en fontaines rougeoyantes, ils titubaient encore, tordant les bras et cognant, sans éprouver la moindre douleur. Tressolid en profita pour rajuster sa visière et pour charger à leur suite en hurlant :

« -Mag mag Plakdefeeeeer ! »

Sa framée dépeça un grand pavois, trancha deux lances et étripa trois hommes d’arme. Il s’agissait là d’une stratégie qu’il affectionnait plus que toutes autres, celle du coup de boutoir. Deux bondi s’avancèrent face à lui, et tombèrent aussitôt, les yeux clos à jamais. La nouvelle vague d’assaut était lancée, toute la horde s’élança dans la petite brèche ménagée. Podfair peinait derrière, toujours soutenue par ses aides. En regardant la horde batailler, des larmes lui vinrent aux yeux : l’avenir des Plakdefer perdurerait, tant que cet esprit fougueux survivrait. A la seconde où les deux berserkers vacillèrent, puis s’effondrèrent dans la poussière, cinq ou six nouveaux peau-vertes connaissaient les premières affres de la soif de sang, ricanant à pleine voix. Oui, la relève était assurée.

Orinkard fut pris de court. L’instant d’après, la statue s’effondrait sur le sol, basculée par la force de huit bras conjugués, des bras musclés et verts. Quatre orques armés de boucliers et de grandes rapières bondirent en premier rang, et juste dans leur dos. Deux autres déboulèrent. Les premiers étaient véritablement des orques, puants, massifs, hargneux. Quand aux seconds, ils avaient une apparence un peu moins rustique, des traits plus fins, l’un avec un casque à cornes trop grand pour lui, l’autre avec un heaume décoré de deux ailes de chauve-souris. Le seigneur quinquagénaire n’eut qu’une demi-seconde pour analyser la situation, déjà Sven et Igor dégainaient, mais se faisaient défigurer avant d’avoir l’arme au poing. Deux orques lui barrèrent la route, et il dut parer un premier coup. Il amputa d’un bras l’un de ses adversaires, ignora le beuglement de douleur et s’apprêta à donner le coup de grâce, mais dut parer un nouveau sabre avant.

Les tapis de laine étaient teintés de taches fraîches, les corps roulaient sur la pierre froide du plancher. Les démons verts vociféraient et hurlaient, au mépris de toute discrétion. Quelqu’un sonna de la corne de brume, dans les couloirs. Trois huskarls parvinrent à décapiter leurs adversaires et rejoignirent leur suzerain, mais l’un d’eux fut transpercé dans le dos par une épée. Les orques étaient partout maintenant. Cinq lanciers déboulèrent d’une porte latérale, essayant de repousser l’assaut. Mais Orinkard doutait que ce fut suffisant. Il aperçut Skinn, le vieux mendiant, essayer de s’enfuir malgré la profonde entaille dans sa jambe. Un orque était sur lui. Orinkard brandit sa hache, et malgré son poids, réussit à la projeter sur sa cible qui se plaqua au mur, projetée par l’impact, puis glissa au sol, le fer toujours fiché entre ses omoplates. Orinkard produisit son glaive et pivota sur lui-même, faisant voltiger ses habits en peau de loup, offerts jadis par un ami Fenri. Il brisa une machoire, ouvrit une épaule et trancha une main. Ses deux gardes du corps levèrent les boucliers devant lui, parant une volée de javelots qui transpercèrent le bois. Le guerrier aux ailes de chauve-souris s’avança.

Deuzelle avait une méthode à lui pour tuer les trolls, et il se dit qu’elle devait convenir pour n’importe quelle créature. Il courut, feinta, se fendit, puis roula au sol et redressa son sabre à la verticale, donnant un grand coup. Il manqua de découper les bras des humains, le tranchant de sa rapière ripant sur les os mis à nu. Serrant les dents sous la douleur intolérable, ils lâchèrent leurs armes. Deuzelle en profita pour ouvrir leurs gorges à tous les trois, les uns après les autres, ignorant les expressions de haine et de terreur mêlées sur leurs faciès grimaçants.

« -Le seigneur est mort, Traurika ! »

Le cri retentit dans toute la pièce, réverbéré par les nouveaux combattants arrivés des escaliers latéraux. Mais Navregen n’y prêtait pas garde :

« -Il faut kitter ces lieux, et r’joindre les autres ! Au pas de charge, Plakdefers ! »

Ils entendirent tous l’appel, tous les vrais Plakdefer. Deux guerriers restèrent en arrière, emportés par le tumulte des combats, ou par leur stupidité. Navregen était certain qu’ils se feraient massacrer, encerclés.

Le petit contingent, diminué d’un quart, arriva dans un étroit escalier droit, et repoussa avec impétuosité les gardes accourus en hâte. Nédacié encourageait les siens par des interjections, n’étant par ailleurs pas très combatif. Cela dit, il restait un orque, et bien qu’essayant de demeurer au milieu de la formation, il eut plusieurs fois l’occasion de prouver sa force. Ils arrivèrent dans une vaste pièce dont le plafond était soutenu par plusieurs colonnes massives. L’apprenti sachem était d’ailleurs le seul parmi ses semblables, à comprendre à peu près quelle était la vocation de ce lieu. A travers les vibrations de son madrier, il ressentait clairement une sorte d’aura bienveillante planer, modifiée en ces instants par un sursaut de colère dû à leur intrusion. C’était une crypte, elle aussi taillée dans la pierre, malgré les pierres appliquées sur les parois. Un petit autel de pierre était rangé dans un coin, devant une alcôve vide. Il s’agissait, pour autant qu’il pouvait en juger, d’un ancien lieu de culte nain, réutilisé par les svedingar comme lieu de dévotion à l’Un.

Il fut vite tiré de sa rêverie par le bondi dressé devant lui, armé d’une lance. Le mage orque leva son madrier frémissant de lumière avec difficultés, mais tout se déroulait au ralenti. Il eut le temps de choisir sa cible, et opta pour le nez de son adversaire. La pointe de la poutre sculptée s’enfonça dans le crâne de son adversaire et le projeta en arrière, le visage nimbé de flammes. Le bondi plaqua les mains sur son visage, secoué de convulsions, tomba à genoux puis s’étala sur le dallage, agonisant. Les derniers défenseurs étaient eux aussi renversés à terre. Navregen haletait, déjà fatigué par les premiers échanges. Par Asslanquo, ces humains se battaient avec l’ardeur d’un orque… !

Dans leur dos, les cris de leurs poursuivants retentissaient, scandés par des « Traurika » plaintifs mais sonores. Navregen fit signe à sa bande de poursuivre vers la porte suivante. Celle-ci menait à une série de pièces basses de plafond. A chaque nouvelle salle, ils rencontrèrent de nouveaux vikingar en armes, chargeant avec pugnacité. Mais les orques bénéficiaient du nombre, et de l’espoir de la victoire. Deuzelle et son supérieur se battaient sans se ménager, projetant leurs ennemis par la vigueur de leurs revers. Un instant, les deux semi-orques remarquèrent les fenêtres lumineuses pratiquées dans les murs : ils comprirent qu’ils avaient quitté l’aile du château creusée dans la pierre.

Enfin, ils arrivaient à l’air libre, sur le parapet nord. Au sommet de l’escalier du chemin de ronde, pas le moindre gardien ; mais en contrebas, la bataille faisait rage, entre assiégés et assaillants. Navregen sautait les marches à toute vitesse, en s’époumonant :

« -Chargez, Plakdefer ! La mort est sur vous, humains ! Maaaaaag ! »

Les rangs des hommes se retournèrent, terrifiés par la clameur venue dans leur dos ! Persuadés d’être pris entre deux feux, ils s’entreregardèrent, profondément chagrinés ; devoir mourir sans personne pour survivre et raconter leur fin glorieuse… Ce ne fut plus une bataille, mais une boucherie. Les orques se jetaient sur leurs adversaires en déchiquetant air, tissu et corps. Tressolid voguait au milieu du vacarme comme un galion sur un océan tumultueux. Seuls des îlots de résistance tenaient encore pied, adossés aux murailles. Lognobard essaya de remonter les escaliers de la façade nord, accompagné par une vingtaine d’ulfsarks. Navregen, haletant, s’accorda un moment de repos, et grimpa les premières marches, admirant les derniers combats. Au milieu de la place, certains orques se jetaient déjà sur les cadavres pour les dépouiller. Quelque chose siffla, et un semi-orque se jeta devant lui, venant cueillir la flèche en plein cœur. Navregen ramassa le bouclier du mort, qui avait oublié de s’en servir, dans son empressement à sauver son chef.

La horde des Plakdefer massacrait les derniers défenseurs, et soudain, sans le moindre signal, le pillage commença. Chaque gobelin, orque, hoborque se jeta vers le donjon, le corps d’arme, les tours, les corps éparpillés un peu partout, pour récupérer tout ce qui pouvait l’être. Le jeune semi-orque se joignit au mouvement, heureux, léger. Un immense poids se retirait de ses épaules : il avait réussi ! Sa première bataille était un succès !

Les silhouettes courtaudes couraient dans les couloirs mal éclairés, affrontant fer contre fer les derniers rescapés du combat. Le cœur brisé, ils erraient dans les couloirs, la barbe défaite, le casque fendu, le bouclier morcelé, attendant qu’un des envahisseurs vienne mettre un terme à leur vie dans un combat honnête. Dans la crypte, des bondi s’étaient rassemblés, avec leurs femmes et leurs enfants, préférant mourir tous ensemble que d’être séparés par la mort. Le suicide fut bref, mais sanglant pour les pères et époux devenus bourreaux.

Les orques volaient d’une pièce à l’autre, fracassant les portes, les meubles et les objets, tuant sur place leurs victimes. Femmes et enfants étaient rassemblés en petits groupes et houspillés jusque dans la grande cour, sous la surveillance ricanante des maîtres esclavagistes. Ceux qui étaient trop vieux pour présenter un intérêt étaient défénestrés.

Les marches ruisselantes de sang frais résonnaient encore des pieds ferrés, des courses, des échauffourées. On entendait les exclamations des hommes, toujours ce « Traurika »...

Swegnine entendait derrière la porte de sa chambre, le cœur serré. Traurika ne pouvait signifier qu’une chose : la mort de son père. Elle avait rassemblé un maigre balluchon, en essayant de retenir ses larmes. Elle avait fermé sa cape de laine épaisse autour de ses épaules, glissé sa dague dans sa ceinture, et glissé son maigre sac en bandoulière. Elle hésitait encore à ouvrir le battant, mais savait que le temps lui était compté, si elle voulait s’échapper à temps. Et pourtant, les recommandations d’Orinkar la révoltaient, elle aurait préféré rester près de lui, et partager son sort, plutôt que de se cacher pour s’enfuir.

La porte vola en éclat, et elle tomba en arrière, sur le plancher de bois. Une écharde s’était enfoncée dans sa joue gauche, et cela suffit pour libérer ses larmes. C’est à peine si elle prêta attention à la créature qui entrait à présent dans la pièce, passant à côté d’elle, sabre levé. C’était un orque, moins gauche que les autres, au visage caché derrière son casque.

Navregen était hésitant. Il avait devant lui l’être vivant le plus charmant qu’il lui avait jamais été donné de voir, mais les yeux de la femme lui jetaient des éclairs de haine, à travers leurs larmes. Elle portait une grande robe d’un bleu profond, qui lui seyait à merveille. Une ceinture blanche lui entourait les reins, et dedans était passé une sorte de coutelas effilé. Le semi-orque bondit, mais pas assez vite, et il dut la plaquer contre le mur, serrant dans sa main gauche le poignet vengeur. L’humaine le regardait avec un dégoût dilué dans sa peur. Ses cheveux blonds descendaient en cascade de chaque côté de son visage, libérant un parfum énivrant. Navregen remonta son sabre, de manière à plaquer le tranchant sur la gorge de son ennemie :

« -T’avise pas de bouger, humaine. »

Swegnine hésitait, ballottée par ses émotions. Elle se demandait si il ne valait pas mieux se jeter en avant, pour en finir une bonne fois. Elle n’eut pas l’occasion de se décider, car un deuxième truand entra dans la pièce.

Deuzelle jugea la scène en un coup d’œil, souriant effrontément :

« -T’a trouvé un’bell priz, chaif.

-Ouais, grogna Navregen, sans quitter la demoiselle des yeux. J’sé pa enkor c’ke je vais en faire, alors ligote-la proprement, sans faire de zèle.

-Kompris, chaif. »

Deuzelle rengaina son sabre et arracha un rideau au lit à baldaquin, pour en faire des liens sommaires. Il s’y connaissait en nœuds, pour avoir passé une bonne partie de sa jeunesse sur les arrières des renifleurs, réalisant pièges et missions d’observation. Ils sortirent tous les trois de la chambre, bousculant quelques pilleurs de passage. Deuzelle ouvrait la marche, tirant au bout d’un long morceau de tissu effiloché la captive.

Ils ne firent pas dix mètres qu’ils rencontrèrent un nouveau groupe de svedingar. Ils étaient six, portant de larges boucliers ronds et de courtes haches. Leurs casques étaient ouverts en deux, laissant descendre leurs barbes blondes, rousses et brunes.

« -Traurika ! hurlèrent-ils, en apercevant la demoiselle. Pour le seigneur ! »

Deuzelle esquiva le premier coup et zébra le premier blason. L’un des hommes du nord se présenta devant lui, frappant avec acharnement tant sur le mur que sur son adversaire. Le semi-orque recula, blessé à maints reprises, et évita aussi vite que possible les coups de boutoir. Le sautres s’étaient précipités, faisant un barrage de leurs corps pour protéger Swegnine. Navregen hurla de rage et trancha une main, mais son adversaire lu ijeta son bouclier au visage avant de foncer tête baissée. Les autres avaient déjà entouré la jeune femme et tentaient de reculer.

Le demi-sang serra les dents, échauffé par l’espoir fou de ces combattants : espéraient-ils lui échapper ? Il éleva le bras et décapita le premier d’entre eux, et dans le même mouvement perça le cœur d’un deuxième. Un bouclier s’interposa, bientôt transpercé par le sabre elfique : la rapière franchit la barrière de bois et poursuivit sa route jusque dans la poitrine du svedingar, qui cracha du sang dans sa chute. Le sabre dansait et étincellait, plus rapide qu’une anguille, et déjà Navregen bousculait les trois survivants. Deuzelle tua l’un d’entre eux, et n’eut pas le temps de faire plus. Le chef des Plakdefer lança son bouclier en pleine machoire du premier des gardes, le projetant en arrière, et attrapa Swegnine par la taille pour la maintenir derrière lui, puis plongea en avant et executa le dernier rebelle. Alors il reprit son souffle, et repoussa sa captive vers Deuzelle :

« -T’avises plus de la perdre, Deuzelle.

-Pas de danger, chef. M’étonnerait k’il y ait enkore des survivants humains. »

Navregen ne perdit pas de temps à croiser le regard écoeuré de la jeune femme, et hâta son pas vers la muraille.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Juste un mot: super.

Pour ne pas monoligner, je peux te dire que j'ai vu une ou deux fautes, mais pas trop gènante.

Il y a aussi quelques confusions, par exemple tu passes trop facilement du point de vue ce Navregen à celui de Nédacié.

Sinon, la bataille est juste sublime. J'ai beaucoup aimé le passage du baton qui tourne. D'ailleurs, Nédacié est bien plus puissant qu'on ne le croyait. Il explose littéralement un mur... Et dire qu'à un moment on le croyait à peine capable de voir des trucs dans ses potions...

Autrement, il y a quelquechose de très bien aussi, c'est que tu fais subir des pertes aux orcs aussi. Généralement, une bataille est un massacre (même si souvent la tendance s'inverse au milieu), et toi, tu ne tombes pas dans cet aspect-là. La victoire n'est pas à l'arrache mais presque...

Bon tout ça pour dire que Suite!

Shas'o'da'lyth'mor'tyr'kar'tyes'ukos

Ca faisait quand même longtemps qu'on l'attendait cette bataille.

Modifié par 0'mor'tyr
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

les gobelisn avaient grimpé par grappes
Navregen lu avait demandé de rester là, à attendre
désorientées ne savaient plu que faire. Après un premier
mais son adversaire lu ijeta son bouclier

Bon voila pour les fautes. Alors j'aime bien cette partie parce que ça bouge à mort :wub: Donc assaut et l'autre avec son passage secret. Petit coup de magie spectaculaire donc. Récit d'une bataille bien menée même si faudrait peut être faire un bilan d'effectif au final peut etre ! Maintenant, moi ma question, c'est que va t il faire de la fille ? :wink:

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 2 semaines après...

Le bilan d'effectif sera vite fait, vu que les orques et les mathématiques, ça fait trois... :wink:

Et hop, la suite avec ( évidemment ) moins d'action, et la réponse à ta question il est vrai intéressante. re- :D

La lumière de l’après-midi frappait avec force la basse-cour ensanglantée. Swegnine cligna des yeux, plus pour chasser les larmes que par éblouissement. Au milieu de la place, près de cinquante prisonniers étaient rassemblés sur le sol, accroupis ou jetés à terre, tous immobiles. Certains avaient des habits en pièces, déchirés là où glaives ou sabre avaient frappé, laissant derrière eux une plaie béante. Chaque hoborque, chaque guerrier chanceux surveillait son lot, le regard mauvais, les lèvres retroussées.

La foire aux esclaves avait commencé. A partir de là, les Plakdefer se répartissaient en trois catégories. Il y avait d’abord les vendeurs d’esclaves. Certains des heureux possesseurs n’avaient aucune envie de conserver ces bouches à nourrir : soit qu’ils en avaient déjà plus que leur compte, soit qu’ils n’en avaient pas le loisir –c’était le cas des renifleurs ou des semi-orques. Un éclaireur ne pouvait pas se permettre d’avoir des esclaves : laissés trop souvent en arrière avec le reste de la horde, ils se feraient tôt ou tard ramasser par un membre influent de la troupe. Quant aux semi-orques, leur statut de parias, d’exclus, ne pouvait en aucun cas leur octroyer le luxe de garder des serviteurs à leurs ordres.

D’autres Plakdefer, au contraire, désiraient augmenter leur « clientèle ». Allant d’un groupe à l’autre, leur sac de butin sous le bras, ils observaient les nouvelles prises. Deux ou trois avaient déniché des sacoches remplies de pièces en métaux précieux, ou des pièces d’équipement remarquables : baudriers martelés de gemmes, heaumes finement décorés d’arabesques, boucliers resplendissants… Ils s’arrêtaient de temps à autre, baissant encore plus la tête vers le sol pour observer leurs éventuelles acquisitions. L’un des peau-verte s’intéressa à une femme recroquevillée dans la poussière, et plaqua une main sur sa mâchoire pour releversa tête et pouvoir évaluer son prix. La femme hurla aussi fort qu’elle put, et l’un de ses voisins, qui avait pieds et poings liés, se jeta tête la première sur l’agresseur. Quatre orques armés de fouets l’entourèrent et le flagellèrent avec force, jusqu’à ce qu’il reste immobile, étendu sans vie. Le trafic recommença, comme si de rien n’était. Les marchands considéraient les offres, retournaient sous toutes les coutures les pièces d’équipement qu’on leur proposait en échange,et discutaient les propositions.

A l’écart, certains n’étaient pas intéressés pas toute cette agitation. Trop fatigués par les combats, ou trop démunis pour s’acheter un objet de luxe, ils attendaient assis par terre. Pour tuer le temps, ils s’amusaient à desceller des pierres du mur, ou à observer ces pitoyables humains gémir, étalés par terre. D’autres restaient silencieux, à panser de leur mieux leurs blessures en les léchant et en les recouvrant de linges sales.

Quand le chef des semi-orques parut, Deuzelle se tourna vers lui et cria à pleine voix :

« -Voici notre chef, Navregen fils de Karman, il nous a menés à la viktoire !

-Agurik kosmag ! hurlèrent les orques. Gloire à Navregen !

-Plakdefeeeeer ! répondit leur chef, en vidant ses poumons.

-Plakdefer ! Plakdefer ! Plakdefer ! »

La horde scandait le nom, frappant du pied ou de la lance sur le pavé. Enfin, se dit Navregen, voilà ma victoire. Le clan a retrouvé sa raison d’être, son essence. Nous volerons de victoires en victoires, et plus rien ne nous arrêtera. Il descendit les marches d’un pas solennel, s’accordant même un sourire. Oui, le clan pouvait revivre.

Il restait une dernière chose à faire. Et pas des moindres, à vrai dire.

Cette seule pensée le rembrunit quelque peu. Il y avait le dragon. Il s’était juré de le tuer, et il tiendrait sa parole. Une fois cette dernière injure lavée, plus aucun obstacle n’obstruerait la route des Plakdefer.

Swegnine suivait de son mieux le pas rapide des deux semi-orques, trébuchant à chaque pas. A travers la buée et les larmes dans ses yeux, elle pouvait voir les survivants de son clan, parqués à même le sol où les morts gisaient encore, à moitié dépouillés. Les orques étaient partout, se bousculant, grognant et griffant ; ils faisaient preuve de plus de cruauté encore envers leurs prisonniers qu’entre eux, leur prodiguant force coups de poing. Les murs du château étaient déserts, gardés seulement par des corps renversés sur les créneaux ou cloués par des pieux. De la fumée noire sortait des fenêtres du donjon creusé dans la montagne, signe d’un incendie criminel.

Celui qui la tenait ligotée la poussait sans ménagement, la forçant à adopter leur allure. Ils étaient exactement comme les autres, d’après elle. Trapus, agressifs et cruels. Leur peau d’un teint livide empestait autant que leurs regards furieux. Ils la menaient hors de la forteresse, passant déjà le corps de garde. Autour d’eux, les orques criaient de joie, bavardaient et hochaient de la tête. Plusieurs leur emboîtèrent le pas, trainant derrière eux leurs nouveaux servants. Swegnine se mordit les lèvres pour retenir ses sanglots, et fit de son mieux pour rester debout.

Le sol s’inclinait rapidement, la route serpentait sous les ramures des sapins sombres. Entre les troncs d’écorce rude, les silhouettes rapides des gobelins et des pisteurs allaient et venaient, transportant des boucliers chargés d’étoffes, d’objets précieux et d’armes en tous genres. Ils n’avaient pas fait vingt pas à la lisière qu’une grande forme noire sortit des fourrés. C’était une bête massive au cou puissant, et à la tête hirsute. Son pelage noir grisonnant tombait sur ses flancs, et sa longue queue fouettait l’air. Des griffes d’acier brillaient à ses pattes, ses crocs découverts présentaient quatre rangées horribles.

La jeune svedinga était tétanisée par la peur, et tomba sur le tapis d’aiguilles de pin. Une écharde s’enfonça dans sa joue, et la douleur suffit à libérer les larmes contenues avec peine. Elle resta là, les bras liés dans son dos, persuadée qu’elle allait mourir. En quelques secondes, le monstre serait sur elle et la déchiqueterait de ses dents acérées.

« -Qui est-ce ? aboya le wolfen, dans un langage orque approximatif.

-Ma nouvelle prise, répondit Navregen.

-Qu’est-ce que c’est ? »

Le loup géant restait sur le qui-vive, à moins de cinq mètres, prêt à attaquer si nécessaire. Deuzelle fronça ses sourcils broussailleux et tira un coup sec sur le drap déchiré pour essayer de relever la captive, mais celle-ci se contenta de pousser un cri d’angoisse, et de mettre un genou à terre.

Navregen réflechissait, se demandant de quelle manière il pourrait présenter les choses à la bête. Les hardes de wolfen ne faisaient jamais de prisonniers.

« -Elle fait partie de ma maison, maintenant, expliqua t-il.

-Vraiment ? Une humaine ? grogna l’autre, étonné.

-Oui, Loup. Il faudra la laisser vivre. Veille sur moi, veille sur elle.

-Si elle de ta famille… Pourquoi la faire pleurer ?

-C’est mon affaire » répondit Navregen.

Il se tourna vers la prisonnière, et réprima une grimace. Il n’était pas un bourreau.

« -Deuzelle, un peu plus d’égard.

-Parce ke tu krois k’elle le mérite ? On est des monstres pour elle. Tous les humains du pays chassent les peau-vertes pour leur loisir, kand ce ne sont pas des massacres organisés. Et le fait ke notre sang soit mêlé ne change rien à leurs yeux.

-Pour moi, cela fait une différence.

-Tu as tort. Laisse-moi lui inkulker le respect, et elle sera docile.

-Je ne traite pas mes esklaves ainsi.

-Tu n’en as jamais eu ! Et tu krois k’un vrai hobork agirait autrement ? »

Navregen serra les poings, giflé en plein visage par le reproche. Il contourna la jeune fille sans lui jeter un regard et se planta droit devant son second :

« -C’est enkore moi le chef des Plakdefer, Deuzelle, et tu feras ce ke je dis. Assez de sang de notre tribu a koulé. »

Il lui prit des mains la laisse en tissu, et la jeta à terre. Il reporta alors son attention sur la svedinga. Elle n’avait pas bougé et attendait, visiblement terrifiée. Elle n’avait rien pu comprendre de leur discussion, à moins qu’elle ai étudié le parler orque. Tant mieux. Il ne voulait pas qu’elle s’imagine qu’on pouvait bafouer son autorité impunément.

« -Humaine, déclara t-il en langue commune, si tu restes trankille, on ne te fera rien. »

Il s’accroupit, se saisit du nœud, et dénoua ses liens. Il s’attendait à un peu de reconnaissance de sa part.

Swegnine saisit sa chance, et tira de sa botte gauche une longue aiguille à coudre en os de jagular. Le semi orque aperçut un reflet de lumière sur la pointe, et sauta en arrière, pas assez rapidement pour éviter que son biceps droit ne soit tailladé. Il grognait de colère, la main gauche plaquée sur sa blessure.

Elle se redressa, le souffle court, reculant à petits pas. Il n’y avait personne d’autre autour d’eux, juste son adversaire, l’autre tortionnaire qui les regardait, les bras croisés, l’air goguenard, et le loup géant… Qui s’était remis sur ses pattes et rampait, les machoires fermées mais la gorge grondante. Dans quel piège était-elle tombée ? Elle garda la longue aiguille pointée devant elle, bien consciente que cela n’arrêterait pas ses trois ennemis.

Celui qui semblait être le chef aboya quelques ordres dans cette langue gutturale, à l’adresse du monstre. Le wolfen s’arrêta, tous muscles tendus.

« -Tu krois pouvoir aller loin ? la railla soudain le premier des trois barbares. Kelles chances as-tu de t’enfuir ? J’ai toute une horde à mon service.

- Vous ne pouvez pas me reprocher d’essayer, rétorqua t-elle.

-Si, humaine. C’est stupide ; si l’un ou l’autre de mes guerriers te rattrape, il sera moins akomodant que moi. »

Elle recula encore, indécise. Il s’avançait devant elle, à pas mesurés, gardant une bonne distance. Il poursuivit :

« -Tu imagines très bien ce ki pourait se passer. Sans compter que je devrais tuer ceux ki poseront leurs pattes sur toi.

-Ne vous en sentez surtout pas obligé. Je ne serai pas réduite en servitude. Allez au diable, vous et vos assassins. Quand l’armée de secours arrivera, je serai là pour vous voir mourir.

-Non, je ne crois pas. »

Il dégaina son long sabre recourbé, et s’amusa à le faire siffler.

« -A votre avis, kombien de secondes pourrez-vous parer mes coups, avec votre épine ? Deux ? Trois ? »

Il sauta en avant et exécuta un grand moulinet, si rapide que la lame se fondit dans l’atmosphère pour se rematérialiser à quelques centimètres du sol. L’aiguille était tranchée net, juste au bout des doigts de la jeune fille, qui lâcha le manche avec un cri de surprise et se jeta en arrière. Elle trébucha sur les racines d’un sapin, et tomba à la renverse.

« -C’est la deuxième fois ke vous essayez de me poignarder, humaine. kombien d’armes de ce genre kachez-vous enkore sur vous ?

-Pourquoi vous le dirais-je ?

-Parce ke cela m’éviterait de vous fouiller.

-Vous…

-Répondez !

-Je… Je n’en ai plus.

-Je l’espère pour vous. Ce n’est pas un poinçon qui me tuerait. Mais j’ai horreur des mensonges, et si je découvre que vous m’avez menti…

-Elle a bien trop peur pour mentir, ricana Deuzelle, dans son dos.

-Je n’en suis pas si sûr. »

Il glissa la rapière elfique dans son fourreau, et considéra un instant sa prisonnière.

« -Relevez-vous. »

Elle tenta bien d’obéir, mais elle avait dû se fouler la cheville dans sa chute. Elle ne parvint qu’à s’appuyer au tronc, en serrant les dents. Fatigué d’attendre, le semi-orque l’attrapa par la taille, et la jeta sur son épaule droite sans plus de cérémonie.

« -Lâchez-moi, peau-verte !

-Jamais de la vie. Pour ke vous vous kassiez de nouveau la figure ? »

Ils se remirent en marche vers le campement orque, bientôt rejoint par d’autres pillards. Le chef des Plakdefer maintenait sa prisonnière par la taille, et observait du coin de l’œil le wolfen. Loup, puisqu’il l’avait appelé ainsi, restait sur ses talons et renifflait avec force, relevant la tête de temps à autre dans sa direction. Derrière lui, Deuzelle marchait en silence. Il s’était sans doute bien amusé de ce duel improvisé dans les bois ! Quand à cette humaine, elle ne disait plus rien. Peut-être était-ce parce qu’ils entraient maintenant dans le camp et que des dizaines d’orques les observaient. Ce n’était pas le moment d’attirer encore plus l’attention sur elle. Il arriva jusqu’à sa tente de fortune. Sur son ordre expresse, les gobelins avaient fait de leur mieux pour en améliorer le confort. Depuis le désastre de la rivière, il avait perdu une grande partie de son bagage, et il avait ordonné qu’un semblant d’ordre soit rendu à ses quartiers. Guidés par deux semi-orques, ils avaient redressé les poteaux, taillé de nouveaux piquets et recousu les pièces de peau déchirées.

« -Nous avons acompli de grands faits d’arme aujourd’hui, déclara t-il à Deuzelle. Mais demain, il faudra songer à l’avenir. Tiens-toi prêt dès l’aube.

-Oui, chaif de klan. »

Navregen entra seul dans sa demeure de toile tendue, laissant le wolfen tapi à l’entrée. Une lampe à huile était suspendue au pieu principal, le long d’une chaîne de cuivre. Deux vieilles caisses contenant l’essentiel de ses effets personnels étaient placées contre un des murs de tissu et servaient de table. Deux tabourets mal taillés tenaient lieu de chaises, et une paillasse en bois couverte de foin faisait office de lit.

Il y laissa tomber son précieux fardeau, et s’assit pour sa part sur l’un des sièges rustiques, attendant la réaction de la jeune femme. Elle portait une longue robe bleue froissée et déchirée en plusieurs endroits, salie par la boue quand elle était tombée. Elle ne portait pas de cape, et seule sa ceinture blanche retenait son vêtement. Ses cheveux blonds épars étaient décoiffés et tombaient sur son cou, cachant en partie son visage. Il n’avait rien à voir avec celui des peaux-vertes. C’était un miroir crème, éclairé par deux amandes d’un bleu clair et un nez court, une bouche discrète et entrouverte.

« -Allez en enfer, horrible chose ! »

Swegnine avait du mal à contenir sa colère. Son désespoir et sa peine avaient rapidement cédé le pas à un sentiment de rage, qui avait balayé tout le reste. Ces sauvages devraient payer pour leurs crimes, la tuerie de la forteresse et le meurtre de son père. Et la façon dont ils se comportaient…

« -Vous n’êtes que des bêtes !

-K’est-ce ki vous permet de dire ça ?

-Vous vous comportez d’une manière abominable ! C’est… Je ne peux pas croire que vous ayez une âme !

-Aurais-je blessé votre orgueil ? Aurais-je accompli quelque maladresse ? Je vous rappelle que les guerres sont vieilles, très vieilles. Savez-vous qui a inventer le meurtre, le crime, le vol et les tueries ?

-Un orque, à n’en point douter.

-Les elfes.

-Vous mentez ! Jamais un elfe n’accomplirait ce genre de chose.

-Tous ceux que j’ai vus en ont réalisées de bien pires.

-Vous parlez des slaqhors. Mais les Elfes Noirs ont perdu jusqu’à leur dignité et leur raison d’être. Un vrai elfe…

-Je n’ai jamais vu de Slaqhor. La plupart des orks de ma tribu ne konnaissent même pas la signification de ce mot. En revanche, nous avons eu affaire aux Dimhors.

-Les Dimhors sont les fils du Souverain, le plus noble des Seconds. Ils ne commettent jamais de fautes telles que celes que vous décrivez.

-Sortez de votre kage dorée ! s’écria Navregen. Ils sont faillibles, pas moins ke les autres. Et je ne parle pas des humains. Sans cesse à piller, à pourchasser et à batailler, ke ce soit kontre mon peuple ou kontre eux-mêmes.

-Vous noircissez volontairement le tableau, peau-verte. Quant aux Dimhors…

-Mon père a été tué par leur faute ! Il a été empoisonné par un grand dragon qui s’était rangé à leur service. Ils ont fait appel à des créatures de ce genre pour nous vaincre, et Karman a succombé à la mort après une agonie insupportable, résistant au trépas pendant des jours et des nuits, couvert de fissures et de blessures !

-Vous, vous avez tué mon père !

-Qui était-ce ?

-Le… Le seigneur de ce château.

-Ainsi vous êtes bien une dame, hein ? Ce n’est pas moi ki l’ai tué. Et même si cela avait été le kas, je peux vous assurer qu’il a moins souffert que le mien.

-Vous n’en savez rien ! s’insurgea la jeune fille. Mon père était un homme bon, qui avait guidé notre mesnie à travers toutes ces années. Il protégeait ses sujets, et il n’a jamais levé la main sur un innocent. Vous les orques, vous rôdez dans les contreforts de la Grande Barrière comme des loups dans la forêt. Celui qui vit par l’épée…

-Mais par les cornes de Moregard, où te krois-tu pour venir jusk’ici m’assener ta morale ? »

Il était debout, furieux, les poings serrés. Swegnine se recroquevilla sur la paillasse, apeurée par sa soudaine saute d’humeur.

« -Tu craches sur les orques, mais moi suis-je un monstre ? »

Swegnine resta interloquée. Pour la première fois, l’étonnement remplaça sa colère. Etait-il sérieux ? Il lui posait vraiment cette question ? La réponse était évidente ! Et pourtant, elle se surprit elle-même à envisager l’autre possibilité. Non, cette créature courtaude, à la peau blafârde et aux mains griffues n’avait rien d’humain. Cela en faisait-il un monstre ? Elle regarda longuement son geôlier, depuis ses pieds engoncés dans des souliers cloutés en cuir épais, ses jambes droites couvertes de chausses d’un brun terni, son tabard cousu de mailles, sa longue cape en peau d’ours, ses épaules larges, ses bras arqués, ses doigts noueux, son cou solide et sa tête penchée en avant, aux machoires puissantes et à la tignasse éparse. A y bien regarder, il n’était pas si bestial. Ses bras ne paraissaient plus si tordus, son dos si vouté, ses dents si crochues. Bien au contraire, ses membres étaient bien proportionnés, sa taille haute, sa démarche fière. Sa tête droite n’avait rien de sauvage, si ce n’étaient ses sourcils épais, son nez retroussé dans sa colère, et ses cheveux noirs rudes et drus. Plusieurs cicatrices soulignaient la courbe de ses tempes, son front dégagé, son menton volontaire. Il ressemblait vraiment à un barbare, mais pas à un monstre. A vrai dire, elle avait vu des humains bien plus repoussants, et de bien moindre conduite. Mais elle ne voulut pas reconnaître son tort.

« -Je ne sais pas ce que vous êtes, peau-verte.

-Moi, je vais te le dire. Je suis ton maître. Je t’ai prise dans la chute du bastion, alors même ke la mort et la destruktion s’emparaient de tout ce à koi tu tenais. Si je n’avais pas été là, tu pourrais très bien être morte et laissée aux korbeaux, à l’heure où nous parlons. Tu es à moi, et j’ai droit de vie et de mort sur toi. Je ne sais pas si les elfes ke tu encences tant, ces Dimhors, en usent ainsi, mais c’est la koutume par chez nous, et chez les humains aussi je krois. Et c’est une koutume ke tous respektent. Je t’ai sauvé la vie, d’une certaine manière. Tout ce ke j’exigerai de toi en échange, c’est un peu de rekonnaissance. La plupart demanderaient beaucoup plus… Mais je ne suis pas une bête. »

Elle hocha de la tête, visiblement troublée par cette déclaration. Les allusions de son geôlier la choquaient, mais elle était bien forcée de reconnaître qu’il avait raison. Elle ne put s’empêhcer de remarquer :

« -Mais vous vivez avec un wolfen…

-je ne vis pas exaktement avek. Je lui ai sauvé la vie il n’y a pas deux semaines.

-Vous lui avez… Quoi ?

-Il semble que mon destin soit de sauver la vie à beaucoup de monde ! plaisanta t-il.

-Ou de l’enlever à d’autres, remarqua t-elle, pleine de tristesse.

-Les deux se valent. Et la vie d’un wolfen vaut bien celle d’un humain !

-Vous plaisantez ?

-Elle vaut toujours mieux que celle d’un elfe en tout cas. Je peux vous jurer que lui ne me poignardera jamais. J’ai mis toute ma confiance en lui.

-J’ai peine à y croire, peau-verte. »

Navregen réprima une nouvelle grimace. Ce mot résonnait comme une insulte dans la bouche de sa prisonnière.

« -Navregen. Mon nom est Navregen.

-Les peau-vertes se donnent de vrais noms ? railla t-elle.

-Les humaines aussi je suppose.

-Vous espérez peut-être que je vous donnerai le mien ?

-Je me demandais simplement si nous pouvions avoir une konversation plus amikale. Nous ne sommes pas ennemis.

-Vous me gardez emprisonnée.

-Vous n’avez pas l’air de vous rendre kompte de ce ke vous risquez si vous vous retrouviez seule dehors.

-Cela m’est arrivé plus d’une fois !

-Avek une horde d’orks dans les parages ? Non bien sûr. Votre cher père se chargeait de massakrer les voyageurs auparavant.

-Komment osez-vous ?

-Vous êtes à moi. Je vous relâcherai kand je le jugerai opportun.

-Autant dire jamais.

-C’est pour votre bien.

-C’est si gentil de vous faire du soucis pour moi ! Et pourquoi risquerais-je moins avec vous ?

-Vous ne me faites pas konfiance ?

-Je le devrais ?

-Un wolfen m’a fait konfiance dès notre première renkontre, sans gage de bonne volonté de ma part, simplement parce ke je lui ai tendu ma main.

-Vous pouvez charmer les loups avec vos griffes, mais pas les humaines, peau-verte.

-Très bien… Je vois ke la persuasion ne mène à rien. K’y a t-il de plus sacré au monde ?

-Pardon ?

-Répondez à ma kestion.

-Mais… Je n’en sais rien ! »

Navregen dégaina sa rapière, et en posa la pointe sur le sol, entre eux. Il reprit :

« -Pour la plupart des guerriers, leur arme est ce k’ils ont de plus précieux. Je jure sur mon sabre que je ne vous porterai jamais atteinte, et ke je défendrai votre honneur par ma vie. Cela vous va t-il ? »

Swegnine demeurait coite, adossée à la toile de la tente, à demi relevée et appuyée sur ses bras. Cet orque était fou à lier, ou bien… Il venait de prononcer un serment, avec tout le sérieux dont il semblait capable. Un peau-verte pour chevalier servant ? Elle aurait lu cela dans un conte, elle en aurait ri. Mais la situation était bien réelle, insolite. Elle ne savait pas quoi répondre.

« -Vous vous demandez sans doute ce que vaut la parole d’un ork, regretta Navregen en rangeant son arme. Elle vaut bien celle d’un elfe, vous pouvez m’en croire.

-Je… bredouilla la jeune fille. Je ne sais pas si je dois vous remercier.

-Oh je ne vous demande pas d’embrassades. Je veux seulement votre nom.

-Je ne peux pas, regretta t-elle. Je suis votre captive, quoi que vous disiez. J’ai le droit de garder mon nom et mon espoir de m’enfuir.

-Un espoir inutile et dangereux.

-C’est la seule raison qui me retient à la vie.

-Dépéchez-vous d’en trouver une autre, car vous devrez bien renoncer à celle-là. »

La discussion était close. Swegnine se demandait bien ce qu’il comptait faire d’elle. Il était impensable qu’un orque s’encombre d’une esclave sans rien en faire. Il allait sans doute lui trouver quelque tâche exténuante ou rebutante à accomplir. Elle se rendit compte qu’elle était fatiguée, très fatiguée. Les événements de la matinée l’avaient épuisée, et elle avait faim. Maintenant que la terreur et que la colère l’avaient abandonnée, elle éprouvait une lassitude écrasante, et un creux dans l’estomac douloureux.

« -Que va t-on faire, à présent ?

-Le soleil est haut dans le ciel, remarqua Navregen. Il est temps de manger. »

Il n’étaient pas si différents, puisqu’ils éprouvaient les mêmes besoins. Elle le regarda s’éloigner et quitter la tente, pour chercher quelque nourriture. La jeune svedinga réalisa soudain que le wolfen était toujours à l’entrée, et que plus rien ne l’empêchait de la dévorer. Elle se leva de la paillasse malgré son entorse et regarda autour d’elle, cherchant de quoi se défendre. Il n’y avait rien qui puisse faire l’affaire, hormis les sièges en bois. Elle clopina jusqu’à arriver à en attraper un et le maintint devant elle, se tenant au fond du pavillon. Son cœur battait la chamade, et elle compta les secondes avec appréhension.

Navregen entra, surpris de la trouver sur la défensive, un tabouret devant elle.

« -Vous pouvez poser cela, je ne viens pas tout-de-suite vous tuer.

-Je craignais le wolfen.

-Je lui ai dit de veiller sur vous, pas de vous supprimer !

-Moi, je ne crois pas en ces créatures.

-A votre aise. Mais je vous rekommande de vous servir de votre ustensile pour vous asseoir, plutôt ke pour vous battre. »

Il déposa sur les malles une longue tige de fer sur laquelle était embroché un pic-vert malchanceux à moitié cuit. On voyait encore planté dedans la flèche qui l’avait abattu ; il n’avait pas été plumé, tout juste vidé et décapité. On voyait encore les belles rémiges d’émeraude pendre à ses ailes. Cette vision lui fit pitié.

« -Cette pauvre bête aussi se serait bien passée de vous.

-Dites vous ke c’était son destin, suggéra le semi-orque en s’asseyant en face d’elle. Et je m’exkuse pour la présentation et la frugalité, ki ne konviennent pas à une jeune aristokrate.

-Ne vous en faites pas trop pour moi. Nous ne sommes pas à Cramdlillvord, la Cité Impériale, et j’ai eu plus d’une fois l’occasion de partager l’ordinaire des soldats.

-Tant mieux pour vous, parce que ce ne sera pas souvent meilleur. »

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 4 semaines après...

Le repas fut rapidement terminé. Navregen avait mangé avec appetit, sans trop de bonnes manières, et s’était essuyé les mains sur un pan de la toile de tente en cuir de bison. Swegnine s’était contentée des ailes grillées, et regardait maintenant son maître ordonner à un malheureux gobelin de remmener les reliefs du repas hors de ses quartiers. Le petit humanoïde s’exécuta avec force révérences et piaillements de joie, tout heureux de pouvoir manger les restes du chef des Plakdefer. Il était pourtant fort probable qu’une nuée de ses camarades se jetterait sur lui, dès qu’il serait sorti.

« -Et maintenant ? demanda t-elle, aussi impatiente qu’inquiète.

-Koi, humaine ?

-Qu’allons-nous faire, peau-verte ?

-Vous, pas grand chose. Moi, j’ai un devoir à acomplir.

-Compter le butin et les esclaves obtenus, je suppose ?

-Mais tout-à-fait ! Vous êtes très perspikace, humaine.

-Puissiez-vous mourir !

-Je ne le souhaite pas pour vous. Qui sait ce que vous deviendriez ?

-Une femme heureuse.

-Ou le jouet du nouveau chef de klan… »

Swegnine resta toute l’après-midi cloitrée dans la tente. Au début, elle avait essayé de trouver un échappatoire, mais le wolfen était couché non loin de l’entrée du pavillon, et relevait la tête chaque fois qu’elle en approchait. De plus, une bonne dizaine de gardes était postée tout autour, se disputant ou comparant leur butin. Elle s’était donc résignée, et s’était efforcée de trouver quelque moyen d’adoucir sa solitude.

Sa principale occupation était d’élaborer un plan d’évasion. Elle savait que d’autres Svedingars de son clan étaient installés dans les villes voisines. Seulement, la bourgade la plus proche était à plusieurs jours de marche, et si la horde se remettait en route vers le nord, le sud ou l’ouest, cette distance ne ferait que s’accroitre. De plus, elle n’avait probablement plus de parents ayant assez d’influence pour organiser sa protection. Une horde d’orques en entrainait toujours d’autres derrière elle, et il était peu probable qu’aucun baron svedingar soit en mesure d’enrayer un tel flot.

Jamais elle n’avait connu de situation aussi tragique, et pourtant elle n’arrivait pas à s’abandonner au désespoir. Elle était certaine que ce n’était pas du courage. Si elle avait dû compter sur sa force de caractère, il y a belle lurette qu’elle serait morte de découragement. Ce n’était pas de l’abandon non plus, non. Elle avait le profond sentiment qu’elle devait faire quelque chose, mais quoi ? Elle était battue, abattue, mais pas résignée. Elle s’assit sur un tabouret et remua dans sa tête toutes ces pensées. Qu’attendait-on d’elle ? Elle avait vraiment du mal à envisager son avenir sous un jour radieux…

Elle était déterminée, oui. Redressant la tête, elle rassembla ses esprits. Elle n’allait pas laisser cet horrible tortionnaire la mener en bateau. Il avait organisé et massacré ses parents, et il voulait peut-être se faire passer pour quelqu’un de civilisé ? Bien sûr, elle savait que les hommes du nord avait fait de même, quand ils avaient débarqué dans ce pays, mais tout de même… Non, ce n’était pas pareil. Ce ne pouvait pas être pareil. Les orques étaient des barbares sanguinaires, au service des elfes noirs du pays d’au-delà de la Grande Barrière. Il n’y avait aucun remord à avoir.

C’est ainsi qu’elle fit l’inventaire des objets à sa disposition, passa toutes les possibilités en revue, et mit au point plusieurs stratégies. Elle envisageait chaque proposition, la réfutait ou la mettait de côté, espérant trouver une solution.

Une bande de gobelins passa devant la tente, attirant son attention. Le plus grand de tous, qui semblait être le chef, piaillait de sa voix aigüe et tentait de rassembler ses compagnons de jeu. Ils brandissaient tous des brindilles, des branchages et des petits bâtons, et s’amusaient à se provoquer en duel, se donnant des coups, feintant, croisant leurs épées improvisées dans une sarabande grotesque. Ils se mesuraient avac tant de ferveur et d’énergie que plus d’un tombait en avant ou en arrière. Ils faisaient des galipettes, criaient, roulaient en avant, se houspillaient et se chamaillaient. Leurs jeux innocents parvinrent à lui soutirer un sourire. Quoi, elle s’amusait des espiègleries de peaux-vertes ?

Elle secoua la tête, presque inquiète. Que lui arrivait-il ? Où était passée toute sa force d’âme, sa vaillance et sa décision ?

Le soir vint rapidement, sans que le semi-orque ne revienne. Le soleil n’allait pas tarder à se coucher, quand l’autre demi-sang, celui qui l’avait ligotée, entra dans la tente. Elle se releva de son tabouret, esquissant une grimace, et demanda :

« -Que… Que voulez-vous ?

-Le chef m’envoie vous apporter ça. »

Il portait à la main un bouclier renversé, sur lequel fumait une mixture étrange. Cela ressemblait à une bouillie composée de racines, de morceaux de viande grillée et de farine écrasée, le tout agrémenté de quelques herbes comestibles. Il posa le bouclier sur les coffres, annonçant :

« -C’est ce k’on a pu faire de plus présentable… grogna t-il. Mangez. »

Elle regarda le disque de bois, et le mélange chaud. Elle avait faim, et cela semblait correct, en tout cas pas moins bon que ce qu’elle avait pu avoir au midi. Elle fit mine de s’en approcher, mais Deuzelle ajouta :

« -Ahr, j’allais oublier… Faut ça aussi. »

Il écarta sa tunique et décrocha de sa ceinture une gourde en cuir, qu’il jeta à côté du plat improvisé en lançant :

« -L’chef veut pas k’vous mouriez de faim, ni d’soif.

-Où est-il ?

-Ki ça ? L’chef ? »

Swegnine aquiesça, mais Deuzelle ricana et tourna la tête, en remarquant :

« -K’est-ce ke ça peut vous faire, esklave ? C’est votre maître, il fait c’kil veut, pas vrai ?

-Je ne suis l’esclave de personne, cria la jeune femme, et surtout pas de lui !

-Navregen a mal choisi sa captive, se gaussa l’autre. Une effrontée, vraiment !

-Je n’ai pas à montrer de respect pour vous !

-Fais attention humaine ! répondit le semi-orque, et il la regardait droit dans les yeux. Gare ! »

Swegnine recula, son pied foulé l’élança et elle s’assit sur le lit. Deuzelle ne riait plus :

« -Trop de fierté dans c’regard. J’lui avais dit d’me la laisser !

-Si vous parlez de moi, faites-le directement, protesta t-elle, mal à l’aise. Je ne suis pas un objet !

-Oh ke si, ma belle. Faudra vous faire à l’idée. Et si l’chef arrive pas à vous kalmer, p’t’être k’il me demandera de m’okuper de vous personnellement, pour vous amadouer et vous apprendre le respect.

-Taisez-vous ! Vous n’êtes qu’un horrible monstre, et vous n’avez pas répondu à ma question !

-Vraiment têtue ! Navregen fait c’k’il veut et n’a pas d’komptes à rendre à sa konkubine !

-Je ne suis pas sa…

-Bien sûr… Et il peut très bien vouloir passer cette nuit avek une autre, vous n’y verrez donk pas d’inconvénient ? »

Swegnine resta sans voix, estomaquée par cette déclaration. Elle ne s’était pas attendue à ce genre de déclaration ! Deuzelle interpéta mal son silence, et se remit à ricaner :

« -Je vous ai mal jugée on dirait ? Là depuis si peu de temps, et déjà entichée d’lui, à moins ke vous n’ayez kompris. Il est dans votre intérêt d’rester sienne, pas vrai ? Mais ni vous ni moi ne pouvons prédire l’avenir. Il préférera peut-être l’esclave d’un autre, ou peut-être qu’il trouvera une vraie orque plus à son goût ! Et alors, k’est-ce ki vous arrivera ?

-Silence, peau-verte ! hurla t-elle, dégoûtée.

-Faut pas s’en faire, humaine, vous aurez toujours de la valeur, et l’un ou l’autre se kontentera de vous, je vous le garantis. Tant que la vie au grand air n’aura pas fait dépérir vot’air de princesse de conte de fée.

-Je vous hais !

-C’est réciprok ! riposta t-il, les lèvres retroussées. Une lueur folle brillait dans ses yeux. Vous autres les humains, vous nous traitez komme des bêtes nuisibles, et vous nous exterminez sans vergogne à la moindre okkasion. Vous n’avez jamais rien kompris de la fierté des orks, et de leur véritable sagesse. Vous vous satisfaisez de votre vision biaisée de la réalité, et vous vous pardonnez vos massakres. Vous vous croyez supérieurs à nous, parce ke vous avez un physik plus amène, mais votre kœur est plus ténébreux ke celui des elfes noirs ! »

Il se jeta sur elle, et plaqua une main sur sa bouche, brandissant de l’autre sa rapière étincellante :

« -Pas un kri, pas un geste. Si je le voulais, je pourrais te tuer de suite, mignonne. Mais je ne le ferai pas. J’attendrai mon heure. Pour l’instant, tu es sous la protektion de Navregen, hein ? Profite bien de ces instants ; kontente-le, satisfais-le, fais tout ton possible pour lui être agréable. Il te suffira de kommettre une erreur, une seule. S’il se lasse de toi, il t’abandonnera, et alors je serai là pour te reprendre. Je ne m’intéresse pas à toutes ces gueuses et ces gueux ke le reste de la horde a pu asservir, non. J’ai tué un bon nombre des nobles de ta forteresse, et je me suis assuré ke pas un n’en réchappe. J’ai demandé à mes propres lieutenants de racheter ceux ki avaient survéku au pillage pour ke je leur tranche la gorge moi-même, et c’est chose faite. Tu vois ce sabre, c’est avec lui que je les ai anéantis. J’ai fait tout mon possible pour qu’ils paient leur responsabilité dans le calvaire de mon peuple. Pour toi, l’arrogante aristokrate, je ferai en sorte ke tu konnaisses les pires tourments. Tu me supplieras de te donner la mort, et je te la donnerai avek une joie à nulle autre pareille ! »

Il la relâcha, rengaina son arme et resortit. Tout cela n’avait pas duré plus de cinq minutes, mais Swegnine perdit toute l’assurance qu’elle avait patiemment réussie à reconstituer au cours de l’après-midi. Elle s’effondra sur la paillasse, et pleura toutes les larmes de son corps, pour finir par s’endormir, vaincue par la fatigue.

Le soleil était couché depuis longtemps, et lui la regardait sommeiller, complètement abandonnée dans le sommeil. Le vent du soir balayait ses cheveux dorés. La lumière des étoiles et de la lune ascendante suffisaient à éclairer l’intérieur de la tente, dont la porte était à moitié ouverte. Elle était étendue contre la toile, roulée en boule, et avait jeté sur ses épaules son manteau léger de soie. Elle devait avoir froid, car elle frissonnait dans son demi-sommeil.

Navregen, en sa qualité de chef de clan, avait passé toute la journée à arpenter le camp pour distribuer des ordres. Il s’était dépensé, gaspillant son temps autant qu’il le pouvait pour cacher son désarroi.

Il était gêné, terriblement mal à l’aise. Il avait passé toute sa vie à vouloir se rapprocher de ses frères d’arme orques, de la tribu. Et voilà que la simple présence de cette humaine suffisait à changer toute sa façon d’être. Il n’avait plus envie d’être un vrai Plakdefer. Il n’avait plus honte de cette part d’humanité en lui. Il y avait même des moments où il bénissait son père de ne pas avoir choisi sa mère parmi les orques de la tribu.

Oui, il avait marché dans le camp, discuté avec les hoborques, donné ses conseils à des lieutenants prometteurs. Il avait donné des félicitations à certains des plus jeunes qui s’étaient bien comportés pendant le combat. Il avait demandé aux chefs d’attelage et aux maîtres des gobelins d’activer la charge du butin et de préparer le départ du convoi. Il avait même bavardé avec Bjorgkuln le Boiteux et avec le pauvre Nédacié, qui se remettait lentement de son choc. L’apprenti chaman parlait encore d’une voix pâteuse, et sa mémoire lui manquait par moment, si bien qu’un mot sur quatre qui sortaient de sa bouche était remplacé par des bruits de mastication prononcée.

En toutes ces occasions, son esprit était ailleurs. A chaque fois, il repensait à sa prisonnière, qui attendait seule dans sa tente. Il avait une envie folle de la retrouver et de parler avec elle de son pays, des coutume sde son peuple, de la manière dont on apprenait l’escrime chez les humains, de l’art de la guerre, de la façon dont ils sculptaient les têtes en forme de dragon à la proue de leurs vaisseaux… Bref, il avait soif d’elle, de tous les détails qu’elle pourrait lui donner. Et plus que tout, il voulait entendre à nouveaux sa voix, revoir ses yeux et sentir à nouveau sou souffle…

Il cherchait sa compagnie, parce qu’il avait besoin d’elle, voilà la vérité. Peut-être parce qu’elle lui rappelait le bien qui était en lui. C’était presque un modèle, un signal, la preuve qu’il pouvait faire quelque chose de plus grand que tout ce à quoi il aspirait autrefois. Il avait toujours vécu dans l’unique but d’égaler les autres guerriers, et voilà que cette femme arrivait, s’immisçait dans sa vie et bouleversait tous ses plans. Il se demandait ce qu’il allait pouvoir en faire. Elle représentait tout un monde qu’il n’avait jamais connu, qu’il avait à peine soupçonné. Il avait l’impression qu’avec elle, un autre destin s’offrait à lui ; mais il ne savait pas s’il devait saisir cette chance.

Il avait toujours été satisfait de vivre parmi les Plakdefer. Leur mode de vie lui convenait. Il aimait marcher dans les sentiers sombres des forêts, humer l’air frais des montagnes, explorer les collines où le danger grouillait, assister aux longues disputes au coin du feu. Les discours des chefs, les duels des braves et même les regards énigmatiques des chamans sous la lueur des flambées le charmaient. Il avait toujours raffolé des chevauchées sous les hauts sapins, des batailles violentes et soudaines, et même des grands rassemblements.

Jamais un humain n’aurait pu se figurer ce qu’était la convocation des clans. L’actuel chef de toutes les hordes était la créature la plus puissante entre le Grande Barrière et l’Empire. Chaque tribu orque telle que celle de Navregen pouvait compter jusqu’à cinq mille membres, sans compter le fourniment. Chaque tribu appartenait à un clan, et l’on comptait des dizaines de clans différents. Certains étaient jeunes, d’autres plusieurs fois millénaires. De grands noms s’étaient éteints, d’illustres bannières étaient nées. Parfois, un chef d’envergure prenait assez d’ampleur pour rassembler toutes les enseignes, et se déclarer ainsi chef suprême. Une telle puissance représentait une force invincible.

Lors de la dernière convocation, une grande guerre devait être lancée pour étouffer les elfes établis dans le pays, depuis les rives du fleuve jusqu’à la côte, les Dimhors. Cet assaut frontal avait échoué, pour quelque raison que ce soit, et Navregen savait que le dragon en particulier avait causé la retraite de sa tribu. Les Plakdefer n’étaient qu’un clan moribond, mais leur débandade avait sonné le signal de la déroute.

Il n’empêche, un rassemblement de plusieurs centaines de milliers d’orques avait de quoi couper le souffle. Navregen était resté béat devant les lieutenants harnachés de bronze, les chamans couverts de colifichets et de totems, les seigneurs de la guerre portant des coiffes somptueuses, des boucliers en acier et en or, des haches et des morgensterns, des épées terrifiantes et dentelées, des lances barbelées couvertes de plumes chatoyantes.

Certes, tout cela l’avait ravi. Mais c’était surtout la vie rustique et champêtre des orques qui lui plaisait. Il n’aurait pas changé sa tente pour un palais, son gobelet en bois pour un hanap en cristal, sa paillasse pour un lit à baldaquin. Il n’était pas fait pour la richesse et l’apparât. Il aimait se lever le matin et entendre les gazouillis des oiseaux se mêler aux premières discussions des sentinelles.

A présent, il contemplait la jeune svedingar, et il réfléchissait, le front plissé. Elle avait vécu dans une forteresse de pierre, elle portait des vêtements en tissus précieux. Une bague ornée d’ambre était glissée à sa main, elle avait pris soin de sa peau blanche et douce. C’était un monde de raffinement et de rêve. Il savait pourtant que plus au sud, les hommes du nord étaient considérés comme des sauvages !

Il s’avança jusqu’au bord du lit rustique, et remonta la converture en peau d’ours jusqu’aux épaules de la jeune femme. Elle ne se réveilla pas, mais cessa de frissonner, et se détendit un peu dans son sommeil. Elle lui tournait le dos ; il posa sa main sur son côté, et la sentit respirer à travers l’épaisse fourrure. En une seconde, il se rappela son père agonisant, dans ce même lit, sous ces mêmes draps. Il avait aimé son père à sa manière, malgré toute sa rudesse. A présent, il commençait à peine à s’attacher à cette humaine, malgré ses défauts. Il ne savait pas quels étaient ses sentiments à l’égard de cette damoiselle égarée ; il savait seulement qu’il voulait lui éviter de mourir comme son père.

Blessé par un dragon, empoisonné par le sang vénéneux, et déchiré par les crocs géants, cloué dans la douleur et la nuit, aveuglé, perclu de souffrance…

« -Non, jamais… » chuchota t-il, le regard perdu dans le vague.

Swegnine remua, et gémit quelques mots. Il retira sa main, tiré de sa rêverie par ses mouvements ensommeillés. Il s’en voulu d’avoir failli la réveiller, et se retira avec discrétion, au fond de la tente. Serrant sa cape autour de lui, il se coucha sur le sol balayé et ferma les yeux. Il ne tarda pas à s’endormir. Pour la première fois de sa vie, il passa une nuit calme, sans cauchemars.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

des coutume sde son peuple, de la manière dont on

Tite faute

Pour le fond donc ca bouge un peu plus non pas en mouvement physique mais bien psychologique. On apprend plusieurs trucs, que la fille va surement finir par se plaire et vouloir rester là ! Donc ca fera un sujet de dispute de plus avec ses subordonnés !

Pour la suite, je vois pas ce qu'ils peuvent aller faire. Il va surement rien de se passer de miraculeux mais il finira par discuter avec la fille ! Donc a voir la suite !

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 4 semaines après...

Presque un mois... En espérant ne pas vous avoir manqué, voici la suite :

« -Tripes et pourriture, jura Novlam en tailladant un buisson d’aubépine avec son épée. K’est-ce ke c’est enkor ke c’bazar ?

-Bah, le « chaif de hord » doi avoir une idée derriair’la tait’. » remarqua Fratrissid.

Il commença à réarranger son arc dans son dos, quand Tressolid se retourna. Le fer de ses bottes crissa sur le sol humide et glaiseux, tandis que l’épaisse masse du capitaine ork pivotait, projetant son ombre large et menaçante sur ses deux séides. Fratrissid déglutit avec peine, se demandant s’il allait prendre un poing ganté dans la mâchoire ou une botte en plein abdomen, une punition appropriée pour avoir utilisé l’expression honnie. Mais il fut encore plus surpris d’entendre les mots suivants :

« -Je donnerais cher pour la konnaît’, cet’ idée. »

Novlam fit disparaître le sourire narquois qui illuminait son visage grognon, et échangea un regard inquiet avec son acolyte. Tressolid n’aurait jamais reconnu le moindre mérite à un demi-sang, et il n’aurait jamais réagi avec autant de calme. Ils ne le reconnaissaient plus ! Depuis la fin de la bataille, il avait retrouvé son silence et ses grognements solitaires. Son épreuve au bord du Flot-Vif, le fleuve en crue, lui avait sévèrement remué l’esprit.

« -Novlam, tâche d’traîné dan la kolon’, é voi c’keu lé z’ot chaifs en pensent. Fé moi ton rappor avan c’soir.

-Og og, boss. »

Il s’arrêta de marcher, et laissa la caravane continuer d’avancer avant de s’infiltrer à nouveau dans le flux des troupes. La petite armée quittait déjà les contreforts touffus des collines et s’enfonçait de nouveau dans la plaine, dévalant les pentes couvertes d’épines et protégées par les pinèdes grises. Le cours de la grande rivière s’élançait droit vers l’est, vers l’océan, et tout portait à croire que le chef des Plakdefer avait choisi cette direction. Quelle serait la prochaine étape dans la formidable épopée de la tribu ? Quel nouveau chapitre s’ajouterait à la longue liste des exploits de cette grande famille, dont les vieux chamans murmurent les échos et les souvenirs durant les chaudes veillées d’hiver ?

Nédacié s’interrogeait justement sur ce point. Lui aussi était passablement épuisé. Il était affalé à l’arrière de la deuxième charrette. Il avait repris juste assez de bon sens pour ne plus rester accolé au wolfen convalescent ; d’ailleurs rien qu’à la mémoire de l’odeur forte du monstre, et de ses yeux cruels, il était secoué de frissons.

Pour l’heure, il reportait toute son attention sur son ouvrage : il était occupé à décorer son bâton. La longue perche, ou plutôt le lourd madrier, reposait sur ses genoux, en travers de la carriole. Il avait récupéré plusieurs clous dans les ruines du château des humains, ainsi qu’un petit maillet, et il s’escrimait pour enfoncer les coins dans le sommet bombé de son bâton de marche. Les petites tiges de fer barbelées, tordues et à moitié brûlées, lui rappelaient la furie de la bataille, mais surtout son effort mental pour réussir son premier véritable tour de magie. Il était fier de lui, mais passablement las. Avec un soupir de résignation, il frappa à nouveau, et enfonça un quart de clou dans le bois dur. Toutes les têtes circulaires formaient des motifs qui se révélaient au fur et à mesure, évoquant des spirales ou des tourbillons.

« -Le cercle et la droite, murmurait-il, le disque et la ligne, la sphère et la colonne… »

Autour de lui, les gobelins qu’il avait encore à son service dansaient, allaient et venaient, jouaient entre ses pieds avec les microcéphales aux yeux innocents et curieux. Toute cette clique n’était pas vraiment à lui. Les Ch’tiots Verts n’appartenaient à personne, mais étaient au service de tous. Seuls quelques uns parmi les premiers qu’il avait choisis l’accompagnaient encore. Il y en avait une poignée qui s’intéressaient de près à ses « espirences », furetant autour de lui ou lui posant toujours des tas de questions. Il répondait parfois à leurs interrogations, en leur tapotant la tête.

Plus souvent, il les chassait à coups de pied.

L’un des gobelins le regardait faire, les yeux écarquillés. Chaque coup de maillet illuminait le visage du petit être vert, qui battait des mains en voyant les pièces de métal s’orchestrer autour du manche du bâton. Son admirateur portait toujours un morceau de toile grossier sur ses épaules, noué autour de son cou, par-dessus sa tunique poussiéreuse. Il s’était même affublé d’un chapeau grotesque, un pliage de feuilles et de toiles rassemblées par des cordages. Cela ressemblait à un turban pitoresque, tombant sur ses longues oreilles pointues. Nédacié lui accorda un sourire de commisération avant de porter un nouveau coup sur une pièce de métal plus rebelle que les autres.

Navregen regarda encore une seconde l’apprenti sorcier, puis s’en désintéressa. Il avait pris place à l’avant du chariot de tête, et tournait le dos au conducteur, un vieil orque à la peau aussi fripée qu’une pomme de l’été précédent. Le claquement des sabots de l’attelage sur le sol couvert d’humus gorgé d’eau lui faisait penser à une grenouille sautant de flaques en flaques. Le fond de l’air se rafraîchissait encore, et des doigts de brume montaient d’entre les troncs noirs. La saison de l’automne mourait.

A côté de lui, le loup géant respirait avec profondeur, soulevant sa cage thoracique douloureuse. Sa langue râpeuse pendait entre ses babines retroussées, mais il avait les yeux mi-clos : il se reposait. En face d’eux Swegnine restait immobile, interdite. Elle était câlée entre deux tonnelets à moitié vides, un sac de provisions réduites en purée, deux carquois et une pile de bâches, de toiles et de poteaux qui constituait la tente du chef, tout en cachant son coffre et ses quelques affaires personnelles.

Elle rassembla sur elle les pans de sa cape élimée, en se demandant quand viendrait l’heure de sa délivrance. L’hiver s’enhardissait de jours en jours, refermant sa serre glacée sur le pays. Elle se demandait aussi si ces peaux-vertes hivernaient, ou bien s’ils continuaient à voyager au plus fort de la mauvaise saison. Si tel était le cas, elle n’était pas sûr de survivre très longtemps. Déjà ainsi, elle sentait le froid la percer jusqu’aux os. Elle commençait à claquer des dents. Malgré le roulis incessant de la charrette, elle refusait de s’abandonner à la torpeur. Il fallait qu’elle garde les esprits clairs, pour trouver une solution.

Une des roues rencontra une pierre dépassant du tapis d’épines, et le chariot vacilla. La jeune femme sursauta et se raccrocha au rebord en bois grossier, effleurant la main du semi-orque. Elle la retira aussitôt, gênée.

Navregen grogna. Il avait bien senti que sa peau était froide, très froide. Elle avait les mains blanches, bien sûr, mais i les demandait si elle ne l’était pas un peu trop. Il remarqua que ses machoires s’entrechoquaient et il supposa que chez les humains, cela avait la même signification que chez les orques :

« -Si vous avez pas assez chaud, faut le dire, remarqua t-il. Prenez ça. »

Il décrocha sa cape et la lui posa sur les épaules, avec un mélange d’impatience et de maladresse, puis se rassit à sa place :

« -Si ça suffit pas, j’demanderai à Loup d’se serrer kontre vous.

-Non merci ! » refusa t-elle, en renvoyant au wolfen son regard méfiant.

Elle rajusta la cape en fourrure d’ours, et tenta de s’en emmitouffler dans une posture un peu plus confortable. Puisqu’elle devait subir cette situation, autant s’en accomoder –jusqu’à pouvoir y échapper. C’était là son plan, mais par où commencer ? Il aurait fallu savoir ce que cet odieux personnage complotait, avant de pouvoir agir en conséquence. Mais aussi loin qu’elle pouvait en juger, sa stratégie était surprenante, pour ne pas dire stupide : là où ils allaient, ils ne trouveraient plus d’orques ou de glores pour les aider. A l’Est, les Marches du Nord se poursuivaient et s’étalaient de part et d’autre de la plaine : le Margoria, la Solavorie, la Valonie… Des seigneuries et des régions bien organisées, bien défendues et vassales de l’Empire prospéraient jusqu’à la côte, là où les dernières cités des Elfes étaient encore debout. Plus ils s’avanceraient vers le Levant, plus la civilisation humaine se raffermirait. Déjà la dernière forteresse barbare, Sortiak, se trouvait loin derrière eux à bonne distance. En fait, les contrées où ils s’apprétaient à pénétrer n’avaient pas connu souvent les pillards du nord. Pas depuis la dernière invasion de l’an passé…

Navregen tourna sa tête du côté opposé, évitant de voir la silhouette de sa prisonnière, et essaya de focaliser son attention sur un autre sujet de réflexion. Il finit par en trouver un. Il fallait bien qu’il se décide, car la troupe n’accepterait pas de le suivre à l’aveugle des décennies entières. Il avait plusieurs facteurs à prendre en compte. Tout d’abord, bien que les appétits guerriers de ses frères aient été assouvis, certains d’entre eux ne s’en contenteraient pas. De plus, une minorité s’inquiétait de voir le clan se diriger droit vers des régions qu’il avait peu souvent explorées. Des lieux qui leur rappelaient des mauvais souvenirs. Enfin, des foyers de protestations naissaient ça et là, souvent alimentés par les vieux éléments de la cohorte : certains demandaient un abri, un repos, un refuge pour l’hiver. Ils n’avaient pas envie de crapahuter pendant les longs mois les plus sombres de l’année.

Plus que tout, il avait sa promesse de guerrier et de chef de clan à tenir.

Oui, sa décision était prise.

Il savait où l’antre de la bête se trouvait.

Restait à la déloger, et à l’occire.

Après quoi, il pourrait s’occuper d’affaires moins décisives… Il jura entre ses dents quand son attention se posa à nouveau sur sa captive. Il fallait qu’il trouve pour de bon un autre sujet de réflexion, quelque chose pour occuper son esprit ou il deviendrait fou.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

des régions qu’il avait peu souvent explorées. D

J'aurais juste mis au pluriel ici !

Alors dans la suite, il bouge et ils annoncent la suite. Surtout avec cette histoire de bête à déloger mais aussi la fille qui attend les renforts de ses congénères. Moi j'ai l'impression qu'ils vont s'attacher l'un à l'autre, tu vas nous la faire à la shrek sauf qu'elle se transforme pas en orc la nuit :huh:

Allez suite !

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 1 mois après...

La journée s’écoula sans le moindre incident. Deux courtes étapes permirent à la horde de se sustenter quelques instants, jusqu’à ce que le soleil se couche à nouveau. Le campement fut rapidement dressé, les ordres aboyés, et le calme s’installa tant bien que mal. Navregen sentait déjà les dissensions revenir, et il passa un temps non négligeable à houspiller les sergents du rang et les chefaillons. Il tenait à s’assurer une bonne fois pour toute le peu de respect qu’il avait gagné. Aussi laissa t-il sa tente sous la garde de ses dévoués gardes du corps demi-sang, et arpenta t-il le camp en compagnie du Wolfen.

Ce-dernier se fortifiait de jours en jours, regagnant un peu plus d’assurance. Son pelage lustré brillait à nouveau de l’éclat d’une fourrure en pleine santé, et ses yeux avaient perdu leur fièvre. Son regard demeurait inquiétant, et tous savaient que sur la moindre injonction, il aurait pu tuer.

Avec une telle escorte, peu de gens cehrchèrent noise au sang-mêlé. La nuit se passa elle aussi sans histoire, cela va de soi. Et le lendemain matin, c’est une troupe fatiguée mais satisfaite de sa saison de chasse qui se remit en route.

Les essieux grinçaient sur le chemin bourbeux. La horde avait retrouvé les abords du fleuve, mais pour plus de sécurité, elle ne longeait pas directement la rivière. Navregen se doutait que le Flot-Vif était surveillé par les sentinelles humaines. C’était le principal axe commercial de la région : orques, elfes et humains l’empruntaient. Même les rares nains encore vivants dans les parages suivaient son cours pour redescendre jusqu’aux villes en aval. Il était courant d’y rencontrer des caravanes de marchands, mais aussi de forts continguents. Et les Plakdefer ne souhaitaient pas vraiment tenter à nouveau la chance. Chacun devait se demander où il pourrait mettre à l’abri son butin, ses esclaves, tout ce qu’il avait récupéré du pillage du castel, et le chef du clan ne faisait pas exception.

« -Ils essaient de comprendre, murmura alors Navregen. Ils veulent savoir ce que j’en pense… »

Le wolfen releva la tête, intrigué, tout comme la jeune humaine. Ils étaient tous les trois dans la charrette de tête, tirée par un des rares chevaux pris vivants lors de l’assaut. Le jeune demi-sang haussa les épaules :

« -Nédacié, Tressolid, Podfair et même Deuzelle, tous voudraient trouver un abri pour l’hiver. Ils se disent que c’est encore possible, les idiots… Et pourtant c’est vrai en théorie. Oui, c’est très possible. En obliquant directement vers le nord, on pourrait atteindre les premières collines des contreforts de la Grande Barrière. »

Les deux autres le regardent sans répondre. Il hausse des épaules, et continue son monologue à voix basse, si basse qu’ils doivent tendre l’oreille pour le comprendre :

« -Oui, vers le Nord… Rentrer vers les soubassements du Pinacle du Monde. A l’abri des hautes montagnes enneigées, sous le vent vivifiant de l’hiver ; entre les pics gardés par les glores, et les rivières remontées par les drakkars. Retourner à cette vie que nous avons toujours connue, à cette route que nous avons toujours suivie. C’est la meilleure solution sans doute, la voix de la raison. Mais pourquoi devrais-je retourner me traîner aux pieds des Elfes Noirs ? Je ne crois pas que cela soit ma destinée. »

Pour la première fois de sa vie il avait compris. Devait-il suivre les habitudes des seigneurs de guerre des autres clans, ces mercenaires plus ou moins inféodés aux lointaines cités des Slaqhors ? Les orques se sont toujours vantés de leur liberté, mais ils ne l’ont jamais vraiment connue. Par de sombres nuits d’hiver, des cavaliers drapés de noir et de fourrures blanches descendaient des cols inaccessibles de la Grande Barrière. En de rares instants, en des temps édictés depuis longue date, ces émissaires sont venus jusque dans les camps des chefs de clan. Ils arrivaient, recouverts de leurs grands costumes chatoyants et pourtant glacés. Leurs yeux étaient toujours de cette douleur poignante, d’une froideur insoutenable qui coupe le souffle, et quand leurs paroles sortaient de leurs bouches dures, ils ordonnaient.

Ils ordonnaient, point. Et les plus grands chefs de clan s’exécutaient.

Ils n’avaient jamais été libres. Les grands raids ? Les campagnes de pillage, les expéditions, les invasions ? Tout ce qui faisait la fierté des orques, tout cela n’était que le prolongement de décisions prises au-delà de l’horizon du nord. Des délibérations prises au sein de conseils inconnus dans des cités sans nom, des royaumes couverts de neige où le pied de l’homme libre n’était jamais venu. Une civilisation entière oubliée dans les brumes boréales.

Quitte à servir des oreilles pointues, il choisirait son camp de son propre chef. Il s’agissait sans doute d’illusions, ou d’un regain de fierté inutile, mais il s’y accrocherait.

Il en était là dans ses réflexions, quand un des éclaireurs orques revint rejoindre la tête de la colonne, sa monture à bout de souffle.

« Chaif, chaif ! Y’a l’Boiteux qui m’envoie vous prévenir ! »

Le demi-sang esquissa une grimace, et ce pour trois bonnes raisons : il avait coupé le fil de ses pensées, il n’avait pas fait montre de respect envers le chef du clan en s’adressant ainsi à lui ; et puis Navregen n’était pas habitué à ce nouveau sobriquet dont le vieux Bjorgkuln s’étiat retrouvé affublé.

« -Eh bien, parle !

-On a trouvé tou plin de trasses, dé signes de komba sur la route.

-Une bataille ?

-A ce ki semble, ouais.

-Récente, ancienne, quels participants, combien de morts ?

-Ché pas trop, chaif. On y s’ra avan la nuit.

-R’tourne lui dire d’être prudent. J’veux pas k’on s’prenne une armée dans les krocs.

-Bien, chaif ! »

Il piqua des deux, et tenta de faire repartir son cheval en sueur à un train acceptable.

« -Deuzelle, fé en sorte k’la nouvelle s’ébruite pas tro. Il sera toujours temps d’prévenir la troupe si bagarre il doit y avoir. Par kontre, met au parfum les principaux hoborques, qu’ils répartissent des gars en tirailleur sur nos flancs. »

Son second opina et partit distribuer ses directives. Mais toutes ces précautions furent bien inutiles. Quand ils rejoignirent l’avant-garde, peu avant la vêprée, nul signe de continguent ennemi ne s’était révélé à eux, vivant au moins.

Déjà plusieurs centaines de mètres à l’avance, le wolfen s’était agité, le poil hérissé.

« -Calme, Loup. Calme. Ce n’est rien…

-Sang frais, grogna le chien monstrueux. Un combat violent, tu ne sens pas ? »

Non il ne sentait pas, mais tous ne tardèrent pas bientôt à repérer cette odeur âcre du sang seché. La terre du sentier était labourée, recouverte de traces de chariots, de pas et de glissades. Et au détour de la rivière, entre les troncs courbés des saules, ils virent le charnier.

« -Peut-être devriez-vous détourner la tête, murmura Navregen, troublé, à sa captive qui frissonait déjà face au spectacle macabre.

-Qui a pu… bredouilla t-elle.

-Ce n’est pas de la besogne ork, en tout kas » remarqua l’autre.

Les rivages de la berge étaient labourés de profonds sillons. De nombreux corps gisaient dans la glaise, à moitié recouverts par le limon. On en comptait plusieurs centaines, abandonnés à ciel ouvert. Ils gisaient sur le dos, sur le flanc ou face contre terre, les uns criblés de flèches, les autres lacérés ou dépecés. Une atmosphère sombre et angoissée flottait sur ces lieux dévastés, plongeant les spectateurs dans le silence.

La colonne des peaux-vertes ralentit le pas et s’approcha du champ de bataille. Quelques corneilles apeurées s’envolèrent à tire-d’aile, poussant quelques croassements indignés. Les pieds foulèrent le sol poudreux, découvrant à chaque nouvelle enjambée de nouveaux visages figés dans la mort. Même Tressolid réprima une moue de dégoût face à toutes ces déprédations. Il écarta du pied un pan de cape, pour observer un pourpoint élimé dont les armoiries étaient méconnaissables.

« -De kel genre de ga y s’agit ?

-Ché pa, grogna Fratrissid, qui avait dégainé son épée à la va-vite. J’le sens pa, c’koup là.

-C’tait dé ga robustes, nota Novlam. Des rudes ga, y’a k’à voir leurs larges épaules et leurs grosses armures.

-Tu parl’de cé plastrons défoncés é d’cé kask en miett’ ? ironisa l’Hoborque, en presant le pas. J’veux pas tomber sur c’ki a pu faire ça. »

Et tous les autres partageaient son opinion, bien qu’il ait été le seul à s’exprimer tout haut. La colonne orque traversa la désolation aussi vite que ses pieds hésitants le lui permettaient. Les chevaux et les bœufs renaclaient et protestaient, eux aussi gagnés par l’angoisse. L’air s’était à nouveau rafraîchi, les quelques flocons de neige qui tombaient entre les grands arbres dénudés ajoutaient à la tristesse de la région.

Podfair ne comprenait pas ce qui s’était passé. Elle voyait un vrai carnage, une grande armée réduite en cendres sous ses pieds, mais elle ne comprenait pas. Elle se pencha par-dessus le rebord de son chariot, et observa les dépouilles sans vie. Tout cela s’était passé très vite. Le massacre semblait récent, quelques jours à peine. Les charognards n’avaient pas encore osé s’attabler, et c’était surprenant. La neige et le gel n’avaient pas encore recouvert les cadavres, et cela signifiait que les vainqueurs de cette boucherie devaient être dans les environs. Surtout en cette saison, pensa t-elle. Personne ne peut voyager loin alors que la terre est aux portes de l’hiver. Elle tint compte aussi de l’état dans lequel étaient abandonnés les vaincus. N’importe quelle tribu sauvage aurait ramassé le butin et récupéré les pièces d’armure intactes. Le problème ici, c’est qu’il n’y en avait pas. La plupart des trépassés portaient encore leurs cuirasses, leurs boucliers et leurs heaumes, mais tous étaient grêvés de coups, déchiquetés ou brisés. Il aurait fallu une force incroyable pour réduire en poussière de tels équipements. Elle reconnaissait des blasons en acier, des casques en fer. Il n’y avait plus rien de récupérables. En plusieurs endroits, on avait entassé lances, épées, jambières, pourpoints et autres pièces d’armure, et on avait martelé le tout pour en faire des piles de debris. Il fallait être fou pour anéantir ainsi tant d’ouvrage.

Bjorgkuln ne tarda pas à se montrer, à la tête de sa petite cavalerie. Lui et ses éclaireurs affichaient le même air abattu que les autres. Leurs chevaux piaffaient et s’ébrouaient, ne souhaitant qu’une chose : déguerpir de cet endroit de mauvais augure. Le vieux pisteur resta en selle, mais s’avança du chef de la horde et le salua de la tête :

« -Par là, chaif, si vou voulé savoir d’ki il s’agissait.

-Reste t-il…

-Non chaif, répondit le Renifleur. Y’a plus k’dé morts. Mé j’kroi k’ça vou intéresseré. »

Navregen aquiesça et saute de la charrette, imité par le wolfen.

« -Non Loup, reste avec elle, fit-il en lui désignant l’humaine. Veille sur elle. »

Le carnassier poussa un grondement désapprobateur, mais s’exécuta.

« -Montre moi, mais fais vite, Bjorgkuln. On va pas traîner ici. »

Tressolid s’avança jusque dans leur dos, bientôt suivi par Nédacié qui trébuchait sur les mottes de terre et les boucliers fendus semés sur le sol. Il s’appuyait sur son gros bâton, à la manière d’un vieillard, et glapit :

« -J’veu pa resté dan l’koin ! Tou ça pu la mor à plin né.

-Moi j’veu savoir, déclara Tressolid. Montr’nou, le Boiteu. »

Bjorgkuln montra les dents, irrité, mais ne jugea pas à propos de se révolter plus et relança son destrier. Ils avancèrent avec circonspection, encadrés par quatre des plus courageux Kavaliers. Les silhouettes torturées des vieux saules et des ormes semblaient avoir autant souffert du conflit que les malheureux qui rampaient encore, immobiles, entre leurs racines aussi blanches que des os mis à nu. En s’approchant de la forêt, ils virent des traces encore plus violentes des combats. Il était facile de suivre l’évolution de la bataille ; la lutte acharnée était arrivée à son paroxysme, quand les défenseurs avaient reculé dans une tentative désespérée pour atteindre le couvert des bois. Les régiments étaient tombés par poignées, laissant des tertres de dépouilles inanimées là où des rangs entiers de soldats s’étaient tenus debout. A la fin du chemin, sept chars de guerre aux essieux brisés gisaient dans la fange. Les charognes empestaient, malgré le froid de l’air stagnant.

« -Par là, indiqua Bjorgkuln, en pointant une direction de sa main gantée de peau d’ours. Suivé lé sillons. »

Une fois de plus, il montrait son talent hors-pair. Il avait repéré sur tout le champ de bataille, la seule trace intéressante : au-delà d’un lieu de combat féroce, quelques empreintes de pas à moitié effacées s’enfonçaient entre les troncs des grands feuillus silencieux. Ainsi, quelques-uns au moins des combattants avaient réussi à s’enfuir. Ils remontèrent la piste sur une centaine de mètres, pour la perdre entre les souches et les bosquets d’épines.

« -Et maintenan ? s’impatienta Tressolid.

-Levé vo tait ! » proposa Bjorgkuln, en restant en arrière, tentant d’apaiser sa monture.

Navregen leva les yeux et recula, surpris. Deux guerriers les observaient, du haut des branches en fourche d’un vieux frêne noir. Ils avaient grimpé jusqu’à atteindre les plus hautes ramures, et s’étaient postés là, sans doute dans l’espoir d’échapper à leurs adversaires. Ils avaient réussi, malgré leurs terribles blessures, à s’accrocher aux branches. Le tronc portait encore le sang tombé de leurs profondes blessures, mais ils avaient réussi. A présent, ils demeuraient là-haut, sentinelles oubliées d’un combat sans histoire.

« -Pourquoi… Pourquoi ont-ils grimpé ? » demanda Nédacié, secoué de frissons.

Navregen ne répondit pas. Son regard passa sur leurs visages fermés et endormis ; deux malheureux survivants blessés à mort, rattrapés par l’agonie au moment même où l’espoir commençait à renaître. Ils avaient échappé par miracle à leurs agresseurs, pour mourir dans leur abri. Il remarqua ensuite un long pan de tissu couleur crème, battu par le vent dans leur dos. Ils avaient coincé une longue lance entre les branchages, et au bout de la hampe pendait un long étendard effiloché.

« -Ils ont sauvé leur bannière… »

Ils prononça ces quelques mots dans un souffle, et attira l’attention de ses compagnons. D’où ils se tenaient, impossible de reconnaître les insignes sur l’étoffe usée, déchirée. Il se tourna vers le chef des Renifleurs, hésita, puis demanda à l’un des éclaireurs montés :

« -Descend d’ton cheval et ramène-moi cet étendard.

-Koi ? Vous voulez k’je monte là-haut ?

-Je veux pas, je t’ordonne.

-J’ai pas envie… Chaif. »

Nédacié ferma les yeux. Nous y voilà donc, pensa t-il. Le peu d’unité repart déjà en éclats. Voyons comment notre petit chefaillon va s’en sortir…

« -Tu peux répéter ? demanda Navregen, en posant la main sur son fourreau.

-J’kroi k’Tressolid et lé z’aut’sont d’akkord avek moi. Fau pa s’mêler d’cé histoires. »

Avant que l’Hoborque ait pu se sentir impliqué plus avant, Navregen avait bondi sur le rebelle, l’avait renversé à terre en négligeant le cheval terrorisé et d’un revers de son sabre, le fil de vie du guerrier fut tranché.

« -Un autre volontaire pour aller l’chercher… Et s’il le faut j’vous tuerai tous, puis j’irai moi-même. »

L’un des éclaireurs prit sur lui, et commença la montée. Le frêne était rabougri ,tordu et de nombreuses branches partaient du sol-même, jaillissant en faisceau de la souche noire. L’ascension fut aisée, jusqu’aux grandes ramures qui divisaient le tronc élimé. Il évita soigneusement de touché les deux morts, par scrupules ou superstition, et cela l’obligea à quelques prouesses d’équilibristes. Enfin, en tendant le bras aussi loin qu’il pouvait, il parvint à saisir le manche de l’oriflamme. Pour éviter d’être encombré, il le jeta vers le sol et entreprit de redescendre. Plus personne ne faisait attention à lui quand il retrouva la terre ferme.

Nédacié le premier avait ramassé le drapeau et l’avait examiné, mais il le rejeta bientôt à terre, comme si ses mains le brûlaient :

« -Ahhr, c’est d’l’elfique ! »

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Invité chaos rulez

waaouh

vraiment j'adore ton histoire shas'o benoit

la façon que tu mélange 'univers de warhammer avec celui de confrontation

donc franchement bravo

et j'ai hate de voir la suite de cette histoire

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

peu de gens cehrchèrent noise au sang-mêlé.
pour anéantir ainsi tant d’ouvrage.

J'aurais mis 'un tel ouvrage' ou ' tant d'ouvrages'

Bon ben c'est pas mal !!! Alors une chose par contre en particulier. C'est de l'elfique.. ok. Mais c'est eux qui ont perdu ? Si c'est le cas, ils auraient du le remarquer lors de la vue des corps et des armes, etc... Donc voilà, ma seule remarque constructive ( ca faisiat longtemps ! ) ^_^

@+

-= Inxi =-

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.
Remarque : votre message nécessitera l’approbation d’un modérateur avant de pouvoir être visible.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

×
×
  • Créer...

Information importante

By using this site, you agree to our Conditions d’utilisation.