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Le Royaume du Chaos [TERMINÉ]


Kayalias

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Pas mal !

Il s'en sort mais ça a pas été de tout repos ! En tout cas je lisais et je me posais la question de savoir où en était la trame principale. Parce que du coup il est coincé mais on sait plus trop ce qu'il se passe dans la réalité ! Ca serait cool qu'on le sache !

La suite !

@+
-= Inxi =-
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  • 4 semaines après...
A Inxi,

je craignais surtout qu'en développant ce qui se passe dans la " réalité " ( c'est à dire en dehors du royaume du chaos ), je m'éparpille et retarde la trame principale. Mais parce que c'est demandé si gentiment ( et que j'ai quelques idées ), voici la suite !










[center]***[/center]










Dans les couloirs austères de la plus haute tour de Naggarond, rampait furtivement une ombre, aussi silencieuse que mortelle. A pas feutrés, la silhouette escaladait les marches une à une, lorsqu'une patrouille se présenta. Aussitôt, l'ombre se tapit contre le mur, sans émettre un son. Elle maintint son souffle, puis resserra sa cape autour de la poitrine, se confondant parfaitement avec les pierres froides de l'édifice. Les propriétés magiques de son artefact furent telles, que les gardes insouciants passèrent devant elle sans la remarquer. Quand le martèlement des semelles se fut suffisamment éloigné, l'elfe reprit sa route. Les marches interminables se succédèrent jusqu'à une porte boisée, à l'apparence neutre. Là, deux sentinelles montaient la garde, impassibles. L'ombre se tint à portée maximale. Elle scruta la pièce longuement, avant qu'une idée ne germe. Elle employa l'arceau du plafond, probablement réservé à la suspension d'un chandelier afin d'éclairer l'escalier. D'une succession rapide de mouvements, l'elfe y enroula une cordelette autour, s'extirpant des ténèbres. Elle étendit ensuite ses bras à la manière d'un rapace et plongea deux poignards dans la nuque des gardes, choqués de leur propre mort. Du sang s'écoulait de la plaie des soldats, mais la main de l'elfe ne trembla pas, resta ferme pour qu'aucun ne donne l'alerte. En usant le résidu de cordage, elle lia les deux corps l'un contre l'autre. Les armures des soldats tintèrent légèrement et la corde se raidit. L'ombre se précipita pour retenir leur chute et empêcher l'arceau de se briser sous l'effet d'une traction trop violente. Quand elle fut assurée que l'anneau de fer soutenait parfaitement ses victimes, elle admira son oeuvre. Les corps des morts se balançaient légèrement, enlacés dans la non-vie tels deux marionnettes ensanglantées.

L'ombre les contourna et déposa contre la porte un petit talisman que son commanditaire lui avait confié. D'un noir profond, il deviendrait argenté si la porte était enchantée. En l'espèce, il resta noir. L'elfe s'impatienta. Elle réitéra l'expérience. Le talisman ne changeait toujours pas de couleur. Elle en conclut qu'elle pourrait crocheter la serrure, puis tourna délicatement la poignée. La sobriété extérieure de la chambre contrastait avec son intérieur dispendieux. Le pale clair de lune fendait les rideaux pourpres du balcon, pourléchait d'immenses armoires remplies d'or, de coffres, de calices, de rubis et de saphirs. Au milieu de la pièce, sur les pavés de marbre blanc aux motifs serpentins, trônait un chaudron imposant. De la fumée au parfum de jasmin s'en échappait. Quelques braises mourantes le chauffaient encore. L'ombre contourna diverses statues aux visages mystérieux et s'approcha de ce qui semblait être la couche royale. Des colonnes d'or soutenaient un sommier d'ébène, recouvert par des draps de soie et de satin. Une silhouette reposait inerte sur le lit. Ses yeux fermés n'exprimaient rien d'autre que de la quiétude. Une brise légère s'engouffra dans la pièce, révélant la chevelure argentée d'une femme elfe. Par instinct, l'ombre se tourna sur elle-même, analysa la pièce, cherchant rapidement d'éventuelles menaces du coin de l'oeil. Lorsque cela fut fait, elle tira avec précaution le poignard enchanté de son fourreau. Il s'agissait d'une arme mortelle que le commanditaire avait également placé entre ses mains, pleines de confiance. L'elfe éleva la dague dans les airs, frappant fort en direction du cœur dénudé de la dormeuse. Elle s'attendit à ressentir le contact souple de la chair déchirée par la lame, mais tout ce qu'elle rencontra fut une résistance insoupçonnée qui fit trembler son bras. 

— Tenterais-tu d'assassiner ta reine ? mugit une voix d'outre-tombe. 

L'ombre se retira d'un bond, tandis que la silhouette relevait son buste nu, hors de la couche. Ses longs cheveux descendirent en myriade de serpents onyx le long de ses épaules et de son dos. Le clair de lune révéla une poitrine blanche, ferme et opulente qui surplombait une taille fine, une taille de Reine. Sans appréhension, elle réduisit la distance qui la séparait de l'ombre. Lorsque celle-ci chercha à frapper de nouveau, ses bras ne répondirent plus, restant suspendus dans les airs.

— Dis moi qui t'a envoyé ? menaça Dame Morathi, pleine de grâce.

La Reine saisit son sceptre et retira le voile qui masquait le visage de l'ombre. Elle découvrit des traits féminins et juvéniles. L'elfe ne devait pas dépasser plus d'une centaine d'année. Elle caressa sa joue langoureusement. Les jambes de l'ombre se raidirent, aussitôt pétrifiées. Se sachant condamné, elle chercha à avaler une capsule réservée à ce genre de situations, mais Dame Morathi l'en empêcha. Elle anticipa son geste et lui maintint la bouche ouverte à l'aide du pommeau de son sceptre. 

— Bien. Très bien. Tu suis à merveille les préceptes du temple. Tu oublies simplement que c'est moi qui ai formé ses assassins !

La voix de la Reine avait emprunté celle des démons. Les courants arcaniques déferlaient dans la chambre en même temps que ses yeux luisirent.

— Cessons cette comédie pathétique dont nulle n'est dupe. Je sais pour qui tu travailles. Le poignard que tu portes fut un présent de ma part au temple de Khaine. Je l'ai forgé de mes mains. Quelle folie a amené Helleborn à penser qu'une simple enfant pourrait retourner cette arme contre moi ? 

Morathi ronronna longuement, enfonçant plus loin le pommeau de son sceptre dans la gorge de sa jeune victime. L'ombre s'étrangla.

— C'est le poison que tu cherches n'est-ce pas ? Laisse moi t'aider, jeune fille. A nous deux, nous le trouverons.

D'un simple murmure de la Matriarche Suprême, une canine se détacha de la mâchoire de la jeune elfe, provoquant un craquement sourd. Sa victime eut tout le mal du monde pour garder le silence, tandis qu'un peu de sang s'écoula le long de ses lèvres. 

— Il n'était pas ici, renchérit Dame Morathi. Essayons en une autre.

La Reine détacha une seconde canine, puis une incisive, puis une molaire. Le clappement des dents tombant en cascade arracha à l'elfe une plainte faible, inarticulée. Du liquide rouge se répandit dans la pièce, ruisselait le long du sceptre et souillait le marbre. Dame Morathi n'en avait cure. Elle poursuivit sa torture jusqu'à ce que l'ombre se noie presque dans son propre se sang.

A l'ultime instant, la Reine retira son sceptre, livrant son regard à la vision diabolique de l'elfe édentée. 

— Petite sotte, arrogante ! Un mot suffirait pour que tu disparaisses dans le néant. Tu n'es rien. Rien ! s'emporta-t-elle.

Des paroles suivirent les actes. Par une force invisible, les mains tremblantes de la jeune elfe - toujours agrippées au poignard, furent contraintes d'orienter la lame contre son cou.

— Je ne te tuerais pas. Pas de mes mains.

Dame Morathi psalmodia une langue inconnue et les contours d'un portail se dessinèrent, en face du chaudron. Depuis l'autre dimension, des mains griffues l'assiégèrent. Dame Morathi raffermit sa concentration. Elle empoigna l'elfe par sa tunique, lui déroba le poignard d'une simple passe, avant d'ajouter :

— Ton Roi lutte dans l'autre monde. Mesures-tu l'honneur que tu as de le rejoindre ?

Et elle jeta l'elfe par delà le portail démoniaque, la livrant aux pires forces de ce monde.  Modifié par Kayalias
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Parce que je trouvais finalement la partie ci-dessus un peu courte, voici la suite fraîchement écrite.

( PS : maintenant que diplômé je suis, réécrire je vais ! )









[center]***[/center]










Le lendemain matin dans la cité de Ghrond, un minot vint tirer du lit le capitaine Endar. Comme la coutume le voulait, il frappa à trois reprises et se tint à double portée de lame. Gêné dans sa permission, le capitaine écarta sa maîtresse d'un soir, puis houspilla le missionnaire malséant. Ce dernier attendit le bon vouloir du marin, devant la porte grande ouverte. Le capitaine se servit une coupe de vin rouge, faisant comprendre à son hôte qu'il s'emparerait de la missive quand il l'aurait décidé. Quelques rares rayons de soleil transpercèrent le ciel, suivis d'une légère brise. 

— Donnez-moi ça et allez vous en, siffla le vieux briscard.

Le missionnaire essuya ce mépris, fit référence puis s'engouffra dans la semi obscurité matinale.

A la lecture du cachet royal, Endar comprit immédiatement son importance. La missive provenait des plus hautes autorités du pays. Le cachet signifiait qu'il état impossible pour lui de renoncer à la mission sans encourir les foudres de la famille royale. A travers ce courrier, on lui sommait de réunir sa flotte : navires, hommes, provisions et de partir avant la tombée de la nuit. A peine profitait-il seulement de sa permission, qu'il devait déjà reprendre la mer. Sa destination ne lui serait communiquée qu'en soirée par une mystérieuse guide. Le caractère urgent et discrétionnaire du cachet royal lui octroyait malgré-tout des compensations exceptionnelles. Il se força à relire la lettre à de multiples reprises pour bien en saisir la teneur. S'il accomplissait sa mission, son nom serait anobli. Il trouverait une place au sein du prestigieux conseil de la cité. Sa fille aînée serait promise au second fils du Drachau, lui assurant ainsi un soutien politique estimable. De même, il acquerrait une participation financière importante dans le chantier naval de Ghrond. Deux cents-hommes et une dizaine de voiliers lui seraient accordés sans possibilité de réquisition. 

Endar souhaita retrouver le missionnaire pour le bénir, mais ce dernier avait déjà disparu. Le Capitaine se resservit une coupe de vin qu'il but d'une traite. D'éventuelles difficultés de financement, concernant l'acheminement de fournitures ou le paiement du solde des corsaires ne se posaient pas, car une lettre de change (dont il fut le tireur) était greffée à la missive. Il revenait à lui seul d'y inscrire le montant. Il rit à gorge déployée. Son heure de gloire avait enfin sonné. Les raids périlleux et peu lucratifs des côtes elfiques allaient enfin se terminer et à l'issue de la mission, sa réputation serait faîte.

Lorsque sa maîtresse se présenta dans la salle de séjour, il la saisit fortement par la taille, puis l'embrassa goulûment. Ils firent l'amour à même le sol et une fois l'acte accompli, Endar ne perdit plus une minute. Il rassembla ses corsaires, remplit les soutes des navires de bois séché pour alimenter les torches, d'esclaves vigoureux nécessaires à la rame et des meilleures viandes de la cité, salées et aromatisées pour satisfaire l'appétit de ses guerriers. 

Lorsque le soleil fut presque couchant et que la froideur vespérale gagna le vieux port, les hommes furent prêts et les navires chargés. Certains corsaires grimaçaient à l'idée de reprendre le large si tôt. Endar s'adressa à l'ensemble de ses troupes, exhibant la missive pour appuyer ses propos. Il leur gagea gloire et richesse. Et lorsque le cachet passa de mains en mains, tous purent s'apercevoir de la véracité de ses promesses. Tous leurs doutes sur la dangerosité de la mission furent dissipés par la récompense attendue et le zèle saisit les corsaires. Une joie féroce emplit chaque cœur. Certains impatients aiguillonnèrent même quelques esclaves dénudés. 

Il ne restait plus que quelques minutes avant que l'obscurité ne soit totale. Les embruns s'épaissirent, formant une brume sinistre, mais néanmoins habituelle autour du port. Une silhouette sombre jaillit du ciel. Plusieurs corsaires dégainèrent leurs épées, attendant tous le signal de leur capitaine et maître. La silhouette n'était autre qu'un magnifique coursier, doté d'ailes noires. Sur son front, se dressaient des cornes menaçantes. Une elfe à la grâce surnaturelle le chevauchait. Elle mit pied à terre, révélant une simple tunique de tissu. Elle posa sa main sur le flanc de l'animal et lui murmura quelques mots avant qu'il ne s'envole à nouveau, provoquant l'admiration des corsaires. 

— Je viens pour le Capitaine Endar, où est-il ? dit la sorcière.
— Ici même, répliqua celui qui était visé.

Elle s'approcha de lui, d'une démarche assurée, puis sans se présenter, annonça dans le creux de l'oreille du dit capitaine la destination [i]Har Ganeth[/i]. Endar connaissait bien les routes maritimes. Il savait aussi que rejoindre la cité du meurtre en empruntant les grottes marines était tout sauf rapide et sur. Quelques soient les intérêts politiques qui animaient sa mission, sa présence ne devait être révélée.

Il largua les amarres et à nouveau, la mélodie sourde des vagues heurtant la coque de son navire le rappela au large, pour l'or et la gloire.  Modifié par Kayalias
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Voila un moment que je me disais qu'il me fallait lire ce récit qui dure (gage de qualité) et voila qui est enfin fait.

Je suis au final assez mitigé. Il y a de très bonnes choses et des choses peut-être plus discutables.

Dans les bonnes choses, il y a l'idée même. Reprendre un personnage spé, c'est le piège à débutant (en faire un grosbill, qui fait ce qu'on veut, etc.). Ici, il s'agit de détourner ce piège pour nuancer un personnage déjà grosbill, ce que je juge très appréciable. J'aime l'idée du Malékith qui aime, qui enrage, qui est arrogant, etc.. Et malgré tout, qui reste un énorme bourrin, mais comme on le voit dans toute sa dimension, ça passe plutôt bien. L'idée, le passage dans les royaumes du Chaos, en voila une autre bonne idée parce que cela te permet à toi, qui écrit, de faire vivre une expérience à Malékith et, non seulement à partir d'un postulat personnel quant au bonhomme, mais d'encore plus l'altérer. Tu parles, à la page précédente, de la manière dont tu jongles entre cette vision personnelle et le fluff et là j'aurais tendance à dire : "fonce" ; oublie le fluff, amuse-toi, fais de ton personnage ce que tu penses qu'il doit être.



Bon, mais je parlais des royaumes du Chaos et voila une des choses que j'aime assez peu dans le texte, paradoxalement. J'aime le fait qu'il y ait les royaumes du Chaos, je ne suis pas sûr d'adhérer à la vision super-humanisante des démons, mais cela ne me dérange pas plus que ça. Pour détailler un peu cet avis glissé là, je me demande si ton histoire aurait réellement été changé s'il s'était simplement retrouvé dans une contrée hostile avec quatre contrées rivales côte à côte. Je trouve que les démons ont quelques traits qui les rattachent à leur divinité tutélaire mais sont surtout des personnages secondaires très humains, et très peu démons. C'est un peu dommage je trouve de situer son récit dans les royaumes du Chaos et de ne pas jouer à fond là-dessus. Et là vient la vraie critique : la prévisibilité. C'est le souci que j'ai eu au moment du passage dans le Royaume de Nurgle. Je me suis dit "Ah ok, on va se taper les quatre Dieux tour à tour". Ce qui fait une structure très... ordonnée. Pour un récit qui se situe dans l'antre même du Chaos. Je trouve que tant dans le fond que dans la forme, on trouve peu de Chaos. On trouve des antagonistes, de l'aventure, de la magie, mais du Chaos ? Pas tant que ça. On passe d'un monde à l'autre, de manière linéaire. On n'a pas de "non-affiliés" (alors que les Royaumes du Chaos sont censés être un beau bordel impossible à cartographier, avec des chateaux wtf et des princes démons partout). Je comprends qu'il faille une structure à un récit, parce que c'est avant tout un récit. Mais je trouve dommage de ne pas jouer la carte "Chaos" dans cette histoire, du moins de ne pas la jouer suffisamment.

Je vais me contredire, mais dans le cadre du voyage initiatique - parce que c'est ce à quoi s'apparente cette histoire - la succession de Royaumes convient très bien. Chaque Royaume va apporter quelque chose à la construction de Malékith, qui commence comme un souverain vain, frustré et despotique, manipulé par sa mère, et qui en sort ... Quelque chose d'autre. Ce qu'il sera, c'est toi qui l'écrira. Voila.

Résumé : il y a pour moi du pour et du contre à cette utilisation linéaire des royaumes du Chaos. Du pour parce que ça sert l'histoire et que c'est efficace ; du contre parce que ça perd un petit peu en saveur, parce qu'on s'attend un peu, du coup, à ce qui va venir ensuite.



L'histoire dans le "vrai" monde est un peu moins intéressante je trouve. Moins bien menée, en tout cas. Ne serait-ce, d'abord, que parce qu'on s'éloigne de Malékith et qu'on se trouve coupé de ce récit initiatique. Mais en même temps, il faut bien voir comment la situation évolue et préparer le final (Malékith sort des Royaumes et remet de l'ordre dans tout ça). Le problème, c'est d'essayer de rendre en quelques paragraphes d'intermède des intrigues politiques qui se veulent compliquer. Je ne pense pas que ce soit impossible mais je ne suis pas sûr que tu t'y prennes bien. Le passage avec le discours d'Hellebron, notamment, me semble beaucoup trop direct. On voit trop les forces en présence, on connaît leurs intentions. Du coup, peu de suspense ! Pourquoi ne pas passer toutes ces volontés en "off-screen" et te servir de quelques personnages. Le vieux capitaine était un bon personnage, avec du potentiel, par exemple. Pourquoi ne pas suivre dans ces intermèdes divers agents de Morathi qui enquêtent sur des rumeurs de coup d'Etat en préparation ? Enquête sur Hellebron, peut-être sur d'autres personnages, et les agents qui petit à petit remontent la piste. Le tout sans trop voir Morathi, sans voir Hellebron. Un méchant qui intrigue et qu'on voit annoncer son plan, c'est un méchant qui ne fait pas envie. Puisqu'il y a peu de surprise quant à la trame globale (Malékith sort des Royaumes et revient), pourquoi ne pas en rajouter ici et là ? Par exemple, ici, on sait qu'Hellebron est l'antagoniste. Pourquoi ne pas laisser de fausses pistes quant à ceux qui veulent usurper le pouvoir, laisser croire que c'est résolu et quand il revient, paf, dague dans le dos venant d'un acteur qu'on pensait fidèle et hop, retournement de l'intrigue.
Ce sont des pistes, des idées et c'est à toi de trouver la manière de faire (et de considérer ou non ce que je dis comme pertinent ou non), mais je pense qu'il faut laisser de l'inconnu au lecteur, de le surprendre encore. Puisque la trame principale (Malékith tombe dans les Royaumes du Chaos, entreprend d'en sortir et finit par revenir à la tête de son Royaume) est plus ou moins connue, il faut peut-être chercher à la susciter autre part.


Dernier petit détail, plus formel celui-ci : il y a un certain nombre d'occurrences de phrases explicatives qui gâchent un peu l'effet. Me vient en tête le passage où le seigneur Kazak, je crois, bref le "Khornite" fait une offre à Malékith, qui la considère et s'ensuit une phrase du style "Mais Malékith savait bien qu'il ne tiendrait pas son offre". Raaaargh ! Fais-le moi comprendre ! Sous-entends-le, ou alors exprime-le de manière plus subtile. Là j'ai vraiment eu l'impression, en plein dans mon récit, que tu en sortais, en tant qu'auteur, me tapotait la main et me disait "C'est un piège, tu as compris, hein ?". Je n'ai pas d'autre exemple similaire sous la main mais j'ai eu cette impression à deux ou trois reprises. C'est bien mieux quant tu laisses des choses dans le non-dit (exemple le vieux capitaine qui ne parvient pas à bouger et se fait fracasser par le seigneur Aeryn, ou le remède du démon de Nurgle qui guérit Malékith) !


Voila, en bref c'est une histoire sympa et enthousiasmante, dont je lirai la suite avec plaisir mais qui gagnerait, je trouve, à exploiter le Chaos qui est son thème, et à laisser les intrigues politiques plus vagues, plus brouillées pour les faire apparaître fines, plutôt que de les montrer en quelques intermèdes et du coup les faire paraître un peu simplistes.



Bien cordialement,

Ignit.
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Merci pour ce long commentaire Ignit. Comme promis, voici la réponse tout aussi longue.

[quote]Tu parles, à la page précédente, de la manière dont tu jongles entre cette vision personnelle et le fluff et là j'aurais tendance à dire : "fonce" ; oublie le fluff, amuse-toi, fais de ton personnage ce que tu penses qu'il doit être.[/quote]

Oui et non. Je ne fais que développer un personnage en fonction de ce que je pense qu'il doit être, mais en prenant en compte sa base " fluffique " ; or celle-ci préexiste et me plaît, parce qu'elle recèle enormément de points d'ombre. Mon but est alors de développer ce que GW n'a pas développer, tout en rendant ce personnage crédible au maximum, afin de faire adhérer le lecteur à la vision que j'en ai du personnage. C'est donc plutôt marrant de prendre de la distance par rapport à un Malékith bourrin, sans le dénaturer. Le cadre que je m'impose (s'écarter, sans trop s'écarter du fluff GW) est donc à la fois prison et moteur de création. Et si justement je ne prends pas toutes les libertés, c'est parce que j'ai décidé d'écrire sur Malékith, pas sur un personnage lambda que j'aurais inventé. Malékith doit donc rester ce qu'il est.

[quote]je ne suis pas sûr d'adhérer à la vision super-humanisante des démons[/quote]

Voilà justement un exemple de liberté que j'ai prise et que tu n'as pas particulièrement apprécié. Ce qui est paradoxal, puisque tu m'incites à en prendre pour le personnage principal. Lorsqu'on s'écarte du fluff officiel, parfois ça plait, parfois ça plait moins. N'oublie pas que mon objectif est avant tout la crédibilité, pour que lecteur puisse se dire : " et si c'était vraiment ce que Malékith avait vécu ? ". Mais ce n'est pas le seul but. J'écris pour faire plaisir, mais aussi pour me faire plaisir. Cela implique une prise de risque, notamment en humanisant tous mes personnages, qu'ils soient démons ou elfes. Peut-être qu'une part de moi déborde en eux ? Sans doute. Quoiqu'il en soit, je pars du principe que les démons sont soit d'anciens Hommes, soit issus de sentiments humains. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi leur société serait si différente des Hommes ? D'où un Royaume du chaos terrifiant et désordonné pour ceux qui en sont étrangers, mais qui, finalement, n'est qu'un miroir déformant de la société des Hommes.


[quote]Et là vient la vraie critique : la prévisibilité.[...]Ce qui fait une structure très... ordonnée[/quote]

Si tu parles de la succession des Royaumes. Alors oui, c'est vrai : elle est prévisible. Mais dès la première page, j'annonce la couleur : " des parties aux titres limpides ". Cette prévisibilité existe pour trois raisons. D'une part, elle m'a permis de structurer le récit. C'était très important au départ, quand je ne savais pas encore quelle trame j'allais privilégier. La deuxième raison est que cela me pousse à être " créatif " en ne laissant aucune divinité tutélaire de côté. Si je ne m'étais pas " forcé " à écrire, je n'aurais jamais évoqué certains dieux. Pourquoi être maso ? Car comme tu l'as bien remarqué, les péripéties du Prince déchu sont avant tout un voyage initiatique qui doit se faire étape par étape. Chaque divinité apporte une pierre à la construction du personnage.

Pour ce qui est d'autres cas de figure où le récit s'avèrerait prévisible, c'est à toi (à vous) de me le dire. Certains passages sont prévisibles à souhait, je le reconnais. Tout le monde se doute qu'en territoire khornite il y aura du sang, des crânes et des combats, mais quelque part : c'est le jeu non ? Dans tout roman d'aventure, il y a une alternance entre le prévisible et l'imprévisible. J'ai essayé de surfer sur ce créneau, en me creusant les méninges pour user le moins possible de ficelles grossières.

[quote]L'histoire dans le "vrai" monde est un peu moins intéressante je trouve. Moins bien menée, en tout cas.[...]les intrigues sont trop directes[/quote]

Je pense comprendre ce dont tu parles et quelque part oui, les scènes du monde réel sont assez directes, au détriment des intrigues. Encore une fois, plusieurs raisons expliquent cela. La première est que j'ai voulu écrire un [b]roman d'aventure[/b], centré sur l'accomplissement d'un seul personnage (toujours dans cette idée de rite initiatique). Je sais que tu aimes les intrigues (moi aussi d'ailleurs!) mais dans ce cadre, il ne s'agissait pas de produire un héroic-fantasy bourré d'intrigues de-la-mort-qui-tue-mieux-que-game-of-throne car :
- Je devrais y consacrer encore plus de temps (j'y consacre déjà pas mal)
- Même avec du temps supplémentaire, la réussite est loin d'être assurée
- Les intrigues sont à la mode (GoT, Tudor), mais ce n'est pas ce que j'avais envie d'écrire.

Pour autant, les scènes du monde réel ne sont pas inutiles à mon sens. Elle servent ainsi le récit de deux manières. Tout d'abord, elles créent des interludes. Certes, ces interludes cassent un petit peu le rythme, mais elles permettent au moins de faire " respirer " le roman, de casser aussi ce côté linéaire dans le voyage du Roi Sorcier. Le second but est qu'elles m'offrent la possibilité de [b]décrire[/b] (et non d'intriguer) les grands mouvements politiques qui mettent en exergue l'impuissance totale de Morathi (étape décisive dans l'initiation de son fils).

Vient donc la prochaine question...


[quote]Pourquoi ne pas passer toutes ces volontés en "off-screen" et te servir de quelques personnages.[/quote]

C'est peut-être bête de ma part, mais je suis parti sur deux principes. Le premier est que le lecteur connaît le fluff ; il sait donc qu'Helleborn seule a la puissance de renverser le pouvoir actuel. Il serait donc absurde de mener une intrigue complexe, alors que le lecteur connaît déjà la fin! Le second principe est que je parle d'un personnage exceptionnel : Malékith. Je ne pouvais donc pas basculer sur une intrigue reliant des personnages de seconde zone. Faire évoluer le Roi Sorcier en parallèle d'un troufion de base me semblait intéressant, mais finalement très complexe à négocier pour ne pas que cela paraisse " biscornu ". Pourtant, en relisant ton commentaire, je me suis mis à douter. Peut-être que j'aurais pu en effet retarder la mort du capitaine et lui donner un rôle plus important. Dans tous les cas, j'aime parler directement des hautes et des basses sphères, afin de montrer que les préoccupations des différentes classes sociales sont à des années lumières les unes des autres. Tandis que Morathi tente de ramener son fils dans le confort de son palais, un simple soldat cauchemarde, glacé dans le froid. Pendant que Malékith lutte pour sa survie et celle de son peuple, un capitaine inconnu embarque pour l'or et la gloire. Dans la partie précédente, j'essayais justement de montrer tout le " déclassement " symbolique de Morathi qui, finalement, risque d'être assassinée comme le capitaine Sarosnar et plus généralement, comme n'importe quel Druchii. C'est quelque chose que je n'aurais pas pu faire si je n'avais pas évoqué les puissants.

[quote]Dernier petit détail, plus formel celui-ci : il y a un certain nombre d'occurrences de phrases explicatives qui gâchent un peu l'effet[/quote]

Sur ce point je n'ai rien à dire, tu as parfaitement raison. Lorsque le récit sera terminé, je procéderai à une dernière relecture qui supprimera ce genre de phrases.


Merci encore pour ce commentaire très instructif. J'ai certes défendu mes positions, mais ce que tu as dit n'es pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Je prends note.

Et maintenant... place à la suite !









[center]***[/center]










Un corbeau aux yeux rouges sang se posa sur le balcon d'une tour sombre. A sa patte pendait un parchemin rédigé à la hâte. De longues mains pâles et élégantes le détachèrent lentement...

[i]Comme vous me l'avez ordonné, Maîtresse, je vous rapporte les éléments tels que nous les avons vécus. Lorsque j'ai rejoint le port de Ghrond, une brume dense recouvrait déjà toute la ville et quand nous prîmes le large, cette brume n'a cessé de s'épaissir jusqu'à masquer complètement les étoiles. La navigation s'est ainsi révélée plus ardue que nous ne l'espérions. En tentant de dégager notre voie, j'ai ressenti la véritable nature du brouillard. Une puissante magie le concentrait tout autour des côtes de la ville, comme pour mieux la confiner. La brume suivait chacun des navires qui quittaient le port, les enveloppait perpétuellement d'un épais manteau, ralentissant autant notre progression. Plus grave encore, ce sortilège masquait l'approche d'un tout autre danger, naturel cette fois. Une tempête s'est levée en même temps que nous gagnions le passage étroit des anciennes galeries. Des vagues toujours plus hautes soulevaient les coques, précipitant les hommes à la mer. Le vent déchirait nos voiles et menaçait de briser notre navire à tout moment. La navigation devint impossible et deux de nos frégates se retournèrent, tandis qu'une caravelle de vivre s'éperonna sur le flanc des grottes, puis s'abîma lentement dans les eaux. Pour mener notre mission à bien, je n'ai eu d'autre choix que de protéger notre propre vaisseau, le guidant par delà la tempête. Une seconde frégate parvint à suivre notre sillon et s'engouffra dans les grottes, tandis que la dernière dont le safran fut brisé, s'échoua contre les rochers. Nous avons sauvé tous les hommes qui ne finirent pas emportés par leur armure et maintenant que les eaux sont apaisées, nous collectons les ressources de la caravelle éventrée ; du moins toutes celles qui sont encore utilisables. L'opération prendra un certain temps, mais nous avons impérativement besoin de vivres et de combustibles pour poursuivre notre traversée. Dès demain, vous recevrez ma prochaine missive.

Que les dieux sombres vous préservent. Mon âme est jamais vôtre, Maîtresse.
[/i]





[center]***[/center]





Juchés sur la raie aillée qui leur fut offerte par les prétendants au temple, Malékith et Tazdief survolaient une contrée inhospitalière. La plaine désertique recelait d'anciens monuments, dressés à la gloire de divinités oubliées. La pierre qui les composait s'effritait et une énergie sombre tordait leurs pointes, conférant aux monuments un aspect torturé. Certains semblaient abattus, d'autres inachevés. Quelques créatures constituées de chair et de de magie erraient dans les décombres, s'élançaient dans une direction puis dans une autre, de manière parfaitement anarchique. Certains s'entre dévoraient parfois en croisant un congénère. Tazdief frappa des étriers et la monture docile bascula dans l'air, plongeant vers le sol. 

— Prince Malékith, voyez-vous ces racines en contrebas, près des ruines ? interrogea le démon.
— Oui, s'agaça l'elfe. En quoi ces quelques herbes folles vaudraient un détour ?
— Il vous reste de nombreuses choses à découvrir dans notre Royaume. Ce dernier est composé de multiples plans. Nous évoluons actuellement dans l'un d'entre eux. Le dernier fragment d'essence se trouve dans un autre. Mes pouvoirs ayant été suspendus, je ne suis pas en mesure de nous transporter au grès des dimensions. Le seul moyen pour nous de gagner celle qui nous intéresse consiste à nous dématérialiser ici, puis de nous laisser guider dans le néant. Notre quête résonnera suffisamment fort pour que la dimension nous tire tout droit vers elle.
— En quoi ces herbes vont-elles bien nous servir ? s'impatienta l'elfe.
— Ces plantes semblent banales, mais il n'en est rien. Bien préparées, elles constitueront l'un des ingrédients clé de notre voyage, tout comme les lianes que j'ai récoltées dans le temple. Nous arrivons à terre. Protégez moi de ces immondices errants, tandis que je les cueille.

La raie se posa au sol avec vitesse et précision, provoquant un léger halo de poussière transpercé par les rayons du soleil perpétuellement immobile. Tazdief se laissa glisser le long du dos de sa monture, puis se cacha derrière l'un des monuments. Les démons difformes, lents et pesants perçurent du mouvement et tous convergèrent vers l'elfe et son acolyte démoniaque. Leur corps fut prit de circonvolutions frénétiques, signe que la magie les parcourait de part en part, déchirant presque leur enveloppe.

— Ne les laissez pas m'approcher ! avertit Tazdief.

Le Roi Sorcier considéra un instant ces créatures pathétiques. Ses yeux sombres bleuirent presque. Il tendit la paume de sa main et un monstre bouffi fut projeté avec fracas contre une colonne de pierre, qui s'écroula sous le choc. La bête grogna, mais ne se releva pas. Tazdief en profita pour détacher du sol les précieuses herbes. Des éclairs dont la puissance était décuplée par la source proche des vents de magie jaillirent des yeux du Roi Sorcier. Les monstres qui en étaient frappés s'effondraient instantanément sur eux-même et leur corps saturé ne tardait pas à imploser en lambeaux de chair et de muscles rougis. Lorsque le carnage fut complet, Tazdief s'extirpa des ruines, impressionné par la puissance de son protecteur. 

— Excellent. J'aurais maintenant besoin d'un réceptacle dans lequel je puisse mélanger mes composants. Le crâne de l'abomination qui gît contre ce tas de pierre fera parfaitement l'affaire. Ses os robustes sont habitués à contenir de grandes quantités d'énergie.

Malékith fit semblant de ne pas entendre. Il ramassa un peu de poussière et la fit glisser tel un sablier entre ses doigts. La patience de Tazdief eut finalement raison de son caprice. Lorsque l'elfe s'approcha de la bête terrassée, dont les multiples gueules gisaient la langue pendante, il vit qu'à son cou elle portait un étrange médaillon. Le bijou semblait s'ouvrir d'une simple pression et contenait en son cœur une lune à la queue serpentine, surmontée de nombreux cercles concentriques. Tel était le symbole des adorateurs du Dieu changeant. Avant d'être des bêtes décérébrées, déambulant, ils étaient autrefois des démons doués de raison. Le zèle leur avait coûté et les faveurs de leur Dieu s'étaient retournés contre eux. Aujourd'hui, Malékith les avait libérés de leur tourment. L'elfe conserva ce médaillon dans la doublure de son cuir. Avec son sabre, il trancha le monstre au niveau de la nuque. Un deuxième coup fut porté, pour ouvrir le crâne. Une matière gluante et puante fut libérée et Malékith cracha de dégoût. Tazdief s'approcha, évida le crâne, puis prépara la décoction à l'aide des ingrédients glanés.

Le Prince profita de ce court répit pour contempler l'horizon, au milieu des corps sans vie. Quelques insectes aux proportions terrifiantes commençaient déjà leur office, rongeant les carcasses les plus éloignées. Malékith ramassa un morceau de chair de la taille d'un membre humain et la tendit à sa monture, qui dégourdissait ses ailes quelques mètres plus loin. Le hurleur saisit le morceau de viande en plein vol, l'avala goulûment sans mastiquer. Il lova ensuite son flanc en douceur contre les hanches de Malékith. Ce dernier sourit et tapota gaiement le dos rugueux de la créature, évitant soigneusement ses aiguillons empoisonnés. Il s'éloigna ensuite et médita, assis en tailleur. Il songea à sa mère. A sa trahison. Pour une raison inconnue, l'amertume s'était dissipée et il ne ressentait plus que de l'indifférence à son égard. 

Comme un écho à ses pensées, une silhouette se matérialisa dans la plaine, sous son oeil circonspect. 

— Bonjour Malékith. 
— Bonjour mère, répondit l'elfe, distrait.

L'image de Dame Morathi flottait à quelques centimètres au dessus du sol. Elle semblait courroucée à la vue de son fils unique qui ne prenait même pas la peine de se lever en sa présence.
— L'oisiveté t'aurait-elle coupée les jambes ?
— D'avantage de respect de votre part, mère, saurait sans doute me les rendre, rétorqua-t-il. 
— Malékith, ma présence à tes côtés me coûte suffisamment, pour que j'en souffre tes humeurs. 

Le Roi Sorcier se leva.

— La situation se dégrade. Jour après jour, nos soutiens faiblissent. La liste de nos courtisans s'amenuise et celle de nos détracteurs s'allonge. Le peuple réclame la présence de son Roi. Des rumeurs évoquent ta disparition et chacune des maisonnées se prépare à une guerre de succession. Les cités se renferment et nos frontières n'ont jamais été si vulnérables. Depuis Ghrond, j'ai mandaté des émissaires pour apaiser les tributs barbares du Nord, mais je ne saurai faire de même pour corrompre nos cousins. Ulthuan croit en ta mort et prépare une contre attaque sur nos rivages. Le Royaume est au bord du gouffre.

Cette dernière phrase sonna comme un aveu de faiblesse. Malékith s'en souviendrait longtemps, mais attendrait le moment propice pour châtier sa mère condescendante, incompétente et sournoise. Il se contint avec peine, alors que Dame Morathi évoquait la fin possible de son Royaume. La Reine reprit :

— Galvanisé par ces troubles, le grand temple n'hésite plus à intervenir au grand jour. Des conseillers m'ont rapporté l'existence de réunions tenues secrètes, destinées à faire pression sur les généraux et la noblesse de Naggaroth. Les assassins sillonnent le pays et tuent au hasard, accentuant le sentiment de terreur qui gagne chaque tranche de population. L'audace de Helleborn est telle, que la nuit venue je reçois la visite de ses sbires.

Malékith se raidit de surprise, presque désappointé que la tentative d'assassinat n'ait aboutti. Au fond de lui, il estima avoir encore besoin de sa mère. Bien que son autorité se révélait friable, elle lui permettrait de gagner du temps, afin de trouver un moyen de regagner le monde des mortels.

— Le temple s'est accordé bon nombre de prérogatives en mon absence, ironisa gaiement Malékith.

Dame Morathi ne releva pas.

— Helleborn et ses serviteurs seront punis en temps voulu. L'essentiel est de garder la ville sous notre contrôle. J'ai missionné une flottille de fidèles qui empruntent en ce moment même les tunnels maritimes. Cette flotte stationnera sous Har Ganeth, prête à écraser toute tentative de rébellion de l'intérieure. 

— A combien de navires s'élève-t-elle ? s'enquit le Prince, reprenant ses automatismes de commandant des armées.
— J'ai envoyé une demi-douzaine de frégates en éclaireurs, commandées par les capitaines les plus aguerris du Royaume. Deux douzaines suivront prochainement. 
— Parfait, mentit Malékith. Il serait toutefois préférable d'ordonner aux navires restant de patrouiller au large de nos côtes. Je veux pas que nos cousins posent le pied sur nos rivages.

Dame Morathi ne protesta pas. Elle connaissait les talents de tacticien de son fils. Malékith tut ses motivations. Six navires ou le triple ne suffiraient à reprendre le contrôle de Har Ganeth, en cas d'insurrection. Les tunnels maritimes reliant Ghrond à la cité du meurtre n'étaient presque jamais empruntés de par le danger immense qu'ils constituent. Ses explorateurs lui avaient rapporté la présence de courants violents et imprévisibles, susceptibles de noyer des galeries entières. Lorsqu'ils survivaient au tumulte des eaux et aux éboulements, de sinistres créatures n'hésitaient pas à surgir des ombres pour assiéger les navires ralentis par d'étroits passages rocheux. La flotte envoyée par sa mère était probablement condamnée et il ne servait à rien de compter dessus pour assurer la stabilité du Royaume. Malékith fit en sorte de ne pas la froisser.

— La conservation du Royaume n'est pas ma seule préoccupation, Malékith. Chaque jour, je redouble de vigilance, écoulant des heures à garantir ta protection. 
— Vraiment ? en douta le Prince.
— Oui. Le pacte avec Sharaz a été rompu dès que tu t'es enfui de son palais. Si tu y étais resté, j'aurais aisément pu négocier ta libération.

Le Roi Sorcier perçut le reproche dans la voix de sa mère. 

— Sharaz n'était pas plus disposée à négocier, qu'à me libérer. Je n'ai eu d'autre choix que de m'échapper du temple, siffla-t-il.
— Bien mal t'en a pris. Aujourd'hui, elle connaît ta valeur et te cherche, ralentissant chacune de mes tentatives de communication. Mais pendant que je me bats sur tous les fronts, je vois que tu t'affaires à la tâche, ironisa la Reine. Qui est donc ce serviteur avec lequel tu perds ton temps ?

Elle toisa Tazdief avec dédain. Ce dernier se trouvait à l'écart dans les ruines et préparait la décoction avec tant de concentration qu'il ne s'était même pas aperçu qu'une conversation avait lieu à quelques dizaines de mètres de lui.

— Il s'agit d'un démon de race inférieure qui me permettra très prochainement de quitter cet endroit.
— [i]En es-tu bien certain[/i] ? J'ai repéré un palais à quelques milles de ta position. Ses feux éclairent sans cesse le ciel, tu ne peux pas le manquer. En soumettant d'autres démons à ma volonté, j'ai pu leur soustraire quelques précieuses informations. Le palais en question est un point de transition contenant de nombreux portails reliant les dimensions entre elles. Les désolations du chaos abritent des portails semblables. Infiltre toi dans le palais et trouve le portail reliant ce Royaume au nôtre. 
— Je vous remercie pour ces informations, mère. Telle était justement ma destination.
— Parfait. J'ai bon espoir qu'incessamment sous peu, nous soyons enfin réunis, conclut-elle.
— Moi de même, ajouta Malékith d'un enthousiasme surjoué.

Un bruit de pas s'éleva derrière l'elfe. L'image de Dame Morathi s'évanouit dans la plaine.

— La potion est enfin prête, croassa Tazdief, un sourire sournois défigurant son visage déjà fort asymétrique.  Modifié par Kayalias
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  • 1 mois après...
Depuis Münich, voici la suite. Un petit peu longue, peut-être. Quoiqu'il en soit, la fin se rapproche toujours d'avantage. Bonne lecture !










[center]***[/center]










[i]C'est depuis les profondeurs que je rédige cette missive à votre intention. Nos ressources se raréfient. Les caisses de vivres que nous avons pu récupérer après le naufrage ont été rongées par le sel. Sur l'ordre insensé du capitaine survivant, la nourriture souillée a été jetée aux esclaves ; deux dizaines d'entre eux ont déjà succombé à la déshydratation. Nous faisons également face à de puissants vents contraires qui, en sus de retarder notre route, auront bientôt raison de la main d'oeuvre restante, par les efforts supplémentaire qu'il requiert des esclaves. S'il ne brille pas par son esprit, je ne peux que reconnaître les talents de navigateur du capitaine. Hier, quand un éboulement menaça de nous emporter, il sut manoeuvrer avec force et détermination, évitant les tourbillons susceptibles de nous emporter. Notre safran s'est brisé dans l'opération et nous dûmes mettre pied à terre. Tandis que quelques corsaires réparaient le navire, je tentais de repérer notre position en filtrant les courants ascendants. Cette escale ne dura qu'une nuit et les troupes qui furent envoyés en éclaireur me rapportèrent récit étrange. Trois d'entre eux se seraient enfoncés dans les galeries interminables de la montagne, jurant sur les dieux sombres avoir ressenti des yeux posés sur eux. Le tunnel qu'ils empruntèrent était marqué de nombreuses glyphes dont la signification leur échappa. L'un des soldats tenta de m'en rapporter un fragment, mais dès que sa main frôla la pierre, sa chair se mit à fondre de façon inexplicable. La contagion s'étendit rapidement au bras et ses compagnons durent le lui trancher. Il ne survécut pas à l'opération. Cela n'est pourtant pas le dernier de nos maux. Notre combustible s'épuise beaucoup trop vite. Notre temps nous est compté et je n'aurai donc pas l'occasion de vérifier les dires de ces pleutres. Pour le moment, Maîtresse, nul n'importe plus que la réussite de notre mission. Elle sera un succès, je le jure.

Je suis esclave de votre volonté. Disposez, Maîtresse, de ma vie comme il vous convient.[/i]




[center]***[/center]




Tazdief agitait la potion rougeâtre entre ses pattes griffues. Un éclat malfaisant brillait au fond de ses yeux sales et une gaieté inhabituelle animait sa démarche de soubresauts maladroits.

— Vous êtes songeur, à quoi pensez-vous Prince Malékith ? demanda-t-il imprudemment.
— Cela ne vous concerne pas, répondit sèchement le Prince.
— Naturellement, naturellement. Sachez qu'en ce moment, nul autre que moi n'est plus à même de vous faire quitter le Royaume.
— Vas-tu m'annoncer que mon salut tient à cette fiole misérable que tu tiens, et dont tu sembles pourtant si fier ?
— Parfaitement, se flatta le démon.

Malékith toisa son acolyte, puis ajouta :

— Si cette potion te permet de naviguer au grès des dimensions, alors tu n'as pas besoin de moi. Dois-je te rappeler qu'il s'agit de ton fragment d'essence et non du mien ?
— Vous faites erreur, jeune Prince. Depuis le jour où vous avez frôlé du doigt le premier fragment, vous avez été lié à mon destin. Souvenez-vous de cette sensation tiède et agréable que vous avez ressenti lors de notre épopée au cœur de la montagne de diamant, peu avant que vous n'embrasiez la forêt. 
— Qu'est ce que cela signifie, démon ?
— Qu'à présent, ces fragments sont autant miens que vôtres. 

Les fragments d'essence vibrèrent dans la bourse de l'elfe. Ils semblaient désireux de quitter leur prison et rejoindre leur porteur pour prouver que paroles de Tazdief étaient vraies.
Nous devons boire tous deux cette potion, Prince Malékith.
— Il en est hors de question ! tempêta le Roi Sorcier.
— Si je suis seul à la boire, alors je peut-être gagnerais-je la moitié du fragment, mais tant que vous n'aurez pas gagné la vôtre, je serai prisonnier d'une dimension dont vous n'avez strictement aucune idée de l'horreur. Si je ne reviens pas, alors vous ne franchirez pas le labyrinthe qui garde le palais et jamais, jamais, vous ne quitterez notre Royaume !
— Tu dis vrai Tazdief, mais si je refuse de boire cette potion, alors tu ne réintégreras pas la caste qui fut autrefois la tienne. Tu erreras pendant des siècles, que dis-je, des millénaires en attendant qu'un autre champion se présente à toi. Si celui-ci ne te trahit pas. Dans le cas contraire, tu resteras aux yeux de tous et surtout de tes anciens frères, ce démon déchu et misérable dont tu m'imposes la vue.

Tazdief se jura de faire payer à l'elfe ces paroles amères.

— Prince Malékith, j'ai d'avantage besoin de vous que vous de moi, se contint-il difficilement.

L'elfe fut stupéfait par cette réponse et son sourire ironique s'effaça rapidement. La contrition de Tazdief avait gâché la victoire de sa joute verbale.

— J'ai besoin de vous, répéta Tazdief avec conviction. Il s'agit du dernier fragment. Si vous m'accompagnez, vous rentrerez chez vous, je vous le garantis. 

Le Prince maugréa. Tazdief ne dit plus un mot. Après un silence interminable, Malékith reprit la parole.

— Que nous attend-t-il vraiment de l'autre côté ? grogna-t-il. 

Persuasif, Tazdief en ressentit de la supériorité. Il prit plus de précautions que de raison pour répondre. 

— Si vous acceptez de goûter au breuvage, nous basculerons l'un et l'autre vers une dimension qui nous sera personnifiée. Il n'y aura donc aucun moyen ni pour vous ni pour moi de communiquer, ou de nous rejoindre. Nous serons en quelque sorte prisonniers de notre monde. Pour autant, nous serons liés. Le seul moyen de survivre est que chacun d'entre nous trouve sa moitié de fragment. Si tel n'est pas le cas, nous serons tous deux piégés jusqu'à la nuit des temps.
— Dis-m'en plus sur les dimensions dans lesquelles nous seront retenus ?

Tazdief sembla hésiter.

— Il s'agira d'une succession anarchique de visions et d'éléments passés présents ou futurs, intrinsèques à notre histoire.
— Et où seront détenus les fragments ? insista l'elfe.
— Ils apparaîtront lors d'une vision, au moment où votre attention sera la moins vive. Le fragment peut se présenter à vous une fois, comme mille fois. Si vous percevez son éclat, n'hésitez pas un seul instant et saisissez le ! Ne vous laissez pas tromper par les illusions.
— S'il ne s'agit que de quelques visions d'avenir, alors cette affaire sera vite réglée, trancha l'elfe. 
— Je suis heureux de vous l'entendre dire, Prince Malékith.

L'elfe s'approcha de sa monture et enroula rapidement le cuir de son harnais à l'un des rares piliers encore érigés. Il lui caressa le flan d'une affection que la bête lui rendit en grognant de plaisir. Son acolyte lui tendit alors la fiole.

— Je boirai après toi, démon.
— La confiance n'exclut pas le contrôle, s'amusa Tazdief.

Tous deux burent la décoction encore fumante, dont les vapeurs empestaient. Ils furent instantanément saisis de violentes crampes. L'elfe et le démon se recroquevillèrent au sol, sous l'oeil intrigué du hurleur, qui paissait non loin de là. Le poison tordait leurs entrailles, leur arrachait des cris toujours plus abominables et lentement, leur vision se brouilla pour ne faire qu'un avec les ténèbres.

Lorsque Tazdief ouvrit les yeux, la douleur s'était dissipée. Une langueur engourdissait tout son corps et il tarda à réagir lorsqu'une voix humaine, solennelle appela :

« Marcus Gerber ».

Cela faisait une éternité que Tazdief ne s'était pas entendu appeler ainsi. Il resta immobile, les bras rivés à son pupitre. Il les contempla avec beaucoup de soin. Ce n'était plus les pattes griffues et usées qu'il distinguait, mais bien ses mains, ses belles mains humaines d'autrefois. Il frémit un instant. 

« Marcus Gerber ! », répéta la voix puissante.

Tazdief sursauta, se leva de sa chaise et s'annonça, devant un parterre de jeunes hommes goguenards. Il reconnut alors le professeur qui l'avait interpellé à deux reprises. C'était un homme de haute stature, à la robe pourpre. Son regard brûlant, autant que sa longue barbe, imposaient un respect naturel, quoique teinté de crainte. Son visage n'exprimait rien que du mépris à l'encontre de Tazdief. Ce dernier retrouva ainsi la plus célèbre salle du collège de magie, celle-là même où les plus puissants sorciers du Royaume s'affrontaient lors de duels épriques. Un parfum caractéristique de cendres et d'acier fondu semblait ne jamais la quitter. Une fois par an, ses voûtes menaçantes accueillaient d'ambitieux étudiants qui, tous, rêvaient d'apprendre aux côtés des plus grands. L'homme qui appela Tazdief n'était autre que l'éminent pyromancien du collège rouge, l'une des plus puissantes écoles de magie de l'Empire. Le démon avait déjà vécu cet instant. Pourtant, il tremblait comme autrefois en priant que le destin modifie sa route. 

Le Pyromancien libéra sans plus attendre une immense dalle de pierre qui tomba du plafond, dans un fracas de tonnerre. Sur cette dalle, s'affichèrent les noms des futurs élus. Chaque fois que les lettres de feu dessinaient un nouveau patronyme, les étudiants des années inférieures applaudissaient d'admiration et d'envie à la fois. Un à un, chacun des hommes assis à côté de Tazdief se leva afin de recevoir sa robe, gage de distinction parmi les sorciers. Les mains du démon devinrent moites. Il ne restait plus qu'une personne à ses côtés, un jeune homme brun, mince au corps jeune, mais déjà si fatigué. Ce dernier ne tarda pas à se faire appeler et sa mine poussiéreuse s'éclaira d'un timide sourire. La dalle cessa bientôt de s'illuminer, mais les applaudissements ne cessèrent pas encore. Comme le voulait la coutume, les récents diplômés projetaient des étincelles féeriques qui virevoltaient dans la salle de duel. Un seul homme restait encore assis : Tazdief. Son nom n'avait pas été gravé en lettre de feu et au milieu de l'agitation ambiante, il entendait son cœur battre, battre fort, battre de rage. Tous étaient debout, mais lui restait assis seul, présent sans l'être, absent de la fête. Ceux qui avaient réussi venaient consoler le perdant, lui tapaient amicalement sur l'épaule d'un air faussement désolé. Sous les applaudissements tonitruants, le pyromancien lui accorda un ultime regard.

« Je savais que tu échouerai », conclut-il. 

Les poings de Tazdief se serrèrent d'avantage au point d'en faire saillir les veines. Revivre ce déshonneur l'avait écarté de sa quête. Le fragment était-il apparu pendant la cérémonie ? Non pensait-il, ce serait trop simple. Jamais n'avait-il ressenti pareille honte que devant ce parterre d'étudiants célébrant leur succès, tandis que lui échouait. Mais cela serait oublier sa seconde disgrâce.

Les pupitres se brisèrent et la terre sembla engloutir la salle de duel, emportant avec elle les espoirs déçus d'un démon qui, jadis, était un mortel. 

L'environnement changea une fois encore et l'ambiance froide et austère du collège d'Altdorf céda place à une pièce vive, parcourue de nombreux faisceaux colorés. Des formes et des contours disparaissaient sans cesse pour mieux réapparaître, transformés en de subtiles nuances. Devant Tazdief, se tenait sur son promontoire vivant un être difforme au corps d'aigle et aux yeux perfides. Son bec acéré caquetait frénétiquement prêtant à sa voix les sonorités d'un essaim bourdonnant. Ses bras s'agitaient en pantomime et projetaient des feux en cascade. Tazdief inclina légèrement la tête. Ses bras étaient redevenus ceux d'un serviteur du grand architecte, longs, fins et griffus. De mystérieuses chaînes flamboyantes les lui liaient, ce qui ne l'empêchait pas de sentir gronder au fond de lui une puissance du passé. Son corps lui parut plus épais et plus vigoureux. De chaque côté de son flanc, scintillaient les ailes souples et fortes qui firent sa fierté d'antan, loin de l'image pathétique de ses moignons reconstitués par la magie du Roi Sorcier. 

« Tazdief Eryktis, fils de Shatnam et d'Ectélion, vous faîtes face à ce tribunal pour avoir enfreint nos lois divines, délibérément ». 

Le démon marqua une pause que divers cris dans l'assistance troublèrent. Tazdief se retourna et vit une horde de démons aux airs menaçants. Ils semblaient retenus par une force obscure et tous se seraient jetés sur lui, si un mur invisible ne les en empêchait. Il frissonna. Au loin, entre deux êtres au corps élancés et à la peau recouverte d'acide, une lueur qu'il eut peine à distinguer luisit.

« Pour avoir détourné le sens de votre mission à votre propre profit... », reprit le juge dont le visage se dédoublait lentement.

La petite sphère d'énergie grandit encore et encore jusqu'à atteindre la taille exacte d'une pomme.

«... avoir assassiné les fidèles de notre monde... ».

Les yeux du juge brillèrent de malfaisance. Tazdief quant à lui ne souhait aucunement revivre le simulacre de son procès. Il se jeta hors de son siège et écrasa ses poings sur le crâne du garde qui tenta de l'arrêter. L'assistance protesta et bientôt, le mur invisible vacilla sous la hargne du public. Le juge poursuivit imperturbable et à la surprise générale, Tazdief s'élança vers ceux qui voulaient l'éliminer. Les visages grimacèrent de peur et d'étonnement. Il sentit la puissance courir dans ses veines. Il irradia la salle de lumière, puis fendit la foule à grands coups d'épaules : nul n'eut dit que des chaînes le retenaient encore. L'effet de surprise lui fit gagner quelques mètres vers le précieux fragment, mais lorsque le halo se fut dissipé, les démons du public se jetèrent sur lui, décidés à venger leurs frères. Des griffes lui entaillèrent le torse. Il n'en ressentit aucune peine. Le juge statique, fit preuve d'encore plus de zèle dans la diction de sa litanie.

« Et pour avoir tenté de vous dérober à l'oeil ardent du grand architecte, en vous acoquinant à des mortels, votre condamnation sera exemplaire ».

Tazdief écarta ses deux agresseurs suivants d'une projection d'aile. Le fragment d'essence était à portée de mains. Il les tendit droit devant lui, quand un trait de feu l'atteignit au visage, l'aveuglant entièrement. Une odeur de brûlé lui parvint de sa propre chair et bien qu'il tâtonna à maintes reprises, ses mains ne saisirent jamais le fragment. D'autres griffes ne tardèrent pas à lui lacérer le corps et il se sentit traîné au sol. Ses chaînes se resserrèrent autour de ses poignets et divers projectiles incantés par la foule lui calcinèrent les bras et les jambes. La voix du juge s'éleva alors d'une clameur qui étouffa le vacarme des fidèles.

« Vous êtes désormais banni de vos pairs et votre essence sera dispersé aux quatre vents ! », s'exclama-t-il, plus dément que jamais. 

Son appel reçut l'approbation de la foule et Tazdief se sentit soulevé dans les airs. Un long silence suivit la clameur et dans un effort qui lui arracha des cris de souffrance, il sut décoller la chair brûlée de ses paupières. La dernière chose qu'il vit fut une tornade enflammée si gigantesque qu'elle sembla avaler le tribunal entier. Le démon y fut aspiré, impuissant. Le feu sacré consuma son corps et dévora son esprit. Son essence se disloqua. Son pouvoir l'abandonnait une seconde fois.

« Maintenant que ton essence n'est plus tienne, tu ne vaux pas plus que tes amis mortels. Rampe désormais dans ce qui n'est plus ton Royaume », déclara le juge, irradié de flammes.

A genoux, Tazdief peinait à reprendre son souffle et la douleur l'écrasait. Un démon particulièrement belliqueux quitta la foule et vint lui administrer un coup de pied dans la mâchoire.

Un rire gargantuesque partit dans la salle quand un éclair fendit le juge en deux corps distincts. Ses deux têtes jumelles continuèrent à gesticuler un instant et la foule hurla tandis que le sol se déroba sous leur pied. Tazdief fut également emporté et les rayons de lumière du tribunal se dissipèrent dans le vide. Seule l'obscurité subsista, puis le monde se reconstitua tel un château de cartes. 

Les douleurs de Tazdief perdurèrent quelques instants, avant de se dissiper. Il retrouva le corps malingre auquel il s'était habitué depuis son procès. Les démons se délectaient à l'imitation des processus sociaux si chers aux mortels. Certains prenaient plaisir à les reconstituer dans leur intégralité, ne modifiant qu'un seul détail aux répercussions terribles, tandis que d'autres adoptaient une vision caricaturale et grossière qui les ravissait. 

Tazdief venait d'être téléporté devant le labyrinthe qui protégeait l'entrée du palais où vivait enfermé le Dieu qu'il tenta de duper. Nul ne savait qui l'avait jadis emprisonné, ni pourquoi, mais sa puissance était telle qu'il n'osait imaginer quelle pourrait être les conséquences s'il venait à être libéré. A l'instar d'Eschylle, le grand architecte était à la fois prisonnier et maître. Il ourdissait ses plans tantôt dans les ténèbres, tantôt dans le feu le plus éclatant. Ses serviteurs assouvissaient la moindre de ses volontés car les mythes disent qu'il a crée le monde en même temps que le monde l'a crée.

Tazdief contempla le palais sans grand espoir. Le fragment venait de lui échapper. Il n'avait pas su être suffisamment vif, ni suffisamment malin. Le fragment ne reparaîtrait probablement pas et il resterait captif éternellement de cette dimension, copie parfaite de la réalité. Il observa le labyrinthe aux ronces profondément enracinées. Elles le menaçaient de toute leur hauteur, mais il ne ressentait qu'une tristesse nostalgique à leur vue. Un choc sourd l'alerta, quelques mètres en amont. Tazdief n'y fit prêta que peu d'attention. Prostré, il endurait sa peine. Un second choc se fit entendre. C'était le son caractéristique d'une lame qui tranchait [i]quelque chose[/i]. Tazdief se hasarda à pénétrer dans le labyrinthe. Il emprunta le passage qu'il connaissait, le seul qui lui garantissait de gagner la porte en sécurité.

« ...Ne m'avais-tu pas garanti que je ne courais aucun risque en te suivant, démon ? ».

Les ronces l'encerclaient entièrement, mais Tazdief fut surpris de reconnaître la voix cendreuse du Roi Sorcier. 

« Patience, jeune Prince, nous sommes presque de l'autre côté », répondit au loin sa propre voix.

Interloqué, ll s'aventura un peu plus loin dans le lacis, sans toutefois se faire remarquer. En se rapprochant, il put distinguer les plaques sombres de l'armure de Malékith. Celui-ci tenait fermement son épée dans la main droite, tandis que la main gauche portait son pavois en position haute. Sur ses gardes, l'elfe se retourna machinalement. Tazdief plongea sous un buisson pour ne pas être repéré. Il porta la main à sa bouche pour ne plus émettre un son et lorsqu'il se coucha au sol, apparut ce qui lui semblait être une faible lueur à l'opposé de la scène à laquelle il assistait.

«  Bien, maintenant vous allez me rendre les deux autres fragments d'essence », commanda l'ombre de Tazdief.

Malékith rangea soigneusement la bourse contre sa tunique, provoquant l'ire de son interlocuteur.

Tazdief regarda derrière lui, plissant ses petits yeux. Il en fut certain : le fragment d'essence avait reparu. En un éclair, il se décida à ne pas manquer cette nouvelle chance qui s'offrait à lui, à ne pas céder à la curiosité. Il tourna le dos au futur et s'extirpa des ronces, s'élançant aussi vite que possible.

« Je ne te remettrai les fragments qu'une fois à l'intérieure du palais », poursuivit l'elfe, impassible.
— Et je ne vous conduirai au palais que lorsque vous m'aurez remis l'essence, rétorqua l'ombre du démon.

Un nouveau choc sourd interrompit Tazdief dans sa course. Malékith venait d'empoigner son double par le cou. Il se retourna encore et vit que le sillon du labyrinthe se refermait, éclipsant presque la lumière du fragment.

« Oui, menacez moi, perdons du temps et si les gardes nous trouvent, soyez-sur que ni vous ni moi sortirons vainqueur de ce litige ! ».

Tazdief courait à perdre haleine. Ses pattes courtes dont l'une dépassait l'autre en longueur, ne faisaient pas de lui le plus rapide des bipèdes. En se faisant violence, il parvint finalement à agripper le fragment, au moment où le sillon allait définitivement se fermer.

« J'ai suffisamment donné de ma personne. Tu n'as aucune idée des sacrifices que j'ai consenti pour conquérir ces fragments, tes fragments. Nous ne ferons face qu'à de simples visions, disais-tu ? Mensonges. Ce que nous avons vécu dépassait de très loin la simple prédiction. Je n'ai aucune confiance en toi. Tu vas m'ouvrir cette porte maintenant, démon ! », entendit-il rugir, suivi du tintement lointain d'une lame qu'on tirait du fourreau.  Modifié par Kayalias
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  • 4 semaines après...
Oh oh !

Y en a un qui est dans la panade :P

J'ai bien aimé ce passage, surtout via le fait qu'on suit le personnage du démon sous sa forme humaine. Je m'étais pas douté d'ailleurs qu'il aurait pu être ça mais j'aime bien l'idée, ça change vraiment ! Ca aurait pu faire sa petite histoire presque ;) En tout cas, maintenant, j'attends la suite ! Au moins il a pu faire passer ses instructions !

@+
-= Inxi =-
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  • 2 semaines après...
Bonne rentrée à ceux pour qui c'est le cas. J'espère vous consoler avec la suite des péripéties du Prince déchu. Après les visions de Tazdief, voici celles de Malékith. Du moins la première partie. La seconde est en fin de rédaction et arrivera [u]très[/u] vite. Bonne lecture !










[center]***[/center]









[i]Maîtresse,

Je vous porte de sombres nouvelles. Depuis plusieurs jours, l'équipage et moi même avons épuisé nos rations de survie. Les troupes ont recyclé les esclaves morts pour se sustenter, dans une débauche animale de sang et de chair. Nos plus bas instincts se révèlent. Nous approchons lentement de la ville et les éboulements se font de plus en plus fréquents et périlleux. Les tunnels grouillent de créatures troglodytes, sorties des profondeurs de la terre. Des humanoïdes nous ont tendu une embuscade, ont brisé nos voiles et percé la coque du navire. Il m'a fallu réunir toute mon énergie pour les contenir. Seule une poignée de rameurs disposent encore de la force nécessaire pour accomplir leur besogne. Il n'y a que quelques heures, une mutinerie a éclaté et le capitaine a été jeté dans les eaux sombres. La ville me paraît si loin et les périls si proches. Rassurez-vous cependant Maîtresse, je vous réitère mon serment et par les dieux sombres, je n'échouerai pas.[/i]




[center]***[/center]




Quand Malékith ouvrit les yeux à son tour, il se trouvait allongé contre une dalle de pierre froide. Ses membres écartés en croix et encore engourdis par le breuvage reprenaient peu à peu vigueur. Il leva tout d'abord son buste dans un raclement d'acier, secoua ses bras, puis épousseta sa tunique. La pièce qui l'accueillait lui était bien connue. Il s'agissait du grand hall de Naggarond, où des réceptions fastueuses étaient organisées en l'honneur de la famille royale. Là, les courtisans du royaume rivalisaient de ruses et de fourberies pour glaner les faveurs du Roi Sorcier. Ce dernier prononçait éloges et disgrâces dans le hall depuis des temps immémoriaux. Lorsqu'une tête impudente ou légèrement trop audacieuse tombait, d'autres se précipitaient à la cour avec d'avantage de zèle. 

Malékith se leva entièrement. Un grand silence recouvrait le hall, habituellement si bruyant. Les tables de bois pourtant massives avaient été retournées. Des restes de nourriture séchés s'incrustaient dans les moulures et la vaisselle jonchait le sol. Un banquet de longue date semblait s'être tenu ici. Quels serviteurs décadents avaient bien pu abandonner le hall dans un tel désordre ? Vision ou réalité, ils seraient châtiés. Leur tête décorerait bientôt le chandelier du hall pour rappeler aux esclaves que le service n'est pas une option. Malékith enjamba le repli d'un tapi, avant de constater que celui-ci était maculé de sang. Le tissu peints de motifs guerriers ou des exploits Druchii semblait recouvert non pas de taches cramoisies, mais de marres noirâtres. C'est alors que l'elfe fut traversé d'un frisson glacé. La ville avait été assiégée en son absence. Il se précipita à l'autre bout de la pièce et ouvrit les portes à la volée. Ses tapisseries dérobées aux temples d'Ulthuan avaient été ravagées et partout, le sang s'était répandu. Il innondait es murs et les marches. Les escaliers qu'il gravit dégageaient une odeur atroce et petit à petit l'elfe ressentit la sollitude terrible du monarque, enfermé dans sa forteresse en ruine. Hors d'haleine, il rejoignit la salle du trône et la découvrit dans le même état que le reste de la citadelle. Son sinistre trône, symbole du pouvoir absolu qu'il conservait jalousement avait été brisé en deux. Les crânes de ses ennemis qui servaient auparavant de calices avaient été dérobés, sa bannière brûlée et seule la hampe subsistait encore, tristement étendue au sol. Sa gorge se noua et des tremblements furieux le surprirent. Il dut lutter pour ne pas s'étrangler de rage.

Plusieurs minutes s'écoulèrent, où il resta là, à contempler le forfait de ses ennemis. Puis il se reprit. Il dévala l'escalier, s'engouffra à travers une porte dont seul les gonds et les charnières subsistaient, traversa un long corridor pour gagner les appartements de sa mère. La porte avait été également forcée : le verrou avait sauté sous l'impact d'une arme massive. Les étagères avaient été saccagées et pillées. La plupart des flacons gisaient brisés et leurs débris coloraient le sol tel une myriade d'étoiles dans un ciel d'encre. Le chaudron de sang qui conférait jeunesse et beauté à la matriarche se voyait amputé de deux pieds et son bassin s'inclinait dangereusement. Seul le lit magnifique semblait encore intact. Les draps à peine défaits respiraient encore le parfum de Dame Morathi. L'elfe ne pu s'empêcher de les porter à ses narines. Il huma lentement et profondément comme pour mieux se raccrocher au fantôme maternel. 

Un éclat scintillant surgit en lieu et place de la couche de sa mère. Au même moment, une brise puissante souffla en provenance du balcon. L'elfe dédaigna le fragment d'essence et écarta les rideaux pourpres nonchalamment. Les draps serrés contre sa poitrine, il succomba d'horreur devant la vue qui s'offrait à lui. Les murs de la forteresse avaient été défoncées et les tours jetées à bas. La forteresse sans défense était envahie par la corruption. De sombres horreurs, attirées par la puanteur des lieux se repaissaient des restes du carnage. Dans la cour principale, un corps avait été crucifié au volet de l'armurerie. Son heaume lui avait été dérobé, révélant un visage noirci ainsi que de fins cheveux argentés. L'armure sombre qui le recouvrait comptait de nombreux impacts de griffes et de crocs. Le guerrier bascula soudain sa tête sur le côté et ses yeux fixèrent intensément ceux de Malékith. Le Roi Sorcier bondit de terreur. Le mort fut pris d'un rire moqueur et le doute se dissipa : le guerrier hilare n'était autre que son propre cadavre. Le prince suffoqua et se cramponna au rebord du balcon pour ne pas sombrer. Derrière lui, l'éclat du fragment s'éclipsa. Le sol se déroba alors sous ses pieds et l'elfe ne put empêcher une chute vertigineuse de l'entraîner. Son esprit torturé fut sans cesse assailli par l'image de ses lèvres glacées par la mort qui lui souriaient. 




[center]***[/center]




Le vent siffla aux oreilles du Roi sorcier quand il traversa l'atmosphère, transperça les nuages et toucha le sol d'une douceur inattendue. Il lui fallut plusieurs minutes pour reprendre ses esprits et chasser l'image terrifiante de lui-même. Le roulis des vagues dans son dos le surprit, lui indiquant qu'il se situait en bordure de mer. De puissants éclairs zébrèrent le ciel, éclairant un paysage désolé où gisaient des rochers tranchants comme des lames. Les bottes de Malékith dérapèent sur un galet humide. D'autres éclairs illuminèrent la nuit d'une lueur vive mais éphémère, révélant d'autres gorges de rochers effilés. Le tonnerre retentit à son tour, se répercuta contre les monts, provoquant un vacarme dont l'elfe n'avait encore jamais été témoin. Une tempête d'une violence inouïe se préparait. Les vagues se fracassèrent de plus en plus fort contre la berge. Un grondement menaçant les annonçait, d'abord lointain, puis de plus en plus proche, jusqu'à ce que la mer déchaînée ne révèle sa véritable nature. Des quantités d'eau gigantesque s'écrasaient contre la plage, charriant avec elles des débris de toutes sortes, noyés par l'écume. L'eau tumultueuse se retirait alors, donnait l'illusion d'une retraite, pour frapper encore et encore, sans cesse, de son bras régulier.

Inexorablement, le rivage cédait aux morsures de la mer et Malékith dut se hâter pour ne pas être assailli par les flots. Entre deux aiguilles de pierre, un sentier sauvage se traçait et l'elfe reconnut enfin les contours de l'Île blafarde. Cette île était connue pour abriter le temple de Khaine, le Dieu du meurtre, figure tutélaire de la mythologie Druchii. Au cœur du temple est maintenu le fragment légendaire de Khaine, une arme si puissante qu'on la dit capable de terrasser les mortels comme les immortels. Mais cette puissance a un prix : l'épée maudira l'âme de son porteur, ainsi que celle de toute sa lignée. Au commencement du monde, sur l'Île Blafarde, s'était joué le sort du peuple elfique. Malékith n'avait pas oublié son histoire.

Au loin, le rugissement d'un draconien colossal défia la tempête. 

L'elfe fut assourdi. Il tarda à se ressaisir, mais emprunta toutefois le sentier, préférant la menace d'un goulot, à l'assurance de mourir empalé s'il se risquait encore sur les rochers glissants. Un éclair frappa la pointe d'un pic non loin de là. Une lumière scintilla un instant dans la nuit et une ombre se dessina en amont. Le prince ne tarda pas à une seconde. Il se prépara au combat, s'attendant à un traquenard. Seule la pluie vint à sa rencontre. D'autres éclairs découvrirent bientôt sa position et l'ombre qui l'avait tant alerté lui apparut plus fine sur les parois, comme si elle s'éloignait de lui. Un fragment d'essence apparut soudain dans la nuit. Son éclat brillait intensément et il suffisait à Malékith de tendre le bras pour le saisir. Le Prince tourna le dos à sa quête, repassant les images de la chute de Naggarond, de son trône en ruine, ainsi que les appartements souillés de sa mère et le rictus que lui infligeait son propre cadavre. Un nouveau frisson le parcourut. Il envisagea tout d'abord que ses cousins d'Ulthuan étaient responsables. Si la puissante Naggarond était tombée, cela signifiait que les Asurs avaient du s'emparer d'une arme à la puissance dévastatrice. Le Prince vit clair. Cette arme n'était autre que l'épée de Khaine. Le traître était ici, en ce moment même, prêt à tirer l'épée de son autel. La mâchoire de Malékith se serra. Jamais il ne le laisserait faire. L'enjeu était trop important, qu'importe le fragment d'essence. 

Il se précipita dans le goulot d'étranglement qui se rétrécissait d'avantage. Les éclairs lui indiquèrent qu'il se rapprochait de l'ombre. Ce fou ne semblait pas même se hâter ! Le Prince perçut de légers murmures portés par le vent ; il serra sa main autour du pommeau et arriva rapidement devant un escalier étroit. L'ombre devint alors une silhouette humanoïde et l'elfe put presque distinguer la danse de sa cape. Quand il fut arrivé au sommet, le temple de Khaine se dessina devant lui. D'immenses colonnes de marbre noir, incrustées de jade soutenaient une voûte monumentale, dont on eut dit qu'elle fut extraite d'un seul bloc du flan de la montagne. La silhouette se tenait immobile, devant l'autel. Son plastron argenté, auréolé de fines flammes, semblait être un puits de lumière. A ses pieds, l'éclat de Khaine pulsait d'une aura malsaine. Prisonnier du marbre, il nourrissait ses rêves de grandeur, de promesses illusoires, de malédictions consommées. 

— Je te demande pardon, mon amour. Si tel est l'unique moyen de sauver notre peuple, alors ma décision est juste.

A quel fantôme pouvait bien s'adresser la silhouette ? L'épée de Khaine pulsa d'avantage. De fins éclairs parcouraient son pommeau jusqu'à la pointe de l'acier. Le guerrier approcha sa main lentement, déterminé à s'en emparer. Malékith sentit l'étau de la terreur serrer sa poitrine.

— Mais que sais-tu donc de la justice ? le harangua le Prince.

Le guerrier laissa un instant sa main en suspend, puis se retourna d'un geste élégant. Son armure finement ciselée était forgée à la manière des écailles d'un dragon. Les boucles de sa ceinture et de son fourreau étaient ceintes de rubis tandis que sa cape parsemée de fils d'or ondulait fièrement au vent. Son heaume majestueux, recouvert de plumes longues et fines témoignait d'un rang que Malékith convoitait ardemment. Le Roi Sorcier pointa son épée en direction de la silhouette et s'avança patiemment. 

— Pourquoi disserter de principes et de justice avec une vision diabolique, rétorqua le Roi Phénix d'Ulthuan, sans trembler.

Cette réponse désarçonna Malékith qui ne s'attendait pas à ce qu'il ne soit considéré comme une vision de son adversaire.

— Ne reconnais-tu donc pas ton Roi légitime quand il se tient entre toi et l'épée de Khaine, Asur ? renchérit le Prince aux accents cruels. 

Les deux elfes se faisaient maintenant face. Malékith emprisonné dans son armure sombre esquissait un rictus de défi. Sa lame noire virevoltait dans sa main, prête à frapper, tandis que les courants ascendants tournoyaient autour de lui. Les murmures de l'autel se firent plus insistants. La créature lointaine poussa un nouveau rugissement qui ébranla les fondations du temples. La voûte menaçait de s'effondrer.

— Qui es-tu ? interrogea calmement l'Asur.

Cette parfaite maîtrise de soi eu pour effet d'agacer le Prince qui perdit patience.

— Fou ! Usurpateur, tu oses ainsi me questionner ? Je suis Malékith, fils d'Aenarion, héritier légitime du trône d'Ulthuan, proclama-t-il sans détour.

Cette phrase sembla atteindre l'Asur en pleine poitrine. Il tomba à genoux. Malékith en fut galvanisé. Il reprit :

— Pensais-tu réellement que j'allais te laisser porter [i]ma[/i] couronne et tirer la lame qui apportera la ruine à mon peuple ? Jamais ! Je t'étranglerai de mes mains, avant que cela n'arrive.

L'Asur ne répondit pas. Il murmura seulement quelques prières inaudibles, avant de retirer son heaume pour ne pas étouffer. L'elfe se leva avec peine, tituba. Dès cet instant, Malékith se figea d'horreur. Il faisait face à un miroir déformant. L'Asur possédait le même port altier que lui, le même nez aquilin, les mêmes cheveux noirs de jais. Son visage noble portait les traits de la sévérité. Une larme perlait le long de sa joue.

— Que t'ont-ils fait Malékith ? se désespéra le Roi Phénix.

Il déposa le heaume à terre et partit à la rencontre du Prince. Malékith opéra un geste réflexe de recul, maintenant la distance de sa lame entre l'elfe et lui. 

— Cela est impossible ! protesta le Druchii, tandis que les sanglots s'étranglaient au fond de sa gorge.

En face de lui, se présentait Aenarion le défenseur, premier Roi Phénix du peuple elfique. Le seul elfe devant lequel Malékith put mettre genoux à terre. Aenarion écarta la lame de son fils et l'empoigna tendrement. Cette étreinte rappela à Malékith combien elles furent rare. Il se souvint des entraînements âpres qu'il endurait dans la salle d'arme de l'antique Palais d'Antec, dont les fondations se trouvent dorénavant ensevelis sous la lointaine Nagarythe. Le Prince pouvait presque voir les bannières sable et or claquer au vent, presque sentir le regard sévère de ses maîtres d'arme et la fierté briller dans l'oeil du Roi, lorsqu'il avait livré une belle passe d'arme. Le menton contre l'épaule de son père, le temps s'arrêta. Devant lui, l'épée de Khaine vibrait intensément dans l'autel de marbre. Aenarion empoigna le visage de Malékith.

— Que t'ont-ils fait, mon fils ? répéta-t-il, ravagé de douleur
 
Malékith ne sut que répondre.

— Les démons payeront, je te le jure, reprit le Roi.
— Père, je...
— Je les éliminerai tous jusqu'au dernier, dus-ai je y passer le restant de ma vie, l'interrompit Aenarion.

La folie avait déjà gagné le cœur de son père. Ce dernier embrassa son fils, fit volte-face et se dirigea vers l'autel. L'épée l'obsédait.

— Ne faîtes pas çà, père ! s'interposa Malékith, saisissant l'épaule du roi.

Aenarion retira la main de son fils et le repoussa doucement, comme s'il n'écartait qu'un simple enfant. Sa force était immense. Ils s'observèrent un instant, les yeux dans les yeux. Leur taille était identique et leur ressemblance troublante. Malékith comprit que la volonté du Roi ne souffrait nulle contestation. Il tut délibérément les conséquences de son geste à venir, ne mentionna pas la déchirure, pas plus qu'il ne lui avoua avoir été brûlé en franchissant les flammes sacrées.

— Père, sachez que chacune de mes actions fut dictée par la préservation de notre héritage.
— Je n'en ai jamais douté, lui sourit Aenarion. Il est une chose que tu dois savoir. Tu m'as rendu [i]fier[/i], mon fils.

Aenarion insista sur ces mots, salua une dernière fois Malékith, avant de tirer l'éclat de Khaine de toutes ses forces. Le cri déchirant des fantômes du passé vrilla les tympans du Prince et un tremblement de terre secoua l'île entière. Une onde d'énergie sombre jeta Malékith à terre et il vit son père lutter pour conserver la lame entre ses mains. Son bras fut secoué de violents tremblements et il hurla à en perdre la raison. Le pouvoir de Khaine déchirait son âme, mais sa volonté dépassait l'entendement. Après une lutte interminable, le Roi Phénix se retourna enfin : le pouvoir fut dompté et l'éclat du meurtre brillait au fond de ses yeux.  Modifié par Kayalias
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  • 2 semaines après...
[quote] Tu m'as rendu fière, mon fils.
[/quote]

Travesti !!!! :P

Bon dans l'ensemble plutôt bien ! Enfin plus que dans l'ensemble même ! On quitte le monde d ela folie pour retourner dans un semblant de plus réel ce qui est pas pour déplaire et relancer l'intérêt ! La scène avec son père est surprenante mais j'envie de dire.. pourquoi pas ! C'était le dernier que je m'attendais à voir dans les parages ! En tout cas.. suite :P

@+
-= Inxi =-
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  • 4 semaines après...
Bon, je suis un menteur, la suite n'est pas arrivée si vite. je m'en excuse. La voici tout de même. Bonne lecture!




[center]
***
[/center]




Le déferlement de puissance qui suivit paralysa le Roi Sorcier. Ce dernier se sentit impuissant, entraîné dans un vortex sans fin, dont les courants de magie le fouettaient perpétuellement. Après avoir flotté dans le néant pendant une durée indéterminé, une résistance lui indiqua qu'il avait finalement regagné la terre. Une lumière intense continuait à l'aveugler et lorsque ses pupilles se rétrécirent, il put en connaître la source. Des milliers d'elfe en armure polie recouvraient le champ de bataille. Depuis son destrier caparaçonné, Malékith surplombait la plaine. Il fut frappé d'horreur. Ces elfes qui portaient les couleurs de ses ennemis ancestraux l'encerclaient. Il tira sa lame prêt à frapper de toute part, mais un bras ferme le stoppa net dans son action.

— Prince Malékith, conservez vos forces pour l'instant ou le fracas des armes résonnera.

Le Prince s'interrogea sur l'impudent qui osait s'adresser à lui sur ce ton. Ses intentions ne semblaient pourtant pas belliqueuses. 

Le Roi Sorcier observa son environnement. Son destrier portait les couleurs des Asurs ! Lui-même était protégé d'une armure d'argent aux écailles bleutées. Un heaume solide mais léger remplaçait la couronne de fer noir qu'il avait si longtemps portée. Il passa la main sur son sommet et frissonna au contact de plumes finement liées. En hâte, il tira sur la bribe et fixa attentivement le visage de l'elfe qui lui avait intimé de rengainer son épée. Ses traits lui apparurent ainsi plus familiers, mais il ne put précisément le situer. Le noble l'observa à son tour. Ses yeux d'un bleu glacial conféraient à l'expression de son visage un mélange de rudesse et de perplexité. Malékith reconnut alors Chyres, son ancien précepteur, fidèle ami et soutien politique de son père. Les millénaires de guerre et de sang avaient altéré la mémoire du Prince, mais pas au point d'oublier l'elfe qui forgea son éducation en l'absence du Roi Phénix.

Chyres n'était pas né de parents Naggarothi. Issu de famille modeste, il avait grandi dans les plaines enchanteresses de Saphery, sans développer toutefois de don pour les arcanes. On dit qu'il apprit le maniement des armes en même temps que l'art de la parole et très vite, il se fit remarquer sur les champs de bataille, aussi bien par l'épée, que par ses talents d'orateur. Au cours d'un été, un combat contre les puissances de la ruine se tint sur la côte ouest d'Ulthuan. Chyres aperçut la coiffe majestueuse de Aenarion, qui surplombait la mêlée, à seulement quelques mètres de lui. L'audace le poussa à suggérer à son Roi de reconsidérer la position des archers, traditionnellement postés sur la colline.

Il argua du fait qu'en la saison, une brume impénétrable risquait de se déposer dans la vallée, empêchant tout tir possible, au risque de nourrir un feu allié. Il ajouta qu'en sus, la brume couperait toute visibilité du sol jusqu'aux hauteurs ; qu'ainsi, nul ne saurait si la position des tireurs serait critique, excepté eux-même. Si les démons parvenaient à couper l'artillerie et les archers de renfort, les Asurs essuieraient une pluie de feu dévastatrice, depuis ce qu'ils croiraient être leur position et l'issu de la bataille serait certaine. L'idée de Chyrès était ainsi de barrer l'accès à la colline aux démons car eux n'hésiterait pas une seule seconde à commettre de feu allié. Aenarion écouta les paroles de l'elfe sans l'interrompre. Il contempla alors le ciel et montra à Chyres le soleil étincelant.

— Pourquoi devrais-je boire tes paroles ? Pourquoi devrais-je imaginer qu'une brume recouvrira le champ de bataille, alors que le soleil estival brûle mes yeux et qu'aucun vent ne souffle mes cheveux ?
— Votre altesse, je connais bien la région, j'y ai grandi et je vous assure que jamais vous ne devriez vous fier à cet état de fait. Le temps change plus vite ici qu'en n'importe quelle région autre du monde.

Les yeux bleus de Chyres fixèrent sans ciller ceux du Roi Phénix. Après un instant d'hésitation, ce dernier rappela les archers et l'artillerie depuis la colline, puis ajouta :

— Quel est ton nom, mon garçon ?
— Je me prénomme Chyrès de Saphery, altesse. Mes parents sont tombés pour défendre nos terres contre les infâmes serviteurs des ténèbres.

Nullement attendri, Aenarion poursuivit lentement, très distinctement.

— Entends ceci, Chyrès de Saphery. Si tu dis vrai et qu'au cours de la bataille, une brume dense descend des montagnes, tu seras récompensé au delà de tes espérances. Si tes paroles s'avéraient n'être que mensonge, je jure de te livrer moi même aux démons. 

Les guerriers autour baissèrent la tête en présence de leur Roi, mais Chyres ne sembla pas perdre confiance.

— Merci de la confiance que vous m'accordez, altesse, conclut-il.

Le combat survint dans la vallée, inéluctable. Le sang pêle-mêle d'elfes et de démons fut versé et confondu sur la plaine. De petits ruisseaux cramoisis se formèrent et les troupes pataugèrent bientôt. En tête, Aenarion se battait comme un lion. Ses cris cris rageurs couvraient ceux des démons et il entraînait dans son sillon une colonne d'elfes zélés, presque aussi féroces que lui. A mesure que la bataille gagnait en intensité, Chyres douta de sa prédiction. Le ciel resta dégagé et le soleil éclatant. L'un après l'autre, il vit ses frères d'armes tomber tout autour de lui. L'un fut transpercé d'une lame suintante. Il s'effondra à ses pieds, les mains posées contre son ventre ouvert. Chyres l'enjamba et frappa d'estoc avec sa lance le premier adversaire qu'il rencontra. Un démon fut touché au torse. Malgré cela, il ne renonça pas, s'empala d'avantage et saisit l'elfe à deux mains. La hampe se brisa et les deux opposants luttèrent au sol. Les bras noués autour de la gorge de Chyres, le démon ne faiblissait pas. Derrière son visage tordu de haine, lui apparut une nappe grisâtre. Il se sentit perdre peu à peu connaissance, sachant que son arrogance avait condamné des centaines d'elfes à sa suite.

Il se crut perdu quand une pointe argentée traversa soudainement l'épaule du démon qui le retenait. Chyres suffoquait toujours. Une seconde pointe traversa l'orbite du démon et cette fois, l'étreinte se relâcha. Un des archers descendu de la colline l'avait sauvé. Il se leva avec peine et constata qu'un épais brouillard s'était déversé des montagnes, masquant toute visibilité. Il n'en éprouva aucune satisfaction car il savait que même si le ciel lui donnait raison, la bataille n'était pas pour autant remportée. Deux autres démons jaillirent des brumes et Chyres dégaina son sabre. Il abattit sa lame sur le crâne de son opposant et, aidé d'un elfe à ses côtés, terrassa le second. Un ultime monstre aux pinces menaçantes s'approcha d'eux, peu avant que les puissants cors elfiques résonnent fièrement dans la vallée. Victoire annonçaient-ils, couvrant l'agonie des mourants.

Cette victoire était aussi celle de Chyres. Pourtant, Aenarion ne vint jamais le récompenser. Les qualités du Roi étaient aussi célèbres que son caractère ombrageux. Peut-être que son arrogance militaire n'avait pas supporté donner raison à un elfe de basse lignée. Chyres n'avait pourtant pas prédit de changement climatique par hasard. Il connaissait la région pour y avoir vécu et savait qu'en été, lorsque le ciel est dégagé, les mages de Saphéry s'adonnaient fréquemment à des expériences mystiques. Cela avait souvent pour conséquence de canaliser les courants de magie, ainsi que les vents marins de façon brusque et insoupçonnée pour n'importe quel étranger. Le Roi Phénix l'ignorait, lui qui n'avait jamais vécu sur les côtes sud-est d'Ulthuan. Aucun de ses conseillers ne s'était risqué à le lui avouer.

Les siècles s'écoulèrent et vint un jour où les Princes d'Ulthuan se querellèrent pour soumettre au Roi Phénix un précepteur digne d'éduquer son héritier. Les nobles rivalisèrent d'ingéniosité, proposèrent leurs plus illustres conseillers. A la surprise générale, ce fut finalement Chyres qu'Aenarion choisit pour élever son fils. Le Roi Phénix n'avait pas oublié la dette qu'il contracta jadis à son égard et il vint quérir Chyres en Saphery. L'elfe ne put refuser un tel honneur. Il abandonna ses terres et gagna sa nouvelle cité d'adoption : Antec. Il se consacra dès lors à l'éducation du jeune Malékith, sous les regards envieux des Princes. Fort jaloux, ceux-là méprisaient la lignée de Chyres. Comble pour la noblesse ! Ce dernier n'était pas même issu des terres de Nagarythe. 

Dame Morathi faisait écho à ces dénonciations, ce qui amusa beaucoup Aenarion. Pour Malékith, cela ne faisait aucune différence que Chyres ait les yeux bleus et les cheveux clairs. A ses côtés, il apprit à lire, à écrire, à se battre contre ses ennemis, qu'ils soient sur le champ de bataille ou à la Cour. Chyres faisait preuve d'esprit et avait toujours le mot juste. A force de de ruse et de persévérance, il s'attira des soutiens à Antec. On le trouva vif et charmant. Charmeur également. Malékith l'aimait. Dame Morathi s'agaçait de son influence, mais Aenarion était de moins en moins présent au palais pour entendre ses doléances. Chaque jour les démons se renforçaient et leurs assauts se faisaient plus implacables. Les quatre puissances vomissaient leurs légions sur les rivages purs d'Ulthuan et partout, on implorait le nom d'Aenarion le sauveur. De Tiranoc à Corynthe, le Roi Phénix était de toutes les batailles et lorsque les elfes contemplaient sa coiffe, leur courage redoublait. Aussi puissant fut Aenarion, il n'était cependant pas invincible. Au cours d'une bataille qui scella le destin du monde, il repoussa les démons avec tant d'ardeur qu'il en donna la vie. Son sacrifice ne fut pas vain. Il offrit aux mages menés par Caledor le temps nécessaire à l'invocation du grand vortex qui chassa les démons hors de ce monde. 

Longtemps après la mort du Roi, Chyrès demeura un fidèle allié de Malékith. Il l'encouragea à parcourir le monde à mesure que lui même se retirait, loin des soubassements de la Cour. Les intrigues et autres jeux de pouvoir finirent par le lasser. « L'éducation du Prince est faite », annonça-t-il un jour, tandis que ses rivaux l'accusaient de couardise, maintenant qu'il vivait privé de la protection suprême d'Aenarion. D'aucuns disent qu'à cette époque, il fut l'un des premiers à dénoncer la décadence naissante de la race elfique ; celle-ci le consterna si rudement qu'il en préféra fuir définitivement la Cour. Malékith tenta de le raisonner, usa de tous les stratagèmes et de toutes les sentiments, en vain. Cet univers n'était plus celui de Chyrès. Il s'était éteint en même temps que sa mission. 

Suite à ces événements, le Prince et son ancien précepteur restèrent en froid plusieurs siècles durant. Le second accusant le premier d'abandon. Bien plus tard, quand vint le triste temps de la déchirure, chaque elfe fut contraint de choisir le Roi qu'il reconnaissait légitime. Les partisans de Malékith traversaient tout Ulthuan pour s'allier à sa cause, mais les serviteurs de l'usurpateur étaient encore nombreux. La puissante Naggarythe brillait si fort que tous les royaumes l'enviaient en silence. Pour la première fois, ils virent la possibilité de l'éteindre et la supplanter. La guerre civile ne tarda pas à éclater, alimentée par les rêves de grandeur d'une noblesse pervertie. Peu à peu, les elfes ne Naggarythe reculaient sur leurs propres rivages. Isolés, faisant face à tous les autres Royaumes réunis, la guerre se solderait par un échec. C'est alors que Malékith reçut une surprenante missive. Ses espions disséminés aux quatre coins d'Ulthuan avaient retrouvé Chyrès. Ce dernier n'avait toujours par rejoint le récemment nommé Roi Sorcier. Impatient, mais prêt à accorder le pardon à son ami, Malékith entreprit une folie. Sa mère le supplia de renoncer, mais sa décision était irrévocable : il se rendrait en Saphery par n'importe quel moyen. Il s'accompagna de quelques uns de ses meilleurs assassins et tous chevauchèrent à dos de pégase noir vers les forêts enchantées. Au cours de ses voyages, Malékith apprit la maîtrise des arts sombres. Ses enchantements octroyèrent protection et invisibilité à ses serviteurs. Passer la frontière, fut un jeu d'enfant et lorsque le Roi Sorcier se rendit à l'emplacement que lui avaient indiqué ses espions, il fut surpris de rencontrer une masure au confort sommaire, égarée au fond d'un bosquet. 

Quelques rondins de bois entassés les uns sur les autres constituaient l'armature de ce qui n'était qu'une vulgaire hutte. Un peu de fumée – probablement celle d'un vieux poêle, s'échappait du toit. Des motifs taillés grossièrement à la hache sur la porte témoignaient du peu de soin dont avait disposé le propriétaire des lieux. Tout portait à croire que Chyrès ne pouvait pas vivre dans ce taudis. Malékith dissipa les enchantements qui le recouvraient et mit pied à terre. Hâtivement, il frappa à la porte de son vieil ami. Chyrès en tenue sommaire ne sembla nullement embarrassé, tout juste surpris. Il ne reconnut pas immédiatement la silhouette brûlée, plus démoniaque qu'elfique qui se tenait sur le pas de sa porte. Il fit mine de reculer, mais le Roi Sorcier le serra dans ses bras, l'appela « mon frère », tandis que des assassins sortaient de l'ombre, encapuchonnés. 

— Qui sont-ils, interrogea celui qui ne semblait pas au fait des récents troubles politiques qui déchiraient le pays.
— N'aie crainte, Chyrès, ce ne sont que mes fidèles, rétorqua le Prince.

Il lui conta son histoire et tous deux échangèrent longuement, tandis que les assassins gardaient la cabane, opéraient des roulements de rondes. Chyrès bien que vieilli, n'avait rien perdu de sa vivacité d'esprit. Ses yeux bleus pétillaient toujours et il opinait de temps à autre, souhaitant montrer qu'il comprenait la souffrance de Malékith. Ce dernier lui tendit la main, mais Chyrès refusa de la saisir.

— Malékith, Saphéry est mon Royaume et jamais je ne pourrai me liguer contre mes anciens frères. J'ai consacré de longues années au service de ton père, j'ai honoré son nom et tenu le rôle qu'il m'a confié du mieux que j'ai pu. 
— Je sais tout cela, Chyrès et je t'en suis éternellement reconnaissant. Je ne compte pas plus fidèle ami que toi. Ni les années ni la distance n'ont affecté la confiance que que j'ai pour toi.
— Et tu sais également quelle affection je te porte..., rétorqua l'Asur.

Le feu du poêle manqua de s'éteindre. Malékith se proposa, mais Chyrès lui intima de rester assis. Il déposa dans le brasier mourant une bûche de faible taille, puis répartit les braises à l'aide de son tisonnier, avant de conclure :

— Malékith, cela fait trop longtemps que je vis en ermite. M'imagines-tu livrer bataille à mon âge ? Mes conseils ne te seront plus d'aucune aide. Je t'ai appris tout ce que je savais. Ma place est ici, chez moi. Tu le sais.

Un assassin perdit patience et le gifla.

— Comment oses-tu refuser de servir ton Roi ? La guerre civile est aux portes du Royaume. Tu souhaites rester sur tes terres, mais tes terres ne seront plus jamais sûres vieillard !
— Lâche-le immédiatement, ordonna le Prince d'un ton sans réplique.

L'assassin ravala sa fierté, mais ne contesta pas l'ordre de son maître. Son regard balaya celui de Chyrès d'un vent de mépris. 

— C'est avec la même force de persuasion que tu recrutes tes « fidèles » ? interrogea le vieil Asur, tout en se massant la joue douloureuse. 
— Je te prie de l'excuser et de m'excuser par la même occasion. Cela fait plusieurs mois que nous ne fermons l'oeil, guettant l'ombre des traîtres jusque dans nos rêves. Cet état de tension permanent révèle ce qu'il y a de pire en nous. 
— Méfiance, emportement, haine ?
— Comprends bien que je n'ai pour seul désir que la paix et...

Chyrès circonspect le coupa sans plus attendre. 

— Malékith, je te connais par coeur. Tu avais un père, mais je t'ai élevé comme mon fils et bien que je n'ai jamais possédé de don pour les arcanes, il est une chose que je ressens. Cette haine que tu portes en toi. Je l'ai lue dès que tu as franchi le seuil de ma maison. J'ignore depuis quand, j'ignore pourquoi, mais je sais qu'elle te tourmente. Tes manières sont habiles, ton visage n'exprime aucune émotion, mais tu n'es plus le même. 
— Les épreuves ont fait de moi ce que je suis, Chyrès, grogna Malékith désignant son visage partiellement calciné.

L'asur lui lança un regard plein de compassion, mais ferme.

— Je ne me dresserai pas contre les miens, dit-t-il.
— J'ai besoin de toi Chyrès, plus que tu ne l'imagines !
— Ma décision est prise, Malékith. Je ne puis rien pour toi.

Une ombre se glissa furtivement derrière l'Asur et un tintement retentit. Le Roi Sorcier ne donna pas l'ordre et l'assassin rengaina sa dague, comme un souffle. 

— Ainsi soit-il, mon ami, conclut Malékith empli d'amertume.

Il se leva de table et quitta prestement la cabane, sans un regard pour son ancien précepteur. Les assassins quittèrent également les lieux. Ils bousculèrent Chyrès, lui murmurèrent des menaces à l'oreille, puis tous disparurent dans la nuit d'encre. Le vieil elfe se leva péniblement et alimenta le feu toujours mourant de son poêle. Les flammes dansaient dans ses prunelles, tandis que sa conscience le consumait. Que n'avait-il pas fait pour Malékith, quel mal le rongeait désormais ?

Il n'obtint jamais réponse à cette question. Quelques mois plus tard, Morathi convainquit son fils d'éliminer le traître. Plusieurs assassins se portèrent volontaire pour cette mission. Ils trouvèrent aisément le vieillard niché en forêt, aux confins de Saphery. Ils fondirent sur lui en meute alors qu'il était assoupi et brûlèrent sa hutte. Les sbires rapportèrent fièrement à leur maître les deux globes oculaires dont la provenance ne faisait aucun doute. Leur iris était bleu. Modifié par Kayalias
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  • 2 semaines après...
Oh le pauvre !

Je l'aurais bien aimé dans l'histoire !!! Bon ça fait une petite pause dans l'histoire. Je vois pas encore les tentants et les aboutissants du passage. Pourquoi ça maintenant.. Ca sera intéressant à savoir !! Si j'avais une remarque c'est que je trouve le dialogue bizarre... Je crois que c'est à partir du moment où l'assassin le saisit à la gorge.

Ca reste étrangement calme, voilà, ça serait ça. Y a un dialogue comme s'ils buvaient un thé. J'arrive pas à ressentir de l'urgence, de la menace d'être dans ces terres et aussi de la haine qui doit commencer à naître en lui, surtout au vu de sa réaction juste après ! Bon en tout cas c'est bien ! Toujours de grande qualité !

@+
-= Inxi =-
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  • 2 semaines après...
[quote]Y a un dialogue comme s'ils buvaient un thé[/quote]

Dialogue modifié. J'ai tout de même conservé l'idée d'une discussion aux faux airs paisibles.

Place à la suite !









[center]***[/center]









Un corbeau aux yeux de rubis survola les murs d'enceinte de la capitale. De multiples brasiers scintillaient dans la nuit et le chant martial des bottes de fer se répercutait en rythme sur les pavés. L'oiseau au plumage irrégulier portait les stigmates de son voyage. Il lutta de toutes ses maigres forces pour atteindre la corniche de la haute tour de Naggarond. Il propulsa ses ailes chancelantes dans un dernier mouvement synchronisé et poussa un cri faible avant de s'éteindre. Sa mort fut paisible au regard de la sauvagerie qui régnait en contrebas. Là, le frère affrontait le frère et partout dans les ruelles, la guerre civile menaçait. 

Alors que le fracas des portes défoncées se mêlait aux hurlements des captifs égorgés, la Matriarche détacha la missive dont l'oiseau mort fut affublé.

[i]Ils ont fondu sur nous. Innombrables. J'ai échoué, Maîtresse..., disait-elle. [/i]

La sorcière froissa le parchemin usé avant qu'il ne se consume dans sa main. Un diablotin à la silhouette spectrale en profita pour se matérialiser derrière la draperie du balcon. Il sautilla jusqu'à l'invocatrice et vint lui murmurer quelques mots à l'oreille. Cette dernière opina, provoquant par la même occasion la fuite du démon. Presque aussitôt, un guerrier en armure traversa à son tour le fin rideau qui séparait la chambre du balcon. Le guerrier avait noué ses cheveux en natte, symbole de force chez les Druchii. Les traits de son visage inspiraient une quiétude troublante, au vu des circonstances. Sa propre légende le lui permettait. Il l'avait façonnée à coup de sabres et de traîtrises et son intelligence calculatrice l'avait vite mis au service de la famille royale.

— Vous m'avez sonné, Maîtresse ? questionna-t-il d'une voix traînante. 
— Et tu as répondu, rétorqua la sorcière.

Dans la cour extérieure, une porte de bois céda sous l'impact d'un bélier mobile. Le cliquetis des armes s'éleva jusqu'au balcon, suivis de cris et de gémissements.

— Quelles sont les nouvelles, Madame ? se risqua le guerrier.
— Ne les entends-tu donc pas provenir de la Cour, ici bas ? s'irrita la Matriarche. 
— Certainement ; mais un autre trouble taraude mon esprit. Est-il... toujours en vie ?

Cette déclaration occasionna un profond malaise. Jusqu'alors, le guerrier se tenait à l'écart. Il sut qu'il avait outrepassé ses prérogatives, mais sa confiance était telle qu'il osa s'approcher encore du balcon. Désormais, il n'était plus qu'à un souffle de la sorcière. 

— Ton esprit est bien sollicité pour que tu te livres à pareille offense, siffla la matriarche.

Elle accompagna ses paroles d'un geste imperceptible de la main et les jambes du guerrier se solidifièrent, devinrent dures comme de la pierre. La malédiction le gagnait tout entier. D'abord les jambes, puis la taille et enfin le torse. Résolument calme, l'elfe se contenta d'ajouter :

— La garnison est prête, Maîtresse. Sous mon commandement, l'insurrection sera écrasée.
— J'aime mieux cette posture, Kouran. La soumission te sied à merveille. 

Sur ces mots, la sorcière saisit la mâchoire statufiée du capitaine. Elle mima un baiser et dissipa le sortilège, avant de s'engouffrer dans le donjon. Lorsque la masse de cheveux sombres de la Matriarche se fut dissipée, le guerrier fut parfaitement libre. Ce soir, le tumulte de la guerre accompagnerait sa nuit d'amour.





[center]***[/center]





Bercé par des souvenirs embrumés, Malékith reprit petit à petit conscience. Une autre vision. Un nouveau champ de bataille s'offrait à lui. Il leva tristement les yeux et contempla les cieux embrasés. D'inquiétants nuages pourpres flottaient, menaçants au dessus des régiments Asurs. C'est alors qu'il les vit, de l'autre côté de la plaine. Là, d'innombrables démons attendaient l'ordre de leurs maîtres pour mettre fin à toute vie. Les créatures hurlantes étaient si nombreuses qu'elles grouillaient, s'entassaient parfois les unes sur les autres ; la plupart ne portaient ni arme, ni armure. Une rage démente suffisait à animer leur corps corrompu. Bientôt, de sombres rituels déchirèrent un peu plus l'espace et le temps pour qu'apparaissent enfin les généraux de la légion. Quatre démons gigantesques s'extirpaient de leur monde de cauchemar pour souiller la terre des elfes. Ils tordaient la réalité et canalisèrent par leur simple présence une tempête de magie qui emporta les mages les moins aguerris dans l'antre de la folie. Chacun de ces démons possédait une obédience propre, mais les quatre avaient répondu d'une seule voix pour porter en avant les desseins réunis de leurs Dieux sombres. Ces derniers avaient suspendu leurs querelles éternelles pour porter le même message de mort sur la grève d'Ulthuan. 

Un silence pesant recouvrit la plaine l'espace de quelques minutes. Les mains de Malékith s'agitèrent nerveusement, comme celles de milliers d'elfes avant lui. Il se tourna dès lors vers Chyrès. Son visage placide tel les eaux d'un lac ne montrait aucun signe d'angoisse. C'est alors que les quatre généraux beuglèrent d'une seule et même voix. Quelques elfes se couvrirent les tympans pour atténuer le vacarme. Les premiers cris d'effroi survinrent. A nouveau, Chyrès ne sourcilla pas, bien au contraire. Il rapprocha son pavois au corps, décocha un sourire rassurant à Malékith, puis lui indiqua que l'heure avait sonné. La horde démoniaque exulta à l'ordre des quatre, avant de s'élancer pour éteindre la flamme du monde. Les sabots des démons martelaient la terre et Malékith se souvint. Il se souvint de cette bataille. Il se souvint de la peur. Cette peur dont le sens véritable a été égaré par les nouvelles générations. Il ressentit sous ses pieds cette lame de fond, prête à tout engloutir derrière elle et dut puiser une seconde fois en lui la force d'y résister. D'opposer à la déraison la seule force de son bras et de sa volonté. Ne pas faiblir. Ne surtout pas trembler. Un jeune elfe empli d'effroi se tourna vers son Prince, chercha un peu de réconfort dans ses yeux. Il y a plus de cinq millénaires, Malékith n'avait pas trouvé la force de soutenir ce regard. Il s'en était détourné et avait feint de donner quelque ordre à son régiment. Aujourd'hui, la peur l'asphyxiait toujours, mais il tint bon. Après quelques secondes d'un regard appuyé, il lui sourit, comme Chyrès l'avait fait pour lui. Ce geste anodin avait suffi à nourrir de bravoure un cœur fort courageux, mais déjà tant éprouvé.

Les démons atteignirent rapidement le centre du champ de bataille, à l'emplacement de son unique colline. Sur ce monticule, trônait un temple en ruine, anciennement dédié à la déesse Ishaa. On eut coutume d'y pratiquer des rituels afin de bénir les nouveaux-nés, ou plus généralement de garantir la fertilité et la protection du cercle familial. Ce temps de fête et de célébration n'avait plus sa place en période de guerre. Les colonnes effondrées en attestaient, tristement éparses. Au milieu des ruines, une queue serpentine sembla s'agiter doucement. Ses reflets moirés alternaient, passaient de l'argenté au bleu marin le plus profond. Soudain, la queue fouetta l'air sauvagement et le corps majestueux d'un dragon se révéla au milieu des décombres. Ses ailes serrées contre le tronc se déplièrent avec puissance, ses membranes se tendirent comme des voiles et projetèrent dans les airs d'innombrables débris. Ce dragon se nommait Idraugnir ; il était le plus illustre et le plus imposant de sa race. Comble de sa renommée, il portait fièrement sur son dos le premier des Rois Phénix. Idraugnir rugit une première fois afin d'appeler les membres de sa couvée. D'autres draconiens d'une envergure tout juste moindre répondirent à l'appel de leur père. Sur leur dos, les princes de Caledor maniaient de longues lances effilées. Les bataillons d'elfes poussèrent des acclamations. Idraugnir rugit une seconde fois en signe de défi aux quatre puissances. Aenarion leva l'épée de Khaine à son tour. Il la porta très haut dans le ciel et tous surent que la lame – elle aussi, souhaitait participer au carnage. Son halo noir émit de fins éclairs. Associé à la force et au courage d'Aenarion, elle conférait à l'elfe des allures de divinité. 

La clameur des elfes gagna d'avantage en intensité et leur marche se fit au son des cors de bataille. Les premiers assaillants gagnèrent le temple d'Ishaa. Idraugnir inspira profondément, avant de libérer un torrent de flammes sur les démons qui tentèrent en vain de percer ses écailles. Le dragon s'éleva légèrement dans les airs avant de piétiner au sol des dizaines d'abominations. Il pivota alors sur lui-même, puis balaya les derniers opposants d'un mouvement d'ailes circulaire. La charge des démons leur accordait une longueur d'avance et bientôt, ils encercleraient l'élu de Khaine. Les elfes de la plaine redoublèrent ainsi d'effort pour rejoindre leur Roi. Dès lors, le ciel fut le théâtre d'un déferlement de puissance. Les démons vomirent un flot de sortilège et plusieurs chevaucheurs de dragons furent désarçonnés. Certains s'écrasèrent au sol en tourbillonnant, d'autres se jetèrent plus férocement encore sur les bases arrières des démons. L'immense majorité des sortilèges était cependant tournée vers les régiments elfiques, apparemment sans défense. Cela était sans compter la maîtrise des mages de Caledor qui étaient venus prêter main forte au Roi Phénix. Ils s'étaient dispersés au sein des différents régiments elfiques et dressaient sur toute la ligne de front une toile protectrice. Les sortilèges démoniaques heurtèrent un barrage invisible et seuls très peu d'elfes furent blessés. En riposte, ces derniers tirèrent depuis leur position des salves de flèches à l'empennage blanc. Les projectiles sifflèrent en nuées terrifiantes, avant de creuser les rangs de la marrée. De nombreux démons furent terrassés, mais certains se relevaient, transpercés de part en part, écumant toujours de rage. 

Les quatre généraux de la légion s'impatientèrent. Ils ordonnèrent à leurs plus puissantes troupes aériennes d'intercepter les chevaucheurs de dragon adverses, avant que leur souffle ne fasse des ravages au sein des unités terrestres. Les gargouilles plus mobiles harcelèrent les lanceurs de sorts Asurs. Celles-ci survolèrent le champ de bataille en masse noire informe, puis fondirent sur leurs proies. Les régiments elfiques comprirent que leur propre survie dépendait de celle des mages et ils repoussèrent les démons ailées à coup de lances et d'épée. Quand une gargouille tombait, deux autres prenaient sa place. Certains sorciers solitaires ou particulièrement orgueilleux avaient refusé une garde rapprochée. Mal leur en pris, car ceux-là furent emportés et dépecés vivant sous l'oeil terrifié de leurs camarades.

Au temple d'Ishaa, Aernarion et sa monture semblaient invulnérables. Les démons tombaient par dizaine et bien qu'ils encerclèrent parfaitement le Roi, les assaillants finirent par se tenir à distance. Les quatre modifièrent leur projet et se tournèrent à l'unisson vers le temple pour y faire taire la menace. Dans leur perfidie, commettre le régicide affaiblirait considérablement le moral des asurs et précipiterait leur fin. Le premier démon à gagner le temple fut le sauvage Khornite. Massif et enragé, il maniait une hache aux proportions terrifiantes. Il piétina sans se soucier de leur sort de nombreux démons sur son passage, avant de se jeter sur Aenarion. 

Malékith fut témoin de toute la scène et y vit là l'occasion de contrecarrer une fois pour toute la malédiction qu'il traînait depuis la mort de son père. Il tira la bride de son palefroi, resta sourd aux appels de Chyrès, jusqu'à ce qu'une voix plus autoritaire encore ne l'interpelle.

— Prince Malékith ! Votre statut ne vous dispense pas de rester dans le rang.

Malékith ne le considéra pas, personne ne dicterait sa conduite et certainement pas Caledor. Ce dernier reprit avec insistance.

— Si vous faîtes un pas de plus, mes archers auront ordre de vous abattre conformément aux lois du Royaume, punissant les déserteurs. 

Cette fois le Prince réagit.

— Faîtes. Mon seul regret sera celui de ne pouvoir savourer l'expression de votre visage lorsque vous présenterez au Roi ma carcasse, transpercée de nos flèche. Vous lui expliquerez sûrement que son fils tentait d'abandonner son poste en se rapprochant du temple, certainement l'emplacement le plus adéquat du champ de bataille pour s'enfuir, persifla-t-il.

Il accompagna cette phrase d'un regard plein de mépris en direction de Caledor, puis tira de toutes ses forces sur la bride. Son cheval se cabra et fonça droit vers le temple. Le caparaçon en Ithilmar, l'acier dur mais léger des elfes ne semblait en rien le ralentir. Le vent s'engouffrait dans son heaume et sifflait fort dans ses oreilles. Les premiers démons ne tardèrent pas à s'interposer sur sa route. Il les évita aisément, profitant de la vitesse de sa monture pour les contourner, mais plus il se rapprochait du temple, plus la horde se densifiait. Sur la colline, Malékith n'avait d'yeux que pour le combat qui se déroulait. Le démon le plus massif chargea Idraugnir. Le dragon put intercepter le bras massif de son adversaire, empêchant la hache de le fendre. L'impact brutal désarçonna Aernarion. Le dragon tenta d'amortir la chute de l'elfe en glissant sous lui l'une de ses ailes. Il enroula ensuite sa queue autour du démon, le privant de tout mouvement. 

Les ruines finirent par bloquer le champ de vision de Malékith. Au niveau du sol, les démons se pressaient à sa rencontre. L'un d'eux abattit sa hallebarde sur le crâne du palefrois, tandis qu'un autre tirait l'elfe par l'épaule. Ce dernier eut tout juste le temps de voir que deux autres lieutenant des ténèbres venaient d'atteindre le temple. L'un était svelte et pourvu de multiples bras et princes sensuelles. L'autre était muni d'ailes aux reflets flamboyants. Il disposait en outre d'un bec de rapace. Le Roi Sorcier roula dans la poussière avant d'éviter de justesse un coup vicieux qui le visait à hauteur de crâne. Il rassembla son pouvoir et invoqua une onde de choc qui écarta de son chemin les démons qui l'encerclaient, puis il dégaina son épée. La lame n'était sertie que d'un seul joyau en son centre, mais sa facture était exceptionnelle. Les forgerons d'un âge oublié l'avaient conçu pour être à la fois maniable et puissante, ce que Malékith ne tarda pas à vérifier. Il profita de l'étourdissement de ses assaillants pour abattre son sabre à loisir. Du sang frais vint tâcher sa tunique au blanc pur et après seulement quelques passes d'armes, il sentit l'épuisement le gagner peu à peu. Malgré la légerté et la souplesse de son armure, il ne pourrait survivre longtemps en tenant ce rythme effréné. Les millénaires engoncés dans son armure lui avaient fait oublier sa condition première. En ce temps, Malékith n'était qu'un mortel parmi d'autres et ses pouvoirs s'en trouvaient limités. D'autres démons se jetèrent brusquement sur lui en beuglant. Le Prince abattit sa lame une fois encore dans la perspective de se replier au sein des ruines. 

Dans son dos, Aenarion livrait un combat acharné. Le démon majeur de Khorne venait de se dégager de l'étreinte et à l'instant ou il saisit sa hache pour l'abattre sur le cou nu du dragon, Aenarion lui perça le talon de sa lame. Le démon gémit de douleur et s'affaissa au sol, ce qui permit à Idraugnir de reprendre le dessus. Ce dernier lacéra le démon ensanglanté. Durant ces quelques secondes, le Héraut de Slaanesh se glissa dans le dos du Roi et l'envoya rouler au sol d'un coup de poing vicieux. L'armure de l'elfe amortit l'impact, mais plusieurs de ses côtes se brisèrent. Anticipant l'heure de son triomphe, le Duc du changement inonda de flammes le corps recroquevillé. Il s'imagina que le feu le dévorerait, mais oublia que pour devenir Roi, l'elfe avait déjà enduré l'épreuve d'Asurian, la plus haute divinité du panthéon elfique. Les flammes ne pouvaient plus rien contre lui. Aenarion s'extirpa du halo flamboyant, avant de se jeter sur le lanceur de sort. Le démon tenta d'amorcer un geste de recul, mais l'elfe fut plus rapide et d'un geste sec, il trancha la tête du démon. Ce dernier émit un gargouillement infâme, tandis que le sang noir se répandait sur les pierres du temple. Les ailes du démon s'affaissèrent sur lui-même, et son cou serpentin s'agita quelques secondes avant de cesser à jamais tout mouvement.  Modifié par Kayalias
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Banzaiiiii !

A mort les démons ! Alors pas mal ce passage, on revisite les grands personnages de légende chez les elfes ;) Je n'ai eu qu'une fois l'impression que ça faisait rapport de bataille : quand tu dis eux attaquent eux, et les gargouilles plus mobiles les mages. Je pense pour oter cette impression, il faudrait pas que tu prétendes connaître la volonté des adversaires, surtout quand on suit le point de vue de Malékith. Lui à une vision plus terre à terre et la description fait plutôt vue du ciel. Si tu veux garder l'idée, peut être mettre 'il supposa' ou même dire 'les gargouilles attaquèrent les mages', on comprend pourquoi et ça donnera peut être moins l'impression !

Bon je chipote mais c'est du tout bon pour moi ;)

@+
-= Inxi =-
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  • 2 semaines après...
[quote]Je n'ai eu qu'une fois l'impression que ça faisait rapport de bataille[/quote]

Merci pour le retour, je corrige ça dès demain ;)/>/>/>/> Voici la suite. La fin se précise.










[center]***[/center]










Malékith détourna une pince qui tenta de lui arracher le bras. Il riposta rageusement, en ouvrant le démon au niveau du bas ventre. La bête s'écroula la bave aux lèvre. Un autre assaillant vint prendre sa place. Ses bras fouettaient l'air à une vitesse incontrôlable. Le Roi Sorcier recula de quelques pas, progressant d'avantage dans les ruines. L'un des poings de la créature heurta soudain son visage. L'impact fit vaciller le Prince qui en perdit son heaume. Malékith cracha un filet de sang. Il invoqua ses pouvoir et une éclair noir s'abattit sur la colonne de pierre à proximité, la faisant s'effondrer sur le démon. Malékith profita de ce court répit pour se retirer au cœur du temple dévasté. Là, il assista à la retraite surprenante d'une cohorte de démons. Ces derniers ne lui accordèrent plus le moindre regard. L'elfe s'interrogea sur le tournant de la bataille à l'extérieur des ruines. Seule une défaite cuisante eut pu pousser les démons à fuir, or les combats n'en étaient qu'à leurs prémices. Malékith pivota sur lui-même et comprit la raison de leur fuite. Sur les marches du temple, rampait une masse informe, pestiférée, nécrosée, couverte de bubons. L'abomination traînait une arme de sa taille, encombrante, rongée par la rouille. L'odeur infecte qui émanait de son corps putréfié attirait un nuage d'insectes contaminés. Le quatrième et dernier Seigneur de la légion avait ordonné à ses troupes de regagner le champ de bataille. Lui seul venait trouver Aenarion, le défenseur.

Pris dans la mêlée, le Roi Phénix ne se doutait pas de la présence malfaisante qui partait à sa rencontre. Il para avec aisance la frappe du Gardien Slaneeshi, avant de contre attaquer férocement. L'épée de Khaine virevoltait dans sa main et cherchait à tout instant les points vitaux de sa cible. A ses côtés, Idraugnir luttait aussi furieusement que son maître. Engagé dans un combat à mort, l'étau de sa queue se referma sur le corps musculeux du démon. Le héraut de Khorne se débattit de toute sa rage et, tremblait de rage et parvint à se dégager. Malékith se dissimula derrière un pan de mur, s'interrogeant sur le moment le plus propice pour intervenir. 

— Sors de ta cachette avorton, je renifle ta puanteur de vivant, dit l'envoyé de Nurgle, tandis qu'il gravissait les marches du temple.

L'elfe abandonna sa couverture et contourna l'immense larve parmi les débris. Lorsque celle-ci eut passé le portail central, Malékith joignit ses mains et impulsa suffisamment d'énergie pour que la voûte s'écroule sur le démon. Les pierres tranchantes lui rouvrirent de nombreuses plaies. Il maudit Malékith, se dépêtrant difficilement des décombres. L'elfe se mit à découvert, joignit à nouveau ses mains et un éclair vint s'abattre sur le démon, ne lui provoquant qu'un léger soubresaut.

— Est-ce là tout ce dont tu es capable, mortel ? s'enquit le grand immonde.

Malékith s'y résolut. Ses pouvoirs en ce temps n'étaient que ceux d'un jeune elfe. Sachant que son père allait probablement périr en ces lieux, il décida à une folle entreprise. En dépit de la puanteur atroce qui régnait, il s'élança entre les jambes courtes du démon qui, fut trop lent pour le capturer. Malékith ouvrit de profondes entailles dans la panse de son adversaire qui ne sembla nullement en souffrir. Des entrailles en décomposition se répandirent sur l'elfe. Les sucs rongèrent son armure et sa peau. Il grommela, se dégagea avant que le démon ne s'affaisse pour le réduire en poussière. La monstruosité aux abats pendant fut secouée d'un rire mauvais. 

— Tu es condamné, dit-elle, soumets toi aux puissances qui dans ton cœur te somment de plier.

Ce furent également par ces mots que les trois Hérauts des dieux sombres tentèrent de raisonner Aenarion. L'elfe rejeta leur appel. D'une passe habile, il sectionna l'une des pinces du Slaneshii. Le démon seul ne pouvait lutter face à l'élu de Khaine. A quelques mètres de là, le grand immonde fracassa les ruines les plus proches de Malékith. De nombreux débris furent soulevés ; l'un d'entre eux toucha l'elfe aux tempes. Privé de son heaume, Malékith fut assomé. Il ne put voir que le démon verdâtre levait son arme très haut, au dessus de l'épaule. Au moment ou la masse alla s'écraser, le Prince sentit qu'on l'entraînait au sol, hors de portée de son adversaire. Le second choc fut plus terrible encore. Une immense quantité de poussières et de gravats noya les décombres du sanctuaire. L'air devint irrespirable et la visibilité nulle. 

On entendit une inspiration profonde, inquiétante, suivie d'un souffle puissant. Un vent fétide chassa le nuage de poussière et Malékith qu'on avait tiré au sol put distinguer les traits de son bienfaiteur. Des cheveux d'or et des yeux perçants dont l'iris était bleu. Tels étaient les traits de Chyrès. Le précepteur avait retenu la main de Caledor au moment de l'outrage et s'était frayé un chemin à travers les ruines. Il auscultait le Prince, s'assurant qu'il restait en vie. Malékith bredouilla quelques mots à son bienfaiteur et ami, des paroles presque inaudibles que Chyrès accueillit avec solennité. Il intima au Prince de garder le silence, tandis qu'il se glissait derrière un muret de pierres.

Montrez-vous ! vociféra le démon pesant.

Malékith vit l'éclat d'une émeraude scintiller, quand Chyrès dégaina. Le précepteur se faufila avec légèreté dans le dos du grand Immonde. Le Seigneur démon lui apparut dans toute son horreur. Des croûtes moisies crevassaient son corps, dont dégoulinait en permanence de son flanc un liquide visqueux et puant. Chyrès se faufila entre ses pattes et plongea l'épée dans sa panse. L'acier déchira une membrane fragile de laquelle s'échappèrent une myriade de diablotins ensommeillés. Leur l'hibernation venait d'être interrompue. Le grand Immonde poussa un grognement de satisfaction.

— Mes petits, mes chéris, trouvez le vivant qui se cache parmi les ruines. Repaissez-vous de sa chair !

Les diablotins ouvrirent leurs paupières, révélant de petits yeux jaunâtres, malfaisant. Des entrailles de leur maître, ils tirèrent divers objets plus ou moins tranchants, tous corrodés. En nuée gesticulante, ils se dispersèrent et Chyrès pris d'horreur, n'eut d'autre choix que d'abandonner sa lame dans l'abdomen du Seigneur démon. Ce dernier leva sa masse, fendit l'air d'un mouvement circulaire, mais manqua le percépteur. Quelques démons furent broyés dans le sillon de l'arme. De son côté, Malékith reprenait lentement ses esprits. Il se massait le crâne, encore trop faible pour marcher. Les nurglings couvrirent les ruines, tel une meute en battue. Le précepteur bondit sur un groupe qui se rapprochait dangereusement du mur derrière lequel se trouvait le Prince. Il tira une seconde lame de son fourreau, de plus courte envergure et embrocha les démons imprudents. Il frappa encore et encore, usant de toutes ses talents de combattant. Toujours plus de rejetons s'extirpaient des entrailles du grand immonde, si bien qu'il ne put endiguer la marrée. Le Seigneur démon vomit un flot infâme et d'autres restes sur le précepteur. Le sol était recouvert de bile et lorsqu'il tenta de se dégager, le sol sembla se dérober sous ses pieds. Immanquablement, il perdit l'équilibre. Lorsqu'il chercha à fuir, une douleur intense le transperça. L'un des nurglings avait poignardé son dos.

Chyrès s'affaissa. Le Seigneur démon exultait. Il félicita sa progéniture et renforça la poigne autour de son arme. Il l'éleva avec autorité, la maintint très haut au dessus dessus de lui. Son geste semblait lent, très lent, si lent que Chyrès put en distinguer le moindre détail. De la face extérieure morcelée de rouille, aux rivets qui maintenaient l'acier au manche. Le Grand Immonde opéra une bascule fatale. Un sourire malsain fendait sa bouche en deux rides béantes. Aucun échappatoire. Le précepteur se surprit à éprouver de la peur pour la première fois. Malékith fut spectateur de la scène. Une torpeur l'engourdissait, le réduisait à la passivité. Le temps lui sembla fractionnée, comme ralenti. La masse était si proche du visage de Chyrès qu'elle lui voilait le ciel. Dans un geste désespéré, le précepteur leva son épée en guise de parade. Il n'y eut pas un cri, seulement le vacarme terrifiant de l'acier broyant l'acier. Puis le silence. 

— NON ! s'écria Malékith, dont l'émotion le ramena à la raison.

Le Seigneur démon jouit de cet instant. Il ramassa son arme ensanglantée et intima à ses serviteurs d'éliminer l'héritier une fois pour toute. Malékith s'appuya contre le mur, manqua de chuter. Il saisit son épée, les mains tremblantes. Dans son cœur ardant, la vengeance et l'instinct de survie s'affrontaient. Autour de lui, les grognements haineux se rapprochaient et il se résolut à fuir. Sans plus d'autre choix, le Roi Sorcier rassembla ses forces et gravit le sommet du temple, là ou combattait son père. Le Grand Immonde conspua cette lâcheté pathétique, une preuve évidente de la faiblesse du peuple elfique. Il s'élança à sa poursuite. Le Prince courrait à perdre haleine. La sueur perlait sur son front et dans son dos. Ses efforts furent finalement récompensés quand il gagna le plateau.

Idraugnir livrait duel dans les airs contre le héraut de Khorne. Leurs ailes tournoyaient en un ballet aérien terrifiant et on lisait la détermination dans le regard du reptile, comme dans celui du démon. Au sol, le Roi Phénix brisa la carapace et entailla l'épaule du Slaneshii. Le Gardien démoniaque hulula de plaisir. Malékith ne prononça pas un mot, jusqu'à ce que son père le remarque, ainsi que la silhouette terrifiante qui grandissait dans son dos.

— Malékith, va-t-en immédiatement !, hurla le père.

Cette inattention fut immédiatement sanctionnée et un nouveau revers du gardien l'envoya rouler au sol. Le démon lascif gémit d'extase. Malékith se retourna et vit la horde de nurglings prête à se jeter sur lui. Les diablotins babilleurs annonçaient leur maître. Le Seigneur démon s'était mû rapidement, au grand étonnement du Prince. Aenarion commanda un mot en direction d'Idraugnir qui lui obéit sans hésitation. Le dragon inspira longuement et libéra une gerbe de flammes titanesques qui habillèrent le démon. Le beuglement de rage qu'il poussa se répercuta dans toute la vallée et ses circonvolutions le firent piétiner ses fidèles. 

Malékith élimina deux nurglings qui tentèrent de l'empaler. Plus que tout, il recherchait le plus fourbe, celui qui avait poignardé Chyrès, l'ayant conduit à la mort. Au milieu de la horde, il le reconnut. Son visage sournois portait les stigmates de nombreuses balafres et ses yeux minuscules, engoncés dans deux petites fentes noires, ne semblaient emplies que de malveillance. Son estomac gonflé pendait en dehors de sa panse et ses pattes longues compliquaient son équilibre. Malékith fondit sur lui. Il écarta ses opposants de plusieurs moulinets vigoureux, avant d'esquiver l'attaque maladroite du nurglings en question. Il lui trancha la main d'un geste sec et le poignard qui avait servi au meurtre tomba au sol, encore souillé par le sang du précepteur. Au même instant, le démon de Khorne asséna au dragon une volée de coups qui le firent s'écraser au sol, épuisé. Sa monture en mauvaise posture, Aenarion feinta son propre adversaire, afin de projeter son épée sur le Khornitte. La trajectoire de la lame décrivit une courbe et sectionna le tendon du démon qui ne put achever Idraugnir. Le Gardien Slaneshii profita du fait que le Roi Phénix fut désarmé pour le capturer dans ses pinces et lui broyer la cage thoracique. 

Les traits crispés, le Roi maudit les dieux sombres. Malékith réalisa que sous couvert de bravoure, ses choix avaient fermé l'avenir de son peuple. Les Nurglings encerclèrent l'elfe, à bout de souffle. Plus loin, la hache du Khornitte venait de s'abattre sur Idraugnir, détachant sa tête de son tronc. A terre, l'épée de Khaine perdait son éclat.

— Malékith, fuis ! Quitte cet endroit ! l'exhorta son père, à l'agonie.

Au milieu du cercle de démons, une sphère luisante apparut, ironiquement. Le fragment d'essence rappela au Prince l'oeuvre de sa mission. Il hésita longuement. Les Seigneurs démon se tournèrent vers lui et il n'eut d'autre choix que de le saisir. Un vortex de magie l'aspira hors de ce monde. Sa bouche était pleine de sang, de poussière et de cendre. Quand il foula le sol, loin, très loin de la guerre, il implora pardon.  Modifié par Kayalias
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Pas facile d'être un prince !

Je suis content qu'il gagne pas vraiment, ça aurait fait trop cliché ;) Au moins là ils galèrent tous et les combats restent à la portée de chacun. En tout cas c'est du tout bon sur ce passage, j'ai pas noté de fautes donc la suite est bienvenue à tout moment ;)

@+
-= Inxi =-
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  • 3 semaines après...
Voici la suite du roman. Les partiels et d'autres impératifs font que j'ai quelque peu tardé avant de poster à nouveau. Mais à ceux qui me suivent encore (puisque les commentaires ne sont pas légion), j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer : [b]le roman sera vraisemblablement achevé avant l'année prochaine[/b], au plus tard début janvier. J'ai pris mes dispositions pour tenir le délai, même si je préfère prendre le temps de paufiner la fin. Encore une chose, je suis également en pleine réecriture du roman. [b]Le premier chapitre a été entièrement modifié[/b]. La trame ne change globalement pas, même si je compte la modifier légèrement, notamment au niveau des intrigues, selon les bons conseils d'Ignit. La réecriture se fera surtout sentir par l'apport de description et le style plus soigné. J'ai débuté le récit il y a 3 ans et presque tous les passages que je relis me paraissent terriblement pauvres, répétitifs, confus, parfois absurdes, voire franchement médiocre. Je passe beaucoup de temps à la réecriture, alors profitez-en et bonne lecture à vous.







[center]***[/center]







— Nous avons réussi, Prince Malékith, nous avons réussi ! exulta Tazdief.

Les petits yeux sombres du démon luisaient d'une joie perfide. Son bec fuyant caquetait en tous sens, tandis que les moignons de son dos frétillaient sans retenue. Sa gaieté fut telle, qu'emporté par l'élan, le démon se risqua à une accolade. Malékith sentit une patte griffue saisir son bras. L'étreinte pareille à une légère secousse provoqua en lui une réaction étonnamment tempérée. D'un geste désinvolte, sans agressivité, le Roi Sorcier écarta son acolyte restant de marbre. Les traits tirés, l'air vague, l'elfe admirait l'artifice qui s'imposait à sa vue. Pour la première fois depuis son évasion du temple, il laissa ses pensées voguer calmement vers le couchant. Tandis qu'habituellement, un soleil en chassait l'autre, les astres semblaient cette fois se repousser mutuellement, selon une courbure plongeante. Les rayons mourants se reflétaient sur les colonnes brisées du temple et les jeux d'ombre modifiaient sans cesse la coloration des pierres. Le gris, le beige et l'ocre se confondaient, trompaient l'oeil et conféraient aux ruines une atmosphère mystique. Au loin, les montagnes vierges se dressaient fièrement, face au crépuscule. Une brise courut dans vallée. Sa fraîcheur vespérale balaya le visage humide de l'elfe. Quelques gouttes de sueur perlaient encore sur son front, lui rappelant la brutalité du combat qu'il venait de livrer. Il ne prêtait aucune attention à Tazdief, mais visualisait le champ de bataille, retraçait sans cesse le fil de ses actions, y cherchant des pistes, des alternatives qui n'auraient pas conduit à une telle débâcle. Un cri particulièrement aigu troubla l'elfe dans ses réflexions.

— Qu'est-ce là ? s'enquit le Roi Sorcier,.
— Il s'agit probablement d'un hurleur blessé qui rôde dans les parages, rétorqua le démon, visiblement sur ses gardes.

Une plainte retentit à nouveau dans la nuit.

— Les cris de cette créature risquent d'attirer à nous d'autres charognards, ajouta le Prince, méfiant.
— Voilà une juste raison de nous hâter et gagner la sécurité du palais.
— Le hurleur pourrait être celui que nous avons laissé dans les ruines, peu avant notre voyage astral.
— Cela est impossible, ce sont les enchantements qui nous lient à nos montures et non ce que vous autres mortels faibles appelez [i]fidélité[/i].
— Je n'en doute pas, démon. Même blessé, ce hurleur pourrait nous être utile. Depuis notre position, la flèche du temple est invisible. Nous marcherions des semaines durant, nous exposant aux dangers du sol que l'obscurité nous voile. Dans les airs, notre progression serait rapide et la nuit nous dissimulerait aux regards.
— Dompter un hurleur n'est pas chose aisée, jeune Prince. A plus forte raison lorsque la bête est blessée. Un faux mouvements et son dard pourrait vous transpercer. Quel gâchis d'avoir survécu jusque ici pour mourir de la sorte.
— Nous verrons cela, démon, conclut Malékith.

L'assurance de l'elfe le conduisit au cœur des ruines. Il se repéra au son des plaintes et se déplaça furtivement, de colonnes en colonnes. Les cris du hurleur se firent plus durs et plus traînants, jusqu'à ce que le Prince découvre d'importantes traînées de sang mauve au sol. Le hurlement qui suivit cette découverte fut si strident que Malékith dut se couvrir les tympans. Dos à un muret presque totalement effondré, le Prince vit le mouvement circulaire d'une queue dardée qui fouettait l'air. Il inspira longuement, adressa un signe à son acolyte, puis abandonna la sécurité précaire de sa cachette. Aussitôt alerté, le hurleur se retourna brusquement et chargea l'elfe. Ce dernier anticipa d'un bond et se replia plusieurs mètres en aval, jusqu'à se trouver complètement hors de portée. La bête rugit de défi et Malékith put juger l'étendue de ses blessures. Tout le corps du hurleur était lacéré d'entailles et une plaie béante à hauteur de l'abdomen saignait abondamment. Au sol, les carcasses difformes de plusieurs démons témoignaient du combat qui avait eu lieu, entre eux et la bête. L'elfe se tint toujours à distance et remarqua un détail significatif.

— Cette entreprise n'est qu'une folie de plus, annonça le démon d'un ton péremptoire.
— Tazdief, le courage te fuirait ?
— Pour sur non, reconnut le démon. Je me souviens des écailles de la monture et des motifs qui ornent sa scelle.
— Ce hurleur est resté dans les ruines, guettant patiemment ses maîtres. Il s'est battu jusqu'à notre retour. Me rappellerais-tu tes présomptions concernant la fidélité des gens de ton espèce ? s'amusa le Prince.

Les derniers signes de gaieté s'effacèrent du visage de Tazdief et il maudit l'elfe en silence.

— Ne voyez-vous donc pas que la bête est condamnée ? Allons-nous en, maintenant, avant que d'autres créatures nous assaillent !

Malékith n'eut cure des recommandations de son acolyte. Il marcha à la rencontre du hurleur, lentement, avec beaucoup de précautions. Il tenta d'apaiser la bête en lui montrant la paume de sa main nue. Il la tendit et la maintint droite dans les airs, avant de la rabattre doucement au sol, comme pour prévenir que ses intentions n'étaient pas belliqueuses. Pas après pas, l'elfe se rapprocha du hurleur. Celui-ci tempêta furieusement et cracha un mélange de sang et de venin. A un instant, il fit mine de charger l'elfe, mais interrompit prématurément son mouvement, après seulement quelques mètres

— Ainsi la monture reconnaît son maître ? ironisa Tazdief à son tour.

La bête fut parcourue de soubresauts terribles. Elle traîna ses ailes dans la poussière et expira difficilement. L'air sifflait fort hors de ses bronches et bientôt, tout son corps s'affaissa. Ses yeux en forme de jades devinrent vitreux et seul son dard s'agitait encore, à la manière d'un pendule au rythme dégressif. Malékith profita de cet instant pour combler la distance qui le séparait du hurleur. Par précaution, il immobilisa son dard d'une main, puis posa l'autre sur son cou trapu, sous les yeux méfiants de Tazdief. La monture blessée flaira la main qui le caressait et sembla enfin la reconnaître. Sa nuque s'abandonna lentement entre les bras de l'elfe qui fut presque emporté par le poids de la bête. Malékith voulut alors recouvrir la principale blessure de sa main, mais le hurleur referma les ailes autour de son flanc. L'elfe insista et se glissa délicatement à hauteur de la plaie. Là, les écailles avaient éclaté et la chair était à vif. Les yeux du hurleur à demi-clos se laissèrent lentement glisser vers l'éther. Malékith prit le risque de relâcher son étreinte autour du dard, avant d'entrer en méditation profonde. Il réunit l'étendue de son pouvoir et demeura silencieux. Des vagues d'énergie imperceptibles circulaient de son corps jusqu'à celui de la bête. Le transfert dura un long moment, jusqu'à ce que le hurleur s'endorme et que Malékith eut a son tour besoin de repos.

— Arme toi de patience Tazdief, dit-il. Nous ne repartirons que lorsque notre monture sera apte à nous supporter.

Tanis que le démon montait la garde, Malékith réitéra ses soins plusieurs fois et nourrit la bête à partir du cadavre des démons qu'elle avait éliminés. Le hurleur se rétablit promptement et après seulement quelques jours, les tissus de sa plaie semblaient s'être déjà cicatrisés. Tazdief se méfiait du zèle de son acolyte. L'elfe et le démon échangeaient encore moins que d'habitude. Sans certitude, Tazdief le soupçonnait de ne pas agir exclusivement dans leur intérêt, mais d'entretenir un lien d'attachement futile avec l'animal. Le démon s'agaçait de ce contretemps, mais la joie de se savoir bientôt en possession de son essence effaçait sa rancoeur. Une seconde chance s'offrirait bientôt à lui, comme peu d'élus y avaient eu droit. Il la saisirait, la magnifierait et punirait le Prince pour sa condescendance le moment venu.

Le jour ne succédait plus à la nuit, depuis que les astres solaires s'étaient simultanément effacés du ciel. Malékith s'en moquait, tandis Tazdief y voyait un signe. Lorsque le hurleur fut parfaitement rétabli, revigoré par la magie du Roi Sorcier, les deux acolytes chevauchèrent vers le nord. L'elfe et le démon abandonnèrent les ruines et leur mystère. Tous deux survolèrent des montagnes majestueuses, depuis lesquels s'affrontaient des hordes rivales. Ils longèrent des lacs aux eaux troubles et des geysers d'acide. A quelques endroits, la terre paraissait vivante, se fissurait et se réassemblait, emportant avec elle les malheureux qui ne furent pas assez rapides. D'épais nuages galopaient dans les airs et après de longues heures de vol, les flèches du temple apparurent sous le firmament. Les immenses tours projetaient des torrents de flammes multicolores qui guidaient les visiteurs et repoussaient les envahisseurs. Les murs extérieurs aux lignes pures témoignaient du fait qu'aucun mortel n'eut pu bâtir un tel édifice. Sa porte principale était masquée par un labyrinthe de ronces et de végétaux mortellement enchevêtrés.

Malékith ordonna au hurleur de plonger dans l'instant. L'atterrissage se fit en bordure extérieure du labyrinthe. Il fut souple et parfaitement maîtrisé. Après que Malékith et Tazdief eurent mis pied à terre, l'elfe retira la scelle du hurleur, ausculta discrètement la cicatrice, puis lui caressa affectueusement le flanc. La bête grogna de contentement, mais ne comprit pas pourquoi son maître s'éloignait d'elle. Le hurleur suivit Malékith sur quelques mètres. Tazdief s'impatientait, mais l'elfe sourit. Il orienta la main vers sa monture et libéra quelques feux follets, suffisants pour que la monture prenne son envol, à quelques mètres seulement au dessus du sol. La bête grogna d'incompréhension. Elle s'approcha encore, mais à chacune de ses tentatives, Malékith l'effrayait d'avantage, avec d'autres jeux de lumière tourbillonnants. L'opération fut répétée et le hurleur prit chaque fois un peu plus de distance. Il poussa un dernier cri d'abandon, avant que le Roi Sorcier ne lui lance une kyrielle de sorts inoffensifs qui le poussèrent à fuir.

— L'heure est venue, déclara résolument le Prince. Modifié par Kayalias
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  • 2 semaines après...
Bonjour à tous. Entre écrire et commenter, je privilégie l'écriture. Désolé pour les autres, dont je n'ai pu commenter les récits. Cela viendra, ne vous inquiétez pas. Il est grand temps pour moi de terminer ce récit et paradoxalement, le temps me manque. Ce serait trop bête de s'arrêter ici, maintenant que la fin n'a jamais été aussi proche. Le prochain post sera un peu plus long que les autres. Ce sera le dernier. Je prendrai peut-être quelques délais (raisonnables) supplémentaires pour vous offrir une fin digne de ce nom. Mieux vaut tarder que bâcler non ? Bonne lecture ;)/>







[center]***[/center]







Le démon ouvrit la marche, sous les grandes voûtes végétales. Il savait exactement quelle voie emprunter et quelle autre fuir. Les épines et les ronces tortueuses s'écartaient naturellement au passage des deux acolytes. Malékith n'oublia pas pour autant les dangers de sa précédente visite. Il maintint une main sur le pommeau de sa lame et un œil fixe sur Tazdief. La traversée se poursuivit sans encombre, jusqu'à ce que les branches arc-boutées ne révèlent un portail flamboyant. L'émerveillement gagna l'esprit de l'elfe et il n'accorda pas d'attention à une liane qui serpentait à ses pieds. Elle rampa en silence et s'entortilla à la jambe du Prince, le faisant chuter au sol. Malékith fut traîné dans la poussière et tenta de se débattre, mais la liane resserrait sa prise, cherchant à l'emporter au cœur du labyrinthe. Devant l'inertie de Tazdief, l'elfe n'eut d'autre choix que de lever sa garde et l'abattre à deux reprises. Il sectionna le tentacule végétal, avant de s'extirper du bosquet. Aussi, adressa-t-il un regard mauvais à son acolyte.

— Ne m'avais-tu pas garanti que je ne courrai aucun risque en t'emboîtant le pas, démon ? siffla-t-il.
— Patience, jeune Prince, nous sommes presque de l'autre côté. Êtes-vous toujours en possession des fragments ?

Malékith palpa sa bourse, en signe d'acquiescement.

— Bien, répondit Tazdief avec douceur. Remettez-les moi et je nous ferai pénétrer au sein du temple, [i]comme convenu[/i].
— Pas si vite ! rétorqua Malékith, refermant la bourse contre sa taille. Quel étrange stratagème, démon, que d'ajouter à notre accord, une condition qui n'y était pas exigée.

Le bec de Tazdief se tordit en rictus hideux.

— N'est-ce pas là votre objectif, prince Malékith : vous infiltrer dans le temple et regagner votre monde ? ajouta le démon, d'une voix sirupeuse.

L'elfe sourit à son tour, plein d'ironie.

— Certes, Tazdief, mon ami. Néanmoins, la générosité dont tu fais preuve semble trahir ton empressement. J'aimerais à mon tour modifier les termes de notre accord. Ainsi, sache que je ne te remettrai les fragments qu'une fois à l'intérieur, en gage d'appointement.
— Ne soyez pas absurde, jeune Prince ! Sans mon essence, je ne disposerai pas des facultés nécessaires pour libérer les énergies du portail, poursuivit le démon.

Malékith perdit son calme et se jeta sur Tazdief, l'empoignant violemment par le cou.

— Misérable, tu aurais souhaité que le labyrinthe m'emporte, avoue-le ? Mais je suis toujours en vie !

Le démon poussa un cri inarticulé.

— Oui, menacez moi, perdons donc du temps et si les gardes nous trouvent, soyez-sur que ni vous ni moi ne sortirons vainqueur de ce litige ! s'étrangla Tazdief.

A cet instant, un bruissement se fit entendre au cœur du labyrinthe. Un frisson glacé courut entre les épaules du démon, car il reconnut la scène de sa première vision.

— J'ai suffisamment donné de ma personne, rugit le Prince. Tu n'as pas la moindre idée des sacrifices que j'ai réalisés pour conquérir ces fragments, [i]tes[/i] fragments. Nous ne ferons face qu'à de simples visions disais-tu ? Mensonges. Ce que nous avons vécu dépassait de très loin la simple prédiction. Je n'ai aucune confiance en toi. Tu vas m'ouvrir cette porte maintenant, démon !

Malékith saisit son épée avec détermination, quand une voix féminine au timbre connu l'interpella de derrière les taillis.

— Il lui sera impossible d'ouvrir le portail, annonça-t-elle.
— Mère ? observa le Prince, stupéfait.

La silhouette blême de Dame Morathi vacillait au gré des vents de magie, semblait si fragile cernée d'immenses haies. Le labyrinthe l'engloutissait de toute sa monstruosité, prolongeait ses griffes en direction de son corps dématérialisé, sans jamais pouvoir le saisir. Les sourcils longs et lisses de la matriarche suprême se plissèrent, l'air grave. Tazdief profita de cette intervention pour dénouer l'étreinte du Roi Sorcier. Il manqua de s'affaler au sol et inspira bruyamment.

— Je n'ai que peu de temps, Malékith. Le renégat avec lequel tu traites se joue de toi. Seuls les êtres privilégiés, pourvus d'une essence supérieure peuvent pénétrer au sein du palais, ajouta Dame Morathi.
— Dans ce cas, le choix sera rapide ! trancha le Prince aux accents menaçants.
— J'ai cherché à te préserver tant que je l'ai pu, mais je ne peux te cacher la vérité plus longtemps : ce que tu t'apprêtes à commettre aura de sinistres répercussions.
— Je n'ai que faire des conséquences, mère ! Vois sur mon visage les stigmates de notre prétendu protecteur ! Imagines-tu seulement les souffrances qui torturent mon existence, peuplent mes songes de cauchemars et broient chaque jour un peu plus l'idéal de vertu auquel je fus promis ? Père lui-même ne m'a pas reconnu.
— Que dis tu-là, Malékith ?

La mère considéra longuement son fils, jugeant de sa démence. Le Prince ignora volontairement son apostrophe.

— Vous ne sauriez me dissuader, mère. Puisque le destin me retient, je briserai ses chaînes de mes propres mains, conclut-il.

Une tendresse inhabituelle s'imprima sur le visage de la matriarche. Ses traits durs s'assouplirent en même temps qu'elle voulut caresser la joue meurtrie de son enfant. Le cœur lourd, Malékith tendit aussitôt la paume de sa main en direction de sa mère. Celle-ci protesta, lutta férocement pour maintenir sa présence dans le plan, mais inexorablement, la maîtrise lui échappait. Le Roi Sorcier n'entendit pas ses suppliques et le sortilège gagna en intensité, renforcé par les flux ascendants du Royaume. Après quelques secondes de doute, l'elfe dissipa entièrement le reflet de sa mère. La lumière de son visage fut dispersée dans les méandres du labyrinthe. Tazdief pressentit la menace qui planait et chercha à fuir aussi vite qu'il le put, empruntant l'un des sentiers de traverse dont lui seul avait connaissance. Malékith fut plus prompt et le saisit par le bras, avant de le gifler violemment. Tazdief s'écrasa lourdement au sol, avant que le Roi Sorcier ne le batte du plat de sa lame.

— Où comptais-tu fuir, pleutre ? questionna l'elfe, débordant de rage. Lève toi !

Le démon obéit. La haine et la souffrance déformaient son visage, déjà hideux. Il projeta une sphère enflammée en direction de l'elfe qui n'eut aucun mal à l'écarter. A nouveau Malékith le cogna du plat de sa lame. Le démon chétif poussa un cri de douleur quand son épaule se brisa.

— Imaginais-tu que j'allais te livrer l'essence avant d'être entré dans le palais ? Pensais-tu réellement pouvoir me tromper ? Oh, tu n'as pas idée des efforts qu'il m'a fallu consentir pour supporter ton ignoble compagnie. J'ai rêvé cet instant, guettant patiemment la certitude de ton inutilité.

Sur ces mots, l'elfe projeta son pied en direction du visage de son ancien acolyte, dont le bec se brisa en deux. Un sang visqueux dégoulina le long de son visage méconnaissable.

— Cet instant est enfin arrivé. Mère n'a fait que le confirmer. Tu vas pouvoir recevoir le châtiment que tu mérites. Mais avant de me débarrasser de ton corps, je m'emparerai de l'essence. Elle m'appartient désormais !

La raison semblait avoir déserté l'esprit du Prince. Il proférait des injures et la vengeance seule semblait lui importer. Il saisit à nouveau Tazdief à la gorge, sans que celui-ci n'oppose de résistance. Ses os brisés, son orgueil blessée, il rassembla ses dernières ressources.

— Sois maudit ! dit-il au Prince, d'un souffle de mépris.

Le Roi Sorcier marqua une pause, contempla les yeux du démon, rougis de haine.

— Maudit ? Je l'étais bien avant notre rencontre, rétorqua Malékith, avant d'enfoncer froidement sa lame dans le corps du démon.

La douleur fut si vive que Tazdief se raidit, avant de vomir un flot de sang grumeleux. Son haleine était fétide et Malékith lutta pour contenir son dégoût. Le démon convulsa alors. Le Prince interposa son pied contre la cage thoracique de sa victime, pour en mieux retirer l'épée. Tazdief bascula en arrière, mort. Malékith n'en éprouva aucun émotion. Il s'approcha de son cadavre et fouilla dans un tas puant de viscères et de plumes crasseuses, afin de dérober l'ultime fragment. Il ouvrit ensuite sa bourse et libéra les autres. Les fragments d'essence, pareils à de petite globes translucides tournoyèrent dans les airs quelques instants, avant de fusionner en une sphère plus massive. L'elfe l'observa curieusement, sembla hésiter plusieurs minutes, tandis que les lianes du labyrinthe se nourrissaient déjà des restes de Tazdief. L'elfe observa à nouveau le portail du palais, dont les flammes pourléchaient l'embrasure. D'un geste décidé, il cueillit l'essence dans sa paume et fut instantanément gagné par la sérénité. La sphère s'écrasa sur elle-même, glissa sur son bras, son torse, puis ses jambes. Malékith sentit l'onde fraîche remonter le long de sa nuque. Il ne lutta pas, se laissa lentement submergé par une puissance torrentielle. Les brûlures de son corps s'apaisèrent et ses muscles lui semblèrent plus vigoureux que jamais. Gorgé de magie noire, le Roi Sorcier eut une certitude. Il plongea ses mains dans le brasier et n'en ressentit aucune souffrance. Les flammes ne le dévorèrent pas, si bien que le portail reconnut là, un serviteur du Grand Architecte. Sans un bruit, les portes embrasées s'ouvrirent sur la splendeur du palais. Modifié par Kayalias
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J'espère qu'on est d'accord que c'est pas la fin là !!

Ca paraissait plus clair dans ton message là :P ! Bon en tout cas la suite est pas mal, forcément on se doute qu'on arrive au bout (les personnages principaux si je puis dire commencent à mourir). Donc voyons ce que tu vas nous pondre comme fin de cette aventure ;)

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-= Inxi =-
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  • 1 mois après...
Bonsoir à tous,

Faute d'emploi du temps (et d'une petite parenthèse Dieudonné ;)/> ), je suis malheureusement incapable de tenir les délais promis. Pourtant je ne perds pas de vue ce projet au contraire, j'y passe énormément de temps. J'essaie de le soigner comme un bébé, préférant retarder sa fin plutôt que de la bâcler. Je suis revenu plusieurs fois sur ce final, le modifiant sans cesse, parfois en le supprimant purement et simplement au gré des changements d'humeur. Finalement, je suis resté sur mon idée principale. Ah et une dernière chose, ce post n'est pas le dernier, contrairement à ce que j'ai pu alléguer. Je voulais que le final soit long pour marquer le coup, mais j'ai fini par penser que poster 12 pages word d'un coup faisait un peu brouillon... Ai-je eu tort ? Par conséquent, je décompose la fin en deux. Pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, cela veut dire qu'après ce post, il y en aura un autre : le dernier (normalement). De cette manière, je vous donne quelque chose à vous mettre sous la dent (sachant que cette partie n'est pas qu'une simple transition comme vous l'apprendrez) et je conserve encore un peu de temps pour terminer la suite et peaufiner les derniers détails, voire un court épilogue qui me paraît de plus en plus indispensable. Bonne lecture !







[center]***[/center]








Une lumière intense jaillit hors de la grande salle, aveugla Malékith de ses rayons, avant que les ombres du labyrinthe l'absorbe. Quelques instants plus tard, les pupilles de l'elfe se furent suffisamment rétrécies pour lui permettre d'admirer les merveilles qui se présentaient à lui. Des nefs immenses, visibles depuis l'extérieur surmontaient des murs blancs immaculés. De nombreuses glyphes lumineuses et des symboles oniriques peuplaient les façades. Certains représentaient une demi-lune, sertie de rubis, en passe d'être dévorée par un reptile. Plusieurs gravures naissaient çà et là, fracturaient la roche, déployant fièrement leurs ailes d'or par dessus le marbre. Au dessus du sol, régnait une cacophonie inégalée. Des bibliothèques mouvantes éparpillaient leurs ouvrages, saisis au vol par quelques sorciers empressés, qui survolaient habilement le hall depuis leur disque flottant. Dans les airs, les arcanistes dépravés faisaient loi, croisant diablotins et feux-follets dans leur sillon. Les créatures multicéphales ne s'échangeaient que peu de mots. Des chaînes antiques pendaient à leurs poignets, tandis qu'ils traînaient derrière eux les reliques impies de leurs maîtres. Aucun ne semblait remarquer la présence de l'elfe, jusqu'au moment où un démon planant à basse altitude le bouscula dans sa course. L'oeil mauvais, les deux protagonistes se jaugèrent et à la grande stupeur de Malékith, le démon ne sonna pas l'alerte. Les traits elfiques du Prince avaient certainement du l'intriguer, mais l'essence qu'il portait avait tôt fait de dissiper ses soupçons. L'obédience importait d'avantage que la race. Élégamment, le démon salua le Roi Sorcier, puis reprit calmement sa route.

Malékith s'avança prudemment sur la voie, cherchant à esquiver les créatures qui surgissaient de toutes parts. Plusieurs démons le couvrirent d'injures et il comprit rapidement que circuler à pied ne serait pas chose aisée, tant le flux de voyageurs semblait dense. Pire encore serait la sentence s'il venait à être démasqué. Jugeant préférable de ne pas attirer l'attention, l'elfe s'écarta provisoirement de l'allée centrale et vint s'adosser à un pylône cracheur de feu. En levant les yeux au ciel, il aperçut le belvédère vertigineux, depuis lequel s'affrontaient des sorciers expérimentés. Les cris rageurs des duellistes s'accordaient à la violence des sortilèges pyrotechniques qu'ils projetaient. Les vents de magie se déchaînaient, claquaient dans l'air et broyaient magistralement le corps des adversaires suffisamment intrépides pour s'opposer à eux. Une tempête d'énergie se forma autour des sorciers damnés. Leur corps malingre trembla tandis que les énergies corrompues parcouraient leur chair déformée, par vagues entières. Malékith connaissait bien le sort de ces démons pour les avoir affrontés dans le passé. A l'instar de nombreux mortels faibles, ils n'avaient pas hésité à céder leur âme au forces de la ruine, ne serais-ce que pour goûter à l'élixir de puissance. Mais les dieux sombres étaient capricieux. Loin d'accorder aisément une parcelle de leur pouvoir, il bénissaient un jour pour punir le lendemain. Le privilège éphémère que détenaient les sorciers ne ne tarderait pas à les consumer. Manipulé par leur maître, les serviteurs redécouvriraient en enfer la contingence de leur existence. Fort de ces considérations, une voix prit soudainement le Prince à partie.

— Excusez-moi, très cher, mon Maître désirerait un portrait de vous, s'enquit un démon au profil grossier de rapace.

De courte taille, le peintre peinait à se mouvoir. Chaque pas tremblant lui arrachait un grognement de souffrance tandis qu'une toux sèche obstruait ses bronches. Les muscles frêles, presque rachitiques du démon soutenaient à peine ses deux ailes de longueur inégales, au plumage terne, couvert de kystes, dont le poids lui courbait l'échine. Son bec fracturé en de multiples entailles suintait de pus. Vêtu d'un simple pagne crasseux en guise de robe, le peintre planta fixement son regard dans celui de l'elfe. Ses yeux étaient pâles, vitreux, et coulants. Désarçonné par l'apparence misérable du démon et le caractère incongru de sa requête, Malékith balbutia une succession de mots inintelligibles, avant de se ressaisir.

— Pardonnez moi, mon brave, mais je n'ai point le temps de satisfaire votre requête, rétorqua-t-il dignement.

Malaisé, l'elfe tourna le dos à son interlocuteur. Le démon resta pourtant statique, en position étrange, comme s'il s'attendait à un revirement de volonté. Malékith estima qu'il lui faudrait accréditer ses propos au plus vite, sans quoi son comportement paraîtrait suspect. Il s'avança à nouveau vers l'allée centrale, sans savoir véritablement que faire. Il scruta attentivement le flux de démons. C'est alors qu'il les aperçut au loin. Plusieurs disques vaquant flottaient, indolents, noyés dans la masse de voyageurs. Il patienta, puis ferma les yeux, bloqua sa respiration et prit son envol à leur passage. L'essence démoniaque accrut ses sensations et le bond effectué le conduisit idéalement à sa cible. Le disque suspendu dans les airs crachait des traînées bleutées dans son sillage. Cet assemblage hybride semblait doté d'une volonté propre. De l'acier tranchant couvrait ses extrémités en forme de dard et une peau rugueuse tapissait son centre. Les bottes du Prince adhéraient parfaitement à cette texture animale et bien qu'il ne sut aucunement manoeuvrer sa monture, Malékith se laissa porter, sous le regard indifférent du peintre.

L'elfe erra longuement dans le dédale du palais, consacrant du temps à dompter son coursier de fortune. A force de tentatives répétées, il parvint à orienter le disque en fonction de l'inclinaison de son corps. Dès lors qu'il se fut d'avantage familiarisé au vol, le Roi Sorcier gagna en vitesse. Les contours flous de silhouettes hideuses défilaient, tandis qu'il les dépassait à la chaîne. Souhaitant s'extraire de la foule démoniaque qui l'entourait, il commanda au disque de prendre de altitude. Pour la première fois depuis son périple, une sensation grisante de liberté l'envahit. Lui, simple mortel, avait pénétré par ses propres moyens dans l'antre des démons et maintenant, il circulait librement parmi eux. Cette transgression nourrissait en lui ses espoirs les plus fous. Le trône, son obsession de toujours, ne cessait de le hanter. Dès son retour, il communiquerait ses ordres aux plus puissantes thaumaturges de Naggaroth. Revigoré par le pouvoir de l'essence, ils conjugueraient leurs efforts et les démons auxquels se mêlaient actuellement le Roi Sorcier ne tarderaient pas à tomber sous son joug. Il s'imaginait commander aux hordes immortelles marchant sur Ulthuan et entendait déjà sa voix résonner des pics de Caledor jusqu'aux forêts profondes de Chrace. Partout sa volonté serait faîte et peut-être pourrait-il enfin restaurer la province engloutie de Naggarythe, le joyau de son Royaume.

L'ambition brûlait dans le cœur du Prince. Éloigné des préoccupations immédiates, il tarda à réagir, tandis que sa monture s'élevait toujours plus haut, au dessus de la foule. Tout en souplesse, Malékith bascula légèrement en amont, mais le disque n'obliqua pas. Il réitéra l'expérience, sans effet. Son coeur s'accéléra à mesure que les voûtes du palais se rapprochaient. Il s'inclina encore et à nouveau le coursier enfreignit l'ordre. Le danger imminent poussa l'elfe à s'extraire hors du disque, espérant que les vents de magie amortiraient sa chute. Ses chausses pourtant aériennes s'alourdirent, pesèrent plus lourd que le plomb. Une force surnaturelle les maintenait, rivées au socle du disque. Peu avant l'impact, la monture dévia sa trajectoire, plongeant brusquement dans le vide à une allure considérable. Le vent se mua en bourdonnement incessant et les viscères de l'elfe se contractèrent. Rapidement, Malékith cessa de se débattre, jugeant préférable de se cramponner aussi solidement qu'il le put, à l'appendice le plus proche. Le disque pressentit l'apaisement de son hôte, décéléra de lui-même et emprunta une voie perpendiculaire à l'allée centrale, nettement moins fréquentée. Il bifurqua sous un pont mouvant, au diamètre évolutif. En contrebas, le Roi Sorcier découvrit des milliers de cristaux sanguins entassés. L'amas de pierres précieuses se consuma instantanément à leur passage, découvrant au sol un anneau nimbé de flammes. Le disque et son cavalier le traversèrent, flottant silencieusement dans l'éther.

Lentement, le Prince récupérait la maîtrise de son corps. Ses jambes se délièrent du maléfice et bientôt, ses pieds purent fouler le sol, soulevant une nappe de cendre qui se diffusa dans toute la pièce. La poussière se densifia, devint brume, tandis que le disque s'élevait dans les airs, regagnant le portail par lequel il avait transporté son hôte.

— L'amour est ton héritage, susurra une voix féminine.

Il n'en fallut pas plus pour que Malékith brandisse sa lame. La faible lueur de l'acier enchanté perçait difficilement la brume. A pas de loups, l'elfe se décida à explorer son environnement.

— La trahison est ton héritage, nuança la même voix, dont l'écho se répercuta dans le silence.

Le son semblait courir de toutes les directions à la fois et en pivotant sur lui-même, le Roi Sorcier renversa ce qu'il lui semblait être une figurine constituée de sable. Quelques rires lointains retentirent peu après cette maladresse. A ses pieds, Malékith aperçut au sol des traces de pas. En y superposant ses chausses, il s'aperçut que les empruntes épousaient les siennes à la perfection. Celles-ci provenaient toutefois d'une direction qu'il jura n'avoir jamais empruntée. Sur ses gardes, l'elfe choisit de remonter la piste.

— Oui, suis-moi mon amour...

Malékith accéléra le pas, nonobstant ses avertissements intérieurs qui le pressaient de rebrousser chemin. Il longea les empruntes sur quelques dizaines de mètres, avant de rencontrer une structure solide, probablement boisée et recouverte d'un épais manteau de poussière. Il l'examina quelques instants, avant de l'épousseter à l'aide de son veston. Le symbole qu'il dévoila ne prêtait à aucune confusion. Les deux croissants de lune dos à dos, caractéristiques du grand hermaphrodite se révélèrent nettement. Le Prince s'interrogea longuement sur la place que ce symbole pouvait tenir au sein d'un temple qui ne lui était pas dédié.

Il ne trouva que peu d'éclaircissement à ses interrogations. En palpant le symbole maudit, l'elfe libéra une onde qui dissipa la brume ambiante. Le banquet des milles plaisirs se livra ainsi à sa vue. Les fontaines enchantées ne déversaient plus ni de miel, ni de vin. Les lustres n'émettaient plus qu'une lumière pâle, morbide, si loin des feux puissants qui brûlèrent nuit et jour. Ne régnait en maître que le silence, car les convives d'autrefois s'étaient tus. La cendre avait embaumé leur chair et interrompu leur activité. Certains festoyaient, ou se livraient à la luxure quand le sortilège les avait frappés. Tous demeuraient immobiles, muets, figés, dans un pastiche de grandeur. La taille des courtisans semblait avoir quelque peu évolué. Certains paraissaient minuscules, d'autres démesurés. De la figurine qu'avait renversé l'elfe, ne gisait plus qu'un tas de poussière, imbibé d'un liquide vermillon. En silence, Malékith longea le banquet. A son extrémité, la silhouette monstrueuse de Dame Sharaz se détacha du reste des convives. Grotesques, ses membres jadis sensuels pendaient mollement, le long de son flanc. Sa pléthore de talismans chatoyants ne luisaient plus. Seul un éternel sourire se dessinait sur son visage terni.

— N'aie crainte, mon cœur bat toujours pour toi, lui murmura une voix derrière l'autel.

Le Prince haletant contourna la maîtresse du banquet et son trône. Une draperie fine et bleutée masquait une entrée dérobée. Des chandelles dansaient de l'autre côté du voile, tandis que les ombres obscurcissaient les murs. Quand Malékith se retourna, la statut de Sharaz s'était retourné sans qu'il ne s'en aperçoive. Elle lui souriait encore. Le Prince leva le voile et plongea au milieu d'une pièce neutre, dont l'unique ornement se concentrait sur la porte aux proportions titanesques. Des feuilles d'or recouvraient la surface de chaque battant, tandis que les gemmes qui y étaient incrustées changeaient sans cesse de nuance. La porte émettait des impulsions à la fois fortes et régulières qui exercèrent sur lui, un attrait irrésistible. Le Roi Sorcier y tendit une oreille avide et demeura de longues minutes devant cette porte, captivé. Il lui sembla que le cœur du monde battait à l'intérieur de cette antichambre, au même rythme que le sien. Des désirs contradictoires se mêlaient dans son esprit. L'orgueil et la tentation étaient immense, mais il n'osait se risquer à entrebâiller la porte. Insensiblement, les pulsations s'adoucirent. Elles perdirent en intensité jusqu'à devenir ténues, presque imperceptibles. Quand le dernier battement audible fut ouït, Malékith se tordit de douleur, terrassé par un mal qui lui comprimait la poitrine. A quelques mètres de là, une poterne se déverrouilla. La souffrance encore vivace arracha au Prince une grimace. Celui-ci, se hissa sur ses jambes avec difficulté. Il maintenait une main vacante sur sa poitrine. Au dessus de la poterne, flottaient une cascade de glyphes occultes. L'inscription Tzeentchite énonçait en lettres d'or :

[i]Aux élus du grand Architecte, le destin promis.[/i]

Malékith pénétra dans la pièce, découvrant un long corridor, à l'éclairage tamisé. Les murs ornés de centaines de tableaux aux dimensions toutes identiques conférait au lieu une ambiance feutrée particulière, presque divine. Les portraits représentaient avec soin divers démons à l'apparence hétéroclite. Certains empruntaient une allure humanoïde, revêtaient une armure finement ciselée, dépourvue de heaume. D'autres démons aux pattes velues et aux ailes majestueuses arboraient un troisième oeil. A l'arrivée de Malékith, les portraits s'animèrent. Quelques démons éveillés le saluèrent bien bas, tandis que les plus téméraires brandirent leurs sceptres dans sa direction. L'elfe longea la galerie d'un pas mesuré. Sur son passage, des démons moqueurs lui présentèrent leur plus beau plumage. Au milieu de tant d'autres, le Roi Sorcier reconnut son ancien acolyte. Tazdief croisait les bras, le scrutait fixement de ses yeux rougis, caquetant de mépris. Aux yeux du Prince, la carrure du démon parut plus musculeuse et son port plus noble, comme si son portrait avait été réalisé au pic de sa gloire, bien avant sa disgrâce.

L'elfe poursuivit son incursion, sans considération pour celui qu'il avait froidement assassiné. D'autres démons au visage creusé croisèrent sa route. Ils lui murmurèrent des promesses de richesse et d'immortalité, complotèrent, cherchant à l'employer pour renverser leurs rivaux. Pendant que les démons s'adonnaient à la surenchère, Malékith se tint comme paralysé à la vue d'un portrait. Une jeune femme au visage pur et à la beauté extrême le contemplait passionnément. Ses yeux noisettes l'emprisonnèrent au souvenir des nuits de plaisirs à l'excès et de vices défendus. Il reconnut y reconnut l'unique, son aimée. Le changement avait légèrement déformé son corps gracile. Ses hanches étaient plus prononcées et le fin voile mauve qu'elle portait ne masquait aucunement l'arrondi de son ventre, duquel pointait le nombril. Au bord des larmes, il souhaita caresser Alyndra, palper la vie en elle, mais ses mains tremblantes se heurtèrent à la toile granuleuse. Contenant difficilement son chagrin, Malékith ne vit pas l'ombre qui croissait au cœur du clair-obscur, pas plus qu'il ne vit le sourire d'Alyndra se tordre en rictus. Les ténèbres noyèrent bientôt la toile et s'assemblèrent en une masse sombre, aux contours indistincts. La silhouette obscure progressait, empruntant une démarche volontairement chaloupée. Inéluctablement, ses traits androgynes se dessinèrent à n'en plus douter.

« Impossible ! », s'exclama le Prince, lorsqu'il reconnut Dame Sharaz.

La Gardienne du Temple glissa ses mains couvertes de bagues et de talismans sur les épaules nues de la prêtresse, avant de les laisser glisser mollement sur la courbure de son abdomen. Alyndra rayonnait. Dame Sharaz quant à elle souriait, comme toujours.

— Cela ne se peut..., reprit l'elfe à demi-mots.

Il nia encore et encore, jusqu'à ce que les prédictions de Caledor ne s'imposent définitivement à lui.

[i]Mais un jour, le fils premier né d'une famille noble s'élèvera d'entre les siens et l'enfant apprendra les sombres secrets de la Magie Noire et commandera une armée de créatures des enfers. C'est ainsi que le Roi Noir tombera, terrassé non par une lame ni par une flèche, mais par les sombres pouvoirs de la magie la plus noire, et son corps se consumera dans l'enfer pour l'éternité.[/i] Modifié par Kayalias
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Ah cool !

Tant mieux que ca ne soit pas fini ! Ca nous laisse encore deux passages de repis ! J'ai bien aimé ce passage meme si je suis confus sur les personnages. Ce qui serait bien ca serait de rapeller brievement qui est fait quoi quand ca fait longtemps qu'on a pas parlé de cette personne. Ca eviterait de se trouver perdu comme on l'est quand on suit un texte sur plusieurs années !

Bon en tout cas impatient de voir la fin pour savoir comment tu vas decider que cela se termine !

Suite !

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-= Inxi =-
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  • 1 mois après...
Après plusieurs années de travail, de longues pauses, des délais jamais respectés, de nombreuses circonstances annexes qui m'ont parfois donné l'envie de couper court à ce projet, des doutes, des ras-le-bol, des pannes d'inspirations, des études, des séquences flemme, je peux enfin le dire : Le Royaume du Chaos est terminé. Enfin... Si la trame l'est, une réecriture des précédents passages est toujours en cours. Une fois que celle-ci sera terminée, je remonterai une dernière fois ce post. Merci à tous ceux qui m'ont lu et suivi. J'espère que ce projet vous a enjoué comme j'ai pris plaisir à le rédiger. Voici la toute fin du récit, épilogue compris. Il n'y aura plus de suite, c'est la dernière séance nous dirait Eddy.

Bonne lecture à vous :)/>








[center]***[/center]








Pour le Prince, la prophétie se confirmait et concrétisait ses pires craintes. Horrifié, il fit deux pas en arrière. Il tituba alors et entraîna dans sa chute plusieurs portraits. Le silence se changea en vacarme et la galerie devint infernal. Les démons pestèrent, caquetèrent de rage, cherchant à déchirer la toile qui les emprisonnait. Les démons hurlaient à en perdre la raison. Ni l'un ni l'autre des amants ne s'échangèrent de mot. Malékith détourna le regard et se précipita hors de la galerie, droit devant lui, jusqu'à atteindre un parvis, à l'apparence neutre. Là, il s'affala de dépit à même les marches glacées qui menaient au portail de fer. Il demeura assis de longues minutes durant, ruminant la trahison d'Alyndra. Comment avait-elle pu le duper ? Le forcer à enfanter son futur assassin ? Le froid qui régnait engourdit ses membres, révélant des vertus curieusement apaisantes. C'est alors qu'on apostropha l'elfe, de l'autre côté du portail.

— Excusez-moi, très cher, mon maître désirerait un portrait de vous, dit le peintre.
— Tu m'as déjà posé cette question, rétorqua le Prince à la voix traînante.
— C'est exact, mais vous ne m'avez pas répondu.

Une brume apaisante enveloppa le Roi Sorcier. Son fardeau, sa peine immense, tout s'allégea comme par enchantement.

— Tu m'as suivi jusqu'ici n'est-ce pas ? reprit Malékith.
— Non, [i]vous[/i] m'avez suivi, assura le peintre.

Malékith fit face à son interlocuteur. Le portail séparait l'elfe du démon. Le corps du peintre était décharné, son dos courbé et son apparence miteuse. On eut dit un mendiant au Royaume des immortels. Son potentiel magique semblait faible.

— Qui es-tu, parle ! demanda l'elfe.
— Je suis le peintre du palais, serviteur du maître, créateur du ciel et de la terre. Mon nom n'a quant à lui pas d'importance.
— Qu'attends-tu de moi ?
— Voudriez-vous l'entendre une troisième fois ? dit le Peintre.
— Ton maître dispose d'une galerie fort abondante. Pourquoi mon portrait viendrait-il s'ajouter à sa collection ?
— Car telle est la place de ses plus éminents serviteurs.
— Je ne sers pas ton maître, objecta le Prince.
— Dans ce cas que faîtes-vous dans son palais, portant son essence ? s'enquit le démon.

Un silence pesant ponctua sa question.

— Ceci n'a plus d'importance maintenant, ajouta l'elfe.
— Gardez espoir. Le maître a de grands projets pour vous.
— Je n'ai que faire de ton maître ! rugit Malékith.
— Alors vous ne regagnerez jamais votre Royaume. Un usurpateur de plus s'assiéra sur le trône et tous se prosterneront devant lui. L'histoire se répétera inlassablement pour quatre-milles années de plus.

Cette interpellation sembla marquer le tournant de leur conversation.

— Vous n'êtes pas un serviteur ordinaire, cher peintre, conclut l'elfe.
— Et vous n'êtes pas plus un mortel ordinaire. Les yeux du maître son rivés sur vous. Acceptez et vous serez récompensé au delà de votre imagination.

Sur ces mots, une brise surnaturelle sinua entre le portail tel un serpent, réchauffant d'avantage le cœur du Prince. Dans sa tête se mêlèrent toutes les épreuves qu'il avait traversées, les serments qu'il avait enfreints et les espoirs qu'il cultivait en secret. Il eut une furieuse envie de rire.

— Ouvre donc cette grille et je me plierai à sa demande, ponctua Malékith, le regard déterminé.

Le peintre s'exécuta, frétilla d'excitation, tandis que le portail s'ouvrait en grinçant. La pièce aux murs blancs se déplia tel un patron géométrique, donnant vue sur l'infini. Des astres innombrables éclairaient la nuit.

— Il vous suffira d'emprunter l'un de ces portails pour regagner votre univers, ajouta le peintre, désignant plusieurs socles anthracites surmontés de cristaux verdâtres.

Pendant que le démon réunissait ses effets, Malékith ne put que s'émerveiller devant tant de perspectives. Les premiers portails des anciens, s'offraient à sa vue. L'antique race avait transmis son savoir aux elfes, leur avait apprit l'écriture et la maîtrise des arcanes à l'âge où les premiers hommes se battaient pour la domination d'une caverne. Quand le portail primordial se fut effondré, les vents de magie cessèrent d'être canalisés aux pôles et circulèrent librement à travers les terres. Des hordes de démons se déversèrent sur le vieux monde, apportant la mort et la destruction. Pour l'elfe, la contemplation de ces artefacts de puissance relevait du divin.

— Bien, asseyez-vous sur cette stalle. Vous vous tiendrez droit et fixerez cette étoile à l'est. J'ai besoin que vous soyez parfaitement immobile pour accomplir mon œuvre, dit le peintre fouillant une malle épaisse.

Malékith scruta furtivement l'astre puis vit son hôte acrouppi, en train d'extraire ses effets de la malle. Le démon en retira une toile ondulante, une palette de couleurs au multiples nuances ainsi qu'un pinceau, un ­magnifique pinceau au manche ébène, légèrement courbé à son extrémité. En son centre, brillait une opale au feu croissant. Au sommet du manche, des poils longs et lisses, couleur d'argent s'éveillèrent à l'appel de leur maître. Ils se dressèrent lentement et s'unirent pour ne former qu'un bloc. Brusquement, tous pointèrent en direction de Malékith.

— Ne vous avais-je donc pas averti, gronda le démon, j'ai besoin que vous soyez parfaitement immobile si je veux avoir une chance d'accomplir mon œuvre !

Sa voix tremblait et les portails crépitèrent au son de sa colère.

— J'imaginais simplement qu'un monarque ne pouvait poser sans couronne, rétorqua le Prince, choisissant ses mots avec précaution.
— Seul importe votre visage, trancha le peintre sèchement. Vous serez récompensé en temps voulu.

Malékith se repositionna prudemment sur la stalle que lui indiqua le démon. Sur son visage émacié, une apparente sérénité peinait à masquer son agacement. Les traits de l'elfe se durcirent. De mauvaise grâce il se plia à cette mise en scène. Aussitôt qu'il fut assit, le peintre saisit son instrument et le pinceau se mit à virevolter frénétiquement sur la toile. Malékith s'agaça d'avantage. Sa propre posture passive l'insupportait.

— Tiens toi droit ! tonna sèchement le misérable petit être.

Tel un couperet, la voix du peintre s'abattit sur les rêves maussades du Prince. D'abord stupéfait, ce dernier ne tarda pas à lever un œil vengeur vers celui qui osait l'admonester. Le démon fixait Malékith, sans ciller. Il ne le regardait plus avec cette déférence excessive, le dos voûté, emmitouflé dans des haillons trop larges pour lui. Tantôt humble et affable, le peintre maintenant était superbe. L'oeil vif et flamboyant défiait intensément celui du Prince. Le démon sous les hardes et les oripeaux dont il faisait son habit imposait dès lors dans l'atmosphère sa présence, sa puissance, son orgueil. Statique, il dévisageait Malékith toujours aussi glacial. Il attendait avec condescendance et insolence que l'elfe s'exécute. Et l'elfe s'exécuta.

Les deux êtres s'observaient à la dérobée. Leurs regards s'interpénétraient et se sondèrent aussi longtemps que dura l'office. La mâchoire crispée, Malékith ne libéra pas une parole. Il jaugeait son hôte dans un silence de mort. Son front se plissa à mesure que le peintre pétrifiait son reflet sur la toile. Une douce violence s'insinuait en lui, mais son visage resta de marbre. Le Roi Sorcier ne disait mot. Le démon poursuivit son œuvre. Les coups de pinceau vifs, précis et rapides se succédèrent à l'infini. De plus en plus perceptible, le faciès du démon devint plus menaçant encore. Un rictus vicieux tordait son sourire. Il affichait ouvertement l'indicible arrogance que seul le pouvoir confère. Enfin, il porta l'ultime coup de pinceau ; son oeuvre en fut parfaite.

— Puis-je contempler votre toile, cher Maître ? l'interrogea l'elfe.

Le rictus du démon n'offrait à la vue qu'une fente de haine. Ses yeux plus perçants que jamais brillaient tels les feux d'un brasier. Sa cruauté semblait sans pareille. Sans un mot, il rabattit ses deux doigts crochus, intimant à l'elfe d'approcher. A nouveau, Malékith obtempéra, sans discussion.

— Le résultat est saisissant de détails, ajouta-t-il, contemplant son sinistre portrait.

Le démon ne releva pas et l'elfe pressentit que son destin lui échappait pour toujours.

— Pourriez-vous à présent me remettre la couronne ? se risqua Malékith.

La déférence avait changé de camp. Les paupières du peintre se fermèrent. Il déposa négligemment son instrument sur le chevalet et concentra son pouvoir dans la sphère qu'il forma de ses deux mains superposées. La matière sombre se déforma et un portail s'ouvrit. Un heaume scintillant se rapprochait à vive allure des deux protagonistes et en quelques secondes seulement, il fut arraché du warp. Malékith inclina légèrement son buste pour se trouver à hauteur égale du démon. Celui-ci porta le heaume d'acier au dessus de sa tête et couronna le Prince.

— Que serait un roi sans couronne ni sans sceptre, ronronna le démon. Grâce à elle, tu continueras à mener ta mission à bien.

Malékith lui tourna le dos.

— Quel portail devrais-je emprunter, Maître ?

Le peintre fit volte-face, accompagna l'elfe sur quelques pas, puis lui désigna l'un des cercles démoniaques. Quand Malékith fut à hauteur du portrait, il esquissa un geste latéral furtif, tandis que le regard du démon portait droit devant lui. Le Roi Sorcier monta les quelques marches qui le séparaient du plateau fumant. Les cristaux à son sommet crépitèrent. Son cœur battait à tout rompre. Quand il sentit le transfert imminent, il défia une dernière fois le démon.

— Quant à toi [i]Tzeentch[/i], dit-il avec insolence, peux-tu me dire où est ta couronne et où est ton sceptre ?

Déconcerté, le démon sembla sans réaction. Puis en un éclair de lucidité le traversa. Il se retourna rageuseuement vers le portrait, poussant un cri de rage si terrible, que les cristaux des portails se brisèrent à l'unisson. Tout son corps tremblait et sa peau se déchirait par vagues. Révélant sa véritable nature, il projeta une gerbe de flammes titanesque en direction de l'elfe, mais celui-ci eut disparu, avant d'être réduit en cendres. On dit à ce jour que la colère de Tzeentch fut si grande que ses hurlements déchaînèrent autant de tempêtes depuis les côtes de Norsca jusqu'aux rivages clairs de Ulthuan.




[center]***[/center]




[center][size="4"][b]Épilogue[/b][/size][/center]




[i]Quand Malékith regagna ses esprits, il reconnut les terres corrompues des désolations du chaos. Affaibli par son transfert, il marcha des jours, titubant vers ce qu'il lui semblait être l'ouest. Il dut encore batailler contre quelques créatures décérébrées, autrefois des hommes submergés par la puissance des dieux sombres. Au détour d'un pic venteux, il aperçut une caravane chargée d'or et de pierreries. Des femmes elfes la conduisaient et leurs parures flottantes indiquaient aisément leur provenance et leur mission. Mandatées par la Matriarche suprême, ce genre de caravanes arpentaient fréquemment les désolations du chaos, afin de rencontrer les tributs du nord. En les couvrant ponctuellement de richesse et en endormant leurs sens, les Druchii s'assuraient de leur docilité.

Quand les thaumaturges découvrirent leur suzerain errant tel un vagabond, elles crurent tout d'abord à un leurre. Son armure était couverte d'entailles et de morsures. Son visage était terne, ses traits tirés. Elles sondèrent les vents de magie et comprirent qu'aucun maléfice ne les abusait. Elles affrétèrent une escorte composée d'un char, tiré par de rapides coursiers noirs, ainsi que plusieurs sorcières émérites. Les forces du Prince s'amenuisaient. Bientôt inconscient, il dut compter sur ses fidèles seules pour repousser les nombreuses bêtes qui les assaillirent. Malékith fut conduit à Ghrond par les entrées les plus secrètes de la ville. Sans attendre, on dépêcha un émissaire qui avertit Dame Morathi depuis Naggarond. Par un prodige de sorcellerie, la Matriarche gagna la Tour du Nord en seulement quelques heures et très vite, la rumeur se propagea dans tout le Royaume. Le Roi Sorcier était de retour.

Par crainte plus que par repentance, de nombreux Princes dissidents baissèrent leurs armes et ouvrirent leurs portes à la garde royale, en signe de soumission à la couronne. Les dynastes les plus circonspects finirent par céder. Certains traître choisirent l'exil, afin de fuir le courroux vengeur du Roi Sorcier. Helleborn s'assura qu'aucune piste fiable ne remonte à elle et fit assassiner dans l'ombre des dizaines de généraux Druchii.

Une fois de plus, Dame Morathi consacra tous ses talents à la régénération de son fils. Celui-ci lui conta une partie de ses récits, au cours de ses cauchemars éveillés. Il lui rapporta des images de forêts constellées d'yeux, de temples de la débauche, de forteresses bâties avec des montagnes de crânes. Jamais plus, il n'évoqua avec elle le souvenir de son père, pas plus qu'il ne traita de sa rencontre avec le Grand Architecte. Après de longs mois, quand il eut regagné ses forces, Malékith sembla discret et étonnamment placide. Tous attendaient que sa juste fureur s'abattent sur les traîtres, qui, en son absence avaient comploté. Mais le Roi Sorcier leur donna tort.

Une attaque d'Asurs aux portes de Naggarond ne tarda pas à éveiller les soupçons. Autrefois, ce genre d'assaut aurait rendu Malékith fou de rage, l'aurait pousser à traquer chaque instigateur, afin de le pendre de ses propres mains. Mais le Roi Sorcier resta imperturbable. Si certains esprits séditieux le disent aujourd'hui affaibli, Malékith n'a rien perdu de son autorité. Son tempérament de feu s'est changé en perfidie calculatrice. Depuis la plus haute Tour de Naggarond, il filtre les vents de magie sans cesse et déchiffre l'avenir. Les tempêtes surnaturelles se multiplient. La fin du monde est proche. Depuis son trône, rien ne lui échappe et il y tient ses légions prêtes à agir. Entre ses mains calcinées, scintillent parfois les poils fins et argentés d'un pinceau.[/i]



[center][b][size="6"]FIN[/size][/b][/center]



Merci encore à tous ceux qui ont suivi ce récit, aux lecteurs de la première heure comme ceux qui nous ont rejoint en cours de route, aux critiques qui m'ont permis d'avancer et de mener à bien ce projet. N'hésitez pas à me faire part de vos dernières remarques. Que serait un roi sans sa couronne, que serait un écrivain de forum sans ses lecteurs ? Quant à moi, j'ai quelques impératifs de longue durée. J'essayerai si possible de commenter à gauche, à droite les (trop rares) récits de la section. Et puis pour les plus sceptiques, sachez qu'une page se tourne, mais le livre reste ouvert car j'ai des projets plein la tête. A très bientôt ;)/>/> Modifié par Kayalias
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Pfou c'est la fin :(

Un peu déçu que ça se finisse aussi vite ! J'aurais bien aimé à la manière du sda, un épilogue plus développé sur le retour aux sources. Ca aurait pu être pas mal ! Mais bon, la version light est tout aussi bien ! C'était une fort bonne histoire en tout cas.

Pour ce passage plus spécifiquement, je ne sais pas si c'est moi mais j'ai du mal avec la conclusion/morale de l'histoire que je pense pas avoir compris. Du tout, je comprends pas le pourquoi de toute histoire et ce qu'il s'est passé. Je pense qu'il manque, pour ma part ou alors c'est la fatigue, une explications plus claire. C'était en tout cas une bonne rencontre ! Vivement une prochaine histoire ;)

@+
-= Inxi =-
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  • 3 semaines après...
(Comme la mauvaise herbe, je reviens toujours au printemps ^^)



Puisque les aventures de Malekith sur les terres du Chaos sont arrivées à leur terme...

Je soulignerais en premier lieu le gros point fort de ton histoire : le style. Ici et là on peut déplorer la présence de quelques clichés, il n'en reste pas moins que le travail conjugué au talent placent sans peine les Royaumes du Chaos sur le podium des meilleurs récits du forum. Et pour preuve que la forme importe autant que le fond, je mets ton histoire devant les Exilés, dont la trame me parle davantage mais qui est bourré de fautes jusqu'à l'indigestion — le comble pour un texte qui a bénéficié du soutien d'un correcteur extérieur à l'auteur !

La technique du récit : comprendre instantanément qui fait quoi n'est pas aussi évident qu'il y paraît. Là encore tu t’en tires très bien. Je me souviens avoir relevé quelques petites incohérences — notamment le nom d'un navire qui change entre le moment où il lève l'ancre et celui où il arrive à bon port. Parfois aussi un petit abus de background sur les druchiis. Rien de bien gênant ni d'irréparable.

Le travail sur les personnages : on sent un attachement, un réel sérieux à leur conception, qu'ils soient fluffiques ou inédits (Sarosnar, Endar, Chyres...). J'ai particulièrement apprécié ta réécriture de Malekith, plus complexe que la caricature trotrodark officielle de GW. L'évolution des persos secondaires tels que Tazdief vaut le détour aussi, avec un bon sens de la caractérisation.

Le déroulement de l'intrigue et la conduite du fil rouge : là je vais avoir la dent dure. Enfin pas trop, j’espère. A plusieurs reprises, tu tends à l’extrême le fil rouge de l'histoire, au risque de le rompre. Je te concède que tu t’es lancé dans une entreprise ambitieuse, d’autant plus méritante, celle du récit croisé. En ce sens, le développement du complot de Naggaroth parallèle au parcours de Malekith à travers les Royaumes du Chaos est une initiative courageuse. On en retient des passages brillants, et d’autres… où l’on se sent un brin paumé, à l’instar d’Inxi-Huinzi :

[quote]Il s'en sort mais ça a pas été de tout repos ! En tout cas je lisais et je me posais la question de savoir où en était la trame principale. Parce que du coup il est coincé mais on sait plus trop ce qu'il se passe dans la réalité ! Ca serait cool qu'on le sache ![/quote]

Je n’ai pu m’empêcher d’effectuer aussi une parenté avec les Exilés en ce sens où j'ai eu l'impression que tu tenais les grandes lignes de ton histoire, mais as cédé au péché mignon du roman feuilleton — à savoir le besoin de rajouter des trames secondaires au fur et à mesure. Le point positif, c'est que la majorité de ces greffons valent le détour. Des One Shots rattachés à l'ensemble de façon pour le moins cohérente. Le mauvais point, bah c'est justement que l'on [i]sent[/i] la greffe : tu me répondras peut-être qu'il n'en n'est rien, que tout était prévu d'avance, n'empêche que c'est l'impression ressortant d'une lecture d'ensemble. Parlons notamment de la séquence introduisant Chyres : un personnage intéressant, mais présenté bien trop tard ! Du coup, il semble tombé de nulle part, tel un Deus Ex Machina des familles. Puisque tu parais déterminé à réécrire le récit, introduit-le bien en amont dans ta nouvelle version.

Au final, je garde une excellente impression d’ensemble des Royaumes du Chaos. Pour son ambiance, je le rapprocherai des Chroniques de Maudits, en plus dense et plus maîtrisé : des persos dark mais pas trop, des péripéties originales, de l’émotion juste ce qu’il faut. Du très bon boulot.

Il me tarde de te voir à l'œuvre sur un autre récit, tout en reprenant l'avertissement adressé par tes soins à Inxi-Huinzi : créer son propre univers de fantasy est casse-gueule, sans même parler de l’intertextualité inhérente au genre. On peut reprocher plein de choses à Warhammer, à commencer par son côté bric-à-brac, mais c’est justement ce qui en fait l’attrait : dans un tel fourre-tout, chacun peut bricoler le récit qui lui convient. Vous voulez de la High Fantasy ? Y en a. Votre came ce serait pas plutôt la Dark Fantasy ? Ça tombe bien, y en a aussi. De l'épopée arthurienne ? Par ici mon brave. Une préférence pour le Steampunk ? On a ça en réserve… Si Warhammer était un restaurant, il proposerait pizza, couscous et cassoulet au même menu : à condition de faire son tri dans l'assiette, chacun peut y trouver son compte :wink: Modifié par Oberon
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  • 8 mois après...
Comme promis, le récit a été entièrement réécrit. Le style a été harmonisé. Dernière remontée avant disparition dans les limbes.

Merci encore à tous les lecteurs et commentateurs. Particulièrement à Obéron dont les critiques détaillées m'ont permis de retravailler les points sensibles :wub:

Une excellente année à vous. Et à très vite ! Modifié par Kayalias
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