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La Croisade de la Bannière Noire


The Last Sword

Messages recommandés

Je poste la suite pour tenter de vous rassasier. Mais je crois que je n'échapperais pas à une remarque sur la longueur du texte :wink: . C'est du 100% écrit depuis la semaine dernière, je suis plutôt content de moi, j'arrive à travailler avec régularité sur la Bannière Noire.

Quant à la qualité, à vous de juger si elle suit.

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Bin oui, bonne suite! Juste que la témérité de la Bannière Noire me surprend... Résister à des Space Marines... Faut être sacrément motivé!

Autrement... Ah oui, ou sont passés tous les cerfs? Il y en avait une petite vingtaine avant, non? Il sont passés où?

La suite!

Ecthelion

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Bah que dire, si ce n'est "POUTOU"... :P

Un fort bel assaut, bien décrit...

Seul reproche, la description de la salle des machines est un mon sens un peu trop grandiloquante, notamment en ce qui concerne la taille des tuyauteries, mais c'est peanuts et ça fout dans l'ambiance...

Yohann, encore!!!

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  • 2 mois après...

Je viens de lire ton histoire en entier et d'une seule traite.

Pas grand chose à dire à part "wow c'est magnifique"

C'est trés bien écrit, les personnages sont attachants et trés bien décrits (comme tous le reste d'ailleur)

Je metterais juste une petit bémol sur la compréhension du combat spatiale lors du "piège au loup", j'ai du le relire 3 fois pour bien comprendre.

A quand la suite, en particulier les combats au sol.

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J'étais persuadé qu'il y avait une fonction "supprimer le message", mais on dirait bien que je me suis trompé. Je voulais faire remonter le topic tout en éliminant cette réponse pour éviter un double-post. Je me suis loupé...

Modifié par The Last Sword
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Merci, ça fait plaisir de voir que ça ne plait pas qu'à moi :wub: .

Je te comprends en ce qui concerne ce passage de la bataille spatiale, j'ai eu du mal à l'écrire et surtout à le rendre crédible. Les défenseurs devaient être obligés de reculer et d'abandonner leurs positions en quelques heures sans que cela tourne au massacre unilatéral. Bref je ne suis pas encore passé maître dans l'art de bien ficeler un scénario.

Ni dans l'art d'écrire régulièrement. La suite est sur mon ordinateur, mais je crois qu'un escargot paraplégique irait plus vite. Je vous rassure quand même, il ne me reste plus qu'une page environ à rédiger pour pouvoir poster. Normalement d'ici la fin de la semaine. Les combats au sol suivront et les grandes lignes sont tracées.

Et je ferai en sorte de ne plus rien faire de confus !

[Edit]

Je mets la dernière touche au chapitre 2, et voici la suite comme promis, avant la fin du week-end (à 30 minutes près :) ). Je suis bien conscient que la "régularité" chaotique de la publication de l'histoire risque d'en décourager plus d'un :good: . J'entame un nouveau post, le précédent étant arrivé à la limite de longueur de texte.

Je profite de cet ajout pour répondre au "courrier en retard" :

Yohann> J'ai changé la description de la salle des machines pour faire moins grandiloquent. J'ai tendance à faire du texte verbeux même si je me surveille, alors n'hésitez pas à me taper sur les doigts (mais pas trop fort :zzz: ).
Echtelion>La Bannière Noire est effectivement motivée. On va bientôt voir quelle est sa vision de cette guerre.

Quant aux serfs, je me rends compte que je n'ai presque pas exploité leur présence. Je les avais mis parce qu'il me semblait illogique qu'aucun d'eux ne survive, étant donné qu'à bord des navires ils sont plus nombreux que les marines. Mais j'aurais pu les mettre un peu plus en scène. Dommage que je n'ai pas poussé l'idée plus loin.

Dernière information : l'idée de faire un petit site internet pour mettre à disposition (en PDF) les chapitres terminés a fait son chemin. Il sera en ligne début avril, quand je serai (enfin !) en vacances.

Bonne lecture !

________ Ajout du 25/03/07 ________

Le croiseur se trouvait maintenant beaucoup plus près de Jomark, entre la planète et le soleil. La moitié de sa coque était exposée aux feux du soleil, l’autre était plongée dans les ténèbres. Sur cette moitié, une faible étincelle brillait par intermittence dans l’obscurité.

Kirius était debout sur l’immense navire de guerre, maintenu à sa surface par la faible gravité que sa masse engendrait. À côté de lui un techmarine était penché sur une fissure de la coque qu’il colmatait tant bien que mal au chalumeau.

Si proche et pourtant encore inaccessible, Jomark déployait au-dessus de leurs têtes ses immenses étendues bleues, ocres et blanches. Il en étaient si proches que son disque occupait la plus grande partie de leur champ de vision. L’autre horizon qui définissait leur univers était la surface du croiseur. Entre les deux se trouvait une étroite bande de ténèbres piquetée d’étoiles.

Les autres vaisseaux de guerre étaient des points à peine plus lumineux qu’elles, séparés du croiseur par des abîmes de milliers de kilomètres. Même aux abords d’une planète, les distances étaient énormes. La conscience de ce vide infini faisait naître en Kirius une sensation de vulnérabilité omniprésente.

Même après des millénaires de conquête et d’exploration, l’espace restait fondamentalement hostile à la présence de la vie et les planètes étaient des refuges bien précaires. En regardant Jomark, le chapelain se demandait comment l’on pouvait prétendre défendre son immensité. Sur un territoire de la taille d’une planète, les hommes sont plus insignifiants que des grains de poussière.

Ce n’était pas un univers à taille humaine. Il était fait pour des entités plus vastes, pensant et agissant à des échelles inconcevables pour un esprit humain. Un monde de titans. Le destin de l’Humanité dépendait de l’Empereur, le seul capable de rivaliser avec de telles puissances.

Le chapelain s’arracha à la contemplation de Jomark et évalua le travail qui restait au techmarine. La fissure était presque réparée. Bien sûr c’était du provisoire, mais il n’avait aucune intention de s’attarder à bord du croiseur. L’amirauté de la Bannière Noire allait bientôt s’inquiéter de ce qui était arrivé au vaisseau endommagé maintenant que la bataille spatiale était terminée. Si ce n’était pas déjà fait.

Heureusement il avait pu contacter le Chapitre et un thunderhawk se préparait à les rejoindre pour les ramener sur la terre ferme. Quant à l’équipage, pour le moment enfermé dans l’une des soutes, Kirius avait décidé de l’affecter aux légions pénales de la Garde. Un excellent moyen de les rendre utiles, tout en leur permettant de se racheter. Certes, aucun ne recouvrerait sa liberté, mais leur mort au service de l’Empereur effacerait leurs fautes.

Le techmarine apportait la dernière touche à sa soudure quand le casque du chapelain émit un bip sourd dans son oreille. Il prit aussitôt la communication.

-« Mon Père, ici la passerelle. Nous sommes contactés par le Suzerain. »

-« Bien. Vous leur avez dit comme convenu que nous avions déplacé le croiseur vers une orbite plus stable ? »

Il sentit une hésitation chez son interlocuteur.

-« Ils savent que nous sommes ici. Ils connaissent votre identité et demandent à vous parler personnellement. »

Kirius sentit son sang se figer.

-« Passez-les moi. » finit-il par dire en assurant sa voix pour paraître le plus confiant possible.

Il y eu un peu de friture tandis que le space marine effectuait les réglages, puis un bip discret signala au chapelain que la communication était établie.

-« Chapelain Kirius, de la septième compagnie des Metamarines ? » demanda une voix calme et enjouée.

-« Et vous ? » fit Kirius.

-« Je suis Tarnon, maréchal des Légions de la Bannière Noire. » répondit son interlocuteur avec une pointe d’amusement dans la voix.

-« Que puis-je pour vous ? »

Il y eu un éclat de rire.

-« Vous ne vous laissez pas démonter facilement, dites-moi. »

-« Est-ce que le Génie du Mal a tant d’hommes qu’il puisse se permettre de vous employer à faire la discussion ? » fit Kirius sur un ton cassant.

-« Le Seigneur-Intendant tenait à savoir si le Renouveau était à votre goût. Il a longuement hésité avant de choisir le vaisseau qu’il allait vous fournir. » reprit le maréchal, l’air franchement amusé.

-« Vous voulez me faire croire que votre maître n’a rien d’autre à faire que de se soucier d’une poignée de soldats perdus dans une épave ? Et qu’en plus il est capable de jouer les voyantes ? Si vous voulez nous tuer, ayez l’obligeance de le faire sans vous payer notre tête. » cracha Kirius.

-« Vous ne croyez pas si bien dire, mon Père, vous ne croyez pas si bien dire… Et si le Seigneur-Intendant vous a permis d’aller jusqu’ici, c’est parce qu’il connaît l’heure et l’endroit. »

-« Je n’ai pas le temps de jouer aux devinettes. »

-« Oui, je sais, un thunderhawk et tout ça… Mais parlons un peu de votre mort. Regardez vers la poupe du croiseur que nous vous avons offert. Je pense que vous ne pouvez pas le distinguer, mais un de mes vaisseaux est dans cette direction. »

Le chapelain releva instinctivement les yeux dans la direction que le maréchal venait de lui indiquer. Il ne vit d’abord rien. Il y eu vaguement un bref éclat, mais rien de remarquable. Quelques secondes passèrent et le prêtre-guerrier se demanda si son adversaire ne s’était pas encore moqué de lui. Puis il remarqua deux points lumineux en mouvement. Droit vers lui. Son cœur fit un bond.

-« Je pense que vous devez avoir commencé à courir, à présent. Mais c’est inutile bien sûr. Après que vous et votre vaisseau auront étés consumés dans l’atmosphère, on ne récupérera pas assez de vous pour remplir un verre. Adieu, mon Père. Votre conversation était très agréable. » fit le maréchal d’une voix polie.

-« Allez en enfer ! » cria Kirius en coupant la communication et en commençant à courir.

Il se dirigea vers l’écoutille la plus proche, le techmarine sur les talons. Les deux marines progressaient par petites foulées, rasant le plus possible la coque pour éviter de faire un bond trop fort qui les aurait arrachés à l’attraction du navire. Mais si les missiles frappaient le navire avant qu’ils soient rentrés, l’onde de choc les enverraient jouer les satellites autour de Jomark pour l’éternité. Les deux hommes forcèrent l’allure.

-« Passerelle ! Ici Kirius ! Préparez-vous à un impact de missiles ! »

Le chapelain n’entendit pas la réponse. Arrivé au sas, il en actionna la commande. L’écoutille blindée s’ouvrit avec une lenteur exaspérante. Dès que l’ouverture fut suffisante il s’engouffra dans le boyau, suivi de près par le techmarine.

__

Les deux guerriers venaient de sortir du sas lorsque les missiles frappèrent, à quelques secondes d’intervalle l’un de l’autre. La vibration sourde de l’explosion fut suivie par un long couinement de métal torturé, comme si le vaisseau exprimait sa douleur. Le couloir fut plongé dans l’obscurité. Le calme revint, bientôt suivi par la lumière fournie par les générateurs de secours installés un peu partout dans le navire.

Kirius attendit quelques secondes pour être sûr que la situation se soit stabilisée, puis il fit signe au techmarine de le suivre tout en prenant le chemin de la passerelle. Tout en marchant, il tenta de contacter les marines qui étaient là-bas.

-« Passerelle ? Ici Kirius. Répondez. Passerelle, vous m’entendez ? »

Les secondes s’égrenèrent, mais aucune réponse ne venait. Sans perdre son calme, le chapelain continua ses tentatives, bien qu’il commença à envisager sérieusement que le centre névralgique du vaisseau ait été touché.

Le bruit de friture se fit entendre, puis céda la place à la voix du techno-frère Sengus.

-« Mon Père, ici la passerelle. Nous sommes opérationnels. Vous avez pu rentrer à temps ? »

-« Affirmatif. » répondit Kirius, soulagé. « Quelle est la situation du navire ? »

-« Les moteurs ont été frappés de plein fouet et sont hors d’usage. À cette exception près, l’état du vaisseau n’est pas pire qu’avant l’abordage. »

-« Impossible de relancer les moteurs ? »

-« Négatif. Si nous les rallumons, ce qui est encore intact va nous exploser à la figure. »

Kirius jura.

-« Mais ce n’est pas le vrai problème, mon Père. Avec les frottements de l’air de la haute atmosphère, nous perdons de la vitesse et notre trajectoire est désormais instable. Nous ne pouvons pas nous maintenir en orbite jusqu’à l’arrivée du thunderhawk. »

-« Combien de temps avons-nous avant de nous écraser ? » demanda Kirius.

-« Avec notre vitesse, le vaisseau peut faire deux fois le tour de Jomark. Mais dans son état il ne résistera jamais aussi longtemps aux frottements de l’air. Il va se désagréger comme un météore bien avant d’avoir parcouru une seule orbite. »

-« Combien de temps ? » demanda le chapelain en fermant les yeux, craignant la réponse.

Le techmarine soupira.

-« Au pire vingt minutes, au mieux trente. »

Il se mit aussitôt à réfléchir. Il avait été entraîné à prendre des décisions dans des délais très courts avec des informations parcellaires. Mais jamais il n’avait été confronté à un problème aussi vital. Son conditionnement jugula le début d’angoisse qui commençait en lui et l’écrasa impitoyablement pour lui laisser l’esprit le plus clair possible.

Il fallait évacuer le navire, c’était impératif. Et pour cela il n’y avait que les capsules de sauvetage. Mais elles n’avaient pas été conçues pour des space marines. Au lieu de dix hommes, elles ne pourraient embarquer que cinq ou six de ses soldats. Et comment faire pour échapper aux radars de la Bannière Noire ? S’ils avaient pu repérer deux hommes sur la coque d’un croiseur, nul doute qu’ils traqueraient les capsules avec la même efficacité et que la DCA allait s’en donner à cœur joie. Sans compter les débris qui risqueraient de heurter les capsules et de les détruire… Les débris… C’était la solution !

-« Frère Sengus, donnez le signal de l’évacuation ! Tout le monde doit être dans les capsules de sauvetage d’ici dix minutes. Nous utiliserons le panache de débris pour échapper aux détecteurs. » ordonna le chapelain.

En espérant que cela suffise pour échapper aux radars de poursuite et que les capsules résisteraient, ajouta-t-il pour lui-même.

Les grincements et gémissements de la tôle s’amplifiaient de minute en minute. Le vaisseau, légèrement ralenti, s’enfonçait toujours davantage dans l’atmosphère, perdant de l’altitude à chaque seconde. La vitesse du navire était telle que l’air se mettait à brûler, enveloppant de flammes la coque peu aérodynamique. Le croiseur n’avait pas été conçu pour le vol atmosphérique et seule sa vitesse l’empêchait de tomber comme une pierre. Le crash n’était plus qu’une question de temps. De très peu de temps.

Dix minutes pour rejoindre les capsules les plus proches. Kirius avait douloureusement conscience de l’écoulement du temps tandis qu’il remontait les coursives le plus vite possible, un œil sur la carte et l’autre sur le compte à rebours.

Dix minutes. Ensuite il faudrait attendre, harnachés sur les sièges trop petits pour des space marines, que la queue de morceaux arrachés à la coque soit suffisant pour dissimuler les capsules. Et prier pour que le vaisseau déjà endommagé avant cette épreuve tienne le coup jusque là. Sinon Kirius et ses hommes seraient des débris parmi d’autres.

Le chapelain jeta un œil sur sa carte. Ils étaient presque arrivés. Sans se retourner il fit un signe de la main par-dessus son épaule pour en informer le techmarine qui le suivait.

Les deux marines étaient presque arrivés quand le casque de Kirius filtra des bruits de pas au milieu des gémissement du navire en voie de dislocation. Quatre hommes à juger aux bruits. Il se figea au milieu du couloir en faisant signe à son compagnon de faire de même. Tout en braquant les capteurs de son casque pour tenter d’identifier les intrus, il descendit la main vers l’étui de son pistolet-bolter. Peut-être des soldats évadés de la soute ? Il se prépara à les éliminer le plus rapidement possible.

L’Esprit de la Machine afficha soudainement quatre silhouettes marchant à leur rencontre derrière la paroi, les identifiant comme Meirion accompagné de trois guerriers.

Kirius sentit ses muscles se relâcher légèrement. Pendant un instant, il fut partagé entre le soulagement et la colère. Puis cette dernière prit le dessus.

-« Meirion ! Que faites-vous encore ici ? » rugit-il en avançant à sa rencontre.

Le chapelain franchit un angle et tomba nez à nez avec son sergent.

-« Vous devriez déjà être sanglé dans une nacelle ! »

Frère Meirion salua respectueusement.

-« Mes ordres sont de veiller sur votre vie, mon Père. » répondit-il calmement.

D’expérience, il savait que garder une attitude obéissante était le seul moyen d’empêcher le chapelain de s’emporter.

-« Et ma tâche est de veiller sur celles de mes hommes ! » répondit Kirius.

Meirion resta impassible.

-« Nous règlerons cela une fois au sol. » reprit plus calmement le chapelain.

Puis il passa à côté du sergent et poursuivit jusqu’au sas de secours sans rien ajouter ni lui accorder un regard.

De l’autre côté, trois écoutilles circulaires donnaient sur les capsules. Les marines se mirent à la tâche sans avoir besoin de se concerter. Ils avaient répété la manœuvre d’évacuation tant de fois qu’ils auraient presque pu l’accomplir les yeux fermés.

Ils ouvrirent deux écoutilles. Le techmarine embarqua le premier après avoir enlevé son harnais. Une fois à l’intérieur, le suivant lui fit passer l’imposant amas de bras, de scies et de chalumeaux. Deux hommes suivirent et Meirion se glissa en dernier par l'ouverture. Pendant ce temps, les deux derniers marines étaient entrés dans la capsule voisine.

Le hurlement du vaisseau était devenu assourdissant. L’air commençait à s’échapper par des micro-fissures dans les tôles et se répandait dans l’entre-deux coques dépressurisée. Kirius eut l’impression d’être à l’intérieur d’un animal à l’agonie. Lui qui n’avait jamais apprécié les espaces exigus des navires spatiaux, il était obligé de faire confiance au plus petit qu’il ait jamais occupé pour le sauver. Dans une époque de démence, regarde le fou te montrer la voie… À contrecœur il se glissa par l’étroite écoutille et verrouilla le battant derrière lui.

________ Ajout du 15/04/07 ________

Memnon avait regagné sa loge, une vaste salle de style gothique où il avait établi ses quartiers. Une chambre et une salle de bains étaient accessibles par une porte. La pièce principale était occupée par une vaste table de réunion et des systèmes informatiques qui lui permettaient de se tenir au courant de l’évolution des combats. Un des murs était une vaste baie par laquelle on pouvait observer l’espace. Du moins en apparence, car il s’agissait en réalité d’un écran géant, la loge étant située dans les entrailles du Suzerain.

Le seigneur-intendant avait commandé en personne la bataille spatiale et le début du débarquement. Maintenant que la phase cruciale de l’assaut était passée, il avait laissé la supervision des opérations à son bras droit pour prendre un peu de repos. Le maréchal Tarnon était un stratège brillant et un chef apprécié de la troupe. Un homme à surveiller auraient pensé la plupart des gens, mais Memnon savait ne rien avoir à craindre.

Il lisait dans l’âme des hommes comme dans un livre ouvert, tout comme il pouvait voir l’avenir et le passé. Ces talents ne lui réclamaient aucun effort particulier et aussi loin qu’il se souvienne il avait toujours eu un don de prévoyance. Il n’y était pour rien. La mutation psychique qui lui permettait d’utiliser les énergies du warp était le dernier cadeau de l’évolution à ses enfants éparpillés dans les étoiles. Ou un fléau, selon le point de vue. Car ceux qui le possédaient étaient impitoyablement traqués.

Une des machines installées à côté de la grande table se mit à siffler en crachant un morceau de papier. Memnon s’approcha et le lit. C’était un rapport en provenance de Tarnon, l’informant que le croiseur abordé par ce chapelain space marine avait été abattu. Il spécifiait que les capsules tentant de s’échapper avaient été abattues, mais que par mesure de sécurité des patrouilles inspectaient la zone de dispersion des débris.

Cela ne faisait que confirmer ce qu’il avait déjà senti. Un subtil changement dans la trame de l’avenir, des éventualités disparaissant, le faisceau des futurs possibles qui se resserrait. Depuis des années il procédait ainsi, guidant par petites touches le cours des évènements vers le but qu’il s’était assigné. Il avait vu le rôle que le chapelain pouvait tenir dans la défense de Jomark et il avait donc fait le nécessaire.

La salle était silencieuse, à l’exception du léger soufflement des ventilateurs. Le seigneur-intendant retourna à la contemplation des étoiles. Mais debout face à elles il ne les voyait pas vraiment. Le regard dans le vague, il laissa se déployer devant lui la trame du temps. Des milliers d’évènements passés et à venir, connectés à leurs causes et à leurs conséquences. Parmi eux, il voyait ceux qui menaient là où il voulait aller, le chemin à suivre. Il suffisait ensuite de les favoriser et d’empêcher les autres d’arriver. En connaissant le cours de l’Histoire, il le détournait et l’utilisait à son avantage.

Ses ennemis le surnommaient le Génie du Mal. Une tentative d’ignorants pour mettre des mots sur ce qu’ils ne seraient jamais capables de comprendre. S’ils avaient été capables de voir comme lui le Temps dans son ensemble, ils auraient compris. Mais ils étaient prisonniers du présent.

Memnon avait un peu plus de cent ans, bien qu’il en paraissait cinquante grâce aux drogues de rajeunissement juvenat, réservées aux dignitaires de l’Imperium et à ceux qui pouvaient payer leur prix. Il avait accumulé un savoir et une expérience plus grande que la plupart de ses semblables. Et il s’était appliqué à maîtriser ses pouvoirs.

La première expérience qu’il avait eu en les utilisant était la peur. Une peur noire, dévorante. Il avait brutalement pris conscience qu’il était une proie. Tapi au cœur de l’Imperium, il avait senti un être habité par une faim insatiable et qui se nourrissait de l’âme de mutants tels que lui. Plus que n’importe qui, il savait quel était le prix terrible que l’humanité devait payer pour maintenir son Empereur en vie. Prisonniers des champs de stase du Trône d’Or, il absorbait à chaque instant les esprits des psykers qu’on lui sacrifiait.

À travers la galaxie les vaisseaux noirs de l’Inquisition, la police politique de l’Imperium, traquaient sans relâche les mutants comme lui pour les amener à Terra. Les plus chanceux, ceux qu’on jugeait suffisamment dociles, étaient formés pour servir d’astropathes. Les autres étaient jetés en pâture à l’ogre qu’était devenu l’Empereur.

Memnon avait vu cela, et il avait aussi vu dans quelle catégorie il serait rangé s’il était capturé. Il avait alors vécu dans la terreur d’être démasqué. Mais il avait toujours réussi à passer à travers les mailles du filet. Il avait caché son talent et s’était appliqué à vivre aussi normalement que possible en s’engageant dans les Forces de Défense Planétaire de Glosst. Sans renoncer toutefois à utiliser ses pouvoirs.

Il découvrit assez rapidement qu’il pouvait voir l’avenir, se contentant d’abord d’être un simple observateur. Il se garda bien de se servir de ce savoir pour influer sur le cours des choses, car cela aurait fini par attirer l’attention sur lui. Mais il poussa toujours plus loin ses explorations. Il fit alors sa deuxième expérience du warp. Le désespoir.

Memnon vit l’imminence de l’extinction de l’humanité. L’Imperium l’avait protégé durant dix mille ans, mais cette ère touchait sa fin et les hommes seraient balayés. Terra, leur berceau, serait également leur dernier bastion. Que ce soit par les légions du Chaos, la marée verte des Orks ou les flottes-ruches des Tyranides, c’était là que le dernier homme mourrait.

Mais en cherchant encore, il découvrit une voie étroite et fragile menant à la survie de l’humanité. Il s’était alors attelé à la tâche, influençant le cours des évènements par petites touches. Au début il avait pensé pouvoir tirer les ficelles dans l’ombre. Mais rapidement, il s’était imposé que la seule solution était de prendre le pouvoir. Il l’avait donc fait, avec la tranquille assurance que procurait le fait de savoir que l’échec était impossible. Cette tâche, il la poursuivrait jusqu’au bout. Jusqu’à se dresser contre l’Empereur alors que celui-ci le terrifiait depuis toujours. Jusqu’à la guerre civile, puisque c’était le seul moyen. Tout pour éviter les ténèbres.

Memnon n’avait pas découvert que l’avenir en explorant les courants du warp. Il avait aussi très vite senti une présence, et cette sensation n’avait fait que grandir au fil des années. C’était comme si quelque chose avait son attention posée sur lui. Il la percevait désormais assez pour deviner sa trace quand il regardait sa propre vie dans la trame du temps. L’intelligence avait voilé son existence aux sbires de l’Inquisition. Elle l’avait protégé depuis son plus jeune âge.

Chaque fois qu’il tentait de l’approcher, elle se dérobait. Il se doutait qu’elle ne l’aidait pas sans arrière-pensées, mais il y trouvait son compte. Il avait bien besoin d’alliés dans sa tâche, et celui-ci était puissant. Il avait senti sa marque quand le warp avait vomi un cuirassé Emperor vide et en parfait état dans le système solaire de Glosst. Il l’avait fait réarmer et le Suzerain était devenu le pivot de sa campagne militaire. Et si l’intelligence espérait se servir de lui, Memnon se servait d’elle. Il savait pouvoir compter sur ses pouvoirs pour ne pas être la victime si cette coopération s’avérait être un marché de dupes.

Sur Jomark, il le pressentait, il saurait enfin qui était cette présence. Cela ne tarderait pas. Une journée de combat avait suffit pour vaincre la flotte ennemie. La plupart des points stratégiques de la planète étaient déjà entre ses mains. La chute de la capitale ne prendrait guère plus de temps, il l’avait vu. Alors il saurait. Ensuite l’avenir était plus trouble, mais les grandes lignes étaient tracées. Avec ses légions il reprendrait le chemin de Terra. Vers son destin et celui de l’humanité. Il lui était impossible d’échouer.

*** Fin du Chapitre 2 ***

Modifié par The Last Sword
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Un des ces quatre, il va falloir que Kirius demande à prendre des congés, il les mérite... :whistling:

Tout ça pour dire que la suite tant désirée est enfin là et que cela me fait plaisir...

Bonne continuation...

Yohann, fidèle lecteur...

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  • 3 semaines après...

Kirius est en congés pour le début du chapitre 3, il reviendra un peu plus tard. On va redonner la vedette au Maître de Chapitre (il allait finir par se sentir délaissé).

Voilà la fin tant promis et tant retardée du chapitre 2. On conclut en passant de l'autre côté, voir ce que pensent les autres de la guerre qu'ils ont déclenché. En espérant que ce passage vous plaise autant que les précédents :-x . Le récit est à la suite du dernier, quelques posts plus haut, avec comme d'habitude des balises bleues pour le repérer facilement.

En ce qui concerne le site, il est terminé, mais ça coince un peu pour l'hébergement :D .

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Ahh un hérétique qui croit fair ce qu'il fait pour le bien de humanité . Mais ou sont les culexus?

Trés bonne fin de chapitre. Quoi que un peut courte? mais j'en vouderais toujours plus.

Même les méchants sont attachants dans ton histoire. Tous ceci ne peut que se finir en une grande sauterie. :whistling:

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En tout cas chapeau bas pour le récit.

Je ne suis pourant pas fan de W40k, mais franchement ton récit est prenant. :blink:

Donc que tu te dire que:

dêpeches toi, on attend la suite... :blink:

non, sans blague, c'est sympa, félicitation, (mais j'attend quand même la suite... :whistling: )

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Je jette juste un oeil

Après que vous et votre vaisseau aient étés consumés dans l’atmosphère

auront étés. On et le futur après "après que" :whistling:

Sinon pour ce que j'en ai lu, ça m'a l'air très bien écrit!

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Bien que je n'écrive pas souvent, je suis ton récit avec attention.

Je le trouve tout simplement génial.

L'intrigue est ficelée de main de maître et les personnages possèdent une profondeur que l'on ne retrouve hélas pas dans tous les récits.

Tout ça pour dire que ton chapitre est trop court et que la suite s'impose....

Criomega en mal de monde dévasté par l'hérétique....

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  • 1 mois après...
  • 3 semaines après...

C'est aujourd'hui le début du troisième chapitre de la Croisade de la Bannière Noire. Dans le dernier épisode, les légions renégates débarquaient sur Jomark après avoir balayé la flotte loyaliste, les défenseurs de Sylon se préparaient au siège et le chapelain Kirius tentait d'atteindre la surface de la planète.

Au menu de ce soir, un aperçu de l'ambiance à Sylon et l'apparition de nouveaux personnages. Promis, dès le prochain ajout, on va s'occuper sérieusement des légions fraîchement arrivées au sol. :)

Je remercie tous ceux qui postent ici, vos encouragements et vos critiques sont toujours les bienvenus ! :D

Et sans plus attendre :

[Edit : chapitre 3 déplacé un peu plus bas]

Modifié par The Last Sword
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Hé hé, tu doubles l'intrigue, tu mets de la politique, des coups fourrés de la part de la bannière noire, bref, tu joues sur toutes les nuances de gris, et c'est beau...

Bon courage pour la suite et merci... :clap:

Yohann, nuancier de rose bonbon...

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  • 2 semaines après...
Invité DRAGON DE SANG

tres tres bien la lecture et agréable, le style jeune et agressif le scénario palpitant

QUE DU BONHEUR A LA LECTURE

bonne continuation :):P et vive le chaos

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  • 1 an après...

Tic tac tic tac... Le temps a passé depuis la dernière fois que j'ai posté ici. :D Malgré les apparences, je n'ai pas abandonné la Bannière Noire. La suite est même écrite depuis un moment, bien que beaucoup moins que ce que j'aurais souhaité. Mais bon, pas de lamentations. :'(

Un rafraîchissement de mémoire fera certainement du bien aux anciens et nouveaux lecteurs : voici donc le résumé des épisodes précédents. :P

Tibère Valens est le maître du Chapitre des Metamarines. Pour venir en aide à la planète Jomark, forteresse impériale assiégée par les armées d'un empire renégat en formation, il lance les Metamarines dans une croisade. Mais sur place, la bataille spatiale tourne au désavantage des forces loyalistes et l'ennemi lance un débarquement massif. Désormais pour les marines et les loyalistes, le seul objectif est de tenir le plus longtemps possible en attendant que l'Imperium rassemble ses forces.

Kirius est l'un des chapelains du Chapitre. Embarqué dans l'un des vaisseaux avec quelques-hommes, il a réussi à évacuer le croiseur en perdition et à aborder un navire ennemi, mais celui-ci a été abattu avant qu'il ne puisse trouver un moyen de rejoindre la surface de la planète.

Pendant ce temps Memnon, Seigneur-Intendant de la Bannière Noire, surveille les avenirs possibles pour assurer sa victoire. Il voit plus loin que Jomark : il a vu l'avenir de l'humanité et pour éviter sa chute, il veut renverser l'Empereur et instaurer le Second Imperium. Mais pour cela, les loyalistes doivent ployer devant lui...

Le texte du premier chapitre est disponible en PDF sur ce site.

Et maintenant, la suite du chapitre 3 ! A vos critique. ^_^

Chapitre 3 : Légions

Les sœurs de bataille du Couvent du Saint-Calice descendaient en ordre de bataille la grande avenue qui reliait la Cité Sainte à la Porte d’Ishtar. Ce grand axe de circulation traversait la ville en ligne droite. Les soeurs étaient suivies par des pénitents et des flagellants, membres de milices religieuses qui promettaient la rédemption en échange d’une mort violente au service de l’Empereur. Au total à peine plus de cinq mille personnes, comptant plus sur leur fanatisme que sur leurs compétences militaires pour vaincre. Tout ce monde s’en allait en grande pompe affronter seuls les légions de la Bannière Noire, sous les acclamations de la foule.

De part et d’autre de l’avenue les habitants leur faisaient une haie d’honneur. Les sœurs gardaient un air digne tandis que leurs miliciens essayaient tant bien que mal d’adopter une attitude martiale. Des serviteurs encapuchonnés perdus sous leurs bures les escortaient en agitant des encensoirs. Des chants religieux s’élevaient de la colonne bigarrée, repris en chœur par les badauds venus en nombre.

Tibère Valens et Maximin, le capitaine de la première compagnie, se tenaient sur les murailles de roche noire à l’écart de l’agitation. Le rempart naturel était plus bas à l’est et à cet endroit son sommet avait été aménagé en un large chemin de ronde. Les deux marines regardaient le spectacle baroque de là-haut.

- "Tu es au courant ?" demanda Valens.

Maximin était le seul marine que le Maître de Chapitre tutoyait. Au sein d’un Chapitre, les guerriers sont tous des frères les uns pour les autres, mais c’était encore plus vrai en ce qui les concernaient. Les deux hommes avaient fait leurs premières armes ensemble, dans la même escouade de scouts puis la même escouade tactique.

Aujourd’hui ils occupaient les deux postes les plus élevés dans la hiérarchie des Metamarines. En plus d’être capitaine de la première compagnie, celle des vétérans, Maximin était le Maître des Lames, le chef de la Garde du même nom qui assurait la sécurité du Maître de Chapitre. Une amitié indéfectible les liait, forgée par des décennies de vie commune.

- "Quoi ?" demanda Maximin en reportant son regard sur lui.

- "Le chanoine a bénit les sœurs et leurs miliciens devant la Basilique, pour qu’on voit bien la cérémonie depuis le palais du gouverneur. La cité est presque assiégée mais ce vieillard ne pense qu’à marquer un point dans la lutte d’influence qui l’oppose au Departmento Munitorum. C’est pitoyable."

- "Et voué à l’échec. Que peut-il espérer en envoyant ses soldats au massacre ?"

- "Je pense qu’il compte sur une escarmouche, une embuscade, n’importe quel succès mineur qui deviendrait une victoire éclatante grâce aux miracles de la propagande. Les magouilles habituelles." répondit Valens d’une voix lasse.

- "À les voir, je doute que les miliciens en soient capables."

- "Qui sait ?"

Les deux marines reportèrent leur attention sur la procession qui atteignait maintenant la Porte d’Ishtar. Juste au-dessus du tunnel creusé dans la roche qui y donnait accès, sur le chemin de ronde, d’autres adeptes haut placés de l’église officielle de l’Imperium étaient venus les saluer. Des serviteurs jetaient des fleurs qui tombaient en pluie sur les soldats quittant la ville.

- "Tout ces petits dignitaires qui se gargarisent de leur insignifiance et qui n’ont jamais pris les armes pour défendre leur liberté… La guerre est à leurs portes et ils n’y voient qu’un moyen pour accroître leurs pouvoirs." gronda le maître du Chapitre. "Je paierais cher pour les voir en première ligne, à la place des pauvres gars qui vont se faire trouer la peau pour eux dans quelques jours."

- "Ils auraient au moins le mérite de distraire nos ennemis." fit Maximin, pince-sans-rire. "Mais ce n’est de toute façon pas pour eux que nous nous battons."

Tibère Valens acquiesça. La seule raison de leur présence ici, c’était la défense des milliards d’hommes anonymes qui vivaient sur Jomark et ceux bien plus nombreux qui peuplaient l’Imperium.

- "Rentrons." fit-il en commençant à s’éloigner. "Il est temps de commencer à harceler les légions."

Maximin lui emboîta le pas.

__

Les quatre hommes regardaient d'un oeil morne l'écran d'ordinateur réglé sur la télévision, affalés sur des chaises inconfortables. Ils avaient conservés leurs treillis polaires bien rembourrés car l'habitacle de leur véhicule n'offrait qu'une chaleur toute relative. Au-dehors le vent glacial semblait les narguer en secouant à chaque bourrasque l'auto-chenille sur ses suspensions. Mais rien ne semblait pouvoir détourner les soldats abrutis de fatigue de leur contemplation silencieuse.

Le commandant Caryandra occupait deux chaises, une pour son corps et une pour ses jambes. Perdu au milieu de l'inlandsis, l'immense glacier continental du pôle nord de Jomark, c'était le seul privilège que pouvait lui apporter son rang. En temps normal il dirigeait une compagnie d'environ cinq cents gardes impériaux, mais il avait sauté sur l'occasion de partir en patrouille pour un mois et de quitter temporairement les souterrains de Taqba. Ses hommes étaient capables de se débrouiller sans lui. De toute façon, là où son régiment avait été affecté, il n'y avait tout simplement rien à faire. C'était le dernier endroit où l'ennemi débarquerait.

La télévision était réglée sur la chaîne officielle des armées impériales de Jomark, la seule qu'ils recevaient. Le signal arrivait jusqu'à Taqba par des câbles souterrains depuis une station-relais aux pieds de l'inlandsis. Cet avant-poste était le seul lien avec le monde au-delà du désert blanc qui les cernaient. Taqba relayait ensuite le signal à moyenne portée, à l'intention des patrouilles comme la leur. Caryandra écoutait sans s'y intéresser vraiment la voix-off débiter son flot de propagande. Tout le monde savait que les informations étaient caviardées ou même mensongères, mais au moins cela changeait les idées.

Il entendit ainsi comment la flotte avait vaillamment résisté avant d'opérer un « repli tactique », reportage illustré par de magnifiques images prises depuis le sol où l'on voyait quelques points lumineux s'agiter dans un ciel bleu. Il apprit ensuite comment l'ennemi avait pu débarqué à la surface de Jomark après la capture par traîtrise de plusieurs silos de défense sol-espace (mais qui, bien entendu, ne tombèrent qu'au bout de longues heures de combats acharnés et héroïques). Le nombre de sites de débarquement sur la carte qui accompagnait le commentaire était clairement sous-estimé. Mais le gros de la soirée fut consacré à un reportage sur les armées de Sylon se préparant à défendre victorieusement la capitale. Après des images de soldats défilant au pas ou s'installant dans des bunkers et autres tranchées, ils eurent droit à l'interview d'un sergent vindicatif de la Garde d'Ishtar. Malheureusement il fut interrompu au beau milieu de sa tirade patriotique et l'écran devint noir.

- "Qui a encore joué avec la télécommande ?" lâcha Caryandra d'une voix lasse.

Tous les regards se tournèrent vers l'un des hommes, avachi sur sa chaise. Il leva les mains en signe de protestation.

- "J'ai rien fait cette fois !" fit-il en prenant un air d'innocent injustement accusé.

- "Bon. Alors c'est l'antenne qui nous lâche." soupira le commandant.

- "C'est bon, j'y vais." fit le technicien-communication sans enthousiasme.

Il se leva, rabattit sa capuche pour se protéger du vent, prit une lampe-torche et sortit du véhicule. Caryandra l'entendit gravir l'échelle sur le côté de l'auto-chenille puis marcher sur le toit. Il y eut ensuite quelques bruits tandis qu'il manipulait l'antenne. Mais on entendait surtout le vent. Maintenant que le son de la télévision ne le couvrait plus, il semblait mugir plus fort que jamais. Les secondes s'égrènèrent.

Des bruits de bottes se firent à nouveau entendre sur les échelons mais l'écran demeurait obstinément éteint. Quelques instants plus tard le technicien rentra et referma la porte derrière lui le plus vite possible.

- "Alors ?" demanda laconiquement Caryandra.

Malgré ses précautions l'homme avait rapporté avec lui un peu du gel glacial qui régnait à l'extérieur. L'atmosphère s'était brutalement rafraîchie, tirant le commandant de sa torpeur.

- "Alors rien. L'antenne n'a aucun souci. Si on ne reçoit rien c'est qu'il n'y a plus d'émission, il n'y a pas d'autre explication."

- "Voyons voir s'ils ont le même souci à côté." fit le commandant en tendant la main vers l'interphone. "Allô, Ménès ? La télé a coupé chez nous, vous avez le même problème ?"

- "Oui, c'est pareil ici." répondit le dénommé Ménès au milieu de la friture. "On ne capte plus de signal et c'est pas à cause du matériel."

- "Ok, j'espère que ça va pas durer."

Caryandra coupa la communication et se redressa sur sa chaise. Une panne, se demanda-t-il ? Ce serait bien la première fois. Il n'y avait aucune raison de craindre autre chose, mais il ne put pourtant pas étouffer l'inquiétude qui s'insinua en lui, semblable à une morsure. Comme si le gel s'était glissé en lui, jusqu'à son coeur. Il s'efforça de se persuader que ce sentiment était lié à leur isolement au milieu de nulle-part et rien d'autre.

- "On dirait qu'on va se coucher plus tôt que d'habitude ce soir." lança-t-il pour détendre l'atmosphère.

La plaisanterie tombait à pic et les autres rirent de bon coeur. Mais sans tromper personne.

_____[ajout du 30/01/09]____

La nuit était tombée depuis peu sur Sylon. Le convoi aérien se dirigeait vers la capitale depuis le sud-est. Seules les veilleuses clignotantes de position, aux extrémités des véhicules Metamarines, permettaient de les repérer dans l’obscurité. Les space marines les avaient allumées en approchant de la cité pour que les défenseurs ne les confondent pas avec d’éventuels appareils ennemis. Avec le couvre-feu, la ville était aussi noire que l’enceinte rocheuse qui la protégeait.

La colonne de thunderhawks, de landspeeders et de chasseurs revenait d’une série de raids et d’embuscades contre les légions qui convergeaient vers Sylon. Ils avaient portés plusieurs coups durs aux renégats, mais ils étaient tellement nombreux que c’était comme essayer d’arrêter une vague avec une épée.

Alors que le convoi arrivait au-dessus des fortifications dans la plaine, un landspeeder tornado vira en vrombissant sur la droite, escorté par quatre chasseurs opérons à la silhouette caractéristique. L’antigrav était un landspeeder dont la partie centrale avait été rallongée pour permettre de transporter une dizaine de space marines. Il n’y avait ni porte ni garde-fou.

Tibère Valens se tenait d’une main à une barre de maintien. Il regardait la première ligne de défense défiler sous lui. Sur des kilomètres, jusqu’aux remparts de roche de Sylon, la plaine était creusée de tranchées et couvertes de bunkers, de barbelés et de champs de mines. Tout l’art de la Garde en matière de génie militaire. Un réseau souterrain, des réserves de munitions et de nourriture, des hôpitaux de campagne, des ateliers de réparation, et des dizaines de milliers d’hommes et de femmes.

Quand le speeder entama sa descente, les opérons s’écartèrent et décrirent des cercles autour de lui pour le protéger. Valens aperçut en-dessous le bunker qui était sa destination. Une minute plus tard, l’antigrav s’immobilisa en vol stationnaire à un mètre au-dessus du toit. Il sauta, suivit par deux marines de sa garde. Deux autres marines les attendaient, et Valens reconnut parmi eux le capitaine Vestus, de la troisième compagnie.

- “Seigneur.” fit le capitaine en saluant.

- “Capitaine.” répondit Valens en lui rendant son salut. “Vous avez bien fait en me prévenant immédiatement. Où est-elle ?”

- “Nous l’avons mise à l’écart dans notre bunker avant qu’elle n’ait pu entrer en contact avec la troupe.”

- “Parfait. L’effet sur le moral des soldats aurait été désastreux. Conduisez-nous, capitaine.”

Le capitaine acquiesça puis se dirigea vers la porte menant vers l’intérieur du bunker. Valens lui emboîta le pas, ainsi que les marines. Les cinq hommes s’enfoncèrent dans les entrailles du colosse de béton, jusqu’aux dortoirs. Les space marines n’en ayant aucune utilité, on les avait reconverti en dépôts. Un marine était posté en faction devant la porte blindée.

- “Je vous préviens, seigneur, il semble qu’elle n’ait plus toute sa tête. Nous avons essayé de la soigner, mais elle refuse de se laisser approcher et de se nourrir.”

Le Maître de Chapitre hocha la tête sans rien dire. Le choc avait certainement été rude pour elle. Il fit signe au garde d’ouvrir la porte, et se prépara mentalement.

La pièce était plongée dans la pénombre. Il mit quelques instants à la repérer, recroquevillée à même le sol dans l’un des angles. Il s’approcha doucement. Il reconnut l’uniforme du couvent du Saint-Calice, malgré la saleté qui le recouvrait. Il entendait un léger bruit provenant de la forme allongée, comme si elle chantonnait pour elle-même.

- “Ma sœur ?” demanda-t-il en brisant le silence.

La sœur de bataille se retourna vivement, comme si elle se rendait brusquement compte de sa présence. Il eut un choc en voyant son visage. Toute arrogance avait disparue de l’expression de la révérende-mère, remplacée par celle d’un animal pris au piège. Il s’accroupit en restant à distance pour ne pas l’effrayer davantage.

- “Ma sœur ?” tenta-t-il à nouveau.

La révérende-mère Sulpicia sembla s’apaiser un peu.

- “Mes sœurs ?” fit-elle d’une petite voix. “Oui… Ce sont mes anges… Je suis dure avec elles, mais c’est pour leur bien, vous savez ?”

Valens lut dans ses yeux qu’elle attendait une réponse de sa part.

- “Oui, je sais.” répondit-il en essayant de rendre sa voix la plus douce possible. “Que leur est-il arrivé ?”

- “Mes petits anges…” Il vit des larmes briller dans ses yeux. “Ils ont brisé leurs ailes.” finit-elle d’une toute petite voix qui lui fit mal au cœur.

La révérende-mère recommença à chantonner doucement et se recroquevilla, comme un chat blessé qui ronronne pour se rassurer. Sentant qu’il ne pouvait rien faire de plus, le Maître de Chapitre se redressa, le cœur lourd. Il ressortit de la pièce et fit signe au garde de refermer la porte. Il retourna en direction du toit du bunker, suivit par le capitaine Vestus et son escorte.

- “Capitaine, faites-la emmener au palais du gouverneur et remettez-la lui. Et que personne ne la voit en-dehors de lui et de la garde d’Ishtar.” ordonna le guerrier-phœnix en arrivant à l’air libre.

- “Allez-vous l’accompagner ?” demanda Vestus.

- “Non, je reste ici.” répondit Valens en se tournant vers l’horizon. “Regardez.”

Celui-ci n’était plus noir. La limite entre ciel et terre brillait de milliers de petites lumières. Une armée en marche. Les légions étaient enfin arrivées. Elles avaient vaincu la première force loyaliste qui les avaient combattues, et elles s’installaient maintenant pour un siège, juste au-delà de la portée des pièces d’artillerie. Demain, peut-être même dès cette nuit, le bombardement commencerait. Très vite suivi par l’assaut.

Tibère Valens avait du mal à savoir ce qu’il ressentait. La perspective du combat le réjouissait. C’était sa raison de vivre, la seule. Son existence n’avait pas d’autre but que d’affronter les ennemis de l’Imperium. Mais savoir qu’il allait combattre d’autres hommes l’attristait. La paix échappait une fois de plus à l'humanité par sa seule faute.

Le hurlement d’une sirène déchira la nuit. Une sentinelle avait dû repérer les lumières elle aussi. D’autre sirènes s’élevèrent, de proche en proche. Valens imagina les soldats qui se réveillait en sursaut, se précipitant à moitié endormis sur leurs armes. Et les habitants de Sylon, vieillards, femmes et enfants, désarmés, vulnérables, arrachés à leurs rêves pour s’éveiller dans un cauchemar. La sirène gagnait encore en puissance et en intensité, dissipant les illusions de paix et révélant la vraie nature de l’univers. La guerre. La guerre totale. La guerre universelle.

____[Ajout du 15/02/2009]____

Caryandra était en train de remplir de thé son gobelet quand une rafale de vent plus forte que les autres fit trembler l'autochenille, renversant une partie du liquide. Il ferma le robinet de la fontaine et la fusilla du regard avant de prendre un torchon pour essuyer. Il s'apprêtait à savourer enfin sa boisson après y avoir ajouté une cuillerée de miel quand il fut à nouveau interrompu.

- “ Commandant ! La liaison avec Taqba est rétablie ! ” fit une voix en provenance de la cabine de pilotage.

Il but une gorgée puis soupira en traversant l'habitacle bondé. Les soldats en train de prendre leur petit-déjeuner s'écartèrent pour le laisser passer. Il passa par une petite porte au fond et entra dans la cabine minuscule. En plus des deux sièges des conducteurs, il y avait un poste de radio et à peine la place pour une quatrième personne de se tenir juste à côté. Caryandra posa son gobelet sur le plan de travail du radio qui l'avait appelé et prit un des casques accrochés sur le poste.

- “  Taqba ? Ici le commandant Turpal Caryandra, vous me recevez ? ”

- “  Nous vous recevons cinq sur cinq. Content de vous entendre, ici le commandant Tamir. ” fit son interlocuteur, dont le soulagement s'entendait dans la voix.

Tamir était à la tête d'une autre compagnie du régiment de Caryandra, le 111ème Jomien, affecté à la base de Taqba. Mais pourquoi diable était-il occupé à rétablir le contact avec la patrouille à la place des opérateurs radios ? Le commandant eu un mauvais pressentiment.

- “ Content de vous entendre, moi aussi. Pendant quelques heures, nous avons eu peur d'être complètement isolés au milieu de ce bloc de glace. ” répondit Turpal. “ Quelle est la situation à Taqba ? ” ajouta-t-il, en craignant la réponse.

- “ J'ai de très mauvaises nouvelles. La station relais a été détruite au cours de la nuit dernière par un vaisseau ennemi en orbite. Le colonel était sur place au moment de l'attaque. Il n'y a aucun survivant. ”

Caryandra se mordit la lèvre.

- “ Qui commande le régiment ? ” demanda-t-il.

- “ J'assume le commandement de Taqba pour le moment. ” Son interlocuteur marqua une pause. “ Une équipe tente de passer par un satellite pour contacter Sylon, mais ils en sont réduits à bricoler. Les géniaux concepteurs de Taqba n'ont apparemment pas pensé qu'un deuxième système de communication en plus de la station relais serait utile. En attendant, nous sommes totalement coupés du reste de Jomark. ”

Le commandant hocha de la tête silencieusement.

- “ J'ai rappelé les patrouilles pour regrouper les officiers. Nous verrons ensuite ce que nous pouvons faire... ” Il entendit Tamir soupirer. “ Mais avant que vous ne reveniez j'ai une tâche pour vous. Un vaisseau s'est désintégré hier dans l'atmosphère, au niveau du cercle polaire. Les radars ont accroché un écho assez gros pour être une nacelle de sauvetage qui aurait atterri, ou se serait écrasé, à vingt kilomètres au nord nord-est de votre position actuelle. J'aimerais que vous y jetiez un œil. Si c'est bien un engin de sauvetage, voyez si ses occupants sont des nôtres. Si ce sont des traîtres, capturez-les. Rentrez ensuite à Taqba. ”

- “ Bien compris. Nous serons de retour demain à la mi-journée. ” répondit Caryandra.

- “ Parfait. Nous nous verrons à la réunion. J'espère que nous trouverons un moyen de contribuer à la guerre. ”

- “ J'espère aussi. ” fit le commandant, taisant ses doutes.

- “ Tamir, terminé. ”

Caryandra ôta le casque et resta sans bouger. La situation se détériorait à vue d'œil. Au rythme où allaient les choses, Taqba serait peut-être bientôt le dernier bastion loyaliste de Jomark... Auquel cas ils n'auraient plus qu'à se rendre, car même si l'ennemi ignorait vraisemblablement leur existence, ils étaient totalement insignifiants d'un point de vue militaire. Il retourna dans l'habitacle et frappa dans ses mains. Le silence se fit rapidement.

- “ La situation est mauvaise, les gars. La station relais a été détruite. Nous retournons à Taqba en faisant un crochet par le nord. Nous avons un site de crash à inspecter. Départ dans un quart d'heure. Allez, au travail ! ”

Ses hommes se mirent immédiatement à la tâche, rangeant les restes du petit-déjeuner et arrimant tout ce qui n'était pas vissé à la carlingue. Il les laissa s'affairer et retourna dans la cabine. Le privilège des soldats, c'était de ne se préoccuper que d'obéir aux ordres. A lui les doutes et les incertitudes. Ou plutôt la quasi-certitude de s'agiter en vain. Il s'ingéniait pourtant à maintenir l'image d'un homme résolu, ainsi qu'il sied à un officier. Rien de plus qu'un masque. Il se demandait parfois pourquoi il continuait à jouer ce rôle. Est-ce que cela changerait quelque chose à la marche de l'univers s'il cessait de faire semblant ? La seule réponse qu'il avait trouvé, c'était qu'il continuait par habitude. Pourtant cela avait eu un sens. Avant. Ou bien n'était-ce qu'une illusion ?

- “ Contactez l'autre autochenille et prévenez-les. ” dit-il au radio.

Les habitudes avaient la peau dure, même quand elles semblaient absurdes. Il s'apprêtait à repasser dans l'habitacle quand le jeune soldat le rappela.

- “ Commandant ? Votre thé. ” fit-il en désignant le gobelet abandonné sur sa tablette.

- “ Merci. ” répondit Caryandra. Il l'avait complètement oublié.

Il prit son gobelet et le porta à ses lèvres. Le thé avait largement eu le temps de refroidir et il était à peine tiède. Il se força tout de même à le boire. Comme la vie qui passe, pensa-t-il tout en regardant le glacier sans fin qui s'étendait au-delà de la vitre, plongé dans la nuit polaire.

___

Kirius regardait les véhicules approcher. C’étaient deux autochenilles massives, peintes en blanc pour se fondre dans le décor. L’aigle impérial couleur argent se voyait à peine sur leurs flancs. A leur bord, une patrouille impériale qui venait à leur secours après avoir capté le signal de leur balise de détresse. Un miracle. Ils avaient réussi à survivre à la destruction du croiseur, à échapper à la DCA ennemie et à se poser intacts, dans l’endroit le plus isolé de la planète. Et une patrouille les avaient trouvés. Un miracle. Mais Kirius ne croyait pas au hasard.

Les véhicules s’arrêtèrent à une dizaine de mètres et cinq hommes en descendirent. Leurs treillis blancs se confondaient eux-aussi avec la neige. L'un des gardes portait des galons de commandant de compagnie sur les épaules. Il s’avança le premier et salua respectueusement. Kirius lui rendit son salut. Il avait ôté son casque pour tenter de paraître moins impressionnant.

- “ Commandant Caryandra, de la troisième compagnie du Cent-onzième Jomien, à vos ordres. ”

- “ Chapelain Kirius, septième compagnie des Metamarines. ” répondit-il. “ Je suppose que c’est la première fois que vous rencontrez des space marines, commandant ? ”

- “ Oui, monsieur. ” acquiesça Caryandra.

- “ Dites mon père, pour vous adresser à moi. Bon. Sachez que la plupart de ce que vous avez entendu sur nous est faux. La seule chose à savoir, c’est que tous deux nous servons l’Empereur. ”

- “ Oui, mon père. ” répondit respectueusement le commandant.

- “ Bien, ” fit Kirius avec un sourire qu’il voulait bienveillant. “ où est la base dont vous m’avez parlé à la radio tout à l’heure ? ”

- “ A une soixantaine de kilomètres à l’est d’ici. Nous y serons demain midi environ, en partant tout de suite. ”

- “ Alors ne perdons pas de temps. ”

Kirius et les deux space marines qui l’avaient accompagné dans la nacelle emboîtèrent le pas au commandant, abandonnant le vaisseau de secours derrière eux.

___

Le trajet en autochenille fut silencieux. Une partie des soldats avait dû se rendre dans le deuxième véhicule pour laisser la place aux trois space marines de rentrer. Malgré tout, ils étaient serrés. Les gardes impériaux, intimidés par la présence des trois colosses, ne parlaient pas entre eux. Le véhicule n'avait pas été conçu pour des gens aussi grands et Kirius était obligé de se tenir un peu courbé, ce qui ajoutait à l'inconfort.

Au bout de longues heures, l'un des pilotes annonça qu'ils étaient presque arrivés. Le chapelain se pencha pour regarder par le pare-brise. Le blizzard s'était levé et un vent chargé de neige balayait le paysage désolé. Devant eux, deux puissants phares déchiraient la tempête et la nuit. Quand ils furent un peu plus proches, il vit que les projecteurs encadraient une porte blindée qui se découpait dans un massif rocheux surgissant du glacier comme un monstre à moitié enseveli. Gravés sur les vantaux, il lut les mots Departmento Munitorum et Taqba. La chaîne de montagne engloutie par les glaces se perdait derrière dans la nuit et le blizzard. Les autochenilles s'engagèrent sur la rampe. Les portes s'ouvrirent devant elles, et elles s'enfoncèrent dans les entrailles de l'inlandsis polaire.

___[Ajout du 26/02/2009]___

Les trois landspeeders sirocco s'élevèrent en formation triangulaire dans la cour de la forteresse puis décrirent un cercle et fondirent vers l'est dans un bruit de frelons en colère. Ils passèrent au-dessus de ce qui restait de la muraille de la vieille ville de Sylon et plongèrent vers les quartiers plus récents en direction de la Porte d'Ishtar. Devant eux, encore à une bonne distance, la muraille de basalte de la capitale barrait l'horizon bleu du ciel. A leur droite s'étendait le quartier du marché, reconnaissable d'en-haut aux étoffes colorées abritant les étals du soleil. Les maisons y formaient un un entrelacement bruyant de ruelles, de terrasses, de passages étroits et de places où l'on pouvait trouver tout ce qui était produit sur la planète et bon nombre de marchandises d'outre-espace. Plus loin sur leur gauche, niché contre le rempart de basalte et la muraille de la vieille ville qui s'élevait comme une falaise à cet endroit, se trouvait le Fazõn. Ce quartier avait pris le nom du vent chaud qui adoucissait les nuits d'été. C'était le refuge des maisons de jeux et de toutes les activités illégales. On était sûr d'y trouver ce que l'on avait cherché en vain au marché. Sous eux s'étalait une mer de terrasses et de dômes aux allures de conte des milles et une nuits, parsemée de jardins comme autant d'îles vertes. Et droit devant, derrière la crête sombre, les légions de la Bannière Noire.

- « La première ligne de défense a cédé en plusieurs points. La garde se retire en bon ordre suivant le plan prévu sur la deuxième ligne, mais il y a un problème. Une colonne ennemie a atteint le bunker 732 au nord de la Porte d'Ishtar et s'y est retranchée. La Bannière Noire envoie déjà des troupes pour exploiter la percée. S'ils y parviennent, ils pourront prendre à revers nos forces en train d'évacuer et fragiliser le dispositif de défense de la porte. Le gouverneur... »

Valens interrompt son briefing devant le groupe d'assaut en voyant Orion se glisser dans la pièce. L'agent porte cette fois un uniforme de serf du Chapitre. Orion le rejoint silencieusement.

- « J'ai de très mauvaises nouvelles d'Ispahan. » lui glisse t-il à voix basse. « La cité s'est rendue sans combat. Le régiment de la Garde a été mis aux arrêts par les FDP et il semblerait que la ville ait envoyé dans la nuit des renforts aux légions qui nous assiègent. J'attends la confirmation de cette information d'un instant à l'autre mais j'ai préféré vous prévenir immédiatement. »

- « Merci Orion. Rejoignez-moi dans mon bureau dès mon retour avec les dernières informations. » fait-il en hochant de la tête.

- « Le gouverneur nous a demandé... » reprend-il tandis que l'agent quitte la pièce.

A l'approche du rebord de la cuvette rocheuse, les trois landspeeders reprirent de l'altitude, leurs moteurs vrombissant sous l'effort. Sur la ligne de crête, les batteries d'artillerie camouflées ouvrirent le feu comme pour les saluer. Les appareils franchirent le rempart en grondant et plongèrent vers la plaine. Elle semblait en feu du nord au sud. Des colonnes de fumée s'élevaient de partout, plus nombreuses aux endroits où les armées de la Bannière Noire concentraient leurs efforts. Des troupes fraîches arrivaient sans cesse de derrière les collines où les renégats avaient installés leurs campements. A cette hauteur on ne distinguait rien des affrontements qu'on devinait furieux. La vision fugitive disparut alors que les aéronefs virèrent sur leur droite pour longer les tranchées en rase-motte. Reconnaissant des véhicules appartenant aux space marines, les soldats au sol les saluèrent avec de grands gestes.

- « … a demandé de reprendre le bunker. Le 732 est désormais isolé et indéfendable, mais l'ennemi ne doit pas pouvoir s'en servir comme point d'appui pour ses offensives. Nous devrons le détruire avant de repartir. Temps estimé : deux minutes pour l'approche, quatre minutes pour nettoyer les lieux, huit pour placer les charges, trois pour l'évacuation. Nous quitterons le bunker à pied, nous serions vulnérables si les landspeeders revenaient nous chercher. Cette mission est avant tout l'occasion de nous montrer, à nos troupes comme aux renégats, alors je veux que tout soit impeccable ! »

Les marines acquiescèrent en silence. Valens fit apparaître des plans de bâtiment sur le projecteur holographique portable.

- « Vous emporterez des charges à fusion Aquila-6ZZ. Nos artificiers ont déterminé les endroits où les placer pour imploser la structure du bunker, ici, là... »

Les trois aéronefs poursuivaient à vive allure leur vol vers le nord.

- « Seigneur, nous arrivons en vue du 732. » fit la voix du pilote.

Se retenant d'une main aux sangles accrochées au plafond de l'habitacle, Valens se pencha par le flanc ouvert de l'appareil. Le bunker se détachait sur l'horizon, petit hexagone en béton émergeant au sommet d'un tertre qui abritait sa partie souterraine, bien plus grande. Il grossissait à vue d'œil. Les épaves, les cratères et les corps sur les flancs de la butte attestaient de la violence des combats. Les landspeeders amorcèrent en ralentissant une large courbe qui les amènerait au-dessus du bunker avant de repartir vers Sylon. Le maître de Chapitre tourna la tête vers les six marines qui occupaient l'intérieur de l'appareil.

- « Tenez-vous prêts, frères. »

Valens ferma les yeux et respira profondément. Le grondement des moteurs, le souffle du vent et le bruit des combats s'atténuèrent à chaque inspiration jusqu'à ne plus former qu'un faible bruit de fond d'où ne ressortaient que les sons importants. Chaque fibre de son corps et de son armure pouvait réagir dans l'instant. Il était prêt. Le large virage des landspeeders les avaient amenés à la verticale du bunker au moment précis où leur vitesse était suffisamment faible pour permettre aux passagers de sauter. Une diode rouge s'alluma dans son casque.

L'hexagone de béton surgit en-dessous de l'aéronef. Il sauta dans le vide, imité par les marines des trois appareils. L'impression de temps ralenti procurée par la transe d'Achéon lui laissa largement le temps de repérer les soldats pris au dépourvu par leur arrivée soudaine dans le ciel. Il eut aussi tout le temps de se préparer à la réception. Il fléchit les jambes pour absorber le choc des huit mètres de chute et utilisa l'énergie restante pour rebondir tout en dégainant son pistolet à plasma. Un trait de laser fusa mais il était déjà deux pas sur la droite. Il visa calmement le soldat et tira. La boule de plasma explosa sur son torse, projetant au sol son cadavre carbonisé. L'aboiement sauvage des bolters s'éleva derrière lui et les légionnaires furent fauchés comme le blé. Un renégat tenta d'échapper au carnage en filant par les escaliers. Valens l'ajusta. L'impact envoya voler le soldat en feu par-dessus le rebord du bunker. Les marines d'assaut s'engouffrèrent dans les escaliers accompagnés par le rugissement sauvage des épées-tronçonneuses que l'on démarre.

Il ne les suivit pas. Il resta sur le toit, laissant la transe se dissiper. Les bruits revinrent, étrangement nets après le silence apaisant. Le drapeau noir des légions se dressait sur un pylône improvisé avec une barre de métal. Un tir de plasma suffit pour y mettre le feu. L'étendard impérial, aigle bicéphale d'argent sur blanc, gisait au sol. Un bolt avait projeté du sang dessus en déchiquetant sa victime. Il se saisit de la hampe et rejoignit le bord du toit. Avec un sens certain de la mise en scène, il posa un pied sur le rebord, brandit l'étendard de la main gauche et dégaina son épée énergétique de la droite avant de pousser au maximum le volume de son casque.

- « Terra victor ! » hurla t-il.

Son cri attira l'attention des soldats dans les tranchées alentours. Il le poussa à nouveau et cette fois quelque échos enthousiastes s'élevèrent. Il cria une troisième fois et entendit nettement « terra victor » en provenance des lignes loyalistes où des soldats le saluaient en agitant leur casque ou leur fusil. Devant, dans la plaine, la colonne adverse qui venait appuyer les légionnaires retranchés dans le bunker s'immobilisa. Leur commandant devait s'être aperçu qu'il n'était plus attendu... Valens cria une dernière fois et une véritable clameur lui répondit.

___

Memnon baissa ses jumelles. Sauvagerie, puissance, une poignée de guerriers stoppant à eux seuls une force armée bien plus imposante, le drapeau pour galvaniser la troupe... Pas une seule fausse note dans l'assaut qu'il venait d'observer depuis la colline où il avait installé son PC. Parfaitement mis en scène. Il sourit. Profitez de votre succès, seigneur Valens. Avant la fin de la journée, j'aurai les positions cruciales pour les deux prochains jours qui décideront de la guerre... Et il n'y a pas d'échec possible.

___[Ajout du 26/02/2009]___

L'ironie de la situation laissait un goût amer dans la bouche de Kirius. Il n'avait mené les survivants de l'Ultime Croisé à l'abordage que pour mieux les condamner sur un autre navire. Contre toutes les probabilités, il avait échappé à la désintégration du vaisseau spatial, aux débris en fusion et à la DCA pour s'écraser au cœur du glacier géant du pôle nord avec en tout et pour tout deux marines, seuls survivants du contingent sous ses ordres. Frère Meirion était porté disparu comme les autres. Par miracle une patrouille les avait repéré et était venu à leur rencontre. Encore plus incroyable, celle-ci les avait ramenés jusqu'à une large base militaire souterraine. Et tout ça pour rien. Le chapelain s'était entretenu avec les officiers supérieurs et il s'était rapidement avéré qu'ils étaient complètement dépassés par la situation. Il n'était pas loin de se sentir comme eux. Taqba, la base, était totalement isolée du reste de la planète, perdue au milieu de l'inlandsis et militairement insignifiante. D'après ce qu'il avait compris dans le sabir de haut-gothique qu'ils parlaient, Taqba était essentiellement un genre de barrage sur un fleuve souterrain et le contingent militaire était surtout symbolique.

On avait attribué trois des meilleures cellules aux marines à leur arrivée, et Kirius s'était retiré dans la sienne pour ordonner ses idées et tenter de combattre le sentiment d'impuissance qui montait en lui. La pièce était très simple, taillée à même la roche de la montagne prise sous les glaces. On ne voyait cependant pas la pierre car les murs, le sol et le plafond était recouverts d'un d'un plastique transparent à travers lequel on devinait le matériau isolant le plus abondant dans la région : la neige. Le froid émanant de la roche maintenait l'eau à l'état solide. De ce qu'il en avait vu, la totalité de la base était bâtie sur ce modèle. Des diodes placées à des endroits étudiés dans le plastique diffusaient leur lumière dans tout le matériau, donnant l'impression que l'éclairage provenait des parois même. Le mobilier était très simple : un bureau, une chaise et un lit double sans doute récupéré chez l'un des officiers supérieurs pour convenir à la carrure d'un marine, le tout en bois. Kirius s'y sentait comme un lion en cage. Au bout d'une heure il ne tint plus et se dirigea vers la porte, encore davantage frustré que lorsqu'il était entré. Le vantail s'effaça dans un chuintement et le chapelain manqua d'écraser un bol en sortant.

D'autres récipients divers étaient posés sur le pas, l'un remplit de quelque-chose qui ressemblait à de la volaille en sauce, l'autre de fleurs et l'autre encore d'encens. La porte donnait sur un palier carré de la zone d'habitation. Au centre, une rambarde séparait l'espace d'un large puits ouvrant sur les niveaux supérieurs et inférieurs. Et tout l'espace disponible était occupé par des gens prosternés face contre terre en tenue civile ou en bleu de travail. Kirius eut un temps d'arrêt avant de comprendre qu'il s'agissait des techniciens et des familles des soldats, logées sur place au vu de l'isolement total de Taqba. Il se tourna vers les deux marines postés de chaque côté de la porte.

- « Ils sont arrivés peu après nous, mon père... » fit l'un d'eux avant d'être interrompu par un mouvement au premier rang.

Un homme maigre vêtu de robes rouge et noire, barbe taillée à la serpe, se releva et commença à haranguer la foule prosternée d'un air farouche. Il parlait la langue locale de Jomark, un mélange du gothique commun à l'imperium et de la langue des premiers colons, mais Kirius comprit vite qu'il s'agissait d'un prêtre. Inutile d'être grand clerc pour deviner qu'il déblatérait les inepties habituelles de l'ecclésiarchie sur la divinité de l'empereur et de ses fils, c'est à dire lui-même et ses deux frères de bataille. Dans un mouvement d'humeur, le chapelain envoya voler du pied les offrandes et marcha sur le prêtre. Ne sachant comment réagir face à celui dont il venait de proclamer la nature divine ce dernier resta interdit. Kirius le saisit par le col et le souleva pour l'amener à sa hauteur.

- « Toi. Si tu veux vraiment servir l'empereur, prends un fusil. Il a besoin de bras, pas de langues. » fit-il d'un ton cassant.

Il le lâcha en le laissant s'affaler au sol et fendit la foule à grands-pas en direction du couloir le plus proche, indifférent à l'émoi que son intervention avait provoqué et aux hommes qui s'écartaient craintivement devant lui.

- « Regagnez vos quartiers et attendez mon retour. » lança-t-il aux deux marines qui s'apprêtaient à lui emboîter le pas.

Il n'eut aucun mal à retrouver le chemin vers la porte blindée qui commandait l'accès par où il était rentré quelques heures plus tôt. Le tunnel creusé dans la roche était du même blanc que le reste de la base. Des aires de stationnement et de stockage donnaient dessus mais il y avait peu d'activité. Les gardes en poste le saluèrent sur son passage et ne lui posèrent aucune question. Sur un signe de sa part, on lui ouvrit la porte. Une série de bruits métalliques assourdis accompagna la mise en marche des vérins, puis les battants s'écartèrent. Une bande noire apparut entre les deux vantaux et le vent s'y engouffra. Kirius s'enfonça résolument dans l'ouverture.

Le blizzard le cueillit immédiatement. Implacable, il s'engouffrait dans la petite vallée où se nichait l'entrée. Les faisceaux des deux projecteurs déchiraient l'obscurité, illuminant les flocons lancés comme des boulets de canon. La masse sombre de la montagne enneigée se perdait dans les ténèbres au-dessus de la porte qui se refermait déjà. Le chapelain se dirigea vers la pente en luttant contre le vent et la neige, comme s'il espérait au fond de lui que le face à face avec les éléments déchaînés clarifierait son esprit.

Depuis qu'il était entré au Chapitre, il s'était nourri de l'idée que la volonté était la mesure de l'homme. L'Empereur lui-même avait soumis la galaxie à sa volonté, réunifiant l'humanité et bannissant ses adversaires dans les sombres royaumes de l'Immaterium. En tant que Son Fils, portant en lui une part du génome de l'Empereur, il devait se montrer digne de Lui en faisant preuve d'une détermination inflexible. Montrer l'exemple aux hommes, leur montrer ce que pouvait être l'humanité si elle en avait le courage. Cette foi s'était nourrie des ses exploits militaires et de ses capacités qui le plaçaient au-dessus du commun des mortels. L'homme fabrique son destin. Et la voie tracée par l'Empereur est de régner sur les étoiles.

Il se retrouvait brusquement confronté à sa faiblesse. Pas une faiblesse passagère mais une faiblesse constitutive de son être, fondamentale. Il avait échoué dans ses responsabilités de chef en ne réussissant pas à sauver ses hommes. Y compris Meirion, le seul qu'il aurait vraiment pu considérer comme un ami. Mais lui-même avait survécu, pour se retrouver impuissant et inutile dans l'endroit le plus perdu de cette maudite planète. Il n'était pas l'artisan de son destin. Malgré les altérations qui avaient fait de lui un space marine, il n'était pas plus fort que n'importe quel homme.

Kirius gravissait avec hargne la montagne depuis un long moment quand une bourrasque le prit par surprise. Obnubilé par ses pensées tournant en boucle, il glissa en tentant de retrouver son équilibre. Il tomba à genoux et heurta le sol pavé.

Il regarda sans comprendre les dalles qui ne pouvaient pas être là. Comme elles restaient obstinément en place, il releva les yeux. La montagne, l'inlandsis, le blizzard, tout avait disparu. Il était dans un temple. De hautes ouvertures en ogives perçaient les murs sur sa droite et sa gauche, laissant entrer des flots d'une étrange lumière chaud et dorée qui tombait en colonnes sur le sol. Des colonnes lisses sans fioritures s'intercalaient entre chaque fenêtre. Il n'y avait aucune décoration, aucune peinture, juste la pierre nue et la grâce élancée d'un style architectural épuré à l'extrême. Devant les fenêtres et à intervalles réguliers le long des murs, de grands rideaux d'un tissu translucide tombaient des hautes voûtes et ondulaient lentement sous l'effet d'une légère brise. Des vapeurs parfumées s'élevaient de coupes posées sur des trépieds. On n'entendait aucun bruit hormis le bruissement des rideaux. Et au fond ce temple qui semblait davantage fait d'air et de lumière que de pierre, on devinait le saint des saints. Vaguement conscient d'être l'objet d'une hallucination, mais étrangement apaisé, Kirius se releva et se mit tranquillement en marche. Malgré sa lourde et encombrante armure, ses pas n'éveillèrent aucun écho.

Au fur et à mesure qu'il s'approchait, la silhouette de la statue occupant le saint des saints se précisa. C'était une guerrier à l'allure noble, vêtu d'une armure semblable à celle du chapelain bien que de fabrication plus ancienne, et cependant plus raffinée. Une relique du Moyen-Âge Technologique, à n'en pas douter. Le sculpteur avait de toute évidence vu celui qu'il avait représenté ou avait eu accès à des données de première main. Le guerrier tenait un enfant dans son bras gauche. Sa main droite était posée sur la garde de son épée, prête à la dégainer. Ses longs cheveux noirs encadraient un visage reconnaissable entre tous, affichant une expression avenante mais déterminée. L'Empereur. Kirius s'arrêta à quelques mètres de l'immense statue. Il détailla l'aigle en relief sur l'épaulière, les courbes gracieuses de l'armure, la pose dynamique de la sculpture. L'artiste avait fait un travail extraordinaire. L'image d'un fleuve s'imposa à son esprit de manière d'autant plus incongrue qu'il n'y avait pas la moindre trace d'eau dans les lieux. Il continua à étudier la statue, s'attardant sur l'enfant. Étrangement ses traits étaient juste esquissés en contraste avec le reste de l'œuvre précis et détaillé. En fait il aurait pu s'agir de n'importe qui.

Le fleuve restait de manière obsédante dans ses pensées, revenant sans cesse comme un cours d'eau arrive toujours à la mer. Et puis Kirius comprit. Quels que soient les obstacles, le fleuve termine immanquablement son cours dans l'océan. Il n'était pas tout-puissant, mais il était obstiné. Il en était des fleuves comme des hommes. Qu'importe que la plupart des choses échappent à son contrôle. Nul besoin de faire plier l'univers à sa volonté, la tentative étant de toute manière vouée à l'échec. Il lui suffisait de s'atteler avec persévérance au peu qu'il pouvait faire. Il n'était pas le seul serviteur de l'Empereur à œuvrer au destin de l'humanité. Et s'il existait de puissantes forces maléfiques, il en existaient d'autres comme celles qui l'avaient conduit ici. Kirius leva les yeux vers le visage de l'Empereur. Mais le temple commençait à se dissoudre.

Aussi soudainement qu'elle avait commencée la vision s'évanouit. Le vent fouetta le chapelain et le poussa contre la pente enneigée. Il se dégagea avec difficulté de la neige et se releva. Le blizzard avait cessé, mais il avait aussitôt été remplacé par les vents catabatiques, provoqués par les masses d'air froid dévalant les montagnes depuis les glaciers en hauteur. Le point positif était qu'ils avaient chassé la brume et les flocons. Sur l'horizon, loin vers le sud, on devinait un faible éclaircissement du ciel d'encre qui indiquait la présence du soleil malgré la longue nuit polaire. Kirius commença à descendre la pente pour retourner à Taqba. Il savait exactement ce qu'il ferait une fois là-bas.

___[ajout du 01/04/2009]___

Le commandant Caryandra était appuyé sur le garde-fou du puits central de Taqba, le regard perdu dans les profondeurs noyées dans les ténèbres. Le faible écho du grondement d’un fleuve montait jusqu’à lui, mêlé au ronronnement de la ventilation. L’éclairage de nuit plongeait les lieux dans la pénombre mais les diodes assuraient une lumière diffuse. C’était comme si le soleil brillait de tous ses feux à la surface et que ses rayons affaiblis se frayaient un chemin à travers la glace. Dans le gouffre sans fond du puits, des bouquets de diodes parsemaient les ténèbres comme autant de lucioles. C’était une nuit d’insomnie comme il y en avait trop. Plutôt que de chercher en vain le sommeil dans sa couchette, il avait revêtu son treillis blanc et était parti arpenter les couloirs déserts de la base souterraine.

Bras croisés, il sentait sous ses doigts les galons cousus sur sa manche. Mille hommes sous ses ordres, prêts à lui confier leur vie, quand lui-même ne croyait plus depuis longtemps à ce qu’il faisait. Ne pas les décevoir, faire semblant par loyauté à leur égard, c’était la dernière chose qui le retenait. Le 111ème était à la fois sa famille et ses amis. Comme les choses avaient été différentes autrefois ! Il se revoyait des années plus tôt, jeune engagé ayant choisi la carrière des armes car elle rapportait plus, financièrement et socialement, que le travail à l’usine. Il allait bientôt se marier. Le hasard ou le destin, l’un ou l’autre, s’était joué de ses projets. Il s’était alors investi corps et âme dans la Garde.

Sous les ordres de Bashir, alors simple commandant de régiment à la tête du 111ème, ils avaient été envoyés dans l’hémisphère sud, sur les rivages de l’océan Nârandj. Sylon voulait là-bas des hommes sûrs pour veiller sur cette région stratégique. Dans une poudrière au centre de toutes les luttes de pouvoir entre factions impériales, ils avaient défendus les intérêts du Departmento Munitorum et des citoyens sous sa protection. Ce furent des années de gloire. Les évènements avaient culminé avec la crise du golfe de Tabir. Il se revoyait montant à l’abordage des méga-tankers bloquant la baie ou traquant les partisans dans les hauteurs et dans les ruelles. Mais surtout, il se souvenait des patrouilles dans le désert, l’hospitalité des nomades, comment le sable et le silence mettaient l’âme à nu, comment les étoiles semblaient si nombreuses la nuit, et cette étrange citée désertée et sans âge dans la vallée aride.

Bashir avait été appelé à de plus hautes fonctions, et le 111ème avait peu à peu été balloté d’affectation en affectation au gré des querelles de pouvoir que se livraient les grandes familles jomiennes. Jusqu’à la sanction disciplinaire qui leur avait valu de finir ici.

Des bruits de pas attirèrent son attention. Il sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine en voyant le space marine à l’armure noire venir à sa rencontre. Sans réfléchir il se redressa et salua. Le marine, qui portait son féroce casque à tête de mort accroché à la ceinture, sourit et retourna le salut.

- « Bonsoir, commandant. » fit Kirius.

Le chapelain s’appuya nonchalamment sur la rambarde, comme lui-même quelques instants auparavant. Caryandra aurait juré que le métal ployait légèrement sous le poids du guerrier. Il remarqua distraitement qu’il avait les cheveux blonds. Le silence s’installa.

- « C’est le fleuve que nous entendons ? » demanda Kirius au bout de quelques minutes.

- « Oui, mon père. » répondit Caryandra, avant d’étoffer ses propos de peur de paraître impoli. « Al-Uphrât passe à la verticale d’ici, environ cent mètres plus bas. »

- « Que faites-vous exactement ici ? »

- « Nous assurons la sécurité du site, mon père. »

- « Bien sûr. » fit Kirius avec un sourire. « Mais à quoi sert cette installation ? »

- « Taqba est un barrage, mon père. Les technaugures du Mechanicus disent que la roche est plus chaude sous le glacier et que la fonte alimente Al-Uphrât. Il émerge à des centaines de kilomètres d’ici. Les turbines fournissent beaucoup d’électricité. Taqba devait alimenter les défenses du cercle polaire. Mais les travaux de raccordement ne sont pas finis. Et maintenant… »

Il se tut conscient que ce qu’il allait dire pourrait passer pour un manque de foi en la victoire, et donc une trahison. Mais le chapelain se contenta de hocher la tête sans relever ses propos.

- « Dites-moi commandant… Y a t-il un moyen de quitter l’inlandsis ? A part via la surface bien entendu. »

Caryandra réfléchit un instant. Les space marines voulaient-ils déjà partir ? Il y avait bien une possibilité.

- « Mon père, il y a les galeries des câbles. Elles ont été creusées mais pas équipées. Elles sont assez grandes pour qu'on puisse s'en servir comme tunnel. On pourrait même y faire passer une armée. »

- « Précisément… » murmura Kirius. Il se redressa. « Je réquisitionne votre compagnie, commandant. À l’aube, prévenez vos hommes de se tenir prêts à partir. Vous êtes désormais sous mon commandement direct. Votre supérieur est déjà au courant. Retrouvez-moi devant l'entrée des galeries demain matin, je vous donnerai davantage d'informations. »

Caryandra se figea sous la surprise, mais remercia ses réflexes qui lui donnèrent une contenance en le faisant saluer en signe d’obéissance. Sa réaction n’échappa toutefois pas au chapelain.

- « Rassurez-vous commandant, nous ne partons vaincre les légions à nous seuls. Et pour répondre à votre question muette, nous allons rejoindre Sylon. »

Le jomien resta incapable de réagir de quelque manière que ce soit. Le guerrier devant lui ordonnait rien de moins que de traverser la moitié de la planète avec mille hommes pour porter secours à la capitale assiégée par des millions de soldats. Il croisa le regard du chapelain mais n’y vit aucune folie. Au contraire il y brillait une étincelle reflétant un mélange d’énergie et de détermination. Une lueur qu’il connaissait bien et dans laquelle il reconnut ce qui l’avait poussé autrefois en avant. Quelque part au fond de lui, une part de lui-même eut envie d’y croire à nouveau.

Modifié par The Last Sword
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  • 3 semaines après...

Nouvelle semaine, nouvel ajout. Le commandant Caryandra refait son apparition et récupère quelqu'un qui avait bien besoin d'aide... J'ai regroupé dans l'avant-dernier post tout le chapitre 3 pour faciliter la lecture ( il n'y a pas trop long pour le moment).

Pas de réponse depuis la dernière fois. Je ne sais pas si c'est parce que les anciens lecteurs ne sont plus sur le forum ou si c'est parce que la section SF n'est pas très active. Sans doute un mélange des deux. :clap: C'est pas grave, je vais continuer à vous infliger la suite jusqu'à ce qu'on me dise d'arrêter. :o

[Edit]Ah ben tiens si, il reste encore des vétérans qui ont lu les chapitres précédents. :)

Modifié par The Last Sword
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J'aime toujours mais faut ce remttre dans le bain...

Le problème est bien là : ça faisait un bail et on a tous un Alzheimer qui guette, donc faut relire depuis le début... :o

Bon, dès que j'ai plus de temps, je m'y remets... Dans tous les cas, content de te revoir prendre la plume et le clavier... :clap:

Yohann, et pendant ce temps-là, Manfred passe ses concours de l'Education Nationale...

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Le problème est bien là : ça faisait un bail et on a tous un Alzheimer qui guette, donc faut relire depuis le début...

Idem, j'aime toujours autant, mais c'est vrai que ça faisait bien longtemps... :o

Kirius s'en est tiré finalement, yabon!! :clap:

Allez, plus qu'à attendre la suite

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En effet, ça fait un bail que l'histoire est en suspens, et j'ai oublié la plupart des évènements et personnages... Bon, un petit coup de lecture s'impose dès que j'ai un peu de temps sous la main.

Bref, un peu d'exposition en plus, les choses se mettent en place, l'action ne devrait pas tarder! Je trouve que tu mélange bien l'action avec les descriptions, on ne se lasse pas de l'un ni de l'autre.

Ecthelion

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  • 2 semaines après...

Avec les vacances la suite s'est un peu fait attendre, mais je reprends le rythme d'un ajout chaque week-end dès cette semaine. ^_^ Pour la lire, rendez-vous six posts plus haut.

Je vous rappelle que les deux premiers chapitres, purgés de leurs coquilles et de leurs incohérences, sont disponibles en PDF sur ce site.

Effectivement la mise en place du chapitre est presque finie, on va passer à davantage d'action, mais chut... C'est pour bientôt. 8-s

J'espère que les concours de Manfred se passent bien. :woot:

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  • 3 semaines après...

J'ai laissé passé un peu de temps pour attendre d'éventuels commentaires, mais en absence de réponse je reprends la publication de la Bannière Noire. :-x

Après un crochet par Sylon il y a deux semaines, c'est Kirius revient en se demandant ce qu'il va bien pouvoir faire coincé qu'il est en plein pôle nord... Suite et fin de ses histoires la semaine prochaine avant d'attaquer (enfin ?) les choses sérieuses dans la capitale assiégée.

L'ajout est sept posts plus haut à la suite du chapitre 3. A vos critiques. :clap:

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