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Petimuel

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Messages posté(e)s par Petimuel

  1. C'est une maison bleue

    Accrochée à la colline,

    On y vient à pied,

    On ne frappe pas :

    Ceux qui vivent là

    Ont jeté la clé.

    C'est un peu dommage car le début de ton poème me fait penser à cette (jolie) chanson, ce qui ne s'accorde pas avec l'ambiance que tu veux faire naître.

    Cela mis à part, il est sympathique, ce poème, mon cher Paladin, bucolique comme d'habitude, avec les mêmes métaphores de lumière qui viennent caractériser le destin des individus, leurs choix, leur marche vers eux-mêmes. La forme et les sonorités sont assez bonnes, mais tu ne devais pas être au mieux de ton inspiration lrsque tu l'as écrit, et je comprends pourquoi tu n'en es pas fier : on sent que tu n'étais pas très à l'aise dans tes vers à ce moment-là. Témoin la syntaxe, parfois approximative, qui tire l'ensemble un peu vers le bas.

    On dit que le vent, quand la pluie

    Tombe furieuse droite et fine,

    Vient se cacher sous le vieux toit,

    Siffle dans les planches usées,

    Et quand le soleil s’aperçoit

    Reprend sa voie illuminée.

    L'avant-dernier vers ne veut rien dire, et du coup on ne sait pas qui est le sujet du verbe du dernier vers. Sans doute aurais-tu voulu écrire "et quand le soleil l'aperçoit".

    Au passage, le verbe "reprendre" à la troisième personne du singulier et au passé simple de l'indicatif, ça ne donne pas "repris" (ça c'est le participe passé), mais "reprit". Tu as commis la faute deux fois.

    Pour jouet, que plaques sacrées,

    Outre la synérèse sur le mot "jouet", un peu ennuyeuse, la syntaxe de la phrase est ici encore mise à mal pour retrouver ton nombre de syllabes. "Que plaques sacrées", ça n'est ni très beau ni très évocateur. Il eût été préférable d'écrire "Pour jouets, que des plaques sacrées" pour ce qui est du rythme, et encore j'aurais choisi un autre objet, plus parlant.

    Etc.

    Je passe sur ces petites imperfections. Tu m'as compris, et tu t'en es rendu compte toi-même.

    Pour le reste, ton talent n'est plus à mettre en doute. L'envoi est très bon (même s'il ne commence pas par "prince", vil hérétique !) et cette ambiance douce et mystique où le vent se cache de la pluie et un samouraï voit passer les mois toujours très réussie.

    C'est un poème mignon, mais tu peux faire mieux, tu as fait mieux, et tu continueras de mieux faire.

    Il y a des jours, comme ça, hein...

  2. Salut à toi et bienvenue dans notre petit chez-nous.

    C'est un joli poème que tu nous proposes-là, mais peut-être un peu trop mignon pour le fond de son propos... j'y reviens vite.

    D'abord, d'un point de vue strictement formel, l'ouvrage est bonne. La base du poème est propre, les vers sont tous ajustés au niveau (sauf « Ai-je seulement eu tort », et l'antépénultième, « Et cette douce lumière », qui ont une syllabe de trop ; à corriger), et ça se lit tout seul. Ça fait déjà très plaisir de lire cela pour un premier poème posté sur le forum ! Ce n'est pas tous les jours.

    Je ne suis pas convaincu en revanche par l'usage d'une strophe entière en refrain ! Cela peut se faire en chanson, mais, pour la poésie qui n'est pas destinée à être chantée (Ferré dirait que c'est contre nature, mais bon), c'est peu agréable à lire, et on se retrouve vite à sauter une strophe sur deux. Dans ce cas, il faut choisir des refrains plus courts (un exemple suit plus bas).

    Outre cela, c'est un problème de ton dont ton poème pâtit. Parti, on l'a dit, sur de bonnes bases, tout va bien pour la première strophe. Le hiatus ne me gène pas, les sons « é » et « è » étant suffisamment éloignés pour que l'oreille apprécie. Ou alors c'est parce que je me suis habitué à la prosodie médiévale... En tout cas, tout baigne, le rythme coule tout seul, sur ces hexasyllabes bien marqués (le risque avec les hexasyllabes, c'est de faire des alexandrins coupés en deux sans s'en rendre compte).

    À la deuxième strophe, le danger se profile. Heureusement, la répétition des vers 7 et 8 est très bien sentie, et les mots « venge ! » et « rage ! » ont l'écho et la puissance évocatrice attendue. Mais, si l'on y regarde de plus près, avant ces deux coups de tocsin, la présentation de l'homme est un peu fadasse, pour ainsi dire. L'homme « conte ses louanges », ce qui est presque une absurdité, mais c'était pour la rime (que ne lui sacrifierait-on pas ?) et « incite au voyage »... Rien de bien méchant, en somme. On croirait que c'est un bon petit monsieur Prudhomme un peu replet, qui se fait mousser gentiment et qui dit qu'il a fait huit fois le tour du monde, le gros menteur. Rien, absolument rien, n'annonce les deux vers qui suivent ! Heureusement, ils se suffisent à eux-mêmes, mais la suite du poème est à l'avenant.

    Je note donc encore quelques maladresses de composition (« Et les pleurs ont fusé / Sur leurs têtes les larmes » : syntaxiquement, ça ne veut rien dire !) dues à la difficulté, bien compréhensible, de manipuler l'hexasyllabe. Mais ces formules un peu bancales ne sont pas innocentes que cela : le problème n'est pas seulement la syntaxe, mais le ton du poème. Je donne encore un exemple : « J'ai longuement tiré ». On comprend l'idée : le bonhomme a souvent fait feu avec son arme. Mais le vers, tel qu'il est présenté, n'évoque rien de cette sombre réalité ; déjà parce que « j'ai tiré » n'est pas très explicite, et peut recouvrir d'autres connotations allant du gentillet ("j'ai tiré ses cheveux") au monotone (« encore dix ans à tirer ») en passant par l'érotique ; surtout, ce « longuement » allongé en plein milieu du vers lui donne une tournure alanguie et décontractée. On ne tire pas « longuement », ou alors avec une mitrailleuse ; parce que ce mot est un mot élastique, une espèce d'étirement du temps qui empêche à la brutalité de ton propos de se faire jour !

    Le propos du poème est simple ; son canevas explicite. Josh en a fait un résumé ci-dessus ; je n'ai rien à y redire. L'homme, comprendre l'homme social, est le porteur des instruments de morts dans la quiétude de la nature. Que le poète soit un sauvage ou un type dans la lune, ou, pourquoi pas, un animal dressé pour tuer (la fin du poème interdit quand même plutôt cette interprétation), l'idée demeure. Elle est simple, mais dure, cette idée, tranchante comme un rasoir.

    Mais elle ne parle pas, n'émerge pas, n'existe presque pas, à cause de ce rythme enjoué des vers de six syllabes dans lequel tu t'es laissé porter.

    C'est comme un courant : le courant est fort, mais s'il ne va pas où on veut aller, il faut ramer contre lui. Ici, tu ne l'as pas fait. Le vocabulaire reste gentillet ; les mots comme les pleurs ou les larmes ne ressortent pas parce que le rythme n'est pas assez cassant, et parce qu'ils sont mis côte-à-côte dans des constructions syntaxiques farfelues. Paradoxalement, la première strophe, qui est la plus libre et la plus enjouée (le premier vers, que je trouve, je le répète, vraiment très bien, n'y est pas pour rien), malgré l'imparfait de l'indicatif, a été choisie comme refrain, venant sans cesse faire échouer les efforts vers la tension narrative en ramenant un peu de gaieté là-dedans.

    En fait, tout ça manque un peu de force, de tranchant, de brisures. Il faut arriver à apprivoiser le vers, à faire corps avec lui, pour pouvoir lui faire dire ce qu'on veut, à contre-courant.

    À la limite, je te félicitais d'avoir fait des hexasyllabes qui ne fussent pas que des moitiés d'alexandrins, mais tu pourrais peut-être essayer d'écrire la même chose en alexandrins, ou en décasyllabes si tu veux garder un rythme plus vif, afin d'avoir plus de souplesse dans ta syntaxe et ton écriture. Là tu pauras peut-être la place de faire des étincelles.

    Je vais donner un exemple, fait sur un rythme proche du tien (mais déjà un peu plus souple) : la Légende de la nonne, de Hugo. J'engage tout le monde à aller la lire en entier (dans Odes et ballades), mais voici quelques extraits pour bien faire comprendre tout ça.

    C'est un poème inspiré des chansons médiévales. Il en reprend le rythme (les huitains d'octosyllabes), et le refrain (mais ici réduit à deux vers : bien plus efficace pour de la poésie écrite !)

    Tout commence dans une ambiance de conte pastoral tout-à-fait sympathique :

    Venez, vous dont l'œil étincelle,

    Pour entendre une histoire encor,

    Approchez : je vous dirai celle

    De doña Padilla del Flor.

    Elle était d'Alanje, où s'entassent

    Les collines et les halliers. –

    Enfants, voici des bœufs qui passent,

    Cachez vos rouges tabliers !

    Il est des filles à Grenade,

    Il en est à Séville aussi,

    Qui, pour la moindre sérénade,

    A l'amour demandent merci ;

    Il en est que d'abord embrassent,

    Le soir, les hardis cavaliers. –

    Enfants, voici des bœufs qui passent,

    Cachez vos rouges tabliers !

    Ce n'est pas sur ce ton frivole

    Qu'il faut parler de Padilla,

    Car jamais prunelle espagnole

    D'un feu plus chaste ne brilla ;

    Elle fuyait ceux qui pourchassent

    Les filles sous les peupliers. –

    Enfants, voici des bœufs qui passent,

    Cachez vos rouges tabliers !

    Puis, pour résumer, la belle Padilla, chaste comme elle est, décide de se faire nonne. Mais à peine a-t-elle rejoint son couvent qu'elle tombe amoureuse d'un brigand de passage. Elle lui donne un rendez-vous, mais le ciel, qui ne tolère pas cette union, lance la foudre sur elle et la transforme en gigot de bonne sœur.

    Alors, en gardant le même rythme, le ton change radicalement, et le poème devient la description mystique et terrible des deux fantômes amoureux errant dans l'abbaye.

    Les deux spectres qu'un feu dévore,

    Traînant leur suaire en lambeaux,

    Se cherchent pour s'unir encore,

    En trébuchant sur des tombeaux ;

    Leurs pas aveugles s'embarrassent

    Dans les marches des escaliers. –

    Enfants, voici des bœufs qui passent,

    Cachez vos rouges tabliers !

    […]

    Si, tremblant à ces bruits étranges,

    Quelque nocturne voyageur

    En se signant demande aux anges

    Sur qui sévit le Dieu vengeur,

    Des serpents de feu qui s'enlacent

    Tracent deux noms sur les piliers. –

    Enfants, voici des bœufs qui passent,

    Cachez vos rouges tabliers !

    Je sais, je sais, l'exemple eût pu être mieux choisi, un monde sépare ces deux poèmes ; mais je voulais faire sentir ici l'importance de mots qui frappent, qui tranchent, qui crie. Des formules qui, bien que moulées dans le même cadre que le reste du poème, viennent y graver l'empreinte de leurs dents, de leurs crocs, de leurs griffes. Il faut que les mots sonnent. Sonne-moi ces beaux sonnets, disait Du Bellay.

    C'est, à mon sens, le travail qu'il te reste à faire.

    Et c'est très encourageant ! Car cela veut dire que la plupart au moins des apprentissages préliminaires ont été évacués. Le plus difficile, c'est d'apprendre à faire des vers lorsqu'on n'y arrive pas. Je ne te connais pas, j'ignore ton parcours, tu en as peut-être bavé sang et eau, ou alors c'est venu tout seul ; en tout cas c'est fait. Le travail à venir, c'est le plus rigolo ; d'ailleurs ce n'est pas du travail. C'est de la poésie.

    Alors de la force ! De la vigueur ! Du nerf ! Adelante !

  3. Ami, bienvenue à la cour !

    La section que vous parcourez actuellement, cher camarade, est étonnante et détonante dans un forum comme celui-ci. Qui, quoi, comment, pourquoi ? La section poésie est en fait née d'une réaction en chaîne : des récits de bataille et des histoires de combats, passe-temps naturel sur le warhammer-forum, certains pionniers en sont venus à écrire sur tout et n'importe-quoi, les rustres, et jusqu'à faire des vers, au point que le modérateur de la section récits de l'époque, Impérator, auquel nous rendons grâces, eut un jour l'idée d'en faire une section à part.

    À part, sachez-le, cet endroit l'est bel et bien. Bulle de paix et d'harmonie au milieu d'un forum dédié à la guerre, elle n'y a guère sa place que très indirectement. Peuplée de joueurs de figurines, elle est aussi très différente de ses petits cousins, les forums de poésie qui émaillent le net. Des avantages et des inconvénients de cette position étrange on n'a pas fini de disputer.

    Une chose est certaine : cela n'encourage pas sa fréquentation. Même s'il est permis d'espérer (cela fait vivre) qu'à l'heure où vous lisez ces lignes les choses aient un peu évolué, cette section baigne dans une quiétude paresseuse : nous sommes un petit cercle, nous ne sommes pas plus disponibles que le commun des mortels, et les choses ici bougent lentement. Les messages se font attendre, mais ils ont une saveur bien à eux, et si vous acceptez d'être patient, ce petit monde saura vous révéler sa beauté et vous tendre ses fruits.

    De la douceur, de la douceur, de la douceur...

    C'est ici que l'on forge, que l'on travaille, que l'on démantèle, découd et recompose le tissu de la langue. Le mot est notre chair et notre outil.

    Cette section est un écrin pour tous les poèmes, en vers ou en prose, qui entendent rendre sensible le bonheur de la langue. Cet écrin, chacun peut y déposer ce qu'il lui plaira : bien sûr, nous acceptons des poèmes cadrant avec le thème du forum (certains peuvent d'ailleurs être fort beaux, comme Celeborn l'a montré par le passé) mais, plus encore que chez nos confrères des Récits ou des dessins, nous sommes par définition ouverts à n'importe-quel thème, n'importe-quel genre, n'importe-quel registre. Venez ici avec votre cœur et vos sens, c'est tout ce qui importe.

    Ce n'est pas seulement une vitrine des œuvres de chacun. C'est évidemment sa fonction première, chronologiquement, mais un public restreint implique d'autres fonctions, et l'essence même de la poésie en donne la trame : nous sommes ici avant tout pour notre plaisir, celui pris avec les mots. Pour les autres, il y a d'autres endroits.

    Ce plaisir n'est pas seulement un plaisir solitaire, et tous, experts ou profanes, vous êtes invités à participer à des jeux, à des duels, à des bêtises littéraires dont nous sommes friands. Inutile d'être un grand poète pour y jouer, inutile même d'avoir jamais écrit autre chose dans cette section : tous les poèmes, petits ou grands, y sont les bienvenus. Toutes les formes d'humour et de plaisanterie y sont bien sûr admises. Cette section, je voudrais en faire, en jargon moderniste, une section interactive. Car la poésie n'est pas seulement un art difficile réservé aux esprits les plus entraînés. Cela est sans doute vrai de la grande poésie, de celle que l'on n'oublie jamais, celle qui se fiche dans notre âme comme un couteau tranchant, ou qui s'y attache comme un lierre délicat.

    Prendre du plaisir à faire des phrases, à les déformer et les recomposer, tordre la langue sous son compas, cela est à la portée de tous. C'est le sens que cet endroit voudrait se donner.

    Ne vous y trompez pas. Le lieu est calme, mais c'est un lieu de fête. Comme toute fête, elle ne sera réussie que si elle compte des invités. Soyez ceux-là si le cœur vous en dit.

    Certains parmi nous, du moins à l'heure où j'écris ces lignes, ont un haut niveau d'exigence technique (toutes choses égales par ailleurs, à l'échelle d'un forum, bien sûr), et cette exigence s'étend à l'ensemble de ce forum. C'est une différence marquée avec la section telle que l'a conçue Impérator et telle que Warzazatt l'a prolongée, avant que je ne prenne sa succession. Les remarques techniques et les critiques de détail sont bien plus présentes aujourd'hui.

    Mais cela ne signifie pas, surtout pas, qu'un tel niveau soit requis à son entrée : nous sommes toujours heureux d'accueillir ici de nouveaux membres, qui parfois taillent leur plume pour la toute première fois (et comme toutes les premières fois, c'est rarement parfait, mais c'est agréable aussi ; vous m'entendez). Nous sommes ici pour partager, pour apprécier et pour aider ; nous sommes ici pour le paisir des sens, et de l'ouïe en particulier ; les règles de la prosodie classique ont été élaborées pour charmer ce sens, et, bien que depuis plus d'un siècle de nombreux poètes entendent s'en défaire, il est essentiel de les avoir d'abord acquises, car c'est une formation sensuelle, au sens propre du terme, du rapport au mot, au texte, à la phrase, aux sons, du rapport au signifié et, au bout du compte, du rapport au rêve qu'il s'agit d'opérer.

    Pour faire vos premiers pas, prendre contact en douceur avec ces règles, vous pouvez consulter ce petit guide que j'ai élaboré dans une nuit d'insomnie, ou quelque chose du genre.

    Les jeux de la section, outre la détente, ont aussi pour fonction de permettre à chacun de fourbir ses armes, et de se familiariser avec ces contraintes, qui paraissent complexes et insurmontables au début, mais qui ne sont ni plus ni moins que les règles du jeu. En faisant passer cette expression du sens figuré au sens propre, ces sujets peu sérieux doivent permettre à tout le monde de la comprendre, et d'en faire son miel. Vous pouvez en trouver la liste ici.

    L'essentiel est dit. Cette maison est la vôtre.

    Les lignes que je lui ai imprimées ne sont bien sûr pas immuables, et mon successeur SonOfKhaine (successeur bien que j'aie toujours gardé la main) y est d'ailleurs allé de sa patte. Les membres aussi. Cela est bon : que chacun ici modèle l'endroit comme il lui plaît ; c'est ainsi que se bâtissent les communautés.

    Nul n'est maître ici que la langue ; et la langue est un jeu sans cesse renouvelé.

    Cet endroit doit l'être aussi.

    (Voici un lien vers l'ancien sujet « Fonction de poésie » écrit par Impérator, notre maître à tous, que je tiens à remercier pour tout son travail sur l'ensemble de la section Récits du forum. Il en a incarné l'âme à lui seul pendant un temps, il l'a modelée, lui a donné souffle et vie : cette section est à jamais la sienne. )

  4. Sedan

    I

    Toulon, c'est peu ; Sedan, c'est mieux.

    L'homme tragique,

    Saisi par le destin qui n'est que la logique,

    Captif de son forfait, livré les yeux bandés

    Aux noirs événements qui le jouaient aux dés,

    Vint s'échouer, rêveur, dans l'opprobre insondable.

    Le grand regard d'en haut lointain et formidable

    Qui ne quitte jamais le crime, était sur lui ;

    Dieu poussa ce tyran, larve et spectre aujourd'hui,

    Dans on ne sait quelle ombre où l'histoire frissonne,

    Et qu'il n'avait encore ouverte pour personne ;

    Là, comme au fond d'un puits sinistre, il le perdit.

    Le juge dépassa ce qu'on avait prédit.

    Il advint que cet homme un jour songea : - Je règne.

    Oui. Mais on me méprise, il faut que l'on me craigne

    J'entends être à mon tour maître du monde, moi.

    Terre, je vaux mon oncle, et j'ai droit à l'effroi.

    Je n'ai pas d'Austerlitz, soit, mais j'ai mon Brumaire.

    Il a Machiavel tout en ayant Homère,

    Et les tient attentifs tous deux à ce qu'il fait ;

    Machiavel à moi me suffit. Galifet

    M'appartient, j'eus Morny, j'ai Rouher et Devienne.

    Je n'ai pas encor pris Madrid, Lisbonne, Vienne,

    Naples, Dantzick, Munich, Dresde, je les prendrai.

    J'humilierai sur mer la croix de Saint-André,

    Et j'aurai cette vieille Albion pour sujette.

    Un voleur qui n'est pas le roi des rois, végète.

    Je serai grand. J'aurai pour valets, moi forban,

    Mastaï sous sa mitre, Abdul sous son turban,

    Le czar sous sa peau d'ours et son bonnet de martre ;

    Puisque j'ai foudroyé le boulevard Montmartre,

    Je puis vaincre la Prusse ; il est aussi malin

    D'assiéger Tortoni que d'assiéger Berlin ;

    Quand on a pris la Banque on peut prendre Mayence.

    Pétersbourg et Stamboul sont deux chiens de fayence ;

    Pie et Galantuomo sont à couteaux tirés ;

    Comme deux boucs livrant bataille dans les prés,

    L'Angleterre et l'Irlande à grand bruit se querellent ;

    D'Espagne sur Cuba les coups de fusil grêlent ;

    Joseph, pseudo-César, Wilhelm, piètre Attila,

    S'empoignent aux cheveux ; je mettrai le holà ;

    Et moi, l'homme éculé d'autrefois, l'ancien pitre,

    Je serai, par-dessus tous les sceptres, l'arbitre ;

    Et j'aurai cette gloire, à peu près sans débats,

    D'être le Tout-Puissant et le Très-Haut d'en bas.

    De faux Napoléon passer vrai Charlemagne,

    C'est beau. Que faut-il donc pour cela ? prier Magne

    D'avancer quelque argent à Leboeuf, et choisir,

    Comme Haroun escorté le soir par son vizir,

    L'heure obscure où l'on dort, où la rue est déserte,

    Et brusquement tenter l'aventure ; on peut, certe,

    Passer le Rhin ayant passé le Rubicon.

    Piétri me jettera des fleurs de son balcon.

    Magnan est mort, Frossard le vaut ; Saint-Arnaud manque,

    J'ai Bazaine. Bismarck me semble un saltimbanque ;

    Je crois être aussi bon comédien que lui.

    Jusqu'ici j'ai dompté le hasard ébloui ;

    J'en ai fait mon complice, et la fraude est ma femme.

    J'ai vaincu, quoique lâche, et brillé, quoique infâme.

    En avant ! j'ai Paris, donc j'ai le genre humain.

    Tout me sourit, pourquoi m'arrêter en chemin ?

    Il ne me reste plus à gagner que le quine.

    Continuons, la chance étant une coquine.

    L'univers m'appartient, je le veux, il me plaît ;

    Ce noir globe étoffé tient sous mon gobelet.

    J'escamotai la France, escamotons l'Europe.

    Décembre est mon manteau, l'ombre est mon enveloppe ;

    Les aigles sont partis, je n'ai que les faucons ;

    Mais n'importe ! Il fait nuit. J'en profite. Attaquons.

    Or il faisait grand jour. Jour sur Londres, sur Rome,

    Sus Vienne, et tous ouvraient les yeux, hormis cet homme ;

    Et Berlin souriait et le guettait sans bruit

    Comme il était aveugle il crut qu'il faisait nuit.

    Tous voyaient la lumière et seul il voyait l'ombre.

    Hélas ! sans calculer le temps, le lieu, le nombre,

    A tâtons, se fiant au vide, sans appui,

    Ayant pour sûreté ses ténèbres à lui,

    Ce suicide prit nos fiers soldats, l'armée

    De France devant qui marchait la renommée,

    Et sans canons, sans pain, sans chefs, sans généraux,

    Il conduisit au fond du gouffre les héros.

    Tranquille, il les mena lui-même dans le piège.

    - Où vas-tu ? dit la tombe. Il répondit : Que sais-je ?

    II

    Que Pline aille au Vésuve, Empédocle à l'Etna,

    C'est que dans le cratère une aube rayonna,

    Et ces grands curieux ont raison ; qu'un brahmine

    Se fasse à Benarès manger par la vermine,

    C'est pour le paradis et cela se comprend ;

    Qu'à travers Lipari de laves s'empourprant,

    Un pêcheur de corail vogue en sa coraline,

    Frêle planche que lèche et mord la mer féline,

    Des caps de Corse aux rocs orageux de Corfou ;

    Que Socrate soit sage et que Jésus soit fou,

    L'un étant raisonnable et l'autre étant sublime ;

    Que le prophète noir crie autour de Solime

    Jusqu'à ce qu'on le tue à coups de javelots ;

    Que Green se livre aux airs et Lapeyrouse aux flots,

    Qu'Alexandre aille en Perse ou Trajan chez les Daces,

    Tous savent ce qu'ils font ; ils veulent : leurs audaces

    Ont un but ; mais jamais les siècles, le passé,

    L'histoire n'avaient vu ce spectacle insensé,

    Ce vertige, ce rêve, un homme qui lui-même,

    Descendant d'un sommet triomphal et suprême,

    Tirant le fil obscur par où la mort descend,

    Prend la peine d'ouvrir sa fosse, et, se plaçant

    Sous l'effrayant couteau qu'un mystère environne,

    Coupe sa tête afin d'affermir sa couronne !

    III

    Quand la comète tombe au puits des nuits, du moins

    A-t-elle en s'éteignant les soleils pour témoins ;

    Satan précipité demeure grandiose,

    Son écrasement garde un air d'apothéose ;

    Et sur un fier destin, farouche vision,

    La haute catastrophe est un dernier rayon.

    Bonaparte jadis était tombé ; son crime,

    Immense, n'avait pas déshonoré l'abîme ;

    Dieu l'avait rejeté, mais sur ce grand rejet

    Quelque chose de vaste et d'altier surnageait ;

    Le côté de clarté cachait le côté d'ombre ;

    De sorte que la gloire aimait cet homme sombre,

    Et que la conscience humaine avait un fond

    De doute sur le mal que les colosses font.

    Il est mauvais qu'on mette un crime dans un temple,

    Et Dieu vit qu'il fallait recommencer l'exemple.

    Lorsqu'un titan larron a gravi les sommets,

    Tout voleur l'y veut suivre ; or il faut désormais

    Que Sbrigani ne puisse imiter Prométhée ;

    Il est temps que la terre apprenne épouvantée

    A quel point le petit peut dépasser le grand,

    Comment un ruisseau vil est pire qu'un torrent,

    Et de quelles stupeurs la main du sort est pleine,

    Même après Waterloo, même après Sainte-Hélène !

    Dieu veut des astres noirs empêcher le lever.

    Comme il était utile et juste d'achever

    Brumaire et ce Décembre encor couvert de voiles

    Par une éclaboussure allant jusqu'aux étoiles

    Et jusqu'aux souvenirs énormes d'autrefois,

    Comme il faut au plateau jeter le dernier poids,

    Celui qui pèse tout voulut montrer au monde,

    Après la grande fin, l'écroulement immonde,

    Pour que le genre humain reçût une leçon,

    Pour qu'il eût le mépris ayant eu le frisson,

    Pour qu'après l'épopée on eût la parodie,

    Et pour que nous vissions ce qu'une tragédie

    Peut contenir d'horreur, de cendre et de néant

    Quand c'est un nain qui fait la chute d'un géant.

    Cet homme étant le crime, il était nécessaire

    Que tout le misérable eût toute la misère,

    Et qu'il eût à jamais le deuil pour piédestal ;

    Il fallait que la fin de cet escroc fatal

    Par qui le guet-apens jusqu'à l'empire monte

    Fût telle que la boue elle-même en eût honte,

    Et que César, flairé des chiens avec dégoût,

    Donnât, en y tombant, la nausée à l'égout.

    IV

    Azincourt est riant. Désormais Ramillies,

    Trafalgar, plaisent presque à nos mélancolies ;

    Poitiers n'est plus le deuil, Blenheim n'est plus l'affront,

    Crécy n'est plus le champ où l'on baisse le front,

    Le noir Rosbach nous fait l'effet d'une victoire.

    France, voici le lieu hideux de ton histoire,

    Sedan. Ce nom funèbre, où tout vient s'éclipser,

    Crache-le, pour ne plus jamais le prononcer.

    V

    Plaine ! affreux rendez-vous ! Ils y sont, nous y sommes.

    Deux vivantes forêts, faites de têtes d'hommes,

    De bras, de pieds, de voix, de glaives, de fureur,

    Marchent l'une sur l'autre et se mêlent. Horreur !

    Cris ! Est-ce le canon ? sont-ce des catapultes ?

    Le sépulcre sur terre a parfois des tumultes,

    Nous appelons cela hauts faits, exploits ; tout fuit,

    Tout s'écroule, et le ver dresse la tête au bruit.

    Des condamnations sont par les rois jetées

    Et sont par l'homme, hélas ! sur l'homme exécutées ;

    Avoir tué son frère est le laurier qu'on a.

    Après Pharsale, après Hastings, après Iéna,

    Tout est chez l'un triomphe et chez l'autre décombre.

    O Guerre ! le hasard passe sur un char d'ombre

    Par d'effrayants chevaux invisibles traîné.

    La lutte était farouche. Un carnage effréné

    Donnait aux combattants des prunelles de braise ;

    Le fusil Chassepot bravait le fusil Dreyse ;

    A l'horizon hurlaient des méduses, grinçant

    Dans un obscur nuage éclaboussé de sang,

    Couleuvrines d'acier, bombardes, mitrailleuses ;

    Les corbeaux se montraient de loin ces travailleuses ;

    Tout festin est charnier, tout massacre est banquet.

    La rage emplissait l'ombre, et se communiquait,

    Comme si la nature entrait dans la bataille,

    De l'homme qui frémit à l'arbre qui tressaille ;

    Le champ fatal semblait lui-même forcené.

    L'un était repoussé, l'autre était ramené ;

    Là c'était l'Allemagne et là c'était la France.

    Tous avaient de mourir la tragique espérance

    Ou le hideux bonheur de tuer, et pas un

    Que le sang n'enivrât de son âcre parfum,

    Pas un qui lâchât pied, car l'heure était suprême.

    Cette graine qu'un bras épouvantable sème,

    La mitraille, pleuvait sur le champ ténébreux ;

    Et les blessés râlaient, et l'on marchait sur eux

    Et les canons grondants soufflaient sur la mêlée

    Une fumée immense aux vents échevelée.

    On sentait le devoir, l'honneur, le dévouement,

    Et la patrie, au fond de l'âpre acharnement.

    Soudain, dans cette brume, au milieu du tonnerre,

    Dans l'ombre énorme où rit la mort visionnaire,

    Dans le chaos des chocs épiques, dans l'enfer

    Du cuivre et de l'airain heurtés contre le fer,

    Et de ce qui renverse écrasant ce qui tombe,

    Dans le rugissement de la fauve hécatombe,

    Parmi les durs clairons chantant leur sombre chant,

    Tandis que nos soldats luttaient, fiers et tâchant

    D'égaler leurs aïeux que les peuples vénèrent,

    Tout à coup, les drapeaux hagards en frissonnèrent,

    Tandis que, du destin subissant le décret,

    Tout saignait, combattait, résistait ou mourait,

    On entendit ce cri monstrueux : Je veux vivre !

    Le canon stupéfait se tut, la mêlée ivre

    S'interrompit... - le mot de l'abîme était dit.

    Et l'aigle noir ouvrant ses griffes attendit.

    VI

    Alors la Gaule, alors la France, alors la gloire,

    Alors Brennus, l'audace, et Clovis, la victoire,

    Alors le vieux titan celtique aux cheveux longs,

    Alors le groupe altier des batailles, Châlons,

    Tolbiac la farouche, Asezzo la cruelle,

    Bovines, Marignan, Beaugé, Mons-en-Puelle,

    Tours, Ravenne, Agnadel sur son haut palefroi,

    Fornoue, Ivry, Coutras, Cérisolles, Rocroy,

    Denain et Fontenoy, toutes ces immortelles

    Mêlant l'éclair du front au flamboiement des ailes,

    Jemmape, Hohenlinden, Lodi, Wagram, Eylau,

    Les hommes du dernier carré de Waterloo,

    Et tous ces chefs de guerre, Héristal, Charlemagne,

    Charles-Martel, Turenne, effroi de l'Allemagne,

    Condé, Villars, fameux par un si fier succès,

    Cet Achille, Kléber, ce Scipion, Desaix,

    Napoléon, plus grand que César et Pompée,

    Par la main d'un bandit rendirent leur épée.

    Victor Hugo, L'Année Terrible

  5. À noter que je me suis moi-même plié à cette règle lors du dernier concours (la dernière fois que j'ai participé, donc l'avant-dernier concours, en fait), mais que je la trouve néanmoins très discutable.

    En effet, au-delà du thème lancinant du texte qui doit se suffire à lui-même, qui n'a pas besoin de béquille et autres poncifs du même goût, je sais combien il est difficile d'avaler un amoindrissement de ses points parce qu'un type n'a pas compris l'un des aspects du texte. Quant à savoir si cette idée-là était assez bien amenée ou trop absconse, c'est au lecteur d'en décider, mais après avoir reçu une explication néanmoins, car il est tellement facile de passer rapidement sur un texte génial et de n'y rien comprendre, et de lui préférer un récit quelconque mais plus littéral, quand on est fatigué, pressé, idiot ou les trois à la fois...

    Donc il ne s'agit pas de juger "un texte et son explication" (rhétorique facile!), mais de juger un texte en connaissance de cause, et non seulement une impression première, hâtive et souvent tronquée.

    Ou alors établissons un concours de littérature bas-de-gamme, où celui qui fait le texte le plus simple et le plus entraînant même en sautant des lignes, avec des sentiments gros comme des maisons et des personnages dont la blessure secrète et étalée en tartines, où celui-là l'emporte, donc, et décroche un contrat chez Robert Laffont, pourquoi pas?

    PS : Je précise que j'émets cette critique en toute bonne foi, et sans aucun sentiment de rancune personnel. D'ailleurs, ce concours, je l'ai gagné, donc hein...

    PPS : Suite à la remarque de Ninouki (à qui j'ai répondu par édit dans son propre message), je précise de surcroit que je ne suis pas en train de dire que les textes réclamant des explications sont forcément les meilleurs. Simplement qu'il est dommage de perdre des points parce que des lecteurs peu attentifs sont passés à coté de quelque-chose. À eux de voir ensuite si c'était de leur fait ou si c'est l'auteur qui a mal construit son texte, mais si on ne peut meme pas répondre à leurs remarques on a peu de chances de leur permettre d'en juger.

    PPPS : A Inxi : " Vous faites des one-shot, pas besoin d'un background de fou ! C'était là dessus que je me basais pour justifier le refus d'avoir des commentaires sur son propre texte"

    Oui certes. Mais ce n'est pas forcément une question de références (qui apparemment posent problème dans le texte de SoK). Je prends l'exemple de l'avant-dernier concours : Claire m'avait reproché d'avoir un personnage qui faisait des phrases trop ampoulées, "pas assez naturelles". Alors que précisément tout le texte était construit pour peindre l'atroce décalage entre ce personnage reclus, nourri de littérature et de reves faux, et la réalité qui déboule toute crue sous la forme d'une fraiche fillette. Ce type-là tout entier était à coté de la plaque, se faisant des idées idiotes, réagissant à ce que lui dit la fille avec un coup de retard, et déclamant des phrases (peut-etre ruminées depuis des années) qui l'émeuvent lui-meme, mais qui ne touchent surement pas l'adolescente gothique de quinze ans. Le personnage tout entier était fait pour n'être "pas naturel".

    Claire, je crois, ne m'avait accordé qu'un point dans son classement. Si j'avais eu le loisir de lui répondre, peut-être que, considérant qu'elle était passée à coté du texte (parce que pour reprocher le ton "pas naturel" du vieillard, il fallait n'avoir pas vu du tout le propos de la nouvelle), elle m'aurait classé un peu plus haut. Peut-etre aussi qu'à la relecture, elle aurait trouvé que je m'y étais vraiment mal pris pour écrire ce que je voulais transmettre, et que si elle n'avait pas vu ça c'est que ce n'était pas visible, et que mon interprétation était fumeuse.

    Mais sans l'autorisation de répondre aux commentaires, il était impossible de l'éclairer sur le texte, et de la laisser libre de reconsidérer celui-ci (et donc d'éviter un jugement fait sur une impression tronquée) ou d'entériner sa position, en toute connaissance de cause.

    Pour que les gens puissent juger les textes, il faut pouvoir leur en donner les outils.

  6. Bon, motivé par Tar Mineldur :

    1) J'ai commencé à écrire dans des circonstances compliquées.

    Pour tout dire, mes parents étaient deux pauvres bûcherons qui n'avaient guère de quoi manger. Un soir, ils décidèrent de nous abandonner dans la forêt pour pouvoir vivre de leurs dernières ressources. Heureusement, caché sous le tabouret, j'avais tout entendu de leur conversation, et j'avais pris soin de garnir mes poches de petits cailloux blancs. Le lendemain, je les avais semés sur notre route, pour être certain de me retrouver. Quand mes parents nous abandonnèrent, mes six frères et moi, nous pûmes retrouver notre chemin.

    Mais hélas, trois mois plus tard, mes parents recommencèrent! Caché sous le poêle à mazout, j'avais tout entendu, mais ils avaient pris soin de verrouiller la porte, si bien que je ne pus prendre de petits cailloux.

    Heureusement, j'avais peu avant fracturé le tiroir de la commode Louis XVI du boudoir de ma mère, qui était plein de poèmes de Paul Verlaine(car si Verlaine était dans le guéridon, Baudelaire, lui était dans le poêle à mazout, réduit par mes soins à l'état de cendres, ce pourquoi je me trouvais par là quand mes parents eurent cette discussion).

    Lorsque, le lendemain, mes parents nous conduisirent à-travers bois en direction de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, je semai ma route de ces poèmes que je n'avais d'ailleurs même pas lus. Mais, aux trois quarts du chemin, ma réserve de poèmes était déjà épuisée.

    Heureusement, j'avais dans ma redingotte un papier d'écolier sur lequel j'avais noté mes antisèches pour le concours de saint-cyr.Après avoir gommé les réponses à l'aide de la mie de pain de mon autre poche, je découpai la feuille en quatre et écrivis à la hâte quatre poèmes qui me permirent de marquer la fin du trajet

    Nos parents nous mirent donc dans l'avion en première classe, avant de rentrer chez eux en taxi. Heureusement, grâce à l'argent que j'avais piqué dans le porte-monnaie de maman après ses courses (les marchands lui rendaient souvent la monnaie en billets verts), je pus soudoyer l'hôtesse de l'air qui nous laissa descendre de l'appareil, mes cinq frères et moi, car le sixième venait d'être pris d'une soudaine passion pour cette même hôtesse et voulut voyager avec elle. Pour la petit histoire, ils vécurent heureux ensemble et eurent plein de petits plateaux-repas.

    Mes cinq frères et moi, donc, retrouvâmes notre chemin grâce aux poèmes que j'avais semés. Nous rentrâmes à la maison le lendemain, après avoir passé la nuit dans un hôtel. Et le matin même de notre arrivée, mon père touchait enfin son indemnité ministérielle et ma mère l'indemnité de licenciement de la firme dont elle était la patronne, et ils avaient de quoi payer des sandwiches pour tous les six, et ils étaient précisément en train de se lamenter sur notre sort, pensant qu'il faudrait payer neuf billets de retour quand ils auraient été nous chercher et qu'un sou est un sou et qu'il ne faut pas jeter ainsi l'argent par les fenêtres et que donc nous étions perdus pour toujours et que c'était bien triste. Combien ils furent contents de nous voir arriver chez eux, comme par magie, sans frais de transports!

    Lorsqu'il apprit le stratagème par lequel j'avais balisé notre trajet, mon père fut émerveillé, et m'incita à faire de la poésie, sachant qu'un projet personnel de recueil serait un vif atout pour intégrer sciences-po paris.

    Et voilà.

    2) J'écris toujours sur l'ordinateur le plus récent possible (je ne fais pas de la littérature de tapettes, moi!)

    3) J'ai un logiciel aléatoire permettant de sélectionner des thèmes de poèmes parmi plusieurs millions d'entrées. Il y a plusieurs cellules ("état d'âme", "décor", "images", "message", "couleurs de cheveux", "position", etc.) qui une fois qu'elles sont associées permettent de se fonder sur un thème solide!

    4) Une fois ceci fait (il faut parfois s'y prendre à plusieurs reprise), j'utilise un générateur aléatoire de poèmes qui permet de créer des choses sympa, une fois que l'on a entré le code du thème précédemment généré (exemple : XCs44y78ol7 correspond à : "charmante levrette brune dans un ciel d'orage au printemps empreint de tristesse profonde") et divers paramètres, tels que la taille et le nombre de vers, certaines rimes, etc.

    Ça marche bien, sans rire! En voici un avec comme thème :

    état d'âme = dévotion ;

    décor = non spécifié ;

    images = dévotes ;

    message = mysticisme ;

    figure = nu héroique ;

    position = surplombante

    et cadre = religion

    ( code ar4J7uGn1 ) , et comme forme déterminée :

    quatrain,

    rimes croisées,

    français médiéval.

    Les dames qui monstrent leurs seins,

    Leurs tetins, leurs poictrines nuës,

    Doit-on demander si tels saincts

    Demandent chandelles menuës? *

    Ces logiciels sont distribués par Windows, au prix de 999euros chacun dans leur version la plus récente (2.1 pour le générateur de thèmes et 8.2.49.0.√(b²/4) pour le générateur de poèmes). Vous pouvez profiter d'une version d'évaluation de 30 jours sur le site d'Oniris, dont les productions sont à la hauteur de la mécanique.

    * Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne, Le Cabinet satyrique, "Quatrains sur le mesme subject"

  7. Académiquement toujours au pluriel

    Comme si pour écrire, une paire de mains

    N'avait jamais suffi, des poignées d'imbéciles

    Vont pépiant des lois qu'ils oublieront demain

    Frustrés de leur échec en cet art difficile.

    Et j'ajouterai même :

    La règle a de valeur son tour irrégulier,

    Permettant l'apogée du mot individuel.

    Poétiquement, l'art s'écrit au singulier,

    Académiquement, toujours au pluriel.

    Une pensée au site Oniris, bien sûr...

  8. Voyons si Cain se fera l'Abel.

    Caïn, la crainte au coeur que son effort fût vain,

    Avait jeté un oeil au tombeau de son frère.

    Quand, des années plus tard, il rouvrit cette bière

    L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

    Vous excuserez le hiatus au deuxième vers ; j'ai dû faire tant de contorsions pour faire tenir mon jeu de mots crétin dans un petit quatrain.

  9. Pareil pour le vote multiple.

    Par contre, "moins pire", c'est ni plus ni moins aussi idiot que "le moins moins mauvais".

    Chcurchill a dit que "la démocratie est le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres", ce qui syntaxiquement parlant est "plus meilleur" (tant qu'à faire).

    Même s'il l'a dit en anglais, langue dont les problèmes sont différents des nôtres.

  10. Pour les sujets "terre à terre" il existe le guide de poésie. Il y est écrit noir sur beige que l'on peut poser des questions dans ce sujet, ce que Celt a fait, d'ailleurs.

    Au passage, je vous invite à relire "fonction de poésie", mis en épinglé.

    Bon, soit ne nous bornons pas à ces bêtes considérations, et regardons plutôt ce sujet, où des questions d'ordre moins technique ont été abordées, et qui s'est finalement noyé dans des discussions sans fin. Nous pouvons en déduire :

    1 - Qu'il n'est pas certain que des questions telles que "quelle est la valeur morale de l'élan poétique?" puissent ce clore un jour

    2 - Qu'il est donc tout-à-fait peu indiqué de consacrer un unique sujet à l'ensemble de ces questions.

    Après, de façon secondaire et donc entre parenthèses, on peut se demander si vraiment cela sert d'entretenir des discussions qui ne trouvent pas de terme sur des questions concernant le sens de l'écriture de la poésie. Je ne dis pas qu'elles sont idiotes, ni même inutiles en soi, encore moins inintéressantes, mais je ne suis pas sûr qu'elles puissent apporter quelque-chose à la question.

    Parenthèses fermées, je continue de dire qu'un sujet avec une acception aussi vaste et floue a toutes les chances de se perdre, tout comme celui que j'ai mis en lien, qui pourtant était plus corseté.

    Les discussions ontologiques devraient à mon sens être postées à même le forum. Quant aux poèmes d'auteurs, Celt avait une idée assez marrante à ce sujet, en tout ca spour ce point là je soutiens sans réserve la limitation à un seul sujet pour tous, afin de ne pas transformer la section. De mon temps je leur en avais d'ailleurs barré l'accès, sauf dans les commentaires, mais à nouveau modérateur nouvelle orientation.

  11. Du reste, ça parait curieux de sauvegarder la propriété intelectuel de quelqu'un qui balance anonymement un poème sur le net, non?

    Curieux ou non, c'pas une raison pour l'en déposséder. Après tout, entre ça et publier sous pseudonyme, quelle différence?

  12. P.P.P.S : Je sais bien que c'est horriblement moche de s'introduire dans l'oeuvre d'un autre, mais j'aurais bien vu "Et que veux-tu, adorée ? - Mon temps retrouver." à la place de "Que veux-tu mon adorée ? - Mon temps retrouver.", car ça permet de garder un rythme en 4/3/2/3 sur tout le quatrain (sauf le dernier hémistiche...).

    Au contraire, je pense que "Que veux-tu, mon adorée?" est plus pertinent rythmiquement, puisque plus respectueux du rythme du vers précédent. Je m'explique : "Et que veux-tu, adorée?" oblige syntaxiquement à marquer une pause après la quatrième syllabe, donc déjà le rythme est modifié.

    De plus, les consonnes qui sont au début et à la fin de "mon" permettent une plus grande fluidité dans la prononciation, et surtout rappellent le vers précédent, construit sur ce même schéma. On a affaire à une répétition du schéma (sans aller jusqu'à parler d'allitérations) qui je trouve agréable.

    Allez, tiens, et histoire de n'être pas intervenu pour rien :

    Que veux-tu mon adorée ? - Mon temps retrouver.

    Nous avions bien commencé, certes, mais je pense

    Que nous avons tout perdu de notre tempo :

    Je ne saurais jouir ainsi, prenons du repos.

    L'amour se rythme, allons-y, partons en cadence!

    :D

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