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Petimuel

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Messages posté(e)s par Petimuel

  1. Merci à vous deux!

    O'mor'Tyr : il y a de ça, oui; même si je n'y avais pas pensé ^^

    Aha, enfin cette réponse, Iliaron! ^_^

    Je me doutais bien que cetre fin allait en décevoir quelques-uns, et ce quelques-uns c'est toi. :)

    Je vais essayer de la justifier rapidement.

    Au fond, les pieds entre eux ne sont jamais tombés d'accord sur la moindre revendication; ils avaient une sensation de trop-plein qu'ils se sont entendus pour manifester par une grève sauvage. Comme ça, les hommes seront obligés de plier. Oui mais comment exactement? Cette question n'avait jamais été soulevée, et cela était visible par l'absence totzle de projet, derrière cette grève générale : c'est à notre héros qu'il incombe finalement d'organiser une réunion, alors que des pieds organisés l'auraient prévue.

    Ces pieds, pour la plupart, sont bêtes comme leur nom l'indique, finalement.

    Et de plus, en effet, ce n'est pas le sujet de ce texte, qui s'intéresse plutôt à la façon dont le personnage essaie de se retrouver lui-même (de façon un peu superficielle, on est d'accord; la métaphysique proustienne ce n'est peut-être pas encore dans mes cordes :'( )

    Voilà, bon, maintenant cette défense peut avoir des carences; si quelqu'un n'est pas d'accord avec lui qu'il le dise dès maintenant ou qu'il se taise à tout jamais... euh, non, même si vous êtes d'accord les commentaires sur le texte sont les bienvenus, bien entendu.

  2. Je passe régulièrement sur le warfo en cours de journée (Edit: et plus particulièrement un jour férié comme celui-ci, alors que je viens de finir un galop d'essai type sciences-po). Et j'ai fini la lecture de l'intégralité des textes du concours.

    . Parce que nous ne t'avons jamais serrer la main tu te permet de nous traiter comme des chais-pas-quoi.

    ?!? :lol:

  3. Mais... mais... mais...

    Qui a dit qu'il s'en foutait des autres? Qui s'en est clairement foutu? Non, je ne suis décidément pas d'accord avec ta position, raukoras.

    Ce n'est pas forcément une question de respect que d'aller tout commenter, alors que peut-être on a des choses plus improtantes à faire dans la vie.

    Il s'agit ici d'un concours de récits sur un forum, avec des textes de deux pages A4; personne n'y a passé six mois de sa vie. Ce n'est pas grave si l'on reçoit des commentaires en moins sur un site virtuel.

    Il est injustifié de dire que ceux qui ne répondent pas se fichent des autres, c'est totalement infondé, déjà parce que la notion d'"autres" est effacée du fait même de la virtualité du support de communication mais surtout, surtout parce que ça n'est en aucun cas une marque de non-respect que de ne pas commenter une feuille de chou sur un forum; alors, en particulier que l'on a peut-être des obligations dans la vraie vie.

    Ce concours WarFo est juste institué afin de se détendre; ça va changer la vie de qui, d'arriver premier ou avant-dernier? Ce n'est pas une insitiution.

    Et il est encore pire de s'énerver contre les "retardataires". Quid? Quid? Quel retard? Il y a une semaine en plus, il y a une semaine en plus, point. Il y a des gens qui ont des examens, des concours blancs, des cours, des devoirs, enfin vous voyez, des choses du genre, quoi, et même des sorties entre amis. Au grand jamais je ne m'offusquerai de voir que quelqu'un n'est pas allé lire une de mes nouvelles sur le forum parce qu'il a préféré passer du temps avec de vrais amis, palpables. Alors moi, je me prends comme exemple, quand j'ai su qu'il y avait encore une semaine, j'ai préféré réviser et continuer mes commentaires tout au long de la semaine, ce que je fais, plutôt que de tout m'engloutir rapidement et de faire un vote hâtif. Ca permet aussi de mieux pondérer son vote, et ça c'est ce que tu peux appeler une marque de respect.

    Mais, je le répète encore : le respect de qui? De quoi? C'est parce que Zoulaf n'a pas le temps de commenter mon texte que je vais en déduire qu'il s'en contrefiche, de mes efforts pour l'écrire? Il est sans doute vrai qu'il ne le palce pas en prime place dans l'ordre d'improtance des choses qui régissent sa vie et c'est tout à vfait normal : je ne suis jamais qu'un utilisateur virtuel d'un forum qu'il fréquente. Mais je ne doute pas qu'il ait un minimum de remords, et je ne pense pas que qui que ce soit dans ce concours se fiche du travail qu'aient fournis les autres participants.

    "Les autres textes? Oh, c'est pas le mien, j'm'en fous." Sérieusement, qui pense ça, à ton avis?

    La vraie marque de respect est d'admettre que les gens aient, en-dehors du warfo et de ce petit "concours" des vies réelles, avec des choses plus improtantes que cela, et de les laisser les vivre. Remercier ceux qui prennent le temps de lire (encore que lire soit le minimum syndical dans ce concours, mais les empêchements majeurs, ça existe) et de nous commenter, plus ou moins abondamment, et de pardonner aux autres. Car es autres ne sont pas que le moyen pour nous de recevoir des commentaires, ils sont aussi des fins en soi qui ont d'autres préoccupations. Même si, n'en doutons pas, c'est avec laisir qu'ils auraient lu et commenté le concours s'ils n'avaient pas des choses plus importantes à faire. Il faut résonner par échelles.

  4. Merci à vous deux !

    C'est pas grave, Pasiphaé, plage ou forêt, la beauté est universelle :lol:

    Je veux dire par là qu'il me paraît étrange que le personnage, qui est en quelque sorte le héros de la contre révolution, cède si facilement à ses pieds alors qu'une escapade à la mer réduirait à néant ses chances d'être reconnu comme "l'homme qui a maîtrisé ses pieds".

    Il y a deux réponses à cette remarque.

    La première est qu'il a perdu depuis logntemps tout espoir d'être reconnu comme tel - depuis son premier discours catastrophique, en quelque sorte. Même si c'est lui qui a fait le plus de bruit, le mouvement a très vite éclaté puis été récupéré par d'autres personnalités, plus légitimes par ailleurs, telles le maire. Les journalistes se moquent complètement de lui, comme il l'a bien vu.

    La seconde est que ce n'est pas vrai, et que de toute façon ça n'a plus aucune importance. Il n'a pas maîtrisé ses pieds, puisqu'il s'est fait gagner par eux; mais il en a tiré un apaisement vis-à-vis de lui même. Et il vaut mieux réaliser cela que de forcer l'entrée de la scène pour qu'il qu'ila dompté ses pieds, ce quis erait faux et risquerait de déplaire aux intéressés. Il avait tout intérêt à laisser tomber, et ça n'avait de toute façon pas grande importance : il ne rêvait plus de gloire, mais d'océan (ce qui est généralement plus tranquille.)

    Sinon, j'ai effectivement pensé à La petite marchande de prose, sur le passage du cérébrocentrisme. :blink: Sauf que mon personnage n'est pas dans le coma, c'est toujours ça de gagné.

    J'en profite pour dire qu'à l'écriture manuscrite, on souligne les titres, mais en dactylographie on les met en italiques. Ahlàlà, le protocole... :clap:

  5. En fait il ne s'agit pas de commenter, mais de voter. Parce que le fait de ne pas voter enlève des points aux adversaires; donc nous avantage. Ca il faut le sanctionner.

    Les commentaires, non. Parce qu'après, on tombe dans le débat sur "qu'est-ce qu'un commentaire?", et que là tu auras ceux qui vondront valoriser les commentaire du type de Celt ou des miens, et ceux qui se contenteront de ceux d'Inxi, nettement plus rapides à faire, etc.

  6. Je propose de ne pas mettre un bonus pour ceux qui ont rendu à temps. Une semaine supplémentaire est une semaine supplémentaire.

    Quand j'ai su qu'on aurait une semaine sup' j'ai préféré réviser mon galop d'essai IEP plutôt que de compléter les classements. Sans quoi je l'aurais sans doute fait à temps, malgré les grandes restrictions de temps auxquelles j'étais soumis.

    Après, bon, oui, c'est chiant. Déjà ceux qui participent sans rendre de classement sont sanctionnés, c'était pas le cas il y a un certain temps et ça par contre c'est vraiment important. Le reste n'est que magouilles pour s'avantager, on ne gagne pas un concours parce qu'on n'est pas parti en vacances.

    Soit dit sans aucun bellicisme de ma part, hein. Ce n'est qu'un innocent plaidoyer :blink:

  7. Et mon esprit a mal aux pieds...

    Les murs murés de songe, intangibles, fuyants

    Derrière qui mon coeur a trop couru, ces plâtres

    Dérobés de l'esprit que l'esprit va priant

    M'encombrent. - Et je rêve un jour de tout abattre.

  8. Avant-propos

    Ce court traité de technique poétique a pour unique et modeste ambition de donner aux novices en matière de poésie les principes fondamentaux de cette discipline, afin que ceux qui ignorent totalement comment s’écrit ou se lit un poème, ou qui en ont seulement quelques bases, puissent comprendre rapidement et clairement la plupart des mécanismes de l’écriture poétique.

    Ce guide s’adresse donc aux lecteurs de poésie comme aux auteurs en herbe, que ceux-ci se sentent des penchants pour la poésie classique ou qu’ils se destinent à la création en vers libres ou à la prose poétique. Celles-ci, en effet, requièrent un minimum de connaissance sur les règles de la poésie formelle, et je ne saurais trop conseiller, à tout le moins, la lecture de la première partie de cette petite synthèse, à tous les poètes novices, lecteurs, et curieux en tous genres.

    Qu’est-ce que la poésie ?

    La plupart des gens ont de la poésie une idée si vague que c’est ce vague même qui devient pour eux la définition de la poésie. Paul Valéry

    Il m’est impossible d’entreprendre un tel projet sans commencer par définir la poésie, mais cet exercice est particulièrement ardu et sujet à caution. J’essaierai donc de rester général afin de ne point soulever de débats. La question de savoir ce qu’est exactement la poésie n’est du reste pas l’objet du présent article.

    Le Petit Robert donne de la poésie la définition suivante : « Art du langage, visant à exprimer ou à suggérer par le rythme (surtout le vers), l’harmonie et l’image. » C’est une définition honnête, mais qui tend à trop se confondre avec la prose, notamment dans les évocations dites « poétiques ». Car il est évident que la prose aussi peut exprimer et suggérer par le rythme l’harmonie et l’image. Or la poésie ne se peut plus définir par le vers, depuis Aloysius Bertrand qui, au XIXe Siècle, inventa le poème en prose.

    La différence ne serait donc qu’une question de degrés ? Un texte de prose un peu trop élevé pourrait-il basculer soudainement dans la poésie ? A moins peut-être d’en isoler une seule phrase, c’est inconcevable. J’y ajouterai donc ma propre définition, qui vaut ce qu’elle vaut : tandis qu’un texte de prose est centré sur le récit, le texte de poésie n’existe que par et pour lui-même, embarquant le cœur du lecteur en son sein. On pourra certes me répondre que nombre de poèmes ont un fort penchant narratif (Victor Hugo, L’année Terrible, « Sur une barricade »), et qu’à l’inverse la prose peut n’être intéressée que par son style, selon par exemple Louis Ferdinand Céline. Mais tout ici est question de priorités : si virtuose que puisse être le style d’une prose, il est toujours là pour envelopper, développer et soutenir un récit : il est motivé par son signifiant. Le texte de poésie, lui, se motive lui-même.

    Par souci de clarté, mettons immédiatement au point une règle orthographique simple mais parfois négligée : « la poésie » s’écrit avec un accent aigu, « un poème » avec un accent grave.

    Présentation

    Loin des débats houleux qui peuvent exister quant à l’essence même de la poésie, cette synthèse a seulement pour but d’enseigner les rouages techniques de la poésie française versifiée, théâtre compris. Ceux qui préfèreront écrire des poèmes en vers libres ou même en prose sauront y glaner également quelques renseignements utiles – je recommande tout de même de commencer par maîtriser les formes fixes, que l’on désire continuer à en faire où évoluer vers autre chose ; c’est une base extrêmement importante. Certains pensent que pour faire de la poésie, il suffit de faire des rimes et/ou d’écrire des histoires d’amour à l’eau de rose. Ceux-ci pourront se convaincre de l’invalidité de la première moitié de cette idée à la simple lecture de ce traité, ce qui leur donnera de bien meilleurs jalons pour commencer à en écrire, s’ils en ont envie. Une fois que les mécanismes principaux sont assimilés, en effet, il devient aisé d’évoluer et de créer, et la seconde idée reçue sur la poésie tombera d’elle-même lors du processus d’écriture – sans quoi, pour s’en convaincre, il suffit de lire à peu près n’importe quel poète, Verlaine compris, ô combien !

    Cet article se divise en deux sections, la première regroupant les règles de base, essentielles, que chacun doit lire avant de se lancer dans quoi que ce soit. Les règles de la poésie étant nombreuses, j’ai dû créer, tout naturellement, une seconde partie, décrivant la technique poétique de manière plus minutieuse. Cette seconde partie n’est pas à proprement parler un « bonus » : elle est importante également et compte aussi dans la création tout comme dans l’analyse poétique. Seulement, elle est trop lourde à digérer pour un véritable novice, et mieux vaut ne pas s’y heurter immédiatement. Ceux qui savent déjà les rudiments de la poésie peuvent s’y référer directement, en sautant la première partie.

    Bonne lecture à vous !

  9. Je sais bien qu'il existait ce sujet-ci pour apprendre à écrire de la poésie, mais il il était incomplet et trop fouillis; chaque participant avait son organisation propre, il n'y avait aucune structure globale correcte, j'ai donc décidé de faire moi-même une méthode d'écriture de poésie de manière, du moins je l'espère, claire et efficace.

    Cette synthèse est disponible en pdf; la lecture en sera plus claire et plus agréable, aussi je vous recommande de la consulter sous ce format, si vous le pouvez, plutôt que d'en lire le copier/coller que je vais faire ici.

    La méthode en PDF

    Nota Bene : J'ai rouvert le sujet, vous êtes donc libres d'y ajouter tout commentaire, précision, insulte etc.

    Vous pouvez bien sûr compléter le sujet, si vous pensez que certains points n'ont pas été évoqués qui méritaient de l'être.

    Merci et bonne lecture à vous; j'espère que cete synthèse saura vous être utile!

  10. ____Je n'obtins rien de plus ce soir-là. Après avoir fait la liste des cabarets et dancings du coin et avoir essuyé un refus systématique de leur part, je reçus un appel de Louis, venu prendre de mes nouvelles. Ce fut moi qui commençai par en glaner.

    ____"Alors, comment s'est déroulé cet après-midi de tribune?

    ____- Moyennement. Des dissidences ont éclaté au sein des pieds. Divers groupes sont en train de se former. Tout le monde est désespéré; les négociations vont se poursuivre. Prochaine réunion : demain, à la mairie.

    ____- C'est tout?

    ____- Non; tant qu'à être là, on avait décidé de régler clairement le problème des salaires et des journées de travail – pour ceux qui ont la chance de travailler dans cette ville. Ca ne me concernait pas, je suis parti plus ou moins à ce moment.

    ____- Tu veux dire que les villes voisines ne connaissent pas de problème?

    ____- Apparemment non, le phénomène semble très restreint. J'en sais pas plus.

    ____- Bon. Dis-moi, le prof de philo a dit quelque chose?

    ____- Le prof de philo? Pas vu.

    ____- Bon, bon, bon.

    ____- Et toi, alors? Tu nous as quittés tôt, enflure.

    ____- Vers midi, mes pieds semblaient estimer que j'avais rempli ma mission. J'ai pas insisté, écoute, j'avais faim, je suis rentré.

    ____- Chanceux. Tout va bien depuis ce moment?

    ____- Euh… Oui. Oui, oui. Tout va bien. Enfin, bon. Je contrôle la situation. Bref, oui. Ca va.

    ____- Tu n'as pas l'air d'être très convaincu, dis-moi. Il y a un problème?

    ____- Non, non, rien de particulier. Ah tiens, au fait! Dis-moi! Tu ne saurais pas, toi, ce que des pieds pourraient vouloir vraiment? Du fond du cœur?

    ____- Ben, pas vraiment, mais si tu veux je peux te lire une photocopie de la liste de propositions qu'on a établie…

    ____- Non, non, ça ira, merci. Je me débrouillerai. A demain!

    ____- Ciao."

    ____Pour la suite, je me souviens seulement avoir dormi. D'un sommeil profond. Je n'ai pas dû rêver beaucoup. Tant mieux, j'aurais rêvé de pieds. Horrible.

    ____Quand je me réveillai, le temps était clair. Le soleil s'agitait sur mon lit avec l'envie manifeste de me voir me lever pour profiter de ses rayons. L'hiver ventilait la chambre d'un souffle frais et vivifiant.

    ____Mon premier réflexe fut de faire remuer mes pieds, au fond de ma couette. Ils répondirent parfaitement à mes injonctions. Fonction "pieds" opérationnelle, mon capitaine. Tout est OK. Je sortis du lit sans aucune difficulté. Je bâillai, m'étirai avec plaisir, et descendis d'un bond jusque dans la cuisine pour me servir un petit déjeuner.

    ____Tout semblait facile, tout se passait à merveille. J'avais, de plus en plus, l'impression que la journée de la veille n'avait pas existé. Impression qui se transforma bien vite en doute. Je fis quelques pas de danse, pour voir. Je me cognai volontairement le pied droit contre le chambranle de la porte. La douleur s'estompa normalement.

    ____Le doute devint presque angoissant lorsque, revenu dans ma chambre, je découvris mon carnet refermé, et au pied de mon lit.

    ____Mes fesses churent lourdement sur ce dernier. Je restai assis quelques minutes, les mains jointes sur mes cuisses, l'œil perdu dans le vide. Alors tout cela n'avait été qu'un rêve. Rêve, cette agitation extrême. Rêves, ces acrobaties pour se tenir droit. Cette réunion, cette polémique, cette dispute d'avec une partie de mon propre corps. Rêves. Mascarade fantasmagorique, ce spectacle d'une humanité rampante et enchaînée à ses propres chevilles. J'avais tout simplement rêvé. Tout simplement. Un sourire béat dut illuminer mon visage. Qu’il était doux de n’être plus confronté à une réalité au demeurant pénible ! Joie et volupté ! J’avais rêvé et j’étais libre !

    ____Mon téléphone miaula. Je laissai encore mon esprit battre la campagne quelques instants et savourer cette délivrance inespérée avant de consulter le message.

    ____"Slt c Louis. Ct pr savoir si tété tjs OK pr alé a la reunion aujd"

    ____Caramba ! J’avais rêvé cette histoire de rêves. Je jetai à mes pieds un regard vide d’intentions et lourd de sens. Le courage m’avait quitté tout d’un coup.

    ____« Alors comme ça vous êtes toujours en grève… »

    ____Il était évident que oui.

    ____Je me rendis donc à cette seconde réunion. Plus grande. Plus officielle. Avec le maire saucissonné de tricolore, debout devant une petite estrade sur laquelle un micro attendait patiemment l’heure d’être postillonné. Il y avait des gens du coin mais aussi quelques touristes, qui discutaient entre eux et s’agglutinaient autour des officiels, lesquels se distinguaient par le verre de champagne qu’ils portaient à la main. Les sourires s’échangeaient du bout des doigts, fiers ou crispés, trop pleins, soutenant des yeux las qui s’efforçaient d’éviter la vue des pieds, même enveloppés de cuir. On distinguait des micros, des perches et quelques caméras, des carnets couvertes de notes et des curiosités intéressées. Des journalistes s’étaient ostensiblement incrustés dans la foule, visiblement décidés à ne pas s’y diluer. Allais-je les laisser venir vers moi, pour m’interviewer et me prendre en photo, en tant que premier homme à avoir su dompter ces pieds et organiser le mouvement ? Ou allais-je tenter de me cacher ?… la célébrité avait ses inconvénients… mais ses avantages aussi… Après de nombreuses réflexions je décidai de me laisser tenter par la gloire et le luxe, au détriment sans doute de ma tranquillité. C’était une occasion unique de briller et je ne pouvais pas la laisser passer ! Je me fondis donc dans les nœuds d’intérêts l’air de rien mais en faisant attention à rester à proximité de tout homme muni d’un appareil photo et de toute équipe caméra – ce n’était pas bien difficile. Et visible depuis la tribune, aussi. Des fois que le maire eusse été présent à la première réunion et m’apercevrait ce jour, ayant dans l’idée de me mettre à l’honneur.

    ____Je déambulai donc entre des personnes que l’instinct grégaire poussait à se rapprocher, au risque même que leurs pieds pussent en profiter pour fomenter un vaste coup de théâtre. Certes, rien de tel n’arriva, mais je me sentis extrêmement mal à l’aise, compressé par des bras et coudes apeurés, et considérai donc ces gens comme de parfaits imbéciles. Ce que je pouvais entendre au milieu de capharnaüm sonore qui, comme si cela ne suffisait pas, agressait mes oreilles, était lui aussi d’un ridicule attesté. Parmi les propositions délirantes que j’ai pu happer entre deux bousculades, je retiens celle-ci, à la voix pourtant claire, jeune et distinguée : « Nous pourrions marcher à cloche-pied sur un seul pied, afin de laisser l’autre reposer. Avec un roulement quotidien, par exemple. » J’osais espérer que les pieds de ce type fussent plus intelligents que lui, sans quoi ils auraient été capables d’accepter pareille absurdité. Et pourquoi pas, après tout? pensai-je. On a vu et voit bien des hommes se plier à des règles aussi scandaleuses. Mais je fus tiré de ma rêverie par un genou maladroit, qui me contraignit à me reculer pour aller percuter une épaule qui n’attendait visiblement que ma nuque ; alors vous pensez bien que quand enfin elle la rencontra, folle de joie, elle se pressa bien fort contre l’objet de son désir, au risque fondé de se faire celui de ma souffrance. Je commençais à comprendre mes pieds, enfermés dans leurs chaussettes et bouclés par mes lacets.

    ____Les minutes passèrent par bonbonnes de dix, sans que le moindre journaliste ne me repérât pour m’interroger. Ahurissant! Ces abrutis qui laissaient penser l’interlocuteur à leur place préféraient noter les âneries que débitaient tout un tas de politicards en puissance, déclarant des choses dont j’ai oublié la teneur exacte, conséquence sans doute de leur vacuité hadale. J’écoutais les imbécillités que déclarait l’une de ces savonnettes sans envergure dans une mousse de journalistes ; à quelques pas de là, seul et oublié de tous, je désespérais. J’avais besoin de calme, soudain, de vaste horizon, de vent frais, loin du brouhaha irritant, loin des éclairs stridents et de la marée humaine…

    ____Le coup de grâce me fut porté par le micro de l’estrade, qui cracha aux quatre coins de la pièce le discours du maire, dont même le ventre rebondi n’eût pas suffi à contenir l’égoïsme. « La juste aspiration de chacun d’entre nous au recouvrement de sa dignité a pour nécessaire conséquence l’urgente nécessité de solutions rapides correspondant aux exigences légitime de chacune des parties ; aussi, chers citoyens de notre belle ville, aussi, invités bienvenus entre nos murs, aussi ais-je décidé d’une restructuration de l’espace social à l’échelle du particulier, afin de nous pousser vers un avenir plus égal et plus juste ». Ou quelque chose comme ça. Ecoeuré, je me frayai à grand’ peine un chemin jusqu’à la sortie, puis me retrouvai dehors sans avoir vu Louis. De l’air, enfin ! Je guettais al moindre bourrasque, espérant qu’elle me fouettât le visage, dont les traits devaient être crispés, afin de me faire oublier combien le reste de mon corps avait été molesté. Et ces saligauds m’avaient marché sur les pieds – voire : avaient marché sur mes pieds, tant ceux-ci tendaient à se distinguer du reste de ma personne, par les temps qui couraient. Pourtant j’avais mal aussi, avec eux. Sympathie ? Une idée m’apparut tout d’un coup : et si ces sales bestioles n’avaient pas mal elles-mêmes, mais me faisaient ressentir leur souffrance ? C’eût été parfaitement fourbe. Objection, mon capitaine : à moins d’être d’irrécurables pestes, l’idée ne leur serait pas venue de protester pour maltraitances. Ouais. Allez savoir de quoi ces pieds étaient capables…

    ____C’est sur le chemin du retour que je sus précisément où allaient mes envies : vers une flaque d’eau qui flanquait un trottoir, à travers laquelle je vis miroiter le calme de la mer. Les petites chanceuses… je voulais y aller avec elles, à la mer, rêvant devant les bonaces nuptiales dont les ondulations auraient dessiné des sourires. En arrivant chez moi je m’aperçus d’ailleurs que, par distraction, j’avais laissé Soucoupe s’éclabousser furtivement ; ce qui avait d’ailleurs eu pour effet de rendre poisseuse et insupportable la chaussette qui l’étouffait. Je l’en libérai, et le sortis à l’air libre, même si c’était pour qu’il sentît la rigueur du carrelage.

    ____« Il faudrait que chacun se retrouve en tant qu’être humain. »

    Levons le voile : je compris ensuite, par une succession d’indices tels, que mes pieds avaient envie de sable fin et d’eau salée, et que ce fut par l’entente de plus en plus grande que je manifestai à leur égard que cette envie s’était étendue à tout le reste de ma personne, comme une marée montante.

    ____« Vous n’êtes pas un peu fous, non ? » m’écriai-je à cet instant précis. « Aller voir la mer, comme ça, sur un coup de… de pied, si j’ose dire. J’ai une vie, figurez vous! »

    ____C’était vrai. J’avais repris les cours, quoique seule une partie des habitants de la ville fût capable de se mouvoir, le plan de restructuration promis par le maire se heurtant à l’obstination de certains syndicats pédestres, à savoir la Plante Combattante et la Confédération Générale du Trottoir ; c’était nouveau, ça venait de sortir. L’ambiance urbaine était donc quelque peu chaotique, distinguant les gens dont les pieds avaient accepté les conditions du marché, les malheureux qui avaient refusé et, c’était bien là les plus drôle, ceux dont les pieds hésitaient encore. Les cas étaient variés : les pieds pouvaient accepter de se déplacer un jour puis refuser l’autre, ou alors se borner aux courtes distances, ou aux déplacements jugés vitaux par les intéressés – ceux-ci pouvaient donc comprendre le trajet jusqu’au local du syndicat auquel ils appartenaient. Il y avait aussi les rares cas de ceux dont les deux pieds étaient en désaccord l’un avec l’autre, ce qui donnait lieu à d’amusantes scènes que je vous laisse le soin d’imaginer. Au milieu de cela, évidemment, le maire, les élus, les syndicats et les victimes de se rencontrer, de débattre, de négocier, mais de manière de plus en plus marginale et individuelle.

    ____Mes propres pieds, quoique toujours en éveil, s’étaient révélés fort conciliants, et j’avais pu abandonner les habitudes d’oisiveté et de désoeuvrement, allant de la glande devant la télé à la flânerie, accoudé à ma fenêtre, en passant par les séances de surf internet à rallonge, pour reprendre enfin une vie normale. Sauf que voilà, ces messieurs voulaient la mer. Ben voyons ! « Niet ! » leur répétais-je chaque fois que l’occasion s’en présentait. Trop compliqué, trop coûteux, trop risqué, trop osé : les raisons ne manquaient pas, et quoique cela pût certes m’être agréable, il était évident que c’était impossible, et je ne fléchis pas.

    ____Seulement la mer m’envahissait, moi aussi. Elle m’emplissait la bouche chaque fois que je salais mes aliments. Elle s’engouffrait dans ma tête à chaque coup de vent. Je la cherchais, louvoyant entre les maisons, quand j’observais le ciel depuis ma fenêtre. Je la voyais briller dans le miroitement des étoiles, la nuit. Ce n’était plus un désir : ce fut bien vite une obsession, et l’ensemble de mon être semblait vouloir épouser sont intangible ventre, comme si j’avais toujours vécu à cheval entre le sable et l’eau, comme si ma peau s’essoufflait de ne plus sentir ruisseler dessus elle des perles froides comme des larmes. Je m’effaçais de mon environnement, disparaissant moi-même dans sa métamorphose, un espoir brut dont les yeux, incapables de fixer les objets trop statiques qu’ils rencontraient, restaient toujours dans le vague, dont les pieds ne supportaient plus le contact du sol, dont les oreilles, traînant au bord de la rivière proche, ne guettaient entre les frondaisons calmes et les ramages des tourtereaux que les cris bien trop rares des cormorans égarés. Je n’étais plus qu’un bloc de sel tout prêt à se diluer et, quand je m’éveillais le matin, je voyais des vagues dans les plis de mes draps.

    ____Alors, je fis évidemment la seule chose à faire : je partis. Vaincu. Montaigne m’avait enseigné qu’ « il est des pertes triomphantes à l’envi des victoires. » C’en était une. Sans même attendre de finir mon année, je pris un billet de train et vins ici ; et c’est pourquoi je ne puis hélas vous dire le dénouement de cette histoire de grève, car je n’ai plus de nouvelles de là-bas. Je vous conterai ça quand je rentrerai. Un jour.

    ____Toujours est-il qu’en arrivant, je me jetai sur la première plage qui s’offrit à moi, laissant derrière moi sandales et remords. Je me roulai dans le sable comme en un lit de soie, bénissant ces imbéciles de pieds qui avaient insisté pour me faire venir ici. Je heurtai au passage une sirène aux jambes nues, m’excusant de cette rencontre brutale et du pourpre qui me mordait les joues. Je la quittai en hâte et en proie à une grande honte.

    ____Je me suis assis sur un rebord de pierre, contemplant le large spectacle de la mer qui se retirait, laissant des rigoles marmoréennes ouvrir le sable humide. Le soleil, au loin, me disait que c’était quand même drôle cette série de coïncidences ; toutes ces aventures pour s’arrêter ici, dans cette étendue calme et jaspée d’algues. Personnellement, j’avais le sentiment qu’il avait dû en être ainsi depuis le début, et que cet espace clos qu’avait été ma ville n’avait été qu’un chemin pour m’amener là. Que la première lame écumeuse que je vis, à mon arrivée, ne faisait que cueillir la fleur dont mes pieds s’étaient acharnés à enraciner la pousse. Qu’au fond, j’étais peut-être moi-même cette fleur. Vous sentez-vous une âme de fleur, capitaine ? Bien sûr, mon commandant ; tout ce que vous voulez.

    ____Devant moi, tout, le dos de la mer et les langues des algues, le trait de l’horizon gommé par l’astre rouge, tout n’était qu’un grand vide, et les nuages au loin se retiraient comme pour découvrir un peu plus ce tohu-bohu magnifique. Le soleil s’affaissait placidement sur ses convictions, et moi-même je souris à l’idée que tous ces mouvements de pieds m’avaient en fait mené vers nulle part. Et que c’était dans ce néant majestueux, et uniquement là, que cela devait se terminer. Car tout le reste n’aurait été qu’une fuite en avant. C’était cela, cette grande revendication de deux êtres ballottés, chahutés, étouffés, échauffés, suant d’harassement et de trop-plein de vie : le rien.

    ____Drôle d’histoire, tout de même. Je descendis de mon promontoire et fis quelques pas dans le sable humide, en direction de la mer qui s’éloignait. « Comment avez-vous trouvé la jeune fille de tout à l’heure ? » demandai-je. Et, mouillés, salés, enfoncés largement dans le sol meuble, barbouillés de sable, libres enfin, je sentis mes pieds ronronner de plaisir.

  11. Pour faire pardonner mon retard, je vous offre la version revue, corrigée et surtout complétée de Grèves. Merci à tous, et bonne lecture!

    Grèves

    ____Je ne saurais vous dire comment la chose fut rendue possible. Sans doute par des conversations olfactives –les pifs devaient être dans le coup- ; certainement pendant que nous nous croisions et discutions ; une affaire d’opportunisme et un travail de longue haleine. C’est encore le plus probable. Il a dû en falloir, de la patience, de l’obstination et de la détermination pour accomplir une tâche pareille ! Que de ressources dans de si petites choses! Quelle que soit l’échelle, la règle voulant que les populations confrontées à une crise existentielle savent tirer le meilleur d’elles-mêmes demeure vérifiée. Aujourd’hui encore, j’en reste scié !

    ____Comment ça c’est passé, ça je peux vous le raconter. Très simplement, en vérité -jusqu’à ce que ça se complique, comme pour toutes les choses simples. C’était un Novembre, le premier trimestre de l’année scolaire ressemblait à un long tapis élastique dont le terme, quoiqu’à portée de main, ne cessait de se dérober au pauvre qui le voulait atteindre en déroulant derrière lui d’autres semaines, d’autres journées, d’autres heures. Novembre. C’a commencé un matin avec le murmure strident et militaire de mon réveil m’annonçant qu’il en restait un bout, d’année à dérouler, et que c’était plus le temps de se reposer, et de me déverser dans l’oreille son lot de reproches habituel. Je ronchonnai, débattis en moi-même pour savoir si m’autorisais à rester encore dix minutes au lit; jusqu’à ce qu’à force de réflexion j’arrivai au terme de ces dix minutes. Il fallut bien me résigner. Je hissai mon dos jusqu’à la verticale, puis me fis glisser le long de mon lit.

    ____Et voilà que je m’étalais de tout mon long sur mon linge sale, mes cahiers, mes disques et les quelques bouquins qui d’un commun accord vallonnaient le plancher de ma chambre -lequel sans eux eût été d’une platitude désespérante, donc ne nous plaignons pas, sinon du mal terrible que je ressentis à l’aine, au ventre et à l’amour-propre. Moi, digne représentant de la jeunesse, me vautrer de la sorte tel un gamin de deux mois ; dès potron-minet, tout frais et dispos, en pleine possession de mes capacités physiques, même pas bourré, rien… Je tentai de me lever, mais sitôt debout, mes pieds ne tirent pas mieux et je retombai mollement au sol. Nouvelle tentative, nouvel échec. Qu’est-ce qui m’arrivait, bordel ? Mon cerveau à peine émergé des brumes de la nuit s’emballait, m’attirant sur toutes les voies à la fois. Maladie ? Peut-être. Fatigue ? Est-ce que j’avais été particulièrement fatigué ces derniers temps ? Si j’étais malade, était-ce grave ? Ca n’était pas impossible. Je me serais foulé la cheville ? Dans la nuit, c’était peu probable. Si j’avais été malade, j’aurais pu rater les cours !

    ____Les cours ! Il était vraiment l’heure de me lever et mes pieds ne me portaient toujours pas. Là encore, mon esprit bondit un peu partout comme un chiot découvrant un nouvel environnement. Passées les réflexions sur la tronche qu’auraient pu tirer mes profs à l’écoute du récit de ma mésaventure, j’avisai mon portable reposant mollement sur un vêtement roulé en boule. Je pouvais m’excuser, c’était toujours ça. Un coup de fil au lycée étant toujours apprécié, quelle que fût la situation. Je tendis mon bras vers l’appareil, m’en saisit, et, devant l’écran lumineux – je ne l’éteignais jamais – un éclair me vint. Je ne connaissais pas le numéro du bahut. Merde, merde, merde… Il y avait l’annuaire dans le salon, ha ha, certes, mais bougre d’andouille, comment j’aurais fait pour l’atteindre, incapable que j’étais de me tenir debout ? Changement de tactique : je décidai d’envoyer un texto à mon copain Louis afin qu’il m’excusât auprès des profs. C’était toujours ça.

    ____« slt lulu jpeu pa me levé jsé pa se ke jé kom maladi tu m’excs pr lé prof ? »

    ____Et voilà, mon capitaine. Message transmis au poste de commandement. Bon travail, soldat. Vous pouvez disposer ; l’état-major a besoin de réfléchir à quelques questions de prime importance.

    ____Je me retournai afin d’être allongé sur le dos et ma pile d’affaires, passai mes bras sur mes yeux et inspirai profondément. Qu’est-ce qui m’arrivait, putain ?... J’étais en train de rater les cours à cause d’une obscure connerie à laquelle je n’entendais goutte… C’était pas un cauchemar, des fois ? Non, trop tordu. Et puis l’heure. L’heure qui avançait inexorablement sur le cadran de mon réveil. Goutte à goutte, c’étaient mes chances de sauver ma journée qui se voyaient réduites à néant. Plus aucun espoir. Rien. Niet. Nada. Estimation des chances de victoires : nulles. Je propose un repli, mon commandant, ou nous allons nous faire tailler en pièces. Faites, mon bon, faites, mais arrêtez de me déranger pour que dalle, vous ne voyez pas que je suis occupé à me lamenter sur mon sort, non?

    ____J’aurais pu en profiter pour me recoucher mais, face à cette situation étrange, mon esprit avait pris le parti de mobiliser toute son énergie afin, sans doute, de me laisser apprécier plus nettement l’étendue des dégâts à mesure qu’ils promettaient de se révéler. Trop gentil, fallait pas. Mon téléphone miaula. Un nouveau message venait d’arriver. Réponse de Louis. Je le lus.

    ____Il me scia aussi net des jambes qui avaient bien besoin de ça.

    ____« putin il marriv la mem choz c koi se bordel »

    ____Là, ça frisait le délire. Avant de m’abandonner à une folie démentielle, j’envoyai deux autres textos à Julie et Constantin afin de m’assurer de l’ampleur du phénomène. La réponse de Julie confirma mes craintes. Celle de Constantin n’arriva jamais – il était bien capable de dormir, cet ahuri. Alors, on peut sombrer ? Oui… non. Un capitaine n’abandonne jamais son navire, me dis-je. Une nouvelle tentative, certes désespérée, s’imposait – comment il disait, dans la pièce en cours de Français, déjà ? Ah, oui : « mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès ! Non ! Non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! ». Je me retournai sur le ventre, appuyai mes paumes contre un plancher au préalable vaguement débarrassé des affaires qui l’encombraient et bandai mes bras pour soulever mon tronc. Jusque-là, tout allait bien. Avec maintes précautions, je ramenai mes jambes en avant et réussis à m’installer sur les genoux. Profitant de ma position, je lançai une prière à Dieu – sait-on jamais ? – puis avançai doucement une jambe afin qu’elle s’appuyât sur son pied et non son genou. Je tenais. Plus ou moins, mais je tenais. A peine entrepris-je de faire de même avec l’autre jambe – ce qui impliquait de déporter tout mon poids sur le pied – que je basculai sur le flanc d’une manière aussi ridicule que les fois précédentes. Sic transit gloriam, cette fois j’étais cuit. Je me préparais à me noyer dans le désespoir quand la sonnerie de mon portable m’offrit un contretemps. Texto. Benjamin.

    ____« o secours je peux pas tenir debout jpeux pas aller en cours ! »

    ____« ouai sa fai sa a tt le mond moi osi ché pa ski spass »

    ____Ca n’avait pas intérêt à continuer ainsi ou tout mon forfait allait y passer. Matinée de merde, décidément… Le forfait qui faisait naufrage, mes pieds qui ne répondaient pas… Je m’allongeai, en proie à un cafard noir. Mon regard glissait sur un peu tout et beaucoup rien : les persiennes, un coin du bureau, le plafond, le réveil qui indiquait sept heures quarante huit minutes et quarante six ; quarante-sept secondes, un CD qui traînait là, mon bras qui traînait aussi, un bout de drap, mes pieds…

    Mes pieds qui étaient bien peu coopératifs. Y zauraient au moins pu compatir un peu, je sais pas, merde ! Depuis le début, ils ne faisaient rien que… rien. Rien du tout. Je m’en rendis soudain compte : le problème venait d’eux. Tout le reste du corps fonctionnait parfaitement, cinq sur cinq, mon capitaine, et eux jouaient les déserteurs, les insurgés. Ils me faisaient le coup de la désobéissance civile. Et sans eux, impossible de faire quoi que ce fût. C’est vraiment con, un pied, mais alors surtout dans ces moments-là ! Un grand désespoir se tapit dans ma gorge, mon esprit s’embrouillait, merde, merde, j’étais réduit à moins que rien, totalement incapable, et tout ça à cause de ces putains de pieds ; c’était toute mon humanité qui restait vissée au sol entre ces orteils écoeurants… Des larmes gonflaient mes yeux, un sentiment d’immense injustice m’envahissait, je me sentais seul, immensément seul, coupé même de mon propre corps, coupé de ces saloperies de pieds qui n’en faisaient qu’à leur tête – si tant était qu’ils en eussent une…

    ____« Mais qu’est-ce que je vous ai fait ? »

    ____La phrase avait été lancée sans réfléchir, à la cantonade ; je dis ça comme j’eusse lancé une supplique à Dieu ou une invective au Grand Manitou. Mais dans mon désespoir, ce furent bel et bien mes pieds que je hélai de la sorte. Soit qu’ils fussent offensés, soit que ce fût un signal quelconque que je leur avais inconsciemment jeté ; en tous les cas ils ne restèrent pas sans réactions : eux qui jusqu’alors pendaient mollement de part et d’autre de leurs talons semblèrent investis d’une détermination nouvelle et se plaquèrent violemment au plancher, profitant de l’occasion pour me causer une vive douleur aux jambes, que je fus contraint de plier immédiatement. Ils étaient animés d’une neuve force, et je sentis que, pour un temps du moins, je pouvais m’y appuyer. Je me relevai donc. Dieu que ça fit du bien !

    ____Mais je faillis retomber aussitôt car mon pied droit s’était soulevé tout seul. Doucement, certes, mais seul quand même. La sensation était extrêmement désagréable et la surprise si totale que je manquai de tomber à la renverse, je ne dus mon salut qu’à ma main droite – enfin quelqu’un qui obéissait ! – qui eut la bonne idée de se cramponner à une chaise avoisinante.

    ____Après quelques instants et que j’avais retrouvé mon équilibre, ce fut au pied gauche de faire un mouvement, puis le droit prit le relais ; enfin tous deux ensemble me menèrent tant bien que mal à mon bureau, tandis que je me démenais pour conserver un semblant d’équilibre. Là, mes pieds me firent grimper sur ma sauveuse la chaise, puis, avec une peine infinie, sur le bureau. Debout là-dessus, j’avais un petit vertige et une grande frayeur ; et il me fallut d’ailleurs toute mon adresse pour maintenir mon équilibre lorsque mon pied gauche envoya voltiger un carnet de feuilles blanches. Tel était le but de cette opération, car mes pieds d’un commun accord sautèrent alors du bureau au parquet, m’offrant une magnifique occasion de tomber pour la énième fois, de renverser la chaise et de fendre un boîtier de cd que je ne pus m’empêcher de saisir. Question d’honneur. Un fois à terre, mon pied droit remua brièvement l’amoncellement d’affaire qui soutenait le flanc de mon lit afin d’en extraire un stylo.

    ____« Eh, mais qu’est-ce que vous faites ? » lançai-je enfin, complètement affolé.

    ____Le plus calmement du monde, du moins le supposé-je, mon pied droit revint au-dessus du bloc de feuilles que mon pied gauche maintenait fixe au sol, et, à l’aide du stylo, écrivit dans une calligraphie nette et sans hésitation : « nous faisons grève ».

    ____Ah. Donc mes pieds écrivaient, et mes pieds avaient une conscience civile. En plus de ça mes pieds avaient étés capables de coordonner une action avec d’autres pieds. Toute mon excitation fut purgée par une sorte de douche froide qui aurait coulé de bas en haut.

    ____« Ah bon » Demandai-je seulement.

    ____« Si fait » me répondirent-ils par écrit. Et là ça n’allait plus du tout. Non seulement mes pieds écrivaient, mais en plus ils écrivaient bien ! « Si fait », je veux dire, c’est pas une expression très courante, je ne l’employais pas régulièrement en parlant à mes amis ! Ca se lit, ça, ça s’écrit à la limite! Tout ce que je lisais était donc connu de mes pieds ? Mes yeux leurs transmettaient des informations, mes oreilles aussi à coup sûr, sans quoi les mots n’auraient été pour eux que des glyphes abscons ; mon corps entier me semblait tout d’un coup lointain, distant ; je compris un instant les rois dont la cour complotait pour se soulever. Mes pieds m’apparaissaient comme de cruels instigateurs, et tous mes membres leur avaient prêté main forte. Oreilles fourbes, traîtres yeux, bras pendables… et toi, mon pauvre cerveau ? Dans quel camp étais-tu ? Etais-tu toujours avec moi ; ces sales membres auraient-ils réussi leur volonté de décentralisation du pouvoir de raison ? Ou avais-tu organisé tout ce joli monde, en cachette, dans un inconscient que aurais maîtrisé sans me le dire, sans que je m’en rende compte ? Et si tu avais été contre moi… qui pouvait bien être ce « moi », sinon un agrégat informe ; un galimatias d’organes qui ne me désiraient plus comme entité directrice ?

    ____Qu'est-ce qui restait du moi? Ma pensée? Une partie de ma pensée? Quelle part de mon cerveau avait bien pu pactiser avec l'ennemi, engendrant une hideuse collaboration permettant à mes pieds de faire comme s'ils pouvaient penser… et se mettre en grève?

    ____Il me fallait du repos. Dans l’incapacité de me déplacer, je laissai mollement tomber mes fesses en arrière, espérant qu’elles rencontrassent la chaise, avant de me rappeler que j’avais renversé celle-ci trente secondes auparavant.

    ____Et j'eus mal.

    ____Il me fallut quelques instants avant d'envisager enfin la seule vraie issue possible face à une grève : les négociations. J'étais avachi au sol, le dos contre la chaise renversée, avec une vue directe sur cette paire de pieds immobiles, qui pourtant n'avaient jamais autant regorgé de vie. Ils me narguaient, les salauds, prêts à me bondir dessus à la moindre incartade de ma part. En fait c'étaient eux qui dominaient la situation. Il me fallait impérativement donner l'impression d'en demeurer le maître si je voulais obtenir quelque chose d'eux.

    ____"Très bien", dis-je avec lassitude,"je consens à vous entendre. Enfin, à vous lire."

    ____La plaisanterie pas plus que le reste de la phrase ne leur arracha la moindre réaction. Ces pieds n'avaient aucun humour.

    ____"Qu'est-ce que vous avez prévu?" demandai-je, tout en pliant les jambes afin de leur permettre d'écrire.

    ____"Qu'entendez-vous par là?" Demanda mon pied droit par feuille de papier interposée.

    ____"Eh bien, je ne sais pas; vous semblez avoir minutieusement préparé ce coup de force avec tous vos petits copains, puisque les pied de mes amis ont également fait sécession avec le reste des corps de mes amis, je suppose donc que vous devez avoir prévu une conférence générale, une réunion syndicale, une assemblée pédestre, une soirée dansante, enfin un machin quelconque où l'on pourrait discuter de vos revendications afin de mettre fin à une situation aussi embarrassante pour vous que pour moi."

    ____Mes deux pieds se tournèrent l'un vers l'autre, donnant l'impression de se dévisager. Apparemment ils n'avaient pas pensé à ça. D'ailleurs, le pied droit finit par écrire : "Nous n'avions pas pensé à ça."

    ____Ouais. Ils avaient peut-être pris possession d'une partie du cerveau m'enfin il leur manquait quand même une case, quoi. J'avais toujours su que la région de la véritable intelligence eut résisté jusqu'au bout, devinant que le centralisme cérébral était la seule voie de la légitimité! Enfin; non je ne m'en étais absolument pas douté, mais ça faisait vraiment plaisir! Merci, cher cerveau! Si nous nous en sortions je t'offrais du Nietzsche, ou des séries américaines à la con, selon ton désir!

    ____Mais pour l'heure il me fallait organiser moi-même ce sommet inter pédestre, puisque mes crétins de représentants n'y avaient pas songé eux-mêmes, pas plus sans doute que leurs petits camarades. Je proposai à mes pieds de me rendre quelques temps le pouvoir qu'ils m'avaient confisqué – comme ils semblaient se braquer je parlai bien vite de "me déléguer leur pouvoir de déplacement" – et, après bien des palabres, je parvins à les convaincre de m'emmener chez mon copain Louis afin qu'on discutât de ça à nous six. Dès que je me sentis réinvesti de ma fonction motrice inférieure – Ah! Que ça fit du bien, derechef! -, je commençai à descendre les escaliers en courant et en atteignis le bas en glissant sur les fesses. L'habitude de marcher se perd plus vite que celle de faire du vélo. Allez trouver une quelconque nature humaine, après cela…

    ____Je me relevai avec hâte et une douleur à l'arrière-train, enfilai un manteau, empoignai mes clés et pris enfin le chemin de la maison de Louis, bordé par le spectacle affligeant d'une humanité exsangue, composée d'employés en costume cravate qui se traînaient comme des vers pour aller travailler, une valise à la main, faisant passer leur état de salarié au-dessus de celui d'être humain. Cette poignée d'hommes rampant après leur argent me donna la nausée… Maintenant que j'y pense, il devait bien y avoir dans le tas quelques braves types qui se démenaient pour apporter à quelqu'un une aide qu'ils jugeaient indispensable. Allez savoir. Sur le moment, je me souviens m'être demandé s'il n'aurait pas été mieux de laisser chacun se débrouiller avec sa paire de pinces, afin de laisser les gens obtuses et intéressées patauger dans leur fange, et ne laisser revenir au jour qu'une humanité intelligente et pondérée. ____Et puis finalement non. C'eut été faire le jeu des manipulateurs de tout poil. Autant aider les plus démunis!

    ____Et puis qu’y pouvaient-ils, ces pauvres gens ? Je n’y pensai pas sur le moment, mais peut-être s’en sentaient-ils contraints, comme j’allais moi-même me sentir un peu plus tard empêché de m’écouter et de m’obéir.

    ____Ce fut finalement investi d'une sensation d'altruisme et d'une détermination à tout épreuve que j'atteignis le seuil de la porte de mon ami Louis, m'y cognant le pied gauche dans ma précipitation.

    ____Je frappai trois coups du poing. Un mugissement sourd parvint à peine à se hisser jusqu'à mes oreilles, écrasé par les obstacles qui me séparaient de son émetteur, tels qu'une porte, un mur, des choses du genre. Bien. Combien de temps avant que Louis ne parvinsse à atteindre la poignée? Je pris les paris. Cinq minutes, pensai-je. A ma grande surprise, mon pied droit releva le défi et étira autant qu'il le put trois de ses orteils. Santa madonna, m'écriai-je sous le traître coup de la surprise, cet ahuri avait réussi à savoir ce que j'avais pensé! Puis je me rendis compte que je devais avoir machinalement murmuré cette histoire de pari, ça m'arrivait souvent. Oui. A voir. Bon, bon, bon… qui des deux allait avoir raison?

    ____Des râles pénibles agitèrent l'intérieur de la maison. La poignée glissa. La porte s'ouvrit.

    ____Trois minutes.

    ____Humilié.

    ____"Salut Lulu!

    ____- Comment t'as fait pour refaire marcher tes pieds, toi?

    ____- Laisse-moi entrer, je t'explique ça!"

    ____Il s'aplatit contre le mur afin de me laisser pénétrer dans le couloir. Je fis un pas puis laissai à dessein mes pieds près des siens, ayant déjà l'intuition de la théorie que j'ai exposée tout à l'heure, et selon laquelle ils communiquaient entre eux. J'attendis un peu, histoire que la béchamel prît, puis je contemplai le spectacle de mon éblouissante victoire : Louis sentit ses pieds rentrer sous son contrôle, puis, timidement, se releva. J'éructai. Il éructa. Nous éructâmes.

    ____"C'est toi qui as fait ça?

    ____- Eh, que veux-tu, j'ai de nombreuses ressources.

    ____- Merde alors! T'es vraiment le roi, toi!"

    ____Je dois avouer qu'à ce moment je me sentais en effet un peu comme un roi, pour la puissance sur ses sujets et pour le don de guérison. Hosanna! Sonnez, angelots! Résonnez, alouettes! C'était Dieu qui m'envoyait pour vous délivrer tous! J'étais en quelque sorte couronné par la main des pieds. Je dus hélas expliquer à ce curieux de Louis que la limite à cette guérison était ceci qu'elle avait pour fonction unique de nous permettre de convenir d'un lieu de réunion et de nous y rendre afin d'y entendre les exigences des grévistes.

    ____"Je sais pas; pas très loin de chez nous il y aurait le lycée…

    ____- Le lycée? Mais t'es pas sérieux?

    ____- Ben...

    ____- C'est un truc grave, merde! Il faut de l'officiel, du grandiose, du pampre, du tricolore! La mairie à tout le moins!

    ____- Holà, tu dérailles, l'ami! Parce que tu as dit "bonjour" à tes pieds tu penses que tu deviens un officiel? Depuis quand le gouvernement t'a-t-il délégué un quelconque pouvoir? Tu crois sérieusement que tu vas à toi seul rassembler toute la ville à toi pour occuper la mairie? Tu te prends pour Gandhi? C'est quoi, c’est la marche du talc?

    ____- Tes blagues sont nulles, Lulu.

    ____- Peut-être, mais moi je ne prétends pas me transformer en orateur de la trempe d'Hitler! Le lycée suffira amplement pour une première petite réunion, on laissera les choses se répandre après.

    ____- Mais bordel tu n'as pas confiance en moi?

    ____- Allez, fais pas ton mariolle.

    ____- Bien, t'as gagné. Je ne bouge plus. Démerde-toi."

    ____Mes pieds n'apprécièrent pas cet abandon. Alors que je me préparais à garder une posture droite et digne ils me rappelèrent à mes impératifs en me laissant bêtement choir de mon piédestal et sur le carrelage. Une fois sa surprise passée, Louis me tendit une main amicale pour m'aider à me relever.

    ____"Pas trop de casse?

    ____- Oh, toi, ça va, hein! Tu voulais m'humilier et t'as réussi, mais maintenant t'as plus besoin d'en rajouter une couche, c'est bon! Basta!"

    ____Louis se tut, et me regarda avec de yeux ronds. Je me rendis compte de l’absurdité de mon emportement. Je laissai quelques minutes s'écouler afin de mieux sombrer dedans et dans la conscience de mon propre ridicule.

    ____"Désolé, Louis… Quand je n'ais plus mes pieds je perds les pédales…

    ____- …

    ____- Oui, oublie ça, tu veux. "

    ____Je me relevai.

    ____"Bon. Va pour le lycée.

    ____- C'est juste un début, tu sais. Après ça on laissera l'affaire à des gens plus compétents. Je veux dire… pas forcément en podologie, mais bon… même après le bac, on est toujours des étudiants, hein.

    ____- Oui, oui…

    ____- Tu es déçu?

    ____- Mais non.

    ____- Tu es déçu.

    ____- Laisse."

    ____Il laissa. Il enfila son manteau, puis nous sortîmes. Nous accaparâmes sur le chemin tout ce qui se trouvait d'inaptes rampants, nous leur expliquâmes le problème, nous les relevâmes, venez, rejoignez-nous, nous frappâmes aux portes, nous envoyâmes des textos à nos connaissances, bref, nous sonnâmes l'heure de la contre-révolution.

    ____Nous étions partis deux, mais par ce prompt renfort, nous nous vîmes beaucoup aux portes du lycée. Jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, une importante foule nous entourait tandis que je me rengorgeais en vu d'un discours d'une éloquence que j'imaginais rare. "Vas-y, harangue!" me souffla Louis au creux de l'oreille.

    ____"Camarades!" commençai-je donc à haranguer.

    ____Louis semblait désapprobateur. Une partie de l'auditoire aussi.

    ____"Euh, oui… messieurs dames! Comme vous devez plus ou moins le savoir, nous sommes tous ici pour décider ensemble de la façon d'agir afin de réguler cette grève de nos pieds. Oui, parce que nos pieds font grève, si si, demandez-leur, vous verrez. J'ignore pourquoi, sans doute tout autant que vous, enfin je suppose; mais nous sommes justement rassemblés ici pour entendre leurs exigences. Enfin, non, on est plutôt ici pour décider de ce qu'on fait, donc, euh, si on décide d'écouter leurs exigences ben c'est ce qu'on fera, mais si on décide de rassembler toute la ville pour le faire, alors, voilà, on ne le fera pas tout de suite. Ni ici. Plutôt à la mairie, quoi. Et plus tard… Bref, tout cela pour vous dire, mes chers concitoyens, qu'il va falloir choisir la façon de communiquer avec nos pieds. Enfin si on décide, de… enfin… bon, alors, on fait quoi?"

    ____Mes yeux, qui n'avaient cessé de papillonner timidement pendant cette déclame osèrent se poser sur mon auditoire. Je fus aussitôt convaincu de leur profond scepticisme. Eussé-je mal parlé? Quelques secondes s'égouttèrent. Des raclements de gorges et des murmures de conversation commencèrent à gagner le fond de l'auditoire, puis petit à petit le filet des paroles enserra la foule de plus en plus fort, jusqu'à la cacher derrière un brouhaha général. Les points de vue s'échangeaient, les propositions se noyaient, la panique s'épaississait, l'incompréhension s'affirmait, et moi-même je restais au milieu de ce bazar, sans mot dire. J'allais rappeler tout le monde à l'ordre, mais Louis me dit que c'était inutile – "si encore tu avais de réels talents d'orateur", ben voyons…

    ____Finalement je me rendis compte que la foule s'éclatait en groupuscules qui débattaient entre eux. Bof, tant mieux. Il allait peut-être ressortir quelque chose de tout ça. Je m'approchai de l'un de ces groupes, histoire de prendre la température. Un homme expliquait à deux comparses qu'à son sens il fallait déléguer une paire de pieds afin qu'elle allât parler au nom de toutes devant l'assemblée. Une femme lui rétorqua que cela aurait impliqué une vaste discussion entre les pieds avant de donner lieu à ce sommet. L'idée fut soulevée d'opérer conjointement les deux tendances, en envoyant des délégués discuter et en permettant à des paires de pieds ou à des humains complets d'intervenir pour ajouter ou discuter une proposition. La chose sembla ingérable. Louis intervint pour proposer l'établissement par des représentants de chaque camp d'une liste de propositions écrites qui aurait ensuite été distribuée à tout le monde, puis étudiée chez soi par chacun, puis rapportée annotée, et étudiée par les mêmes représentants jusqu'à en arriver enfin à la mouture finale, signée par les mains et les pieds des représentants et approuvée par tous. Là encore, le système semblait indigeste.

    ____Je me promenai dans les courants d'idées de cette foule balbutiante à l'angoisse assourdissante. Partout, c'était la peur qui parlait dans la voix de ces gens, qui échafaudaient d'abracadabrantesques solutions comme on discute politique pour faire oublier que devant eux s'ouvrait le néant.

    ____Je croisai avec surprise mon professeur de philosophie, à qui je vouais une secrète admiration. Trapu, serein, une courte barbe grisonnante soulignant son demi-sourire, je ne pouvais m'empêcher de l'imaginer fumer la pipe comme le fit Sartre.

    ____"Bonjour monsieur!" le hélai-je. "Je ne vous avais pas vu!

    ____- Non, je viens d'arriver, me répondit-il.

    ____- Tiens? Vous avez réussi à vous mettre sur pieds?

    ____- Ca n'est pas exceptionnel puisque toute cette foule y est parvenue.

    ____- Non, monsieur, c'est moi qui ai réussi à retrouver ma chère position d'homo sapiens sapiens, et j'ai révélé l'astuce aux autres et réuni tout le monde ici.

    ____- Ah, bien! Je te félicite!

    ____- Merci.

    ____

    ____Bon; il me fallait très vite trouver quelque chose à dire; pour une fois que j'avais l'occasion de briller aux yeux de ce prof je comptais bien exploiter la situation à mon avantage! Parler, parler! Oui, mais de quoi? Bof, du premier truc venu.

    ____"Ils ont du mal à s'organiser, hein.

    ____- Oui, ça me rappelle le gouvernement de la Commune de Paris, en 1871. Un bazar pas possible.

    ____- Eh oui… les grands desseins sont toujours freinés par l'incapacité des hommes – cette phrase me semblait très belle et très profonde, sur le moment.

    ____- Ceci dit c'était quand même tout Paris, à administrer, pas Changchun.

    ____- Ha ha! Euh… c'est quoi, ça, Changchun?

    ____- La capitale de la Mandchourie.

    ____- Ah…

    ____- Renommée Xinjing du temps de la domination japonaise sur le Manzhouguo."

    ____Quoi dire? Quoi dire?

    ____"Et… c'est joli, ça, comme coin, la Mandchourie?

    ____- J'imagine. "

    ____Ouais. Question crétine. Je décidai de recentrer la discussion.

    ____"Mais sinon, vous, vous n'auriez pas une idée sur la façon d'intervenir au sujet de ces grèves?

    ____- De ces grèves?

    ____- De pieds.

    ____- Ah oui! Ma foi, il suffirait que chacun se retrouve en tant qu'être humain."

    ____Je répondis machinalement quelque chose comme "en effet" alors que je n'y avais absolument rien compris, puis mon professeur prit congé, me laissant sur ce cuisant échec au beau milieu d'une foule qui s'agitait comme une volière à l'approche du chat. Je me rappelai l'histoire de Daniel Pennac, qui raconte qu'une dame recueillant un oisillon le laisse à portée d'un lapin, lequel, croyant voir des carottes ou un quelconque autre aliment, lui bouffe les pattes. Ici c'étaient les pattes elles-mêmes qui bouffaient le reste des oiseaux. Mmmh…

    ____"Il suffirait que chacun se retrouve en tant qu'être humain."

    ____Quel échec, Dieu, quel échec! Maman, ton fils était nul! Infoutu de faire une harangue correcte! Incapable de concrétiser son ascendant sur les autres – tout nul qu'il était, il avait réussi à dompter ses pieds, mais, bof, il n'était plus le seul. Complètement dérouté par la moindre conversation avec un prof. La situation lui échappait complètement, lui qui tout à l'heure se voyait déjà comme le Grand Timonier, le "petit père des pieds" qui aurait su émanciper à la fois l'homme du coup de force de ses pieds et les pieds du totalitarisme cérébral, du centralisme de la pensée, de que savais-je encore…

    ____Ce n'est qu'alors que je me rendis compte de la douleur. La douleur au pied gauche qui n'avait pas diminué depuis que je me l'étais embouti contre la porte de Louis. Je n'y avais plus guère prêté attention quand il s'était agi de diriger les foules, mais alors que je me retrouvais seul avec moi-même je ne pouvais plus ignorer les furieux élancements qui parcouraient toujours ce représentant d'une minorité en colère, et avec autant de virulence que s'il se fût agi d'un événement qui eût été daté d'il y avait cinq minutes, pas plus. Une douleur aiguë. Je me serais presque attendu à voir la marque écarlate du coin de la porte sur ma peau.

    ____Bon. Qu'est-ce que c'était encore que ce machin? Mes pieds pouvaient-ils volontairement prolonger l'effet d'un coup, dans le but de – un exemple pris tout à fait au hasard – me contraindre à achever ce qu'ils avaient entrepris de me faire faire? Un moyen de pression pour m'empêcher de rentrer chez moi en me frottant les mains. Si vous n'obéissez pas, tchak tchak! Un coup de cravache sur la croupe du cheval et le voici qui galope. Oui. Il était facile de vérifier: voilà que quelques propositions étaient émises au centre de l'assemblée par quelqu'un qui avait du papier et un stylo et dont les pieds avaient fini par adopter le même système que les miens. J'y assistai. La foule parlementait. D'autres pieds venaient ajouter des propositions, d'autres encore les rayaient, raturaient, corrigeaient. Les chaussures abandonnées étaient rassemblées contre le mur du lycée; on eût dit l'entrée d'une mosquée. Marrant. Je reportai mon attention sur la liste des propositions. Des banalités, essentiellement.

    ____"Pouvoir mieux respirer, et plus souvent"

    ____"Etre lavés avec des soins particuliers" Un autre pied – les calligraphies étaient dissemblables – avait ajouté "et des produits spéciaux". J'étais curieux de savoir lesquels.

    Tiens! "Etre traités avec plus d'humanité", le mot "humanité" avait été rayé et remplacé par celui de "dignité", dans un souci de cohérence, voire de peur du ridicule. Plaît-il, messieurs? La liste des comportements "dignes" figurait du reste sur une feuille annexe; on pouvait y lire, entre autres, l'abandon des expressions péjoratives concernant les intéressés. Tout ça me faisait plutôt rire qu'autre chose.

    Quelques propositions intéressantes, tout de même, telles que celle des exercices d'assouplissement des orteils afin de ne plus envisager les pieds que comme un socle mais un membre à part entière, ou, très alléchant aussi, la réclamation d'un rôle plus actif lors de l'acte sexuel. Mais tout ceci demeurait très superficiel, et m'offrit donc la confirmation de ce que je pensais, à savoir que pour intelligents qu'ils pussent être, les pieds restaient tout de même sensiblement limités. Tant mieux, ceci dit.

    ____La douleur disparut dans mon pied gauche – je décidai de l'appeler Pendule, c'était plus pratique pour s'y retrouver et puis Pendule me semblait pas mal, comme nom de pied. Je baptisai sur-le-champ le pied droit Soucoupe pour la seule raison que ce fut le premier mot qui me vint à l'esprit. J'en déduisis, donc, que Pendule considérait mon devoir comme accompli, et je pris le risque de rentrer à la maison. Les pieds se laissèrent faire. Ils avaient visiblement été satisfaits par cette petite réunion; j'étais toutefois bien conscient qu'une autre, au moins, suivrait. M'enfin pour l'instant, mission accomplie.

    ____Cette première moitié de la journée avait été plutôt positive, finalement. J'avais réussi à me servir de mes pieds, à aider une bonne partie de la ville, à entamer des négociations… sans être Solon je me sentis tout de même être un petit héros, dans mon genre…

    ____Le soleil d'Hiver, le plus beau, rasait la terre dans sa candeur doucereuse. Le retour au bercail fut léger et agréable; la maison accueillante. Sitôt rentré, je bondis sur le canapé. "Alors", demandai-je à mon cerveau tandis que mes doigts cherchaient déjà la télécommande, "livre de philosophie ou séries télé? Mh? C'est ton dernier mot?" J'allumai. La télévision débitait ses âneries habituelles à cette heure. Des jeux idiots. De la bouillie décérébrée. Ca me convenait.

    ____Je me laissai ainsi bercer un certain temps par la voix des présentateurs. Au bout d'un moment je sentis à nouveau une vive douleur dans les pieds. Encore? Et les deux en sus de ça! Ben tiens! Ces enflures étaient capables de créer de la douleur ex nihilo, comme ça, au débotté. Chienne de vie, tiens… d'accord, les cocos, d'accord! On arrête le massacre et on passe à de plus sérieuses occupations! J'éteignis la télé puis me levai du canapé sans but précis, mais, tout d'un coup, mes pieds reprirent leur propre contrôle et me menèrent droit à ma chambre, d'un pas qui se voulait sans doute déterminé même s'il faisait plutôt penser aux déambulations d'un ivrogne en fin de course. La chambre était dans l'état où je l'avais laissée, à savoir un bazar pas possible avec vue sur le bloc de feuilles qui, une fois de plus, semblait être la cible de Pendule et Soucoupe. De fait ce dernier s'empara de nouveau du stylo, et se mit à écrire.

    ____"Merci pour avoir organisé cette réunion, elle devrait porter ses fruits."

    ____Mais de rien, mes p'tits lapins, de rien…

    ____"Les propositions qui y ont été faites nous semblent importantes. L'essentiel de ce qui pouvait y être dit a, nous le pensons, été dit. Cependant…"

    ____Cependant?…

    ____"Cependant il y a quelque chose d'essentiel dont nous ne pouvions pas parler là-bas. Nous ne devons le demander qu'à toi personnellement."

    ____Ca se compliquait. J'étais en quelque sorte ramené de plain-pied à une dure et peu digeste réalité qui était qu'il me faudrait faire des efforts, et non simplement organiser une réunion pour faire dresser des tableaux de doléances sans conséquences. Pas de ça, mon p'tit gars, tu feras tourner tes pieds à l'huile de coude, crois-moi!

    ____"Bon, allez-y"

    ____Mis au pied du mur, ils semblaient hésiter. Soucoupe gardait l'orteil en l'air, immobile, dans le doute et l'expectative. S'il avait eu des yeux, ils auraient sans doute été fixés droit sur la feuille, emplis d'inquiétude. Ou alors papillonnant de droit de gauche, sans savoir que faire. Ou alors dérivant dans le vague. Ou alors fermés, en proie à la réflexion. Oui, enfin en l'occurrence la question ne se posait pas et c'était très bien comme ça, et revenons à nos extrémités distales du corps humain. Pendule, donc, était pétrifié d'angoisse, et Soucoupe esquissait de légers mouvements vers lui.

    ____La lumière de la chambre était éteinte, aussi régnait-il dans cette pièce une demi pénombre bleutée que brisait la marque, sur le plancher, de la fenêtre dont les volets n'étaient pas fermés, et qui laissait entrer la lumière douce et froide de cette journée d'hiver. Rien ne se laissait entendre alentour, sinon quelques sourds chants d'oiseaux ou, bien plus lointains encore, les échos feutrés dérivant dans les sillons aériens que creusait sans doute un RER de passage. Le moment semblait grave, et l'hésitation des pieds, cruciale. Je décidai de ne pas rompre ce silence sérieux pour leur signaler que je risquais de tomber avec leurs clowneries affligeantes de saltimbanques écervelés, mais j'eus de plus en plus de mal à me maintenir debout, jusqu'à être obligé de tirer brusquement sur mon genou gauche pour rétablir l'équilibre. Pendule fut arraché du sol et de la discussion, soucoupe se retourna sous la surprise et je chus sur le côté. Je ne dus m'on salut qu'à mon lit que j'empoignai du bras gauche.

    ____Cette cascade eut au moins pour effet de précipiter les choses, et sitôt que l'on eut convenu que je pourrai avoir au moins une position assise quand il leur prendrait des envies de littérature, et que l'on se fut exécuté, Soucoupe se décida à écrire :

    ____"Nous voudrions que tu nous écoutes mieux."

    ____"Quoi!? Non mais ça va pas, vous?" m'énervai-je, car j'étais énervé, soudain. ____"Ca vous va bien, à vous de dire ça! Depuis ce matin je suis aux petits oignons avec vous, je me donne corps et âme à votre cause pour finir la journée en cloque, et voilà! Je suis précautionneux et attentionné, je me donne la peine de fédérer votre mouvement, de rassembler, de vous offrir d'édicter des lignes de conduite, je rassemble la ville, je vous permets d'aller vous plaindre en toute liberté et sur la place publique afin qu'on puisse remédier à vos problèmes et je ne suis pas à votre écoute? Mais il vous faut quoi, encore, que je vous cire les pompes?"

    ____"Non, tu n'as pas compris ce que nous voulions dire." écrivait pendant ce temps Soucoupe, à tout vitesse

    ____"Ah ben voyons, je ne vous comprends pas! Je suis un être humain complet doté d'un cerveau en excellent état de marche et je ne pourrais pas comprendre une paire de zouaves incapables de maintenir debout celui dont ils ont la charge! Allons-y! Non mais dites moi que je suis con, ça ira plus vite!"

    ____"Eh bien…"

    ____"Attention!" Les mis-je en garde avant qu'ils n'écrivissent le reste. "Je vous préviens! Un mot, un seul petit mot de plus et cette histoire va finir en bain de sang de pieds. Alors gaffe."

    ____Je me rendais bien compte que c'était parfaitement idiot : jamais je n'aurais osé me mutiler moi-même. Mais c'était tout ce que j'avais trouvé pour éviter d'entrer dans une spirale de moutarde montant aux narines. J’avais péché par excès d’orgueil et je tombais de haut. La chute était douloureuse. Le visage cramoisi, l'œil sombre, la respiration violente, je fixais mes pieds avec une fureur difficilement contenue.

    ____J'attendis la réponse un long moment. Elle ne vint pas.

    ____Peu à peu, je repris mes esprits. Mon souffle s'apaisa. Je gardai ma position quelques minutes, de plus en plus détendu, calme, tranquille, à savourer le silence. Ma conscience ordonnait à mon ego d'oublier cette histoire, lequel résistait farouchement. Je laissai à la lutte le temps de s'achever sur la victoire de la première. Je restai encore un peu, par gourmandise, savourant le repos du guerrier.

    ____"Allons, leur dis-je enfin, j'ai besoin de vous pour aller manger."

    ____Je tentai de me relever mais c'était impossible. Ces ordures étaient vexées.

    ____Je dus descendre l'escalier en rampant et priai pour avoir assez de dents à l'arrivée pour ne pas devoir me contenter d'un bol de soupe.

    ____Nous ne reprîmes cette discussion que bien plus tard dans l'après-midi. J'ai bien dû manger quelque chose mais je ne me souviens plus exactement de quoi. Je n'ai pas non plus de souvenirs quant à la manière dont j'ai bien pu occuper les instants qui ont suivi. Tout ça étant follement inintéressant, éludons d'un air guilleret et partons nous esbaudir dans les vertes prairies des environs de quatre heures, quatre heures et demie, si vous le voulez bien.

    ____"Tu n'as pas compris", écrivait alors Soucoupe, "il ne s'agit pas d'être plus à l'écoute.

    ____Enfin, si.

    ____Mais pas vraiment."

    ____Comme nous voilà bien avancés!

    ____"Disons que nous sommes séparés, tous les trois"

    ____Séparés? Ce n'était hélas pas l'impression que j'en avais, mais admettons.

    ____"Il y a comme une distance entre nous, alors que nous sommes le même corps. Il n'est pas normal que j'aie à écrire pour pouvoir communiquer"

    ____Non, et cela d'autant moins qu'il arrivait au bas de la page et qu'il eut toutes les peines du monde à la tourner. Je trouvai cela extrêmement drôle et partis d'un rire sarcastique qui sembla le blesser et le mettre mal à l'aise, car ses mouvements par la suite furent moins précis, mais il alla jusqu'au bout de sa maigre pensée.

    ____"Nous voudrions que tu réussisses à être en osmose avec nous, et que tu puisses sentir et prendre pour tien ce que nous désirons, comme si tu le désirais toi-même. Il te suffit de nous comprendre. Nous voudrions être enfin un corps uni."

    ____J'eus la désagréable impression d'être dans une de ces séries américaines nauséeuses lorsqu'il parla de "corps uni", mais soit. L'idée était complètement farfelue et, quoiqu'en mon for intérieur, je jurai de ne jamais m'abaisser au point de penser, littéralement, comme mes pieds, je fis semblant d'acquiescer, espérant qu'ils fussent dans la même situation que moi et qu'ils ne pussent donc deviner mes pensées.

    ____Ils semblaient heureux, cela avait l'air de marcher. Jusqu'à ce que cette cloche de Pendule aille mettre ses pieds dans le plat. Il s'empara brusquement du stylo et écrivit – très mal :

    ____"Nous serons convaincus de la réussite de l'expérience lorsque tu auras su deviner quelle est l'envie impérieuse que nous avons en ce moment, laquelle ne fait pas partie des bouffonneries qui ont été proposées lors de la mascarade de ce matin."

    ____Ah ben v'la autre chose! Une partie de moi était parfaitement sceptique quant à la première partie de la phrase, quoique l'autre ne put s'empêcher d'être fière de la seconde. Ainsi donc mes pieds étaient au-dessus de cette masse stupide qui s'échinait à demander des émulsions lavantes spéciales ou l'occasion de prendre son pied plus souvent. Eux demandaient autre chose. Je ne savais pas quoi mais autre chose. De bien. De grand. De pensé. Quelque chose qui faisait sens. Mes pieds! C'étaient mes pieds à moi, ça, mais oui madame! Qu'ils étaient beaux mes pieds madame ! Mais oui qu'ils étaient beaux et intelligents, mes pieds, hein, mais oui!

    ____Et ils me demandaient de deviner ce qu'ils voulaient. Ah! Les cons.

    ____Je tentai bien d'inventer quelques dérivatifs.

    ____"Voyons, j'essaie d'être en totale fusion avec vous. Voyons… Vous voulez… vous voulez me laisser tranquille."

    ____"Non".

    ____Diantre, comment avais-je pu oublier que leur humour se situait dans les méandres de quelqu'abyssale profondeur?

    ____"Vous voulez prendre un bain."

    ____"Non."

    ____"Vous voulez que je vous vernisse les ongles."

    ____"Non."

    ____"Nous voulez écouter de la musique pour pieds. Non, attendez! Vous voulez un massage pour pieds!"

    ____"Non."

    ____"Vous voulez dormir?"

    ____"Non."

    ____"Vous voulez du gâteau?"

    ____"Non."

    ____"Vous voulez sortir?"

    ____"Mais encore?…"

    ____Ah! J'avais une piste!

  12. J'ai trop donné et trop recu, (superbe vers, au passage)

    J'ai déposé mon coeur sur l'autel de ton âme

    Au milieu des vapeurs veloutées et des flammes

    Alourdi de mon poids l'écrasante folie

    Teignant ton horizon. Et tu me le rendis.

  13. Autre point, je tiens vraiment à ce que "Loup-loup" est la gueule ouverte (genre je te gueule dessus

    J'aime les gens qui se trompent à la fois de verbe et de temps. :lol:

    Rions un peu :

    Présent du subjonctif du verbe Etre

    que je sois

    que tu sois

    qu' il soit

    que nous soyons

    que vous soyez

    qu' ils soient

    Présent de l'indicatif du verbe Etre

    je suis

    tu es

    il est

    nous sommes

    vous êtes

    ils sont

    Présent du subjontif du verbe Avoir

    que j' aie

    que tu aies

    qu' il ait

    que nous ayons

    que vous ayez

    qu' ils aient

    Cette mise au point de haut vol étant faite, la conversation peut reprendre sur cette charmante bêbête en cours de gestation. :blink:

    Edit Crilest : Et après, c'est moi qui prend mon pied en éditant ou jouant les modos... Spece de vil Môssieur va!!! ^_^

    Edit : Faut bien qu'ça tourne, tiens!

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