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Lord Paladin

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Tout ce qui a été posté par Lord Paladin

  1. [size="4"]Introduction[/size] C'est sur les conseils d'un mien ami que je vous offre en cette semaine, un poème de l'un des auteurs les plus connus et les plus critiqués (dans tout les sens de ce terme) : Baudelaire. Mais comme toujours, c'est avec respect que je commence par céder la plume à ce trop illustre poète. [size="4"]Poème[/size] [center]La nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l'expansion des choses infinies, Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.[/center] [right]Correspondance, 4ème poème des [u]Fleurs du Mal[/u], de Baudelaire[/right] [size="4"]Analyse[/size] Tant au niveau du rythme, que de la forme du poème et des rimes choisies, on observe ici un poème d'une facture des plus classiques, un sonnet dans ce qu'il a de plus codifié et de plus strict. Les vers forment un ensemble régulier et lancinant avec une structue extrèmement répétitive, aucun originalité dans la césure ou dans les accents. Le poème est, certes, d'une extrème fluidité mais au vu des remarques précédentes, ce n'est pas là une grande surprise. Les rimes sont pour la plupart suffisantes ou riches hormi prairies//infinies qui fait figure de parent pauvre. De plus, si l'on poursuit dans ce domaine, les rimes ne font pas preuve d'une grande tension, voir prèsentent un ensemble plutôt lâche. A mon humble avis, hormis le couple confondent//répondent dont le jeu d'opposition et de réunion présente un caractère tout à fait pertinent, le poème présente une richesse stylistique plutôt pauvre. C'est donc sur le fond et non sur la forme qu'il faut trouver de quoi ravir notre esprit poétique. [center] [img]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/db/To_the_Unknown_Voice.JPG[/img] [u]The unknown Voice[/u], Kandinsky[/center] Car en effet, c'est sur le fond que l'oeuvre est intéressante car elle pose la question de la symbolique et évoque le thème de la synesthésie (confusion entre les sons, les lettres, les couleurs, les nombres, etc.). Cette oeuvre fit d'ailleurs longuement penser que Baudelaire était atteint de ce trouble ce qui au dernière nouvelle n'était pas le cas. Dans le poème en lui même, on trouve plusieurs images et figures poètiques qui mettente en valeur cette idée et nous allons les expliciter ici les unes après les autres. Tout d'abord les rapprochements effectués à l'aide de la mise en valeur des rimes, paroles//symboles à la première strophe entame ce rapprochement entre les différents langages. Le couple déjà évoqué confondent//répondent poursuit cette image en mettant en valeur les positions ambigus des différents sens entre eux, à la fois tout homogène et disparate qui se mèlent les uns aux autres pour former la perception. Secondement, l'accumulation du huitième vers est un bon exemple de ce procédé. On voit se mêler en un rythme ternaire les principaux sens qui mit ainsi sur un pied d'égalité et regroupés ensemble par l'utilisation du verbe "répondre", marquent bien l'idée pricnipale du poème. Enfin, le premier tercet abuse de matéphore destiné à mettre en image les idées proposées dans les quatrains. Les deux premiers vers de ce dernier parleront d'eux mêmes. Au final ce poème d'une facture très simple et très classique montre comment mettre en valeur une idée du fond par de figue de style et des images poètiques qui ne sont pas parmi les plus alambiquées. L'oeuvre est fluide et souple et porte en elle une force qu'on ne trouve que rarement dans des poèmes aussi simple. A ceux qui voudraient se lancer dans la poésie... voila un exemple à suivre. Bien sincèrement, Hell Palouf
  2. Lord Paladin

    Les Exilés

    [quote name='Loup Noir' timestamp='1308072859' post='1934316'] Bonne lecture. Les étoiles miroitent sous la grande voûte, Et je marche, écoutant cascade et torrents, Parmi les nuages, la terre et les rochers blancs, Renégat, banni ayant cédé face aux doutes. Sur les sentiers rocailleux par monts et par vaux, Parfois tel une statue dans les vertes dunes, Contemplant le chant d'amour du loup à la Lune, Je pars à la conquête d'un foyer nouveau. Son beau et profond regard d'émeraude noire Se dirige vers la redoutable nuit d'or, Où le minéral scintillant, toujours, dort. Voyageons alors, éclairés d'un glorieux phare, Et la main sur le bronze endormi pour l'instant, Là où tonne l'ire et le calme des volcans... [/quote] Tout d'abord, je trouve cela vraiment dommage que tu n'es pas suivi les règles les plus élémentaires de la poésie et notamment celle des "e" muets qui certes parait tout à fait inutile lors de la première lecture mais qui montre vite sa profonde et belle utillité pour peu que l'on passe quelque minute dessus. (Comme toujours, [url="http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=106652"]un petit lien[/url].) Sinon, il est vrai que ton poème porte quelque chose en lui de vraiment sympa. Il est calme et reposant et donne envie d'en découvrir un peu plus. Peut être pourrait tu aller plus loin qu'un simple sonnet qui ne me semble par ailleurs pas la forme la plus adaptée car je na vois pas de rupture dans ton poème. Je veux dire par là qu'il existe une grande unité de sens et que contrairement à ce qui est attendu dans la plupart des sonnets, il n'y a pas de révélation soudaine lors du passage des quatrains aux tercets. Sans doute plus de commentaires un jour où l'envie m'en prendra subitement, pour l'instant je vais te laisser répondre à ce premier essai de réponse. Pal'
  3. Bien que vous ayant déjà parlé de cet auteur si cher à mon coeur, je ne peux m'empêcher de revenir un instant sur E. Verhaeren pour partager avec vous ce moment de calme et de tranquilité que m'offre à chaque fois, le premier des croquis de cloître. [center][img]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/55/Bucuresti_cloister_2008.jpg/800px-Bucuresti_cloister_2008.jpg[/img][/center] Mais trêve d'inutiles paroles, commençons par vous laisser lire le texte en question (enregistrement audio disponible en cliquant sur le titre). [center][size=4][url="http://fileden.com/files/2011/12/25/3243049/My Documents/Croquis de cloitre I.wma"]Croquis de cloître (I)[/url][/size] Dans un pesant repos d'après-midi vermeil, Les stalles en vieux chêne éteint sont alignées, Et le jour traversant les fenêtres ignées Etale, au fond du choeur, des nattes de soleil. Et les moines dans leurs coules toutes les mêmes, - Mêmes plis sur leur manche et mêmes sur leur froc, Même raideur et même attitude de roc - Sont là debout, muets, plantés sur deux rangs blêmes. Et l'on s'attend à voir leurs gestes arrêtés Se prolonger soudain et les versets chantés Rompre, à tonnantes voix, ces silences qui pèsent ; Mais rien ne bouge, au long du sombre mur qui fuit, Et les heures s'en vont, par le couvent, sans bruit, Et toujours et toujours les grands moines se taisent.[/center] Je vous propose maintenant une seconde lecture plus analytique afin de mettre au jour certains ressorts poétiques à l'oeuvre dans ce poème, je vous livrerais donc tout d'abord une première analyse de la forme poétique avant de me plonger plus avant dans le texte lui même. [size=3]Les piliers[/size] Tout d'abord, remarquons qu'il s'agit d'un sonnet dans la plus vieille tradition de ce terme puisqu'on y trouve l'alternance si élégante des rimes masculines et féminines, deux premières strophes en rimes embrassées et deux tercets "à l'italienne" c'est à dire là encore en rimes embrassées AAB-CCB. Hormi la rime en "eil" de la première strophe toujours difficile, il est à noter que la plupart des rimes sont suffisantes voir riches, notamment "ignées", ce qui ajoute inconsciemment à la facture délicate et ciselée de l'oeuvre. Toutefois, les rimes ne sont guères tendues ce qui provoque un certain sentiment de répétition et de lenteur qui n'est pas sans se mettre en écho avec la torpeur évoquée dans le texte. [size=3]L'ombre et la lumière[/size] Le texte tout entier repose sur une tension savamment entretenue entre l'ombre et la lumière, entre l'extérieur où le monde s'agite et se secoue et cet intérieur baignant dans une atmosphère de simple éternité. Cet affrontement silencieux apparait de manière clair dans la première strophe avant de passer en sous-entendu discret mais présent dans le reste du poème : c'est l'opposition entre les stalles éteintes et tranquillement rangées et le jour enflammant les fenêtres et marquant sa présence festive et puissante jusque sur l'autel divin. Toutefois, malgré cette apparente folie, le rythme est très lourd, très construit, tout les alexandrins sont du rythme le plus classique : 6//6, on voit là s'élever la roche sobre et dure de la cathédrale. À ce soleil, les moines opposent le silence et l'immobilisme. Mais surtout, cultive cette apparence de statues qui se répéte dans plusieurs figures de styles : Tout d'abord la répétition du mot "même" que l'on retrouve 5 fois dans la strophe, dont une fois à la rime, avec cet écho dans blême. Ensuite, le champs lexical utilisé : "raideur", "roc" ,"planté". Mais devant cette raideur dans le texte et le sens, on voit se lever une grande liberté de forme. Pas un des quatres alexandrins ne prends le même ryhtme... 4/4/4, 3/3//3/3, 4//2/3/3 et 2/2/2//2/4 enfin. C'est un défilement de vagues et de contrevagues sans schéma discernable, c'est a vie qui s'épanouit sous l'apparence de la sévérité et du silence. Cet effet n'est d'ailleurs pas sans rappeler un passage du Zarathoustra de Nietzsche : "On appelle « uniforme » ce qu'ils portent : que ce qu'ils cachent dessous ne soit pas uniforme !"(So sprach zarathustra, De la guerre et des guerriers). Ici l'apparence est uniforme quand le rythme et la vie ne le sont point, poursuivant ainsi ce jeu de tension d'une manière plus discrète et subtil. La tension apparait enfin dans l'opposition entre les deux tercets : le premier appel le mouvement mais le laisse en suspends de même que le rythme. Ainsi, en écho au geste soudain figé du moine ou au chants que l'on s'attend sans cesse à voir commencer, les vers s'arrêtent et reprennent sans cesse, phrase laissée en suspend à la fin du premier vers, rejet de "rompre" entre le second et le troisième, etc. Et toujours le rythme suit une chevauchée erratique. Pour aboutir finalement à la dernière strophe qui réalise en quelque sorte la conclusion de la tension en la faisant tout simplement disparaître derrière la tranquillité des moines. Car dans ce dernier tercet, le rythme oscille une dernière fois pour finalement retrouver la torpeur qu'il avait au début du poème. Le mouvement finit par s'arrêter tout à fait. La sonorité même du poème s'adoucit pour prendre des tons plus coulants faits de sons roulés(r), fricatifs(f,h,s,x) ou spirants(j,l) [pas sur de moi pour le coup, je suis pas bon en phonétique]. Pour aller s'arréter finalement au pied des moines sur le dernier vers, majestueux et ample, se refermant soudain tel le sportes de l'église sur cette dernière vision des moines statufiés et figés dans la rigueur et le silence de Dieu. [size=3]L'odeur des roses[/size] Alors, après ce long traitement un brin académique de cette oeuvre, je concluerai sur une note plus personnelle en tentant d'expliquer mon choix et les raisons qui me font aimer ce poème plus qu'un autre. Tout d'abord, c'est le calme et la tranquillité qui ressortent au final de ce petit morceau de poèsie qui me font apprécier sa lecture, sans doute aussi est-ce dû à mes longues rêveries dans les cloîtres, endroit que je trouve étonnamment adapté au repos et à la songerie quand bien même il serait placé au coeur d'une grand-ville. C'est enfin cette lutte tranquille des moines avec eux même qui se réfléte dans le texte et dans le rythme pour créer cette tension si particulière et que je trouve être sans doute, une excellente description de la rudesse de la vie monacale, à mi chemin entre Dieu et les hommes. Pour lire tout les croquis : [url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_i.html"]Croquis de cloître [I][/url] [url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_ii.html"]Croquis de cloître [II][/url] [url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_iii.html"]Croquis de cloître [III][/url] [url="http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/emile_verhaeren/croquis_de_cloitre_iv.html"]Croquis de cloître [IV][/url] Pal'
  4. Que diantre, après avoir sans faillir lu et relu ce louable traité sans y avoir trouvé de faille me voila bien en peine d'en médire. Mais cependant, serait-il possible d'y ajouter un petit article de linguisitique, notamment les assonances et allitérations avec les noms des différents groupes (voyez mon inculture) de consonnes. Hell Palouf Edit : Je peux m'en charger si cela ne dérange pas notre cher Petimuel
  5. Tenez, je ne sais guère si c'est l'endroit le plus approprié pour mettre ceci, mais je pense que vous saurez me pardonnez mes ignorances ! [size="4"][center]Aujourd'hui même[/center][/size] [color="#eabd68"]pouet[/color]Mon maître était quelqu'un d'étrange. Non pas dans sa façon d'être ou de se présenter, mais plutôt dans sa façon de penser le monde. Chaque fois que je montais le petit sentier de montagne qui se hissait péniblement jusqu'à sa chaumine, il me semblait quitter définitivement le monde ordinaire pour pénétrer... ailleurs. Son monde n'était pas plus beau ou plus formidable, ni même plus sage. Peut être était-il plus calme. Oui plus calme. C'est cela plus que tout le reste que je recherchais dans la compagnie de ce vieil homme aux cheveux hirsutes qui s'était un jour retiré du monde après avoir légué toutes ses possessions à une œuvre de charité. Puis, libre de toute entraves, il était ensuite allé vers les collines pour se reposer et apprendre du jour présent, selon sa propre expression. [color="#eabd68"]pouet[/color]Après avoir usé mes chaussures sur les pierres traîtres de cette région des Pyrénées. Nous nous asseyions tout les deux pour regarder les choses et discuter de la nature et de la couleur du jour. Souvent, cela me suffisait, parfois je voulais en savoir plus, plus sur ce qu'il faisait avant de venir, ou sur ce qu'il voulait faire de sa vie. Mais je me heurtais toujours à ce qu'il y avait de plus remarquable dans la manière dont mon maître vivait... il ne vivait pas dans la présent. Oh n'allez pas penser que ses yeux blanchis par les soleils de la vérité pouvaient voir au-delà des abimes du temps et contempler les ruines de ce qui ne sera plus jamais ou de ce qui n'est pas encore. Ou bien qu'il pouvait à loisir se mettre à parcourir d'un pas léger la longue route des possibles. Oh non, le plus extraordinaire tour dont mon maître était capable était de trouver de quoi préparer de délicieuses infusions avec à peu près tout ce que la nature comptait de plantes et de fleurs. C'était sans doute le magicien du thé le plus formidable qu'il ne me fut jamais donné de contempler, mais là s'arrêtaient ses prodiges. [color="#eabd68"]pouet[/color]Non, si je dis que mon maître ne vivait pas au présent, c'est seulement qu'il ne semblait pas se soucier de ce qui appartenait au passé, au futur ou bien à l'instant, tout sembler se mêler à son esprit et je ne le vis jamais dire : "tiens, demain il faudra faire ceci ou cela !". Non, ou bien il se levait et accomplissait sa volonté sur l'instant, ou bien il se contentait de boire son infusion brûlante à petite gorgée en regardant d'un œil tendre les oiseaux qui venaient lui voler les cerises sur l'arbre qu'il avait eu tant de peine à faire pousser. Il ne disait pas non plus : "Un jour, c'était en octobre 1992 je crois, le soleil avait tant brulé la terre que lorsque vint l'orage...", non ! Devant lui la terre brûlait encore dans son face-à-face prolongé avec l'astre furieux et chaque goutte de pluie teintait encore à ses oreilles, chantant sa douce chute à travers les nuages et ses bonds joyeux sur les feuilles des arbres desséchés. Oui, tout ce qui était mort là bas, dans le monde, vivait encore et pour toujours dans la tête de ce petit homme aux yeux brillant de vie et de malice. [color="#eabd68"]pouet[/color]Et puis un jour il disparut. Il ne m'en avertit même pas ; mais comment aurait-il pu en être autrement ? Il disparut, tout simplement, en emportant une gourde et une bonne paire de chaussures. Était-ce pour aller reposer éternellement dans les collines ou bien pour entreprendre une nouvelle vie loin de tout ce qui pouvait lui rappeler (si tant est que ce processus fut possible à son esprit) ses existences passées, je ne saurais le dire. [color="#eabd68"]pouet[/color]Je ne l'ai jamais revu depuis ; mais parfois, il me semble qu'il est encore là, avec moi, souriant derrière le temps qui passe. Pal'
  6. [quote name='Absalom' timestamp='1306156927' post='1918787'] Certains messages et sujets de la semaine dernière ont disparu ("Invictus" de SoK,en particulier). Si c'est volontaire, autant pour moi ... et désolé pour ce hors sujet. [/quote] J'ai l'impression que SoK à complètement disparu. C'est peut être la réalité qui s'est vengé. Alors le mieux est de ne pas en parler pour ne aps qu'elle s'appercoive que nous aussi, nous savons. Pal' PS : Si vous ne lisez aps ce message, il faudra vous inquiéter
  7. Comme je l'ai dit, le plus simple à mon sens serait de prendre quelqu'un chargé de stocké dans un dossier archive des blcs de .pdf que les auteurs veulent diffuser sur le forum. Par exemple, des recueil de poème ou des dessins, des textes particulièrement aboutti. On stock tout cela dans un truc type .ftp dont on fait des sauvegarde régulière sur un disque dur. Je veux bien me charger de tout cela mais le seul problème est à quel point dispose t-on de suffisament de place pour faire des archives de ce genre, je pense que ce n'est pas très gourmand pour ma part. mais il faudrait voir aussi cela avec les admins techniques. Pal'
  8. Bisous à tous et merci pour ces petits messages d'anniversaire qui font toujours bien plaisir. Pour ce qui est de moi même... hormis quelques poèmes occasionnel écrit pour une fille particulière (et donc que de toute façon, vous n'avez jamais lu) j'ai toujours une sauvegarde de toutes mes données sur deux disques durs donc ça devrait accuser le coup sans problème. Je vais de ce pas proposer quelques idées dans la section adaptée. En tout cas, je dois vous rappeler que certes c'est une perte immense pour le fofo que de voir ainsi disparaître tant d’œuvres. Mais c'est surtout celles que nous allons écrire qui comptent. Alors en avant écrivains et écrivaillons de tout bord, replongeons nous ardent à la bataille... nos avons tout un monde (voir plusieurs) à reconstruire. Pal'
  9. Un nouveau petit poème pour commencer sur une note de nouveauté ! Le thé Le feu de bois brûlait au coeur de la clairière, Chacun avait lancé dans le bûcher sans fin Un peu de son passé et beaucoup de chagrin. Les visages sereins flamboyant par éclair Renvoyaient à la nuit des silhouettes fières, Quand les ombres dansaient derrière sur les pins. Les rires fleurissaient comme lys au jardin, Gerbes de joie, de feu, de folie, de lumière... Alors quand tout ceci ne fut plus rien que cendres, Ronfroi posa dessus une théière des flandres Pour servir à chacun une tasse de thé : Ce thé si fin qu'on boit au début de l'été, Ce thé si délicat qu'on le crut fait de fleurs, Si amer et si chaud, qu'il réveille les coeurs. Pal'
  10. Salut, A priori je suis intéressé, juste une question pour les scenarii, y-a t-il des restrictions imposées (par exemple pas de scenarii déjà joués dans une convention ou bien un thème particulier à "respecter") Sinon, il est très probable que je passe pour MJter et jouer un peu. Pal'
  11. Oui, pour ma part j'ai encore des scénars non rempli et je ne doute pas qu'on trouvera des MJ dans l'urgence dans le pire des cas. Juste ça coute deux fois plus cher (6€ quoi). Après c'est certain que les scenarii les plus demandés ne seront plus accessible mais il y aura toujours de la place. Edit : Mais avec grand plaisir, et puis j'oubliai : tu peux toujours t'inscrire maintenant sur le site : http://www.polytechnique.fr/eleves/binets/faerix/news Pal'
  12. Tu sais, on s'arrange aussi un peu au dernier moment dans ces cas là ! Pal'
  13. Et un dernier petit up pour vous dire que l'on vous attends tous dans une semaine su le campus de l'X ; See Ya les enfants. Pal'
  14. Ulalume, Edgar Poe Ce soir, j’ai choisi de partager avec vous cet œuvre sombre et inquiétante qui signe sans doute l’un des plus beau trait de désespoir de ce maître qu’était Edgar Poe. Bien sûr, vous connaissez sans doute les nouvelles subtiles et hallucinées de ce dernier dont l’extrême précision et la concentration n’est pas sans rappeler la forme d’un poème, mais c’est bien au poète que nous nous intéresserons aujourd’hui. Rassurez-vous, le poème est en français car la traduction de Mallarmé rend indubitablement à merveille le style solennel et puissant de la version originale mais nous aurons le loisir d’y revenir après une courte biographie et bien sûr l’œuvre qui nous intéressera. Courte biographie Qu’on me pardonne cette courte biographie d’autant que l’article de la source universelle de connaissance (http://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Allan_Poe ) est fort détaillé, mais j’estime que trois paragraphes sont tout de même nécessaires (et suffisant) pour mieux comprendre la lecture de ce poème. Edgar Poe est né le 19 janvier de l’année 1809 dans la sombre ville de Boston, sa mère était une actrice célèbre tandis que son père était alcoolique et tuberculeux. (Vous commencez à comprendre la noirceur des œuvres de Poe ? Non ? Alors poursuivons…) Son père ne tarde pas à s’enfuir laissant seul la mère de Poe avec ses deux fils et sa fille, malade elle tente d’élever sa petite famille mais ne tarde pas à être fauchée par la tuberculose, Edgar a alors 3 ans. Si l’ainé part vivre chez son grand-père, Edgar et sa sœur Rosalie sont pris en charge par la charité de la ville de Richmond où ils seront rapidement adoptés. En particulier, Edgar est recueilli par les Allan dont il conservera dorénavant le nom : Edgar Allan Poe. Il recevra de cette famille d’adoption une grande tendresse et une éducation soutenue. Malheureusement si sa « mère » l’incite à l’écriture, son père n’approuve pas cette décision si bien qu’il finira par fuguer et rejoindre Boston pour tenter de vivre de sa plume. La mort de sa « mère » réconciliera un temps les deux hommes avant que les dettes ne viennent à nouveau briser cette fragile entente. De là, Poe connaitra une vie difficile, trimballé entre les rêves de grandeur que sa plume formidable lui permet d’espérer et une réalité qui ne cesse de lui jouer des tours pendables. Il sombrera peu à peu dans l’alcoolisme tandis que ses rares amours lui seront ravies par la maladie. Cette vie dissolue se terminera le 7 octobre 1849, officiellement d’une congestion cérébrale mais les discussions agitent encore les historiens pour déterminer s’il s’agissait d’un règlement de compte politique, d’une bagarre de taverne ou tout simplement d’une ultime victoire de l’alcool. Ulalume Suite à cette petite précision d’ordre biographique, le collectif des dépressifs de France vous conseil de baissez la lumière pour prononcez d’une voix sombre et grave ce poème solenel et puissant ! (pour la version originale : http://www.online-literature.com/poe/579/) Les cieux, ils étaient de cendre et graves ; les feuilles, elles étaient crispées et mornes - les feuilles, elles étaient périssables et mornes. C'était nuit en le solitaire Octobre de ma plus immémoriale année. C'était fort près de l'obscur lac d'Auber, dans la brumeuse moyenne région de Weir - c'était là près de l'humide marais d'Auber, dans le bois hanté par les goules de Weir. Ici, une fois, à travers une allée titanique de cyprès, j'errais avec mon âme ; - une allée de cyprès avec Psyché, mon âme. C'était aux jours où mon coeur était volcanique comme les rivières scoriaques qui roulent - comme les laves qui roulent instablement leurs sulfureux courants en bas de l'Yanek, dans les climats extrêmes du pôle - qui gémissent tandis qu'elles roulent en bas du mont Yanek dans les régions du pôle boréal. Notre entretien avait été sérieux et grave : mais, nos pensées, elles étaient paralysées et mornes, nos souvenirs étaient traîtres et mornes - car nous ne savions pas que le mois était Octobre et nous ne remarquions pas la nuit de l'année (ah ! nuit de toutes les nuits de l'année !) ; nous n'observions pas l'obscur lac d'Auber, - bien qu'une fois nous ayons voyagé par là, - nous ne nous rappelions pas l'humide marais d'Auber, ni le pays de bois hanté par les goules de Weir. Et maintenant, comme la nuit vieillissait et que le cadran des étoiles indiquait le matin, - à la fin de notre sentier un liquide et nébuleux éclat vint à naître, hors duquel un miraculeux croissant se leva avec une double corne - le croissant diamanté d'Astarté distinct avec sa double corne. Et je dis : " Elle est plus tiède que Diane ; elle roule à travers un éther de soupirs : elle jubile dans une région de soupirs, - elle a vu que les larmes ne sont pas sèches sur ces joues où le ver ne meurt jamais et elle est venue passé les étoiles du Lion pour nous désigner le sentier vers les cieux - vers la léthéenne paix des cieux ; - jusque-là venue en dépit du Lion, pour resplendir sur nous de ses yeux brillants - jusque- là venue à travers l'antre du Lion, avec l'amour dans ses yeux lumineux. Mais Psyché, élevant son doigt, dit : " Tristement, de cette étoile je me défie, - de sa pâleur, étrangement, je me défie. Oh ! hâte-toi ! Oh ! ne nous attardons pas ! Oh ! fuis - et fuyons, il le faut. " Elle parla dans la terreur, laissant s'abattre ses plumes jusqu'à ce que ses ailes traînassent en la poussière - jusqu'à ce qu'elles traînèrent tristement dans la poussière. Je répliquai : " Ce n'est rien que songe : continuons par cette vacillante lumière ! baignons-nous dans cette cristalline lumière ! Sa splendeur sibylline rayonne d'espoir et de beauté, cette nuit : - vois, elle va, vibrante, au haut du ciel à travers la nuit ! Ah ! nous pouvons, saufs, nous fier à sa lueur et être sûrs qu'elle nous conduira bien, - nous pouvons, saufs, nous fier à une lueur qui ne sait que nous guider à bien, puisqu'elle va, vibrante, au haut des cieux à travers la nuit. " Ainsi je pacifiai Psyché et la baisai, et tentai de la ravir à cet assombrissement, et vainquis ses scrupules et son assombrissement ; et nous allâmes à la fin de l'allée, où nous fûmes arrêtés par la porte d'une tombe ; par la porte, avec sa légende, d'une tombe, et je dis : " Qu'y a-t-il d'écrit, douce soeur, sur la porte, avec une légende, de cette tombe ? " Elle répliqua : " Ulalume ! Ulalume ! C'est le caveau de ta morte Ulalume ! " Alors mon coeur devint de cendre et grave, comme les feuilles qui étaient crispées et mornes, - comme les feuilles qui étaient périssables et mornes, et je m'écriai : " Ce fut sûrement en Octobre, dans cette même nuit de l'année dernière, que je voyageai - je voyageai par ici, - que j'apportai un fardeau redoutable jusqu'ici : - dans cette nuit entre toutes les nuits de l'année, ah ! quel démon m'a tenté vers ces lieux ? Je connais bien, maintenant, cet obscur lac d'Auber - cette brumeuse moyenne région de Weir : je connais bien, maintenant, cet obscur lac d'Auber - cette brumeuse moyenne région de Weir : je connais bien, maintenant, cet humide marais d'Auber, et ces pays de bois hantés par les goules de Weir ! " Analyse Je vous propose maintenant une analyse de l’œuvre dans son déroulé chronologique. Je m’appuierai principalement sur la façon dont sont construites les strophes et leur agencement entre elles ainsi que sur les différents jeux mis en place par Poe pour appuyer sa narration. * * * Dès le premier paragraphe, on sent la façon d’écrire de Poe transparaître même à travers la traduction de Mallarmé. D’une part par une description binaire et fortement accentuée des éléments qui composent le décor : les adjectifs qui décrivent les cieux portent dans leur sonorité même la noirceur de l’atmosphère. Les feuilles sont « crispées » et l’on sent là le son qu’elles émettent sous les pas du promeneur. D’autre part dans les corrections ou plutôt les répétitions apportant des précisions et des corrections seront nombreuses dans le poème tout entier et permettent d’amplifier cette atmosphère créée par l’auteur. La vie n’est plus qu’une morne répétition et les choses viennent et reviennent apportant à la fois de nouvelles touches, de nouvelles nuances mais restant sempiternellement les mêmes. La solennité de l’atmosphère est tout entière résumé dans la seconde phrase de l’œuvre : « C'était nuit en le solitaire Octobre de ma plus immémoriale année. » L’attention particulière portée au mois d’Octobre muni de sa majuscule nous place d’entrée dans tout ce que ce terrible mois recèle de pluie froide et triste, d’arbres dépourvus de branche, de solitude évidement. Enfin, après avoir planté ce sinistre décor, Poe nous donne quelques précisions géographiques. Nous sommes près du marais d’Auber, dans la brumeuse région de Weir. Sans m’attarder sur les adjectifs on ne peut plus explicites, je voudrais souligner la forme même des noms de lieu utilisé : Auber et Weir. Les sonorités en sont tristes et sombres, proche de terre ou cimetière (tiens comme c’est étrange). Et la répétition de ces deux mots lourds et froids n’est pas sans rappeler le poème du Corbeau où le volatile emplumé ne cesse de croasser ce mot (en anglais évidemment, mais la traduction n’est pas juste pour le coup !) « Nevermore ». Là aussi nous sentons le cri lourd du corbeau et le mot résonne comme un appel à la nuit et à la tristesse. C’est là une technique couramment employé par Poe pour donner le ton dans ces poèmes ; la répétition d’un mot particulier à la sonorité évocatrice. * * * Bien, il est tard et je m’aperçois que je me suis tout de même grandement étendu sur le premier paragraphe et je me dis que si je continue de la sorte, vous serait tous endormis avant la fin de mon exposé. Aussi tenterais-je par la suite d’être plus concis. Après le premier qui se concentrait sur le décor et sur l’atmosphère de ces lieux surprenant, le second se centre sur le poète et plus particulièrement sur ses sentiments présents. C’est à une véritable scission dans tous les sens du terme que l’on assiste alors. D’une part scission du narrateur avec son âme, Psyché qui si elle marche effectivement à ses côtés, n’est plus en lui mais à coté de lui. C’est une scission intérieure ensuite entre les volcans de son cœur, et les glaces boréales qui les entourent : opposition classique entre le feu et la glace. Le troisième paragraphe aborde le thème, cher au romantique de la perdition. Ainsi alors qu’ils devisent avec son âme, le poète s’égare par mégarde, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Il ne sait plus le mois de l’année (Oh, oubli sinistre et fatidique) ni le lieu où il se trouve. C’est dans cette esprit d’oubli, comme guidé par le hasard (ou bien est-ce les dieux mesquins et railleurs ?), que le poète finit par trouver, comme un signe posé sur sa route, le croissant de la lune. Mais loin de lui montrer ma voie ; le signe ne fait qu’accroître la scission entre le poète et son âme qui son désormais séparés jusque dans la structure du texte, les paragraphes se trouvant désormais séparé pour transcrire les monologues du poète et de sa muse. Cette rupture dans la structure accompagne évidemment la rupture dans les pensées car si le poète glorifie la lune comme sa compagne d’infortune venue lui montrer la tanière du Lion (mais qui cet animal peut-il bien personnifier, je vous avouerais que je n’ai pas la moindre hypothèse sinon peut être l’ennemi ultime, la mort ou la tuberculose…). L’âme, elle, semble soudain prise de panique, peur inconsciente de ce qui ne tardera pas à arriver. L’avant dernier paragraphe nous dévoile soudain le thème même du poème vers lesquels tous les autres n’étaient qu’une préparation : Le poète est tout d’un coup mis devant ses pires craintes et devant toute l’horreur de sa vie. Car cette Ulalume n’est pas qu’une création du poète, mais plutôt la symbiose de toutes les femmes qu’il aima et qui toutes lui furent ravi par la maladie. On comprend mieux maintenant l’atmosphère maladive qui règne d’un bout à l’autre du poème, ce sentiment de répétition lui-même est une parodie morbide de la répétition des morts que dût connaître l’écrivain : celle de sa mère, de sa sœur, de sa première amour, de sa deuxième mère, etc. Mais plus terrifiant encore, le poème ne s’achève pas, mais se referme comme une boucle ou comme un piège puisque le dernier paragraphe dans sa structure aussi bien que dans son champs sémantique. Reprenant toutes les phrases de cette introduction mais observez bien la conclusion, elle répète effectivement la fin du premier paragraphe mais la répétition qui nous avait déjà frappée au départ se reproduit ici trois fois ! Annonce frappante d’un futur plus sombre, plus lourd, et plus monotone encore. * * * Le choix de ce poème fut donc mené selon deux motivations d’une part car je le trouve superbe et puissamment évocateur. D’autre part car peut être plus encore que le Corbeau, il met en valeur le procédé fréquemment utilisé par Poe de la répétition d’un mot, d’une phrase ou d’une idée pour donner toutes sa force aux différentes sonorités qu’ils contiennent. C’est là l’une des principales difficultés de la traduction d’œuvre telle que celle-ci ; les sonorités mêmes des mots sont altérées mais je trouve justement que Mallarmé à parfaitement réussi son pari de se rapprocher au mieux du style original. En espérant vous avoir donné envie de lire ou de relire Poe, mais surtout, de vous avoir donné des pistes à utiliser dans vos prochaines œuvres. Je laisse respectueusement la main à mon successeur pour samedi prochain. Frère Paladin
  15. Lord Paladin

    Backstab !

    C'est amusant, quand je l'ai écrit, j'avais plus la signification de chaos comme ammoncellement épars de rochers. Mais manifestement je devais être le seul. J'avais utilisé cette orthographe en se sens mais il est vrai que "Khaos" permet tout aussi bien d'évoquer mon idée tout en mettant en avant une signification plus mythique de la chose... je prends. Pal'
  16. Charmant poème en vérité, et fort belle analyse à la fois personnelle et technique. C'est là un beau travail que vous nous offrez doux seigneur. Frère Paladin
  17. Hop, je prends le prochain, (le 12 donc). je sais pas encore sur quoi mais ça me motivera pour faire quelque chose !!! (En fait j'avais une idée mais je ne m'en rappelle plus) (ah si ça y'est) ! Pal'
  18. En réponse à Tarmi, ca vaut ce que ca vaut : Sur la montagne écrasé par le poids Du ciel tendu roulant à l'infini Et du chaos juste en dessous de moi, Je méditais sur ce monde maudit. J'avais sondé les marines abysses Pour n'y trouver qu'épave et sable noir Et sous les cieux au plafond lourd et lisse J'avais brûlé, un par un, mes espoirs. * * * La nuit tombait et vaincu par l'orage Je revenais par le sentier étroit Mais malgré moi, malgré ma sourde rage Je sentais bien, que Dieu suivait mes pas. Pal'
  19. Bien le bonjour à toi te merci pour cette chronique qui sans être publiée un samedi, situe son histoire précisément ce jour - de là à penser aux poètes comme des sorciers il n'y a qu'un pas... que je ne franchirais pas. La critique est amusante et fraîche mais comme Absalom, je trouve qu'elle manque un peu de profondeur, puisque hormis quelques remarques - certes tout à fait pertinente - nous n'apprenons rien de Desnos lui même ou bien de tes sentiments vis à vis de ce poème - et oui, cela compte aussi - et je trouve cela bien dommage. Cela dit, tu m'as donné envie de me jeter sur une bibliothèque pour torturer un vendeur jusqu'à obtenir les ouvrages ici mentionnés ce qui est donc un point fort positif. Pal'
  20. Le fond fait peut être un peu trop plat et le titre pixelise un peu sur le haut, mais sinon c'est très sympa. Pal'
  21. Lord Paladin

    O mon ciel

    Hmm, quelque chose au fond de mon coeur se sent touché mais ton poème est trop profondément triste pour me ravir tout à fait. Je ne suis pas d'accord avec SoK (ça change hein), les statues ont tout à fait leur place ici ; anges qui regardent le monde sans tendre la main vers les hommes. L'ensemble brisé convient effectivement tout à fait au style du poème (et merci à Silver pour la musique) Pal' si j'ai le temps cette semaine, j'essaierai de répondre comme il se doit.
  22. Et un petit up en passant pour donner le site de la convention : http://www.polytechnique.fr/eleves/binets/faerix/news Pal'
  23. Merci à vous trois pour vos réponses aussi élogieuses. Pour info, ce genre d'article est écrit pour la revue de mon école (d'où la longueur, le style, etc.) mais comme je trouverais cela vraiment dommage de ne pas vous les faire partager. La prochaine sur François Villon... Pal'
  24. Fernando Pessoa Quatre poètes pour un seul homme. Avant de commencer mon article je me dois de me fendre d’une petite précision. Pessoa est un poète portugais, et bien qu’en matière de poésie je considère toute traduction comme un scandale, c’est en mon âme et conscience que j’ai choisi dans ce numéro de vous faire découvrir cet individu, ou plutôt ces individus pour le moins étonnants et que certains placent parmi les plus grands poètes qui furent. Car si en effet, Pessoa désigne indubitablement une seule personne, sa plume correspond pourtant à plusieurs poètes différents ! Il ne s’agit pas cependant seulement d’une simple question de pseudonyme sous lequel seraient parus plusieurs de ses ouvrages mais bien d’une œuvre littéraire complexe empruntant au théâtre et à la schizophrénie pour bâtir une histoire à mi-chemin entre la réalité et la fiction. Mais cela doit encore vous paraître bien obscur aussi s’agit-il de commencer par vous narrer la vie du seul et multiple protagoniste de notre article. Fernando António Nogueira Pessoa dont le nom dérivé du vieux portugais Pessôa signifie « personne », naquit le 13 juin 1888 à Lisbonne. Son père secrétaire d’état et critique musical mourra cinq ans après sa naissance et sa mère se remariera alors avec le consul du Portugal à Durban, emmenant son fils avec elle en Afrique du sud. Il est amusant de noter que son grand-père était un ancien général qui restait alité toute la journée pour composer des vers par simple phobie du monde. En Afrique, le jeune Fernando est alors inscrit à la Durban High School où il apprend l’anglais, langue dans laquelle il écrira l’ensemble de ses poèmes jusqu’en 1291, et ne tarde pas à se faire remarquer comme un élève brillant et prometteur, avant de rejoindre l’université du Cap. C‘est aussi à cette époque qu’il s’imprègne de la littérature britannique, notamment de Ben Jonson, Shakespeare, Keats, Tennyson, Poe, Dickens, etc. Il rentrera en 1905 à Lisbonne et ne voyagera plus jamais, passant le reste de sa vie dans un quartier de la ville portugaise qui l’a vu naître et qui le verra mourir, ne cessant jamais de marcher dans cette étroite bande le long du fleuve, délimitée par le château São Jorge et la place du Figuier, à l’est, et par le port d’Alcantara, à l’ouest. Dans ces endroits chargés de poésie où la silhouette élancée du poète passait telle une ombre inconnue, on peut encore trouver des traces de sa présence : que ce soit la table du café Martinho da Arcada qui parait-il, serait restée telle qu’elle, ou encore le café A Brasileira où l’admirateur en pèlerinage peut aujourd’hui prendre un verre en tête à tête avec la statue grandeur du poète assise là pour l’éternité. En 1907, le jeune garçon tente de fonder une entreprise de typographie grâce à l’argent hérité de sa grand-mère. Malheureusement, il ne devra pas connaître le succès et sera contraint de fermer en moins d’un an. Afin de subvenir à ses besoins, il postule donc comme « correspondant étranger » au journal Comércio et complètera son salaire en effectuant des travaux de traduction pour des entreprises d’import-export. Ce sera sa principale source de revenu pour l’ensemble de sa vie. D’un point de vue littéraire, ses rares apparitions se feront dans des revues que ce soit en tant que critique ou collaborateur, voir même fondateur. Ainsi il tente en 1915 de lancer la revue Orpheu dont ne sortiront malheureusement que deux exemplaires tant ses positions tranchées et sa liberté de ton complète choqueront aussi bien la critique que le grand public. 1920 voit la fondation de la maison d’édition Olisipo par le poète et quelques uns de ses amis. Cette dernière publiera d’ailleurs certains des poèmes anglais de Pessoa. En 1922, il commence à collaborer à la revue Contemporânea, puis à la revue Athena qu’il a contribué à fonder en 1924… Pour l’unique livre publié de son vivant, Message, il gagnera le prix Antero de Quental en 1934. Mais dès l’année suivante, il refusera de participer à la cérémonie de remise des prix pour protester contre la venue au pouvoir de Salazar. Il mourra le 2 décembre de la même année, encore complètement inconnu. Cette existence quelque peu grise et maussade ne doit pas faire passer le poète pour un romantique ou un poète maudit comme on l’a souvent suggéré en le comparant notamment à Kafka. Il fréquentait nombre de cafés, participait à de nombreux cercles littéraires en compagnie des écrivains Mário de Sá Carneiro, José de Almada-Neigreiros, Luís de Montalvor, publiait des billets et des articles et rêvait même de prendre la tête d’un nouveau mouvement artistique proche du cubisme : les intersectionnistes, qui déboucheront sur le futurisme de Marinetti alors en train de conquérir l’Europe. Mais alors pourquoi ce timide fils de fonctionnaire, cet individu introverti, ce triste employé de bureau est-il considéré comme l’un des plus grands poètes portugais, si ce n’est mondiaux ? Cette deuxième histoire commence après la mort de Pessoa, lorsqu’en fouillant les affaires du poète défunt on y trouva une malle. Car ce génie incompris entassait ses œuvres dans un coffre d’où l’on ne cessa d’exhumer des œuvres souvent inachevées, généralement dépourvues de la moindre structure, mais disposant pour elles d’un style incomparable. On y découvre surtout un paysage littéraire complet avec tous les styles de l’érotisme à l’ésotérisme, sous toutes les formes, mais aussi sous de nombreux noms différents. Et loin d’être un simple caprice, chaque nom se réfère à un style, une idéologie, une façon différente de penser le monde. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir les différents personnages s’affronter en des joutes oratoires ou même critiquer ouvertement les écrits et les pensées d’un autre pseudonyme. Celui qui sera nommé Caeiro est sans doute la principale figure de la poésie de Pessoa et en est aussi le personnage le plus énigmatique. Selon l’auteur, celui qu’il appelle son maître serait venu en lui tout un coup. Ainsi qu’il l’écrit dans une lettre à son ami Casais Montero : « Un jour où j'avais finalement renoncé — c'était le 8 mars 1914 — je m'approchai d'une haute commode et, prenant une feuille de papier, je me mis à écrire, debout, comme je le fais chaque fois que je peux. Et j'ai écrit trente et quelques poèmes d'affilée, dans une sorte d'extase dont je ne saurais saisir la nature. Ce fut le jour triomphal de ma vie et je ne pourrai en connaître d'autres comme celui-là. Je débutai par un titre : O Guardador de Rebanhos (Le Gardeur de troupeaux). Et ce qui suivit fut l'apparition en moi de quelqu'un, à qui j'ai tout de suite donné le nom d'Alberto Caeiro. Excusez l'absurdité de la phrase : mon maître avait surgi en moi ! » Il est important de noter que Caeiro sera le premier des hétéronymes. Il fut pour ainsi dire inventé lors d’une transe d’une étrange nature et devait fournir l’idée principale qui allait définir le style d’écriture de Pessoa : non se contenter d’écrire de la poésie, mais plutôt inventer des poètes. Là où tout cela se complique, c’est que les idées d’Alberto Caeiro ne sont pas celles de son père littéraire et que Pessoa ne tardera pas à écrire une lettre afin de mettre les choses au point, notamment au sujet du huitième poème écrit lors de cette transe, particulièrement iconoclaste et qu’il avouera même avoir écrit : « Avec un haut-le-corps de répugnance ». Il y explique sa position en ces termes : « J'ai construit en moi divers personnages distincts entre eux et de moi-même, personnages auxquels j'ai attribué des poèmes divers qui ne sont pas ceux que, étant donné mes sentiments et mes idées, j'écrirais. » Puis parlant de ces propres œuvres : « beaucoup d’entre eux expriment des idées que je n’accepte pas. […] Il n’est vrai que de les lire tels qu’ils sont, ce qui est d’ailleurs la vraie façon de lire. » Cette façon de procéder pourrait être une simple façon de se protéger de toute critique mais la suite de cette lettre comporte une phrase plus intéressante encore : « Me dénier le droit d'en user ainsi, ce serait la même chose que de dénier à Shakespeare le droit de donner expression à l'âme de Lady Macbeth, sous prétexte que lui, poète, n'était ni une femme, ni, autant qu'on le sache, un hystéro-épileptique... » Pessoa se présente donc comme un romancier créant des personnages destinés peut-être à pousser à la réflexion, mais en aucun cas il ne faut y voir dans les idées des personnages ceux de leur père et auteur. Ses poèmes présentent en effet Caeiro comme une sorte de sage vivant reculé du monde et méditant sur la vacuité de la pensée. Ces œuvres présentent une humanité égarée et proposent une étonnante religion (si tant est que le mot convienne tout à fait) centrée sur un refus complet de juger le monde, sur la vacuité qu’il y a à vouloir réfléchir sur le monde et lui donner un sens, ou même de simple qualité. Ainsi le poème XXIV du Gardeur de troupeau nous rappelle : Ce que nous voyons des choses, ce sont les choses. Pourquoi verrions-nous une chose s’il y en avait une autre ? Pourquoi le fait de voir et d’entendre serait-il une illusion, Si voir et entendre c’est vraiment voir et entendre ? L’essentiel c’est qu’on sache voir, Qu’on sache voir sans se mettre à penser, Qu’on sache voir lorsque l’on voit, Sans même penser lorsque l’on voit Ni voir lorsque l’on pense. Et tout le reste de l’œuvre nous enjoint à ce même comportement, cette cessation de juger, d’inventer et d’embellir. Il décrit un désenchantement du monde au profit d’une vision simplement matérialiste dénuée de tout spiritisme et de toute magie, de toute poésie. Les fleurs ne sont rien de plus que des les fleurs dénuées d’âmes, de sentiments, de beauté même. Une fleur n’est pas belle, nous explique le vieux maître, elle est une fleur, peut être est-elle bleue, ronde, avec des vertes feuilles trilobées réparties régulièrement le long de la tige, mais tout autre action qu’une simple description factuelle reviendrait à juger le monde ce qu’il n’est pas permis de faire. De la beauté, une fleur par hasard en aurait-elle ? Un fruit, aurait-il par hasard de la beauté ? Non : ils ont couleur et forme Et existence, tout simplement. Loin de la célèbre sentence Nietzschéenne « Et vous dites, mes amis, que l’on ne doit pas discuter des goûts et des couleurs ? Mais toute la vie n’est qu’une querelle sur les goûts et les couleurs. », Caeiro se propose d’une simple contemplation, une joie contemplative. Mon mysticisme est dans le refus de savoir. Il consiste à vivre et à ne pas y penser. C’est une façon de se réjouir de toute chose d’égale façon en acceptant leur existence et en leur accordant pour mérite la seule vertu qui ne pourra jamais leur être retirée : l’existence. Cet état de fait se trouve formidablement exprimé dans deux des Poèmes désassemblés qui expriment toute la force simple et puissante du style d’Alberto Caeiro, tirant sa force même de la brièveté et de la répétition : Un jour de pluie est aussi beau qu’un jour de soleil, Ils existent tout deux, chacun à sa façon. Nous apprend le premier. Peu m’importe. Peu m’importe quoi ? Je ne sais : peu m’importe. Scande le second dans le style répétitif caractéristique de cet hétéronyme. Ce nihilisme et cette façon de retirer tout pouvoir à l’homme même celui de son propre jugement n’a pas seulement scandalisé Pessoa, mais aussi étonné et choqué d’autres hétéronymes. Notamment Alvaro de Campos dont les notes ouvrent le livre des quarante-neufs poèmes du gardeur de troupeau. Il y est décrit les rapports imaginés entre ce poète somme toute plus classique et cet étrange mystique, et cette fiction de quelques pages nous met en avant tout l’abîme qu’il peut y avoir entre deux façon différentes de voir le monde. Citons cette conversation qui saura ravir l’esprit de tout scientifique (C’est Alvaro qui parle en premier) : - Vous ne concevez donc pas l’espace comme infini. - Je ne conçois rien comme infini. Comment pourrais-je concevoir une chose quelconque comme infinie ? - Mon ami, lui dis-je, supposez un espace. Au-delà de cet espace il y a encore plus d’espace, et encore au-delà, et ensuite davantage, et toujours plus. Cela n’en finit pas. - Pourquoi ? dit mon maître Caeiro. Je me trouvais pris dans un séisme mental. - Supposez que cela finisse, m’écriai-je ? Qu’y a-t-il ensuite ? - Si cela finit, il n’y a rien ensuite, répondit-il. […] - Voyez-vous, Caeiro… Considérez les nombres… Où finissent les nombres ? Prenons un nombre quelconque : 34, par exemple. Au-delà de celui-ci nous avons 35, 36, 37, 38, et ainsi sans pouvoir nous arrêter. Il n’est de nombre si grand qui ne suppose un nombre plus grand encore… - Mais ce sont là des nombres, protesta mon maître Caeiro. Et puis il ajouta, me regardant avec une impressionnante candeur : - Qu’est-ce que le 34 dans la Réalité ? Dans l’univers poétique de Pessoa, Alvaro représente en effet la figure de l’avant-gardiste désespéré et solitaire. Un homme qui se cherche et se perd lui-même. Des signes laissent à penser qu’il serait né le 15 octobre 1890, mais son poème intitulé Anniversaire a été composé un 13 juin – je vous laisse le soin de trouver pourquoi – double supercherie ou le mensonge se révèle être vérité ! Il est construit comme un homme de science bien instruit parlant aussi bien l’anglais que le latin. Homme mouvant et insaisissable, il semble s’attacher à toute chose et les faire sienne, les mêler dans son propre creuset afin de forger sa poésie. Véritable bouillonnement d’idées et de création, Alvaro est le plus productif des hétéronymes notamment dans ses odes aux noms évocateurs : Ode maritime, la Triomphale, Ode martiale, etc. Les deux premières marqueront de leur fureur débridée et puissante la revue Orpheu et en assureront le succès, au moins temporairement. Cette passion créatrice effrénée trouvera son opposé en la personne de Ricardo Reis, un petit homme au teint brun mat élevé chez des jésuites et établi au Brésil en tant que médecin. Il correspond pour sa part à la poésie classique et ouvragée rejetée par les deux autres hétéronymes. Tout dans son style évoque la rigueur marmoréenne de la poésie grecque, de la forme stricte et pure frôlant parfois l’archaïque jusqu’à la pseudo-mythologie dont il peuple le ciel en une réaction aux excès de l’art moderne que représente Alvaro qu’il présentera lui-même comme un néo paganisme. C’est une littérature précise, presque précieuse que Guibert qualifiera d’ « antique frais retiré du congélateur ». Entre ces deux hommes naitront des luttes d’idées furieuses dont l’arbitre Pessoa écrira : « j’entendis en moi les débats et les divergences de points de vue, et en tout cela il me parut que je fus, moi créateur de tout, de tous le moins présent. Si je peux publier un jour le débat esthétique entre Ricardo Reis et Alvaro de Campos, vous verrez comme ils sont différents, et en quoi je ne suis pour rien dans cette affaire. » Mais plus que cela, Reis se démarque aussi par son antériorité. Antériorité d’abord, dans sa date de naissance fictive qui le place comme l’aîné des hétéronymes. Mais surtout dans son processus de création puisqu’on décèle les premiers « pas » de ce personnage dès l’époque où Pessoa était encore étudiant à la Durban High School, inspiré dans son caractère et ses idées par le professeur de latin de Fernando. Mais aussi par les poètes latins eux-mêmes et notamment Milton dont l’ode Ad Pyrrham d’Horace traduite lors d‘un cours fournira la base sur laquelle se développeront les odes de Reis, imitée à la fois dans sa forme mais aussi dans son rythme, dans sa syntaxe, son lexique, etc. Proche par sa formation de médecin des courants de l’épicurisme, Reis cherche dans sa poésie une forme de règle et d’harmonie à travers une discipline qui se retrouve principalement dans le rythme. D’ailleurs, il soutenait que ce dernier marquait seul la séparation entre la prose et la poésie dans cette conception il fallait que « la discipline [soit] apprise jusqu’à devenir une partie de l’âme. » Alors seulement l’esprit pouvait concentrer ses efforts sur l’idée d’où surgiraient naturellement les mots et à travers eux le rythme : « La poésie est une musique qui se fait avec des idées et donc avec des mots. » Enfin, Pessoa publiera de nombreux autres poèmes sous d’autres noms dont des poèmes si cryptiques et hermétiques qu’il faudra attendre un nouvel hétéronyme, Bernardo Soares, image déformée de Fernando lui-même se posant en critique et juge de ses œuvres précédentes. Maintenant que vous disposez de la plupart des clés nécessaires à la compréhension de cet univers poétique exceptionnel, il est grand temps de vous en présenter quelques œuvres. Poésie Pour cet étrange poète multiple et incernable, je ne pouvais me résoudre à vous présenter qu’une unique œuvre qui plus que pour tout autre auteur, n’aurait donné qu’un fragment extrêmement parcellaire de la réalité que recouvre le nom de Pessoa. Pourtant je ne devais pas non plus vous lasser par d’innombrables pages de vers ardus et coupés de leur contexte. C’est de ce choix cornélien que je tire ces trois poèmes chacun signé d’un hétéronyme différent et qui vous donneront je l’espère, envie de poursuivre la lecture de cette personnalité littéraire hors du commun. Alberto Caeiro : Le gardeur de troupeau II, 1914. Mon regard est net comme un tournesol. J’ai l’habitude d’aller par les chemins, Jetant les yeux de droite et de gauche, Mais en arrière aussi de temps en temps… Et ce que je vois à chaque instant Est-ce que jamais auparavant je n’avais vu, De quoi j’ai conscience parfaitement. Je sais éprouver l’ébahissement De l’enfant qui, dès sa naissance, S’aviserait qu’il est né vraiment… Je me sens né à chaque instant À l’éternelle nouveauté du Monde… Je crois au monde comme à une pâquerette, Parce que je le vois. Mais je ne pense pas à lui Parce que penser c’est ne pas comprendre… Le Monde ne s’est pas fait pour que nous pensions à lui (penser c’est avoir mal aux yeux) Mais pour que nous le regardions avec un sentiment d’accord… Moi je n’ai de la philosophie : j’ai des sens… Si je parle de la Nature, ce n’est pas que je sache ce qu’elle est, Mais parce que je l’aime, et je l’aime pour cette raison Que celui qui aime ne sait jamais ce qu’il aime, Ni ne sait pourquoi il aime, ni ce que c’est qu’aimer… Aimer, c’est l’innocence éternelle, Et l’unique innocence est de ne pas penser. O Guardador de Rebanhos , poema II – Caeiro O meu olhar é nítido como um girassol. Tenho o costume de andar pelas estradas Olhando para a direita e para a esquerda, E de vez em quando olhando para trás… E o que vejo a cada momento É aquilo que nunca antes eu tinha visto, E eu sei dar por isso muito bem… Sei ter o pasmo essencial Que tem uma criança se, ao nascer, Reparasse que nascera deveras… Sinto-me nascido a cada momento Para a eterna novidade do mundo… Creio no mundo como num malmequer, Porque o vejo. Mas não penso nele Porque pensar é não compreender… O Mundo não se fez para pensarmos nele (Pensar é estar doente dos olhos) Mas para olharmos para ele e estarmos de acordo… Eu não tenho filosofia: tenho sentidos… Se falo na Natureza não é porque saiba o que ela é, Mas porque a amo, e amo-a por isso, Porque quem ama nunca sabe o que ama Nem sabe por que ama, nem o que é amar… Amar é a eterna inocência, E a única inocência é não pensar… Alvaro de Campos : Ode martiale, 1915. Innombrable fleuve sans eau – rien que des êtres et des choses, Sans eau à donner le frisson ! À mon oreille retentissent des tambours lointains Et je ne sais si je vois le fleuve et si j’entends les tambours, Comme si je ne pouvais entendre et voir en même temps ! Holaho ! Holaho ! La machine à coudre de la pauvre veuve tuée à coups de baïonnette… Elle cousait le soir interminablement… La table où jouaient les vieux parents, Tout mélangé, tout brassé avec des corps, avec des sangs divers, En un seul flot, un seul courant, une seule épouvante. Holaho ! Holaho ! J’ai déterré le jouet d’un enfant, un petit train mécanique qu’on avait piétiné au milieu du chemin, Et j’ai pleuré, comme toutes les mères du monde sur l’horreur de la vie. De mes pieds panthéistes j’ai cogné la machine à coudre de la veuve qu’on a tuée à coups de baïonnette. Et ce pauvre instrument de paix m’a percé le cœur d’une lance. Oui c’est moi qui fus coupable de tout, c’est moi qui fus à moi seul tous les soldats, Moi qui ai tué, violé, brûlé, fracassé, C’est moi avec ma honte et mon remords à l’ombre difforme. Ils arpentent le monde entier ainsi qu’Ahasvérus, Mais derrière mes pas résonnent des pas de la dimension de l’infini. Une terreur physique de trouver Dieu me fait tout à coup fermer les yeux. Christ absurde de l’expiation de tous les crimes et de toutes les violences, Ma croix est au-dedans de moi, farouche, brûlante, homicide Et tout meurtrit mon âme vaste comme un Univers. J’ai arraché le pauvre jouet des mains de l’enfant et je l’ai cogné. Ses yeux effrayés – les yeux du fils que j’aurais peut-être et qu’on tuera aussi – M’ont imploré aveuglément comme toute pitié du genre humain. De la chambre de la vieille j’ai arraché le portrait du fils et je l’ai lacéré ; Elle pétrifiée de peur, sans rien faire a pleuré… J’ai senti tout à coup qu’elle était ma mère et le souffle de Dieu m’a parcouru l’échine. J’ai mis en pièces la machine à coudre de la veuve pauvre. Elle pleurait dans un coin sans penser à la machine à coudre. Se peut-il qu’il y ait un autre monde où je doive avoir une fille vouée au veuvage et aux mêmes calamités ? J’ai capitaine, fait fusiller les campagnards épouvantés, J’ai laissé violer la fille de tous les pères ligotés à des troncs d’arbre, Et maintenant je vois que c’est à l’intime de mon cœur que tout cela c’est passé, Et tout brûle et suffoque et je ne puis bouger sans que tout recommence identiquement. Dieu, aie pitié de moi qui n’ai eu pitié de personne ! Ode Marcial - Álvaro de Campos Inúmero rio sem água — só gente e coisa, Pavorosamente sem água! Soam tambores longínquos no meu ouvido E eu não sei se vejo o rio se ouço os tambores, Como se não pudesse ouvir e ver ao mesmo tempo Helahoho! Helahoho! A máquina de costura da pobre viúva morta à baioneta... Ela cosia à tarde indeterminadamente... A mesa onde jogavam os velhos, Tudo misturado, tudo misturtado com os corpos, com sangues, Tudo um só rio, uma só onda, um só arrastado horror Helahoho! Helahoho! Desenterrei o comboio de lata da criança calcado no meio da estrada, E chorei como todas as mães do mundo sobre o horror da vida. Os meus pés panteístas tropeçaram na máquina de costura da viúva que mataram à baioneta E esse pobre instrumento de paz meteu uma lança no meu coração Sim, fui eu o culpado de tudo, fui eu o soldado todos eles Que matou, violou, queimou e quebrou, Fui eu e a minha vergonha e o meu remorso com uma sombra disforme Passeiam por todo o mundo como Ashavero, Mas atrás dos meus passos soam passos do tamanho do infinito. E um pavor físico de encontrar Deus faz-me fechar os olhos de repente. Cristo absurdo da expiação de todos os crimes e de todas as violências, A minha cruz está dentro de mim, hirta, a escaldar, a quebrar E tudo dói na minha alma extensa como um Universo. Arranquei o pobre brinquedo das mãos da criança e batil-lhe. Os seus olhos assustados do meu filho que talvez terei e que matarão também Pediram-me sem saber como toda a piedade por todos. Do quarto da velha arranquei o retrato do filho e rasguei-o, Ela, cheia de medo, chorou e não fez nada... Senti de repente que ela era minha mãe e pela espinha abaixo passou me o sopro de Deus. Quebrei a máquina de costura da viúva pobre. Ela chorava a um canto sem pensar na máquina de costura. Haverá outro mundo onde eu tenha que ter uma filha que enviúve e aquem aconteça isto? Mandei, capitão, fuzilar os camponeses trêmulos, Deixei violar as filhas de todos os pais atados a árvores, Agora vi que foi dentro de meu coração que tudo isto se passou, E tudo escalda e sufoca e eu não me posso mexer sem que tudo seja o mesmo Deus tenha piedade de mim que a não tive a ninguém! Ricardo Reis : tiré des Odes retrouvées (1914-1934) Suis ta destinée. Arrose tes plantes, Aime tes roses. Le reste est l’ombre d’arbres étrangers. La réalité Est toujours plus ou moins Que ce que nous voulons. Nous seul sommes toujours Égaux à nous-mêmes. Vivre seul est doux. Vivre simplement, Toujours, est noble et grand. Sur les autels, en ex-voto Pour les dieux, laisse la douleur. Regarde la vie de loin. Ne l’interroge jamais. Elle ne peut rien Te dire. La réponse Est au-delà des dieux. Mais sereinement Imite l’Olympe Au fond de ton cœur. Les dieux sont dieux Parce qu’ils ne pensent pas. Ode de Ricardo Reis Segue o teu destino, Rega as tuas plantas, Ama as tuas rosas. O resto é a sombra De árvores alheias. A realidade Sempre é mais ou menos Do que nós queremos. Só nós somos sempre Iguais a nós-próprios. Suave é viver só. Grande e nobre é sempre Viver simplesmente. Deixa a dor nas aras Como ex-voto aos deuses. Vê de longe a vida. Nunca a interrogues. Ela nada pode Dizer-te. A resposta Está além dos deuses. Mas serenamente Imita o Olimpo No teu coração. Os deuses são deuses Porque não se pensam. Bibliographie De Fernando Pessoa, orthonyme • Message (la seule œuvre publiée en portugais de son vivant) • "Faust, une tragédie subjective" (traduction Pierre Léglise-Costa et André Velter) • "Poèmes paülistes, sensationnistes et intersectionnistes • Pour un « Cancioneiro » • Sonnets - Quatrains - Rubayat • Poèmes politiques • Poèmes ésotériques et métaphysiques • Praça da Figueira - Un soir à Lima • Le Retour des Dieux. Manifestes du Modernisme portugais, éditions Champ libre • Le Pèlerin De Bernardo Soares, semi-hétéronyme • Le Livre de l'intranquillité (1982, posthume) D'Alberto Caeiro, hétéronyme • Le Gardeur de troupeaux • Le Berger amoureux • Poèmes non assemblés De Ricardo Reis, hétéronyme • Odes, livre premier • Odes publiées dans la revue Presença • Odes éparses D'Alvaro de Campos, hétéronyme • Premiers poèmes • Odes Maritimes • Les Grandes Odes • Autour des Grandes Odes • Derniers poèmes
  25. Bon, on va être dur et peu subtil, je prends la prochaine chronique par contre je parlerais d'un poète (et non d'un poème) et j'attaquerais dur avec Pessoa. Ce sera brin long mais pas inintéréssant. Pal'
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