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Warhammer Forum

[WHB][VO] Critiques Nouvelles Warhammer Fantasy Battle


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Ajout des nouvelles de l'Infernabulum! #4 et de 'Death on the Pitch : Extra Time'.

  • wfb_to-guard-the-dead.pngThe Cuckoo of Hammerbildt (J. Peaty)
  • To Guard the Dead (B. Maycock)

 

  • death-on-the-pitch_extra-time.pngManglers Never Lose Doc Morgrim's Vow (J. Reynolds)
  • Fixed (R. MacNiven)
  • Da Bank Job Foul Play (A. Hall)
  • The Hack Attack (M. Forbeck)
  • Mazlocke's Superior Cantrip of Substitution Dismember the Titans (G. Lyon)
  • Pride & Penitence (A. Worley)
  • The Skeleton Key (D. Annandale)
  • Scrape to Victory (G. Thorpe)
  • A Last Sniff of Glory (D. Guymer)
  • Hoppo's Pies (G. Haley)
  • The Freelancer (R. Rath)
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  • 3 weeks later...

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique d’un nouveau recueil de nouvelles vintage : ‘Lords of Valour’. Publié en 2001, cet ouvrage, comme la plupart des anthologies sorties à cette époque par la Black Library, regroupe des histoires d’abord présentées au lectorat de la BL via les bimensuels Inferno ! On retrouve ainsi ici des nouvelles provenant des numéros #15 à #25, soit la période courant de novembre 1999 à juillet 2001. Si le titre et le quatrième de couverture nous annoncent une ligne éditoriale claire, et un recueil faisant la part belle aux chevaleresques défenseurs de la veuve et de l’orphelin (comme le magnifique spécimen en couverture, qui va bientôt découvrir qu’il ne fait pas bon prendre la pose/pause en pleine bataille lorsqu’on tourne le dos à ses ennemis), je peux ici vous annoncer qu’il n’en est rien. Il y aura certes pas mal de Bretonnie au menu, mais nous resterons sur une teneur en grimdark convenable, n’ayez crainte.

 

Les douze nouvelles rassemblées dans ces pages nous proviennent d’un aréopage d’auteurs distingués, dont les noms seront sans doute familiers au plus anciens/fidèles d’entre vous. Robert Earl et Gav Thorpe mènent la danse avec deux soumissions à leur actif, suivis par des vieux briscards (qui ne l’étaient pas vraiment à l’époque) du calibre de C. L. Werner, Gordon Rennie, Jonathan Green et William King. L’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui bénéficie également du concours de noms s’étant faits plus rares par la suite, comme Brian Craig, Ian Winterton, Ben Chessell, Neil Jones et Neil Rutledge. Bref, comme souvent dans les recueils de la BL, il y en aura pour tous les goûts, et si la valour n’attend pas le nombre des années, on peut cependant espérer que les 20 ans qui nous séparent de la sortie de cet opuscule lui ont permis de vieillir avec distinction. On verra bien.

 

lords-of-valour.png

Faith - R. Earl :

 

wfb_faith.pngLe chevalier Gilles de Moreaux et son vieil écuyer perclus de rhumatismes, Claude Blanquette1, campent à la dure dans le massif d’Orquemont alors que l’automne est déjà bien avancé. Si les deux hommes s’obstinent à barouder hors saison, c’est que Gillou est à la recherche d’un trophée digne de ce nom pour l’armoire familiale. Notre héros l’a en effet un peu mauvaise que son frérot Léon ait bouclé sa quête du Graal et emballé la Dame du Lac en deux semaines chrono (on a connu la déesse plus minaudière), et soit revenu au château paternel avec une tête de Troll de fort beau gabarit. De son côté, il n’a eu que des bêtes Orques à se mettre sous la lame, et désespère de trouver un adversaire digne de lui attirer la bénédiction de la Dame. Claude, plus prosaïquement, désespère de ne pas être rentré se mettre au chaud alors que l’hiver approche à grands pas, mais doit se contenter pour le moment de siroter son thé au coin du feu, enroulé dans sa fidèle courtepointe. Dans son malheur, le gueux doit reconnaître qu’il a de la chance, car Gilles est le premier de Moreaux qu’il sert à entretenir lui-même ses armes, et il a même poussé la sollicitude jusqu’à réaliser des cataplasmes pour les articulations douloureuses de son serviteur. C’est Martrud de Monfort qui serait fier.

 

Lorsque le duo rencontre par hasard un paysan envoyé par l’ancien de son village (Celliers) trouver de l’aide pour débarrasser la communauté d’un monstre responsable de la disparition d’une dizaine d’habitants, Gilles se dit qu’il tient sa chance de prouver sa bretonnitude autrement qu’en vidant des bouteilles de chouchen et en jouant du biniou, ce qui est appréciable. Ayant terminé les trois Witchers en mode hardcore lorsqu’il était ado, le chevalier n’a aucun mal à identifier le fléau de Celliers après une entrevue avec l’ancien du village, François. Il s’agit bien sûr d’un Vampire, because of reasons, et il n’aura qu’à attendre la bête à proximité de la crypte locale pour lui faire sa fête et enfin taper dans l’œil de cette mijaurée de Dame. Ayant laissé comme instructions à ses hôtes de rester groupés et de ne pas se séparer, même pour aller aux latrines, le temps qu’il règle leur problème, Gilles s’installe pour une veillée sépulcrale à côté du cimetière local, toujours accompagné par son fidèle Claude. Ce dernier, qui n’est plus tout jeune, finit par s’endormir avec la bénédiction de son maître, qui dispose quant à lui de la vertu de mise en veille de longue durée pour rester alerte toute la nuit durant.

 

Lorsque Claude se réveille, il se découvre seul à côté des cendres du feu de la veille, et craint d’abord qu’il soit arrivé malheur à son maître pendant qu’il sciait des bûches. Cependant, Gilles était seulement parti constater le décès d’une nouvelle victime de la bête, mordillée à mort par des mâchoires humaines. Comme les bouseux ont respecté les consignes du noble noble, et que le compagnon qui escortait le pauvre Jules au petit coin a disparu sans laisser de traces, Gilles en conclut que c’est ce fieffé coquin de Jacques qui est responsable des morts de Celliers, et jure sur son honneur de traquer le maraud. C’était surtout une ruse pour s’en aller au plus vite du village, maintenant que l’affaire semble être tirée au clair. Bien que satisfait d’avoir accompli son devoir, Gilles n’a toujours pas trouvé d’adversaires à sa valeur, et pense sérieusement à hiverner à Orquemont pour accélérer sa quête. Dans son infinie mansuétude, il renvoie Claude à Celliers pour lui éviter des engelures qui pourraient lui être fatales… et se fait rappeler sur place par son serviteur, car quelque chose d’inattendu se passe au village.

 

En effet, les paysans sont sur le départ, car la découverte du corps mutilé de Jacques peu après que Gilles et Claude se soient mis en chasse de ce dernier ne laisse que peu de doutes sur le fait que le monstre est toujours dans les parages. Touché dans son honneur et dans son amour propre par la réalisation de sa propre nullité, Gilles supplie François et ses gens de rester encore une nuit sur place, afin qu’il ait une ultime chance de se rattraper. Ne pouvant pas décemment dire non à un psychopathe en armure lourde, l’ancien accepte de surseoir son départ, et le chevalier décide d’aller prier à une mare toute proche pour trouver l’inspi’ qui lui manque tant…

 

Révélation

…Lorsque Claude rejoint son maître après avoir ordonné aux péquenauds de se constituer en milice civile et de ne se déplacer que par packs de douze, une vision peu commune vient s’offrir à ses yeux fatigués : la Dame du Lac en personne vient crever la surface de l’étang devant lequel Gilles s’est agenouillé en prière, et s’approche langoureusement du chevalier pour lui rouler un bon gros patin. Déesse ou pas déesse, ce sont toutefois des manières de prédateur/rice sexuel.le, et Gilles décapite l’entreprenante couguar en hurlant « Mitou, hache dague balance ta gorre ! ». Claude, beaucoup plus vieux jeu que son maître, est d’abord horrifié de ce qu’il considère comme une horrible méprise, mais la transformation rapide qui frappe le cadavre de la « Dame », et révèle qu’elle tenait plus de la guenaude aquatique que de la pucelle romantique, le convainc bientôt que Gilles était dans son bon droit. Le mystère de Celliers est résolu pour de bon, et les deux compagnons peuvent prendre la route de Moreaux pour ajouter ce nouveau trophée au mur de la salle de billard du château. Lorsque Claude demande à son boss ce qui lui a fait comprendre qu’il y avait anguille sous roche, le chevalier répond que cette Dame n’avait pas les yeux marrons qu’une pure beauté bretonienne se doit d’avoir, comme toutes les légendes et chansons l’attestent. Ce qui est une raison valable, jusqu’à ce que l’écuyer rappelle à son maître que la Dame qui est apparue à son frère Léon avait les yeux verts, d’après les dires de ce dernier. Bref, c’est pas demain la veille qu’edgy Gilles va rencontrer son idole, moi je vous le dit…

 

Robert Earl revisite le mythe du chevalier de la Quête avec une petite nouvelle qui montre que tout ce brille n’est pas forcément or. Si l’auteur nous gratifie d’un twist final digne de ce nom, il aurait à mon sens été bien inspiré de chercher à l’intégrer de manière convaincante dans le reste de son histoire. En l’état, la rencontre entre Gilles et la Dame de la Mare tient plus de la péripétie accidentelle que de la conclusion logique d’une intrigue bien construite, et tout ce qu’il s’est passé avant ce moment fatidique n’a, scénaristiquement parlant, servi à rien, ou à pas grand-chose. Je reconnais que les Bretonniens ne sont pas les protagonistes les plus faciles à mettre en scène de façon intéressante, leur noblesse et droiture intrinsèques ne laissant que peu d’opportunités à un auteur pour complexifier un peu le tableau de façon cohérente avec le fluff de la faction. On en a ici un bon exemple avec good guy Gilles, qui fait un protagoniste aussi mémorable que le Moxostoma anisurum moyen. Comme pour la quête du Graal, beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

 

1 : En fait il n’a pas de nom de famille comme tous les paysans qui se respectent, mais comme son kif ultime c’est de se faire des capes de superhéros avec des couvertures, je crois qu’on peut l’appeler Blanket Man.

 

A Choice of Hatreds - C. L. Werner :

 

Alors que le petit village Petitvillage (Kleinsdorf en Reikspiel) se prépare à fêter comme il se doit le Wilhemstag en dansant, buvant, flirtant, et tirant des enclumes d’artifice1, deux cavaliers entrent dans la ville sans se soucier de la joyeuse ambiance qui y règne. Il s’agit du Répurgateur et fashion victim Mathias Thulmann et de son associé et tortionnaire de fonction, Streng2, en route pour aller chasser la sorcière dans le Stirland. C’est la saison. Pendant que son homme de main est heureux de passer la nuit à s’envoyer des pintes en racontant ses meilleures anecdotes de brodequins, dans l’espoir de matcher avec une locale, Thulmann préfère aller sagement se pieuter pour pouvoir reprendre la route dès potron minet le lendemain. Avisant une auberge convenable, il va ruiner le groove de son propriétaire en s’installant dans la meilleure chambre (la sienne), pour un quart du prix habituel, et en se faisant servir un copieux dîner pour se remettre de sa chevauchée. C’est Volkmar qui paie, après tout. L’arrivée du Chasseur de Sorcières n’est cependant pas passée inaperçue, et deux individus aux motivations diverses vont agir en conséquence…

 

Le premier d’entre eux est un noble du nom de Reinhardt von Lichtberg, promis à un brillant avenir dans la Reiksguard jusqu’à peu, mais désormais déterminé à faire la peau à Thulmann depuis que ce dernier a condamné sa fiancée Mina au bûcher (il l’a aussi un peu torturée avant, pour ne rien arranger). Le second est un marchand local, Gerhardt Knauf, qui est devenu cultiste de Tzeentch et sorcier amateur pour arranger ses affaires, et qui est convaincu que si le Répurgateur est arrivé en ville, c’est pour lui régler son compte. Il paie donc grassement une bande de mercenaires pour se débarrasser de l’importun, et va se barricader chez lui en attendant que ses gros bras viennent lui annoncer la bonne nouvelle. Comme on peut s’y attendre, Reinhardt et les reîtres de Knauf arrivent dans la chambre de Thulmann à peu près au même moment, ce qui permet à notre héros de jouer de la surprise commune pour tuer ou blesser les brutes locales, et menotter l’aristocrate revanchard à son lit, non pas pour une mise en scène improvisée de Fifty Shades (grim)Darker, mais pour empêcher le nobliau de lui chercher des noises pendant qu’il va s’expliquer franchement avec l’Herr Knauf, honteusement balancé par l’un de ses nervis. Car, contrairement à ce que son image de zélote fanatique le laisse à penser, Thulmann n’est pas insensible à la pitié ou à la miséricorde, et ne se contente pas d’exécuter froidement Reinhardt malgré son assaut caractérisé sur personne détentrice de l’autorité. Il prend même le temps de donner sa version de l’affaire Mina à son ancien amant, et de lui révéler que la belle a en fait été corrompue par une pilule du lendemain à base de malepierre que son médecin de famille lui avait remis pour arrêter une grossesse non désirée et ainsi permettre à Reinhardt de poursuivre sa carrière militaire au lieu de devoir se marier tôt pour élever son gosse. Rien ne vaut les préservatifs en peau de squig, c’est moi qui vous le dit.

 

Un peu plus loin, Knauf se ronge les sangs en attendant le retour de ses tueurs, mais comprend lorsque sa porte est ouverte d’un coup de pistolet qu’il va lui falloir trouver un plan B. Ou plutôt, recourir au système D, comme démoniaque. Notre homme grimpe donc dans son grenier pour invoquer une Horreur Rose, dans l’espoir qu’elle le défende contre le Répurgateur. Seulement, dans sa hâte, il oublie de se placer dans un pentacle répulsif, et devient donc la première victime du démon, qui le pèle puis l’avale comme une banane. Ca nous fait déjà deux victimes de protections défectueuses dans cette histoire : plus que jamais, sortez couverts les jeunes. C’est sur ces entrefaites que le beau, le grand, le brave Mathias Thulmann arrive à l’étage, pistolet et rapière à la lame d’argent bénie par le Grand Théogoniste en personne à la main… et se fait misérablement bolosser par l’Horreur qui lui fait face. Mais vraiment bien. Du niveau du "poussé dans les escaliers" + "piétiné comme un paillasson". Heureusement que Knauf n’était pas un cultiste de Nurgle ou de Slaanesh (et ne parlons pas de Khorne, mais c’est rare pour un marchand) hein. Et le plus drôle dans tout ça, c’est quand notre héros parvient enfin sur un vieux malentendu à empaler le démon sur âme consacrée... il prend encore plus cher des mains des Horreurs Bleues qui arrivent ensuite. On repassera plus tard pour tenter de vaincre un Vampire, hein.

 

Il faut l’arrivée providentielle de Reinhardt, qui a pu se libérer en piquant la hachette que Thulmann avait laissé traîner sur un cadavre de mercenaire dans sa chambre, pour mettre fin aux tourments de Répurgateur. En bien mauvais état, il fait remarquer au jeune premier qu’un duel à l’épée ne serait guère équitable, et lorsque Reinhardt lui propose de régler ça au pistolet à la place, il accepte et prête à son adversaire une de ses pétoires… celle qui est déchargée, évidemment. De son côté, il n’a pas de scrupules pour loger une balle dans l’épaule du Capitaine Fracassé, histoire de lui apprendre à faire confiance à des inconnus et surtout le mettre hors d’état de nuire assez longtemps pour passer une nuit sereine. La nouvelle se termine avec un Reinhardt qui jure à Thulmann de revenir pour se venger, mais ceci sera une autre histoire…

 

Première nouvelle consacrée par C. L. Werner (qui fait ainsi ses débuts au sein de la BL) à son personnage de Mathias Thulmann, anti-héros taciturne, antipathique mais vertueux (un peu comme le chasseur de primes Brunner, un autre favori de Werner), ‘A Choice of Hatreds’ démontre déjà la science de l’homme au chapeau en termes de mise en scène de courts formats très rythmés. En l’espace de 25 pages, on a ainsi droit à une intrigue assez complexe, ponctuée par des rebondissements, confrontations et explications savamment séquencés par un Werner maître de son art et de ses effets de narration. Si Thulmann lui-même ne se révèle pas être particulièrement mémorable ou attachant, on prend plaisir à lire le récit de sa nuit agitée, grâce à laquelle C. L. Werner réussit son entrée dans le monde de la GW-Fiction.

 

1 : Une spécialité bucolique mais bougrement dangereuse, en plus d’être assez peu spectaculaire lorsqu’elle a lieu de nuit.

 

2 : Qui a fait sien l’adage bien connu « le gras c’est la vue ».

 

Tybalt's Quest - G. Thorpe :

 

WFB_Tybalt's QuestDans le brouillard brumeux d’une nuit nocturne, le noble chevalier Tybalt se rend en direction d’un cimetière de tombes, accomplissant ainsi le désir de volonté d’un fantôme spectral lui étant apparu dans ses rêves oniriques... Hum. Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, nous allons repasser sur une narration un peu moins lourdement pesante. Merci Gav. Ayant passé plusieurs longues minutes, et autant de pages, à attacher son cheval à un piquet, ouvrir la grille du cimetière, trébucher sur un rat, et occire un pauvre sanglier innocent qui passait seulement dans le coin1, Tyty finit enfin par arriver jusqu’à la crypte où repose le Duc de Laroche, qui lui a demandé d’accourir en toute hâte pour combattre un terrible danger s’étant manifesté dans le cimetière de Moreux. Mais évidemment, ce gros troll de Laroche n’a pas pensé à se présenter ni à donner les coordonnées GPS de son mausolée au pauvre Tybalt, vous pensez bien. Un coup d’œil sur son blason a fait l’affaire, évidemment. Ce qui a conduit notre héros à perdre quatre mois à éplucher tous les registres d’héraldique à sa disposition pour finalement identifier les armes du brave (c’était un Graaleux, tout de même) Pierrot et localiser sa dernière demeure. Moi je dis que le fantôme aurait dû apparaître à un gueux livreur Deliveroo, l’affaire était pliée en 25 minutes. Menfin.

 

Une fois sur place, Tybalt est à nouveau visité par Laroche, posay comme jamay dans son petit pied à terre. Mis à part des tournures de phrases un peu rigolotes, le vioque se révèle être un hôte affable et charmant, qui avait juste besoin de trouver un champion de ce nom pour contrecarrer les plans d’un Nécromancien de bas niveau (puisqu'il n'a pas été foutu de lever une armée depuis l'envoi du SOS (du) fantôme...). Toujours cette histoire de quatre mois de latence, ça ne devrait pas mais ça m’énerve. Le cimetière de Moreux est en effet très spécial. En plus de servir d’ossuaire depuis des temps immémoriaux, il s’agit de l’endroit très précis où Gilles le Breton a reçu sa première vision de la Dame. On pouvait se demander ce qu’il faisait à camper dans un tel endroit pour commencer, mais ce serait une autre histoire. Toujours est-il que l’honneur de la Bretonnie impose que Tybalt empêche un pratiquant des arts noirs de souiller de sa présence et de sa nullité crasse ce monument historique classé au patrimoine imputrescible de l’humanité. Le jouvenceau n’est franchement pas chaud à l’idée de partir à la chasse d’un sorcier capable de relever les morts, seul dans un cimetière, mais Laroche ne lui laisse pas le choix. Il lui prête cependant son heaume enchanté et sa mirifique Résistance à la Magie (3) pour lui faciliter un peu la tâche.

 

La suite, cela ne vous surprendra guère, est consacrée à la « traque » du Nécromancien par Tybalt. Après une première rencontre pendant laquelle on a tout loisir d’admirer que la camelote de Laroche works just fine, et de réaliser que Tybalt est vraiment pathétique (il se fait sonner par un coup de bâton sur son heaume, donné par un vieillard boiteux d’un mètre cinquante), le preux chevalier erre un peu entre les tombes, repasse en mode facile avec une petite prière à la Dame (qui lui permet soudainement d’entendre les incantations du Nécromancien à 300 mètres), rencontre quatre squelettes animés dont il a le plus grand mal à se défaire, et finit par confronter enfin son affreuse Némésis, protégée par une puissante escorte de… six squelettes. Qui tombent en morceaux dès que Tybalt s’approche. On peut se demander pourquoi ça n’a pas fait la même chose pour les morts vivants précédents, mais la réponse est « on s’en fout ». S’en suit un dialogue relativement interminable (quand on le compare à la longueur de la nouvelle et à son intérêt intrinsèque), pendant lequel on apprend que si le Nécromancien était si méchant, c’est parce qu’il avait lui-même peur de la mort. On s’en fout là aussi, merci. Au bout du suspense, Tybalt finit par décapiter le maraud, ramener l’équilibre dans la Force et la paix dans le voisinage, et la nouvelle se termine avec l’ajout d’une nouvelle corvée d’utilité publique sur la to do list des vilains de Moreux : entretenir un peu mieux leur cimetière, décidément très mal fréquenté. Voilà qui ne va pas arranger le déficit des collectivités locales, c’est moi qui vous le dit.

 

Gav Thorpe se cherche comme auteur de nouvelles fantastiques dans ce ‘Tybalt’s Quest’, et malheureusement pour tout le monde, il ne se trouve pas. Le style est aussi pâteux et cartonné qu’un mauvais pudding, l’intrigue tient en une demi-ligne (police 54), les péripéties sont sont plus dignes d’un nanar fauché que d’une production littéraire libérée de la prosaïque contrainte d’un budget à respecter : si on veut être aussi miséricordieux que l’aimable Duc de Laroche, on accordera quelque point à Thorpe pour les bouts de fluff (pas vraiment reluisants) qu’il a glissé dans sa copie. Pour le reste, le seul point fort de ‘Tybalt’s Quest’ est de faire moins de vingt pages, ce qui rend sa lecture, à défaut d’agréable, courte. Un mauvais moment de et à passé/er.

 

1 : Il a aussi essayé de voir des sons. Sans succès.

 

Who Mourns a Necromancer ? - B. Craig :

 

WFB_Who Mourns a NecromancerC’est jour d’enterrement à Gisoreux, mais le défunt qui est emporté jusqu’à sa tombe, dans le cimetière de Colaincourt, ne peut se targuer de laisser une foule éplorée derrière lui. Et pour cause, seul un homme est venu rendre un dernier hommage à Lanfranc Chazal, Magister au sein de l’université locale : son vieil ami et collègue (et accessoirement Haut Prêtre de Verena), Alpheus Kalispera. Si ce dernier se retrouve seul à souffler comme un phoque – il a pas de cardio – sur la colline, devant une tombe anonyme et un prêtre de Morr pas franchement ravi d’officier, c’est à cause de la détestable réputation que se traînait le clerc Chazal sur ses vieux jours, celle d’un Nécromancien. Bien qu’il tienne à faire bonne figure dans cette situation à la fois tragique et humiliante, Kalispera est désolé de constater que ces petites biatches de l’université, qui n’avaient pourtant rien à reprocher à Chazal de son vivant, se soient faites toutes porter pâles plutôt que de l’accompagner. Aussi est il sincèrement ému lorsque surgit au milieu de l’office un jeune cavalier, certes en retard, mais décidé lui aussi à assister à la mise en terre du macchabée.

 

Le nouveau venu, du nom de Cesar Barbier, a été l’élève des deux Magisters il y a quelques années, avant de repartir sur le domaine de son père se préparer à prendre la succession du noble. Il avoue à Kalispera avoir gardé contact avec Chazal après sa diplomation, considérant le professeur comme un mentor ainsi que comme le père qu’il aurait bien aimé avoir, son géniteur étant l’archétype de l’homme de guerre totalement insensible aux sentiments et à la notion de respect de ses inférieurs. N’ayant pas d’autres choses à faire une fois la tombe rebouchée, Barbier et Kalispera se rendent chez le second pour poursuivre leur deuil autour d’un petit verre et d’un bon feu. L’ancien étudiant en profite pour faire une révélation lourde de sens à son hôte : contrairement à ce qu’il pensait, Lanfranc Chazal était bien un Nécromancien (comme son teint macabre et ses yeux enfoncés le laissaient pourtant à deviner). Mais, attention, un gentil Nécromancien. Ce qui change tout, ou en tout cas ouvre le débat.

 

Barbier se lance alors dans une chronique de sa vie tumultueuse depuis son retour dans sa famille, et de son mariage clandestin avec une charmante roturière du nom de Siri. Qui évidemment tomba enceinte1. Les deux tourtereaux avaient pour projet de tout plaquer et d’aller passer quelques années en exil dans l’Empire, le temps que la colère de papa Barbier (Christophe, sans doute) retombe, mais mirent trop longtemps à faire leurs bagages. Ramené au château paternel sous bonne garde, Cesar ne put qu’assister au meurtre de sang froid de sa bien aimée par son salopard de père, qui ne voyait vraiment pas le problème. Fort heureusement, le nobliau éploré parvint à convaincre Chazal, qui lui avait confié travailler de façon tout à fait théorique sur la Nécromancie afin de prouver que cette forme de magie n’était pas naturellement mauvaise, de passer à la pratique pour dépanner un pote dans le mal. Résultat des courses : le fantôme de Siri accepta de venir hanter la petite maison dans laquelle les jeunes mariés s’étaient installés, grâce un rituel certes interdit, et qui laissa des stigmates visibles sur la tronche et la santé du pauvre Chazal, mais parfaitement exécuté (et avec des extras sympas).

 

Troublé par la réalisation que son bon ami était finalement un pratiquant des arts sombres, et peut-être aussi surtout qu’il a été le dindon de la farce pendant toutes ces années, Kalispera ne sait trop quoi penser de la situation décrite pas son invité, qui se fait un devoir de lui sortir un discours sur l’injustice du monde digne d’un tracteur Solidaires Etudiant-e-s pour le persuader que, en vrai, la nécrophilie, c’est pas si pire (#ngl #tmtc). Le vieux maître n’en est pas si convaincu, mais il n’est pas d’humeur à débattre pendant des plombes avec Barbier, à qui il souhaite simplement de rester éternellement amoureux de son fantôme de femme, et de commencer dès à présent à réfléchir à l’organisation de la succession de son père (maintenant qu’il n’a plus de Nécropoto pour installer sa petite famille dans un autre bled). Pour le reste, les deux comparses tombent d’accord que Chazal était un vrai type bien, et on peut supposer qu’ils finissent la soirée ronds comme des queues de pelle, ainsi que de vrais Bretonniens le doivent en cette occasion particulière.

 

Nouvelle craigesque par excellence, ‘Who Mourns a Necromancer ?’ apporte au lecteur une perspective neuve sur un aspect notable et éminemment fantastique du monde de Warhammer, d’une manière que l’on peut qualifier de posée ou de planplan, selon ses goûts personnels2. Après avoir traité du Chaos dans ses précédents courts formats, Brian Craig s’attaque ici à la non-vie, mais c’est surtout l’occasion pour lui de poser la question du respect des normes, et du caractère artificiel, voire inique, de ces dernières dès lors que l’on y réfléchit un peu. Lanfranc Chazal doit il être condamné parce qu’il a pratiqué la Nécromancie, même s’il l’a fait de la manière la plus éthique qui soit ? Et que dire du père de Cesar Barbier, qui était dans son droit d’assassiner sa bru d’après les lois de Bretonnie, mais n’en demeure pas moins un meurtrier et un sale type en puissance ? On peut regretter que Craig n’ait pas choisi de mettre un peu plus en avant ce qui à mes yeux rendait cette incitation à la réflexion plus palpitante qu’une version romancée d’une conf’ sur Kelsen : la présence dans le monde de Warhammer Fantasy Battle de divinités et de magie (ce qui est la même chose au final). Alors que dans notre bête monde aseptisé, la réponse restera purement théorique, Craig aurait pu conclure que le mal existe réellement et dans l’absolu dans le Monde Qui Fut, comme en témoigne le spectaculaire glow down du plus gentil Nécromancien ever (ou le développement de maladies honteuses chez Barbier ?). Il ne l’a pas fait, tant pis : à chacun de se faire une opinion.

 

1 : Et dire que si j’avais chroniqué ‘Lords of Valour’ au moment de ma première lecture, je n’aurais pas pu sortir cette vanne. Je ne sais pas Dieu existe, mais Loec oui.

 

2 : Apparemment, l’artiste engagé par Inferno ! pour faire l’illustration de la nouvelle (John Wigley) ne savait pas à qui il avait affaire, et/ou n’a pas jugé bon de lire autre chose que le titre.  

 

Son and Heir - I. Winterton :

 

wfb_son-heir.pngAlors qu’il patrouillait gentiment sur le domaine de son patron, le Baron Gregory de Chambourt, le Chevalier du Graal Gilles Ettringer surprend un groupe d’Hommes Bêtes traînant sans masque ni attestation ni respect des gestes barrières à proximité d’une chapelle de la Dame. N’écoutant que son devoir, il se rue sur les mutants l’épée au clair et les met à l’amende (135 horions par tête de pipe), avant d’aller investiguer sur la raison qui poussait les Gors à squatter à côté d’un lieu saint. Il ne tarde pas à découvrir, monceaux de déchets et de cadavres torturés et/ou putréfiés à l’appui, que la chapelle a été profanée par des adorateurs du Chaos, dont un grand costaud en tenu d’Adam doté d’une énorme… capacité de régénération, et d’un sens de l’humour un peu particulier. Maîtrisé sans coup férir par Gilles, qui veut faire les choses dans les règles et offrir une expérience de torture judiciaire avant exécution interminable complète à son prisonnier, l’anarcho-nudiste est ramené jusqu’au château de Chambourt, en compagnie d’une complice également alpaguée sur les lieux du crime, et qui se révèle être la jeune sœur (Juliette) du Baron…

 

Ce dernier, comme le veut la tradition locale, était en train de se pinter la gueule avec quelques copains pendant que sa femme, la Dame Isobella, donnait naissance au premier enfant du couple. Dégrisé par la nouvelle de la souillure de ses terres et, très probablement, de sa sœur, considérée jusqu’ici comme un modèle de pureté, Greg pète une durite et donne carte blanche à ses tortionnaires pour attendrir un peu le suspect, qui n’a même pas consenti à donner son nom au Baron. Une heure, une tonsure expresse, une dizaine de dents et deux doigts en moins et une flagellation en bonne et due forme plus tard, le cultiste impénitent est ramené devant son juge, mais continue à prendre la situation à la légère. Il va mène jusqu’à annoncer qu’il est la Némésis du noble, et qu’il lui prendra absolument tout ce qui lui est cher dans les années à venir, à commencer par sa femme (il félicite tout de même l’heureux papa pour la naissance de son fils, parce que c’est pas un monstre absolu). Et en effet, lorsque Gregory se rue au chevet de sa femme après qu’un serviteur lui ait porté la nouvelle de la fin de l’accouchement, il est impuissant à stopper la gingivite foudroyante qui emporte Isobella dans ses bras. Le lendemain, c’est la fourbe Juliette qui se fait décapiter par un garde en situation de légitime défense, après qu’elle ait fait exploser la tête de deux de ses camarades d’un simple mot lorsqu’ils étaient venus lui apporter son petit déjeuner en cellule. Ca devait pas être le mot magique auquel ils s’attendaient, pour sûr. Pour ne rien arranger, le cultiste parvient, lui, à disparaître sans laisser de traces, même s’il laisse sa langue dans la poche du Baron (de plus en plus énervé, et on le comprend) au passage.

 

Avec tout ça, il n’est pas difficile de comprendre la paranoïa exacerbée de Gregory envers la sécurité de son fils (également appelé Gregory), qu’il maintient enfermé dans son château jusqu’à ses douze ans révolus. Finalement convaincu par l’adolescent de l’emmener à la chasse pour célébrer son anniversaire, Old Greg regrette rapidement son choix lorsque la colonne bretonienne tombe dans une embuscade d’Homme Bêtes. Bien que les assaillants soient repoussés au prix de lourdes pertes, Young Greg et Gilles Ettringer font partie des disparus, présumés capturés par la harde du Chaos. Et en effet, lorsque Gillou se réveille, il découvre avec stupeur que toute l’opération a été montée par une vieille connaissance : le streaker cultiste, (re)venu avec son grand couteau et son énorme b…onhommie. Un peu handicapé par son absence de langue, il arrive tout de même à faire comprendre au chevalier qu’il a des grands plans pour ses prisonniers, dont Greg Junior, grâce à ses compétences de mime. En douze ans, on a le temps de s’améliorer au Time’s Up, c’est vrai. Mais c’est sans compter sur la détermination de Gilles, qui parvient à se libérer de ses liens et à perturber le rituel sacrificiel des hordes chaotiques armé seulement d’un couteau à pain Monoprix ébréché, mais aussi et surtout sur l’arrivée providentielle de Papou Greg et de ses hommes, qui ont trouvé la trace des Hommes Bêtes et leur tombent dessus with extreme prejudice. Bilan des courses, le cultiste en chef se fait refaire le portrait par Gilles avant d’avoir pu exécuter le fils prodigue, et est ramené manu militari au château pour enfin répondre de ses crimes…

 

Révélation

…Dûment torturé pendant les quelques jours qui ont été nécessaires à monter le bûcher sur lequel il est conduit en grande cérémonie, la Némésis de Chambourt ne fait plus le malin lorsqu’il est attaché au poteau. Il semble même demander grâce au Baron, mais sans langue ni dents et avec une mâchoire démantibulée, c’est dur de se faire comprendre. Gilles, qui a été salement amoché au cours de son héroïque intervention, assiste à l’exécution depuis le balcon de sa chambre, accompagné de Baby Greg. Intrigué par le changement radical de comportement du cultiste depuis sa seconde arrestation, le vieux chevalier finit par réaliser que quelque chose ne tourne pas rond… mais n’aura pas le temps de partager son horrible réalisation avec quiconque, car son compagnon lui balance la mère de tous les « OK Boomers » dans la face, ce qui lui brise littéralement son petit cœur fragile. Pendant qu’il agonise, « Greg » lui confirme ce qu’il vient de comprendre : le rituel interrompu quelques jours plus tôt avait pour but d’échanger les corps du cultiste et du fils du Baron, et c’est donc ce dernier qui a été brûlé en place publique. Le mot qu’il essayait de faire comprendre à son bourreau était « Père », mais ce dernier n’a évidemment pas capté le message. Ce petit secret emporté dans sa tombe par Gilles, Gregory the Kid a maintenant toute latitude pour poursuivre sa vendetta personnelle contre son bien aimé paternel…

 

Ian Winterton n’a peut-être pas laissé derrière lui un corpus aussi impressionnant que d’autres contributeurs de la Black Library, mais ce dont son œuvre manque en quantité, elle le rattrape en qualité. C’est bien simple, à chaque fois que je lis ‘Son and Heir’, je termine cette nouvelle en concluant qu’il s’agit d’une des toutes meilleures jamais publiées pour Warhammer Fantasy Battle, et pour la GW-Fiction en général. En l’espace de 20 pages, Winterton déroule une histoire captivante, surprenante, et d’une noirceur exemplaire, soit tout ce que l’on peut attendre d’une soumission de la BL. Ce résultat spectaculaire est en grande partie atteinte grâce à la maîtrise impressionnante que notre homme a du rythme de sa narration (ce qui lui permet d’amener des rebondissements de manière brusque, ce qui n’est pas donné à tout le monde en littérature), et son usage consommé des allusions, qui terminent de façon percutante bon nombre des courtes séquences qui découpent le récit. Cela fait totalement oublier les petites approximations fluffiques de l’auteur (sorcier masculin, « ordre » des chevaliers du Graal…), pas parfaitement au fait des us et coutume de la maison. C’est pas grave hein. Pas grave du tout. J’incite vivement tout ceux qu’ils le peuvent et le souhaitent à lire ‘Son and Heir’, car voir Winterton à l’œuvre est beaucoup plus gratifiant que de s’enquiller ma morne prose. Clairement, l’un des joyaux cachés et oubliés de la GW-Fiction, que j’estime être de mon devoir que de faire sortir de son anonymat1.

 

1 : Même l’illustration d’Adrian Smith dans Inferno ! pète la classe. Une réussite absolue.

 

The Judas Goat - R. Earl :

 

Le Capitaine Gustav Mollens, vétéran blanchi sous le harnais mais un peu trop appréciatif de la dive bouteille, a écopé de la peu glorieuse mais nécessaire mission de ramener de nouvelles recrues depuis l’arrière-pays de Nuln jusqu’à la cité. À en juger par son besoin de poignarder à mort les blancs becs pris par des envies de rebellions, et par le taux élevé de désertion qui frappe son contingent, il ne doit pas faire un super boulot. Dans son malheur, Mollens a toutefois la chance d’avoir trouvé dans l’un de ses sous-fifres, un dénommé Gevalt, un second secourable et digne de confiance, qui l’aide à maintenir un peu d’ordre dans les rangs et qui ne rechigne pas à partager les tours de garde pour éviter que les volontaires démotivés par leurs six heures de marche quotidienne, avec paquetage complet sur le dos et chaussures à taille et forme unique (pied groit, 42 ¾), ne prenne la poudre d’escampette. Ce partage des tâches permet à Mollens de faire des insomnies plus longues sur son lit de camp, encore traumatisé qu’il est par sa rencontre tragique avec les Skavens dans les égouts de Nuln, cinq ans plus tôt. Seul survivant de son unité, il a depuis fait des pieds et des mains pour éviter de croiser de nouveau un raton de près ou de loin, et l’alcoolisme thérapeutique aidant, a fini par être relégué à cette affectation de second ordre, mais au moins au grand air.

 

Alors qu’il était en train de remonter un peu la pente, en tirant joie et fierté de l’application avec laquelle ses hommes apprennent le maniement de la lance sous sa férule, un événement fortuit et traumatique vient remettre la tête enfarinée de notre héros au fond de son havresac. Ayant surpris Gevalt s’enfoncer seul dans la forêt bordant le bivouac alors qu’il était de garde, Mollens prit le parti de suivre discrètement son faux jeton de second pour lui apprendre à décevoir les attentes d’un ivrogne gradé. Cependant, la petite bastonnade pour l’exemple qu’il prévoyait d’infliger au tire au flanc doit être remise à plus tard : si Gevalt a éprouvé le besoin de s’absenter, c’est pour s’entretenir avec son patron, qui se trouve être un Skaven, accompagné d’un Rat Ogre de fort beau gabarit. Tétanisé par l’apparition impromptue de sa Némésis, Mollens assiste à la scène et comprend qu’en fait de déserteurs, c’était Gevalt qui s’arrangeait pour envoyer des camarades drogués se faire cueillir comme des champignons au milieu de la nuit. La duplicité de Gege étant établie, il lui faut maintenant trouver un motif suffisant et irréfutable pour passer à l’action et le mettre hors d’état de nuire.

 

L’occasion se présente le lendemain, lorsque Mollens surprend Gevalt en train de faire boire du GHB à un camarade autour du feu de camp. Ayant feint le sommeil pour forcer la main du traître, Mo’ se « réveille » juste à temps pour contrecarrer le plan de ce dernier, mais lorsqu’il le confronte devant le reste de ses hommes, qu’il a fait réveiller pour l’occasion, le Capitaine manque de se faire arracher la jugulaire par l’agent double, qui avait décidément les dents longues. Mis KO par son adversaire1, lui-même maitrisé et ligoté par le reste des recrues après qu’il eut mis au tapis l’officier, Mollens émerge péniblement de sa torpeur, et décide qu’il est grand temps pour lui d’affronter sa peur. Il part donc seul dans la forêt, jouant le rôle de l’innocente brebis jetée en pâture aux souris, et indique à ses hommes de le suivre cinq minutes plus tard pour prendre les ratons à leur propre piège. Comme il le dit lui-même, un plan aussi simple n’a aucune chance d’échouer. Béni soit l’esprit trop étroit pour le doute, tout de même.

 

Et en effet, Mollens a un long (4 minutes 58 secondes précisément, il a même le temps d’observer les manucures de l’adversaire avec un soin particulier) moment de solitude lorsque les hommes, les rats et les Hommes Rats finissent par lui tomber dessus. Car les désertés n’ont pas été expédiés dans les galeries du Sous Monde, ou transformés en croquettes pour Vermines de Choc, mais changés en sorte de Zombies commandés par le Maître de Meute/Prophète Gris/Assassin2, toujours accompagné de son garde du corps bodybuildé. Ce combat peut paraître inégal, mais ce n’est pas bien connaître Gustav Mollens, qui one-shot le Rat Ogre d’un coup de lance bien placé… puis rate toutes ses attaques contre son propriétaire, et se fait à nouveau sauver par l’intervention de ses camarades, dont l’arrivée contraint le raton à se téléporter en sécurité. Après avoir achevé les souffrances des Zombifiés, Momo et ses ouailles rentrent au camp où les attendent le cadavre désarticulé et défiguré de Gevalt, sans aucun doute victime de la vengeance de son rat-pia de boss. Qu’importe, le complot a été contrecarré, et Mollens se sent désormais d’attaque à repartir casser du mutant dans les égouts, en souvenir des camarades, anciens et nouveaux, qu’il a perdus sous les griffes des Skavens. Best redemption arc ever since il y a 13 14 minutes, tbh.

 

Robert Earl a prouvé qu’il savait écrire pour les Skavens (‘The Barbed Wire Cat’), mais cette maîtrise n’était apparemment pas innée chez lui, comme ce mollasson et fluffiquement improbable ‘The Judas Goat1 l’atteste. Cela ne se perçoit pas dans la chronique ci-dessus, mais le plus clair de la nouvelle est consacrée aux sensations et sentiments éprouvés par Mollens, qui varient assez fortement en fonction de son alcoolémie, ses heures de sommeil, ses syndromes post-traumatiques, ou encore le nombre de pifs de recrues fracassés pour l’exemple. Et là où ça coince, c’est qu’Earl n’est pas l’auteur de la BL le plus doué pour rendre ses personnages, si ce n’est sympathiques, au moins intéressants : la vie et l’œuvre de Gus’ Mollens, poivrot ratophobe, deviennent donc rapidement soûlantes. Sans autres personnages un tant soit peu développés pour servir de contrepoint au pas si brave que ça Capitaine (Gevalt n’est guère qu’une présence en arrière plan, et le Sergent que Mollens nomme pour prendre sa place après que sa traîtrise ait été révélé est tellement inutile que je n’ai même pas jugé bon d’en parler), le soliloque narratif de notre héros tourne au bide, et on pousse un soupir de soulagement lorsque le rideau tombe finalement. La Black Library comporte suffisamment de variations sur le thème Empire vs Skavens pour se contenter de l’avorton de la litière, m’est avis.

 

1 : La honte tout de même quand on est sensé avoir 4 d’Endurance et 2 PV, face à un mec à 1 Attaque de Force 3 !

 

2 : Mickey a un Rat Ogre de compagnie, un bâton magique rétroéclairé et manie une dague empoisonnée avec la queue. Ca fait beaucoup pour un seul rat.

 

3 : Au cas où vous vous demanderiez, il s’agit d’une expression consacrée, désignant les animaux d’élevage dressés pour emmener leurs semblables à l’abattoir.

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The Sound Which Wakes You - B. Chessell :

 

Le jeune Tomas, fils cadet du forgeron du petit village de Montreuil, perdu dans les contreforts bretonniens des Montagnes Grises, en a gros. Comme tous les adolescents de son âge, il éprouve de grandes difficultés à respecter l’autorité, mais la colère de notre héros n’est pas seulement dirigée contre son père (Pierro), mais également et surtout contre le Marquis Gilbert de la Roserie, seigneur de Montreuil, despote impénitent et surtout ordonnateur de l’exécution du frère aîné de Tomas, après que ce dernier ait tué un des Sergents d’armes du village pour venger la mort de sa bien-aimée. Dégoûté par l’attitude placide et servile des Montreuillois devant les exactions de leur suzerain, Tomas occupe ses journées à planifier la Révolution avec un grand -R et des grands airs, qui permettra à son bled de jeter à bas la tyrannie gilbertienne.

 

Après une cuite au brandy avec son pote Luc, le blanc bec se décide à passer à l’action, ce qui consiste en son cas à aller foutre le feu à la haie entourant le château de Gilbert, et dont le domaine tire son nom. Cet acte plus délinquant que criminel fait grand bruit au sein du village, mais la réputation de hooligan de notre héros est de notoriété tellement publique que c’est chez lui que le Marquis fait une descente de police gendarmerie le soir même. Si Tomas, prévenu par son père du risque qu’il court, parvient à s’échapper en passant par le toit de la forge, le brave Pierro ne survit pas à sa tentative d’arrestation par la maréchaussée, et meurt l’épée à la main pour couvrir la fuite de son fiston. Désormais hors la loi, notre héros se rend dans la forêt toute proche où son père lui a indiqué d’aller, sans trop d’idée précise sur la suite qu’il souhaite donner à sa carrière de repris de justice…

 

Révélation

 

…Sur place, il est rejoint par une douzaine d’hommes de Montreuil, qui lui expliquent qu’il est vraiment trop c*n vilain. Son feu de joie et les conséquences macabres de ce dernier sont venus faire obstacle au patient projet d’insurrection qu’ils planifiaient depuis des années, sous la houlette de Pierro. Le forgeron n’avait en effet pas pardonné non plus au Marquis la mort de son fils aîné, mais plutôt que de s’en plaindre bruyamment et futilement comme ce trublion de Tomas, avait patiemment réuni autour de lui des partisans et des épées, forgées incognito avec ses vieux stocks de minerai.

 

Désemparés par la disparition de leur chef, les conjurés consanguins décident de mettre Tomas aux affaires, le management héréditaire apparaissant sans doute comme d’une familiarité rassurante pour ces âmes simples. Fidèle à son approche cavalière et opportuniste, qui lui a si bien réussie jusqu’ici il faut le dire (…), Toto décide que cette nuit est le moment idéal pour déposer le Marquis, et sans plus de préparation, entraîne ses guerilleros en sabots jusqu’au château de leur Némésis.

 

Ayant réussi à mettre hors de combat une poignée de gardes grâce à l’effet de surprise, les Jacques en furie finissent par se retrouver confrontés à une forte troupe (environ 12) de Sergents d’armes. Laissant ses troupes se débrouiller face à la maréchaussée, Tomas s’introduit dans les quartiers privés de l’horrible Gilbert avec un compagnon pour pétitioner son suzerain à coup de colichemarde dans les ratiches. Ce dernier, réveillé par le tumulte de l’insurrection, est toutefois frais et dispos pour un duel au saut du lit, et malgré toute leur bonne volonté, Tomas et son sidekick ne sont pas de taille à lutter contre un escrimeur aguerri comme la Roserie. L’erreur de son excellence sera toutefois de vouloir jouer avec ses adversaires au lieu de les coucher fissa, et de faire un peu trop confiance à la solidité de la rapière fashion que lui avait forgé Pierro. Cassée nette après avoir rencontré un os un peu trop calcifié, la lame du joujou de Gigi fait défaut à son porteur au pire moment, et permet à Tomas de remporter le combat d’un horion de gueux bien dégueu’, mais indéniablement efficace.

 

La mort de leur maître et, surtout, la perspective de ne plus recevoir de solde, ayant conduit les Sergents survivants à déposer les armes, la vie peut reprendre son court à Montreuil. Sentant que sa place n’est plus parmi les siens, Tomas part tenter sa chance sur les routes de Bretonnie, tandis que le château de la Roserie tombe à l’abandon. Pour le reste, c’est bonnet blanc et flanc de poney, comme on dit du côté de Montsoir en Barreuil. Au moins, les roses ont repoussé…

 

 

Ben Chessell se positionne comme le chaînon manquant entre la prose contemplative de Brian Craig1 et les productions classiques de la Black Library avec ‘The Sound Which Wakes You’ et son histoire de jacquerie à la petite semaine dans un village perdu de Bretonnie. Le style neutre et détaché utilisé par l’auteur pour décrire l’insurrection de Montreuil contre son cruel suzerain détonne fortement avec ce que l’on a l’habitude de lire en matière de GW-Fiction (hors Craig, encore une fois), mais l’expérience n’en est pas désagréable pour autant. Cette approche dépassionnée de son sujet permet même à Chessell de terminer la nouvelle avec un des excipits les plus sinistrement percutants (et donc en quelque sorte, grimdark) que la BL ait connu. ‘The Sound Which Wakes You’ est la chronique sociale de Bretonnie que personne n’attendait et qui n’a (très bizarrement…) pas fait école, mais qui mérite le détour pour son originalité et pour son exécution, dans la pure veine des travaux précédents de Ben Chessell, qui termine ici son parcours au sein de la GW-Fiction.

 

1 : Un autre auteur dont la Bretonnie est plus médiévale que fantastique.

 

Portrait of My Undying Lady - G. Rennie :

 

WFB_Portrait of my Undying LadyLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l'incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

 

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l'illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l'incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

 

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l'époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l'insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

 

Enfin, la toile est complétée et l'exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

 

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

 

The Plague Pit - J. Green :

 

wfb_the-plague-pit.pngLa vie de mercenaire est souvent plus glamour dans les livres qu’en réalité. Sauf quand c’est un livre de Jonathan Green. C’est le triste constat que font Torben Badenov et sa bande de joyeux drilles (le noble puritain Pieter Valburg, Oren « face de rat/oneliner » Scarfen, big boi Stanislav, old boi Alexi et that other boi Yuri), alors qu’ils se trouvent forcé de passer la nuit à la belle étoile dans la désolation sauvage de l’Ostermark profond. S’ils sont de sortie, c’est que leur mission actuelle consiste à assurer la sécurité de l’érudit Johannes Verfallen, passionné par les tribus de l’époque pré-impériale et prêt à débourser une coquette somme pour être escorté jusqu’au monolithe antique qu’il a l’intention d’étudier sous toutes les coutures. Bien que les critères d’hygiène corporelle de l’universitaire laissent sérieusement à désirer de l’aveu du capitaine mercenaire (Torben Badenov étant lui, comme chacun le sait, un mannequin l’Oréal s’ignorant et ignorant), les caisses de la fine équipe sont suffisamment vides pour qu’ils ne fassent pas la fine bouche devant cette offre. La soirée est toutefois brutalement interrompue par les vomissements suspects de Verfallen, que ses gardes avaient laissé à marmonner au pied de l’édifice pendant qu’ils s’échangeaient des remarques de haute volée sur la météo locale et les derniers résultats de Blood Bowl. Le sort de l’érudit est vite plié lorsque son estomac commence à enfler de manière inquiétante, avant de s’ouvrir et de répandre une ventrée (c’est le cas de le dire) d’asticots aux alentours. Le calvaire de Verfallen ne s’arrête pas là, puisqu’en fin de compte il finit transformé en Enfant du Chaos à tête de cheval, sous le regard vaguement circonspect et pas vraiment empathique des mercenaires.

 

Fidèle à sa nature chafouine, la bestiole nouvelle née se rue (c’est approprié direz vous) sur Badenov et Cie, qui n’ont cependant guère de mal à en venir à bout. Seul Alexi se fait souffler dans les naseaux par ce bourrin de bourrin, le marquant discrètement comme le-membre-de-la-bande-destiné-à-mourir-pour-apporter-un-peu-de-tension-à-l-histoire. Mais je m’avance en besogne. La tête de mule n’est pas sitôt équarrie que le temps tourne brutalement à l’orage, et que des ombres entourant le feu de camp sort une nuée de Nurglings, sans doute alléchés par l’idée de faire griller quelques chamallows sur les flammes. Peu partageurs, les mercenaires choisissent de déguerpir et d’aller se réfugier dans le moulin surplombant la colline toute proche de leur bivouac, et de se barricader en attendant que la tension retombe. Leur QG improvisé se révèle cependant être plus riche en surprises qu’en farine, comme la présence de nombreux ouvrages traitant de démonologie et de magie chaotique, lectures peu communes pour le meunier impérial moyen, l’atteste. Il faut l’intuition et la culture de Pieter Valburg, MVP récurrent des aventures de la bande de Badenov (plus que le personnage titre d’ailleurs, c’en est navrant), pour comprendre que ces grimoires appartenaient à Verfallen, et que ce dernier n’était pas un simple passionné des vieilles pierres, mais un sorcier cherchant à atteindre le statut de Prince Démon de Nurgle en lançant le rituel dont la formule était inscrite sur le monolithe qu’il étudiait. Malheureusement pour lui, il a prononcé palimpeste au lieu de palimpseste pendant l’incantation, et au lieu de devenir sa Majesté des Mouches, il n’a gagné qu’un skin tout pourri de BoJack Horseman. That’s life.

 

Ces révélations ne font cependant pas les affaires de nos héros, qui doivent défendre une épave thermique, très mal isolée, contre une nuée de petits Démons entreprenants. À ce jeu là, rien ne vaut l’utilisation de faux et de râteaux à la place de haches et d’épées (si tu veux Jonathan hein), mais même la quincaillerie de Jardiland ne constitue qu’un pis aller. Submergés par les Nurglings, qui ont mordu Alexi à la cheville, histoire de nous faire vraiment comprendre que c’est lui qui va y passer, les fiers compagnons doivent se replier dans le sous-sol du moulin, sur une idée originale de… Pieter. Il faut croire que même prendre une décision quand on n’a qu’une option est trop compliqué pour Torben Badenov, bellâtre benêt.

 

Leur nouvel environnement a beau être Nurglings-proof, le puits condamné par une grille en fer toute rouillée qui trône en son centre n’inspire pas franchement la confiance aux nouveaux-venus. À raison, car il communique avec le cairn funéraire de Morruut, un sorcier de Nurgle des temps très anciens, et le premier à avoir eu l’idée démoniaque de transcender son humanité. It didn’t work because of things, mais sa dépouille mortelle a été patiemment ramenée à la pseudo-vie par Verfallen dans le cadre des ses expérimentations, et les élucubrations de ce dernier ont redonné du poil de la bête à la moruue qui clapote au fond du trou. C’est à la fois un danger mortel mais également une chance d’en finir pour les mercenaires, qui supputent (enfin, surtout Pieter, comme d’habitude) que s’ils arrivent à exorciser le tas de morve qui braille en contrebas, la tempête s’arrêtera et les Nurglings seront bannis. Plus facile à dire qu’à faire évidemment, car Morruut ne l’entend pas de cette oreille de dinde (googlez pas ça hein), et va tenter de tentaculer les répurgateurs amateurs, avec quelques interludes consacrés à des numéros d’imitation (Verfallen d’abord, puis Alexi, après que le vieux schnoque soit tombé dans le puits) et de crachage de mouches (un grand classique du nurglisme) entre les sessions de papouilles à pseudopodes. Au terme d’une lutte acharnée, Pieter parvient presque à terminer le rite d’exorcisme, mais se fait entraîner en sous-sol par le Démon bien membré (la suite est heureusement hors champ). Ce n’est pas grave toutefois car Stanislav décapite Morruut/Alexi, mettant le Chaos KO. Ce n’est pas logique, mais après tout, on ne peut pas comprendre les Fab 4. Alors que le moulin s’écroule, les survivants s’extirpent de la ruine, parvenant à récupérer in extremis Pieter au passage (qui quant à lui récupère en douce un grimoire nurglesque), et ainsi à limiter leurs pertes à la portion congrue. Encore une victoire probante, mais mal rémunérée, pour la bande de Badenov dont le slogan devrait être « Mort ou Fauchés ».

 

Je dois avouer ici que lors de ma première lecture de ‘The Plague Pit’, il y a quelques années, j’avais trouvé cette histoire tellement creuse et caricaturale dans le genre « aventures d’une bande de héros dans un univers medieval fantastique » que je m’attendais à passer un mauvais moment en la relisant pour le compte de la chronique de ‘Lords of Valour’. Peut-être suis-je devenu moins exigeant, plus conciliant au fil des années (certaines critiques récentes de votre serviteur permettent toutefois d’en douter), mais en tous cas, ‘The Plague Pit’ est loin d’être la pire histoire de la bande de Badenov que j’ai pu lire à ce jour, et je tenais à le dire ici1. En effet, on ne s’y trouve pas confronté à des énormes trous dans l’intrigue comme dans ‘Dark Heart’, et l’arc narratif de la série progresse sensiblement entre le début et la fin (avec le début de la corruption de Pieter plus qu’à travers la disparition d’Alexi), ce qui est ce que l’on peut raisonnablement espérer de mieux de la part du Jonathan Green du début des années 2000, très franchement.

Le parti pris de l’auteur de mettre l’action au cœur de son histoire, et les difficultés de ce même Green de livrer autre chose que des scènes de combat dignes d’un livre dont vous êtes le héros écrit par un bot nourri aux runs de Dragon Slayer et Diablo, rendent la lecture un peu longuette et l’impression d’assister à un boss fight en bonne et due forme lorsque les héros affrontent Pater patterns Morruut vient sortir un peu plus le lecteur de son immersion med-fan, mais rien de rédhibitoire ici. Le plus gênant, mais distrayant, pour moi reste l’inutilité crasse de Torben Badenov, encore une fois complètement éclipsé par Pieter Valburg dès qu’une décision un minimum intelligente doit être prise. Les autres personnages sont tellement peu développés qu’il n’y a pas de compétition entre la tête et les jambes cheveux de l’équipe, et c’est d’ailleurs une autre lacune stylistique de Green : tuer des personnages ne marche que lorsque le lecteur ressent un minimum d’empathie pour ces derniers. Ce n’est pas le cas pour Alexi de Nuln, je n’ai pas de problème à le dire. Bref, c’est très moyen mais ça se laisse lire, et ça ne m’étonnerait pas que ce soit le haut du panier badenovien, alors…

 

1 : Pour être tout à fait clair, je considère tout de même que cette série est très dispensable, mais si vous tenez à la lire, ce sera peut-être l’un des épisodes les plus intéressants.

 

Ancestral Honour - G. Thorpe :

 

La vie de Grimli (oui oui, je sais… l’oliphant dans la pièce) ‘Blacktooth’ Skrundigor à Karaz A Karak est aussi sombre et désespérée que le surnom que notre nabot de héros se trimballe. Nain à tout faire dans une taverne fréquentée par des mineurs bruyants, ivrognes et rancuniers, Grimli a passé une décennie à se faire snober par la grande majorité des clients de son établissement, pour la simple et bonne raison qu’il descend d’une lignée maudite par le Haut Roi en personne il y a plusieurs millénaires de cela. Son arrière15 grand-père Okrinok a en effet commis la faute grave, lourde et impardonnable de fuir un combat contre les Grobis, laissant en plan la fille chérie du souverain se faire friser les tresses par les peaux vertes en furie. À défaut d’avoir pu être retrouvé pour passer en conseil de discipline à l’époque des faits, Okrinok a condamné sa famille sur dix-sept générations à devenir la lie, ou plutôt, le fond de fût, de la société naine, ce qui explique les problèmes de connexion dont Grimli souffre au quotidien1. Après un nouveau shift misérable, il décide cependant de rendre son tablier et de prêter le serment du Tueur, se disant qu’il aura au moins la chance de se faire quelques potes avant de probablement mourir dans de tragiques circonstances et un futur assez proche. Après tout, 200 ans à faire la plonge sans espérer le moindre pourboire, ça fait beaucoup.

 

Alors qu’il s’apprête à pénétrer dans le temple de Grimnir de la forteresse, il est arrêté par un Tueur blanchi sous le harnais et sa coloration au henné naturel, répondant au nom de Dammaz (rancune en Khazalide). Ce dernier semble lire dans les pensées du jeune Nain, et lui propose tout de go de partir avec lui visiter Karak Azgal, où il a quelque chose d’important à lui montrer, avant que Grimli ne devienne un rouquin assermenté. Cette destination n’est pas anodine, car c’est là qu’Okrinok s’est couvert d’opprobre en laissant ses employeurs (il était garde du corps physionomiste pour les Nains de la haute – un peu contradictoire, je sais) se faire découper en rondelles alors qu’ils visitaient les mines de la forteresse, juste avant la chute de cette dernière. N’ayant rien d’autre à faire et à l’abri du besoin pour quelques mois grâce à la rupture conventionnelle négociée avec son patron, Grimli accepte, et la paire part pour le Sud.

 

Cette randonnée sauvage en duo permet à notre héros, qui n’avait jamais tenu une arme auparavant, de s’aguerrir en chemin, jusqu’à être capable d’occire un Troll en solo, comme Dammaz lui apprend patiemment. Après des centaines de kilomètres avalés, et autant de Gobelins et de Skavens occis au passage, les compagnons de la baston finissent par arriver dans la place to be. Les mystérieux pouvoirs de la mémoire ancestrale des Nains se réveillent alors, permettant à Grimli de revivre en rêve le drame ayant sali le blason des Skrundigor il y a tant d’années…

 

Révélation

 

…Et comme on pouvait s’y attendre, la réalité était un peu plus complexe que ce que le seul survivant de l’embuscade a raconté à son suzerain, lorsqu’il s’est réveillé parmi les cadavres mais n’a pas vu celui d’Okrinok dans le tas. La mort du Prince et de la Princesse qu’il avait juré de protéger a fait basculer l’acariâtre nabot dans une folie sanguinaire, le menant à charger droit devant lui pour tuer le plus de Grobis possible, sans se soucier du qu’en dira-t-on ni de la cohésion de son unité. Cette percée funèbre a été mal perçue par ses collègues, et en absence de VAR (la technologie ne sera inventée de que 379 ans plus tard), le mal était fait et la messe dite pour Okrinok.

 

Ce n’est toutefois pas la fin des révélations pour Grimli, car à son réveil, Dammaz l’entraîne jusque dans une caverne naturelle, où se trouve une stalagmite géante constituée des restes calcifiés et empilés de centaines de Gobelins. Au sommet, piétinant ses innombrables victimes, c’est le cadavre d’Okrinok, figé dans la mort et par la magie d’un Shamane commissionné par un Grand Chef sportif dans l’âme, qui attend depuis des siècles que la vérité éclate enfin à son sujet. Et ce n’est pas une pure spéculation de ma part, mais bien le dessein du défunt, qui s’est réincarné en Dammaz pour sauver les miches et les tifs de son ultime descendant. Il aurait certes pu le faire avant (les seize générations séparant Okrinok de Grimli doivent se retourner dans leurs tombes), mais un Nain ne se hâte pas, c’est bien connu. Avant de disparaître, et de laisser son petit fillot se dém*erder seul pour sortir d’une forteresse infestée de peaux vertes et d’hommes rats, Dammaz/Okrinrok indique à Grimli de ramener avec lui son marteau gravé de la rune majeure de Sur La Vie De Ma Mère, faisant que son porteur est automatiquement cru sur parole2, afin de prouver ses dires. L’honneur des Skrundigor est en enfin lavé, ce qui correspond au happy end ultime chez les Dawi à ce qu’il me semble. Grimli peut mourir tranquille, et on me souffle d’ailleurs dans l’oreillette qu’il y a de grandes chances pour que ça soit effectivement passé comme ça…

 

 

Si on met de côté les petites maladresses d’un Thorpe encore novice dans l’écriture de nouvelles au moment de la publication de cet ‘Ancestral Honour’ (le clin d’œil tellement appuyé qu’il en devient pastiche au ‘Seigneur des Anneaux’, la décision arbitraire du héros de changer de vie deux minute après le début de l’histoire), cette soumission s’avère assez plaisante pour un amateur de background romancé nain. Thorpe est à son aise pour dépeindre cette société dans ses particularismes et ses paradoxes, et la description qu’il fait de la vie d’un paria déshonoré comme Grimli est particulièrement intéressante à mes yeux. On comprend ainsi tout le « jusqu’au boutisme » des Nains, dont la rigueur morale est telle qu’ils ne voient pas de problèmes à punir les leurs sur des générations pour le crime isolé d’un seul individu. L’auteur emploie également le mythe, très spécifique à cette faction, de l’ancêtre réincarné pour venger un affront à son honneur tellement grave qu’il ne peut pas trouver le repos dans l’au-delà. C’est une caractéristique fascinante en termes de lore et de potentiel narratif des Nains (on peut penser à Grombrindal et aux ancêtres de Belegar, mais cela apparaît également dans la nouvelle ‘The Dark Beneath the World’ de William King), qui n’a été que peu mise en avant dans le fluff des suppléments de jeu (pour autant que je le sache), et je suis content que Gav Thorpe l’ait intégré à son récit, même si de manière un peu téléphonée. Une soumission qui démontre surtout que Thorpe est capable de faire honneur à son statut quand il travaille sur un sujet qui lui plaît et l’inspire visiblement, alors qu’il peut à l’inverse sombrer dans la caricature la plus indéfendable si le cœur n’y est pas3. ‘Ancestral Honour’ n’est pas spectaculaire, mais très solide, comme les œuvres de la race qu’elle dépeint.

 

1 : Il se serait appelé Bluetooth, ça aurait pas été la même, je gage.

 

2 : Je ne vois pas comment Grimli peut convaincre autrement ce vieux ronchon de Thorgrim de rayer une rancune de son bottin autrement.

 

3 : Voir ‘Tybalt’s Quest’, également publié dans ‘Lords of Valour’ pour s’en convaincre.

 

A Gentleman's War - N. Rutledge :

 

wfb_a-gentlemans-war.pngLa première campagne militaire d’Otto von Eisenkopf, jeune noble impérial à la tête farcie de glorieuses batailles et d’affrontements chevaleresques, ne se passe pas comme il l’avait prévu. Assigné à un contingent de Pistoliers mercenaires, menés par un vétéran à la barbe douteuse et à l’accent suspect (Molders), Otto fait ses classes d’une manière un peu trop terre à terre (comprendre qu’il rampe beaucoup dans les broussailles) à son goût. Chargé par le Graf von Eisenkopf, père de notre héros, de repérer l’avance d’une colonne de Bretonniens en vadrouille au bord de la frontière entre les deux nations, les tireurs montés ont tendu une embuscade à leurs adversaires, mais Otto, faisant mentir son patronyme, n’arrive pas à garder la tête froide et se plante soudainement au milieu du chemin pour annoncer aux éclaireurs du Duc de Boncenne qu’ils sont en état d’arrestation. Plus honorable, certes, mais beaucoup moins efficace. Fort heureusement pour les impériaux, Molders et ses hommes ne sont pas nés de la dernière pluie et parviennent à refermer leur piège sans trop de mal, tandis qu’Otto a l’occasion de rayer une ligne de sa bucket list en vainquant le chevalier menant les troupes bretoniennes en duel honorable, après un affrontement épique d’au moins deux secondes. Faisant honneur au code de la guerre entre gens riches, von Eisenkopf traite son prisonnier, Guillaume de Montvert, avec tous les égards dus à son rang, allant même jusqu’à lui laisser sa tente et son écuyer lors de son retour au campement du Graf. Un vrai gentilhomme.

 

Cette prévenance lui joue toutefois des tours car elle l’empêche de faire son rapport à son père avant que le Pistolier lui servant de nounou, une brute dénommée Lutyens, le fasse, et bitche méchamment sur le comportement inadapté du nobliau. Otto n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet toutefois, ni de déguster quelques cuisses de grenouille avec de Montvert au dîner, comme il l’avait prévu, car le Graf renvoie aussi sec les Pistoliers reconnaître la voie probable de l’arrivée des troupes du Duc, dont les vues sur les mines de charbon impériales ne font de mystère pour personne. C’est une petite victoire pour Otto, qui soutenait contre l’avis de Molders que les nobles et honnêtes Bretonniens passeraient forcément par la grand-route, en jouant du luth et déclamant des quatrains à la gloire de la Dame, avec un béret et une baguette pas trop cuite sous le bras. Mais avant de crier victoire (pas trop fort pour ne pas se faire repérer, évidemment), il faut galoper pendant une nuit depuis le camp impérial, une expérience qui laisse Toto un peu déconfit.

 

La déconvenue ne s’arrête pas là toutefois, puisqu’il s’avère rapidement que les Bretonniens ne sont pas en dessous du recours à de basses manœuvres, comme le cosplay de chevaliers pour faire croire à leurs ennemis que leur force principale passe bien par la grand-route. Cette supercherie ne résiste cependant pas à la longue-vue de facture naine de Molders, qui repart aussi sec vers le camp pour prévenir le Graf de la combine, un Otto bien penaud et de plus en plus fatigué à la traîne. Pour ne rien arranger, ce dernier apprend à son retour que le fourbe de Montvert a abusé de son hospitalité en volant un cheval et (probablement) assassinant son écuyer au passage, contre toutes les règles de la chevalerie. Et il faut déjà se remettre en selle, car il reste une chance aux impériaux de contrecarrer les plans de de Boncenne en tendant une embuscade à ses troupes alors que ces dernières progressent vers l’Empire.

 

Quelques heures de canasson plus tard, l’avant-garde du Graf débusque un site parfait pour un guet apens, et en attendant que l’ennemi daigne pointer le bout de ses chausses, Otto peut enfin se reposer un peu et méditer sur la réalité de la guerre, qui diffère beaucoup de ce à quoi il s’attendait, et pas en bien. Notre héros est toutefois suffisamment lucide et intègre pour réaliser que cette remise en question lui a été salutaire, en lui permettant de réévaluer la piètre opinion qu’il avait de Molders, des Pistoliers, des mercenaires, des Pistoliers mercenaires, et des tactiques de son père (dans le désordre). Lorsque la bataille finit par éclater, le jeune premier a finalement l’occasion de s’illustrer, en sauvant la vie de son capitaine, puis en vainquant à nouveau le meneur ennemi (de Boncenne) en combat singulier, au terme d’un duel bien plus accroché (et plus mortel aussi, le Duc perdant la tête à la fin du troisième round) que celui contre ce poseur de Guillaume de Montvert. Tout est bien qui finit bien en Karlfrancie, et Otto von Eisenkopf aura appris une bonne leçon au cours de cette première campagne : mieux vaut éviter de s’allonger sur une fourmilière, quand on peut éviter.

 

Neil Rutledge nous sert une nouvelle de campagne militaire/initiation d’un blanc bec à la vie assez convaincante, dans la même veine que ce Dan Abnett avait fait dans ‘Les Cavaliers de la Mort’, en un peu plus léger toutefois. Je pense que j’aurais davantage aimé ce ‘A Gentleman’s War’ si l’auteur avait choisi d’être un peu plus grimdark dans son approche, les Bretonniens de Rutledge tenant plus du stéréotype de Français moyen-âgeux à la sauce Monty Python que d’authentiques fidèles de la Dame du Lac, même si l’ensemble est encore une fois très correct. Un autre petit regret porte sur le choix de Rutledge de laisser tomber le personnage de Guillaume de Montvert, traître en puissance dont la duplicité ne faisait pas de doute, après l’arrivée au camp impérial, c’est-à-dire avant qu’il ait pu exprimer son véritable potentiel dramatique. Quelques petits détails que Neil Rutledge, et/ou son éditeur au sein de la BL, auraient pu travailler davantage, mais rien de rédhibitoire non plus.

 

The Ultimate Ritual - N. Jones & W. King :

 

Sur le campus de l’université de Nuln, deux hommes s’apprêtent à tenter une expérience à haut risque pour faire progresser les connaissances arcaniques de l’Empire. L’enthousiasme n’est pas égal entre le jeune Lothar von Diehl, qui piaffe littéralement d’impatience, et son ancien professeur Gerhardt Kleinhoffer, dont le trouillomètre se rapproche dangereusement de zéro au fur et à mesure que les préparatifs s’achèvent. C’est pourtant lui qui a traduit ‘Le Livre des Changements’ d’où von Diehl a tiré la formule de l’ultime rituel, promettant rien de moins qu’un aller-retour jusqu’à la Mer des Âmes, cette dimension parallèle où se trouve le loft des Dieux du Chaos. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde, et il faut toute la force de persuasion (et la superbe éloquence) de son disciple pour que Kleinhoffer accepte de jouer son rôle dans la suite des événements.

 

Si von Diehl a autant insisté pour avoir un témoin, c’est que son billet pour le néant est un Pass Duo, et que le Disque de Tzeentch qu’il invoque pour partir en vadrouille ne consent à partir qu’à plein, c’est à dire avec deux personnes sur le dos. Je peux comprendre que lorsqu’on vient d’aussi loin que le Warp, on apprécie de ne pas faire le voyage à vide, ceci dit. Une fois les usagers installés et les ceintures bouclées, le sous-boc volant fend l’air et l’espace, et part en direction du pôle Nord pour passer sur le périphérique cosmique. Le go fast qui s’en suit n’est pas de tout repos, car le Démon se fait prendre en chasse par des congénères affamés et attirés par l’âme de ses passagers. Fort heureusement, le Disque s’avère être un as du volant, qui parvient à semer ses poursuivants en faisant des sauts de puce de l’Immaterium au Materium, visitant quelques planètes très 40K dans l’esprit au passage. Enfin, nos héros arrivent devant la chambre du Grand Architecte, qui, coup de chance, accepte de les recevoir sans tarder.

 

Tzeentch est toutefois une divinité surbookée, qui n’a pas le temps de donner dans les mondanités. Il demande donc à ses visiteurs ce qui les amène et ce qu’il peut faire pour eux, et le manque de préparation (et la terreur panique) de Kleinhoffer lui joue un vilain tour. Comptant sur son acolyte pour meubler le blanc malaisant qui s’installe après la demande divine, il se fait avoir dans les grandes largeurs lorsque von Diehl explique candidement que l’estimé professeur est à la recherche de savoir. « OK » répond Tzeentch, qui, un peu troll sur les bords, débute un transfert de 999 Eo en direction du cerveau du pauvre prof, dont le cerveau entre en surchauffe au 3,963,635,619ème meme de Pepe the Frog qu’il reçoit en l’espace d’une demi-seconde. Von Diehl, qui a lancé un sort de streaming en pirate de la base de données de son acolyte, peut quant à lui déguster cette dankness avec plus de confort, même s’il doit cependant jurer allégeance à Tzeentch pour pouvoir repartir jusque dans le Monde Qui Etait Encore. C’était son projet depuis le début toutefois, et il n’a aucune difficulté à se délester de son âme en échange d’un apport infini de contenu Reddit. Revenu dans sa piaule universitaire, avec un Kleinhoffer rempli jusqu’au lorgnon d’infos confidentielles, et à peu près aussi incontinent que Wikileaks, von Diehl peut désormais se consacrer à préparer la Fin des Temps… ou à devenir une légende de 9Gag. Au choix.

 

Petite nouvelle d’ambiance et de fluff écrite à quatre mains, ‘The Ultimate Ritual’ multiplie les clins d’œil (à l’œuvre de King1 mais également à Warhammer 40.000) et offre au lecteur une visite romancée inédite (à ma connaissance) de la Mer des Âmes, ainsi qu’un authentique dialogue entre de simples mortels et un Dieu du Chaos, ce qui n’est pas banal. Par contre en termes d’intrigue, c’est aussi terne et sans surprise qu’un tronçon d’autoroute hors heures de pointe et vacances scolaires : peu étonnant pour une nouvelle de seulement treize pages, mais certains contributeurs de la BL ont prouvé qu’ils étaient capables de faire plus rythmé que ça sur ce genre de format, donc on peut légitimement reprocher à messieurs Jones et King de ne pas s’être trop foulés sur ce coup là.

 

1 : Les von Diehl sont la lignée récurrente de l’auteur, puisqu’on croise Kurt dans ‘The Laughter of Dark Gods’ et Gottfried et Manfred dans ‘Wolf Riders’. Famille assez malchanceuse au final car tous ses membres ont connu une mort violente et souvent chaotique (pas nécessairement dans cet ordre).

***

…Et on a vu (shout out à la fin de mon introduction, il y a quelques milliers de mots plus haut). ‘Lords of Valour’ est représentatif de l’état de la GW-Fiction de son époque : beaucoup de liberté dans l’approche (comme le montrent les soumissions de Craig et Chessell), un biais très marqué en faveur des factions du Vieux Monde, et la lutte entre l’ordre et le Chaos ou la non-vie (Rutledge étant l’exception « 100% civilisée » venant confirmer la règle), et assez peu d’ambition en matière de storytelling (l’exception étant ici Ian Winterton et son fantastique ‘Son and Heir’), ce qui ne veut pas dire que l’on passe un mauvais moment en passant en revue ces vieilleries. Au contraire, je me suis surpris à réévaluer positivement mon jugement initial sur les histoires de cette anthologie à leur relecture, et le solde s’en trouve au final largement positif (Thorpe et Earl étant les seules vraies victimes de mon cruel jugement, et seulement à moitié pour le premier). J’irai même jusqu’à recommander ‘Lords of Valour’ par rapport à son prédécesseur, ‘Realm of Chaos’, qui compte à mes yeux davantage de nouvelles inintéressantes1 que ce présent opus. Si jamais votre cœur balance entre les deux (au niveau de la bourse, ça devrait être kif-kif), vous saurez ce que je vous recommande. Et si vous êtes disposés à patienter un nombre indéfini de mois/années, je pourrais même verser ‘Way of the Dead’ au dossier, pour disposer d’un panorama WFB infernal quasi-complet. Stay tuned folks…

 

1 : Par contre, la seule présence des deux nouvelles d’Andy Jones le rend beaucoup plus fun que le somme toute très sérieux ‘Lords of Valour’.

 

Schattra, words of valour

Edited by Schattra
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Le 10/05/2021 à 20:48, gilian a dit :

Du bon vieux old world... ça me manque quand même un peu le vieux mondes. Merci @Schattra

 

Et merci à toi pour le commentaire! On repart bientôt dans le lointain futur, mais j'ai bon espoir d'attaquer 'Way of the Dead' dans pas trop longtemps...

 

J'en profite pour signaler les ajouts des nouvelles de Inferno! (Année 1) et de 'Lords of Valour'.

  • couverture-annee-1.pngThe Mutant Master (W. King)
  • Gilead's Wake (D. Abnett)
  • The Dead Among Us (J. Wallis)

 

  • lords-of-valour.pngFaith & The Judas Goat (R. Earl)
  • A Choice of Hatreds (C. L. Werner)
  • Tybalt's Quest & Ancestral Honour (G. Thorpe)
  • Who Mourns a Necromancer ? (B. Craig)
  • Son and Heir (I. Winterton)
  • The Sound Which Wakes You (B. Chessell)
  • Portrait of my Undying Lady (G. Rennie)
  • The Plague Pit (J. Green)
  • A Gentleman's War (N. Rutledge)
  • The Ultimate's Ritual (N. Jones & W. KIng)
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  • 3 weeks later...

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique et partielle de l’omnibus ‘Undeath Ascendant’ publié par la Black Library en Mai 2021. Accompagnant la sortie du Battletome Soulblight Gravelords, incarnations AoSesque des Comtes Vampires « classiques » du Vieux Monde (un mélange Von Carstein et Dragons de Sang, à première vue), ‘Undeath Ascendant’ regroupe trois romans et trois nouvelles consacrés à cette ancienne et riche faction de Warhammer Fantasy Battle;  le but étant de donner aux lecteurs intéressés par ce nouveau Battletome une introduction à la vision que Games Workshop a eu, et continue d’avoir, des suceurs de sang (les buveurs de sang, c’est autre chose comme chacun sait) dans ses franchises… et également de faire un peu d’argent en ressortant des archives des histoires écrites il y a un bail, plutôt que de créer des œuvres originales, je gage. Ceci étant, une partie du contenu de cette anthologie étant devenu impossible à trouver hors occasion/sites internet à la légalité douteuse, on peut aussi remercier les éditeurs de Nottingham d’avoir rendu son accès plus facile et plus économique au tout venant. Chacun voit donc son profit dans cette sortie, en quelque sorte.

 

Si j’ai commencé mon introduction en établissant que cette revue serait partielle, c’est que je me concentrerai comme à mon habitude sur les courts formats inclus au sommaire de ce livre. Publiées initialement dans le magazine Inferno!, ces nouvelles, comme les romans qu’elles accompagnent et complètent, ont été choisies pour leur variété, chacune d’entre elles traitant d’une lignée distincte : les Lahmianes pour Gordon Rennie et ‘Portrait of my Undying Lady‘, les Von Carstein pour Robert Earl et ‘The Vampire Hunters‘, et les Dragons de Sang pour Graham McNeill et ‘Three Knights‘. Comme il s’avère que j’ai en mon jeune temps chroniqué ‘Curse of the Necrarch’ de Steven Savile (également auteur de la trilogie Von Carstein), vous trouverez ci-dessous un lien vers l’objet du délire, à consommer à vos risques et périls. Enfin, ‘The Red Duke’ de C. L. Werner (Dragons de Sang) et ‘Ancient Blood‘ de Robert Earl (Stryges) complètent cet omnibus, mais ne seront pas traités ici.

 

Undeath Acendant

 

Portrait of my Undying Lady - G. Rennie :

 

wfb_portrait-of-my-undying-lady.pngLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l’incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

 

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l’illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l’incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

 

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l’époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l’insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

 

Enfin, la toile est complétée et l’exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

 

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

 

The Vampire Hunters - R. Earl :

 

Bienvenue à Novograd, petit village kislevite blotti dans la nature sauvage de cette contrée septentrionale. Nous arrivons juste à temps pour surprendre un trio de natifs confinés dans l’auberge locale, absorbés par l’activité reine de la mauvaise saison : écouter la tempête secouer les maisons tout en fantasmant sur sa mort prochaine et se cuitant à la vodka pour passer le temps. Voilà bien toute l’âme indomptable du Kislev résumée en quelques mots. Plongés dans cette introspection profonde et alcoolisée, nos personnages sont surpris par les coups donnés sur la porte de leur gîte par une force mystérieuse. Délaissant un instant la mastication de sa moustache, autre passe-temps très populaire dans le pays, l’aubergiste Grigori1 va s’enquérir de la cause de ce raffut pendant que ses compagnons dégainent leurs couteaux à saucisson, dès fois que ce serait Peppa Pig qui viendrait demander l’hospitalité. À l’extérieur, ce sont deux voyageurs assez bien mis, Calixte Lesec et son valet Viento, qui demandent à s’abriter de la tempête. Après avoir hésité un moment, car, comme tout homme civilisé, Grigori à entendu parler de la déplorable réputation des Lesec (remontant jusqu’à leur patriarche, Noisy), le tavernier finit par laisser les visiteurs entrer après qu’ils aient prononcé le mot magique : « nous avons croisé Petrokov sur la route ». Car Petrokov est le fils de Grigori, et s’il est parti en direction de la capitale au cœur de l’hiver, c’est pour y chercher de l’aide. En effet, Novograd a un problème. Un gros, vorace et nudiste problème.

 

Une fois à l’intérieur, les nouveaux venus confirment qu’ils sont bien venus pour aider les locaux à se débarrasser de leur nuisance vampirique, car c’est bien de cela dont il s’agit, avec une confiance et une désinvolture qui ne leur attire pas les faveurs de Grigori. Pressé de questions par les mercenaires, il donne une description de l’individu suspect collant parfaitement avec le portrait type d’un Stryge (grand, baraqué, naturiste, avec une tête de chauve-souris), et accepte de mener ses hôtes dans les cavernes servant de repaire à la bête dès le lendemain. Sur la route dès potron minet – mais pas avant que Grigori ait pris son petit-déjeuner complet à base de porridge et de thé au miel (de Lustrie), car c’est le repas le plus important de la journée – les trois hommes progressent dans la poudreuse toute la matinée, et finissent par arriver devant les Dents de l’Ours, percées par un réseau de grottes dans lesquelles les locaux ont vu disparaître le vampire avec une proie sous le bras il y a quelques semaines…

 

Révélation

 

Début spoiler…Une fois la partie lancée en indoor, c’est au tour de Grigori de se retrouver à la peine, les rapides et athlétiques Calixte et Viento redoublant de yamakaseries pour coller deux bonnes longueurs d’avance à leur « guide », laissant ce dernier former l’arrière-garde du groupe avec sa phlébite et son couteau. Guère rassuré par la situation, et seulement éclairée par la lueur tremblotante de sa torche, Grigori a beau se répéter que tout est sous contrôle, le bruit d’une cavalcade de griffes sur la roche, se rapprochant de plus en plus de sa position, n’a rien de très rassurant. Et lorsqu’un vieux réflexe de victime de film d’horreur le pousse à lever les yeux vers le plafond de la grotte, il ne peut que constater que la situation est compromise, ce coquinou de Stryge ayant opté pour une approche verticale et se trouvant à quelques centimètres de la tête de notre héros. Paralysé par une abjecte terreur, ce dernier en vient à lâcher son fidèle surin, mais, lorsque la bête se met en tête de lui fouailler la carotide, il a le bon réflexe de lui balancer un bon gros « parle à ma main » pour lui mettre un stop. Comme la main en question portait sa torche, le vampire en est quitte pour une bouchée de braise, ce qui n’est jamais agréable.

 

C’est le moment choisi par Calixte et Viento pour passer à l’attaque, de façon aussi coordonnée qu’acrobatique, les mercenaires prenant leur proie à son petit jeu de varappe en sautant eux aussi de prise en prise avec l’habileté d’un Alex Honnold sous speed. Sentant que l’on n’a plus vraiment besoin de lui, et plus qu’un peu dégoûté par la BO de la bataille et l’averse de sang qui commence à l’arroser, Grigori opte pour un petit évanouissement réparateur. À son réveil, et après avoir laborieusement retrouvé et rallumé sa torche, il peut constater que le Stryge a été vaincu, mais que ses problèmes, loin de disparaître, ont doublé. Car Calixte et Viento étaient eux aussi des vampires, que leur bataille contre leur lointain cousin skinhead a mis en appétit. Ils somment donc leur hôte de les ramener à Novograd, afin qu’ils puissent bénéficier du gîte et du couvert promis pendant une saison complète que l’offre d’embauche transmise par le délicieux Petrokov mentionnait. Ayant réalisé que son fils était très probablement mort, et que le reste du village ne tarderait pas à les suivre, Grigori, logiquement abattu par le tour qu’ont pris les événements, se met toutefois en route avec diligence, entraînant derrière lui les deux tueurs hémophiles.

 

Derrière son air de désespoir abêti, Grigori a toutefois un plan, et part au diable vau vert en compagnie des parasites, profitant de la tempête de neige s’étant levée entre temps pour les éloigner de Novograd. Lorsque Calixte finit par se rendre compte de la situation, il est trop tard pour les deux vamps, et la fringale qui travaille Viento pousse ce dernier à attaquer le Kislévite sans réfléchir aux conséquences de son geste, lorsque ce dernier lui balance quelques insultes savamment choisies. En plus de saigner à mort leur seul lien avec la civilisation, l’assoiffé ne s’est pas rendu compte que ce dernier se tenait à dessein sur le bord d’une corniche surplombant un abîme, et les trois randonneurs finissent donc par basculer dans le ravin après que Calixte ait tenté, sans résultat, de calmer les ardeurs de son séide. Ce n’est toutefois pas la fin pour Grigori, qui parvient à regagner la route quelques heures plus tard, malgré des blessures plus graves les unes que les autres, et la perte de 4 litres de sang. Réalisant qu’il est sur le point de devenir un vampire à son tour2, le dévoué aubergiste décide de se sacrifier pour la cause, et sort son meilleur saut de l’ange pour allez à nouveau s’écraser en contrebas. C’en est cette fois fini du petit Grigori, dont on retrouvera le cadavre flottant dans la rivière locale au dégel. Encore un mystère non éclairci…

 

 

Soumission solide de la part d’un Robert Earl pas encore obnubilé par les aventures de Florin et Lorenzo (bien que la paire Calixte – Viento s’avère assez semblable à son équivalente bretonienne dans ses relations maître – serviteur), ce Chasseurs de Vampire permet au lecteur de découvrir le Vieux Monde dans toute sa dureté, tant climatique que « sociologique », et de prendre la mesure du fameux tempérament kislévite, garant de la survie de ce peuple plus exposé que les autres aux déprédations des forces du mâââââl. Bénéficiant d’une intrigue bien trouvée et mise en scène, notamment le passage de la grotte et l’approche angoissante du Stryge, qui n’aurait pas dépareillée dans une nouvelle de Warhammer Horror, cette histoire met à profit les éléments constitutifs de la GW-Fiction que sont l’action, le suspense et le grimdark, pour un résultat des plus convaincants. À placer parmi les modèles du genre.

 

1 : Qui a contracté cette sale habitude il y a quarante ans, et qui en a quarante-deux. On vieillit vite à Kislev, c’est connu.

 

2 : On suppose que Viento a mis la langue pendant leur séance de base jumping en amoureux ?

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Three Knights - G. McNeill :

 

wfb_three-knights.pngLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

 

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

 

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

 

Révélation

…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

 

Révélation

…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…

 

 

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

 

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

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Pour les amateurs de sensations fortes, la revue (illustrée!) de 'Curse of the Necrarch' est consultable ici.

***

Et voilà qui termine cette revue express de 'Undeath Ascendant'. Si j'extrapole un peu à partir des parties que j'ai effectivement lues de cet ouvrage, les nouvelles semblent être beaucoup plus satisfaisantes que les romans, ce qui est un peu dommage puisque ces derniers représentent la majorité du contenu du bouquin (j'ai tout de même espoir que Werner et Earl aient rendu une copie plus propre que Savile). Il n'est pas dit que la sortie d'autres factions vampiriques pour Age of Sigmar ne poussera pas la Black Library à publier d'autres ouvrages de la sorte pour accompagner les campagnes marketing de la maison mère, et vous pourrez alors compter sur moi pour faire mon office avec délectation, mais pour l'heure, il semble bien que les fans des Vampires du Vieux Monde n'aient que cet omnibus à se mettre sous les crocs pour la prochaine éternité. Il va falloir faire durer, donc.

 

Schattra, "tout vient à point à qui sait ascendre"

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  • 1 year later...

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Empire at War’, une copieuse anthologie fleurant bon le Monde qui Fut et Warhammer Fantasy Battle, ce qui se fait de plus en plus rare de la part de la Black Library ces temps-ci (pour des raisons valables, il est vrai). Comme le titre et la couverture de cet opus l’indiquent, nous sommes en présence d’un ouvrage thématique, se concentrant sur une seule faction. Je ne vous ferai pas l’affront de vous révéler laquelle.

 

Bien que trois noms de contributeurs (Dan Abnett, Nick Kyme et Darius Hinks) soient mis en avant, ‘Empire at War’ brasse plus large que les trois romans qui constituent la plus grande partie de son contenu, et dont il ne sera pas question ici1 en application stricte de ma ligne éditoriale (que du court format). Ce ne sont en effet pas moins de 11 nouvelles, écrites par 8 auteurs (en plus de nos trois premiers larrons, on retrouve C. L. Werner, Robert Earl, Gordon Rennie, James Wallis et Jonathan Green), qui viennent compléter cette triade, et offrir au lecteur une vision complémentaire de la plus grande nation du Vieux Monde. C’est tout à fait mérité si vous me demandez, et en tant qu’ancien et inconsolable joueur de l’Empire, je suis d’une impartialité à toute épreuve.

 

Si la liste de ces courts formats additionnels vous semble étrangement familière, c’est parce que les pontes de Nottingham se sont livrés à un peu de repackaging opportuniste, et ont carrément recyclés l’antique anthologie ‘Swords of the Empire‘, sortie en 2004 et contenant 6 des 11 nouvelles de ‘Empire at War‘. Au prix où ce nouvel ouvrage est vendu (15.99€ en format numérique), on peut toutefois considérer qu’on rentre tout de même largement dans nos frais, surtout quand on compare ‘Empire at War‘ avec son prédécesseur impérial (nommé très logiquement ‘The Empire’), et qui pour le même prix ne comportait que 6 nouvelles. Il faut également noter que parmi les 5 nouvelles qui ne faisaient pas partie du sommaire de ‘Swords of the Empire‘, on trouve quelques raretés comme ‘Shyi-Zar‘ de Dan Abnett, à ma connaissance uniquement publié dans le mega-mnibus WFB ‘Tales of the Old World‘. 

 

Tout cela fait de ‘Empire at War’ une acquisition de prix pour tout enthousiaste de la GW-Fiction qui se respecte, au moins sur le papier (héhé). Il est temps de rentrer dans le fond des choses et déterminer si l’offre est effectivement aussi intéressante qu’elle en a l’air. Heureusement pour vous, vous avez un expert sous la main pour vous épauler dans ce travail. Up and at’ em, lads!

 

1 : Je peux tout de même vous recommander chaudement ‘Riders of the Dead’, un classique absolu de la première ère de la Black Library, et qui me fait rêver à ce qu’aurait pu être la GW-Fiction si Abnett avait tranché en faveur de WFB au lieu de 40K au début des années 2000…

 

empire-at-war.png

 

Vampire Hunters - R. Earl :

 

Bienvenue à Novograd, petit village kislevite blotti dans la nature sauvage de cette contrée septentrionale. Nous arrivons juste à temps pour surprendre un trio de natifs confinés dans l’auberge locale, absorbés par l’activité reine de la mauvaise saison : écouter la tempête secouer les maisons tout en fantasmant sur sa mort prochaine et se cuitant à la vodka pour passer le temps. Voilà bien toute l’âme indomptable du Kislev résumée en quelques mots. Plongés dans cette introspection profonde et alcoolisée, nos personnages sont surpris par les coups donnés sur la porte de leur gîte par une force mystérieuse. Délaissant un instant la mastication de sa moustache, autre passe-temps très populaire dans le pays, l’aubergiste Grigori1 va s’enquérir de la cause de ce raffut pendant que ses compagnons dégainent leurs couteaux à saucisson, dès fois que ce serait Peppa Pig qui viendrait demander l’hospitalité. À l’extérieur, ce sont deux voyageurs assez bien mis, Calixte Lesec et son valet Viento, qui demandent à s’abriter de la tempête. Après avoir hésité un moment, car, comme tout homme civilisé, Grigori à entendu parler de la déplorable réputation des Lesec (remontant jusqu’à leur patriarche, Noisy), le tavernier finit par laisser les visiteurs entrer après qu’ils aient prononcé le mot magique : « nous avons croisé Petrokov sur la route ». Car Petrokov est le fils de Grigori, et s’il est parti en direction de la capitale au cœur de l’hiver, c’est pour y chercher de l’aide. En effet, Novograd a un problème. Un gros, vorace et nudiste problème.

 

Une fois à l’intérieur, les nouveaux venus confirment qu’ils sont bien venus pour aider les locaux à se débarrasser de leur nuisance vampirique, car c’est bien de cela dont il s’agit, avec une confiance et une désinvolture qui ne leur attire pas les faveurs de Grigori. Pressé de questions par les mercenaires, il donne une description de l’individu suspect collant parfaitement avec le portrait type d’un Stryge (grand, baraqué, naturiste, avec une tête de chauve-souris), et accepte de mener ses hôtes dans les cavernes servant de repaire à la bête dès le lendemain. Sur la route dès potron minet – mais pas avant que Grigori ait pris son petit-déjeuner complet à base de porridge et de thé au miel (de Lustrie), car c’est le repas le plus important de la journée – les trois hommes progressent dans la poudreuse toute la matinée, et finissent par arriver devant les Dents de l’Ours, percées par un réseau de grottes dans lesquelles les locaux ont vu disparaître le vampire avec une proie sous le bras il y a quelques semaines…
 

Révélation

…Une fois la partie lancée en indoor, c’est au tour de Grigori de se retrouver à la peine, les rapides et athlétiques Calixte et Viento redoublant de yamakaseries pour coller deux bonnes longueurs d’avance à leur « guide », laissant ce dernier former l’arrière-garde du groupe avec sa phlébite et son couteau. Guère rassuré par la situation, et seulement éclairée par la lueur tremblotante de sa torche, Grigori a beau se répéter que tout est sous contrôle, le bruit d’une cavalcade de griffes sur la roche, se rapprochant de plus en plus de sa position, n’a rien de très rassurant. Et lorsqu’un vieux réflexe de victime de film d’horreur le pousse à lever les yeux vers le plafond de la grotte, il ne peut que constater que la situation est compromise, ce coquinou de Stryge ayant opté pour une approche verticale et se trouvant à quelques centimètres de la tête de notre héros. Paralysé par une abjecte terreur, ce dernier en vient à lâcher son fidèle surin, mais, lorsque la bête se met en tête de lui fouailler la carotide, il a le bon réflexe de lui balancer un bon gros « parle à ma main » pour lui mettre un stop. Comme la main en question portait sa torche, le vampire en est quitte pour une bouchée de braise, ce qui n’est jamais agréable.

 

C’est le moment choisi par Calixte et Viento pour passer à l’attaque, de façon aussi coordonnée qu’acrobatique, les mercenaires prenant leur proie à son petit jeu de varappe en sautant eux aussi de prise en prise avec l’habileté d’un Alex Honnold sous speed. Sentant que l’on n’a plus vraiment besoin de lui, et plus qu’un peu dégoûté par la BO de la bataille et l’averse de sang qui commence à l’arroser, Grigori opte pour un petit évanouissement réparateur. À son réveil, et après avoir laborieusement retrouvé et rallumé sa torche, il peut constater que le Stryge a été vaincu, mais que ses problèmes, loin de disparaître, ont doublé. Car Calixte et Viento étaient eux aussi des vampires, que leur bataille contre leur lointain cousin skinhead a mis en appétit. Ils somment donc leur hôte de les ramener à Novograd, afin qu’ils puissent bénéficier du gîte et du couvert promis pendant une saison complète que l’offre d’embauche transmise par le délicieux Petrokov mentionnait. Ayant réalisé que son fils était très probablement mort, et que le reste du village ne tarderait pas à les suivre, Grigori, logiquement abattu par le tour qu’ont pris les événements, se met toutefois en route avec diligence, entraînant derrière lui les deux tueurs hémophiles.

 

Derrière son air de désespoir abêti, Grigori a toutefois un plan, et part au diable vau vert en compagnie des parasites, profitant de la tempête de neige s’étant levée entre temps pour les éloigner de Novograd. Lorsque Calixte finit par se rendre compte de la situation, il est trop tard pour les deux vamps, et la fringale qui travaille Viento pousse ce dernier à attaquer le Kislévite sans réfléchir aux conséquences de son geste, lorsque ce dernier lui balance quelques insultes savamment choisies. En plus de saigner à mort leur seul lien avec la civilisation, l’assoiffé ne s’est pas rendu compte que ce dernier se tenait à dessein sur le bord d’une corniche surplombant un abîme, et les trois randonneurs finissent donc par basculer dans le ravin après que Calixte ait tenté, sans résultat, de calmer les ardeurs de son séide. Ce n’est toutefois pas la fin pour Grigori, qui parvient à regagner la route quelques heures plus tard, malgré des blessures plus graves les unes que les autres, et la perte de 4 litres de sang. Réalisant qu’il est sur le point de devenir un vampire à son tour2, le dévoué aubergiste décide de se sacrifier pour la cause, et sort son meilleur saut de l’ange pour allez à nouveau s’écraser en contrebas. C’en est cette fois fini du petit Grigori, dont on retrouvera le cadavre flottant dans la rivière locale au dégel. Encore un mystère non éclairci…

 

Soumission solide de la part d’un Robert Earl pas encore obnubilé par les aventures de Florin et Lorenzo (bien que la paire Calixte – Viento s’avère assez semblable à son équivalente bretonienne dans ses relations maître – serviteur), ce Chasseurs de Vampire permet au lecteur de découvrir le Vieux Monde dans toute sa dureté, tant climatique que « sociologique », et de prendre la mesure du fameux tempérament kislévite, garant de la survie de ce peuple plus exposé que les autres aux déprédations des forces du mâââââl. Bénéficiant d’une intrigue bien trouvée et mise en scène, notamment le passage de la grotte et l’approche angoissante du Stryge, qui n’aurait pas dépareillée dans une nouvelle de Warhammer Horror, cette histoire met à profit les éléments constitutifs de la GW-Fiction que sont l’action, le suspense et le grimdark, pour un résultat des plus convaincants. À placer parmi les modèles du genre.

 

1 : Qui a contracté cette sale habitude il y a quarante ans, et qui en a quarante-deux. On vieillit vite à Kislev, c’est connu.

 

2 : On suppose que Viento a mis la langue pendant leur séance de base jumping en amoureux ?

 

Meat Wagon - C. L. Werner :

 

wfb_meat-wagon.pngVotre attention s’il vous plaît. La nouvelle qui va suivre comprenant un nombre élevé de personnages nommés (plus ou moins) importants pour notre intrigue, nous vous remercions par avance de suivre attentivement les présentations qui vont vous être faites de notre casting. Vous aurez été prévenus.

 

Et nous voici donc catapultés dans un relais routier minable sur la route reliant Erengrad à Zandri en passant par Nuln, où une belle bande de personnages attend que leur personnel de bord ait fait le plein et chargé les plateaux repas. Les écouter un instant suffit au lecteur sagace pour deviner où chacun se positionne sur l’organigramme de la nouvelle d’action med-fan1. Nous avons ainsi, par ordre d’apparition : le joueur de cartes (en os, because why not2)/escroc/joli cœur Feldherrn, le gras, riche, désagréable et xénophobe marchand de vodka Emil Steinmetz, sa « fiancée »/chaufferette achetée en soldes à son vieux père Lydia, et son garde du corps couturé et patibulaire, Ravna (surnommé un demi car il utilise une épée bâtarde). À cela, nous nous devons d’ajouter la Baronne von Raeder, vieille fille maniérée et hautaine, mais se baladant avec une rapière au côté, et le jeune ingénieur Nain Fergrim Pointefer, transportant avec lui des caisses frappées de runes auxquelles il tient comme à la prunelle de ses yeux. Pour finir, un mot sur les chauffeurs de ces messieurs-dames : l’Ostlander au fouet et aux chicots pourris, Ocker, et son comparse Strigani à tête de fouine et à moustache pleine de miettes (un signe sûr que c’est un filou… ou une fouine qui vient de tomber sur une baguette), Bresh. Pfiou, une bonne chose de faite.

 

Tout ce petit monde se dirige donc vers Nuln et doit cohabiter pour quelques heures, même si des tensions se manifestent déjà au sein du groupe. Le voyage du coche est cependant interrompu avant son terme par un fiacre-stopper planté au bord de la route. Reconnaissant un Répurgateur à la forme de son chapeau, les deux gredins tenant les rênes, et que le lecteur avait surpris quelques temps auparavant à échanger des remarques lourdes de sens hors d’écoute de leurs passagers, sont d’abord tentés de l’écraser, mais Mathias Thulmann (car c’était lui) avait habilement prévu le coup en demandant à son homme de main et tortionnaire particulier, Streng, de se positionner stratégiquement avec une arbalète chargée à proximité. Si Thulmann joue du pouce sur les grands chemins, c’est que son cheval à perdu un fer et qu’il a donc besoin d’être dépanné jusqu’à la forge la plus proche. Ne prenant pas les dénégations polies des conducteurs pour argent comptant, il s’installe donc posément dans la diligence, laissant son acolyte suivre cette dernière avec leurs chevaux, et propose un tour de table amical pour briser la glace entre les compagnons de voyage. Venant d’un type qui peut vous condamner au bûcher si vous éternuez de façon bizarre, pas sûr que cela fonctionne beaucoup.

 

En tous cas, cette rencontre fortuite n’empêche pas Ocker & Bresh de dérouler la suite de leur plan, et donc d’amener leur véhicule jusqu’au charmant petit village de Mureiste, Sylvanie. « Dites donc, c’est étrange que nous fûmes allâtes en direction du Nord-Est alors que la logique voullasse que nous nous dirigeassionnèrent vers le Sud-Ouest » commente ce finaud de Thulmann, à qui on a appris le Reikspiel littéraire et la géographie au Temple de Sigmar. Il ne faut donc pas s’étonner que notre héros dégaine une de ses pétoires de service lorsque l’équipage annonce une pause de quelques minutes à ses passagers, et interdise en des termes non incertains aux ruffians de bouger de leur siège. Cette situation des plus tendues (Streng étant venu appuyer les dires de son employeur avec sa propre arbalète) dégénère cependant tout à fait lorsque les habitants de Mureiste arrivent en masse taper au carreau du fiacre, et pas pour demander s’ils peuvent laver le pare-brise, non non. Car les locaux sont des goules, elles ont faim, et de bien mauvaises manières. Dans le tumulte qui s’en suit, notre compteur de mort horrible se déclenche enfin, grâce à la participation active d’Ocker, qui prend un carreau dans le bide de la part de Streng en tentant de dégainer son tromblon, tombe de son siège, se fait rouler dessus par la voiture qui s’emballe, et dévorer vivant par les relations professionnelles des son collègue. Pas mal pour un début. Bresh, de son côté, réussit à faire décrire des cercles à l’attelage devenu fou jusqu’à ce que le poison des cannibales fasse effet et terrasse les chevaux3. Le coche se renverse, manquant d’écraser Pointefer, mais ne faisant pas d’autres victimes que les chausses de Steinmetz, dont le transit intestinal est accéléré par la vue des goules. Toutefois, tous nos personnages, y compris Bresh, que Thulmann amène manu militari avec lui pour qu’il s’explique, réussissent à se réfugier dans le temple de Sigmar local, et à en barricader les portes.

 

Dès lors, il s’agit pour nos héros de s’organiser. Pendant que ses camarades fortifient leur position ou sanglotent dans leur coin, le Répurgateur torture un peu son suspect, arrivant à tirer de ce dernier la promesse d’une mort abominable délivrée d’une main de Maître par ce dernier. Il ne faut pas longtemps à Thulmann pour comprendre que les goules ne sont qu’un avant-goût d’une nuit très agitée qui s’annonce, et le zélote va donc prêter main-forte à ses acolytes, qu’il positionne à des endroits stratégiques dans l’attente du prochain assaut. À la tombée du jour, une chauve-souris géante vient déverser des litres de guano sur la grand-place où patientent les Muriestois, avant de se poser et de se changer en, je vous le donne en mille, Ozzy Osbourne. Ou presque. En vampire Stryge. Après s’être fait briefer sur les derniers événements, et avoir repris quelques forces en sirotant le messager4, il lance ses ouailles à l’attaque du monument, en leur indiquant de penser à faire le tour, cette fois-ci. Si la marée de viande écumante (voir « ils l’ont écrit ») ne parvient pas à faire autre chose que trembler les portes dans un premier temps, les nerfs fragiles de cette fiotte de Steinmetz manquent de condamner la team Sigmar lorsque le pleutre décide d’aller libérer Bresh dans l’espoir que ce dernier parvienne à le sauver. Malheureusement pour lui, et pour son nouvel obligé, Lydia donne l’alerte à Thulmann avant que le Strigani n’ait eu le temps de lui planter un couteau dans le dos. Privé de l’avantage de la surprise, les vingt centimètres d’acier du ruffian ne font pas le poids ni la longueur face à l’épée bénite du Répurgateur5, et le malappris se fait posément transpercer la gorge par son adversaire, qui peut aller redonner un coup de main très bienvenu à ses comparses.

 

C’est le moment que choisit le Stryge pour faire son entrée dans la place, par la fenêtre s’il vous plaît. Chemin faisant, il charcute horriblement la pauvre Baronne von Raeder6, pulvérise un banc et éventre Steinmetz, faisant un peu de ménage dans notre casting. Ses tentatives de griffer à mort Thumann sont cependant mises en échec par le jet d’eau bénite qu’il se prend dans la figure (ça brûle), et par les gros débuffs de zone que lui inflige le sol consacré du lieu saint dans lequel il se trouve. C’est ça aussi de ne pas demander à ses goules de raser le temple de Sigmar du village en temps et en heure. Devant tant de diableries, ou peut-être l’inverse, le vampire décide d’aller prendre l’air, entraînant avec lui ses hordes de groupies décérébrés. L’occasion pour les défenseurs de souffler un peu et de faire leurs comptes, le pauvre Ravna, méchamment tailladé par un ongle sale de goule, n’en ayant plus pour très longtemps…

 

C’est alors que Pointefer se souvient que le contenu de ses caisses n’est autre que de la poudre à canon. Gag. Jouant leur va-tout, les survivants envoient donc le Nain et le mourant poser une mèche dans les décombres de la diligence, pendant que Thulmann tente de distraire le Stryge. Cela marche tellement bien que, lorsque l’héroïque Ravna se sacrifie pour mettre le feu aux poudres, le buveur de sang est encore occupé à envoyer des gros doigts, ou griffes dans son cas , au Répurgateur depuis le sommet de la diligence. Bilan des courses : un centre ville dévasté, une vingtaine de goules déchiquetées, et un vampire en piteux état, que Thulmann achève d’un coup d’épée en plein cœur en punition de son tapage nocturne7. Ici s’achève notre histoire, les deux chasseurs de sorcières décidant de repartir avec leurs montures (habilement garées dans le temple par Streng un peu plus tôt), même déferrées, plutôt que de s’éterniser plus longtemps dans ce patelin paumé qu’est Mureiste. Et Thulmann de donner ce conseil avisé aux trois survivants de notre échappée belle (voyez si vous pouvez les identifier) : « je suis sûr que ça va marcher ».

 

On savait Werner particulièrement à son aise pour la mise en scène de nouvelles d’actions sérialisées, qu’il s’agisse pour lui de suivre une traque du chasseur de primes Brunner, ou une purification expresse dispensée par le zélé Mathias Thulmann. Cette réputation n’est pas usurpée ici, car cette Charcuterie Ambulante tient beaucoup mieux la route, et c’est heureux, que la diligence empruntée par nos héros pour se rendre à Nuln. En plus de bénéficier d’une atmosphère tendue tout à fait appréciable, en grande partie grâce au rythme soutenu imposé par l’auteur, et les quelques descriptions gore à souhait qu’il glisse au fil des pages, cette nouvelle parvient également à faire « vivre » (et mourir, dans beaucoup de cas) sa belle brochette de personnages de façon naturelle et équilibrée, et emprunte avec bonheur au genre du western, dont Werner est un fan assumé. La fameuse scène de l’attaque de la diligence par les Indiens, ou, plus proche de nous, l’attente tendue des 8 Salopards, partagent ainsi des similarités fortes avec le siège de temple de Sigmar par un Stryge et ses goules, preuve que dans la pop culture, tout est dans tout et inversement. Au final, encore une nouvelle solide à mettre au crédit d’un des chasseurs de lignes les plus réputés du Vieux Monde plutôt que du Far West, et une très bonne introduction du personnage de Mathias Thulmann aux non-initiés, si nécessaire.

 

1 : Et dans une certaine mesure, de déterminer qui a le plus de chances de mourir dans d’atroces souffrances au cours des prochaines pages.

 

2 : Même si le matériau utilisé me semble un peu saugrenu. Sans compter de la taille du squelette nécessaire pour tailler des cartes d’une taille suffisante. Sans doute un moyen pour les forces impériales de monétiser les cadavres d’Orques qui s’accumulent comme des feuilles mortes en automne après la Waaagh ! hebdomadaire.

 

3 : Qui n’ont pas reçu de nom et que je n’inclue donc pas à ma liste, à grand regret.

 

4 : Don’t shoot the runner, but drink them? Yes you can.

 

5 : Annule les sauvegardes invulnérables des Démons, coup fatal sur les sorciers à cœur noir.

 

6 : Dont le tort fut d’être une femme répudiée indépendante, et donc indigne de confiance pour ce misogyne de Thulmann.

 

7 : Non sans avoir balancé la petite réplique qui va bien juste avant, ici librement empruntée à ‘Le Bon, La Brute et le Truand’ (déjà pastiché par Werner dans sa série ‘Brunner, Bounty Hunter’.

 

The Case of the Scarlet Cell - G. Rennie :

 

Les temps sont rudes à Altdorf pour la devineresse décrépite Varra, qui peine à extorquer de quoi payer son loyer et acheter du mou à son chat à la populace locale. En cause, l’absence de la moindre petite catastrophe depuis quelques temps, qu’il s’agisse d’une Waaagh ! Orque ravageant l’arrière-pays, d’une invasion des hordes chaotiques depuis le Nord, ou même une épidémie de peste noire, comme au bon vieux temps de Mandred. Ce sont des événements de ce genre qui donne l’envie aux braves quidams de claquer quelques pièces dans la lecture de leur avenir, et la paix relative dont bénéficie l’Empire au moment où notre histoire prend place ne fait donc pas les affaires de notre pythie au rabais. Aussi, lorsque le traditionnel rideau de perles marquant l’entrée de son cabinet se met à bruire, annonçant l’arrivée d’un gogo client en puissance, Varra se dépêche de prendre un air pénétré et de scruter les profondeurs mystérieuses de sa boule de verre (le cristal, c’est cher). À défaut d’avoir de vrais pouvoirs de divination, un simple coup d’œil au nouveau venu aurait peut-être pu sauver la voyante amateur du triste destin qui l’attend. Lorsque Varra daigne en effet lever les yeux sur son visiteur pour s’enquérir de la raison des ses grognements courroucés, il est trop tard pour elle. Fondu au rouge…

 

Quelques heures plus tard, c’est l’impeccable Zavant Konniger, Sage-Détective (c’est écrit sur sa carte de visite) qui se rend sur le lieu de ce qui s’est avéré être un crime (sans blagues), suivi de son fidèle serviteur halfling Vido. Si l’illustre personnage a daigné descendre dans la rue des Pythonisses, c’est qu’il réfléchit à prendre l’affaire que lui propose le marchand Gustav von Hassen, fondateur du Comité de vigilance des citoyens d’Altdorf, initiative populaire mise sur pied il y a quelques mois pour aider les autorités incompétentes à mettre fin aux déprédations d’un tueur en série sanguinaire connu sous le nom du Boucher de Reikerbahn (le quartier le plus mal famé d’Altdorf). Bien que le charcutier en question ait fini par être appréhendé, envoyé en prison, jugé et exécuté, von Hassen semble prêt à payer les coquets émoluments demandés par Konniger pour bénéficier de sa légendaire gnose. Dès lors, ce dernier se fait un devoir de visiter les quartiers de la pauvre Varra, éparpillée façon puzzle dans son F3. Le regard acéré de notre enquêteur ne met pas longtemps à remarquer que la victime n’a ni les yeux, ni la langue dans sa poche, ni à leurs emplacements habituels d’ailleurs, et conclut donc que le meurtrier devait avoir des motivations bien spécifiques. En effet, voler les yeux et la langue d’une devineresse semble obéir à une logique particulière.

 

Sur le chemin du retour, dans le fiacre que Konniger et Vido partagent avec von Hassen et son jouvenceau de neveu, Sigmund, le Sage-Détective n’a pas longtemps à attendre pour tirer les vers du nez de son nouvel employeur, qui révèle deux faits très intéressants à l’enquêteur. Le premier est que le meurtre de Varra n’est que le dernier d’une série en cours, ayant vu un Archilecteur salace perdre cœur (et la vie) dans le lit d’une prostituée de luxe, et pas moins de trois sorciers des collèges de magie perdre la tête (et le contenu de leur boîte crânienne) au cours des dernières semaines. La seconde est relative au fameux Boucher de Reikerbahn, dont la population a été privée de l’exécution publique pour la simple est bonne raison que le suspect était un cultiste de Khorne déjà bien avancé sur le chemin de la mutation (professionnelle ou pas), plus semblable à une bête qu’à un homme, et doué d’une capacité de régénération extraordinaire. Pensez à Wolverine croisé avec Jack l’Éventreur et vous aurez une bonne représentation du joyeux drille. N’ayant rien pu tirer de lui, ni aveu, ni confession, ni parole intelligible, les autorités décidèrent de le brûler dans l’enceinte de sa prison pour clore l’affaire une fois pour toutes.

 

Une fois rendu à son domicile, Konniger commence à phosphorer avec son efficacité habituelle, faisant remarquer à son domestique que von Hassen, pour concerné qu’il ait l’air d’être par le salut du petit peuple, dissimule sans doute ses véritables motivations, comme l’indique… l’absence de chevalière à sa main droite. Imparable. Cela dit, il faut à notre héros amasser davantage d’indices et de preuves sur cette affaire, et la paire part bientôt en direction de la Kaiserplatz à la rencontre d’une vieille connaissance, travaillant comme geôlier en chef dans la prison municipale de Mundsen, où le Boucher a passé ses dernières heures. Bien aidé par la corruption quasi-totale de son interlocuteur, et pendant qu’il déguste une savoureuse saucisse dans la taverne de la Robuste Matraque, Konniger ne met pas longtemps à convaincre le maton qu’il est dans son meilleur intérêt de lui faire faire une visite guidée de la cellule où était enfermé Boubou, même si les Répurgateurs de Sigmar ont formellement interdit à quiconque d’y pénétrer depuis l’exécution…
 

Révélation

…Et pour cause, car exécution il n’y a pas eu. La nuit précédent la mise à mort, le Boucher s’est en effet découvert des talents de scream queen, et lorsque la garde a fini par venir s’enquérir des causes de ce raffut, elle ne put que s’apercevoir que le gonze était également un as de la maroufle. Résultat, des murs (et un plafond) de cellule refaits de neuf avec une épaisse couche de sang, et une disparition totale du détestable artisan. La cellule écarlate continuant à suinter de l’hémoglobine fraîche depuis cette nuit fatidique1, l’Inquisition avait logiquement décidé de noyer l’affaire en faisant croire que tout s’était déroulé normalement, ce qui n’est évidemment pas le cas. Qui peut dire ce qu’il est advenu du Roucher de Beikerbahn ? La visite terminée, Konniger insiste pour ne pas rentrer chez lui directement mais se rendre discrètement au domicile de von Hassen, qu’il soupçonne fortement d’être un disciple de Slaanesh, engagé dans une vendetta très intéressée contre le tueur Khornu qu’il a contribué à faire arrêter la première fois.

 

Et, effectivement, il ne faut pas longtemps aux deux détectives pour filer Gustav et Sigmund jusqu’à un entrepôt du quartier marchand, qui se révèle être un lieu de débauche des plus païennes. Le temps que Konniger et Vido parviennent à crocheter une serrure et accéder au lieu de la petite sauterie, cependant, il est déjà trop tard, car le Boucher, que Khorne a récompensé de ses bons et loyaux services en lui donnant le pouvoir « brumisateur de sang », ce qui lui a permis de s’extirper de sa cellule, et plus tard, de contourner les mécanismes de protection mis en place par ses proies2, s’est matérialisé en pleine orgie en montant depuis les égouts à travers le sol, que ces crétins de cultistes n’avaient pas pensé à isoler. Et pourtant, tous les chauffagistes vous diront que c’est important. Cette aérosolisation réussie, le tueur a repris forme presque humaine et s’est mis à débiter de l’aristocrate corrompu et du notable concupiscent à tour de griffes, jusqu’à ce que Sigmund, qui se trouvait être la démonette de compagnie de Gustav (en sa qualité de Magister du culte), tombe les masques (de Slaanesh, évidemment) et engage la brutasse au corps à corps. Son intervention courageuse n’est cependant pas suffisante pour arrêter les ravages du fidèle du Dieu du Sang, même si elle permet d’affaiblir ce dernier et donne une chance à Konniger de régler le problème en solo. Saisissant le bâton corrompu encore étreint par la main de Gustav, chairàpâtis-é juste avant son escort démoniaque, Zavant commence à zlataner l’Élu de Khorne de belle manière, parvenant finalement à l’empaler avec le symbole de l’ennemi juré de son Dieu, sur l’autel de l’ennemi juré de son Dieu. C’est la combo fatale pour le Boucher, qui se fait déboucher pour de bon et repart dans les royaumes du Chaos se faire prendre la tête par son suzerain.

 

À Altdorf, c’est l’incendie opportun de l’entrepôt, suivi d’une opération de nettoyage très poussée menée par les Templiers de Sigmar, et la prise de vacances pour durée indéterminée d’un certain nombre de sommités locales, qui permet à la vie de retrouver une certaine normalité. On espère en tous cas que Konniger s’est fait payer par avance pour cette affaire, car quelque chose me dit que sinon, il l’aura dans l’os…

 

Adaptation très convaincante d’une enquête de polar bien noir dans l’univers de Warhammer, L’Affaire de la Cellule Écarlate permet à Gordon Rennie d’entraîner son lecteur dans le tumulte d’Altdorf, depuis ses tavernes animées et son riche quartier marchand jusqu’aux prisons les plus glauques et au tristement célèbre Reikerbahn, ce qui en fait une nouvelle incontournable pour tout amateur de fluff qui se respecte, ainsi que pour les rôlistes à l’affût d’informations (quasi) officielles pour enrichir leurs parties. Mettant à profit son aisance narrative pour plonger son public dans son propos, par exemple en alternant les passages suivants Konniger et Vido avec ceux racontés du point de vue du tueur (ce qui permet de comprendre son douloureux parcours et ses motivations) ou des ses victimes, convoquant avec maestria des descriptions de la vie d’Altdorf, dialogues efficaces (à défaut d’être savoureux) et scènes d’actions rythmées, le tout parsemé de quelques trouvailles gores et saillies humoristiques, Rennie livre ici l’une des toutes meilleures aventures de son héros fétiche, qui tombera malheureusement dans un relatif anonymat3 lorsque son auteur décidera d’arrêter sa collaboration avec la Black Library. Donc, profitez-en car il y en pas des milliers, ni des centaines, ni même des dizaines comme celle-là4 !

 

1 : Ce qui est certes dégoûtant (en plus d’être dégouttant) mais très utile pour les banques de sang d’Altdorf.

 

2 : Insaisissabilité renforcée par les dons « anti-magiques » accordés à la suite de la consommation du cœur, cerveaux, yeux et langue de ses victimes précédentes.

 

3 : Même si le brave Josh Reynolds sortira Zavant de sa pré-retraite le temps de quelques nouvelles au cours des années 2010.

 

4 : Et en français, je pense que c’est même l’une des seules.

 

Rest for the Wicked - J. Wallis :

 

 

wfb_rest-for-the-wicked.pngAltdorf, et ses rues bruissantes de vie, ses marchés bien achalandés, ses honnêtes citoyens faisant leurs courses… Et, bien entendu, ses forces de police luttant au jour le jour contre les déprédations des mauvais sujets de l’Empereur, ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, celles de dangereux immigrants, comme ce Kislévite à moustache de Kislévite (ok) et aux yeux de Kislévite (plus dur), qui se fait courser comme un lapin par nos héros, les officiers des Lices Dirk Grenner (aka Astérix) et Karl Johansen (aka Lucky Luke1), qui cherchent ainsi à boucler une enquête de trois mois de façon probante. Manque de bol pour les Starsky et Hutch impériaux, leur course poursuite les amène jusqu’aux portes de la ville, où le cortège de Leopold von Bildhofen, Comte Électeur du Middenland, fait son entrée en grande pompe. Le périmètre de sécurité étant strictement maintenu par la garde civile, nos héros ne peuvent que constater la disparition de leur proie dans la foule massée pour l’occasion… jusqu’à ce que le suspect moustachu trouve intelligent de passer en courant devant le cheval de l’Électeur, pile au moment où ce dernier reçoit un carreau en pleine encolure (le cheval, pas le bonhomme). La suite est assez facile à prédire : la bête s’emballe et part au triple galop dans les rues pavées d’Altdorf, en direction de la Königplatz (à ne pas confondre avec la Kaiserplatz) et de son marché bondé. Serait-ce la fin de ce bon vieux Leopold ? NON, car les héroïques Johansen et Grenner subtilisent deux montures à leurs balourds de collègues, piquent des deux et parviennent in extremis à se saisir de l’aristocrate avant que son destrier n’aille s’emboutir dans un food truck, avec des résultats dévastateurs. Malgré leur intervention salutaire, ce snob de von Bildhofen remercie à peine ses sauveurs, et repart avec sa troupe jusqu’à son Air BnB.

 

De retour au poste, les officiers doivent à présent amadouer la colère de leur patron et chef des Lices d’Altdorf, le Général Hoffmann, devant le capotage complet de l’opération Kosachok. Ce fiasco a toutefois libéré le duo, qui peut enquêter sur la tentative d’assassinat dont l’influent aristocrate vient de faire les frais. Ayant déjà reçu le résultat des expertises du laboratoire alchémico-légal avec lequel les Lices travaillent, qui a établi que le carreau était d’origine tiléenne, Johansen et Grenner partent en direction de la petite Tilée pour creuser la piste d’un assassin étranger engagé par un mystérieux commanditaire pour se débarasser de von Bildhofen. L’héritier du Comte étant son frère Siegfried, marié à une Tiléenne, c’est donc vers ce dernier que les premiers soupçons se portent. Après une rencontre fructueuse avec le signor Argentari, parrain de la pègre italienne tiléenne locale, les deux équipiers filent jusqu’à la Marianstrasse, où leur indic leur a confié que se trouvait le tireur d’élite recruté pour effectuer ce sale boulot. Bien qu’ils parviennent sur place avant que ce dernier n’ait pu retenter sa chance, profitant du passage du Comte Électeur à la sortie de la messe, ils perdent l’élément de surprise lorsque Grenner ne parvient pas à enfoncer la porte de la planque du premier coup. S’en suit un face à face tendu entre les officiers et leur suspect, qui se prend la dague de jet de Johansen dans l’estomac pour commencer, mais riposte en logeant un carreau dans la poitrine de ce dernier. Ce tilean stand-off, qui aurait pu durer longtemps vu la stupidité des participants2, est toutefois interrompu par une boule de feu impromptue, qui ravage la piaule et réduit le sniper en cendres. Comprenant que cette intervention enflammée était probablement celle du commanditaire, peu soucieux de laisser les enquêteurs interroger le tueur à gages, Johansen indique à son partenaire qu’il serait judicieux qu’il aille rendre une visite de courtoisie à la DGSI impériale, une cellule de la Reiksguard (en civil) enquêtant sur les complots et manigances agitant l’entourage de l’Empereur. Cette organisation moyennement secrète (puisque un simple officier des Lices sait qu’elle existe et où elle opère3), du nom d’Untersuchung, s’est faite une spécialité d’enquêter sur les mages renégats, et pourrait donc aider l’enquête à progresser. Pendant que son collègue passe aux urgences se faire recoudre, Grenner se rend donc sur place.

 

Là, il se fait poliment mais fermement éconduire par ses interlocuteurs, qui ont l’air d’en savoir beaucoup plus qu’ils ne veulent bien en dire sur cette affaire, et ne consentent qu’à lui expliquer la différence entre une boule de feu et une explosion flamboyante. Car non, ce n’est pas la même chose. De retour au poste, Johansen est toutefois briefé par Hoffmann, qui a reçu les infos refusées à son sous fifre par fax pigeon voyageur, sur la situation très délicate dans laquelle ils doivent opérer. La sorcière pyromane se révèle être une certaine Emilie Trautt, mage flamboyante passée libérale depuis quelques années et concubine notoire du fils de Leopold von Bildhofen, Udo, qui passe du coup suspect #1 de l’enquête. Cependant, l’Untersuchung a formellement interdit à ses collègues d’intenter quoi que ce soit envers Trautt, qui pourrait mener le Bureau des Légendes d’Altdorf à de plus gros poissons. Cela n’empêche toutefois pas les Lices de monter un plan audacieux pour protéger le mal-aimé Leopold de ses persécuteurs…
 

Révélation

…Et notre duo infernal, maintenu sur l’affaire par un Hoffmann très peu progressiste quand au concept d’ITT et de congés maladie, de se rendre à la place de leur boss au rendez-vous organisé par Udo afin de discuter des mesures de protection prises par les Lices envers le Comte Électeur. Tout aussi odieux que son paternel, Udo gobe toutefois sans broncher les bobards débités par un Johansen imperturbable, qui lui fait croire que les suspects principaux sont les Kislévites (décidément, il ne les aime pas), et lui révèle les dispositions super secrètes prises par son équipe pour protéger le convoi qui amènera le Comte et sa famille à la réception organisée par l’Empereur en leur honneur le soir même, lorsqu’Udo se met à flipper des tables pour exprimer son mécontentement d’être tenu hors de la confidence. Le piège étant tendu, il est maintenant temps de voir si le poisson va mordre…

 

Aussi, lorsque les rusés officiers changent l’ordre des carrosses banalisés transportant les huiles Middenlander, positionnant celui d’Udo en deuxième position, à la place de celui de Leopold et Siegfried, c’est sans surprise qu’ils constatent la combustion spontanée mais peu naturelle du fiacre. C’est ce qui s’appelle un retour de flamme, je suppose. Bravant les ordres, l’intenable Johansen s’élance ensuite à la poursuite de Trautt sur les toits, ne parvenant pas à refaire son retard (et pourtant, elle était en robe longue) avant que la magicienne utilise ses pouvoirs enflammés pour… partir en lévitation et franchir le mur d’enceinte de la ville, évitant facilement la dague de jet que Johansen lui avait lancée sans sommation. C’en est fini de notre enquête, mais pas du boulot de notre paire de choc, qui devra dès le lendemain faire porter le chapeau de ces tentatives d’assassinat répétées aux, je vous le donne en mille, Kislévites. Comme on dit par chez nous, pas de pitié pour les croissants Cosaques.

 

Pastiche assez transparente de la série policière classique des années 80, mettant en scène des flics débrouillards aux méthodes non conventionnelles mais efficaces pour combattre le crime, Pas de Répit pour les Braves souffre des grosses ficelles parodiques utilisées par l’auteur, d’un duo de héros pas vraiment attachants, et de l’intégration assez grossière de l’Untersuchung (que Wallis mettra au centre de son roman La Marque de la Damnation) à l’intrigue pour des raisons relevant selon moi du teasing pur et simple. Si on peut reconnaître à cette nouvelle un rythme enlevé et une enquête potable, même si pas vraiment spectaculaire en termes de rebondissements4, ainsi que quelques détails fluffiques sur Altdorf et ses forces de po-Lices, à prendre avec des pincettes car reprises par personne d’autre depuis, la Black Library a beaucoup mieux à offrir en termes de nouvelles « policières » se déroulant dans le Vieux Monde, à commencer par L’Affaire de la Cellule Écarlate dans la même anthologie, supérieure sur tous les points à Pas de Répit pour les Braves.

 

1 : Comprendre que le premier est un petit blond raleur, et le second un grand brun à la gâchette facile.

 

2 : Ainsi, l’assassin parvient à se surprendre lui-même lorsque sa manœuvre de diversion à l’encontre de Johansen le mène à regarder également dans la direction vers laquelle il pointait son arbalète, permettant à l’officier de lui balancer un pied de chaise dans la tronche en toute impunité.

 

3 : Rendant son utilisation de mot de passe alambiqué à l’entrée un peu ridicule.

 

4 : En même temps, avec deux suspects identifiés en tout et pour tout, difficile de faire planer longtemps un suspens étouffant. Wallis avait fait beaucoup mieux ceci dit avec sa série Dieter Brossmann (‘The Dead Among Us’ et ‘The Bretonnian Connection’).

 

The Nagenhof Bell - J. Green :

 

 

wfb_the-nagenhof-bell.pngNotre histoire commence avec un paragraphe descriptif expliquant en quelques lignes aussi imagées qu’un mur de classe maternelle1 que, par une nuit sombre et sinistre, frappée par un temps sombre sinistre, et digne du sombre et sinistre dieu de la mort (qui est sombre et sinistre) Morr, un bâtiment sombre et sinistre – le temple de Morr de Nagenhof – est sur le point d’être témoins d’évènements… sinistres et sombres. Ha ! Vous ne l’avez pas vu venir, celui là ! Et, de fait, un trio de ruffians est surpris par le lecteur déjà un petit peu blasé par les effets stylistiques sombres et sinistres de Jonathan Green, très à l’aise dans son rôle de MJ pour CE2, en train de hisser une cloche en haut du beffroi du temple. Le groupe est mené par la figure contrefaite mais très musclée du bossu Otto, recueilli à sa naissance par le prêtre local, Ludwik, après que sa bohémienne de mère soit venue mourir en couches dans son presbytère. En même temps, what did you expect d’un temple de Morr ? Moi je dis que ce n’est pas du tout un fail, à l’inverse de la tentative de Green de pomper discrètement des idées dans des classiques de la littérature. Mais revenons-en à nos bourdons. Otto et ses comparses sont parvenus à installer la nouvelle cloche, qui luit d’un éclat verdâtre peu engageant, à la place de l’ancienne, et le bossu a tôt fait de se débarrasser de ses complices désormais inutiles, dont il empile les cadavres dans la crypte de son lieu de travail. Voilà qui termine le prélude de notre histoire, qui sera, comme vous l’avez compris, sombre et sinistre.

 

Trois jours plus tard, la bande de mercenaires du charismatique (c’est lui qui le pense en tout cas) Torben Badenov est à pied d’œuvre dans la taverne de la Main de Gloire de Nagenhof, tenue par un de leurs anciens frères d’armes, le manchot Dietrich Hassner. Rangé des voitures depuis dix ans, date à laquelle il a perdu la main, Dietrich se voit malgré tout proposer par Badenov de reprendre du service pour aller faire les quatre cents coups dans le Vieux Monde, comme à la bonne époque. Autour de lui, ses compagnons se pintent généreusement à la bière, et il me faut vous les présenter sans plus attendre, par ordre de participation active à la suite de la nouvelle. Commençons par le nobliau maussade mais futé Pieter Valburg, recruté dans la bande à la suite des événements relatés dans Heart of Darkness, qui l’ont vu venger la perte de sa fiancée. Nous avons ensuite le Kislévite à tête de fouine Oran Scarfen, le jeune et incertain Stanislav Hagar, et le colossal trappeur Yuri Gorsk (qui ne servira à rien, vous pouvez donc l’oublier). Ces plaisantes retrouvailles sont toutefois interrompues par un angélus d’un genre un peu particulier, à la fois lancé à l’heure indue de 9h53, et sonné par une cloche à la sonorité…euh…clivante. Sortis hors de la taverne pour s’enquérir de la source de ce raffut, les ivrognes décident, l’alcool aidant, d’aller jeter un œil dans le temple de Morr d’où provient ce vacarme.

 

Dans le temple en question, Otto vient d’avoir une petite discussion avec son père et Père, Ludwik, tout juste rentré d’une veille mortuaire dans l’arrière-pays. Le vieil homme était sur le point de filer une trempe de tous les diables à son fils adoptif pour avoir oublié ses corvées de taillage des cierges, balayage des feuilles et exterminage des rats, qui semblent avoir pullulé en son absence, lorsque le lancement du carillon funeste l’a averti d’un problème bien plus pressant. Un rapide coup d’œil à la crypte, grouillante de vermine et contenant deux cadavres bien mâchonnés par cette dernière, lui a en effet permis de constater que la cloche que les habitants de la ville avaient conservé comme souvenir de leur victoire contre les Skavens il y a dix ans, avait disparu. Pas plus bête que le lecteur de la BL moyen, Ludwik a compris que c’est elle qui sonne désormais, et que c’est son infernal bedeau qui tire sur la corde, dans tous les sens du terme. L’explication de texte entre les deux hommes ne s’est toutefois pas passée aussi bien que le prêtre l’avait espéré, le bossu ayant finalement compris que l’ecclésiastique était son vrai père (qui avait abusé de sa mère), et réglé son complexe d’Œdipe de façon littérale en balançant Ludwik du haut du beffroi, dans un remake essoufflé (le contraire d’inspiré) de Notre Dame de Paris. Car Otto a décidé qu’il était un furry, et compte bien se faire adopter par une nouvelle famille aimante de Skavens, qu’il convoque en faisant sonner la cloche hurlante municipale. Question : pourquoi ? Réponse : La Mer Noire. En tous cas, les ratons ont l’ouïe fine, et la marée murine qui a empli les rues de Nagenhof fait présager du pire pour les braves péquenauds.

 

Nous faisons alors un crochet dans les égouts de la ville, où une cohorte de Skavens menée par le chef de meute Nikkit Skar se dirige vers la crypte du temple, emportant avec elle le Rat Ogre Mâchecrâne. Vous pouvez oublier ces noms dès à présent, car ils ne reviendront plus de la nouvelle, Skar ayant bouclé son cameo et Mâchecrâne redevenant un Rat Ogre anonyme après cela. Contentons nous de nous préparer à un peu de baston sombre et sinistre.

 

Du côté des gentils, la bande de Badenov, suivie par Dietrich, est arrivée devant le temple, a constaté l’heure du décès de Ludwik, écrasé sur le pavé, ainsi que l’infestation ratière dont semble souffrir le lieu de culte. Prouvant à nouveau que son supérieur est une andouille, Pieter a la bonne réaction de monter dans le beffroi pour faire cesser le carillon, alors que Badenov souhaitait simplement poursuivre l’état des lieux. Toutefois, l’arrivée de l’avant-garde Skavens met un terme définitif à son projet, et il résout à la place de retenir les hommes rats à l’intérieur du temple en compagnie de Dietrich, pendant qu’Oran, Stanislas et Yuri y mettront le feu pour empêcher les mutants d’envahir la cité. Aussitôt dit… pas tout de suite fait. D’une part car les Nagenhofer ne se laissent pas immédiatement convaincre de la nécessité d’incendier leur patrimoine culturel, et qu’il faut un beau discours inspirant de la part de Stanislas pour les y pousser (l’approche injurieuse d’Oran ayant bizarrement donné des résultats contrastés). D’autre part car, après avoir contenu à grand-peine les premières vagues Skavens, Badenov et Dietrich se retrouvent confrontés à un Rat-Ogre très en colère, ce qui les pousse à une prudente retraite dans le beffroi. Heureusement pour eux, les assaillants sont aussi abrutis que notre héros, et ne profitent pas de l’occasion pour s’échapper du bâtiment en flammes, et préfèrent lancer leur monstre sur les talons des mercenaires. Un escalier qui s’effondre plus tard, Badenov est contraint de laisser Dietrich s’expliquer en tête à tête avec Mâchecrâne pendant que lui essaie de se rendre utile en s’enquérant du silence radio de Pieter. Ce dernier, d’abord surpris et presque garrotté à mort par Otto, a toutefois fini par prendre le dessus sur son assaillant, et l’a pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’en suive, mettant fin à ses projets d’adoption. Aidé par son incapable de boss, il parvient à décrocher la cloche infernale de sa poutre porteuse, l’envoyant écraser le Rat Ogre en contrebas juste avant qu’il ne puisse donner le coup de grâce à Dietrich, qui mourra avec la satisfaction du devoir accompli. Ceci fait, il ne reste plus à nos deux loustics qu’à effectuer un petit saut de la foi dans une charrette de foin astucieusement positionnée par leurs comparses pour compléter leur mission, et la ruine totale du temple. Il serait cependant litigieux de revendiquer une victoire totale pour l’Empire, la cloche hurlante ayant cassé les oreilles (et pas que) de Nagenhof n’étant pas retrouvée dans les décombres fumantes le lendemain…

 

Tristement égal à lui-même, Jonathan Green livre avec La Cloche de Nagenhof une nouvelle aventure des plus insipides de sa bande de mercenaires fétiche. Pénalisée par le manque d’inspiration de l’auteur, qui recycle péniblement un classique de la littérature pour meubler son intrigue, ainsi que par le style lourd de Green (champion du monde des « comme (si) » et « eh bien »), l’histoire ne brille ni par le fond (mais pourquoi est-ce qu’Otto pensait qu’il serait accueilli à pattes ouvertes par les Skavens ?) ni par la forme (mais pourquoi est-ce que Green informe le lecteur que Dieter a perdu sa main en combattant Mâchecrâne dix ans plus tôt seulement deux lignes avant que les deux personnages ne se rencontrent à nouveau2 ?). Comme à son habitude, Badenov se révèle être un abruti fini, guidé par la sagacité de l’indispensable Pieter Valburg plutôt que par ses propres réflexions brumeuses, et quant au reste de sa bande, elle sert essentiellement de décor humain au drame qui se noue à Nagenhof, démontrant les lacunes qu’a l’auteur à faire évoluer un groupe de personnages de façon crédible et intéressante. Tout le monde n’est pas Dan Abnett ou C. L. Werner. En définitive, on retiendra simplement que Jonathan Green pourrait poursuivre Assassin’s Creed en justice pour plagiat du saut de la foi3, et que le titre de l’omnibus collectant les nouvelles de la bande de Badenov, « les damnés et les morts » tire son origine de la remarque que se fait son leader minimo à la fin de La Cloche de Nagenhof. Ce qui n’est pas lourd, certes.

 

1 : Comprendre qu’il y a beaucoup d’images mais qu’elles sont vraiment pas terribles.

 

2 : C’était pourtant un moyen facile et efficace de faire monter un peu la tension avant l’affrontement. Si Green avait écrit l’Hérésie d’Horus, on aurait appris que l’Empereur était le père de ce dernier au livre 59, pendant une discussion anodine entre Pépé et ses Primarques dans l’ascenseur les menant au téléporteur du Palais Impérial.

 

3 : La nouvelle ayant été publiée en 2001, 6 ans avant la première édition du jeu.

 

Swords of the Empire - D. Abnett :

 

« Cher journalle en pô de shèvre, si je prens la plume aujour dui, bien ke je ne soyes pa un skribhe, mésun chevalié de la Reiksguard, cé ke j’en nai greau et ke le monde doigt savoir. »  Ainsi commence l’histoire narrée par velin caprin interposé par notre narrateur, Jozef von Kassen, qui, pour tromper les longs mois de l’hiver kislévite, s’est mis en tête de chroniquer par le menu les aventures l’ayant amené à squatter avec ses hommes la stanitsa de Kzarla. C’est donc à la chronique d’une chronique, exercice meta en diable, que l’auteur de ces lignes se prête ici, sur un support bien moins classe qu’un parchemin de biquette je le reconnais, mais nécessité fera loi.

 

Notre récit débute à Altdorf, où von Kassen est chargé par ses supérieurs d’escorter la vadrouille d’Udo Jochrund, maître sorcier du Collège Lumineux et spécialiste de la magie tribale kislévite, sur son terrain de prédilection. Accompagnés d’une vingtaine d’hommes d’armes, notre héros doit assurer la sécurité de sa charge pendant qu’elle recensera les fascinantes traditions chamaniques des peuplades du grand Nord, entreprise qui semble occuper la plus grande partie des étés de Jochrund. Von Kassen, qui est une âme simple, se méfie d’abord des pouvoirs occultes dont son compagnon de voyage dispose, mais la pédagogie dont ce dernier fait usage pour convaincre son protecteur un peu concon qu’il n’a rien à craindre, et la gentillesse manifeste de l’érudit1, finissent par gagner la confiance du soldat. Commence alors un périple long de plusieurs mois, permettant à l’expédition de visiter quantité de communautés kislévites, au lecteur d’apprendre pas mal de choses sur nos personnages (à commencer par l’intérêt fort et sincère que porte von Kassen à tout ce qui à trait aux chèvres2) et sur la culture locale, à Jochrund de collecter des tonnes d’échantillons et de témoignages, et à Abnett de remplir facilement une vingtaine de pages, ou une peau de chèvre entière dans le cas de son héros. Ceci dit, le périple n’est pas sans rencontrer quelques difficultés occasionnelles, comme la fois où les aventuriers ont dû batailler pendant une heure pour repousser l’assaut de brigands locaux, pour un résultat sans appel – mais un peu surprenant si on prend compte la longueur de l’affrontement – de quatre morts à zéro3.

 

Les choses deviennent un peu plus sérieuses lorsque la petite troupe atteint le village septentrional de Svedora, nommé ainsi à cause du chapeau traditionnel que tous les hommes célibataires avec collier de barbe portent. Eprouvés par des mois de marche à travers les plaine du Kislev, les impériaux ont une allure plutôt miteuse, ce qui mène le krug local à leur barrer la route d’un air menaçant. Von Kassen parvient toutefois à dissiper ce fâcheux malentendu, gagnant la confiance de son homologue, un beau gosse à l’armure et l’épée étincelantes, et à la moustache soyeuse, du nom de Subarin. Accueillis en grande pompe par leurs hôtes, les voyageurs savent qu’il ne leur reste que peu de temps pour faire demi-tour, l’arrivée prochaine de l’automne menaçant de les isoler pour la mauvaise saison dans une stanitsa de troisième ordre. Aussi, c’est avec une lassitude non feinte que von Kassen s’entend réclamer par le sorcier un nouveau délai, pour aller visiter une ultime communauté située à quelques jours de voyage au Nord de Svedora.

 

Guidés par un trio de guerriers locaux, dont Subarin qui souhaite apparemment concrétiser sa bromance naissante avec von Kassen, les impériaux parviennent à leur destination, Kzarla, mais non sans avoir essuyé une embuscade de la part d’une bande de Kuls agressifs, et perdus quelques membres de l’équipée au passage. Après avoir à nouveau négocié leur entrée dans le village auprès du krug local, les riders de l’extrême sont envoyés crécher dans une yourte à l’extérieur de la communauté, qui est sur le point de célébrer un rituel important pendant lequel aucun étranger n’est toléré intra muros, exception faite de Jochrund et de son assistant, Sigert. Le comportement maniaque de sorcier a cependant alerté von Kassen, et lorsqu’il assiste à ce qui ressemble beaucoup à une procession sacrificielle emmenant une accorte damoiselle locale jusqu’à l’île où se situe le temple local, le preux chevalier ne peut rester dans sa tente à se saoûler au koumiss, comme ses camarades. Faisant fi de l’interdit, il se précipite donc dans le village, épée à la main…
 

Révélation

…Ses suspicions se trouvent confirmées lorsqu’il aperçoit Jochrund et Sigert en train d’assister le chamane de Kzarla dans ce qui ne peut être qu’un sacrifice païen de la pauvre vierge droguée. Sans chercher à réfléchir, et comme le vrai GOAT qu’il est, von Kassen interrompt la cérémonie, se saisit de la fille et repart dare-dare vers sa yourte, ayant poussé le chamane dans la flotte gelée et décapité ce fourbe de Sigert au passage, lorsque l’acolyte lui avait planté une dague dans la cuisse. Quant à Jochrund, dont la manie de toujours porter des gants a trouvé une explication logique mais chaotique pendant ce tohu-bohu (les mains du sorcier étaient en fait des griffes), il a écopé d’une javeline de la part de l’estimable Subarin dans la hanche pour sa peine.

 

La perfidie du sorcier est confirmée par le recueil du témoignage de la donzelle (Mariya), une fois redescendue de son bad trip. Von Kassen apprend ainsi que ce jocrisse de Jochrund a convaincu le chamane local de procéder à un véritable sacrifice – auparavant, les Kislévites se contentaient d’en mimer un, n’étant pas les brutes épaisses pour lesquelles von Kassen les tenait – afin de s’assurer de la réussite d’un rituel de clémence météorologique. Ce qui n’a l’air de rien dit comme ça, mais aurait permis aux hordes de cet obscur chef de guerre du nom d’Arcachon, ou quelque chose comme ça, d’envahir le Kislev et l’Empire plus tôt que normalement possible. Avant de pouvoir alerter ses supérieurs de la duplicité du mage et du grave péril dans lequel le Vieux Monde se trouve, von Kassen doit toutefois négocier un ultime contretemps : l’arrivée d’une large bande de Kurgans convoqués par Jochrund, qui compte bien laver Mariya de tous ses péchés d’un coup de surin enchanté, pour offrir un hiver clément à son boss. Se battant à plus de un contre quatre, le krug local ayant été envoyé chasser le dahut par les manigances de Jochrund quelques jours plus tôt, nos vaillants héros livrent toutefois bataille avec bravoure, perdant la majorité des leurs sous les coups des maraudeurs mais prélevant un lourd tribut parmi leurs assaillants. Alors que tout semblait perdu, le retour inespéré de lanciers ailés de Kzarla scelle la déroute des chaoteux, tandis que Jochrund se fait occire par l’incontournable Subarin d’un revers de sa prodigieuse épée. Il est toutefois trop tard pour que von Kassen et ses survivants puissent faire demi-tour, et c’est ce qui explique le zèle littéraire de notre héros, déterminé à laisser une trace de son passage même s’il devait périr de la grippe saisonnière avant le retour des beaux jours. Voilà un dévouement digne d’éloges.

 

Dan Abnett poursuit sur la lancée (et les lanciers) des Cavaliers de la Mort avec Les Epées de l’Empire, récit d’aventures dans les steppes du Kislev mettant un noble héros aux prises avec les infâmes forces du Chaos, qui peuvent parfois revêtir des traits familiers. Parvenant à nouveau à embarquer le lecteur dans l’exotisme de cette civilisation méconnue sous bien des aspects, l’auteur combine avec maestria action trépidante, intrigue satisfaisante et immersion fluffique poussée. C’est propre, c’est net, c’est Abnett à son meilleur en matière de nouvelles siglées Warhammer Fantasy Battle, et en plus, c’est traduit en français : que demande le peuple ?

 

1 : Ne jamais sous-estimer le pouvoir du mystérieux sourire de (la) Jochrund.

 

2 : Ainsi, il prend bien soin de préciser que le départ s’est fait à la St Talve, le patron de l’agnelage, information notable sans aucun doute. Après tout, comme il le dit lui-même : « tout ce qui compte aujourd’hui pour moi peut se mesurer en chèvres ».

 

3 : À moins que le différent n’ait été réglé par une partie de Blood Bowl, ce qui reste une possibilité.

 

Shyi-Zar - D. Abnett :

 

La Fin des Temps se prépare doucement mais sûrement dans le grand Nord du Vieux Monde, et les clans des tribus nomades se rassemblent dans la steppe au sortir de l’hiver afin de descendre souffler dans les bronches de Karlito France, sous la houlette du Haut Zar Surtha Lenk. Si participer à une invasion chaotique est déjà une chance et un privilège pour tous les Kurgans, Dolgans et autres Gospodars vivants à cette époque remarquable, certains visent encore plus haut, et tant pis pour l’adage de Pierre de Coubertin. C’est le cas du Zar Karthos, qui malgré son nombre limité de followers (dix guerriers, un sorcier et une chèvre), décide après avoir reçu le feu vert de son chaman, de déposer sa candidature au The Voice chaotique : l’élévation au rang de Shyi-Zar.

 

Sur le chemin de la cérémonie, présidée par Lenk en personne, Karthos croise la route de vieilles connaissances, certaines amicales et d’autres hostiles, comme le Zar Blayda et son tempérament de petite frappe. Ce blédard de Blayda a aussi mis son nom dans le Gobelet de Feu, ce qui en fait un rival officiel de notre héros. L’épreuve qui est proposée aux candidats est d’une simplicité élégante : Surtha Lenk sort une griffe de fort belle taille de sa boîte à rabiots, et promet le job à quiconque parviendra à lui ramener une copie conforme (sans doute pour terminer une conversion ambitieuse en vue du prochain Golden Demon). Sans plus d’indications sur quoi et où chercher, les impétrants s’égaient du campement principal dans toutes les directions, à la recherche d’indices ou d’inspiration.

 

Suivant les conseils de son sorcier (la chèvre était encore plus smart, mais elle n’est plus en état d’aider quiconque maintenant), Karthos entraîne sa bande de maraudeurs en direction du campement de Tehun Dudek, occupé par une communauté d’oracles. Ces derniers devraient être en mesure de donner aux baroudeurs de la pampa quelques tuyaux bien juteux et ainsi faciliter l’accomplissement de la quête de Surtha Lenk. Il s’avère rapidement que notre petite bande n’a pas été la seule à avoir cette idée, et comme elle a fait la grasse matinée au lieu de partir au petit jour, elle a été devancée par une partie de Dolgans dont le chef est un des candidats au titre de Shyi-Zar. Comme les Dolgans sont en train de massacrer les oracles au lieu de leur poser des questions, Karthos ordonne immédiatement la charge de la brigade légère, qui se solde par un 20 – 0 des familles. Si ce n’est pas un signe que Tzeentch favorise notre héros, je ne sais pas ce que c’est.

 

Après une longue et fumeuse discussion avec les oracles survivants, le mystère sur l’origine de la bête recherchée par les traqueurs est levé. Il s’agit d’une griffe de… griffon (ça donne mieux en anglais, faut le reconnaître). Le hic est que cette créature, aussi appelée annonciateur par les Kurgans, qui croient que sa venue présage de grands événements, est tenue pour sacrée par les tribus du grand Nord, ce qui fait d’abord craindre à Karthos que ses suivants crient au blasphème et refusent de l’épauler. Fort heureusement, le chef réussit son jet de charisme et aucun de ses guerriers ne fait défection, ce qui lui permet d’accéder au niveau final de sa quête avec une équipe complète.

 

Et ce support n’est pas de trop, car le spécimen sur lequel nos braves barbares tombent présente un fort beau gabarit ainsi qu’un caractère peu facile. Au terme d’un combat bien plus accroché que l’empoignade avec les Dolgans (quatre morts dans la Karteam tout de même), les maraudeurs terrassent l’acariâtre volatile, ce qui permet à Karthos de repartir en direction du campement tribal avec la griffe tant désirée. Les survivants croisent Blayda et ses loubards sur le chemin du retour, mais le rival de notre héros est suffisamment fair play pour ne pas tirer parti des plaies et des bosses de ses concurrents pour leur arracher le vif d’or. C’est tout à son honneur. Une fois rendu sur place, Karthos se présente devant Surtha Lenk et demande à ce que la récompense promise lui soit remise…

 

Révélation

…Ce qui consiste à être sacrifié avec sa bande pour servir de wingmen au Haut Zar auprès des Dieux du Chaos, au cas où l’invasion de l’Empire se passerait mal pour lui. Et il paraît que c’est un grand honneur chez les Kurgan ? Très peu pour moi. La nouvelle se termine donc sur la vision du cadavre Karthos et de ses hommes, disposés comme s’ils partaient à cheval en direction de l’Est, afin de préparer l’arrivée de Surtha Lenk dans l’au-delà. J’espère qu’on leur paie les heures sup’.

 

Vous reprendrez bien un peu de ‘Riders of the Dead’ ? ‘Shyi-Zar’ se présente en effet comme un complément et préquel (comme la présence de ce bon vieux Blayda, également présent dans le roman susnommé) du bouquin consacré par Dan Abnett aux prémisses de la Tempête du Chaos, et la magie de conteur de Papa Gaunt agit encore une fois. C’est tout à la fois prenant, exotique, violent, cruel et mystique, généreusement garni en fluff et très bien construit d’un point de vue narratif : bref une masterclass en bonne et due forme de la part d’Abnett, pour ce qui a été l’un des derniers textes qu’il ait écrit pour Warhammer Fantasy Battle. On peut s’accorder à dire qu’il a réussi sa sortie.

 

As Dead as Flesh - N. Kyme :

 

WFB_As Dead as FleshAlors qu’ils purgeaient tranquillement1 sereinement quelques Zombies dans une localité non identifiée mais définitivement mal famée de l’Empire, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner doit composer avec les blessures assez sévères de quelques-uns de ses membres, forçant la sinistre compagnie à faire grand train vers la bourgade la plus proche (Hochsleben) afin de confier ces derniers aux bons soins de l’hospice de Shallya qui s’y trouve. L’ambiance n’est toutefois pas rose dans le patelin, comme le rapporte le diacre alcoolique (Dolmoth) qui tient la permanence morrienne du lieu. Notre homme a des raisons de forcer sur la piquette en effet : tous les jours depuis plusieurs mois, un cadavre frais, et la plupart du temps, délesté d’une partie de son épiderme, est déposé sur les marches de son office, ce qui lui fait faire des heures supplémentaires excessives. N’ayant rien d’autre à faire en attendant que leurs blessés soient remis ou rejoignent le big boss, Reiner et ses sbires (Mikael, Halbranc, Kalten) offrent leur aide afin de débusquer le sinistre Reaper qui tourmente la cité.

 

L’enquête commence par une autopsie en bonne et due forme, réalisée au sous-sol du temple de Morr par un acolyte dénommé Merrick, qui s’est trouvé un bon petit business au vu du taux de criminalité de Hochsleben. Le malheur des uns… Notre homme n’a toutefois pas grand-chose de neuf à apporter aux investigations, le cadavre présentant toutes les marques habituelles de ce farceur de Reaper. On apprend toutefois au détour de la conversation, que le doc’ a récemment perdu son fils, piétiné par la brigade montée impériale pendant une manifestation de surcôts flaves s’étant mal terminée. Triste. Tout le monde ne s’appelle Felix Jaeger et ne dispose pas d’un pote Tueur Nain imbutable et imbitable pour lui servir de garde du corps. Utilisant les quelques indices glanés au cours des mois précédents et de leur solide bon sens, les Templiers procèdent à quelques interrogatoires de suspects, dont le tanneur de la ville (Lothmar), qui vit reclus dans son échoppe et arbore un masque de cuir pour camoufler les graves brûlures que ses activités professionnelles lui ont valu. Le délit de faciès n’étant pas combattu dans l’Empire, le vaillant petit tanneur est à deux doigts de finir en coupable tout désigné, lorsque de nouveaux évènements viennent relancer l’enquête.

 

Alors qu’ils se détendaient à l’auberge après cette rude journée, les chevaliers de Morr sont alertés par les cris perçants d’une honnête péripatéticienne, qui a croisé un individu portant ce qui lui a semblé être un cadavre sur son dos. Comme quoi, si on n’est pas très malin à Hochsleben, on est au moins ponctuel. La course poursuite qui s’en suit, mettant aux prises Mikael et Halbranc avec le mystérieux portefaix, se solde toutefois par un échec complet pour les nobles Templiers, le second s’écroulant par la faute d’un point de côté après quelques pas, et le premier faisant de même lorsque sa proie réussit à le poignarder au détour d’une allée, ce qui le met KO pour quelques temps. Il a toutefois la présence d’esprit d’arracher à son agresseur une partie de ses effets, qui se révèlent être un masque très similaire à celui porté par le tanneur. L’enquête progresse ! Se réveillant à la taverne (à croire que l’hospice local était bondé), Mik’ dégaine toutefois l’arme fatale des guerriers de Morr et des auteurs peu inspirés, une bonne vision prophétique des familles, qui lui a montré toute sa compagnie zombifiée. C’est plus qu’il n’en faut pour convaincre notre héros, accompagné du prêtre de la bande (Sigson), de se lancer à la poursuite de leurs frères d’armes afin de s’enquérir de leur bonne forme (en commençant évidemment par les valides, parce que les comateux peuvent se défendre tous seuls, c’est bien connu)…

 

Révélation

 

…Pendant ce temps, Reiner et Cie se sont rendus chez le fameux Lothmar pour une petite explication de texte, mais encore une fois, l’entreprise s’est terminée par des plaies et des bosses, l’intraitable Capitaine mordant à son tour la poussière sous les horions d’un guignol maléfique. Rattrapé par Mikael et Sigson, qui ont croisé Halbranc en compagnie de Merrick sur le chemin (mais non, c’est pas compliqué), Reiner explique à ses hommes que Lothmar était déjà mort à son arrivée, ce qui le retire de la liste des suspects2. Cependant, la disparition de Kalten, qui accompagnait son supérieur sur les lieux, constitue une nouvelle énigme que les Maures doivent résoudre. Heureusement, Sigson connaît un rituel qui permet aux enquêteurs de mener un interrogatoire express de feu Lothar, révélant un indice capital : son tueur puait. Aha.

 

Sur ces entrefaites, débarquent de nouveaux personnages (comme si l’intrigue n’était déjà pas assez embrouillée comme ça), un Prêtre Guerrier de Sigmar (Rathorne) et son sidekick renifleur Vislen. Il s’avère que Rathorne est également sur la piste du Reaper, et, plutôt que de se présenter à ses confrères de culte, a préféré suivre leurs progrès du coin de l’œil, jusqu’à maintenant. Son aide, ou plutôt celle de son larbin, s’avère toutefois précieuse car elle permet d’identifier l’odeur qui colle aux habits de Mikael comme celle de liquides d’embaumement. Bref, c’est Merrick le coupable, comme tout lecteur avec deux neurones fonctionnels l’avait compris dès l’instant où Kyme avait révélé la mort tragique du fils de ce dernier.

 

La nouvelle peut enfin entrer dans sa phase finale, avec les héros en état de combattre faisant s’abattre leur juste colère sur le repaire du malfaisant. Pour équilibrer un peu les choses, le doc’ peut compter sur l’appui de l’entité maléfique qu’il a réussi, on ne sait trop comment, à ramener depuis les morts, et qui lui a promis son aide pour ressusciter son fils en échange de cadavres frais (mais jamais assez, si cela fait trois mois que Merrick surine à tout va). La baston qui s’engage se termine comme de juste par un incendie généralisé du temple de Morr, qui a raison de l’hôte de Voldemorr (ce pauvre Kalten), et permet donc à Hochsleben de refermer cette page douloureuse de son histoire. Cependant, l’absence du cadavre de Merrick dans les décombres du lieu saint, et la vision fugace de ce dernier respirant une mystérieuse fumée noire3 exhalée par un Kalten possédé, fait craindre le pire à nos zélés Templiers…

 

 

Avec ce As Dead as Flesh, Kyme livre une nouvelle réussissant l’exploit d’être à la fois trop simple et inutilement complexe dans son intrigue. D’un côté, l’enquête à laquelle se livrent les héros se trouve être résolue par le lecteur un minimum familier des techniques narratives du genre (« oh, un personnage secondaire sur lequel l’auteur nos donne des précisions nous permettant de l’identifier facilement par la suite, et disposant d’une bonne raison d’en vouloir à ses concitoyens… ») moins d’une page après avoir été commencée. De l’autre, les allers et venues de la galerie conséquente de personnages convoqués par Nick Kyme pour soutenir son propos brassent de l’air et des pages, et leurs chassés croisés occupent la majeure partie du propos. Si on ajoute à cela le fait que les personnages en question n’ont pas grand-chose d’intéressant ou d’attachant (même si la pusillanimité de Mikael, qui a peur de beaucoup de choses depuis le jugement de Reiner jusqu’à la grosse voix du tavernier, se révèle être une caractéristique « mémorable »), on se retrouve avec une sorte de mauvaise pièce de théâtre de boulevard tragico-fantastique, mélange assez indigeste et surtout, très peu intéressant. Je ne peux donc pas assez conseiller aux amateurs du genre de se pencher sur les travaux, assez similaires dans l’esprit mais beaucoup plus aboutis dans la forme, que Josh Reynolds a consacré au très saint et très violent Ordre de Manann, afin de plonger dans le quotidien trépidant de Templiers impériaux. Malheureusement pour Kyme, less is Morr…

 

1 : Difficile d’être tranquille quand on se bat contre des adversaires capables de percer l’acier d’une cuirasse à main nue. Les Zombies de Kyme ont pris des stéroïdes, ce n’est pas possible autrement.

 

2 : En fait, le tanneur était albinos, ce qui explique pourquoi il ne sortait pas le jour. On s’en fout au final mais Kyme tenait à ce détail, donc autant le préciser ici.

 

3 : Le qualificatif est important, car au milieu d’un incendie, des fumées noires classiques, ce n’est pas ce qui manque.

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Dead Man's Hand - N. Kyme :

 

Dans une geôle humide et froide d’une forteresse du Stirland profond, un prisonnier patibulaire parvient à fausser compagnie à ses gardes en s’échappant par les égouts. Bien que se sachant recherché, notre homme prend le temps de marquer les cadavres des infortunés matons ayant croisé sa route avec un signe de scarabée, ce qui ne lui sert absolument à rien mais permettra à l’intrigue de tenir à peu près la route, donc merci bonhomme (Krieger de son patronyme), tu gères. Ce sinistre individu prend la route de la ville de Galstadt, où Kyme nous apprend qu’il va pouvoir mettre à exécution sa VENGEANCE vengeresse. Quel suspens mes aïeux.

 

On passe ensuite à l’introduction de nos héros, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner, déjà croisée dans ‘As Dead as Flesh’. Les chevaliers ont été chargés par leur hiérarchie de seconder un Chasseur de Sorcières sigmarite (Dieter Lenchard) dans une mission dont la teneur est restée secrète. On peut dire que le respect est Morr. Lenchard était chargé d’interroger puis d’exécuter Krieger pour hérésie, mais sa disparition prématurée vient plomber le mood de la journée. L’ambiance était de toute façon assez lourde chez les Men in Black, Reiner détestant tout le monde de base et soupçonnant sa plus jeune recrue, Mikael, de lui avoir caché les visions prophétiques que ce dernier a effectivement eu au précédent épisode. Après une petite séance de spiritisme menée par le prêtre guerrier de la bande (Sigson), qui fait office de légiste et medium, la troupe prend elle aussi le chemin de Galstadt sur l’ordre de Lenchard, qui semble avoir une idée précise de ce que recherche le fugitif, mais sans évidemment juger bon de s’en ouvrir à ses gardes du corps.

 

Dans la cité en question, deux événements majeurs prennent place en simultané : uno, le Comte local, Gunther Halstein, revient d’une expédition menée au Pays des Morts (aussi appelé Nehekhara) en compagnie des chevaliers du Cœur Ardent, d’où il a ramené une mystérieuse relique qu’il s’empresse de faire mettre sous clé, ainsi qu’une sale blessure non cicatrisée et probablement mortelle à moyen terme, héritée de ce gredin de Krieger. Deuzio, la rivière locale menace d’entrer en crue, ce qui ne sert pas à grand-chose au final à part permettre à Kyme de faire courir sa petite ménagerie de personnages entre la caserne et le lieu où les PNJ cherchent à endiguer l’impétueux torrent. Parler des risques physiques dès 2007, il fallait être précurseur. Bravo Nick Kyme.

 

Comme on pouvait s’en douter, les Templiers de Morr ne mettent pas longtemps à rencontrer Halstein et sa clique, et le résultat fait des étincelles. Non pas que cette assemblée d’augustes personnages parviennent à faire la lumière sur les agissements de Krieger, qui s’amuse à trucider des troufions pendant que les vrais héros vaquent à leurs occupations, mais plutôt que les deux factions manquent de se mettre sur le heaume dès qu’ils s’adressent la parole. Je ne savais pas que les ordres de chevalerie de l’Empire souffraient d’Animosité, mais on en apprend tous les jours.

 

Après quelques péripéties très dispensables, on finit par y voir un peu plus clair : la relique ramenée par Gunther Halstein n’est autre que Falken Halstein, son propre père, qui disparut dans le grand Sud il y a des années après avoir occis le Roi des Tombes Setti-Ra (rien à voir avec Settra, bien sûr). Le hic est que 7-I avait des fans, le culte des Scarabées (appelé ainsi parce que ses membres fondateurs se nomment John, Paul, George et Ringo), persuadés que leur idole peut être ressuscitée par un rituel qui nécessite le cœur du vainqueur du grand roi. Ou à défaut, celui de son héritier. Donc Gunther. Sauf que Setti-Ra a pris les devants, et possédé le cadavre de Falken Halstein. Et c’est en fait lui qui est responsable des morts suspectes qui s’accumulent depuis le retour de l’expédition, et pas ce gredin de Krieger (lui aussi un petit Scarabée), qui d’ailleurs se fait étrangler par son patron sur un affreux malentendu et sans que Kyme se donne la peine de mettre la mort de son personnage principal (jusqu’ici) en scène. Tout cela est d’une limpidité absolue.

 

Au final, et comme attendu, l’histoire se règle par une baston classique entre les Templiers de Morr, Lenchard et Halstein d’un côté, et Setti-Ra Halstein de l’autre. Pour équilibrer un peu les débats, Kyme donne à la momie 7 en Force et 8 en Endurance, ce qui permet de faire durer le match quelques pages, jusqu’à ce qu’une habile combinaison tapisserie enrouleuse + torche enflammée vienne à bout du revenant. Tout est bien qui finit bien ?

 

Révélation

…EH NON. Je ne sais pas pourquoi j’utilise un spoiler pour ça, c’est faire trop d’honneur à cette histoire navrante, mais comme il s’agit techniquement d’un twist final, je vais jouer le jeu. Il s’avère donc que les Scarabées étaient venus au nombre démentiel de deux, dont un gus qui s’était déguisé en prêtre mendiant aveugle, et qui profite de la crédulité et de la dévotion du Comte Halstein pour lui tomber sur le râble et lui voler le cœur après s’être proposé de bénir les cendres paternelles. Ce qui veut dire que Setti-Ra va pouvoir être ressuscité <gasp>. Comme Lenchard ne veut absolument pas que cela se produise pour une raison qui ne sera jamais révélée ici, la nouvelle se termine sur le départ en trombe des Morrons de Galstadt, dans l’espoir de rattraper le dernier cultiste avant qu’il ne soit trop tard. C’est ce qui s’appelle prendre sa mission très à cœur. Mouarf.

 

Dans la droite lignée de ‘As Dead as Flesh’, dont cette nouvelle prend la suite directe, Nick Kyme nous sert une nouvelle se voulant être un whodunit à la sauce impériale, mais qui se révèle être un enchaînement de péripéties oscillant entre le suranné et l’incohérence. Une fois encore, le propos pâtit d’un trop grand nombre de personnages, dont seuls quelques-uns parviennent à faire suffisamment impression au lecteur pour que ce dernier parvienne à les resituer dans le récit au fil de leur apparition, et souvent pour des mauvaises raisons. Entre Reiner et Lenchard qui se disputent le titre de Mister Connard, Mikael qui a toujours peur de son ombre et essaie de son mieux d’imiter Brin Milo1 sans susciter autre chose que de la crispation, Gunther et son armée de chevaliers interchangeables, ou les Templiers de Morr qui pourraient aussi bien s’appeler « Grokosto », « Jumeaux » et « Vieussage » sans perdre une once de personnalité, c’est un festival de têtes à claque auquel on a droit ici. Et quand l’intrigue part en roue libre (j’ai un antagoniste qui est le personnage le plus important de l’histoire… jusqu’à ce qu’il se fasse buter hors champ et qu’on en parle plus jamais) et que l’action devient confuse (baston dans la crypte où tout le monde sort/entre/tombe/court en même temps), difficile d’éprouver de la bienveillance pour la prose du (à l’époque) jeune Kyme. Comme notre homme a fait encore pire en son temps, et que ces travaux-là avaient au moins le bon goût d’être totalement nanaresques (et donc beaucoup plus drôle), on peut tout à fait s’épargner la lecture de ‘Dead Man’s Hand’ et se concentrer sur le meilleur du pire (ou l’inverse) de cet auteur. Ou lire des bons bouquins. Ça marche aussi ?

 

1 : Un personnage des ‘Fantômes de Gaunt’ (Dan Abnett, 40K), qui se découvre lui aussi des pouvoirs de divination bien utiles pour l’intrigue, mais dangereux pour sa survie.

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Sanctity - N. Kyme :

 

Alors qu’on les avait laissés en compagnie d’un Chasseur de Sorcières à traquer une secte dédiée à la résurrection d’un Roi des Tombes au cœur du Stirland à la fin de l’épisode précédent (‘Dead Man’s Hand’), nous retrouvons la compagnie de Templiers de Morr de ce joyeux drille de Reiner 1) sans chaperon, 2) dans la Drakwald, 3) à la recherche d’un mage de feu appartenant au culte de la Main Enflammée, et 4) renforcée par un chevalier inconnu au bataillon (Köller), dont la particularité est de partir en courant dans une direction aléatoire à la poursuite d’une mystérieuse apparition qu’il est le seul à voir toutes les deux pages et demi. La continuité, c’est surfait1. On retrouve à part cela les têtes de Morr renfrognées mais connues de cette fine équipe, à savoir le visionnaire et pusillanime Mikael, le stoïque et robuste Halbranc, le sagace et chenu Sigson, et les jumeaux Valen et Vaust.

 

La chasse à l’homme engagée par les chevaliers est vite oubliée lorsque Köller tape son meilleur sprint sans crier gare et amène tout ce beau monde jusqu’au village de Hochenheim, dont l’aspect décati indique qu’il a connu des jours meilleurs. Et en effet, la bourgade a récemment fait l’erreur de laisser entrer en son sein un Carnaval du Chaos, qui eut tôt fait de convertir les honnêtes villageois au charme discret de la bourgeoisie Nurgle. Avant que Köller n’ait pu s’expliquer sur les raisons de sa course folle auprès de son supérieur, les clameurs d’un combat retentissent un peu plus loin dans le village, ce qui pousse les Templiers à aller s’enquérir de la situation. Constatant qu’une petite force de chevaliers impériaux se fait malmener par les hordes putrides de Nurgle, nos héros n’hésitent pas longtemps avant de prendre fait et cause pour leurs collègues, mais se font finalement repousser par le nombre jusqu’au temple local, que les défenseurs barricadent pour tenir en respect les prouteux.

 

Profitant d’un temps Morr dans les hostilités, les deux confréries se présentent officiellement, et on apprend ainsi que les nouveaux venus sont des chevaliers de Krugedorf, un noble local dont le blason figure (c’est important pour la suite) deux cerfs barbus (?) se faisant face. Bien bien. Ils ont été envoyés par leur seigneur récupérer une sainte relique dans le temple dans lequel la troupe a trouvé refuge, mais l’opération s’est trouvée retardée par la présence d’une sorcière capable d’invoquer des spectres dans la salle du tabernacle. Si si. Qu’à cela ne tienne, Reiner envoie le brave Sigson exorciser tout ça dans le plus grand des calmes, pendant que le reste de la compagnie défend la position contre les intermittents du spectacle. Il faut cependant croire que ces derniers sont partis manifester pour leur retraite pendant l’après-midi, car il ne se passe rien pendant suffisamment longtemps pour que Mikael s’endorme et, je vous le donne en mille, ait une vision dans laquelle il voit deux cerfs barbus s’affronter. Je ne suis pas expert mais je pense que Nick Kyme nous donne un indice sur la suite des événements ici.

 

Finalement, les hostilités finissent par reprendre et les covidés repartent à l’assaut des cervidés et de leurs alliés. Une vaillante défense de ces derniers permet de gagner un court répit, mais les survivants décident de se replier jusque dans la salle des reliques, où Sigson est occupé à bannir les esprits sans repos. Il parvient à ses fins juste au moment où les Nurgleux repartent à l’attaque, ce qui va déclencher une perfect storm narrative…

 

Révélation

 

…Pour commencer, le chef des chevaliers de Krugedorf (Heinrich), abandonne le combat pour se ruer vers le saint des saints, juste au moment où Mikael réalise en pliant un bout de tissu qu’il avait ramassé pour lui servir de bandage quelques heures plus tôt que l’emblème de ses nouveaux copains n’est pas deux cerfs barbus, mais une main enflammée2. Car oui, les Krugedorfer étaient en fait des MECHANTS. Et pour prouver leur vilénie, il leur pousse soudainement des mutations très visibles (crocs, langue serpentine, armure fusionnée au corps…), que personne n’avait jusqu’à présent remarqué. Heinrich se met ensuite à supplier un certain Dormamu (avec un seul -m) de le suivre sur Instagram, pendant qu’un free for all bordelique à souhait s’engage entre les Templiers de Morr, les chevaliers du Chaos, les cultistes de Nurgle, et les spectres que la sorcière-qui-était-en-fait-une-enchanteresse parvient à réinvoquer après trente secondes de cool down. Quand la poussière retombe, un paragraphe et demi plus tard, tous les affreux ont été miraculeusement tués/bannis/incinérés, ne laissant plus que les gentils dans le temple.

 

Il est alors temps pour Kyme de tenter de clore son propos avec un peu de dignité en donnant quelques explications salutaires à son lectorat. L’enchanteresse révèle qu’elle est la dernière d’une longue lignée de gardiens de ce lieu, sacré pour une raison pas vraiment claire, et qui est attaqué tous les cent ans par des vilains très vilains (Mikael avait eu un rêve de cet ordre en début de nouvelle). Fort heureusement, à chaque fois des nobles paladins sont venus défendre la relique et son gardien, et l’un d’entre eux a toujours endossé le rôle du protecteur de ce lieu consacré après la bataille. « Ah je crois que c’est de moi dont on parle » annonce Mikael… sauf que non. Enorme râteau et gros moment de solitude : c’est en fait Köller qui est chargé de ramener l’équilibre dans la Force. Ouh la gênance. La rustine narrative étant posée, l’enchanteresse meurt de vieillesse, Kökö la remplace poste pour poste, et les Templiers de Morr repartent faire un rapport à la commanderie la plus proche. La légende raconte qu’ils y sont toujours.

 

 

Cette dernière soumission Morresque de Kyme s’avère encore plus confuse que les deux précédentes, ce qui constitue un authentique exploit. Un exploit en nullité mais un exploit quand même. C’est bien simple, absolument rien n’est logique3 ni bien amené dans les choix opérés par l’auteur, et si on arrive tout de même à suivre à peu près où il souhaite en venir, l’expérience est très loin d’être agréable4. Il est tout de même surprenant qu’aucun éditeur de la BL n’ait intimé à ce contributeur dont les ambitions dépassaient de très loin les capacités de mettre en scène une intrigue simple mais robuste, plutôt que de le laisser divaguer sur trente pages et signer un gloubiboulga de nouvelle dont on sort écœuré et/ou sardonique. C’est très dommage pour les Templiers de Morr, qui étaient pourtant taillés pour faire des héros très intéressants de la GW-Fiction, et pour le Carnival du Chaos, qui avait aussi un gros potentiel que Kyme n’a pas su révéler. La vie est injuste, c’est ainsi.

 

1 : J’ai tout de même poussé le vice jusqu’à faire quelques recherches pour m’assurer que je n’avais rien raté dans l’ordre de publication de cette série, mais il semble bien que non.

 

2 : Il est à peu près certain que Kyme a dû faire des dessins pour construire ce retournement de situation, et je paierais cher pour les voir.

 

3 : Kyme consacre ainsi la première dizaine de pages de sa nouvelle à présenter le meneur du Carnaval de Nurgle (Zanikoff) et son animal de compagnie (Molmoth) pour ne plus jamais les mentionner nommément par la suite. 

 

4 : Hasard de la littérature, un concept d’histoire très similaire a été exploré par un autre contributeur de la Black Library (Robert Allan, dans ‘Son of the Empire’). C’est autrement plus réussi et restera la référence du genre « chevalier(s) défendant un temple ».

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The Miracle at Berlau - D. Hinks :

 

The Miracles at BerlauDuel au sommet assommant entre un Prêtre-Guerrier de Sigmar hanté par son passé (Jakob Wolff) et le chef d’une bande de maraudeurs du Chaos (the Reaver) dans un temple abandonné. Entre deux échanges de mandales et de French kisses – the Reaver se battant principalement à coup de suçons – le mystère des origines de Wolff est également (partiellement) levé, sans que cela ait le moindre impact sur le reste de la nouvelle d’ailleurs.

 

Il n’y a pas grand-chose à sauver de cette soumission de Darius Hinks, qui a décidément du mal à faire sien le genre du court format1. Schéma narratif bancal, développements sans liens avec l’intrigue principale, progression hachée, conclusion tronquée : les 13 pages de 'The Miracle at Berlau' sont davantage une succession de passages de pulp fantasy agglomérés les uns aux autres pour essayer de donner l’illusion d’un tout cohérent (en vain) qu’une nouvelle digne de ce nom. On en aurait presque l’impression que l’auteur a volontairement amputé des passages de son texte, afin d’obtenir le manuscrit le plus compact possible (dans quel but, mystère).

Autre explication possible : les évènements relatés dans 'The Miracle at Berlau' pourraient s’inscrire dans un arc narratif plus développé (ce qui, après vérification, semble être le cas, puisque le protagoniste de 'Warrior Priest' se nomme également Jakob Wolff), sans que Hinks ne fasse beaucoup d’efforts pour faciliter la compréhension de ses lecteurs. Bref, ce teaser – puisqu’il semble bien que ce soit le but premier de ce texte – tombe lamentablement à plat, et ne donnera envie qu’aux bibliophiles les plus acharnés et/ou déviants de se plonger plus avant dans les chroniques de la famille Wolff. Bouh.

 

1 : Étant donné que son roman 'Warrior Priest' a remporté le Gemmell Morningstar Award (meilleur première publication fantasy) en 2011, on peut supposer que Darius se débrouille mieux en mode no limit. Ne comptez pas sur moi pour vérifier ceci dit.

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Ainsi se termine cette revue de 'Empire at War', qui contient de l'excellent et du beaucoup moins bon. Le rapport quantité/prix et la présence de quelques gemmes signées Abnett, Werner, Rennie et Earl justifie pour moi l'achat de cette anthologie pour tout fan du Monde qui Fut à la sauce de la Black Library, mais il reste vrai qu'une sélection un peu plus exigeante aurait pu transformer cette honnête anthologie en classique des classiques. Comme la BL adore repackager ses vieilleries, peut-être que le prochain recueil de ce style sera de cet ordre? Rendez-vous dans quelques années pour le savoir...

 

Schattra, imperial to the core

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  • 2 months later...

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique de ‘Way of the Dead’, recueil de nouvelles se déroulant dans le monde de la bataille de la fantaisie du marteau de guerre (voilà un concept qu’il est profond). Comme ses prédécesseurs directs (‘Realms of Chaos’ et ‘Lords of Valour’), ‘Way of the Dead’ est composé1 de courts formats publiés dans les pages d’Inferno!, plus précisément entre les numéros 24 et 34, ce qui correspond à la période 2001 à 2002. Il est à noter qu’il s’agit de la dernière anthologie proprement « infernale » pour WFB, les nouvelles de fantasy publiées par la suite dans le bimensuel de la BL ayant été compilées sans grande logique dans plusieurs ouvrages (‘Tales of the Old World’, ‘The Cold Hand of Betrayal’, ‘Swords of the Empire’…). On y retrouve un certain nombre de têtes connues du lecteur habitué de la maison, comme Brunner le chasseur de primes, Angelika Fleischer la pillarde récupératrice de champs de bataille, ou encore la tristement célèbre bande de mercenaires de Torben Badenov. À la différence de ses prédécesseurs directs cependant, ‘Way of the Dead’ est toujours (au moment où cette chronique est écrite) disponible à l’achat sur le site de la Black Library – mais seulement en format numérique, faut pas déconner non plus – ce qui en facilite grandement l’accès et la découverte par le public intéressé.

 

Si on se penche sur les contributeurs de cet insigne opus, il convient de reconnaître que Brian Craig (une novella) et C. L. Werner (deux nouvelles) occupent les premiers rôles dans la distribution concoctée par les compères Gascoigne et Dunn. Ils sont épaulés par les plumes capables de Matthew Farrer (première – et unique – soumission pour WFB), Graham McNeill, Jonathan Green, Robin D. Laws, et des deux Simon (Jowett et Spurrier). Un casting assez représentatif des débuts des années 2000 au sein de la BL, avec quelques noms qui parleront au lecteur d’aujourd’hui, j’en suis sûr. Notre propos étant ainsi introduit, il est plus que temps de nous hasarder sur le chemin des morts, en espérant qu’il ne soit pas aussi mal famé que celui emprunté par Aragorn et Cie dans leur quête d’un raccourci vers Minas Tirith…

 

1 : En majorité, pas exclusivement, car la novella ‘The Road to Damnation’ de Brian Craig constitue un inédit. Logique pour une histoire de plus de cinquante pages.

 

Way of the Dead

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Glow - S. Spurrier :

Révélation

GlowC’est la fin de l’automne à Talabheim, et le Temple de Sigmar local, dirigé par le capitaine Richt ‘Hmm’ Karver, enquête sur une addiction d’un nouvel ordre qui s’étend dans les bas-fonds de la cité. Le Glow, une poudre verte de composition inconnue, fait en effet des ravages parmi les déshérités de la métropole cratérisée. Très addictif, il a en outre comme fâcheux effet secondaire de provoquer des mutations spontanées chez ses utilisateurs réguliers, ce qui n’est pas du tout du goût de ce gentleman de Karver. Après avoir mené un raid dans un taudis dont l’adresse lui avait été donnée par un suspect, l’impeccable capitaine repart avec un cadavre frais de junkie agressif ainsi qu’une petite réserve de la substance en question, qu’il choisit d’ajouter à la diète du rat géant skaven qu’il a adopté comme animal de compagnie après une purge des souterrains de Talabheim l’année passée. Le savoir fait le pouvoir, c’est bien connu.

 

Les mois passent et l’hiver arrive sur l’Empire, sans que la filière locale de Glow soit démantelée malgré les meilleurs efforts de Karver et de ses hommes (Kubler, Holst et Spielmunn). L’épidémie ne fait au contraire que progresser, ce qui force les chasseurs de sorcières crackheads à muscler leurs méthodes, déjà assez viriles. Interrogatoires menés au tison, menaces d’envoyer leurs indics au bûcher s’ils ne s’activent pas et autres descentes dans la ville tous flingues dehors se multiplient. C’est au cours de l’une d’entre elles que Karver commet une bavure : surpris par la réaction de l’occupant d’un laboratoire clandestin où le Glow était produit, il déchargea sa pétoire sur ce qui se révéla être, après inspection post mortem, une fillette réduite en esclavage par le maître du cartel pour la confection des tablettes inondant la cité. Enchaînée dans son local et ayant été privée de langue par son tortionnaire, elle cherchait seulement à expliquer pourquoi elle n’était pas en capacité d’obtempérer aux ordres des Templiers lorsqu’un Karver sur les nerfs lui envoya un pruneau dans le caisson pour slow play. Ce sont des choses qui arrivent…

 

L’opération ne fut cependant pas un total échec, notre héros mettant le gant sur la poudre entrant dans la composition du Glow en fouillant le laboratoire. Ayant fait pression sur un sorcier de Jade pour obtenir une expertise express, il reçut la confirmation de ses soupçons : l’ingrédient actif du Glow était bien de la malepierre. Une erreur de manipulation de la part du thaumaturge lui permit de recevoir une autre information utile : la substance toxique se trouvait à la fois dans le gant utilisé pour recueillir la poudre dans le laboratoire, mais également à l’extérieur de ce dernier, indiquant sans équivoque que Karver avait manipulé de la malepierre peu de temps auparavant. Un résultat étrange, à moins que…

 

Révélation

…À moins que la broche ornée d’une pierre verte que son meilleur disciple, Kubler, portait à la boutonnière ce jour-là n’ait pas été montée d’une émeraude, comme il le pensait, mais d’un minéral bien plus sinistre. La confrontation entre les deux hommes prend place dans la chambre froide creusée sous le Temple de Sigmar, dans lequel les répurgateurs stockent leurs cadavres contaminés dans l’attente du dégel. Ayant participé à la purge des terriers skavens en compagnie de son mentor, Kubler avait eu la mauvaise idée de s’intéresser à la malepierre utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers, et qui le transforma rapidement en méchant de série B.

 

Ayant dupé la vigilance de son supérieur jusqu’à son fashion faux pas en matière d’accessorisation de sa tenue, Kubler est pris au dépourvu lorsque Karver le trouve en train de faire les poches des corps de Guerriers des Clans gardés en réserve par les Templiers à la recherche de cailloux verts. La surprise change toutefois de camp après qu’un Kubler gravement blessé par le tir de son patron passe en mode Technomage et avale d’un seul coup tous les éclats de malepierre qu’il trimballait sur lui, se transformant en mutant à la force et à la rapidité décuplés. C’est au tour de Karver de se retrouver dans les cordes, mais notre héros avait gardé un atout dans sa manche, ou plutôt au bout d’une chaîne : son rat de compagnie. Transformé en abomination (et pas Abomination, ça ne serait pas rentré dans son bureau) poilue par sa consommation régulière de Glow, Ratatouille est libéré par son maître et ne perd pas une seconde pour creuser un terrier dans la bedaine de Kubler afin d’accéder à la malepierre récemment consommée par le ruffian. Cet affrontement sans merci résulte en la mort simultanée des deux adversaires, laissant Karver le seul survivant de ce truel chaotique. Il faudra penser à passer un coup de mop, tout de même.

 

Spurrier transpose avec succès une enquête des stups dans le monde de Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘Glow’, qui illustre le sombre mais palpitant quotidien des Templiers de Sigmar lorsqu’ils n’ont pas de sorcières à se mettre sous la dent. Ambiance poisseuse, action rythmée, twist final bien amené… Simon Spurrier démontre l’étendue de ses talents de scénariste et sa valeur comme contributeur à la GW-Fiction avec cette nouvelle, qui sera malheureusement sa seule incursion dans le Monde qui Fut. Comme le hamster adoptif de Richt Karver, on aurait bien aimé avoir du rab’.

 

Head Hunting - R. D. Laws :

Révélation

Head HuntingRetour au Col du Feu Noir (car c’est là que ça se Passe… mouéhéhé) en compagnie d’Angelika Fleischer et de son protecteur (ce qu’il pense) /stalker (ce qu’elle pense), Franziskus. C’est une journée normale pour Angie, qui exerce l’utile profession de récupératrice des champs de bataille, et a localisé le site d’une embuscade grâce aux croassements des corbeaux faisant bombance sur les cadavres abandonnés. Bien que Franziskus, en aristocrate principiel qu’il est, trouve la pratique dégradante, il faut bien que quelqu’un se charge de remettre sur le marché les biens et espèces qui resteraient sinon à prendre la pluie sur leurs défunts propriétaires, au lieu de créer du PIB, comme Baltazar Gelt le voudrait. La moisson du jour est plutôt bonne (un anneau nain pouvant servir de bracelet – les Dawi ont des doigts boudinés – et quelques pièces pour s’acheter un Sub’ en rentrant), mais se fait interrompre par un bruit caractéristique et de mauvais augure : celui d’une hache taillant de la barbaque. Prudents, les deux looters se cachent sur le bord de la route et surprennent peu de temps après un voyageur marchant avec une hache sur l’épaule et un sac suspect à la ceinture.

 

L’explication de texte entre les trois larrons permet au nouvel arrivant, qui se présente comme le professeur Victor Schreber, de dissiper tout malentendu quant à son accoutrement. Certes, il se balade avec un sac de têtes tranchées, et certes, c’est lui qui les a séparées de leurs précédents propriétaires, mais il l’a fait pour la science. Schreber est en effet un expert en phrénologie, et collectionne les crânes afin de percer le mystère des humeurs et des sentiments de ses semblables. Voyant que le bougre est seulement un gros nerd, et pas un psychopathe en puissance, Angelika et Franziskus ne le retiennent pas plus, mais à leur grande surprise, le prof a eu proposition à leur faire. Il revient en effet du petit village de Verldorf, situé en amont du Col, où il espérait pouvoir collecter un spécimen unique : le crâne du malandrin notoire appelé Potocki, récemment capturé et exécuté pour ses mauvaises actions par les Verldorfer. Ces derniers n’ont pas accepté l’offre, pourtant généreuse, de Schreber de leur prendre la tête (on les comprend), et l’ont chassé à coup de pierres lorsqu’il a insisté. Déterminé à agrandir sa collection, il propose donc deux cents shillings à nos héros en l’échange du crâne tant convoité, à collecter après livraison du paquet à son domicile. Il leur remet également une boîte rembourrée pour faciliter le transport et éviter toute casse pendant le voyage. La présence d’un cadenas pour fermer ladite boîte ne manque par contre pas d’interroger Franziskus…

 

Après un voyage sans encombre, Angie et Frankie arrivent à Verldorf, hameau misérable dont la principale attraction est le gibet où croupit un cadavre bien amoché, suspendu dans une cage en fer. Malgré son état décati, Potocki terrifie visiblement les locaux, qui refusent de parler de lui en dépit des perches que leur tend une Angelika preneuse d’informations pour faciliter son futur larcin. Ce n’est pas grave, elle fera sans, en bonne professionnelle qu’elle est. Ayant pris résidence dans l’auberge locale, les deux Bonereapers avant l’heure se glissent dehors au cœur de la nuit pour aller perpétrer leur forfait, neutralisant au passage l’alarme que l’aubergiste avait installé à sa fenêtre pour empêcher les mauvais payeurs de s’échapper sans régler l’addition. C’est du moins ce qu’Angelika et son side kick supputent, jusqu’à que l’horrible vérité leur saute littéralement à la figure…

 

Révélation

…Potocki n’était en fait pas aussi mort qu’il n’y paraissait, et lorsqu’Angelika fait mine de le raser à l’œil, le cadavre s’anime et l’attaque furieusement. Bien qu’elle s’en sorte sans dommage, le raffut causé par l’affrontement réveille Verldorf, forçant notre héroïne à sortir une masterclass d’improvisation. Elle n’a pas été prise la main dans le sac en train d’attenter à l’intégrité d’un cadavre, non non : elle a été prise d’une crise de somnambulisme causée par l’influence maligne de la goule locale, dont personne, absolument personne ne l’a mis au courant. SKANDHAL !!! Totalement mystifiés par la prestation de leur hôte, les Verldorfer retournent se coucher sans faire d’esclandres, après avoir expliqué que la situation actuelle est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour tenir à l’œil l’increvable et intenable Potocki, qui les tourmente depuis des générations et dont la vitalité maléfique défie l’imagination. Faute avouée étant à demi pardonnée, Angelika et Franziskus retournent également se pieuter…

 

…Et refont une sortie sans tarder, utilisant cette fois-ci la clé qu’Angelika a dérobé à l’aubergiste pendant qu’il lui présentait ses plus plates excuses, ce qui simplifie grandement l’opération « Louis XVI » planifiée par nos héros. Bien que Potocki ne se laisse pas faire, et que le bruit attire à nouveau les villageois hors de leurs masures, la tête finit par être collectée, et les deux gredins peuvent s’enfuir à toutes jambes en direction du manoir de Schreber.

 

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un employeur ayant omis de préciser ce « petit » détail au moment du briefing, Schreber se révèle être un mauvais payeur, qui sort un pistolet de son armoire au lieu des deux cents shillings promis. Angie avait toutefois prévu le coup, et se contente d’ouvrir la boîte contenant la tête de Potocki en direction de l’érudit félon. Pris au dépourvu par la manœuvre et par le crâne pourrissant qui lui saute à la jugulaire, Schreber est rapidement hors du coup (et hors de cou), ce qui laisse à Angelika et Franziskus toute latitude pour fouiller son domicile à la recherche d’un dédommagement, une fois qu’ils ont pris soin de réduire la tête enragée en bouillie, bien sûr. Au final, les deux comparses repartent avec un nouveau pistolet, ce qui n’est pas beaucoup mais déjà mieux que rien. Ils constatent d’un air détaché que la traînée informe qui était la tête de Potocki semble également être sur le départ, mais à la vitesse où elle progresse, le bougre ne devrait pas faire parler de lui avant cent vingt cinq ans. La Fin des Temps n’attend pour personne…

 

Seconde (et à ma connaissance dernière) nouvelle consacrée par Laws à son personnage fétiche d’Angelika Fleischer, ‘Head Hunting’ semble tout droit sorti de l’imagination d’un DM facétieux, et peut se lire comme tel. Malgré l’horreur que représente un cadavre animé (de mauvais sentiments) et apparemment invulnérable, le ton léger avec lequel Robin D. Laws narre cette histoire la fait basculer dans le royaume de la comic fantasy, mais pas dans la parodie pure et simple de Warhammer Fantasy Battle, ce qui est appréciable. Un sympathique interlude entre deux lectures plus sombres.

 

The Small Ones - C. L. Werner :

Révélation

The Small OnesLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

 

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

 

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

 

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

 

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

 

Révélation

…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…

 

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Little Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

 

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

 

Three Knights - G. McNeill :

Révélation

WFB_Three KnightsLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

 

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

 

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

 

Révélation

…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

 

Révélation

…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…

 

 

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

 

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

 

The Road to Damnation - B. Craig :

Révélation

The Road to DamnationQu’est-ce qui peut pousser un noble estalien (Luis Quintal) et un pirate arabien (Memet Ashraf) à collaborer au lieu de se tailler des croupières, dans la plus pure tradition de leurs nations respectives ? Dans le monde hostile et cruel de Warhammer, où les gens civilisés sont rares, la réponse est : bien des choses. Dans le cas présent, il s’avère que nos deux comparses se sont retrouvés échoués dans les Badlands après que leurs navires aient fait naufrage. Cette région du Vieux Monde étant largement plus connue pour ses innombrables dangers que pour ses petits ports de pêche bucoliques, Quintal et Ashraf ont eu tôt fait de mettre leur bisbille de côté pour maximiser leurs chances de survie. Un choix d’autant plus sensé lorsqu’on est poursuivi par une bande de maraudeurs Orques & Gobelins, comme c’est le cas pour nos deux héros.

 

Bien qu’étant capables de se défendre (Ashraf à l’arc et Quintal au sabre), leur désavantage numérique et l’épuisement de leurs montures ne les incite pas à l’optimisme. Les compadres se sont en effet enfoncés profondément dans les terres sauvages, à la recherche de la mystérieuse cité antique que le cousin de Quintal avait découvert lors d’une précédente expédition, et qui regorgeait selon lui de gemmes et de trésors. Ce périple les a amenés aux portes du désert nehekharien, dont la chaleur et le sable ont prélevé un lourd tribut sur leurs montures. Sans accès rapide à une source, le fataliste Ashraf considère que les chevaux ne passeront pas la journée (alors qu’un sanglier orque peut cavaler des jours sans boire, encore une preuve de la supériorité de la gent porcine), ce qui condamnera les humains à une mort lente des mains des peaux vertes. La chance des aventuriers semble toutefois tourner lorsqu’ils trouvent une ancienne route, puis repèrent un vol de vautours tournoyant au-dessus d’un sanglier en détresse. Cela n’inspire rien d’autre à Quintal qu’une envie de saucisson, mais son compagnon a tôt fait de comprendre que l’animal avait localisé une source d’eau grâce à son flair, mais n'a pas pu y accéder pour la bonne et simple raison qu’il s’agissait d’un puits couvert. Cette découverte fortuite requinque nos héros, qui feront cependant trajectoire à part pour la suite de la nouvelle, la corde utilisée pour descendre Quintal dans le puits afin de remplir leurs gourdes cédant brutalement, faisant choir l’Estalien dans une rivière souterraine qui l’emporte aussitôt en aval. Envoyer le gars qui s’appelle littéralement « 100 kilos » faire de la varappe n’était peut-être pas le meilleur plan qui soit…

 

Cette séance de de canyoning improvisée n’est toutefois pas fatale à Quintal, qui finit par arriver dans un bassin donnant sur les niveaux inférieurs d’une sorte de temple. Après quelques heures à errer dans les ténèbres à la recherche d’une sortie, il finit par arriver dans une grande salle où plusieurs arbres centenaires ont poussé, et dont les branches lui permettront de rejoindre les ouvertures ménagées en hauteur, et donnant sur l’extérieur. Il repère aussi un peu de loot à récupérer au passage, à savoir un sceptre rehaussé de pierres précieuses dans la main d’une grande statue dominant ce qui se trouve être un autel sacrificiel, et présentant la particularité d’être moitié homme et moitié femme (#NousSachons). Se croyant tiré d’affaire, il s’autorise donc un petit somme réparateur pour recharger ses batteries… et ne tarde pas à s’en mordre les doigts lorsqu’il est surpris à son réveil par l’arrivée des peaux-vertes dans le temple. Bien que disposant d’une longueur d’avance, ses poursuivants devant élargir les ouvertures à moitié effondrées pour accéder au bâtiment, son isolation et son absence d’arme (il avait confié son sabre à Ashraf avant de partir en spéléo) semblent le condamner à court terme. S’étant réfugié dans les niveaux inférieurs du temple pour tenter de mettre le plus de distance entre ses bullies et lui, il a la surprise d’entendre une voix résonner dans sa tête et lui proposer un marché : son âme contre un bundle de cadeaux fantastiques, dont une vision infrarouge et un service de protection assuré par une vingtaine d’Ushabtis. A court d’options, Quintal accepte (sans même savoir ce qu’est un Ushabti, il y aurait pu avoir entourloupe si la voix avait été celle d’un Démon de Zuvassin), et constate grâce à sa nouvelle acuité visuelle que ce qu’il avait considéré comme étant de simples statues de crocodiles se mettent effectivement à bouger, et à poursuivre les Gobelins envoyés en éclaireurs dans le temple par leurs gros copains verts.

 

De son côté, Ashraf s’est aventuré dans la cité déserte après avoir abreuvé les chevaux, jugeant probable que son compagnon ait été emporté dans cette direction par le courant. Il assiste aux travaux d’excavation sauvage menés par les peaux vertes pour accéder au temple, sans se douter d’abord des raisons de leur enthousiasme pour cette ruine, et se glisse à l’intérieur du bâtiment à leur suite pour tenter d’en éliminer le plus possible tant que la bande n’est pas au complet. Juché sur un des arbres du temple, il assiste aux premières loges à un match de catch par équipe des plus originaux, les Orques et Gobelins faisant face à des Ushabtis visiblement plus intéressés par faire de gros câlins à leurs adversaires qu’à les réduire en morceaux. Hésitant sur la conduite à suivre et en faveur de qui intervenir, Ashraf se retrouve lui aussi désarmé après que des serpents venimeux aient décidé de s’installer sur son arc et ses flèches, forçant l’Arabien à les laisser tomber pour éviter une morsure. Il assiste ensuite à l’arrivée d’un Quintal visiblement pas dans son état normal, et dont l’entrée en jeu permet à la team Crocos de remporter le match sans coup férir (#ImpactPlayer).

 

La cérémonie de sacrifice des peaux vertes à laquelle Quintal se livre ensuite (en même temps qu’à un monologue digne du méchant de série B qu’il est devenu) est interrompue par l’incendie déclenché par Ashraf dans les branches de l’arbre où il s’était réfugié, manière pour lui de détourner l’attention de son ex-collègue et de ses gardes du corps sauriens, le temps qu’il puisse se glisser dans les niveaux inférieurs du temple, où il pense avoir de meilleures chances de survie. Cette stratégie fonctionne, mais Quintal prend l’interruption de séance et la combustion de ses Ushabtis (très inflammables) avec un recul digne d’un paresseux sous tranquillisants, et se contente de ramasser le sceptre que tenait l’idole - définitivement Slaaneshi - du temple lorsque la chaleur du brasier la fait tomber en morceaux, avant de suivre Ashraf.

 

La réunion entre les deux partenaires, si elle s’engage de manière très courtoise, menace de dégénérer à tout moment, Ashraf étant à ce stade convaincu que son camarade est devenu le serviteur d’une puissance néfaste. Lorsque Quintal lui propose de renouveler leur collaboration, et de le suivre sur la route de la damnation, l’Arabien pèse soigneusement ses options…

 

Révélation

…Et décide finalement d’accepter. Après tout, et comme il le reconnaît lui-même sans honte, il n’est pas un enfant de chœur, et ses chances de se sortir du guêpier dans lequel il s’est mis sans l’assistance de Quintal et de ses nouveaux pouvoirs sont infinitésimales, pour le dire poliment. C’est ainsi qu’une nouvelle grande puissance (régionale) fit son apparition sur la mappemonde géopolitique du Vieux Monde : les Rois des Tombes du Chaos. Que voilà un exemple d’assimilation réussie !

 

Brian Craig s’est toujours tenu à part des autres auteurs de la Black Library, même à l’époque où ce contingent était si réduit qu’il en formait une bonne partie à lui seul. Son approche personnelle de la fantasy était en effet bien trop classique et, osons le terme, intellectuelle, pour une GW-Fiction plutôt portée sur l’action et l’aventure (une inclinaison normale pour la division littéraire d’un jeu de batailles fantastiques, il faut le reconnaître). ‘The Road to Damnation’, une de ses dernières nouvelles publiées pour le compte de cette franchise, peut être considérée comme sa soumission la plus alignée avec le BL-style que les éditeurs vétérans Marc Gascoigne et Christian Dunn établirent dans les premières années d’existence de la Black Library1. Mais si son intrigue ne détonne pas avec celles des travaux de ses camarades d’écurie, ‘The Road to Damnation’ porte très clairement la patte de Craig, tant sur le fond que sur la forme.

 

Le récit des mésaventures de Quintal et Ashraf se fait en effet à un rythme relativement posé, loin de la frénésie d’action que l’on associe avec les courts formats de la BL (un sentiment renforcé par la tendance de Craig à intégrer à sa narration les réflexions de ses personnages), et reste particulièrement prosaïque et « à hauteur d’homme » pour une nouvelle se déroulant dans le monde Warhammer Fantasy Battle, un univers défini en grande partie par l’action de forces divines et surnaturelles, auxquelles les mortels ne peuvent en général pas se soustraire. Cela se percevait dans d’autres travaux de Brian Craig (‘Who Mourns a Necromancer ?’, ‘The Winter Wind’), mais l’auteur vétéran pousse ici le paradoxe encore plus loin, puisque cette novella met en scène une authentique corruption chaotique, immédiatement identifiée comme telle par Quintal et Ashraf (ce qui fait une grosse différence par rapport au sort des héros de ‘A Gardener in Parravon’ et ‘The Light of Transfiguration’, qui tombent – parfois littéralement – dans le Chaos sans s’en rendre compte), mais qui semble être sous sa plume devenir un processus presque banal, et non un événement traumatisant. Pour un contributeur moins talentueux que Craig, cette approche aurait fini en hors sujet total, mais la pilule passe ici très bien, dès lors que le lecteur s’acclimate aux particularités narratives et stylistiques de l’auteur. On en est quitte pour cinquante pages d’exploration d’un temple antique dédié à une divinité maléfique, à la manière d’une aventure de Conan le Cimmérien ou de Solomon Kane, et il serait dommage de bouder son plaisir.

 

Le seul bémol que je mettrai à ‘The Road to Damnation’ est relative au background. Alors que Craig avait toujours montré des bonnes dispositions à respecter le lore de Warhammer Fantasy Battle, il nous sert ici un crossover très (trop) ambitieux entre le fluff des Rois des Tombes et celui des serviteurs du Chaos, et dont on dira pudiquement qu’il n’a pas fait école. Ironiquement, lorsque la BL lèvera le voile sur les origines de Nagash, bien des années plus tard, l’hypothèse d’un culte de Slaanesh clandestin à Nehekhara se fera moins farfelue2. Cela ne gène pas le plaisir de lecture, mais invite à considérer les informations fluffiques relayées dans la nouvelle avec des pincettes. Un petit prix à payer pour profiter de la Craig’s touch

 

1 : ‘The Road to Damnation’ a été publiée dans le recueil ‘Way of the Dead’ (ça en fait des noms de rues sympathiques !), en 2003.

 

2 : Nagash apprenant la magie noire d’une cabale d’Elfes Noirs menée par une Sorcière, peut-être familière avec les croyances de Morathi…

 

Mark of the Beast - J. Green :

Révélation

Mark of the BeastSoldat de carrière dans l’armée du Tzar de Kislev, Torben Badenov a gravi les échelons jusqu’à devenir le commandant d’une unité d’éclaireurs montés (15 exactement, et tous présentés par Green dès la première page de la nouvelle1). Pour son grand malheur, il sert sous le Capitaine Arman Yasharov, un noble kislevite aussi incompétent que méprisant, et bien décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour revenir le plus tôt possible vidanger le samovar de la Reine des Glaces (en tout bien tout honneur, bien sûr). La bande d’Hommes Bêtes que son armée poursuit, et qui signe ses méfaits en apposant la titulaire « marque de la bête » dans les décombres des villages qu’elle a rasée2, bénéficie donc d’un avantage certain sur ses adversaires humains, et le pauvre Badenov en est réduit à limiter les dégâts causés par le leadership exécrable de son officier.

 

Envoyés par Yasharov pister la trace de la harde, qui semble avoir fait des prisonniers lors de sa dernière attaque, comme le faible nombre de cadavres trouvés dans les ruines du hameau où la nouvelle débute le laisse à penser, Badenov et ses scouts se font surprendre en rase taïga par une bande d’Ungors dépêchés par le Seigneur des Bêtes Gashrakk Blackhoof pour faire le service d’ordre à proximité de son campement. Gashrakk est en effet un visionnaire, dont le grand dessein est de réveiller le Seigneur du Dawa (Lord of Misrule en V.O.), une déité 100% chaotique que les légendes des Bêtes du Chaos font reposer en dessous de la pierre des hardes de la tribu de la Corne Noire. Pour permettre au Dawaster de sortir de son trou et de régner à nouveau sur son « royaume de confusion » (sicoù on n’écoute que du Genesis à fond les ballons, j’imagine), le big G. a un plan : sacrifier un nombre suffisant de prisonniers au Chaos, en mettant le feu à une effigie géante d’Homme Bête construit avec des cages en bois. Et moi qui pensait qu’ils ne savaient rien faire de leurs dix (?) doigts (?), me voilà corrigé. L’approche peu subtile de Yasharov ayant alerté le chamane Cathbad, Gashrakk sait que son projet X risque d’être interrompu par des Kislevites en maraude, et a donc envoyé quelques bandes désœuvrées contrecarrer la manœuvre. Il a aussi envoyé une doublette de chars à sangleboucs, malheureusement pour les cavaliers légers de Badenov, qui sont contraints à se replier en désordre après l’intervention des panzers adverses, abandonnant quelques morts et blessés sur le champ de bataille.

 

De retour au campement kislévite, Badenov réussit à obtenir de son Capitaine l’autorisation de lancer une mission d’infiltration de la base adverse (repérée par d’autres scouts, plus doués, eux) pour tenter de libérer ses camarades prisonniers, et peut-être secourir quelques civils au passage. Yasharov n’est absolument pas convaincu par la menace posée par un rituel sacrificiel qu’il s’agirait d’empêcher avant que l’attaque de son armée ne débute, mais il laisse tout de même à son sous-fifre jusqu’à la tombée de la nuit pour mettre à exécution son plan, après quoi il donnera l’assaut. Réduits à mi-effectifs à ce stade de la nouvelle, les Badenov’s Baddies profitent d’un coup de pouce de la part du script pour progresser vers leur objectif : le campement des Hommes Bêtes a été établi sur un ancien oppidum ungol, et compte bien entendu un souterrain secret reliant le centre de la place forte à l’extérieur. Haaa. Et nos héros trouvent bien sûr ce souterrain secret en l’espace de trois minutes. Hooo. Leur chance tourne cependant lorsqu’ils découvrent que les Gors ont décidé d’installer leurs latrines à l’endroit où le tunnel émerge dans leur campement. Un petit prix à payer pour speed runner cette quête, cependant.

 

De son côté, Gashrakk ne s’est pas tourné les sabots et a entamé le rite de réveil démoniaque/feu de joie païen avec Cathbad. L’arrivée imminente de l’armée kislevite, que sa bande d’Ungors n’a manifestement pas arrêtée (comme c’est bizarre) force toutefois le Seigneur des Hardes à accélérer le protocole, et à balancer une torche sur son bonhomme (bête) carnaval avant que le chamane n’ait pu terminer de réciter « je te tiens par la barbichette » 666 fois de suite. C’est le moment que choisissent Badenov et ses hommes pour lancer leur attaque sur les mutants, confiants dans le fait qu’il ne leur faudra tenir que quelques minutes avant que le reste de leurs forces n’arrivent en renfort, pas vrai ? PAS VRAI ? En cela, ils ont sous-estimé le jemenfoutisme de Yasharov, qui se contente d’envoyer quelques cavaliers barricader les portes du campement (?) pour empêcher les Hommes Bêtes de sortir. Car apparemment, ces derniers savent construire des statues en bois de 10 mètres de haut, mais le concept de distance de sécurité par rapport à un foyer de combustion leur est inconnu. La magie du scénario…

 

Toujours est-il que cette défection de dernière minute ne fait pas les affaires de nos héros. Si Cathbad se fait assez facilement soloter par Arnwolf le Norse, Badenov n’a pas la partie facile contre Gashrakk. Finalement, un anneau nasal trop solidement fixé, un crochet attaché à une chaîne elle-même fixée à la pierre des hardes, et surtout un positionnement malheureux du Seigneur des Blettes vis-à-vis de l’angle de chute de son effigie enflammée, auront raison du pauvre Blackhoof. C’est ce qu’on appelle un bûcher des vanités, vraiment. S’il ne réussit pas à réveiller le Dawaster et perd toute sa tribu en même temps que sa vie dans cette folle soirée (les Hommes Bêtes le sont vraiment, faut croire), il peut au moins se réconforter en songeant que tous les villageois capturés ont également fini en marshmallow (donc je ne comprends pas pourquoi son plan n’a pas marché… à moins que les invocations de Cathbad soient vraiment capitales), ainsi que la plupart des hommes de Badenov. En comptant l’évasion miraculeuse d’Oran et de Manfred, qui avaient été faits prisonniers par les Ungors, nos héros ne sont plus que six, et c’est assez naturellement qu’ils décident de déserter pour devenir des mercenaires, loin de l’incompétente brutalité des officiers placés là par leur famille. D’ailleurs, à ce propos…

 

Révélation

…Il n’est jamais trop tard pour se venger de mauvais traitements, surtout quand on n’a plus rien à perdre. Badenov et Oran rendent donc visite à Yasharov au cœur de la nuit, et procèdent à un échange du meilleur goût : ils laissent la tête calcinée de Gashrakk dans le lit de l’aristocrate, Le Parrain-style, et vont planter la sienne sur une pique à l’extérieur du camp kislévite, avant de partir voir ailleurs s’ils y sont. On connaît la suite…

 

S’il ne s’agit pas de la première nouvelle écrite par Jonathan Green pour sa bande de mercenaires préférés, ‘Mark of the Beast’ peut au moins se prévaloir d’être le premier épisode de la série qui donnera au final le recueil ‘The Dead and the Damned’. Le résultat n’est pas aussi navrant qu’il a pu être dans d’autres péripéties badenoviennes, la haute teneur en action (bas du front) injectée par Green dans cette aventure l’empêchant de trop s’empêtrer dans son scénario, même si ce dernier apparaît tout de même très fragile dès lors qu’on a le malheur de s’intéresser un peu trop à lui. Si le héros s’appelle Badenov, l’auteur a pour sa part bien mérité le nom de Good Enough… De la cheap fantasy très peu intéressante, à moins que vous ne cherchiez à voir ce que le BL style a produit de plus suranné.

 

1 : Et si vous pensez que je n’ai pas la patience ou la mesquinerie nécessaire pour relayer l’information, vous devez être nouveau ici : Torben Badenov, Oran Scarfen, Vladimir Grozny, Alexi, Arkady et Andrei Tolyev, Manfred, Oleg Chenkov, Arnwolf, Zabrov, Mikhail Polenko, Yuri Gorsk Kiryl, Evgenii, Cheslav, Stefan. Il n’en resteraque six  à la fin, ne vous attachez pas trop.

 

2 : Parfois en utilisant des matériaux… plus biodégradables que d’autres.

 

Jahama's Lesson - M. Farrer :

Révélation

Jahama's LessonLe Seigneur Khreos Maledict a quitté sa cité de Karond Kar avec armes et bagages pour mener un raid sur les côtes bretonniennes. Pillard invétéré, il a laissé la fougue de sa jeunesse derrière lui et cherche désormais à remporter ses campagnes en évitant de passer par la case « bataille rangée ». C’est à cette fin qu’il a recruté la Matriarche Miharan Diamo, et surtout son protégé, l’assassin Jahama, pour mener une opération de diversion au cœur du château du Duc d’Argent, dont l’armée pourrait s’opposer à celle des Elfes Noirs. Maledict a aussi embarqué son neveu (Khrait), officiellement pour le former au métier, mais d’abord et surtout pour pouvoir débiter d’interminables et pompeux monologues sur son génie stratégique. Nos quatre personnages débarquent en avance des troupes druchii pour accompagner Jahama jusqu’à l’endroit où sa mission d’infiltration doit commencer. Après avoir reçu la bénédiction de sa tutrice, le tueur prend la clé des champs et se dirige vers la forteresse ennemie.

 

Sur le chemin les ramenant vers l’Arche Noire que le Dynaste a affrétée pour sa virée shopping ultramarine, Khreos et Miharan échangent quelques piques au sujet des qualités de l’assassin. Le noble se fait un plaisir de révéler à la Matriarche que son élève va se retrouver confronté à une opposition exceptionnelle, le Duc d’Argent étant une force de la nature au tableau de chasse impressionnant, sans parler de son entourage de chevaliers endurcis et de fidèles hommes d’armes. Supprimer le commandant bretonnien ne sera donc pas une partie de plaisir pour Jahama, dont c’est pourtant la mission. Miharan ne se montre cependant pas très inquiète, et commence à raconter à l’oncle et au neveu la dernière épreuve à laquelle Jahama a dû se soumettre pour gagner ses galons d’assassin. Hellebron étant cette année-là d’une humeur particulièrement massacrante (on suppose qu’elle était en rade d’anti-rides), la mégère avait défié les impétrants de pénétrer dans son manoir bourré de pièges, et de prendre à son assassin personnel, le redouté (autant qu’inconnu, mais c’est plutôt flatteur dans ce métier) Hakoer, son collier d’argent serti d’un rubis. Comme ledit Hakoer avait hérité de l’Epée de Mort de son employeuse le temps de l’épreuve pour en relever encore un peu la difficulté, les bookmakers de Har Ganeth avaient mis une côte stratosphérique sur la promotion Kermit1. Le trio remonte à bord et se sépare pour se préparer à l’assaut contre les humains avant que la Matriarche ait pu finir son histoire, laissant Khreos et Khrait dubitatifs sur la véracité de son récit.

 

De son côté, Jahama ne traîne pas en besogne, et parvient à se glisser à l’intérieur du château d’Argent alors qu’un banquet célébrant une campagne victorieuse contre une harde d’Hommes Bêtes en maraude bat son plein. Mais eu lieu de se rendre dans la chambre du Duc pour se cacher dans un placard pour le surprendre en pyjama, l’assassin préfère foutre un bordel monstre dans les festivités bretonniennes, et de façon tout à fait visible qui plus est. Après avoir suriné/fléchetté/garrotté/savaté une dizaine de convives et de serviteurs, l’alerte générale est donnée et le Druchii meurtrier se retrouve confronté à une horde d’adversaires compensant leur manque d’armure et leur alcoolémie élevée par les vertus du juste courroux et de la motivation implacable. Malgré ses talents de combattant et d’acrobate, Jahama finit par se retrouver en mauvaise posture, et le Duc d’Argent en personne se fraie un chemin jusqu’à lui pour le défier en duel, dans la plus pure tradition locale. Peu intéressé par la proposition, l’Elfe Noir se contente d’envoyer sa dernière dague de jet dans la poitrine d’une Demoiselle qui avait commis l’erreur de traîner dans le coin, avant de littéralement tirer sa révérence et de s’enfuir du château, poursuivi par une meute d’humains vengeurs.

 

Retour du côté Druchii, où l’armée de Maledict progresse sans se presser vers la forteresse d’Argent. Khreos révèle en aparté à son neveu qu’il a mis Jahama sur une mission suicide, dont le but était de désorganiser les Bretonniens plutôt que de tuer leur Duc, et qu’il a pour projet d’arranger un regrettable accident pour Miharan avant que l’expédition ne se termine, afin qu’elle ne puisse pas lui tenir rigueur de la mort de son pupille. Ces confidences sont toutefois interrompues par une clameur qui retentit à l’horizon, alors que les Elfes Noirs sont encore en ordre dispersé…

 

Révélation

…C’est l’armée du Duc d’Argent qui s’est portée à leur rencontre, et qui roule sur les pillards comme un 4x4 sur un crapaud (gothique). Dans la mêlée qui s’ensuit, Khreos est mortellement blessé par l’ennemi, et tente péniblement de ramper hors du champ de bataille pour rejoindre le littoral et l’Arche Noire qui y est amarrée. Sa lente progression est stoppée par Jahama, qui lui révèle qu’il a « malencontreusement » laissé tomber la carte sur laquelle l’itinéraire des Elfes Noirs était indiqué au moment où il quittait le château du Duc. C’est vraiment ballot, mes plus confuses dude ! Il s’agissait pour lui de donner une leçon à un noble arrogant, qui prétendait utiliser le culte de Khaine comme de vulgaires mercenaires, et d’inculquer le respect de cette ignoble institution au reste des puissants de Naggaroth. Avant qu’il ne soit abandonné par Jahama, qui après tout a un bateau à prendre, Khreos a le temps de remarquer que le responsable de sa chute porte un collier d’argent où brille un rubis…

 

Pour sa seule incursion recensée dans le Vieux Monde, Matthew Farrer signe une petite fable grinçante illustrant parfaitement le caractère impitoyable et retors de la société elfe noire, un genre d’histoire dont on peut difficilement se lasser, dès lors que la qualité est au rendez-vous, ce qui est ici le cas. De plus, il prolonge le plaisir en mettant en scène avec un luxe de détails et une vraisemblance rarement atteints (à ma connaissance) dans la GW-Fiction deux pans incontournables du fluff des Druchii : piller les côtes du Vieux Monde d’une part, et assassiner leurs rivaux d’autre part. Si les Elfes Noirs sont votre faction de cœur, ‘Jahama’s Lesson’ est un must read absolu, et tant pis pour Khreos Maledict.

 

1 : Les classes d’Assassins Elfes Noirs sont baptisés en honneur des marionnettes du Muppets Show. Nul ne sait d’où vient cette tradition.

 

A Good Thief - S. Jowett :

Révélation

A Good ThiefFrançois Villon est un poète (naaaaaan ???) à l’esprit vif et à la langue bien pendue, ce qui lui cause autant de problèmes que d’opportunités. Forcé à l’exil de sa Marienburg natale après que les vers qu’il a composés sur les activités extra-maritales de la femme de l’un des princes marchands de la cité soient parvenus aux oreilles du mari cocu, il a trouvé refuge dans la petite ville de Wallenholt, et est devenu le poète de cour du Graf local. Une occupation indigne de ses talents, qui sont de son avis de spécialiste, superlatifs, mais qui lui permet de vivoter tranquillement aux crochets de son mécène.

 

La situation de Villon se complique lorsque le Graf de Wallenholt reçoit la visite d’une délégation de notables impériaux, dans laquelle se trouve un parent de la Frau von Klacht, dont les frasques libertines ont été mises en vers (et contre tous) par notre poète. Reconnu par le visiteur, Villon est fissa envoyé à la case prison par son employeur, qui préfère logiquement se séparer de son flagorneur licencié plutôt que d’hériter d’une guerre commerciale avec l’un des marchands les plus influents du Vieux Monde. Par chance pour Villon, la petite soirée pendant laquelle son destin s’est joué s’est déroulée devant un autre témoin, d’opinion plus favorable envers le rimailleur de cour. Le Magister (puisqu’on ne le connaîtra pas sous d’autres noms) organise l’évasion de notre héros pendant son transfert vers Marienburg, et lui remet une mission très spéciale en échange de ce coup de pouce inespéré : il doit se rendre dans un village du Reikwald tombé sous la coupe du bandit Gerhard Kraus, et mettre la main sur un artefact magique que le même Kraus a acquis pour le compte du Magister, avant de décider de le garder pour lui. Tout cela est bien mystérieux.

 

A son arrivée à Krausberg, Villon ne perd pas de temps à s’encanailler avec les hommes du seigneur brigand, qui reste lui complètement reclus dans ses quartiers. Il lui faudra attendre une nuit de beuverie pendant laquelle son public lui demande de réciter pour la énième fois son ode épique sur Frau von Klacht pour que Kraus daigne faire son apparition, et défie Villon à un duel… de poésie. Original, n’est-ce pas ? Le brigand n’est cependant pas un adepte du free style, et se contente de réciter les strophes tirées d’un petit livre qu’il a amené avec lui, et dont la nature arcanique ne fait rapidement pas de doute à Villon, qui se fait happer par la déclamation de Kraus au même titre que le reste de l’assemblée. Il est évident que c’est l’objet que le Magister l’a envoyé reprendre au mercenaire indélicat, et Villon décide d’agir la nuit même, profitant du gros coup de mou subi par Kraus après la fin de sa prestation. L’art est épuisant, c’est vrai.

 

Voleur avant d’être poète, Villon n’a aucun mal à se glisser dans la chambre du bandit et à mettre la main sur le livre en question, dont l’influence néfaste n’est pas à sous-estimer. Ne pouvant corrompre directement notre héros (qui est analphabète, et c’est bien pour cela que le Magister l’a choisi en premier lieu) comme il l’a fait pour Kraus, le grimoire possède ce dernier et un combat féroce s’engage entre les deux chineurs d’antiquités pour la possession du grimoire. Villon finit par remporter le match et s’enfuit par la fenêtre avec son butin sous le bras, laissant Kraus éborgné et exposé comme fraude littéraire (une double sanction bien sévère, si vous voulez mon avis). Après un voyage vers Altdorf, où le Magister lui a donné rendez-vous, le poète remet le bouquin tant convoité à son commanditaire, qui le jette immédiatement dans le feu, OPA Gandalf-style. Contrairement à l’Anneau Unique, le parchemin est inflammable et l’ouvrage maudit (askip) finit en fumée. Voilà une nouvelle menace qui planait insidieusement sur l’Empire écartée pour de bon…

 

Révélation

…Enfin presque. Villon a en effet jugé malin de donner au Magister un livre dérobé au hasard dans la bibliothèque municipale la plus proche, préférant trouver un riche gogo pour lui acheter le vrai grimoire un peu plus tard. A malin, malin et demi cependant : le Magister ne met pas longtemps à se rendre compte qu’il a été dupé, et se fait un plaisir de faire arrêter Villon pour lui apprendre à jouer des tours aux puissants de ce monde. Par chance pour notre poète-escroc, M a une nouvelle mission à lui confier, ce qui est toujours mieux que danser la gigue des pendus (en attendant d’en composer la ballade, bien sûr)…

 

Simon Jowett prend son temps et déroule une histoire originale de poète-voleur missionné pour dérober un grimoire de sonnets à un seigneur bandit trop cultivé pour son propre bien (je vous défie de trouver une intrigue comparable dans tout le corpus de la GW-Fiction) dans ce ‘A Good Thief’, dont la moitié des pages est finalement consacrée à la présentation du héros. Jowett est suffisamment doué avec sa plume pour que le lecteur n’ait pas l’impression de se faire flouer dans la manœuvre, mais il ne reste pas moins que cette nouvelle ressemble plus à l’introduction d’un roman, qui n’aura au final pas été écrit1, qu’à une œuvre indépendante. Une sympathique curiosité.

 

1 : Un puissant et mystérieux commanditaire œuvrant en secret pour le bien de l’Empire recrute des agents doués de talents particuliers parmi le gibier de potence impérial ? Ça me dit vaguement quelque chose

 

What Price Vengeance? - C. L. Werner :

Révélation

What Price VengeanceLa bande de mercenaires tiléens du Capitaine Ursio a connu de meilleurs jours : engagée par le rusé Vicomte Augustine de Chegney pour brigander en son nom sur les terres de ses voisins, elle a failli à sa mission et a en conséquence essuyé une attaque meurtrière de la part d’autres sbires de l’implacable Bretonien, peu enclin à laisser des témoins de sa vilénie ternir sa réputation. Il paraît que les chevaliers du Royaume sont h.o.n.o.r.a.b.l.e.s après tout. Malheureusement pour Gus, les reitres ont survécu, et sont maintenant assoiffés de vengeance. Profitant de la bonté de Claudan de Chegney (fils du premier), ils investissent donc la place forte que ce dernier occupe au nom de son père – et qu’il a dérobé à un autre voisin, impérial celui-ci – en prétextant chercher à s’abriter des terribles orages des Montagnes Grises… et passent tous les habitants du château par le fil de l’épée pour se passer les nerfs. Tous ? Pas tout à fait. À malin, malin à demi : Ursio repart donc se cacher dans la campagne avoisinante avec le jeune fils de feu Claudan et sa nourrice, et charge le gouverneur du noble trucidé d’aller porter sa demande de rançon à Augustine.

 

Bien que n’étant pas vraiment un enfant de chœur, comme on a pu le voir plus haut, le Vicomte est un family man, ne serait-ce que parce qu’il est trop bête d’agrandir le fief familial uniquement pour le voir disparaître à sa mort, faute d’héritiers. N’ayant plus que Claudan Junior (que nous appellerons Cloclo) de ce côté-là, il est prêt à dépenser sans compter pour retrouver l’usufruit de son petit-fils, mais est convaincu par son conseiller (Plaisant) de ne pas négocier avec des terroristes, et de recruter à la place un tueur professionnel pour aller récupérer le bébé à ses ravisseurs. Cela tombe bien, Plaisant a justement un nom à souffler à son patron : celui du redoutable Brunner, un impérial que l’on dit de noble ascendance (ça compte pour les Bretonniens), et n’ayant jamais failli à la tâche. Augustine envoie donc son sénéchal recruter le chasseur de primes… qui refuse de prendre la mission, malgré les 200 couronnes d’or sonnantes et trébuchantes que le bon Plaise lui fait miroiter. Enfin, il fait mine de refuser plutôt, le temps de laisser un Plaisant très colère repartir de la taverne dans laquelle le rendez-vous a pris place, et se faire embusquer quelques mètres plus loin par un groupe de truands de bas étage, qui n’ont pas pu résister à la grosse bourse (au singulier ça va) du sénéchal. Cette avidité leur sera fatale, Brunner sortant des ombres au moment fatidique pour leur régler leur compte avec une efficacité consumée, et empocher au passage les quelques pièces d’argent que la mort de ces soudards lui rapporteront. Y a pas de petits profits.

 

Un peu plus tard, nous retrouvons le taciturne mercenaire sur les terres du Vicomte, qu’il semble très bien connaître. Ayant joué le rôle de l’innocent (mais tout de même très bien armé) voyageur pour attirer trois des hommes d’Ursio à se montrer auprès de son feu de camp, il a tôt fait d’en envoyer deux chez Morio (le Morr tiléen), gardant le troisième en vie pour qu’il lui indique où se sont cachés ses petits camarades. Et si la tour de guet abandonnée que les kidnappeurs ont choisi comme repaire semblait être un endroit parfait pour surveiller les environs, on s’aperçoit bien vite que Brunner joue vraiment à domicile, puisqu’il pénètre dans le donjon au nez et à la barbe des sentinelles grâce à sa connaissance du passage secret reliant l’édifice à un tunnel à proximité. Cet avantage lui permet de neutraliser discrètement (au début) les hommes d’Ursio, laissant ce dernier seulement accompagné de ses deux derniers lieutenants, et de ce cher Cloclo (la nourrice ayant été étranglée par un mercenaire nerveux après que Brunner ait arrêté le mode silencieux, et commencé à castagner du sbire sans retenue), dans la salle principale de la tour.

 

Ce remake Battle de ‘Trois Hommes et un Couffin’ ne se termine pas aussi bien que l’œuvre originale pour le trio en question. Les compagnons d’Ursio tombent rapidement sous les balles et les lames du chasseur de primes, ce qui laisse leur Capitaine s’échapper en courant avec le bébé dans les bras… jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre des chausse-trapes que Brunner a pris soin de semer en bas de l’escalier de la tour, ce qui ruine ses sneakers et l’envoie au tapis (et le pauvre Cloclo avec, encore un drame des bébés secoués). Lorsque le Tiléen voit sa Némésis apparaître sur le pallier, il tente de le convaincre de le ramener avec lui chez de Chegney, ce que Brunner accepte… partiellement. Comme il le révèle à sa victime, le Vicomte n’a en effet payé que pour sa tête, le reste de son anatomie peut donc rester sur place.

 

La nouvelle se termine avec un face à face entre Brunner et de Chegney, le premier annonçant à son employeur que, malheureusement, Cloclo n’a pas survécu à sa capture. Dévasté par la nouvelle, le noble accepte tout de même d’honorer sa part du contrat et remet à son chasseur de tête (qui n’est pas revenu les mains vides) la moitié restante de la somme convenue, avant de lui donner congé…

 

Révélation

…Mais la scène « post-credit » (si je puis dire) révèle que Brunner a menti, et gardé le bébé avec lui. Ne pouvant l’élever seul, il le confie à un couple de marchands, auxquels il remet également la prime versée par de Chegney. On comprend quand il présente Cloclo comme étant également son petit-fils que le chasseur de primes était en fait le Graf Von Drakenburg dont de Chegney a usurpé le domaine, marié de force la fille à son fils, et vendu à des esclavagistes pour s’en débarrasser. Cela explique la connaissance approfondie des terres des Von Drakenburg dont Brunner dispose, et son peu d’empressement à rendre Cloclo à Gus. La garde partagée est un plat qui se mange froid.

 

Après nous avoir fait don de Mathias Thulmann quelques infernaux numéros plus tôt, C. L. Werner remet le couvert avec ‘What Price Vengeance ?’, nouvelle introductive de l’un de ses personnages les plus marquants, le chasseur de primes Brunner. Le charme opère immédiatement dans cette histoire de prise d’otage (violente) et d’opération de libération (tout aussi violente), l’auteur parvenant à nous embarquer d’un tour de plume dans les bas-fonds du Vieux Monde en compagnie de brigands sanguinaires, de nobles cauteleux et de mercenaires impitoyables. L’intrigue est très solide, le déroulé plaisant à lire et idéalement dosé (Werner fait partie de ces bons écrivains qui savent prendre leur temps sans qu’on ait l’impression qu’ils meublent, qualité trop souvent absente des écrits de la Black Library à mon goût), la conclusion apporte sa petite révélation bien sentie et finement préparée par Werner au cours des pages précédentes, il y a du fluff et des one liners bien sentis… Que demande le peuple ?

 

Le seul petit défaut qu’on pourrait reprocher à cette masterclass med-fan est la tonne de descriptions vestimentaires dont Werner nous abreuve dès lors qu’un personnage important nous est introduit pour la première fois, une excentricité qu’on ne retrouve chez personne d’autre au sein de la BL à ma connaissance. A part ça, on a affaire à une nouvelle de très haute volée, tout comme l’anti-héros qu’elle nous présente.

 

***

Et voilà qui termine cette revue de ‘Way of the Dead’, une anthologie qui a ma foi fort bien vieillie quand on la compare aux autres recueils de nouvelles de Warhammer Fantasy Battle, et même à ceux d’Age of Sigmar, à tel point que je le conseille comme point d’entrée dans cette franchise pour tous les lecteurs souhaitant découvrir le Monde qui Fut. La qualité est en effet largement au rendez-vous, et même l’histoire la plus faible du lot (désolé Jonathan Green) se révèle intéressante à lire d’un point de vue académique (le mot est lâché), puisqu’elle permet de déterminer le « plancher » qualitatif de la GW-Fiction moderne1. Par ailleurs, ‘Way of the Dead’ se paie également le luxe d’être assez diversifié pour un recueil de seulement neuf nouvelles, des soumissions assez classiques cohabitant avec le charme un peu suranné de Brian Craig ou le second degré presque assumé de Robin D. Laws. Enfin, il faut souligner que cet opus met en avant quelques un des héros majeurs de WFB, et qui plus est, au début de leurs aventures, ce qui achève de faire de ‘Way of the Dead’ le recueil introductif par excellence.

 

1 : Je garde les très vieux recueils de nouvelles, prédatant la Black Library (‘Ignorant Armies’, ‘Red Thirst’ et ‘Wolf Riders’, chroniqués , et si ça vous intéresse) à part. Si certaines de leurs histoires s’intègrent parfaitement dans le corpus classique de Warhammer Fantasy Battle, d’autres sont par contre tellement différentes de ce que nous considérons comme étant la norme de la GW-Fiction qu’il serait déloyal d’établir un comparatif.

 

Schattra, 20 ans plus tard

Edited by Schattra
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Toujours un plaisir de lire ces (trop rare) retours WHB!

Voir toutes ces bonnes nouvelles et auteurs (sauf Jowett que je ne connais pas) et avoir J. Green au milieu me fait doucement rire.

En plus une nouvelle sur Angelika et son compagnon qui sont devenu surement parmi mes aventures préférées de la BL.

La série Brunner a l'air tentante.

 

Merci des retours.

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Ajout des nouvelles de 'Way of the Dead'.

  • Way of the DeadGlow (S. Spurrier)
  • Head Hunting (R. D. Laws)
  • The Small Ones et What Price Vengeance? (C. L. Werner)
  • Three Knights (G. McNeill)
  • The Road to Damnation (B. Craig)
  • Mark of the Beast (J. Green)
  • Jahama's Lesson (M. Farrer)
  • A Good Thief (S. Jowett)

Merci pour ton retour, @Rhydysann! :) J'aime bien revenir à mes premières amours de la GW-Fiction de temps à autres, et on approche doucement mais sûrement de la fin du stock de nouvelles (hélas), puisque il ne me reste plus que la brique 'Tales of the Old World' et le mystérieux 'Invasion!' pour boucler la boucle...

 

Je te conseille la série Brunner en effet, Werner fait un beau boulot malgré un concept narratif assez limité à la base (un chasseur de primes qui... chasse des primes), et il y a des novellas de qualité dans le lot.

 

Schattra, comfort reading

 

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Le 12/02/2023 à 15:06, Schattra a dit :

Les trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde

Coucou Schattra ! 
Pour Fontaine je n'ai aucune idée de pourquoi ce nom, mais Belmonde, c'est peut-être une ref à Castevania.
En effet, la famille des Belmonts  c'est une famille de chasseurs de vampires, et chaque opus de la série, c'est un nouveau Belmont qui se rend seul dans le château de Dracula pour en finir... Jusqu'à son prochain retour.

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  • 2 weeks later...

Bonjour et bienvenue dans cette chronique de ‘War Unending’, le recueil de nouvelles Warhammer Fantasy Battle le plus confidentiel jamais publié par Games Workshop. Cela n’est pas dû à son âge vénérable (il date de 2010, ce qui le place au contraire parmi les publications les plus récentes pour cette franchise), ni à sa diffusion très sélective (comme cela a pu être le cas pour les mini anthologies distribuées lors des Black Library Weekenders, au temps où ces derniers avaient encore lieu), mais bien au choix effectué par la BL de ne proposer cet opus qu’en format numérique. Retiré de la vente sur le site de l’éditeur depuis plusieurs années, comme la plupart des ouvrages traitant du Monde qui Fut, ‘War Unending’ ne subsiste plus que dans la mémoire d’érudits de la GW-Fiction et à travers de rares mentions sur des sites de la communauté1. Il m’aura fallu un après-midi pluvieux et quelques recherches oiseuses pour découvrir l’existence de ce bouquin, ce qui est bien la preuve que la GW-Fiction est un puits sans fond…

 

Ne pouvant pas me procurer d’exemplaire de ce recueil, je ne peux avoir de certitudes sur sa genèse, mais sa date de sortie et son illustration de couverture me laissent à penser qu’il s’agissait pour la BL d’accompagner la sortie de la 8ème version de WFB, comme les anthologies ‘XXX & Other Stories’ le font depuis plusieurs années. Les 11 nouvelles qui le composent, provenant d’une variété d’autres anthologies et publications allant du plutôt ancien (‘Portrait of my Undying Lady’ – 2001) au très récent (‘Virtue’s Reward’, qui venait d’être publié dans le numéro 3 de Hammer & Bolter, et ‘Broken Blood’, tiré de ‘Death & Dishonour’ – 2010). On trouve tout de même au sommaire une nouveauté en la présence de ‘The Blood Price’, introduction à la série consacrée par Mike Lee et Dan Abnett à Malus Darkblade. Avec sept nouvelles provenant des vénérables pages du magazine Inferno !, on peut toutefois considérer ‘War Unending’ comme l’ultime anthologie « infernale » publiée par la Black Library, près de six ans après la sortie du dernier numéro du légendaire bimensuel.

 

Sans plus attendre, partons à la (re)découverte de ce volume quasi-oublié, et tâchons de voir s’il en valait la peine, du temps où il était encore disponible. Si la guerre est éternelle, la politique de distribution de la BL est elle plutôt volatile…

 

1 : Je remercie donc l’auteur de Complete Gotrek & Felix pour son impeccable travail d’archivage (d’autant plus remarquable que le recueil qui nous intéresse ne contient qu’une seule nouvelle consacrée à l’héroïque duo), sans lequel cette chronique n’existerait pas.

 

war-unending.png

 

 

Swords of the Empire - D. Abnett :

Révélation

« Cher journalle en pô de shèvre, si je prens la plume aujour dui, bien ke je ne soyes pa un skribhe, mésun chevalié de la Reiksguard, cé ke j’en nai greau et ke le monde doigt savoir. »  Ainsi commence l’histoire narrée par velin caprin interposé par notre narrateur, Jozef von Kassen, qui, pour tromper les longs mois de l’hiver kislévite, s’est mis en tête de chroniquer par le menu les aventures l’ayant amené à squatter avec ses hommes la stanitsa de Kzarla. C’est donc à la chronique d’une chronique, exercice meta en diable, que l’auteur de ces lignes se prête ici, sur un support bien moins classe qu’un parchemin de biquette je le reconnais, mais nécessité fera loi.

 

Notre récit débute à Altdorf, où von Kassen est chargé par ses supérieurs d’escorter la vadrouille d’Udo Jochrund, maître sorcier du Collège Lumineux et spécialiste de la magie tribale kislévite, sur son terrain de prédilection. Accompagnés d’une vingtaine d’hommes d’armes, notre héros doit assurer la sécurité de sa charge pendant qu’elle recensera les fascinantes traditions chamaniques des peuplades du grand Nord, entreprise qui semble occuper la plus grande partie des étés de Jochrund. Von Kassen, qui est une âme simple, se méfie d’abord des pouvoirs occultes dont son compagnon de voyage dispose, mais la pédagogie dont ce dernier fait usage pour convaincre son protecteur un peu concon qu’il n’a rien à craindre, et la gentillesse manifeste de l’érudit1, finissent par gagner la confiance du soldat. Commence alors un périple long de plusieurs mois, permettant à l’expédition de visiter quantité de communautés kislévites, au lecteur d’apprendre pas mal de choses sur nos personnages (à commencer par l’intérêt fort et sincère que porte von Kassen à tout ce qui à trait aux chèvres2) et sur la culture locale, à Jochrund de collecter des tonnes d’échantillons et de témoignages, et à Abnett de remplir facilement une vingtaine de pages, ou une peau de chèvre entière dans le cas de son héros. Ceci dit, le périple n’est pas sans rencontrer quelques difficultés occasionnelles, comme la fois où les aventuriers ont dû batailler pendant une heure pour repousser l’assaut de brigands locaux, pour un résultat sans appel – mais un peu surprenant si on prend compte la longueur de l’affrontement – de quatre morts à zéro3.

 

Les choses deviennent un peu plus sérieuses lorsque la petite troupe atteint le village septentrional de Svedora, nommé ainsi à cause du chapeau traditionnel que tous les hommes célibataires avec collier de barbe portent. Eprouvés par des mois de marche à travers les plaine du Kislev, les impériaux ont une allure plutôt miteuse, ce qui mène le krug local à leur barrer la route d’un air menaçant. Von Kassen parvient toutefois à dissiper ce fâcheux malentendu, gagnant la confiance de son homologue, un beau gosse à l’armure et l’épée étincelantes, et à la moustache soyeuse, du nom de Subarin. Accueillis en grande pompe par leurs hôtes, les voyageurs savent qu’il ne leur reste que peu de temps pour faire demi-tour, l’arrivée prochaine de l’automne menaçant de les isoler pour la mauvaise saison dans une stanitsa de troisième ordre. Aussi, c’est avec une lassitude non feinte que von Kassen s’entend réclamer par le sorcier un nouveau délai, pour aller visiter une ultime communauté située à quelques jours de voyage au Nord de Svedora.

 

Guidés par un trio de guerriers locaux, dont Subarin qui souhaite apparemment concrétiser sa bromance naissante avec von Kassen, les impériaux parviennent à leur destination, Kzarla, mais non sans avoir essuyé une embuscade de la part d’une bande de Kuls agressifs, et perdus quelques membres de l’équipée au passage. Après avoir à nouveau négocié leur entrée dans le village auprès du krug local, les riders de l’extrême sont envoyés crécher dans une yourte à l’extérieur de la communauté, qui est sur le point de célébrer un rituel important pendant lequel aucun étranger n’est toléré intra muros, exception faite de Jochrund et de son assistant, Sigert. Le comportement maniaque de sorcier a cependant alerté von Kassen, et lorsqu’il assiste à ce qui ressemble beaucoup à une procession sacrificielle emmenant une accorte damoiselle locale jusqu’à l’île où se situe le temple local, le preux chevalier ne peut rester dans sa tente à se saoûler au koumiss, comme ses camarades. Faisant fi de l’interdit, il se précipite donc dans le village, épée à la main…

 

Révélation

…Ses suspicions se trouvent confirmées lorsqu’il aperçoit Jochrund et Sigert en train d’assister le chamane de Kzarla dans ce qui ne peut être qu’un sacrifice païen de la pauvre vierge droguée. Sans chercher à réfléchir, et comme le vrai GOAT qu’il est, von Kassen interrompt la cérémonie, se saisit de la fille et repart dare-dare vers sa yourte, ayant poussé le chamane dans la flotte gelée et décapité ce fourbe de Sigert au passage, lorsque l’acolyte lui avait planté une dague dans la cuisse. Quant à Jochrund, dont la manie de toujours porter des gants a trouvé une explication logique mais chaotique pendant ce tohu-bohu (les mains du sorcier étaient en fait des griffes), il a écopé d’une javeline de la part de l’estimable Subarin dans la hanche pour sa peine.

 

La perfidie du sorcier est confirmée par le recueil du témoignage de la donzelle (Mariya), une fois redescendue de son bad trip. Von Kassen apprend ainsi que ce jocrisse de Jochrund a convaincu le chamane local de procéder à un véritable sacrifice – auparavant, les Kislévites se contentaient d’en mimer un, n’étant pas les brutes épaisses pour lesquelles von Kassen les tenait – afin de s’assurer de la réussite d’un rituel de clémence météorologique. Ce qui n’a l’air de rien dit comme ça, mais aurait permis aux hordes de cet obscur chef de guerre du nom d’Arcachon, ou quelque chose comme ça, d’envahir le Kislev et l’Empire plus tôt que normalement possible. Avant de pouvoir alerter ses supérieurs de la duplicité du mage et du grave péril dans lequel le Vieux Monde se trouve, von Kassen doit toutefois négocier un ultime contretemps : l’arrivée d’une large bande de Kurgans convoqués par Jochrund, qui compte bien laver Mariya de tous ses péchés d’un coup de surin enchanté, pour offrir un hiver clément à son boss. Se battant à plus de un contre quatre, le krug local ayant été envoyé chasser le dahut par les manigances de Jochrund quelques jours plus tôt, nos vaillants héros livrent toutefois bataille avec bravoure, perdant la majorité des leurs sous les coups des maraudeurs mais prélevant un lourd tribut parmi leurs assaillants. Alors que tout semblait perdu, le retour inespéré de lanciers ailés de Kzarla scelle la déroute des chaoteux, tandis que Jochrund se fait occire par l’incontournable Subarin d’un revers de sa prodigieuse épée. Il est toutefois trop tard pour que von Kassen et ses survivants puissent faire demi-tour, et c’est ce qui explique le zèle littéraire de notre héros, déterminé à laisser une trace de son passage même s’il devait périr de la grippe saisonnière avant le retour des beaux jours. Voilà un dévouement digne d’éloges.

 

Dan Abnett poursuit sur la lancée (et les lanciers) des Cavaliers de la Mort avec Les Epées de l’Empire, récit d’aventures dans les steppes du Kislev mettant un noble héros aux prises avec les infâmes forces du Chaos, qui peuvent parfois revêtir des traits familiers. Parvenant à nouveau à embarquer le lecteur dans l’exotisme de cette civilisation méconnue sous bien des aspects, l’auteur combine avec maestria action trépidante, intrigue satisfaisante et immersion fluffique poussée. C’est propre, c’est net, c’est Abnett à son meilleur en matière de nouvelles siglées Warhammer Fantasy Battle, et en plus, c’est traduit en français : que demande le peuple ?

 

1 : Ne jamais sous-estimer le pouvoir du mystérieux sourire de (la) Jochrund.

 

2 : Ainsi, il prend bien soin de préciser que le départ s’est fait à la St Talve, le patron de l’agnelage, information notable sans aucun doute. Après tout, comme il le dit lui-même : « tout ce qui compte aujourd’hui pour moi peut se mesurer en chèvres ».

 

3 : À moins que le différent n’ait été réglé par une partie de Blood Bowl, ce qui reste une possibilité.

 

The Small Ones - C. L. Werner :

Révélation

the-small-ones.pngLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

 

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

 

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

 

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

 

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

 

Révélation

…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…

 

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Little Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

 

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

 

Rattenkrieg - R. Earl :

Révélation

wfb_rattenkrieg.png?w=400&h=632Un vieux Prêtre de Morr fan de jardinage et ami des petits oiseaux voit sa paisible retraite interrompue en pleine nuit par l’arrivée d’un visiteur imprévu. Sous ses abords de clochard odoriférant et plus qu’à moitié fou, le nouveau venu se révèle être un Capitaine mercenaire du nom d’Otto van Delft, ayant fait de la dératisation sa spécialité et son gagne-pain. Ereinté par les épreuves qu’il a traversé au cours des derniers jours, le chien de guerre accepte volontiers la soirée boutanche et anecdotes que lui propose l’aimable ecclésiastique pour apaiser son âme troublée. Nous voilà donc plongés dans le Rattenkrieg, ou guerre contre les rats pour ceux qui n’ont ni fait allemand au collège, ni joué à Return to Castle Wolfenstein, menée par la cité impériale de Magdeburg contre ses voisins du dessous.

 

La casus belli était tout à fait respectable, reconnaissons-le, la jeune et blonde fille du Bourgmestre de la ville, Freda (son papa s’appelle Gottlieb, by the way) s’étant fait enlever par une bande de Coureurs d’Egouts ayant creusé un tunnel jusqu’à dans l’armoire de sa chambre, au nez et à la barbe moustache de son paternel, trop occupé à s’envoyer la jeune fille au pair pour prêter attention aux crises de terreur nocturne de sa chérubine. Déterminé à la retrouver, Gottlieb engagea un expert en dératisation pour aider sa milice à purger les terriers des envahissantes bestioles, ce qui se passa plutôt bien au début. Avec le recul, Otto réalise que cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille, mais pour une fois qu’une expédition dans les souterrains ne se termine pas en eau de boudin au bout de deux heures, pourquoi s’en plaindre, hein ?

 

D’autres indices incriminants a posteriori furent les cartes très détaillées des galeries Skaven que Gottlieb parvint on ne sait trop comment à fournir à ses hommes, leur permettant de nettoyer plusieurs colonies mineures avec une facilité insolente. Confrontés à rien de plus méchant qu’une meute d’Esclaves à moitié moribonds, Otto et ses miliciens remportèrent leurs premières escarmouches sans coup férir, mais ce n’était malheureusement qu’un gigantesque traquenard mis en place par un ennemi beaucoup trop sournois pour notre brave Capitaine. La bascule eut lieu lorsqu’un de ses lieutenants, Krinvaller, fut retrouvé seul et à l’agonie dans une galerie, serrant dans ses poings une des précieuses cartes utilisées par les impériaux. Le corps dévoré par les poisons utilisés par les Assassins lui ayant planté un surin entre les côtes quelques instants plus tôt, Krinvaller délivra un message incohérent à son supérieur, l’avertissant de l’échec de leur mini croisade et le suppliant d’empêcher Gottlieb de consulter ces fameuses cartes. Otto n’eut pas le temps de se creuser la tête sur ce message cryptique avant qu’une nouvelle attaque ne se produise, celle-ci menée par des Vermines de Choc. Malgré les ravages causés par le tromblon custom de notre héros (affectueusement surnommé Gudrun), l’affrontement se transforma rapidement en débandade échevelée, les humains étant canalisés par leurs adversaires jusqu’à une chambre souterraine afin de permettre l’utilisation de lance-feu dans des conditions optimales.

 

Fort heureusement, le joueur Skaven fit une série d’incidents de tir au moment de lancer les dés de touche, causant plus de dégâts parmi les Guerriers des Clans amassés pour le son et lumière promis par leur Technomage et à la structure de la caverne qu’aux quelques miliciens encore debout à ce stade avancé de la déroute impériale. L’éboulement qui s’en suivit força les deux camps à stopper les hostilités, au moins temporairement, et si Otto parvint à s’extirper par miracle des décombres et à regagner la surface, aucun de ses compagnons ne fut aussi chanceux.

 

Cela n’empêche pas le Capitaine déterré et déterminé de repartir aussi sec vers Magdeburg une fois son récit et la bouteille de gnole du Prêtre terminés. Bien que sa réputation soit aussi ruinée que sa garde-robe, nous avons affaire à un professionnel, qui utilisera toutes ses ressources et ses dernières forces à mener à bien sa mission. C’est beau. La détestation qu’il voue à la noble race anthropomurine n’a en outre qu’été renforcée par la réalisation de la manipulation dont il a fait l’objet, les cartes lui ayant été remises ayant guidé ses forces vers trois clans mineurs, dont l’extermination a fait les affaires d’un quatrième clan, ayant probablement tout manigancé depuis le départ. Et à ce propos…

 

Révélation

…Le vieux Prêtre ne tarde pas à comprendre pourquoi son hôte lui a laissé ses cartes au moment de partir. Un examen approfondi de ces dernières permet en effet d’établir sans l’ombre d’un doute qu’elles ont été faites avec de la peau humaine, et très probablement celle de la pauvre Freda, dont l’enlèvement a déclenché la malheureuse Rattenkrieg. Ou comment joindre l’utile à l’agréable, Skaven style…

 

Robert Earl fait partie des auteurs de la BL maîtrisant particulièrement bien la mise en scène de l’insidieuse menace Skaven dans leurs écrits (je place C. L. Werner dans cette même catégorie), et il le démontre dans ce ‘Rattenkrieg’ efficace et atmosphérique. Plutôt que de nous abreuver d’une litanie de scènes d’actions sanguinolentes, il fait le choix de relater cette campagne condamnée dès sa première heure à travers une série de flashbacks, ce qui lui permet de couvrir tous les événements marquants de cet affrontement souterrain d’une manière concise et prenante. La petite révélation finale, si elle n’approche pas grand-chose à l’intrigue à ce stade, est une addition narrative bien trouvée, soulignant avec à propos à quel point les Skavens sont infréquentables. La seule chose que je peux reprocher à cette histoire est l’importance un peu trop grande accordée à des personnages qui finalement ne servent pas à grand-chose dans le déroulé du récit, qu’il s’agisse du Prêtre de Morr (qui bénéficie de sa petite scène d’introduction « au jardin », pas très utile à mes yeux) ou du lieutenant Gunter, qui disparait purement et simplement de la nouvelle à un certain moment.

 

Redhand's Daughter - W. King :

Révélation

wfb_redhands-daughter.pngAprès avoir fait les 400 coups (de hache runique) en Arabie, quelques temps après leur retour d’Albion (Tueur de Géants), Gotrek et Felix se retrouvent sur le cuirassé nain du Capitaine Ahabsson, croisant sur les eaux du golfe d’Arabie depuis la forteresse de Barak Varr. Toujours à la recherche d’une fin glorieuse, le célèbre Tueur doit ronger son frein pendant la croisière, ce qu’il fait en s’enfilant pinte sur pinte et en gueulant sur Ceniormeteo, le dieu elfique des dépressions, tandis que Felix préfère meubler ses journées en regardant les dauphins et entretenant des pensées sinistres, comme à son habitude. Nos plaisanciers ne tardent cependant pas à être mis à l’épreuve (autrement, cela aurait été la nouvelle de Gotrek & Felix la plus ch*ante du monde), d’abord par la survenue d’un grain sévère, qui endommage bellement le Storm Hammer, puis par la rencontre avec un navire de pirates Orcs, qu’Ahabsson décide, en corsaire assermenté, d’aller piller. L’enthousiasme fiévreux du capitaine se heurte toutefois à quelques dures réalités, à commencer par les projectiles enflammés projetés par la catapulte de proue du vaisseau adverse, qui cabossent suffisamment le steamer nain pour que ce dernier se retrouve à portée d’abordage par l’équipage peaux-vertes, beaucoup plus nombreux que ses vis-à-vis. La bataille qui s’en suit permet à Gotrek de se dégourdir les orteils (pas mieux à espérer contre de simples boyz), et à Felix de voler à la rescousse d’une prisonnière de l’infâme Capitaine Goldtusk, qu’il réussit à escorter jusqu’au Storm Hammer avant que ce dernier ne parvienne à se désengager.

 

Vainqueurs éprouvés de l’affrontement, les Nains décident d’aller mouiller l’ancre sur l’une des îles toutes proches, encouragés en cela par le récit fait par la rescapée (Katja Murillo) du légendaire trésor que le pirate Redhand, qui se trouve être son père, a dissimulé sur cette dernière. Elle-même capitaine au long cours, elle promet à ses sauveurs de partager les bénéfices de son héritage s’ils l’aident à mettre la main dessus. Capturée par Goldtusk alors qu’elle voguait vers le butin avec son propre équipage, Katja n’a dû son salut qu’à l’avidité de l’Orc, qui a épargné sa vie en échange d’un aller simple vers le magot familial. Jamais les derniers à se lancer dans la quête de richesses mal acquises, Ahabsson et ses gars acceptent la proposition qui leur est faite, et tout ce petit monde (plus deux humains) débarque sur une île volcanique couverte d’une épaisse forêt où est sensé se trouver la fortune de Redhand.

 

Bien que charmé par le ravissant minois de la donzelle (ce qui est la raison pour laquelle il s’est rué à son secours en premier lieu), Felix se montre assez suspect des motivations de cette dernière, et ne peut s’empêcher de penser que Katja dissimule quelque chose à ses partenaires. Gotrek de son côté s’avère plus intéressé par la perspective de se frotter au monstrueux gardien d’une gemme légendaire conservée dans l’un des temples en ruines de l’île (dixit Katja, toujours), ou a défaut, par la régulation de la population locale de peaux vertes. L’enthousiasme général est à peine entamé par la disparition mystérieuse de plusieurs membres d’équipage au fur et à mesure que l’expédition s’enfonce dans la jungle, énigme rapidement résolue par un Gotrek peu tolérant envers les facéties des Gobelins arboricoles du cru. Après un pittoresque trail tropical, les aventuriers parviennent jusque dans la cité abandonnée promise par leur guide, qui se trouve être un lieu de villégiature couru par la gent orcoïde (un club Mork, sans doute), forçant nos héros à la plus grande discrétion. Même Gotrek, dont le premier but était pourtant de tailler des croupières aux locaux, accepte de faire crête basse jusqu’à ce que ses camarades aient pu sécuriser le trésor, ce qui est fort urbain de sa part. En même temps, ils sont sortis de la forêt, donc…

 

Une fois rendu dans le temple où Redhand aurait déposé ses bagages, et après avoir négocié de façon soupçonneusement facile au goût de ce rabat-joie de Felix l’accès jusqu’au cœur de l’édifice, qui dispose d’une installation géothermique de pointe sous la forme de puits de lave intégrés à la structure du bâtiment (attention à ne pas se brûler en prenant sa douche, tout de même), l’expédition se retrouve confrontée à un défi de taille, en la présence d’un Elémental de lave qui surgit de son jaccuzzi pour empêcher les intrus de faire main basse sur le trésor du pirate ainsi que sur l’énorme gemme qui fait office de décoration d’intérieur. Au lieu de s’émerveiller de la culture du gardien des lieux, qui s’exprime en Reikspiel parfait alors que sa prise de fonction remonte à des millénaires (ce sont les Anciens qui ont signé son contrat de travail), l’esprit mesquin de Felix ne peut s’empêcher de se concentrer sur le fait que MagMan semble connaître Katja, qu’il qualifie de sorcière (ce qui n’est pas très sympathique). De son côté, Gotrek se contente de foncer dans le tas (de roches en fusion) avec son ardeur habituelle, distrayant la Chose assez longtemps pour que Katja réussisse à s’emparer de la gemme, avant de disparaître dans un éclat de rire sardonique. On comprend alors que la capitaine corsaire n’était pas la fille, mais la femme de Redhand, qu’elle a poussé à prendre d’assaut le temple pour récupérer le diam’s des années plus tôt, sans succès. On comprend aussi que le joyau en question n’avait pas qu’une utilité symbolique, mais servait surtout de régulateur de l’activité tellurique du volcan local, qui se réveille violemment une fois la gemme dérobée.

 

Ayant tout de même réussi à refroidir les ardeurs du gardien, puis à le(s lui) briser menu, Gotrek et Felix en sont quittes pour une session de hack’n’slash intense pour sortir du temple avant que ce dernier ne soit noyé par la lave. Laissant leurs camarades survivants se débrouiller tous seuls comme des grands petits, le duo se fraie un chemin sanglant à travers les hordes de Gobelins que Goldtusk, arrivé sur place après le naufrage de son navire, a recruté pour… visiter le temple également je suppose1. Cette louable idée de sortie culturelle prend donc un tour funeste lorsque le Tueur et son comparse décident de couper la file, résultant en des centaines de morts parmi les visiteurs, dont Goldtusk en personne, décapité par un Gotrek littéralement chauffé à blanc. Ceci fait, il ne reste plus à nos inséparables qu’à partir en petites foulées vers la plage où mouille le Storm Hammer, avant que l’éruption du Krakatorka ne mette un terme honteux et cendreux à la carrière du Tueur. Spoiler alert : Ils s’en sortent. Si si.

 

Cette aventure conséquente (28 pages) permet à William King de renouer avec les origines littéraires de Gotrek & Felix, héros de nouvelles conduits plus tard par le succès à évoluer dans de plus longs formats. Se déroulant après les événements relatés dans Tueur de Géants, dernier roman signé de la série signé par King (et le moins réussi du lot à mon humble avis, comme quoi il a bien fait d’arrêter), Redhand’s Daughter peut être considéré comme l’ultime tour de piste des deux troublions sous la plume de leur créateur, et un écho aux longues nouvelles originelles du duo (Wolf Riders, The Dark Beneath the World). Bénéficiant d’une localisation exotique (je ne pense pas que quiconque se soit aventuré dans la Chaîne Mégaleane – qui n’apparaît sur aucune carte à ma connaissance – depuis lors), de péripéties rythmées et, elles aussi, assez innovantes pour le lecteur, comme la bataille navale introductive entre corsaires Nains et pirates peaux vertes, Redhand’s Daughter a un petit goût de pastiche de The Queen of the Black Coast (a.k.a. Conan en croisière), avec Katja en Belit et Gotrek & Felix se partageant le rôle du ténébreux Cimmerien. Ces considérations évacuées, on se retrouve cependant avec une soumission assez classique du sous-genre créé par King, qui déroule son propos et coche les cases du cahier des charges avec aisance plus que maestria. On notera pour terminer que l’auteur n’a pas encore tenu sa promesse de faire remettre Katja Murillo sur le chemin de nos baroudeurs, et qu’avec la destruction du monde de Warhammer (et donc celle de Katja et Felix), il lui sera assez difficile de tenir sa parole…

 

1 : King ne donnant aucun signe que les Nains aient été détectés par les peaux vertes à leur arrivée.

 

Portrait of my Undying Lady - G. Rennie :

Révélation

wfb_portrait-of-my-undying-lady.pngLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l'incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

 

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l'illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l'incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

 

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l'époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l'insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

 

Enfin, la toile est complétée et l'exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

 

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

 

Virtue's Reward - D. Hinks :

Révélation

Le lecteur suit les aventures de Virtue von Stahl, sans doute appelée de la sorte pour que Darius puisse se fendre du jeu de mots qui sert de titre à la nouvelle (hohoho), une novice de l'ordre des Sœurs de Sigmar. Comme on peut s'en douter, c'est donc Mordheim qui sert de décor à cette histoire, Virtue et ses deux acolytes étant chargées de ramener chacune un morceau de malepierre au couvent afin de devenir des membres à part entière de cette secte apocalyptique (et dire que la noblesse impériale se battait pour y envoyer ses filles...).

À ce stade, on se dit que même si Darius n'a pas une once d'originalité dans sa manière de narrer les péripéties de ses héroïnes, la cité des damnés suffira à elle seule à relever le goût insipide de la soupe qu'il nous sert, en ajoutant un peu de sa folie latente au bouillon de clichés que le chef Hinks nous a concocté. C'est vrai quoi, même sans jouer une partie pour se mettre dans l'ambiance, il suffit de survoler les illustrations magnifiquement dérangeantes de John Blanche émaillant le livre de règles pour que les idées jaillissent. Malheureusement, la seule chose que Darius semble avoir retenu du background de Mordheim, et encore de manière inconsciente, est qu'il est vain d'espérer que les choses s'améliorent dans cette ville maudite. Pour le lecteur, cela signifie que le niveau restera d'une stabilité remarquablement basse de la première à la dernière ligne, et donc qu'il s'ennuiera ferme en suivant Virtue et ses copines dans leur soirée d'enterrement de vie de jeunes filles (ou ce qui s'en rapproche le plus, étant donné le contexte). J'attends encore l'auteur qui me décrira la Mordheim baroque, glauque et flamboyante que je m'imagine, et je peux d'ores et déjà dire que cet auteur, ce ne sera pas Darius Hinks. Voilà pour la touche Warhammer.

Si on se concentre à présent sur le schéma narratif et les relations entre personnages, les choses se corsent un peu plus: le premier est d'un simplisme primaire qui me fait suggérer que Darius Hinks n'avait en tout et pour tout qu'une idée à développer lors de sa nouvelle (elle servira de switch final pathétique), et qu'il a bien pataugé pour meubler les 30 pages entre le titre et cette apothéose douteuse. Les relations entre personnages (la nouvelle en compte trois principaux) sont tout aussi basiques, Darius ne trouvant rien de mieux que de nous resservir le triangle "héroïne trop bonne trop conne- amie option meatshield - rivale pouffiasse et fourbe". Les personnages secondaires restent dans la même veine ultra conformiste, puisqu'on pourra également croiser un duo de ruffians convenablement couards, un chevalier bretonnien arrogant et son dévoué serviteur contrefait, ainsi qu'une mère supérieure à qui on ne la fait pas (Dumbledore-like dans la relation avec l'héroïne).

Bref, une nouvelle fade et creuse, ce qui, compte tenu du background choisi (ou peut-être imposé de force, ça expliquerait des choses) par l'auteur, tient de la contreperformance la plus grandiose.

 

The Blood Price - M. Lee :

Révélation

the-blood-price.png?w=400&h=610Contrairement aux autres jeunes aristocrates druchiis, Malus de Fréjus Hag Graef n’est pas le moins du monde emballé par la croisière corsaire servant de rite de passage à l’âge adulte parmi la jeunesse nantie de Naggaroth, malgré le fait que son paternel Lurhan Fellblade lui ait réservé une place sur un navire tout ce qu’il y a de plus convenable, la Manticore du capitaine Hethan Gul. Fils à maman (une Sorcière) par excellence, Malus ne sait que trop bien que son père profitera certainement de l’occasion pour se débarrasser d’un rejeton qu’il n’a jamais voulu, mais surveillé de trop près par son influente génitrice pour qu’il tente un assassinat à domicile. C’est donc le cœur lourd et sous l’escorte d’une patrouille de gardes civils peu commodes que notre héros grimpe à bord de la Manticore, accompagné de l’unique suivant que son père a embauché pour sauver les apparences, le jeune, idéaliste et passablement fauché chevalier Silar Thornblood.

 

Ne connaissant rien aux choses de la mer et souhaitant revenir le plus tôt possible faire la tournée des bars de Clar Karond et d’ailleurs, Malus a un coup de génie involontaire lorsqu’il décline le projet de pillage proposé par Gul, un cabotage classique le long des côtes bretonniennes pendant plusieurs longs mois, au profit d’un raid très osé sur les côtes d’Ulthuan. Cette audace lui vaut l’admiration du second de la Manticore, la coriace Lhunara, qui lui révèle en douce ce que le nobliau avait déjà soupçonné : cet itinéraire pépouze se serait conclu d’une façon tragique pour lui, Lurhan ayant payé Gul pour qu’un accident malheureux se produise lors du raid d’un village de pécores. Le gros caprice de Malus rebat donc les cartes, mais encore lui faut-il parvenir à revenir vivant de sa visite chez ses cousins d’en haut, et échapper aux coups de l’assassin de rechange que Lurhan a probablement engagé pour garantir le succès de son infanticide. Chez les Druchiis, on ne laisse rien au hasard.

 

Appelez cela chance du débutant ou révélation du génie de l’improvisation du petit Malus (un talent qui lui sera fort utile dans la suite de ses aventures), mais son plan très audacieux se déroule presque comme sur des roulettes. Après avoir manqué de se faire surprendre par un navire de patrouille de Lothern à proximité de l’Île Blafarde, et s’être tirée d’affaire en abordant et coulant l’importun, la Manticore débarque son contingent de Corsaires sur la côte d’Asur et, par une opération cosplay brillamment négociée et le sang froid de Lhunara, qui a fait haut elfe en LV2, la bande d’affreux parvient à s’emparer d’une petite cité au fil de l’épée. Il ne reste plus aux pillards qu’à regagner leur bord avec leur butin et leurs esclaves, mais hélas, la chance insolente de Malus commence à lui faire défaut.

 

Bien qu’il ait réussi à renvoyer la moitié de ses hommes et les biens confisqués à ses infâmes cousins sur son navire, Malus attend en vain que Gul renvoie les canots sur le continent, le rusé capitaine jouant la montre le temps que la Manticore se fasse malheureusement repérer par le second navire de Lothern qui croisait dans ces eaux. Dans ces conditions, il n’est que naturel que le capitaine choisisse d’abandonner les hommes encore à terre pour tenter de regagner le large, pas vrai (les Druchiis se donnent vraiment beaucoup de mal pour sauver les apparences, je trouve) ? Isolé avec une cinquantaine de Corsaires et une trentaine de prisonniers, et alors qu’une colonne de Gardes Maritimes approche de la crique où il fait le pied de grue, Malus se retrouve dans de biens beaux draps…

 

Révélation

…Ce qui le contraint à sacrifier ses futurs esclaves pour, à nouveau, duper les naïfs Asurs grâce un rapide changement d’atours, et les convaincre que les héroïques captifs ont réussi à se libérer de leurs tortionnaires par la seule force de leurs petits bras musclés et de leurs manucures impeccables. Une attaque surprise plus tard, les Corsaires peuvent repartir en direction des canots laissés par les Gardes Maritimes abusés et estourbis pour débarquer depuis leur navire, et arriver à temps pour sauver la Manticore des assauts vengeurs du reste de l’équipage haut elfe.

 

Tout est donc bien qui ne finit pas trop mal pour Malus, qui peut repartir vers Clar Karond avec un peu de loot, deux suivants à la loyauté confirmée, et passer le temps en amputant lentement le pauvre Gul, dont la trahison n’a évidemment pas été pardonnée, de toutes ses protubérances. Et le deuxième assassin, me demanderez-vous ? Eh bien, il s’agissait du second lieutenant Amaleth, dont la seule tentative aura été un carreau d’arbalète tiré dans la confusion de l’abordage du premier vaisseau de Lothern. Le pauvre elfe fit partie des victimes du deuxième combat naval (une mort tout à fait « naturelle » celle-là, enfin je me comprends), et était de toute façon surveillé de près par la prudente Lhunara, qui n’avait pas encore choisi son camp à ce moment. Qui pourrait lui en vouloir de la jouer safe dans ces conditions, hein ? Pas Malus, en tout cas…

 

Nouvelle assez conséquente servant de prologue à la série des Malus Darkblade, ‘The Blood Price’ capitalise sur les points forts de cette saga : des personnages torturés et assez horribles, mais qui finissent tout de même par devenir sympathiques, de l’action effrénée avec des rebondissements en cascade, et une très généreuse rasade de fluff elfe noir. Autant de raisons de savourer cette histoire, et de poursuivre la lecture des mythiques mésaventures malusiennes dans l’hexalogie qui prend place après les événements relatés ici.

 

Glow - S. Spurrier :

Révélation

glow.pngC’est la fin de l’automne à Talabheim, et le Temple de Sigmar local, dirigé par le capitaine Richt ‘Hmm’ Karver, enquête sur une addiction d’un nouvel ordre qui s’étend dans les bas-fonds de la cité. Le Glow, une poudre verte de composition inconnue, fait en effet des ravages parmi les déshérités de la métropole cratérisée. Très addictif, il a en outre comme fâcheux effet secondaire de provoquer des mutations spontanées chez ses utilisateurs réguliers, ce qui n’est pas du tout du goût de ce gentleman de Karver. Après avoir mené un raid dans un taudis dont l’adresse lui avait été donnée par un suspect, l’impeccable capitaine repart avec un cadavre frais de junkie agressif ainsi qu’une petite réserve de la substance en question, qu’il choisit d’ajouter à la diète du rat géant skaven qu’il a adopté comme animal de compagnie après une purge des souterrains de Talabheim l’année passée. Le savoir fait le pouvoir, c’est bien connu.

 

Les mois passent et l’hiver arrive sur l’Empire, sans que la filière locale de Glow soit démantelée malgré les meilleurs efforts de Karver et de ses hommes (Kubler, Holst et Spielmunn). L’épidémie ne fait au contraire que progresser, ce qui force les chasseurs de sorcières crackheads à muscler leurs méthodes, déjà assez viriles. Interrogatoires menés au tison, menaces d’envoyer leurs indics au bûcher s’ils ne s’activent pas et autres descentes dans la ville tous flingues dehors se multiplient. C’est au cours de l’une d’entre elles que Karver commet une bavure : surpris par la réaction de l’occupant d’un laboratoire clandestin où le Glow était produit, il déchargea sa pétoire sur ce qui se révéla être, après inspection post mortem, une fillette réduite en esclavage par le maître du cartel pour la confection des tablettes inondant la cité. Enchaînée dans son local et ayant été privée de langue par son tortionnaire, elle cherchait seulement à expliquer pourquoi elle n’était pas en capacité d’obtempérer aux ordres des Templiers lorsqu’un Karver sur les nerfs lui envoya un pruneau dans le caisson pour slow play. Ce sont des choses qui arrivent…

 

L’opération ne fut cependant pas un total échec, notre héros mettant le gant sur la poudre entrant dans la composition du Glow en fouillant le laboratoire. Ayant fait pression sur un sorcier de Jade pour obtenir une expertise express, il reçut la confirmation de ses soupçons : l’ingrédient actif du Glow était bien de la malepierre. Une erreur de manipulation de la part du thaumaturge lui permit de recevoir une autre information utile : la substance toxique se trouvait à la fois dans le gant utilisé pour recueillir la poudre dans le laboratoire, mais également à l’extérieur de ce dernier, indiquant sans équivoque que Karver avait manipulé de la malepierre peu de temps auparavant. Un résultat étrange, à moins que…

 

Révélation

…À moins que la broche ornée d’une pierre verte que son meilleur disciple, Kubler, portait à la boutonnière ce jour-là n’ait pas été montée d’une émeraude, comme il le pensait, mais d’un minéral bien plus sinistre. La confrontation entre les deux hommes prend place dans la chambre froide creusée sous le Temple de Sigmar, dans lequel les répurgateurs stockent leurs cadavres contaminés dans l’attente du dégel. Ayant participé à la purge des terriers skavens en compagnie de son mentor, Kubler avait eu la mauvaise idée de s’intéresser à la malepierre utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers, et qui le transforma rapidement en méchant de série B.

 

Ayant dupé la vigilance de son supérieur jusqu’à son fashion faux pas en matière d’accessorisation de sa tenue, Kubler est pris au dépourvu lorsque Karver le trouve en train de faire les poches des corps de Guerriers des Clans gardés en réserve par les Templiers à la recherche de cailloux verts. La surprise change toutefois de camp après qu’un Kubler gravement blessé par le tir de son patron passe en mode Technomage et avale d’un seul coup tous les éclats de malepierre qu’il trimballait sur lui, se transformant en mutant à la force et à la rapidité décuplés. C’est au tour de Karver de se retrouver dans les cordes, mais notre héros avait gardé un atout dans sa manche, ou plutôt au bout d’une chaîne : son rat de compagnie. Transformé en abomination (et pas Abomination, ça ne serait pas rentré dans son bureau) poilue par sa consommation régulière de Glow, Ratatouille est libéré par son maître et ne perd pas une seconde pour creuser un terrier dans la bedaine de Kubler afin d’accéder à la malepierre récemment consommée par le ruffian. Cet affrontement sans merci résulte en la mort simultanée des deux adversaires, laissant Karver le seul survivant de ce truel chaotique. Il faudra penser à passer un coup de mop, tout de même.

 

Spurrier transpose avec succès une enquête des stups dans le monde de Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘Glow’, qui illustre le sombre mais palpitant quotidien des Templiers de Sigmar lorsqu’ils n’ont pas de sorcières à se mettre sous la dent. Ambiance poisseuse, action rythmée, twist final bien amené… Simon Spurrier démontre l’étendue de ses talents de scénariste et sa valeur comme contributeur à la GW-Fiction avec cette nouvelle, qui sera malheureusement sa seule incursion dans le Monde qui Fut. Comme le hamster adoptif de Richt Karver, on aurait bien aimé avoir du rab’.

 

Three Knights - G. McNeill :

Révélation

wfb_three-knights.pngLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

 

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

 

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

 

Révélation

…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

 

Révélation

…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…

 

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

 

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

 

The Seventh Boon - M. Scanlon :

Révélation

wfb_the-seventh-boon.png?w=400&h=660L’ambiance est pesante dans l’orphelinat Notre Dame Shallya du Cœur Béni de Marienburg, dont les petits pensionnaires sont amenés par douzaines devant un couple de riches notables, Herr et Frau Forst, à la recherche d’un petit animal de compagnie mignon pour bien paraître en société. C’est toutefois l’avis de la brave sœur Altruda après plusieurs heures de « casting » infructueuses, la jeune Madame Forst (Greta) se montrant aussi exigeante que vague sur les qualités recherchées de son futur héritier. Son mari étant un des bienfaiteurs principaux de l’établissement depuis de nombreuses années, Altruda est toutefois toute disposée à laisser Greta épuiser ses stocks d’enfants abandonnés, jusqu’à ce que, miracle, elle jette son dévolu sur un garçon de huit ans aussi mutique qu’innocent. L’affaire étant entendue, les époux Frost repartent en calèche avec leur acquisition artistiquement emballée dans une pochette cadeau, petit geste commercial réservé aux membres du club Platinum.

 

Il s’avère rapidement que cette adoption n’a pas grand-chose de désintéressée, et que si Gunther Forst a laissé sa femme jouer le premier rôle auprès de Sœur Altruda, c’est bien lui qui a planifié l’opération Marine1. Notre homme est en effet sous ses abords respectables un cultiste chaotique accompli, dont les activités interlopes nécessiteront dans un futur très proche un être à la pureté irréprochable, et certainement pas pour répondre à des questions de Steve Harvey, croyez-moi. Comme même à Marienburg, un homme célibataire de quarante ans ne peut pas adopter un gamin des rues sans que cela ne fasse jaser, et que Gunther tient absolument à ne pas attirer l’attention sur sa précieuse personne, il a embauché les services de Greta, prosti…sane de son état, pour jouer le rôle de sa tendre moitié et ainsi détourner les soupçons des nonnes. Cette mascarade tarifée prend brutalement fin lorsque le fiacre dans lequel le trio a pris place est arrêté par deux malfrats, dont l’un se révèle être le souteneur de Greta. Ayant compris que l’enfant soigneusement sélectionné par sa complice avait une valeur certaine sur le marché noir, le dénommé Ruprecht ne reculera pas devant un meurtre de sang froid pour s’emparer de la marchandise, mais c’est sans compter les talents de Gunther au couteau. Aussi efficace avec sa lame, tant au corps à corps qu’à distance, que Filthy Harald en personne, Herr Forst règle leur affaire aux malfrats, avant de repartir en petites foulées vers sa destination, son sidekick sur le dos. Une fin méritée pour ces trafiquants d’êtres humains en puissance, si vous voulez mon avis.

 

La caméra se braque ensuite sur les décombres des Six Couronnes, autrefois taverne fréquentée par les individus les plus louches de Marienburg et des environs, et désormais ruines abandonnées à la suite d’un malheureux incendie. Alors que Gunther se prépare à réaliser un rituel à l’importance cruciale tandis que son petit compagnon se gave de bonbons bourrés de somnifères (ça vaut mieux pour lui), on en apprend plus sur le passif et les motivations de notre héros.

 

Il y a de cela 150 ans, Gunther se rendit à un rencard très particulier à ce même endroit, et fit la rencontre de Samael, Prince Démon de Slaanesh undercover et collectionneur d’âmes patenté. Obsédé par l’atteinte de l’immortalité, Gunther était prêt à se séparer de son essence en échange de la vie éternelle que seul un puissant Démon tel que Samael était en mesure de lui accorder. Au bout d’une négociation serrée, les deux larrons tombèrent d’accord sur un deal satisfaisant tout le monde : à Gunther sept fois 25 ans de non-sénescence2, à Samael l’exaucement de sept faveurs pas trop compliquées par son associé mortel, et la pleine propriété de l’âme de ce dernier une fois le contrat terminé3. Ce petit arrangement tint pendant de nombreuses années, mais à l’approche de son septième et ultime rendez-vous intermédiaire avec son protecteur, le prudent Gunther se rendit compte que ce dernier allait probablement essayer de l’empapaouter dès la réalisation de sa septième requête, et récupérer ainsi son dû avant que les vingt-cinq dernières années prévues au contrat ne s’écoulent. Après tout, les Démons ne sont pas connus pour être les créatures les plus réglos qui soient (à l’exception de ceux de Solkan bien sûr).

 

Fort heureusement, un siècle et demi est plus que suffisant pour peaufiner ses connaissances ésotériques, et Gunther a eu tout loisir de dénicher dans d’antiques grimoires une solution à son problème existantiel (littéralement). Pour la faire simple, son plan consiste à piéger Samael entre deux cercles de conjuration, et à renvoyer le Démon patienter mille ans dans le Warp grâce à une balle enchantée et ointe du sang d’un être à la pureté absolue (pléonasme, vous me direz). Lorsque le ponctuel Samael se présente sur le lieu du rendez-vous à minuit précise, Gunther est prêt à le recevoir comme il se doit…

 

Révélation

…Si la première partie de son stratagème se réalise sans anicroche, Sam se retrouvant coincé entre un graffiti magique et une mini douve d’eau bénite, le sacrifice du frêle enfançon ne se passe pas comme prévu. L’orphelin mutique était en effet une Démonette déguisée, un être à la pureté irréprochable si l’on se réfère au 2) de la définition du Petit Larousse, et pas au 3) comme Gunther l’a fait. Le tête à tête entre le cultiste dupé et le Démon mineur se termine de façon expéditive et définitive pour le pauvre M. Forst, qui aurait dû se douter qu’on n’arnaque pas si facilement une créature millénaire. Son grand œuvre ne reste toutefois pas inachevé, Samael utilisant le sang de sa créature pour terminer la réalisation de la balle dem-dem, car après tout, ce genre de munition peut s’avérer précieuse…

 

De toutes les nouvelles mettant en scène un pacte ou une invocation démoniaque (et les conséquences souvent hilarantes, salissantes et/ou catastrophiques qui en découlent) que la GW-Fiction nous a proposé au fil des années, ‘The Seventh Boon’ est sans doute l’une des plus réussies. Mitchel Scanlon met en scène de manière habile ce jeu de dupes entre un homme prêt à tout et un Démon faussement débonnaire, avec suffisamment de rebondissements (mention spéciale à cet échange, qui joue habilement avec les codes du pacte démoniaque) et de suspens4 pour garder l’intérêt du lecteur du début jusqu’à la fin. Chose appréciable, Scanlon se permet également quelques ajouts fluffiques qui, s’ils ne révolutionneront pas la face du Vieux Monde, méritent la lecture pour quiconque s’intéresse à ce genre de choses. A real boon.

 

1 : Comme Marine Lorphelin. J’espère que vous l’aviez.

 

2 : Comme le fait remarquer justement Samael, des cas de forces majeures peuvent s’appliquer.

 

3 : Je sais ce que vous vous dîtes : ça aurait été plus fluff pour un Prince Démon de Slaanesh de partir sur une base six plutôt qu’une base sept. Mais les temps sont durs, ma pauvre dame…

 

4 : Et de mots savants pour enrichir le vocabulaire de son public. Je ne savais pas ce qu’était un trocart jusqu’à aujourd’hui, je le reconnais humblement.

 

Broken Blood - P. Kearney :

Révélation

'broken-blood.png?w=503Broken Blood' relate la bataille au cours de laquelle les deux frères Morgan, Gabriel et Michael, se retrouvent enfin face à face, en plein cœur du Pays des Trolls. Quelques flashbacks explicatifs permettent à Kearney de resituer son propos et de retracer la trajectoire des deux frangins : partis purger le grand Nord quelques mois avant le début de la Fin des Temps, les Morgan ont été séparés par un Prince Démon kleptomane ayant enlevé Michael pendant une bataille. Epargné par ses ravisseurs, l’aîné des frères Morgan refait son apparition quelques années après sa disparition, à la tête d’une armée de maraudeurs. Ne pouvant plus sauver son frérot, Gabriel se résout à lui offrir le repos éternel et engage l’ost chaotique avec les survivants de son contingent.


Si la nouvelle de Paul Kearney n’impressionne pas vraiment par l’originalité de son scénario1, elle satisfait par contre par sa mise en scène de l’ultime confrontation finale des frères Morgan. La facilité aurait consisté à décrire Gabriel se frayer un chemin à travers les rangs de l’armée ennemie jusqu’à sa Némésis, approche de pure hack’n’slash rapidement lassante pour le lecteur (après tout, il n’y a pas trente-six façons de tuer un adversaire sur un champ de bataille med-fan). En « élargissant » de temps à autre son point de vue, Kearney apporte un peu de variété bienvenue aux scènes de boucherie classiques qui constituent le gros de Broken Blood, et permet au tout venant de suivre le déroulement de l’affrontement avec un peu plus de recul. Mine de rien, cela demande un certain niveau. Bref : basique mais efficace.


1 : Le thème du noble guerrier rejoignant les rangs du Chaos, et se retrouvant opposé à une ancienne connaissance (ami, parent, amant) ayant été déjà exploré dans Riders of the Dead (Abnett) et The Heart of Chaos (Thorpe), pour rester dans l’univers de Warhammer Fantasy. Du côté de 40K, on a bien sûr l’Hérésie d’Horus.

 

Voilà qui conclut cette revue de ‘War Unending’, et je dois dire qu’il est très dommage que ce recueil ne soit plus distribué car, mis à part la sortie de route de Darius Hinks, toutes les nouvelles proposées dans cet ouvrage sont de bonne qualité, ce qui est un ratio que votre humble serviteur n’a jamais vu dans aucune autre collection de courts formats publiés par la Black Library. On peut se consoler en se disant que toutes les histoires regroupées dans ces pages sont assez facilement trouvables par ailleurs, mais pour une fois que le boulot était vraiment bien fait, ce peu de postérité est très frustrant. Ce sont vraiment les meilleurs qui partent le plus tôt…

 

Schattra, keep calm and war on

 

 

Edited by Schattra
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Tout le plaisir est pour moi, @gilian ;)

 

J'espère bien en effet que la Black Library soutiendra à sa façon la sortie de ce nouveau/ancien jeu... quand il finira par sortir.

 

Mise à jour du sujet avec les trois nouvelles "inédites" de War Unending :

  • war-unending.png'The Blood Price' (M. Lee)
  • 'The Seventh Boon' (M. Scanlon)
  • 'Rattenkrieg' (R. Earl)

Schattra, "patience et longueur de temps..."

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