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Warhammer Forum

Poupi

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Tout ce qui a été posté par Poupi

  1. [quote]Quelle machinerie industrielle dans la Comté? [/quote] Eh bien, la première chose que fait Sharcoux dans la Comté, d'après Chaumine, est de démolir un moulin pour un bâtir un plus grand et rempli "de roues et de machins étranges" qui permet de "moudre davantage et plus vite". Cette machinerie industrielle est associée à la machinerie étatique, le nouveau moulin étant la propriété du gouvernement et non du meunier. Et les moulins industriels se multiplient et "ils sont toujours à marteler et à émettre de la fumée et de la puanteur", à "déverser des ordures", si bien que "ils ont pollué toute l'eau" [quote]Quant à la confiscation des richesses, il va falloir des exemples plus précis que ça.[/quote] Eh du calme ! Pour te répondre sur le fond, les collecteurs d'impôts sont explicitement présentés comme des voleurs de grand chemin ; cf d'ailleurs ce que dis Chaumine : ils volent mais préfèrent appeler ça "ramassage pour une juste distribution" alors que leurs exactions aboutissent en réalité à un système très inégalitaire où les agents du système jouissent de toutes les denrées nécessaires tandis que le reste du peuple souffre de pénurie (bref, exactement comme dans 1984, pour prendre un exemple très célèbre). [quote]C'est un exemple du dévoiement du pouvoir et de l'autorité, un thème traité dans le Seigneur des Anneaux, pas une critique du communisme... ce qui reviendrait d'ailleurs à une allégorie.[/quote] Je suis d'accord pour dire que ça dépasse une simple critique du communisme, mais c'est aussi plus qu'une question de dévoiement : c'est vraiment la question de l'étatisme qui est posée ici. Ce n'est pas une allégorie ; une allégorie, c'est quand on représente une chose par une autre (par exemple, faire de l'Anneau un symbole de la bombe atomique, c'est de l'allégorie, parce qu'en soi, l'Anneau n'est pas une bombe atomique) ; ici, l'étatisme n'est pas représenté par autre chose, il est directement présent. Peut-être ai-je donner l'impression de penser que Sharcoux est un avatar de Staline ou je ne sais qui ; ce n'est pas ce que je voulais dire, je voulais dire que Saruman associait dans son personnage la machinerie industrielle et la machinerie étatique/politicienne (d'où ses discours sur le bien commun, etc...), et que c'est dans le nettoyage de la Comté que son caractère étatique se révèle le plus (là où avant, il est plus dans le rôle du politicien trompeur), par son usage des impôts et des Règles. J'affirme par ailleurs qu'il est idiot de ne pas lier cela à l'anti-communisme de Tolkien, tout comme il est idiot de ne pas lier l'esthétique de Fangorn à son amour de la nature. Ce n'est pas de l'allégorie, c'est la présence de valeurs au sein de l’œuvre, et j'affirme que cette présence n'est pas allégorique, mais franchement explicite : quand on parle de "ramassage pour une juste distribution", ce n'est pas une allégorie des impôts de l'état, ce sont les impôts de l'état. Si ça peut m'aider à me faire comprendre, prenez la différence anglaise entre "like" et "as". Sharcoux ne se comporte pas "like" l'état moderne et socialiste, il se comporte "as" l'état moderne et socialiste. De même, Sylvebarbe ne se comporte pas "like"la nature, il se comporte "as" la nature (bon, dit comme ça, c'est un peu simpliste, m'enfin vous voyez c'que j'veux dire, quoi). Et cela, donc, rapproche le Seigneur des Anneaux d'un autre genre qui n'a a priori rien à voir, celle de la contre-utopie politique, qui n'est pas un genre allégorique (avec le contre-exemple de la Ferme des Animaux, qui n'est pas représentatif du genre), qui n'est pas un genre où le danger politique est représenté symboliquement, mais un genre où il est directement présent dans l’œuvre (1984, Le talon de fer, Le meilleur des mondes, Fahrenheit 451... ce ne sont pas des ouvrages allégoriques, mais des descriptions littérales quoique anticipatrices). Sinon, sur Eowyn, je comprends votre point de vue et je l'accepte ; je ressens juste sincèrement une impression de "oncongruité" entre les différents personnages du SdA, et notamment dans la rencontre entre Eowyn et Aragorn.
  2. On ne va pas se répéter sur Eowyn ; je pense que chacun de nous comprend le point de vue de l'autre. Peut-être que je peux juste insister sur un point que je n'ai pas beaucoup mis en avant dans mon précédent message : les personnages se construisent non seulement par eux-mêmes, mais aussi par contraste les uns avec les autres ; or, le contraste entre Aragorn et Eowyn est particulièrement fort, et il me semble receler quelque chose de générique : Aragorn semble échappé de ces genres où les hommes sont représentés comme meilleurs qu'ils sont, Eowyn est d'un "réalisme" humain qui paraît à mon sens incongru à côté de la grandeur d'Aragorn. [quote]Et puis je rechigne à faire d'elle un nouvel Oedipe, réduit par la psychologie à l'illustration d'un complexe de gamin ! [/quote] Une lecture n'est réductrice que si elle se prétend exclusive... [quote]On est forcément influencé par le monde dans lequel on vit, tout simplement. La jeune fille qui désobéit pour faire comme les hommes, c'est plus 20e siècle que 8e ACN, indubitablement.[/quote] Ah, ok. Là pour le coup, on va inverser les rôles, c'est moi qui vais nuancer la modernité que tu vois dans le travestissement : le coup de la femme qui se travestit pour faire comme les hommes, entre Mulan, la Papesse Jeanne, ou les femmes pirates dont j'ai oublié le nom, je pense que c'est un topos (oserais-je dire un fantasme ? ) qu'on peut trouver dans bien des récits. Et je vois mal Tolkien se faire chantre des revendications féministes modernes... Mais il y a peut-être une part de vérité dans ton argument. [quote] Mais pour en venir au style, que tu me reproches de ne pas évoquer, je trouve quand même qu'il reste épique : on n'a pas des pages et des pages retraçant tout ses déchirements et toutes ses hésitations, on n'a que le récit de ses actes et quelques déclarations bravaches[/quote] Le dialogue entre Eowyn et Faramir est quand même superbe pour de psychologie des personnages ; se sont deux personnages aux histoires familiales quasiment identiques, et qui découvrent ensemble qu'ils sont littéralement faits l'un pour l'autre. [quote] On n'a pas non plus de morale ou de jugement posé par l'auteur sur son geste[/quote] J'ai envie de te dire que justement, ça me semble plutôt moderne : Eowyn n'est pas comme Aragorn un personnage idéal, on est bien plus proche de la littérature "miroir au bord du chemin" qui se contente de refléter l'âme humaine sans forcément prétendre la juger. [quote]Mais je ne vois pas en quoi l'établissement de Saroumane dans la Comté est un pastiche du communisme... Tu peux développer stp ? [/quote] C'est une critique de l'étatisme (règles, etc...) et surtout de la prétention étatique à la redistribution des richesses (cf les impôts qui sont prélevés pour un pseudo-bien commun), qui passe aussi par une assimilation de la machinerie politique à la machinerie industrielle. [quote] Rappelle-toi la première fois que tu as lu le SdA. Tu t'es dit "elle va se faire soigner" ou bien "elle cherche à se faire buter" ? Sa guérison est une conséquence de sa tentative de suicide, pas son but. [/quote] Eh bien, sincèrement, je trouve que le récit ne donne pas une impression de tentative suicidaire. Plutôt d'acte irréfléchi : ce n'est pas que son but est de mourir, c'est qu'elle n'a aucun but précis. Elle est attirée par le champ de bataille à cause des passions guerrières qui l'animent ; mais son mouvement n'est pas provoqué par l'attirance d'une fin, il est la conséquence de l'animation de la jeune femme. Comparaison foireuse pour expliquer ce que je veux dire : certains mineurs vont être choqués d'apprendre ça, mais on peut avoir envie d'une femme sans désirer engendrer un enfant, simplement mû par son désir sexuel. Eowyn ressent le besoin d'aller sur le champ de bataille, mais pas pour mourir, exactement comme nous ressentons le désir de posséder une femme, mais pas pour engendrer. Enfin, "exactement"... C'est une comparaison qui atteint facilement ses limites, inutile de la filer.
  3. Tiens, chouette, un sujet fourre-tout En plus, on y a la possibilité [s]d'insulter[/s] de critiquer Peter Jackson ? J'arrive ! Sérieusement, là où les "influences" de Bakshi (notamment la façon dont l'intrigue du premier film est découpée) sur PJ sont agaçantes, c'est qu'elles sont une autre preuve de la mauvaise foi permanente de la "communication" jacksonnienne. Lucius comparait ça avec Tarantino ; mais ça n'a strictement rien à voir !! Chez Tarantino, non seulement la référence cinématographique est assumée, mais elle devient un art à elle seule, un exercice qui est l'un des principaux enjeux de ses films. Regardez les masses de propagande goebbelsienne dont PJ et son staff nous gratifient dans les bonus des DVD, les interviews, les trucs sur internet, etc... Il ne dit pas "En fait, on a supprimé Bombadil en référence à Bakshi". C'est la différence entre "faire une référence" et "copier sur la feuille du voisin" : dans un cas c'est assumé et même revendiqué, dans l'autre on ne dit rien... Ce qui est particulièrement haïssable, c'est que quand PJ parle de ses sources au cours de ses prestations charismatiques, il n'a qu'un mot à la bouche : Tolkien, alors qu'il le massacre sur le fond et la forme avec une allégresse merveilleuse. Et lorsqu'on peut raisonnablement soupçonner une influence directe sur son oeuvre, là, c'est bizarrement une source dont il ne parle pas du tout. Bref, la communication de PJ et son équipe relève d'une malhonnêteté permanente, à croire que c'est plus fort qu'eux, et qu'ils doivent toujours dire l'inverse de la vérité... C'était mon commentaire juste et modéré au sujet de Peter Jackson. Sur Tom Bombadil, plus spécifiquement sur le fait de l'enlever : il est vrai que la perte de Bombadil est essentiellement esthétique, poétique, spirituelle, etc, et que son intérêt sur le plan de l'intrigue est limité. Mais comme le montre par exemple le post cité par Tiki, si Bombadil constitue une parenthèse dans le récit, c'est une parenthèse si bien intégrée que sa perte est liée à d'autres, un peu comme le fait de retirer une brique d'un mur est lié à son effondrement global ; pour le dire plus concrètement, on ne peut pas dissocier la perte de Bombadil chez PJ de la façon dont l'intrigue est globalement charcutée, avec des résultats parfois particulièrement grotesques : typiquement, comme le fait remarquer le post cité par Tiki, la façon dont Merry et Pippin se joignent à l'aventure ("on était poursuivi par un paysan à cause d'une botte de carotte, et on s'est retrouvés à combattre le Roi-Sorcier... La vie est pleine de rebondissements...") où la façon dont les hobbits obtiennent leurs épées (Aragorn : "tenez, il se trouve que j'ai justement quatre épées à taille de hobbit dans ma poche, je me promène toujours avec quatre épées à taille de hobbit dans ma poche").
  4. [quote]Tu parles de "modernité psychologique" et de "contre utopie anti-communiste", ce ne sont pas des genres littéraires[/quote] On va pas partir dans une discussion du type "qu'est-ce qu'un genre littéraire". Je veux bien nuancer mon propos en parlant de "caractéristiques génériques" plutôt que de genres, si ça te va mieux. Et encore, la contre-utopie nanti-communiste, je trouve que c'est vraiment un genre à part entière. [quote]Didon était "moderne psychologiquement" à l'époque de Virgile[/quote] Je suis pas d'accord du tout. Didon a une psychologie sommaire et simpliste typique de l'épopée à laquelle elle appartient (et ce n'est pas un reproche à l'épopée, hein). Eowyn est d'une psychologie bien plus riche, avec son aragornolâtrie teintée de quête du père disparu, son besoin de purger son deuil et sa colère, voir même le fait qu'elle tombe amoureuse de deux hommes différents au cours du roman... [quote]la modernité psychologique est naturelle : tout auteur appartient à son siècle[/quote] Je comprends pas ce que tu veux dire par là. [quote]l'épopée est par définition anti-communiste[/quote] Non, ne serait-ce que pour des raisons d'anachronisme. Il ne suffit pas d'exalter des valeurs opposées au communisme pour être anti-communiste, il faut être influencé négativement par ce dernier. Le règne de Saroumane dans la Comté, s'il ne se réduit pas à un pastiche tolkiennien de l'étatisme et du socialisme, incorpore entre autres ce pastiche. [quote]Si tu veux une épopée qui symbolise le passage à l'âge adulte, je quitte l'Odyssée pour les Argonautiques. Quand Jason part à la conquête de la Toison d'Or, du lait lui coule encore du nez. Il revient marié (ou plus ou moins) et en homme ayant fait ses preuves, bref en adulte. Et sa fin n'a rien d'héroïque non plus, pour dire le moins...[/quote] Ce que tu dis est juste, et l'exemple est particulièrement pertinent. Cependant, tu es toujours à citer le scénario, l'action du récit, et non la façon dont il est raconté, si bien que ton propos manque (à mon humble sens !) une partie de la pertinence de ce que tu cites. Ainsi, l'évolution de Merry et Pippin est marquée par une transformation caractérielle explicite dans la narration du récit (confiance en soi, capacités de réflexion et d'analyse...) qui à mon avis les démarque des récits purement guerriers où l'évolution du héros n'apparaît que par des signes extérieurs (acquisition de trophées, etc...). En ceci, je pense que les personnages de Merry et Pippin sont moins représentatifs d'archétypes épiques que d'autres types de récits, comme le conte initiatique ou le roman d'apprentissage. [quote]Quant à Eowyn, je maintiens qu'elle se jette dans la bataille sans se soucier de sa vie. Partir en guerre et affronter un type réputé invincible, ça dépasse la thérapie psychologique, [/quote] Je vois ce que tu veux dire, mais le sens finalement donné à ce geste est bien celui d'une thérapie psychologique hardcore. En ceci, Eowyn est très différentes de Didon, dont le geste suicidaire ne se voit conféré aucune valeur thérapeutique.
  5. [quote]ans doute parce qu'on n'a pas la même vision de ce que recouvre le genre épique. L'épopée, ce n'est pas que la guerre, c'est aussi le voyage, qui est par définition initiatique. Ca va de Gilgamesh à L'Odyssée, de Virgile à Dante, de Beowulf aux Nibelungen.[/quote] Je suis d'accord. Mais il y a épopée et épopée. voyage initiatique et voyage initiatique. Pour reprendre mes exemples, Moïse et le Petit Poucet, ça n'est pas la même chose. Pour reprendre les tiens, Dante et Achille, ça n'est pas la même chose. Et encore une fois, je veux bien que de nombreux textes manient plusieurs genres ; je dis simplement qu'à mon sens, le Seigneur des Anneaux le fait plus qu'aucun autre. Et il faut bien voir que je distingue deux sortes de "rencontre de genres" : le croisement de sources "antiques" différentes (le voyage de Frodon et celui d'Aragorn, par exemple), et la rencontre de genres antiques avec la modernité littéraire (Aragorn et Eowyn, par exemple). [quote]Si on est bien d'accord que Frodo n'a rien d'un Héraclès, son voyage physique ET spirituel le rapproche fort de Dante.[/quote] Eh bien, perso, un roman où Dante et Héraclès voyageraient ensemble, je me dirais "what the fuck ?!". Et pourtant, dans le SdA, ça passe nickel. [quote]Je lis que les Hobbits n'ont rien d'épique. Certes, au début, et les cuillers de Lobelia illustrent bien ça. Mais le SdA n'est rien d'autre que leur entrée dans l'épopée qui a déjà lieu, sans eux. [/quote] Est-ce que ça n'est pas exactement ce que je dis ? [quote]Pour reprendre l'exemple de Merry et Pipin, ils démontrent lors de leur retour en Comté qu'ils sont devenus épiques, en organisant la résistance et en chassant les bandits.[/quote] Je ne suis pas d'accord. Certes, il y a une dimension épique chez Merry et Pippin, mais il y a chez eux des traitements qui relèvent également d'autres genres. Les personnages de Merry et Pippin, lorsqu'ils reviennent de leur périple, ne ressemblent en rien à des héros de épopées ; je pense qu'il faut plutôt les rapprocher soit des contes racontant le passage à l'âge adulte, soit même en partie de personnages modernes de roman d'apprentissage (type [i]Les illusions perdues[/i] ou [i]L'éducation sentimentale[/i]). Je suis peut-être un peu trop affirmatif, mais quand je relis les derniers chapitres du SdA, je n'ai vraiment pas l'impression que Merry et Pippin sont devenus des héros, j'ai l'impression qu'ils sont devenus adultes. Genre, ils ne terminent pas emmenés sur l'Olympe, mais à écrire des bouquins d'histoire et de botanique : c'est plus digne d'un personnage de Balzac que de Homère. [quote]Après avoir rêvé de leur retour durant leurs voyages, et avoir retrouvé leur patrie dévastée quand ils reviennent enfin, ils s'attachent à la défendre. On peut faire le parallèle avec les deux derniers livres de l'Odyssée où Ulysse, après avoir trimé pendant 10 ans pour retrouver sa Pénélope, doit, une fois rentré, affronter les familles des prétendants massacrés.[/quote] Je pense que ce que tu dis est en partie juste, mais tu réduis Merry et Pippin à leur côté "bastonneur". Il y a dans leur histoire une dimension d'apprentissage et de passage à l'âge adulte qu'il n'y a pas dans l'Odyssée, pour reprendre ton exemple : Ulysse savait tout aussi bien manier son arc avant que après son aventure ; et de fait, les derniers livres de l'Odyssée sont des livres de reconnaissance du même, Ulysse doit prouver qu'il est le même en dépit des années passées, là où Merry et Pippin doivent prouver qu'ils ont muri, qu'ils ne sont plus les petits cons d'autrefois. A voir également que la lutte contre Saroumane ajoute au derniers chapitres du SdA une histoire de contre-utopie du genre de Orwell ou Huxley. Donc on est toujours dans le mélange des genres. [quote]L'autre exemple qui revient souvent est celui d'Eowyn. En quoi est-elle moins épique que Didon ? Comme elle, est est délaissée pour la seule raison qu'un meilleur mariage attend le héros ailleurs. [/quote] Le traitement psychologique d'Eowyn est incroyablement plus moderne que celui de Didon. L'amour d'Eowyn est mêlé de deuil sublimé, voir de quête d'un père de substitution, etc, etc... Tu réduis le traitement des personnage au scénario du bouquin sans considérer la façon dont l'histoire est racontée ; oui, les ficelles scénaristiques du SdA sont de très vieilles ficelles ; mais la narration et la construction des personnages ne passe pas que par cela, et croise les sources anciennes tout en ajoutant un grand apport de la part de la littérature moderne. [quote]Pour revenir à Didon et Eowyn, elles ont un peu la même réaction : le suicide. Sauf que là où Didon ne va pas y aller par quatre chemins, Eowyn choisit une voie qui lui permet de bien finir.[/quote] Alors là, non. La démarche d'Eowyn n'est pas une démarche suicidaire, c'est une démarche de purgation de ses problèmes. Puisque je dis qu'il y a croisement d'inspirations anciennes et modernes, je pourrais m'amuser à dire qu'avec Eowyn, Tolkien invente la "psychothérapie épique", un peu moins coûteuse en euros que celle du divan, mais un peu plus dangereuse Sincèrement, tes remarques précédentes me semblaient simplement réductrices ; là, je pense que tu fais carrément un contresens, et qu'il n'y a tout simplement pas de démarche suicidaire chez Eowyn. [quote]Pour moi, à part le début dans la Comté, tout le SdA ou presque est épique[/quote] Je nuancerais en disant que tout est globalement épique, avec toujours d'autres influences qui ne sont pas de simples déclinaisons de l'épopée. Le roman d'apprentissage, la modernité psychologique, la contre-utopie anti-communiste, tout ça n'est tout simplement pas inspiré de l'épopée. Si la formule te plaît mieux, je peux aussi dire que Tolkien a enrichi l'épopée d'inspirations extérieures à elle...
  6. [quote]J'ai vu une visite sur mon profil, je me suis dit que ça avait un rapport avec une attente quelconque de ta part pour ton sujet...[/quote] Héhé. En fait, même pas, je fais ça tout le temps avec tout le monde, dès que je suis en train de taper un truc sur mon ordi avec Internet ouvert, lorsque je réfléchis et que mes doigts ont la bougeotte, ils font le tour de tous les forums et de tous les contacts où je traîne sur le net... Mais remarque, il y a peut-être une part d'appel à l'aide refoulé dans cette démarche, moi qui suis une âme tourmentée en quête désespérée de reconnaissance.... Sinon, sur le fond : [quote]Je trouve d'abord que tu aurais pu insister davantage sur le nombre de genres tout en étant concis, cela aurait peut-être gagné en clarté et en force.[/quote] Pas faux. J'avais à la base prévu un autre paragraphe sur la toute fin du roman, la libération de la Comté, qui voit surgir une sorte de contre-utopie digne de [i]La ferme des animaux[/i] ou du [i]Meilleur des mondes[/i], mais je m'étais dit que ça allait faire vraiment long pour un post sur forum internet... Donc peut-être prévoir un propos encore plus "catalogue", avec une multitude d'exemples courts et pertinents pour montrer la diversité des genres ? [quote] Du coup, à la lecture de la première partie, je me dis: Certes, il y a plusieurs genres. Mais en quoi est-ce incroyable? Tous les auteurs savent manier plusieurs plumes, gèrent le comique et le tragique... la question que tu poses, c'est que la cohabitation de ces genres définit en quelque sorte un Seigneur des Anneaux indéfinissable en termes de genre. Soit. [/quote] Ce n'est pas seulement ça, en fait ; et pour moi, la question de la pluralité des genres est en fait bien plus pertinente pour le Seigneur des Anneaux que pour n'importe quelle oeuvre. Pourquoi ? Parce que écrire une oeuvre épique dans les 50's, ça n'a rien de naturel ni d'évident, il s'est passé une foule de choses en littérature depuis le temps des légendes arthuriennes. Or, Tolkien ne choisit pas d'ignorer ces choses, il les intègre à son oeuvre. Et même dans ses sources "anciennes", il choisit des influences variées voir contradictoires, et pour moi cela influe sur son ouvrage du niveau le plus macroscopique (cf le découpage en livres qui correspond non seulement à un découpage de personnages, mais aussi à un découpage de genres) jusqu'au niveau le plus microscopique (la déclaration d'amour d'Eowyn à Aragorn, par exemple). Je pense sincèrement qu'aucune oeuvre ne peut apparaître aussi bigarrée que le Seigneur des Anneaux, et qu'il s'agit certainement du roman qui utilise le plus le croisement de genres différents. [quote]Ensuite, ta vision externaliste et déterministe (Frodon et Sam doivent quitter la Communauté du fait de leur genre littéraire...) assumée fait de ces genres des personnages à part. Tu n'as ni tort ni raison à mon sens, c'est juste un prisme de lecture inhabituel penché sur la "théorie littéraire".[/quote] C'est exactement ça. [quote]un tel voyage initiatique ne serait toujours demeurer au même point[/quote] Cela n'explique en rien la variation de genre ; on peut voyager tout en restant dans le même genre littéraire. [quote]par ailleurs le temps qu'a passé Tolkien sur le Sda explique certainement le soin porté à ces détails symbolisés par les cuillers de Lobelia[/quote] Idem. Il est d'ailleurs assez frappant que Tolkien rentre à fond dans ce genre de détails fort peu épique, alors qu'il préfère souvent éviter de donner les détails de scènes violentes qui colleraient mieux avec une oeuvre purement épique (la mort de Boromir, la torture de Frodon...). Encore une preuve que Tolkien est un génie extraordinaire doté d'une sensibilité admirable et Peter Jackson un misérable bôf avide de grosse baston [quote] Ces genres sont au service de l'histoire, pas l'inverse[/quote] Ok, je vois bien le reproche. Pour ma maigre défense, dans mon esprit, c'est bien dans ce sens que ça va (les genres sont au service de l'histoire). J'insiste un peu sur le fait que le lecteur est captivé [i]en dépit de[/i] cette pluralité de genres ; je devrais peut-être aller plus loin et affirmer qu'il est captivé [i]grâce à[/i] cette pluralité de genres. [quote]La diversité des personnages est certainement un des outils et un des arts de l'écrivain, mais ça n'a pas grand lien avec Tolkien spécifiquement.[/quote] ça a un lien avec la diversité de ses influences "génériques", qui pour moi est spécifique à Tolkien, qui pousse cette diversité à un paroxysme unique en littérature (à mon humble avis, comme dirait l'autre). Sur Aragorn : Sa décontenance après son entrevue avec Eowyn me semble précisément aller dans le sens de ce que je dis, dans la lecture que je propose de cette confrontation comme confrontation de personnages qui n'ont rien à faire ensemble et ne devraient pas coexister au sein du même bouquin. Eowyn, à travers la justification de son départ à la guerre, a justifié son appartenance même au récit du Seigneur des Anneaux, et Aragorn, lui dont l'appartenance à cette épopée n'a jamais fait aucun doute, en est un peu décontenancé. Il s'agit là de ce que tu appelles mon interprétation "externaliste" ; sur le plan interne, sans doute que cette décontenance ajoute une nuance plus qu'appréciable à l'assurance habituelle d'Aragorn. Je pense en fait que les deux peuvent être mis en relation en considérant que cette (petite, il faut bien le dire) nuance psychologisante surgit chez Aragorn précisément après sa rencontre avec la modernité littéraire. Sinon, plus généralement sur Aragorn (et entre autres sur sa laideur) j'avais aussi pondu ce sujet, pour parler des liens entre ses qualités physiques, généalogiques et spirituelles... http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=196511 [quote]Même Poiredebeurré a sa complexité: un crétin qui peut "voir à travers un mur de briques" dit Gandalf.[/quote] Oui, mais Poiredebeurré a juste RIEN à voir avec Aragorn. Je vais pas détailler toutes leurs différences dans leur rôle au sein du récit, mais sur le plan strictement générique, vu que c'est ça qui m'intéresse aujourd'hui (caprice), il est d'un réalisme qui n'a rien d'épique ni d'aragonesque... Cela est peut-être intéressant parce qu'il est un jalon entre la comédie bourgeoise de la Comté et les épopées qui attendent nos héros, tout comme Bree est une étape du tout début de leur voyage. A la limite, il pourrait apparaître dans un roman d'aventures à caractère historique, genre Alexandre Dumas. Bref, il est un signe supplémentaire de la variété d'influences qui convergent dans le Seigneur des Anneaux. Enfin, Tom Bombadil est sans doute le personnage le plus difficile à interpréter de façon interne au récit, mais le plus facile à interpréter de façon externe au récit, étant donné les renseignements biographiques qu'on a à son sujet : il a été directement incorporé au roman depuis les premiers textes dans lesquels il apparaissait (et où il n'avait aucun lien avec le légendaire), bref, il sort de textes qui ne sont même pas romanesques, et son incongruité générique se ressent à la lecture (même si cela ne remet pas en cause son appartenance finale et utile au patchwork du Seigneur des Anneaux). [quote] En conclusion, je dirais que si des genres se meuvent, c'est parce qu'ils sont bien incarnés par des personnages à certains moments, mais que cet aspect est renforcé par le premier sujet du roman, qui met en scène de petites personnes qui viennent sauver les grandes en devenant meilleurs (l'initiation), et par la richesse géographique (ethnologique) qui caractérise le deuxième sujet de l’œuvre: le voyage.[/quote] Ok.
  7. Pour ce que valent ces bouquins sur le plan fluffique, dans la campagne "Les voies de la damnation" de la seconde édition du jeu de rôles, la quête consiste à récupérer et détruire les "fragments" de Xathrodox, un prince-démon de Khorne que ce dernier a condamné a être enfermé dans des artefacts dans le monde des mortels. De manière générale, je me représente plus le fait d'être enfermé dans une lame-démon ou un truc du genre commune une punition qu'une récompense...
  8. Yop ça fait pas mal de semaines que je n'ai plus posté par ici, mais je suis toujours vos travaux de la section création, et je m'éclate toujours à vous lire. A présent que mon année s'est terminée, j'ai repris quelques projets rapports de lecture de notre auteur préféré. L'heure m'est donc propice à une modeste tentative d'animation de la section background, sans trop d'illusions, puisque les dernières tentatives du Nouvel An avaient donné des sujets semi-avortés (m'enfin, on en avait peut-être ouvert un peu trop en trop peu de temps). Bref, pour en venir au fond, je me suis dit que sur ce forum et en général, on évoquait très souvent les possibles inspirations de Tolkien dans le fond de son oeuvre (qu'il s'agisse de l'histoire racontée ou du message spirituel) mais moins les inspirations proprement formelles (le style, les genres littéraires qui sont au service de ce fond), et donc je me suis mis en tête de proposer quelques ouvertures de piste en la matière. Je prends peut-être des risques dans la mesure où la question des genres littéraires n'est pas de celle qui intéresse tout le monde, mais à travers ça, ce que je voudrais ouvrir, c'est une discussion sur [b]l'hétérogénéité[/b] formelle du Seigneur des Anneaux, en somme sur son caractère inclassable- et ça, je suis sur que tous peuvent y être sensible et donc s'exprimer dessus. Donc, quelques lignes de considérations personnelles, avec mon style habituel et ses défauts - je dois dire à ce sujet que ça fait quelques semaines maintenant que de façon générale, je n'ai rien posté sur Internet ; or l'écriture sur Internet requière un doigté assez particulier, différent des autres productions écrites auxquelles je suis habituées ; je m'excuse donc d'avance si ce que j'écris maintenant apparaît comme (encore ) plus indigeste que d'habitude, je peux éventuellement le réécrire en partie ou entièrement si certains en manifestent le désir. [b]Un patchwork harmonieux[/b] En gros, la thèse que je voudrais défendre ici est la suivante : Le Seigneur des Anneaux, s'il appartient principalement au genre épique, contient de fait le mélange de genres littéraires extrêmement variés, et même franchement bigarrés, dont l'assemblage devrait susciter une certaine répulsion, ou en tout cas une difficulté d'adhésion du lecteur (un peu comme si on devait écouter en même temps deux musiques non-accordées) ; or, au contraire, il captive merveilleusement ce lecteur, et donne même une impression de très grande cohérence, du fait de l'incroyable travail « mythopoétique » de son auteur (pour reprendre le vocabulaire de ce dernier). Je vais donc, dans un premier temps, donner des exemples d'inspirations littéraires qui me semblent extrêmement différentes, et qui pourtant cohabitent avec parfois une proximité qui devrait faire s'effondrer l'envoûtement du lecteur, mais qui ne gêne en fait en rien l'adhésion de ce dernier au récit. Ce premier propos quelque peu catalogueur se fera essentiellement par des comparaisons entre personnages, même si d'autres biais pourraient être choisis (comparaisons de lieux, par exemple). -Je commence par une comparaison entre les deux paires de hobbits qui forment les principaux héros de l'histoire, en ceci qu'ils ont en commun d'être spécialement taillés pour permettre et même faciliter l'identification du lecteur : Sam et Frodon d'une part, Merry et Pippin d'autre part. Ce clivage est important, car il s'inscrit dans la structure même du roman, dont les différents livres, à partir des Deux Tours, suivent soit l'un, soit l'autre parèdre. Or, au-delà de leur apparente similarité d'univers, ces deux équipes me semblent vivre leur aventure de deux façons radicalement différentes. Merry et Pippin, à l'instar de Bilbon, vivent leur voyage comme un « there and back again », comme un aller-retour initiatique qui les voit partir petits et revenir grands (au sens spirituel comme au sens figuré, puisque dans la fantaisie poétique du récit, leur mûrissement intérieur s'accompagne d'une poussée de croissance surnaturelle) ; pour le dire de façon rapide et caricaturale, lorsqu'ils partent, ce sont de petits cons, et lorsqu'ils reviennent, ce sont de grands monsieurs. Cela ne se vérifie pas simplement au commencement et à la fin de leur périple, mais tout au long de leurs aventures : ils parlent toujours de la Comté comme d'un pays où ils reviendront, et les livres qui les suivent fourmillent de détails logistiques qui, en plus de contribuer à l'illusion littéraire de réalisme, permet à leurs pérégrinations de toujours conserver leur statut d'aller-retour, en quelque sorte en déposant des balises tout au long du chemin, à l'instar d'un Petit Poucet qui finira toujours par rentrer chez lui, quitte entre temps à avoir affronté des monstres et être passé à l'âge adulte. L'épilogue confirme ce statut d'apprentissage de leur aventure, qui leur permet d'accéder à de prestigieuses fonctions au sein de la communauté ; d'une certaine façon, leur épopée est comparable à ces compagnonnages durant lesquels les jeunes artisans quittent les leurs, mais pour mieux revenir et accéder au statut de maître-artisan. Frodon vit sa propre épopée de façon très différente, et je répète ici ce que j'avais dit au sujet de son statut d'orphelin : Frodon est celui qui va le plus loin dans l'aventure, à la fois géographiquement, charnellement (dans les stigmates qu'il reçoit de son aventure) et spirituellement. Or, on voit que Tolkien le « fabrique » justement comme un personnage dirigé à 100% vers l'avant, qui ne laisse rien derrière lui : ses parents sont morts, son oncle disparaît, et il vend Cul-de-Sac avant de partir. Dès le début du SdA, son aventure à lui ne se présente pas du tout comme un « There and back again », mais comme un voyage sans retour- et cette impression va crescendo tout au long du récit, jusqu'au paroxysme sublime sur la Montagne du Destin, lorsque lui et Sam énoncent à voix haute la vérité qui était sous-jacente durant tout le roman : il n'y aura pas de voyage retour. L'apparition providentielle des Aigles tire justement sa force de sa totale opposition avec cette vérité, qui a été clairement énoncée quelques pages auparavant mais qui a été implicitement répétée tout au long de l'aventure ; et de fait, il ne se sentira jamais vraiment « de retour » chez lui, et finira ses jours non auprès des siens, mais dans cet au-delà plus éloigné du Mordor encore que sont les Terres Immortelles. Pour moi, il y a donc bien deux épopées radicalement différentes dans le Seigneur des Anneaux : une sorte de conte initiatique au sens de « roman de formation », illustré par Merry et Pippin, et une aventure mystique d'abandon de tout, où l'initiation n'est pas tant le passage de l'enfance à l'adulte que le passage de ce monde à l'autre, illustrée par Frodon (le statut de Sam étant plus nuancé). Pour conclure, on peut évoquer les sépultures respectives de ces personnages, le tombeau étant une marque d'appartenance et d'appropriation d'un chez-soi : là où Merry et Pippin sont enterrés dans une prestigieuse tombe de la Terre du Milieu (ce qui prouve que leur aventure les a fait grandir, mais garder les pieds sur terre), plutôt que le stupide « Frodo lives ! » des hippies qui découlait d'une totale incompréhension de l’œuvre (Frodon n'ayant pas accédé à l'immortalité), j'utiliserais volontiers le mystique « Nul n'a jamais su où se trouvait son tombeau » que le livre du Deutéronome emploie à propos de Moïse, le personnage mystique par excellence qui a vu Dieu face à face, et qui comme Frodon, n'appartient plus à aucune terre, à aucun chez-soi ou home sweet home (ce qui, dans le contexte juif du rapport à la Terre d'Israël, n'est pas rien). Frodon est bien plus l'héritier de ce personnage que du Petit Poucet, contrairement à Merry et Pippin. -de façon plus succincte, je voudrais aussi évoquer rapidement la multitude de personnages qui contrastent franchement avec le caractère épique du Seigneur des Anneaux : il y en a qui sont complètement décalés, comme l'essentiel des personnages de la Comté, qui semblent tout juste échappés d'une comédie bourgeoise (les péripéties sur la tante pingre qui essaye de voler l'argenterie n'ont a priori rien à foutre au sein d'une œuvre qui parle de la lutte contre le Seigneur des Ténèbres et de la rédemption du monde) et d'autres qui ajoutent à la tonalité épique de l’œuvre une certaine complexité psychologique qui est bien plus l'apanage du roman moderne que des anciennes gestes d'autrefois ; ainsi, le simplisme psychologique d'Aragorn (qui, pour le dire de façon caricaturale, est trotro-fort, trotro-beau, trotro-sur de lui) contraste sévèrement avec les remous intérieurs d'une Eowyn qui doit démêler ses deuils et rancunes de ses sentiments intérieurs ou d'un Faramir qui raconte ses rêves comme s'il était allongé sur le divan d'un psychanalyste. Il est remarquable que Tolkien enrichisse son œuvre, qui se veut fondamentalement une référence à d'antiques épopées, de préoccupations qui relèvent d'une véritable modernité littéraire. -enfin, il y a également une véritable hétérogénéité dans les genres historiographiques dont s'inspire le Seigneur des Anneaux- et je pense que c'est cette hétérogénéité qui est à l'origine de nombre de casse-têtes dans la communauté des « fans » du bouquin, qui ne peuvent que hésiter entre des lectures de type « hard fantasy » où doit primer le pied de la lettre, des lectures allégoriques et spiritualisantes, ou encore un décryptage de la narration interne du Seigneur des Anneaux comme une sorte de propagande pro-gondorienne. Je pense qu'en fait, cette variété dans les lectures correspond à une variété dans le texte même, où les différents éléments du récit ont des statuts historiographiques (c'est à dire de relation entre l'histoire et son écriture) très différents ; et que ces différents types de lecture peuvent se compléter et s'enrichir mutuellement, ne devenant ineptes que lorsqu'elles deviennent exclusives (les projets du type Le dernier anneau de Eskov me semblent être de bons exemples de stupidité en la matière). Ainsi, à l'intérieur du Seigneur des Anneaux cohabitent des êtres construits selon un rapport mythique à l'Histoire (Aragorn et l'héritage qu'il représente, Gandalf, ou, au-delà des personnages, la façon dont la Providence divine guide l'ensemble du récit) et des êtres construits selon un rapport beaucoup plus moderne et « réaliste » à l'histoire, et qui pourraient ainsi appartenir par exemple au cycle du Trône de fer de Martin : typiquement, les Rohirrims sont certainement le peuple le plus historiquement vraisemblable du roman, et de fait, les chroniques à leur sujet s'éloignent fortement du manichéisme relatif de l'Histoire de la Terre du Milieu (par exemple, il ne fait nul doute qu'ils ont des torts face aux Hommes Sauvages que Saroumane déchaîne contre eux, et que la lutte entre ces deux peuples ne correspond aucunement à un simple antagonisme entre le Bien et le Mal). Bref, le Seigneur des Anneaux, s'il appartient d'abord au genre épique, véhicule en fait des inspirations littéraires extrêmement bigarrées, et pour le dire de façon extrêmement caricaturale, il s'agit d'un roman où le roi Arthur cohabite avec le Roi Barathéon, le Petit Poucet avec Moïse, ou encore le Cid avec Madame Bovary. Il devrait donc s'agir d'un montage grotesque et ubuesque qui s'effondrerait sans pouvoir exercer le moindre effet sur le lecteur autre qu'un rire moqueur ou une moue sceptique ; mais bien au contraire, Tolkien intègre ces éléments exogènes à son épopée avec tant de génie et de finesse que le tout forme au contraire un ensemble incroyablement cohérent, que seule pouvait accomplir sa « féerie », nouveau genre qui n'est pas une simple reprise du merveilleux, mais un renouvellement de ce dernier et un enrichissement par le croisement de sources littéraires variées et une véritable prise en compte de la modernité en littérature. [b] Une rencontre en interne des genres littéraires[/b] Je voudrais maintenant aller plus loin, en disant que non seulement le Seigneur des Anneaux est construit par son auteur extérieur par la rencontre de genres variés, mais que cette rencontre s'incarne également à l'intérieur même du récit- et que ces rencontres en interne contribuent en fait à l'harmonie invraisemblable qui fait merveilleusement cohabiter des inspirations si bigarrées. Pour appuyer ce propos, je vais simplement cataloguer quelques exemples répondant à ceux du paragraphe précédent. -ce que j'affirme ici permet tout d'abord d'ajouter aux multiples lectures de l'épisode très riche de la bataille près d'Amon Hen (moment très décisif, où différents personnages scellent leur destin d'une façon ou d'une autres) une nouvelle signification, en quelque sorte de théorie littéraire : Frodon et Sam doivent quitter la Communauté parce que la quête qu'ils vont vivre n'appartient pas au même genre littéraire que les autres. Ils n'ont rien à faire avec la geste arthurienne d'Aragorn, ou l'initiation à l'âge adulte de Merry et Pippin, et doivent s'inscrire dans une certaine tradition de la recherche de l'absolu qui ne peut pas s'encombrer des soucis politiques, logistiques ou même écologiques qui marqueront les aventures de leurs Compagnons : les lieux et adversaires rencontrés par Sam et Frodon, comme Gollum ou Arachnée, sont ceux qui se prêtent le mieux à des lectures tendant vers une certaine intériorité pure, là où les aventures des autres Compagnons posent de façon plus essentielle l'enjeu de la relation au monde extérieur. -on peut aussi lire sous un angle semblable la relation entre Aragorn et Eowyn (en plus des autres lectures possibles) ; au sujet de la généalogie dans le Seigneur des Anneaux, j'avais tenu le propos suivant : supposons qu'on se demande pourquoi Aragorn préfère Arwen à Eowyn. De façon interne, on peut trouver plein de justifications, allant d'un simple « Arwen elle est plus bonne !! » à de longues réflexions sur la psychologie des personnages. De façon externe, on pourrait répondre en parlant de la construction des personnages dans la narration même du récit : j'ai dit que dans le Seigneur des Anneaux, tous les personnages n'étaient pas conçu de la même façon, que les Hobbits étaient de bons instruments à identification alors qu'Aragorn était l'incarnation d'un idéal inatteignable, un personnage de tragédie. Arwen et Aragorn sont constitués de la même façon, Arwen aussi étant un personnage de tragédie, supérieure en beauté à toutes ses contemporaines (même si sa grandeur se voit moins que celle d'Aragorn, puisqu'elle est beaucoup moins présente dans le bouquin) ; Arwen et Aragorn sont donc, à proprement parler, faits l'un pour l'autre par leur auteur (on voit bien qu'ici, je parle de façon extérieure au récit). De même, comment expliquer l'amour final d'Eowyn et Faramir ? On peut trouver plein d'explications internes à la soudaineté de ce sentiment, et, de façon externe, fournir une lecture similaire à la précédente : Eowyn et Faramir sont deux personnages positifs, mais sans la grandeur ineffable d'Arwen et Aragorn ; leurs histoires respectives sont par ailleurs construites de manière semblable par Tolkien, qui les prive de leurs frères et de figure paternelle, et se voient sauvés chacun par un membre de la parèdre Merry-Pippin. Donc, idem, ils sont littéralement faits l'un pour l'autre par l'auteur. Pour relier ça à la question plus précise des genres littéraires qui inspirent le Seigneur des Anneaux, on peut dire que fondamentalement, le désamour entre Aragorn et Eowyn tient à une sorte d'incompatibilité littéraire entre les deux personnages : Aragorn est un héros aussi sublime que les personnages de Corneille, là où Eowyn est d'une modernité psychologique qui ne peut trouver de répondant que dans le personnage de Faramir (là où le sublime d'Aragorn ne peut s'épanouir que dans celui d'Arwen). Je pense même que ce problème peut se lire de façon particulièrement belle et fine dans la déclaration d'amour d'Eowyn à Aragorn -un passage au demeurant particulièrement magnifique, et certainement la plus belle déclaration détournée dans la littérature depuis le « Je ne te hais point » cornélien : Eowyn veut accompagner les hommes à la guerre dans le Sud, et Aragorn s'y oppose. Au terme de la dispute, Aragorn essaye de trancher d'un ton sévère « Vous n'avez rien à faire dans le Sud », ce à quoi Eowyn répond en désignant ses compagnons pour le moins exotiques « Ces gens là non plus, ils n'y vont que parce qu'ils vous aiment ». Une fois passé le ravissement de ce superbe moment de beauté littéraire, je suis convaincu qu'on peut (entre autres) relire ces quelques lignes comme l'affrontement des genres littéraires représentés respectivement par Aragorn et Eowyn, la grandeur épique et tragique face à la modernité psychologique (et il est à ce titre pertinent que le champion de ce dernier genre soit une championne). La déclaration biaisée d'Eowyn réunit parfaitement ces deux genres, et peut se lire selon l'un comme selon l'autre : elle pourrait figurer dans une pièce cornélienne, où les sentiments individuels sont sublimement mêlés à l'honneur des rois et au destin des empires, les empêchant de s'exprimer librement, mais aussi dans un roman moderne où les sentiments amoureux sont enchevêtrés dans une psychologie complexe et complexée, qui hésite à exprimer des sentiments qu'elle n'est pas sur de bien comprendre (et de fait, Eowyn découvrira que son adoration pour Aragorn était liée à des deuils et des rancunes dont elle devra se débarrasser). A travers Aragorn, c'est donc l'idéal épique qui affirme à la modernité littéraire qu'elle n'a rien à faire dans le Seigneur des Anneaux ; et à travers Eowyn, c'est la modernité littéraire qui justifie sa participation à cette épopée par une invocation de l'amour : la modernité littéraire à sa place dans l’œuvre épique du Seigneur des Anneaux parce qu'elle parle d'amour, et que dans le fond, l'épopée ne parle pas d'autre chose (n'est-ce pas mignon ?). -en ce qui concerne la dernière hétérogénéité que j'avais relevé, celle dans les rapports à l'Histoire, la rencontre entre un rapport mythique à l'Histoire et un rapport moderne/scientifique est certainement l'une des plus explicites, étant donné les différents passages où différents personnages, notamment les Rohirrims, qui constituent le peuple le plus réaliste (et donc le plus barbare) du roman, s'étonnent de voir surgir devant eux des créatures et des événements qui semblent échappées du folklore et de la mythologie. Cette coexistence, qui se fait même coopération, entre le mythe et l'Histoire sérieuse, permet en fait de tisser à travers le Seigneur des Anneaux un rapport à l'Histoire particulièrement fin, qui ne relève ni du manichéisme purement transcendant auquel on essaye parfois de réduire l’œuvre, ni d'un cynisme froid comparable à celui qui se dégage du cycle du Trône de fer, par exemple, mais de convictions qui affirme sincèrement que le Bien et le Mal existent et se manifestent à travers l'Histoire, et même qu'il faut choisir son camp dans cet affrontement, tout en concédant avec lucidité que les entités politiques, sociales ou même individuelles ne sont pas bêtement réductibles à l'un ou l'autre principe. Voilà, j'espère que ceux qui auront lu ça l'auront trouvé intéressant C'est vrai que l'angle choisi est particulier en ceci qu'il repose en apparence sur une nécessité de connaissances littéraires (les genres littéraires, pour s'y intéresser, faut les lire et les connaître), mais encore une fois, derrière ça, ce qui m'intéresse vraiment, c'est [b]le caractère inclassable et hétérogène[/b] du Seigneur des Anneaux, qu'on peut certainement ressentir et exprimer d'autres façons. Bref, à vous les studios
  9. [quote]J'imagine mal l'inquisiteur qui passe X années sur une planète à mettre à jour un culte hérétique passer soudainement la patate chaude à un "collègue" de l'ordo xeno fraichement débarqué parceque Ô mon dieu, ya du xeno dans l'affaire. L'inquisiteur va-t-il aussi mettre à disposition tous ses agents infiltrés, ses équipes, ses contacts ? Sachant que beaucoup d'inquisiteurs travaillent sous couverture... ("hey les gars voici mon associé trafiquant d'artefect xeno-warp dont je ne vous avais jamais parlé du tout avant, il va reprendre l'affaire avec vous et moi je vais... euh... ailleurs" très crédible).[/quote] Mais bien sur ! Mais justement, c'est un peu ça aussi, les divisions de nos policiers adorés : telle brigade qui préfère gérer tel dossier parce qu'elle est dessus alors qu'une autre pourrait s'en charger. Ce que je voulais dire, c'est que la division en soi n'est pas absurde, même si sur le terrain, ça peut être plus nuancé ou moins caricatural dans la séparation des tâches. Genre, qu'un Inquisiteur de l'Ordo Xénos n'en ait rien à foutre de la menace du Chaos ou qu'il n l'ait jamais combattue, c'est pas crédible ; mais que certains se dédicacent plus spécialement à certaines affaires, si. [quote] Au passage quand on voit tous les soucis liés aux juridictions dans les différents pays de notre planète, je ne suis pas sûr que ce soit un exemple d'efficacité et de bon sens.[/quote] Non, mais c'est un exemple de réalisme. [quote]mais que l'inquistieur lui-même n'a pas un joli badge "ordo xeno uniquement", ce serait ridicule[/quote] Perso, je pense que le joli badge de l'inquisiteur ne l'empêchera pas de filer aussi un coup de main en cas de problème lié au Chaos. Même si sa passion à lui, c'est brûler du Xénos.
  10. [quote]A propos, cette division de l'inquisition ne devrait pas être prise trop au sérieux (sauf pour l'ordo malleus, et encore) étant donné que je vois mal un inquisiteur savoir à l'avance lors d'une enquête qu'il à en face de lui des xenos ou des démons ou des hérétiques. Et tant qu'a faire, une secte genestealer aura l'apparence d'un culte d'hérétiques (hereticus donc) jusqu'à ce qu'on découvre la présence de stealers (xenos donc) et si le magus a pactisé avec le chaos (ça se fait, si si) on a carrément un mélange de tout ça. [/quote] ça n'empêche pas une division sérieuse de l'Inquisition en branches distinctes. Genre, nos forces de polices sont bien séparées en branches distinctes, alors qu'on peut tenir des raisonnements semblables : un meurtre pris en charge par une brigade criminelle peut se révéler lié à une affaire de drogue (donc il va falloir passer quelques coups de fil aux stups), et si le méchant [s]ministre[/s] dealer planque de l'argent en Suisse, quelques conseils de la brigade financière seront toujours les bienvenus. Bref, perso je vois plutôt les distinctions et relations entre les 3 branches de l'Inquisition comme analogues à celles de nos braves policiers. Evidemment que ça se recoupe, mais la distinction technique et administrative n'est pas absurde.
  11. Texte sympathique. J'ai repéré un "ces" à la place de "ses" et un "sans doute" dont la trivialité tranche avec le reste. J'aime bien le fluff global du Chapitre, si tu es toujours ouvert aux suggestions je t'en balance une à deux sous (mais gratuitement) : Tu disais que tu ne voulais pas faire un chapitre comme les Exorcists, c'est à dire un chapitre d'Illuminati. Mais pourquoi ne pas décider que tous les Maîtres de Chapitres depuis ton Merevius sont des Illuminati ? Je verrai bien un système où à la mort d'un Grand maître, les candidats à sa succession subissent une possession, et ceux qui n'en triomphent pas reçoivent la paix de l'Empereur, jusqu'à ce qu'un d'entre eux triomphe du démon et soit à nouveau apte à guider le Chapitre. Typiquement, seule une poignée d'officiers seraient au courant, plus l'un de tes "cercles intérieurs", chargé de la basse besogne d’exécuter les officiers qui cèdent à la possession. Le reste du Chapitre est conditionné pour ne pas se poser de questions, même si certains de leurs alliés (éventuellement un Inquisiteur) se demandent pourquoi il y a trois quatre capitaines du Chapitre qui meurent à chaque transition... Cela expliquerait également la méga-pureté de tes Marines : les Light Bearers sont secrètement préparés, sans qu'eux mêmes le sachent, à peut être subir une possession démoniaque un jour, et à triompher de cette épreuve pour devenir Maître de Chapitre. Et donnerait d'autres objectifs particuliers au Chapitre que la préservation de leur passé, l'Illuminati à la tête des Light Bearers ayant également comme idéal eschatologique la naissance du Starchild. Voilà voilà. Sinon, hâte de voir les parties suivantes de ton fluff "rédigé".
  12. [quote]Mis à part autoriser à la GB d’être utilisée par les Démons (ce qui n’est pas le cas dans une Alliance Fiable), il n’y a pas grand-chose de mieux à faire sans avoir à donner plus d’avantages qu’une armée normale.[/quote] Ce serait pourtant une piste à évoquer. Genre, permettre à tout démon de Tzeentch allié dans un rayon de X pouces de relancer ses jets de Commandement ou d'Instabilité...
  13. Je n'aime pas trop la règle "Allégeance démoniaque" en l'état, je ne la trouve pas très V8. Ne faudrait-il pas mieux donner un avantage dans le cadre d'une alliance entre une armée de Guerriers du Chaos et de Démons du Chaos ? ça serait plus empreint des règles de la V8... Et le Murmure des Horreurs, c'est en comptant ou pas la marque de Tzeentch ? Sinon c'est cool
  14. [quote]Je viens de réaliser qu'on a pas parlé des Tournoyeurs du coup... Je vais m’y atteler.[/quote] Quand même... [quote] Pour la proposition de Poupi. • Je rajouterais l’étendard. • Il faut préciser que l’Attaque Démoniaque ne vaut que pour le Disque.[/quote] [quote]• Pour le coût, je passerais peut-être à 60pts. En l’état, à équipement équivalent, ils valent à peine plus de 10pts pour une monture bien meilleure (volante, 3A, attaques magiques). [/quote] Ok et ok A tester ?
  15. [quote]Pour les 2 sorts primaires, j'ai voulu garder le choix proposé initialement dans Tempête du Chaos. Mais on peut très bien supprimer Vol d'esprit et ne laisser qu'un seul sort primaire. [/quote] Ouais, perso, j'ai beaucoup de mal avec le double sort primaire. Par ailleurs, ce qui me chagrine un peu, dans ce domaine, c'est que la moitié des sorts ou presque n'a pas de rapport direct avec le thème de l'océan (Présage-Drain de magie-Vol d'esprit)...
  16. Plutôt que de répéter à chaque fois l'ensemble des règles, édite le premier message, ce sera mieux. Et met un peu de soulignage, gras et/ou italique pour rendre le truc plus lisible... Sinon, j'aime bien tes règles, elles sont intéressantes. L'arquebuse me semble très bien comme ceci, de même que la règle [i]Ingénieur excentrique[/i]. Je reformulerais volontiers les règles de la lunette de visée comme ceci : [quote]Malakai peut remplacer les trois tirs de son arquebuse par un seul tir doté des règles spéciales [i]Tir Précis[/i] et [i]Ignore les couverts[/i].[/quote] ça donnerait à ce tir unique une fonction assez précise (sniper un personnage ou un champion ennemi). Je n'aime pas la règle "Réputation partagée", je n'aime pas trop le fait de modifier les coûts de la liste d'armée. Et je trouve la "Chance malsaine" pas assez malsaine ; il serait cool qu'elle ait un léger inconvénient pour le joueur nain, quelque chose comme [quote]Malakai possède une sauvegarde invulnérable 4+. Cependant, toute figurine amie dans un rayon de 12 pouces (à l'exception de Malakai lui-même) doit relancer toutes ses sauvegardes invulnérables réussies.[/quote] Bon, là c'est honteusement pompé sur l'autre badine, mais y'a sans doute moyen de trouver un truc du genre...
  17. [quote]Au passage je n'ai toujours pas trouvé de vraie exception (famille heureuse[/quote] Sam dans l'épilogue. [quote] Dans le thème de la vengeance j'aurais bien mit Turin aussi pour le coup c'est vraiment une motivation récurrente,[/quote] Oui, c'est vrai. [quote]Pour Aragorn, on a sans doute une idée de vengeance,e t surtout l'influence d'Elrond en tant que père nourricier.[/quote] Très bonne remarque, qui je pense est lourde de conséquences à aux moins deux niveaux : -ça renforce beaucoup les parallèles entre Aragorn et le roi Arthur, et donc son caractère "messianique" -ça renforce aussi sa grandeur généalogique ; Aragorn a une ascendance de malade, et sa proximité intime, familiale avec Elrond rappelle les liens généalogiques autrement très éloignés qui les unissent. Or, Elrond, c'est l'incarnation de la grandeur du sang qui coule dans les veines d'Aragorn, lui être apparenté (à la fois par le sang et par l'affection) est encore plus glorieux que descendre des Rois de Numenor. [quote]Pour Frodon, je n'ai pas le sentiment que ça joue sur son caractère, ce n'est qu'un prétexte à son adoption par Bilbon, et aux querelles avec les Sacquet de Besace.[/quote] ça ne joue pas tant que ça sur sa psychologie, effectivement, mais ça joue beaucoup sur son statut dans la trame du récit. Frodon est celui qui va le plus loin dans l'aventure, à la fois géographiquement, charnellement (dans les stigmates qu'il reçoit de son aventure) et spirituellement. Or, on voit que Tolkien le "fabrique" justement comme un personnage dirigé à 100% vers l'avant, qui ne laisse rien derrière lui : ses parents sont morts, son oncle disparaît, et il vend Cul-de-Sac avant de partir. Dès le début du SdA, son aventure à lui ne se présente pas du tout comme un "Here and back again", mais comme un voyage sans retour- et cette impression va crescendo tout au long du récit, jusqu'au paroxysme sublime sur la Montagne du Destin, lorsque lui et Sam énoncent à voix haute la vérité qui était sous-jacente durant tout le roman : il n'y aura pas de voyage retour. L'apparition providentielle des Aigles tire justement sa force de sa totale opposition avec cette vérité, qui a été clairement énoncée quelques pages auparavant mais qui a été implicitement répétée tout au long de l'aventure. [quote]Pour Eomer et Eowyn, ça joue sur leur amour et leur respect pour Theodred et Théoden.[/quote] Et aussi pour Aragorn, dont la figure royale leur apparaît comme le père de substitution qu'ils n'ont pas pu trouver en Théoden (avant sa rencontre avec Gandalf) ; d'où le transfert amoureux qu'ils effectuent tous deux vers Aragorn, Eomer sous la forme de l'allégeance chevaleresque, Eowyn par un biais plus romantique. [quote] Pour Faramir et Boromir, j'ai l'impression que c'est en effet plus la figure écrasante du père que l'absence de la mère qui les influences dans le récit. [/quote] Je ne saurais pas trop dire si Denethor est écrasant ou non, mais je le qualifierais surtout de père indigne. Et là encore, Tolkien joue avec beaucoup de force sur la consubstantialité de la figure paternelle et de la figure royale pour construire le messianisme d'Aragorn ; Denethor est un père indigne autant qu'il est un roi indigne, et si les premiers Gondoriens à le reconnaître comme roi sont précisément les fils de Denethor, c'est d'autant plus fort qu'il s'agit personnages qui ont subi Denethor comme intendant et comme père...
  18. Tout ce que nous disons est aussi à lier à l'importance du "méchant" : la lutte contre Morgoth mobilise des puissances capables de rayer le Beleriand de la carte, Sauron ne requiert "que" les 5 Mages (sachant en plus que y'en a que 1 sur 5 qui fait son boulot correctement). Cf les nombreux dilemmes de Gandalf qui veille toujours à ne pas faire plus que ce pour quoi il a été envoyé. L'exemple des Istari est peut-être une bonne façon de penser le retrait au moins apparent des Valar : quand on voit que Gandalf, qui est une puissance relativement mineure dans la hiérarchie de Valinor, se garde bien de faire usage de toute sa puissance pour ne pas empiéter sur la liberté des Enfants d'Eru, on peut comprendre que Ulmo, bien plus important, ne s'amuse pas à déchaîner sa puissance comme il pouvait le faire au Premier Âge.
  19. [quote]Ahah hérétiques! il faut vous le répéter combien de fois que Faramir ne rêve pas de Boromir? C'est écrit noir sur blanc, il le voit véritablement[/quote] Ah oui. Mais dans son rêve désespérant, il voit la mer, je crois. Fin bref, autant pour moi. [quote]Je pense qu'Ulmo est un peu l'alter ego de Manwë, que celui-ci est assez prisonnier de sa place et qu'Ulmo représente une liberté qu'il ne peut pas se permettre.[/quote] C'est une idée intéressante. Dans la Tétralogie, il y a un peu de ça : Odin est aussi prisonnier de sa fonction royale, et il lui arrive de donner des ordres en espérant secrètement qu'on lui désobéisse... Il y a peut-être de ça dans la relation étrange entre Manwe et Umo. [quote]Qu'entends tu par la christianisation d'Ulmo ? [/quote] Bah, pas grand-chose dans son style en fait, plutôt dans le sens qu'il donne à son action. Genre, ce que tu as cité des Contes et Légendes : "C'est pourquoi, bien qu'en ces temps obscurs je paraisse agir contre la volonté de mes frères, les Seigneurs de l'Ouest, c'est là mon rôle parmi eux, lequel me fut assigné avant la création du Monde.", c'est intéressant : dans les légendaires païens, le "chieur de service" du panthéon ne justifie pas ainsi son attitude. Et parler de vocation transcendante, et même antérieure à avant la création du Monde, c'est vachement chrétien. De même, je sais plus si c'est dans le Silmarillion ou les CLI que se trouve le passage où Ulmo se bat avec Morgoth, et qu'il s'extasie devant l'apparition des premiers flocons de neige. Là, il rentre dans des considérations très chrétiennes sur la façon dont la Providence tire du Bien même du péché, tire de la Beauté même de la laideur. [quote]est-ce que pour vous le moment où Frodo rêve de Gandalf sur Orthanc est lié à l'affiliation d'Olorin à Lorien ? J'ai envie de dire que c'est peu probable puisque le domaine d'Olorin c'est justement les visions qui ne sont pas des rêves ; sans compter que Gandalf est surpris du rêve de Frodo et lui fait remarquer qu'il était en retard. Mais du coup quelle explication lui donner ? (si il y en a une).[/quote] Hum, question à creuser. Je préfère relire tout ça avant de répondre. [quote]C'est évident. J'ai oublié de rajouter que le fleuve Anduin est une zone de combat d'un bout à l'autre, une frontière, là où le Sirion est un refuge. Preuve que Ulmo s'est quand même bien retiré des eaux de la Terre du Milieu ?[/quote] ça me rappelle autre chose, aussi : le Seigneur des Anneaux est aussi une transition entre le Troisième et le Quatrième Âge, il est un jalon important dans le passage du temps du mythe au temps de l'Histoire. D'où ses différences profondes avec le Silmarillion : forme romanesque, psychologie des personnages digne de ce nom, etc... On peut donc voir les différences d'intervention des Valar entre les deux récits non comme des différences de fond des évènements, mais comme des différences de forme du récit : là où les conteurs du Silmarillio nous parlent de dieux marchant parmi les mortels et se livrant des guerres titanesques, le Seigneur des Anneaux nous parlent des mystères de la Providence et du sens de l'Histoire... Enfin, cf aussi ce que j'avais dit ici : http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=190281 [quote]Dans mes souvenirs, lorsque l'armée de Valinor entre dans Angband, elle est menée par Eonwë, qui n'est qu'un Maia. S'il y avait eu des Valar dans le tas, c'est vraisemblablement l'un d'entre eux qui aurait pris la tête de l'armée. Par ailleurs, ça me semble plus coller avec avec la succession des grandes guerres dans l'histoire d'Arda : les protagonistes partent des plus hautes puissances angéliques pour arriver aux hommes : Guerre des Puissances : le salut vient par les Valar, les plus hautes puissances angéliques Guerre de Grande Colère : le salut vient par l'armée de Valinor, c'est à dire des Elfes et des anges mineurs Fin du Second Age (première défaite de Sauron) : le salut vient par des Elfes et des Hommes Fin du Troisième Age (destruction de l'Anneau unique) : le salut vient par des Hommes et des Hobbits Dans cette optique de descente progressive dans la "noblesse" des instruments d'Eru pour sauver le monde, il me semble logique de considérer que l'armée du Valinor lors de la Guerre de la Grande Colère était d'une moins grande "noblesse" que les Valar de la Guerre des Puissances, tout comme Frodon Sacquet et ses amis hobbits sont d'une moins grande noblesse que les Rois des Elfes et des Hommes qui défirent Sauron à la fin du Second Age.[/quote] Oui je me cite moi-même, na. Le fait qu'on ait une désincarnation et, comme tu le relèves, une dépersonnalisation des Valar concentre davantage le récit sur les Hommes, les nouveaux agents du salut dans l'Histoire. Et tu as aussi bien montré que le seul des Valar à être franchement nommé l'est sous le mode de l'allusion mythique, non-historique.
  20. [quote]Attaque Serpentine (Attribut de domaine) Les sorts de ce domaine attirent les serpents qui répondent à l’appel du lanceur de sort. Si un sort du domaine du Serpent est lancé avec succès vous pouvez réaliser une attaque de Force 3 contre une figurine (y compris un personnage dans une unité) dans un rayon de 12 ps du sorcier.[/quote] Attaque empoisonnée ? ça serait fluff et utile... Mais s'agit-t-il d'une attaque ou d'une touche ? Et si attaque, quelle CC ? J'ai l'impression que tu as voulu dire touche, mais perso, je verrais bien CC4 F3 attaques empoisonnées : le fait de devoir faire un jet pour toucher est moins fort, mais l'attaque empoisonnée est fluff et d'une certaine efficacité.
  21. Eh eh, s'il faut causer de tous les orphelins du légendaire, c'est la quasi-totalité des personnages de Tolkien qu'il va nous falloir évoquer... Plutôt que de procéder à des découpages généalogiques, qui ne sont pas forcément les plus pratiques pour dégager des interprétations globales (puisque deux personnages proches généalogiquement peuvent se lire de façon fort différente), j'aimerais lancer des découpages "thématiques" : [b]La vengeance[/b] Le coup du héros qui doit venger la mort de ses parents, ça c'est facile et Tolkien ne s'en prive pas. Feanor poursuit Morgoth qui a tué son père, Beren aussi. Le père d'Aragorn est tué par les Orques, et si Aragorn ne prend pas vraiment d'allures de Némésis, ça contribue certainement à son personnage (même s'il est plus dans l'héritage que dans la vengeance). [b]L'héritage[/b] La généalogie, chez Tolkien, c'est important, et ses personnages se définissent souvent par leur ascendance. Aragorn est un excellent exemple ; on pourrait répéter ici tout ce qui a pu être dit au sujet de "race et sang chez Tolkien". Pour dire vrai, je me demande si ce sujet entier ne pourrait pas être fusionné avec "Race et sang", parce que dans ma tête, on est dans une sous-catégorie des thématiques généalogiques chez Tolkien. On peut aussi évoquer les aventures de Bilbon, qui sont une découverte de sa propre identité familiale après la mort de ses parents ; d'où le bla-bla sur son côté Touque et son côté Sacquet. Pour aller un peu plus avant sur les liens de filiation, il faut voir que l'héritage peut être une bénédiction comme une malédiction. J'ai récemment relu l'oeuvre d'un certain Kierkegaard, philosophe danois qui pensait qu'il devait expier l'adultère de son père, et obsédé par ce verset biblique : [b][i]"Les pères ont mangé des raisins trop verts, et les fils en ont eu les dents gâtées." [/i][/b] Ces mots seraient nickel pour décrire les enfants de Feanor : leur père a pété un câble, et eux se retrouvent à commettre les pires insanités : trahison, mensonge, complot, meurtre... [b]Belles-mères et demis-frères[/b] ça aussi, c'est un classique littéraire (Cendrillon, Joseph, etc...), et une occasion en or d'infliger souffrances et rancunes à ses personnages. L'exemple magnifique en la matière est l'auguste Fëanor, qui se fait un devoir de haïr sa belle-mère et ses demi-frères. Cela crée des relations terribles, notamment dans la logique féodale du légendaire, puisque les liens de loyauté familiale ne correspondent plus à des liens d'amour réel : ainsi Fingolfin suit-il un frère qu'il n'aime pas uniquement parce qu'il s'agit du fils de famille. On peut peut-être voir là la véritable origine de la damnation de la famille de Finwe : lorsqu'il n'y a plus de correspondance entre loyauté légale et amour familial- et c'est bien cette discordance qui permettra à Feanor de trahir son propre sang (qu'il le veuille ou non) en abandonnant Fingolfin sur la banquise. On peut relier ce propos au précédent, en disant que le légendaire de Tolkien, comme beaucoup d'autres légendaires "familiaux", transcrit la polygamie ou le remariage comme un risque de trouble dans l'identité familiale qui est à la base des relations humaines (conçues comme féodales) : Feanor se refuse à reconnaître Fongolfin comme son frère à cause de ça, c'est un peu un mixte entre Abel et Joseph. [b]Se priver des liens de sang familiaux pour les liens spirituels de l'amitié[/b] Je m'excuse du caractère pompeux de cette expression, mais je pense que c'est aussi un thème important de la Communauté de l'Anneau. Car si certaines histoires sont effectivement des quêtes des origines, j'aime pas trop la tendance qui veut généraliser ça, et la Communauté de l'Anneau me semble être un joli contre exemple. Frodon ne part pas en quête de ses origines, et Sam n'est ni un père, nu frère (ni une femme ) de substitution pour lui. Pourtant, son statut d'orphelin n'est pas dénué d'intérêt ; d'autant qu'il partage ce trait avec Aragorn, l'autre "messie" de la Communauté. On sait par ailleurs que Boromir a perdu sa mère très jeune (et que de manière générale, il n'a pas grandi dans un milieu familial idéal, mais dans un pays où les père se soucient plus des tombeaux de leurs ancêtres que de leurs enfants vivants), et on ne sait rien des mères de Legolas et Gimli. Or, la Communauté de l'Anneau n'est pas une famille de substitution, car les liens qui unissent ses membres de relèvent pas de la fusion identitaire (cf le caractère racialement hétéroclite de la communauté). Ce sont des liens d'amitié chevaleresque qui entraînent ces gens très loin de chez eux ; les liens familiaux, eux, encouragent à rester au foyer, et c'est lorsque ces liens familiaux sont pourris qu'ils poussent à partir (comme Feanor et les siens quittant Aman). L'amitié est un moteur, là où la famille est une force de conservation (c'est à dire qu'elle est utile pour se maintenir en vie, mais qu'elle pousse à l'immobilisme). Donc, un héros orphelin, c'est aussi un héros avec une espérance de vie moins élevée, mais apte à se bouger le cul plus spontanément (Aragorn et Frodon sont très représentatifs de ça). Voilà voilà, donc en gros, perso je pense que ce thème des orphelins n'est pas détachable de considérations globales sur la place de la généalogie, de la famille, du sang et de la race dans le légendaire.
  22. Intéressant relevé de faits. Il faudrait peut-être distinguer les périodes non selon l'Âge auquel elles se rapportent, mais selon le bouquin où elles sont décrites (ce qui produit un découpage strictement identique, mais la perspective n'est pas tout à fait la même). Lorsque Tolkien écrit le Seigneur des Anneaux, il me semble que la "christianisation" de son légendaire est déjà bien avancée ; or Manwe, avec ses allures de Saint-Michel et de Providence, et sans beaucoup plus "chrétiennement correct" que Ulmo (même si celui-ci est en partie christianisé dans les versions successives du Silmarillion). Aussi, le SdA est un voyage vers l'Est, donc qui s'éloigne de la mer, donc l'absence d'Ulmo a aussi des causes plus prosaïquement internes au récit. Ajoutons aussi que je ne saurais pas dire si Manwe lui-même est nommé ne serait-ce qu'une seule fois dans le SdA ; si le connaisseur du légendaire peut reconnaître son intervention, dans la narration du récit même, les événements que tu décris apparaissent plutôt comme le fruit d'une étrange providence divine, dont Manwe n'est finalement que l'intermédiaire : la narration ne distingue pas la providence qui fait arriver les Aigles de celle qui organise le Conseil d'Elrond, et on peut dire qu'il a raison de ne pas faire cette distinction en considérant que finalement, Manwe lui-même n'est qu'un agent, un maillon de la chaîne. [quote]La première est réalisée grâce à Elrond qui fait sans doute appel aux pouvoirs de Vilya (l'Anneau de l'eau). Est-ce que cet Anneau nécessite une action du Valar concerné ? (ça reste peu probable puisqu'il y a un Anneau du Feu sans qu'il y ait de Vala lié au feu exclusivement) Rappelons quand même que Gandalf ajoute sa touche perso : une façon de rappeler la complicité entre Manwë et Ulmo ? [/quote] Cette lecture me laisse très très sceptique... [quote]La barque de Boromir elle reste miraculeusement à flot (ce qui rappelle les sauvetages en mer, spécialité d'Ulmo) et rappelons que Faramir aperçoit Boromir dans un rêve, comme les visions de Cirdan de la chute de Nargothrond ou comme celles de Gondolin pour découvrir la vallée cachée[/quote] Idem. Cependant, dans cer dernier exemple, il y a quelque chose de vraie, c'est l'association, disons "esthétique", entre l'aquatique et l'onirique (ce qui n'est pas propre à Tolkien, je sais pas moi, dans la peinture baroque aussi ça se trouve) : les circonvolutions troublantes de l'eau sont associées poétiquement à celles du rêve. Cela explique peut-être en partie les dons de visions que confère Ulmo à ses protégés d'une part, et d'autre part, le fait que Faramir, lui-même étant sujet aux songes prémonitoires, voit souvent de l'eau dans ses rêves. Donc, s'il n'y a pas de rapport entre logique entre Ulmo et Faramir, on peut peut-être voir au moins un rapport esthétique. 2 sous
  23. Poupi

    De Tom Bombadil

    Et c'est reparti : [quote]D'abord, je pense qu'il y a vraiment une importance du choix. Tu dis que Tom est Tom, Frodon est Frodon. Mais c'est le choix du dévouement de Frodon qui fait toute l'importance de son sacrifice. Il n'est pas le fils de Dieu, il n'est pas "là pour ça" depuis qu'il est né. Pense au moment où Ar-Pharazôn se tient sur le rivage d'Aman, où il hésite à continuer; au moment où Théoden se tient près du Rammas Echor, où il hésite également (même si ici, le vent change et on peut se douter qu'il est poussé ou par Manwë, ou par Eru). [/quote] Les faits que tu relèves sont justes et importants. Cependant j'ai des scrupules à parler de choix, je préfère parler de [b]consentement[/b], qui transcrit mieux la spiritualité du Seigneur des Anneaux, reconnaît l'importance de la liberté de la personne sans omettre le caractère transcendant de sa vocation. Frodon n'a pas choisi d'être le Porteur de l'Anneau, mais il y a consenti. Ar-Pharazon et les Rois de Numenor n'ont pas choisi leur condition d'êtres mortels, et en plus, ils n'y ont pas consenti non plus. Là, c'est flagrant ; et je pense même qu'on peut pousser plus loin, et dire qu'en fait, Théoden n'a pas choisi de mener son peuple à la guerre, il y a consenti. [quote]. Il en aurait, selon toi, plein (et selon moi aussi, mais pas des "agents"). Ils ont forcément leur liberté, et je persiste à croire que l'amour est une des choses qu'on ne peut leur enlever, comme la fameuse compréhension de Sam qui va le faire rejoindre Frodon. [/quote] En fait, je pense que pour toi, être un agent de Dieu, c'est une perte, ou en tout cas d'une diminution de sa propre liberté. Le truc, c'est que comme souvent avec Tolkien, les discussion littéraires se mêlent facilement de considérations philosophiques et théologiques... Et dans une philosophie aussi pieuse que celle de Tolkien, obéir à Dieu, ce n'est pas un renoncement de la liberté, c'est au contraire l'exaltation de la liberté à son plus haut point... J'espère que je peux me permettre ici un petit commentaire reposant sur mes lectures personnelles, mais genre, quand Kierkegaard explique qu'il n'y a peut-être eu que trois hommes véritablement libres dans toute l'histoire de l'humanité (Abraham sacrifiant son fils, Marie acceptant d'être la mère du Seigneur, et Saint Matthieu quittant son boulot pour suivre le Christ), ça me fait vachement penser au Seigneur des Anneaux : lorsque Frodon accepte de porter l'Anneau, il porte sa croix, mais ce n'est pas un renoncement à sa liberté, c'est au contraire la plus haute pratique de sa liberté qu'il ait jamais vécue. Donc, tout ce blabla pour dire que l'amour de Sam et Frodon, je pense que c'est juste absurde de vouloir le présenter comme indépendant de la volonté divine, et idem pour les choix personnels des personnages. [quote]Poupi est Morpheus[/quote] Bon, celle-là j'imagine que je l'ai méritée Si je peux faiblement me justifier, si le ton que j'emploie et parfois très assertorique, il ne s'agit toujours que de l'explicitation de mon point de vue. Je ne prétends pas jouir d'une infaillibilité pontificale quelconque... [quote]En bref, tout ça pour dire que je ne suis pas convaincu par le rapport désengagement politique - pas d'enfant, mais que je suis toujours à l'écoute de tes arguments ^^[/quote] Pour la faire courte, Tom ne cherche pas à modifier le monde, à influer sur le monde, que ce soit par le combat, par la création, l'artisanat, ou par l'engendrement. [quote]Ah si ! Là il était très clair que dans ta phrase les "esprits connaissants" c'était à la fois Baie d'Or et Bombadil puisque c'était au pluriel.[/quote] Oui bah d'accord je me suis trompé, rololo, ce plaisir mesquin à relever la faute... Dites donc, je me rend compte que tout ce bazar, le propos sur Bombadil lui-même devient minoritaire... Tâchons de nous recentrer...
  24. Poupi

    De Tom Bombadil

    Fichtre, nos posts sont carrément longs. Allons-y donc. [quote]Le fait qu'il sache "qu'il n'en fait pas partie" est à mon avis de l'interprétation. Il choisit de ne pas en faire partie.[/quote] Je pense que là, tu plaques sur le SdA une philosophie qui lui est tout à fait étrangère. Les personnages de Tolkien ne choisissent pas leur vocation, ils la découvrent. Frodon n'a pas choisi d'être le Porteur de l'Anneau, Aragorn n'a pas choisi d'être l'héritier d'Isildur (même s'il se plait bien dans la peau du personnage ), et Tom Bombadil n'a pas choisi d'être Tom Bombadil. Il est, comme dirait l'autre. [quote] Mais si Tom ne se bat pas, c'est aussi parce qu'il n'a rien à apporter. Gandalf est le seul à voir la bravoure cachée au fond des Hobbits. Il sent qu'ils sont quelque chose d'important pour cette guerre. Les Rohirrim, le Gondor, sont des forces évidentes. Mais Tom est inutile.[/quote] Ok, je crois que je vois ce que tu veux dire... Je pense en fait que c'est une autre facette de la même réalité "narrative" (je trouve pas de meilleur mot) que je décris : ce n'est pas sa guerre, X il n'a rien à y apporter. Peut importe que l'on mette un "car" ou un "donc" à la place du X : ce sont deux facettes de la même réalité. [quote]Quant à la victoire du mal, elle est possible. [/quote] Comment dire... En fait, je ne dis pas que la victoire du mal est possible ou impossible. Je dis que le possible est un faux problème pour penser le Seigneur des Anneaux, qu'il faut oublier les concepts mêmes de possible et d'impossible. Ce qui compte, c'est ce qui se passe, pas ce qui pourrait se passer, car c'est ce qui se passe qui construit le sens de l'histoire. [quote]ertes Morgoth est défait, mais par l'armée des Valar, pas par l'action d'Eru, et parce que c'est Eärendil qui a prié pour le pardon des Noldor. "Dieu" ne joue pas de rôle salvateur ici, l'humain est très présent... au contraire de la découverte de l'Anneau. Les plans étaient déjà pour la domination de la Terre du Milieu après la victire. Sauron aurait pu gagner, n'eût été cet espoir de l'Anneau. Alors Eru veille certes au grain pour donner leur chance à ceux qui le peuvent... mais s'ils défaillent, ils défaillent. Il ne tire pas constamment les ficelles (l'amour que voue Sam à Frodon et le fait qu'il comprenne que son maître est sur les gués et qu'il ne sert à rien de suivre Aragorn qui remonte Amon Hen? Cela ne doit rien à Eru, et heureusement!).[/quote] Je crois sincèrement que dans la spiritulité chrétienne de Tolkien, le gentil Dieu n'est étranger à aucune belle chose qui se fait sur cette Terre. C'est tout particulièrement flagrant dans les ressorts strictement providentiels, comme le Conseil d'Elrond réunit par-hasard-mais-pas-par-hasard, dans Gollum qui vient accomplir la Quête malgré lui lorsque Frodon échoue (parce que Frodon échoue, faut pas l'oublier), les Aigles arrivent lorsque ça va plus, etc., etc... Mais aussi dans le reste : dire que "l'amour ne doit rien à Dieu" comme tu le fais, le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne pense pas qu'un catho comme Tolkien serait entièrement d'accord... Quand tu dis "mais s'ils défaillent, ils défaillent", ce n'est pas vrai : Boromir se voit offrir son rachat (et l'accepte) juste après avoir succombé au péché, Frodon échoue mais Gollum débarque pour assurer le coup... Les personnages du SdA ne sont pas des héros païens qui triomphent par leur seule vertu. Ce sont des pécheurs et des agents du salut. [quote]Croire qu'ils allaient de toute façon gagner, c'est renier le fait que pour y parvenir ils devaient affronter ces épreuves, puisqu'il y aurait eu un filet pour les rattraper.[/quote] Pas du tout. C'est là la notion même "d'agent du salut" : le plan divin se déroule à travers l'Histoire, et prend l'Homme comme coopérateur. J'espère que ça gave pas que je reparte dans l'intertexte religieux, mais en l’occurrence, c'est comme si tu commentais l'Ancien Testament en disant : "Dire qu'Israël est le peuple élu, c'est renier les épreuves qu'il a du traverser !". Au contraire. Aragorn, Frodon, Sam aussi, et de manière générale la quasi-totalité des personnages de Tolkien sont des hommes choisis pour accomplir le salut sur la Terre. ça passe par une Histoire, avec son lot de souffrances. Mais il n'empêche qu'ils accomplissent le plan divin. [quote]Tu disais qu'on pouvait 'légitimement' se demander pourquoi Bombadil n'aidait pas. Pour moi, on peut aussi légitimement se le demander pour les Aigles. C'est-à-dire que c'est inutile: c'est par la force du poignet qu'ils devaient se sauver.[/quote] Ok. Mais en l’occurrence, Tom et les Aigles sont fort différents... et faudrait nuancer ce que tu dis à leur sujet, mais c'est pas l'endroit. [quote] Les "si" peuvent être utiles.[/quote] Non. (ploie sous la puissance de mon argumentation ) [quote]Encore que dans la vie, on peut faire des choix aussi Regarde Radagast, il sert à rien il aide quand même! [/quote] Oui mais non, justement, les Istar sont très représentatif de ce que je disais plus haut : ils ne choisissent pas leur vocation, ils ne peuvent que l'accepter ou la refuser. ça n'est pas comme choisir sa vocation, comme choisir d'être engagé ou non. Tom n'a pas refusé d'être engagé, il ne l'est pas. [quote]Pas nécessairement non? Le mariage est un cadre aux relations sexuelles. Mais il n'y a pas de sexe en dehors de la procréation.[/quote] On va pas se faire un gros HS sur ce détail mineur, donc je vais pas réciter ici mes cours de théologie sacramentelle. Mais pour la faire court, le mariage se défini comme une union qui implique l'union sexuelle. Et l'union sexuelle n'est jamais pensée comme séparée des autres unions matrimoniales (paske bon, aussi, quoiqu'on puisse lire et entendre dans le mainstream ambiant, la théologie catholique de la sexualité, c'est un peu plus intéressant que "Le sperme sert à faire des enfats"). Pour le petite histoire, tant qu'un mariage n'est pas consommé dans la chair, il peut être annulé à l’Église. Pensez-y, ça peut toujours servir. Sur ce fermeture de parenthèse. [quote]Il y a une simple et bonne raison pour laquelle ils n'ont pas d'enfant, c'est qu'il n'y a que des orphelins chez Tolkien, de père ou de mère[/quote] Ah, ça, je trouve ça carrément pertinent, et c'est vraiment cool de le relever ! Mais le reproche que je te ferais, c'est que tu donnes à cette lecture super-pertinente un caractère exclusif : "puisque cette lecture est pertinente, alors les autres ne le sont pas." Mais cette explication n'est en rien incompatible avec d'autres (qui se combinent toujours, et se superposent à différents plans, dans un texte littéraire), surtout qu'elle ne s'inscrit pas sur le même plan : là où j'ai entamé cette discussion avec une interprétation plutôt philosophique/allégorique/etc..., la tienne se joue plus tôt dans le domaine du biographique/psychologique. Ce n'est pas incompatible : l'écriture de Tolkien est certainement motivée à la fois par les traumatismes de son mignon petit inconscient et par ses convictions d'homme. [quote]Certes. Et Bree a "deux morts", je crois..., ça c'est de l'engagement.[/quote] Oui, ça en est. Qu'il y ai des degrés d'engagement dans le SdA, c'est certain ; Frodon est plus engagé que le Poiredebeurré. Mais ce qui m'intéresse, dans le cas de Tom Bombadil, c'est la ligne rouge entre le non-engagement et le degré 0 de l'engagement : ce n'est même pas que Tom est très peu engagé, c'est qu'il ne l'est pas. [quote]Il n'a aucun désir de domination... la terre, c'est déjà quelque chose! [/quote] La domine-t-il vraiment ? [quote]Je ne te suis pas. Ils n’ont pas d’enfants car ils ont peur qu’il ne devienne orphelin ? Je ne crois pas : Tom n’a pas peur, il est le maitre chez lui.[/quote] J'imagine que Tiki voulait dire que Tolkien, lui-même orphelin de père à 4 ans et de mère à 12 ans, a tout simplement du mal a décrire des familles heureuses dans ses oeuvres...
  25. Poupi

    De Tom Bombadil

    [quote]"Tom a à s'occuper de sa maison, et Baie d'Or attend !" Pendant qu'il va libérer les Hobbits des Galgals Baie d'Or fait la lessive. [/quote] ça y est, le pauvre Professeur va encore se faire traiter de phallocrate Remarque, c'est pas faux. [quote]Si elle reste entre les murs je ne suis pas sûr du tout que Baie d'Or soit un "esprit curieux".[/quote] Comme quoi je ne suis pas si clair que ça. Dans mon esprit, l'esprit curieux, c'est Tom. Baie d'Or fait partie de ses objets de curiosité -d'où son statut d'incarnation de la Nature : elle est littéralement le monde que Tom se plaît à contempler (c'est d'ailleurs, dans ses aventures, au cours d'une de ses promenades champêtres que Tom la rencontre et la conquière). C'est pour ça que leur absence d'enfant me semble pertinente : la rencontre entre l'esprit connaissant et le monde connu, pour un utilitariste ou un technicien, il doit être fertile et porter des fruits. Mais Bombadil aime sa femme non pour lui faire des enfants, mais pour lui apporter des fleurs ; en ce sens, son attitude est plus celle d'un amant que celle d'un mari. On peut aussi rapprocher leur relation des amours d'adolescents (au sens large de jeunes gens avant le mariage) ; et je pense que ça participe à l'esprit "enfantin" que Celefindel trouve à Tom : un foyer avec un père, une mère et des enfants, c'est tout de suite plus sérieux que deux amoureux qui s'offrent des fleurs au fond des bois. J'avais déjà dit que la Vieille Forêt n'était pas féerique au sens où l'est notamment la Lorien. J'ai retrouvé l'extrait des Lettres que j'avais en tête ; c'est dans la Lettre 210 où Tolkien se plaint du manque de fidélité des premières tentatives d'adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux (s'il avait vu PJ...) : [quote][b]We are not in 'fairy-land', but in real river-lands in autumn. Goldberry represents the actual seasonal changes in such lands.[/b][/quote] C'est à dire [quote][b][en parlant de la Vieille Forêt] Ce n'est pas un pays féerique, c'est un pays réel, avec de vraies rivières, et Baie d'Or représente les changements réels de saison dans ce type de pays.[/b][/quote] Bon, c'est court, comme citation, mais à partir de là, on peut broder en disant que la relation entre Tom et Baie d'Or est un peu la relation que l'intellect devrait avoir avec la nature : un plaisir de contemplation, plutôt qu'une relation utilitariste d'engendrement. [quote]En fait à défaut de les priver de "genre" puisque ça serait un changement trop important, Tolkien se contente de les priver de sexualité, c'est cela ?[/quote] C'est vraiment ce qui ressort des évolutions successives du légendaire... [quote] Du coup on a une sorte de "désenchantement du monde" (ça m'y fait juste penser mais plus que les Valar on a les tentatives de rationalisation -au prix de bouleversements dévastateurs- qui s'empare de Tolkien à la fin de sa vie) qui est à la fois interne (du Premier au Troisième Âge) et externe (des années 20 aux années 60) ? Tiens ça me donne une idée de sujet... [/quote] Je sais pas, j'irais peut-être pas jusqu'à dire ça... J'ai parlé de "christianisation", pas de "désenchantement"... Après, savoir si un ange c'est plus ou moins enchanté qu'une dryade... [quote]Enfin,je pense que Tolkien a plutôt voulu caser un personnage qui lui plaisait plutôt qu'un véritable habitant de la TdM, lié à son histoire.Il apparait comme en étant complètement extèrieur aux péripétie de la TdM et Tolkien le cantonne à une paranthèse, en justifiant son incapabilité d'aider durant le conseil d'Elrond (comme pour le sortir le plus rapidement du récit).Le seul doute qui me reste concernant le coté cheveu sur la soupe de Tom, c'est le fait que Gandalf retourne le voir après. Mais là encore Tolkien ne dort pas d'indications. C'est à se demander si là encore il ne sert pas d'excuse à Tolkien pour justifier que Gandalf abandonne les hobbits au retour, le temps que ceux ci accomplissent leurs exploits en comté.(Je ne suis plus sur que ma chronologie soit exacte, je n'ai pas le livre sous la main.)[/quote] ça, c'est très très juste sur le coté radicalement "cheveu sur la soupe" de Bombadil. [quote]La Lorien est un domaine préservé par la magie de Nenya, l'Anneau de Galadriel (parfois désigné comme le plus grand), conservé hors du temps et de l'atteinte de l'Ennemi. La venue de l'Unique représente une menace dans la mesure où si il est détruit il est fort probable que les Trois perdent leur pouvoir (c'est ce qui arrive, les porteurs quittent la TdM et la Lorien dépérit). Les Elfes en ont conscience mais acceptent ce sacrifice pour sauver la TdM mais ils signifient bien à Frodo la tristesse que sa quête représente...[/quote] Exactement. La Lorien, par sa simple nature, est profondément engagée, profondément concernée par la lutte contre le Seigneur des Anneaux, ne serait-ce que parce qu'elle repose sur l'un des Anneaux de Pouvoir...
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